L'écrivantaire

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récits d'expériences d'ateliers d'écriture [ P O U R Q U O I PA S L’ É C R I T U R E ? ]



récits d'expériences d'ateliers d'écriture



une idée modeste devenue un projet au long cours La Ligue de l’Enseignement des Vosges est engagée depuis de nombreuses années dans les projets en lien avec la promotion de la lecture et de l’écriture. Elle a développé un savoir-faire en organisant principalement des ateliers de pratiques artistiques « écriture » en milieu scolaire. Cette compétence repérée au plan local par les services de l’état (à l’époque Jeunesse et Sport) lui a permis d’initier un projet à destination des centres sociaux de l’agglomération. Après avoir mis en place des modules de formation généraux « approche du livre et de la lecture » pour les animateurs des centres de loisirs, la Ligue a imaginé et coordonné une série d’actions ayant pour objectifs l’expression des publics par le biais de l’écriture. Depuis neuf ans, l’aventure se poursuit. Elle a débuté avec l’idée que l’écriture pouvait servir les projets socioéducatifs dans les équipements de quartier et asseoir la place de cette pratique auprès des professionnels de l’animation. En effet, la rencontre des publics jeunes ou adultes avec l’univers des mots peut créer des temps d’animation originaux dans les quartiers. Elle a la capacité de changer la perception souvent négative que les jeunes entretiennent avec la lecture et l’écriture. Elle favorise la dynamique de projet au sein des structures de proximité. Cette aventure au long cours a permis de sensibiliser les équipes permanentes aux « jeux d’écritures », et d’accueillir dans les centres plusieurs auteurs et illustrateurs venus travailler avec de nombreux publics de tous âges. Durant ces deux dernières années, une petite dizaine de personnes, tous professionnels de l’animation ou de l’éducation spécialisée, se sont rencontrées régulièrement pour se former à la conduite d’ateliers d’écriture et délivrer leurs témoignages dans un ouvrage collectif au profit de cette pratique. Cet aboutissement finalise la progression et l’enchaînement des différents projets qui ont jalonné le parcours du groupe jusque-là : projets tournés vers la valorisation de la parole, vers la transmission de savoir-faire et vers une pratique artistique riche en création et en rencontres humaines. Phillipe Urbain, délégué culturel à la La Ligue de l’Enseignement des Vosges


Aucun mot ne vit isolé sans appeler aucun mot ne se lit délié Issue de retour, Jean Louis Giovannoni


Les auteurs de ce livre sont des professionnels des secteurs culturel et/ou social. Éducateurs, animateurs, directeurs, délégué culturel… Ils viennent raconter une expérience, celle de l’atelier d’écriture. Il ne s’agit pas pour eux de donner des recettes ou des conseils pour conduire un des ces ateliers mais bien de partager ce qu’ils ont traversé ces deux dernières années. Eux-mêmes ont fait le chemin de l’écriture, lors de la formation à l’animation qu’ils ont suivie, une journée par mois, pendant presque deux années. Vagabonder de textes en textes, tâtonner, imaginer, se souvenir, tenter des formes, se hasarder dans des voies inconnues et se laisser porter par les mots jusqu’à entendre sa petite musique, celle qui fait signe et signe un texte. Aborder sur les rives d’une écriture singulière et s’y engager avec les mains, les mots, son corps tout entier : écrire. Écrire parce que faire écrire demande de se mettre soi-même dans ce mouvement. Qui en effet imaginerait un maître nageur qui n’aurait jamais mis sa tête dans l’eau ? Alors qu’eux-mêmes entraient en écriture, ils ont mis en œuvre, chacun dans leur structure respective, des ateliers auprès de publics qu’ils accueillent ou parfois de leur équipe de travail. Les articles qui suivent témoignent de toutes ces histoires nées de la mise en place de ces ateliers d’écriture. Ils s’adressent à des pairs et à tous ceux qui aimeraient comprendre, observer, interroger ce que l’écriture peut apporter à des enfants, à des adultes ; ce qu’elle vient bousculer, agir et faire agir chez ceux à qui l’on s’adresse mais aussi chez celui qui se trouve dans la posture d’animation. Les auteurs ne cachent ni leurs doutes, ni les erreurs qu’ils ont pu faire, ni leurs inquiétudes parfois ; ils ne cachent pas non plus l’enthousiasme et la joie qu’ils ont eus à se lancer dans cette aventure d’écrire et de faire écrire. Avec générosité, ils donnent à lire un moment de leur vie, avec la certitude que l’écriture peut apporter des moments rares, une forme de liberté, une autre façon d’être dans le monde.

Julia Billet Écrivain, a animé une formation aux ateliers d’écriture auprès des auteurs de ce livre. Elle a par ailleurs coordonné cet ouvrage.


Fermé à l’arithmétique d’abord, aux mathématiques ensuite, profondément dysorthographique, rétif à la mémorisation des dates et à la localisation des lieux géographiques, inapte à l’apprentissage des langues étrangères, réputé paresseux (leçons non apprises, travail non fait), je rapportais à la maison des résultats pitoyables que ne rachetaient ni la musique, ni le sport, ni d’ailleurs aucune activité parascolaire. Chagrin d’école, Daniel Pennac


Choisir une seconde langue en CM1 alors que je ne maîtrisais même pas la première… c’est curieux comme démarche. Déjà que je n’aimais pas lire ! Bizarre pourtant : des livres à la maison, une carte de bibliothèque à disposition et à l’époque pas de portable ou d’internet, trois chaînes à la télé… Bref, pas autant de tentations que de nos jours. Mais non, rien n’y faisait. À l’école, ce n’était pas mieux. Pourtant les rédactions ne me déplaisaient pas, une certaine impatience s’instalait s’installait même avant de connaître le fameux « sujet ». Le vocabulaire ne me manquait pas, les idées non plus, mais la complexité de l’orthographe et de la conjugaison française me laissait loin du podium des meilleurs élèves. C’était un véritable calvaire ces dictées, mais pour moi à partir du moment où je me comprenais... d’ailleurs cela n’avait pas l’air de déranger plus que cela mes camarades. Finalement, ceux qui étaient le plus gênés étaient minoritaires : les enseignants et ma famille qui recevait mes cartes postales de vacances. Pour être franc, le temps « sacré » de la dictée me mettait dans une situation de malaise. Souviens-toi, mauvais élève : le « prof » est debout, face à la classe, armé de son paquet de copies corrigées au stylo rouge et classées de la meilleure à la plus mauvaise note : je ne sais pas pourquoi mais j’ai comme l’impression que je vais devoir patienter pour avoir ma copie. Ah ! Ça y est. Le processus est engagé : la distribution. Oulah ! Il fait chaud d’un coup. Tu te souviens ? Tu fais semblant que cela te passe au-dessus, mais non. Ça y est, tu ressens cette sensation de « ridicule », d’être observé par les autres. 0… Oui sur 20. Ça aurait été sur 30 40 que cela n’aurait pas changé grandchose. Je ne sais pas si c’était de la honte, mais ce n’était pas agréable. L’école insistait sur mes lacunes. J’avais l’impression qu’être « mauvais » en orthographe, c’était être un mauvais élève. Aujourd’hui, je suis animateur. Non, je ne propose pas d’activités « colliers de pâtes » ou « bracelets brésiliens ». Je mets en place des ateliers d’écriture et, qui plus est, avec un public dit « en difficulté ». Rien que ça. Enseigner, apprendre à écrire, c’est une chose. Cela ne rentre pas dans mes compétences. C’est un métier et pas le mien. Par contre, peut-être que donner confiance, jouer avec des lettres, des mots, des phrases, des textes, valoriser le travail d’un enfant ou ses efforts, consolider ses connaissances de manière ludique, bref dédramatiser le calvaire grammatical et orthographique, j’en suis capable. Je suis également référent du dispositif C. L. A. S. (Contrat Local d’Accompagnement à la Scolarité) : il désigne l’ensemble des actions visant à offrir, aux côtés de l’école, l’appui et les ressources dont les enfants ont besoin pour réussir à l’école.


Une formation m’a semblé pertinente puisqu’elle me permettait d’acquérir de nouvelles compétences : comment mettre en place des ateliers d’écriture avec son public ? Rapidement cette question en soulevait une autre, du moins pour moi : quelle légitimité, moi qui finalement éprouve encore quelques difficultés avec l’orthographe, puis-je avoir en tant qu’animateur d’ateliers d’écriture ? Néanmoins, je faisais le constat suivant : finalement ce n’était pas écrire qui me rebutait, c’était le fait de ramener mes productions à l’orthographe, à la conjugaison ou à la grammaire. Et mon imagination alors ? Quand je voyais, moi, tous les mots « justes », écrits sans faute... je me disais qu’il y avait là une certaine forme d’injustice. Au fur et à mesure des séances de formation, ma stratégie s’est affutée pour mettre en place le Projet « Cabane d’écriture » qui s’est étalé sur un trimestre à raison d’un atelier par semaine d’une durée de 45 minutes. Cela s’apparentait à un défi : chiche ! Mon groupe était composé de sept enfants du cycle 3, à savoir du CE2 au CM2. J’avais pris parti de ne pas parler d’ateliers d’écriture devant mon public. En effet, en échangeant avec un artiste plasticien (Gwenaël Stamm), j’ai vite intégré l’idée selon laquelle l’écriture était avant tout une forme, un dessin. Cette réflexion a été le déclencheur. Une évidence qui m’a permis à la fois de clarifier ce vers quoi je voulais aller en terme méthodologique, mais surtout de proposer une démarche correspondant à ma fonction d’animateur socioculturel. J’ai décidé d’aborder l’écriture par sa forme plastique. Il s’agissait avant tout de faire comprendre à mon public qu’avant de former des mots, le stylo, associé à une chorégraphie de la main, permettait avant tout de créer une farandole d’encrés. Il s’agissait d’apprivoiser le geste d’une main en gravité, tel un cosmonaute de l’écriture. Finalement, je cherchais à mettre en évidence qu’avant d’écrire s’impose l’apprentissage du geste d’écrire. J’ai donc établi un calendrier avec des ateliers ludiques comme écrire avec les doigts, passer par du découpage, collages de la photographie... Avec un peu de recherche, je me suis également rendu compte qu’il était possible d’aborder l’écriture par le jeu, sans tomber dans les traditionnels jeux du Scrabble, du Baccalauréat ou du Pendu. Toutefois, au bout de deux ou trois ateliers, je me suis aperçu qu’il me manquait la chose essentielle : j’avais certes la forme mais qu’en était-il du fond ? C’est bien beau de maîtriser la conduite d’une activité mais qu’en était-il réellement de mes intentions auprès de mon public ? Même si le groupe adhérait à ce que je proposais, qu’estce que mon projet pouvait apporter aux enfants ? C’était un moment, certes agréable mais y avait-il un réel impact sur les compétences des enfants ?


Je me suis donc questionné tout en faisant marcher la réflexion collective auprès de mes collègues. Et si l’erreur était celle du débutant, celle de ne pas avoir mieux ciblé les objectifs, de ne pas avoir été assez précis ? Vous savez, cette question qui d’un coup vous arrive en tête : « Euh... pourquoi je fais ça au fait ? » Je dois avouer que le fait de voir les enfants plutôt motivés m’avait fait oublier mes intentions éducatives. Je m’étais également aperçu qu’il m’arrivait de m’égarer et d’être dans le flou quant à la finalité de certains ateliers. Il n’était pas possible de travailler sur tous les aspects de la langue française en même temps. Il m’a alors fallu repenser l’approche de mon projet. Ainsi, j’ai défini pour chacune de mes interventions deux objectifs précis. Mais surtout, afin de permettre une progression dans le travail du groupe et une certaine cohérence dans ma démarche, j’ai travaillé à partir de la lettre, puis du mot, avec l’espoir d’arriver en fin de trimestre à la rédaction d’un texte, même court. C’était cette réflexion qu’il m’avait manquée au départ. Cette remise en cause m’a permis de trouver la bonne approche du projet. Le déroulement était maintenant clair. Après la lettre, les onomatopées ont pris le relais. Des jeux sonores ont permis à la fois la rigolade mais aussi de comprendre la définition de ce mot barbare : pas simple que d’écrire l’aboiement d’un chien, le croassement d’un corbeau, le bruit d’un klaxon ou d’une porte qui grince. Puis nous sommes passés au mot. Inventer le sien et sa définition a été particulièrement apprécié. Les mettre en scènes en travaillant différentes techniques comme le graff, la calligraphie, ou encore la pyrogravure a été déterminant. Vint ensuite le travail autour de la phrase. Pas évident, car mes vieux souvenirs de tortures orthographiques refaisaient surface. S’il y avait bien une chose que je ne voulais pas, c’était de reproduire ce schéma où l’écriture est obligatoirement associée à une position assise devant une feuille blanche posée sur une table où le Bescherelle serait roi avec son sceptre de stylo rouge. Ainsi, j’ai régulièrement proposé de produire autrement que de manière scolaire. Il n’était pas rare que les jeunes écrivent par terre, ou sur une surface verticale. Et puis vint le temps de passer à la production de textes. Je sais à quel point cela peut être un exercice difficile surtout quand on sait que le projet se déroule peu de temps après la sortie de l’école. J’ai donc fait un récapitulatif de ce qui pourrait freiner cette dernière étape en essayant de proposer des solutions. Je voulais absolument conserver ce côté ludique de l’exercice. Me vint alors une idée. La consigne de travail a été la suivante : rédiger une histoire avec le concours des personnes gravitant dans la structure ; les unes après


les autres devaient compléter le récit en inventant la suite de ce qui avait été déjà écrit. « Il était une fois... » était la formule de départ imposée. Seuls ou par groupes de deux, les enfants équipés d’un bloc note et d’un stylo ont ainsi circulé dans le centre en faisant évoluer les textes au fur et à mesure des rencontres. Enfin, chaque groupe a dû retranscrire son texte sur l’ordinateur. Au final, ce sont quatre textes d’une dizaine de lignes qui ont été écrits. Le choix de corriger ou non les fautes est certes un vieux débat dans notre milieu, mais néanmoins toujours d’actualité. Il fallait que je prenne position de manière intelligente, réfléchie, en prenant en compte les valeurs que je portais et sans laisser courir ce qui s’apparentait selon moi à un « risque éducatif » : est-ce que laisser des erreurs dans les différentes productions, ce n’était finalement pas laisser croire aux enfants que le mot ou le verbe était bien orthographié ? Par contre je savais pertinemment que la correction des écrits pouvait éventuellement être un frein dans la motivation que pouvaient avoir les jeunes écrivants. Comment concilier alors ces deux réflexions ? Après de longues discussions au comptoir pédagogique, j’ai pris position. Ma décision était la suivante : les fautes de conjugaison et de grammaire seraient obligatoirement corrigées. À l’inverse, la correction des mots mal orthographiés serait facultative mais suggérée. Il me paraît important de préciser que ma position a été expliquée aux enfants : ce n’est pas parce que nous ne sommes pas à l’école que nous pouvons tout nous permettre dans les écrits. C’est aussi une façon de faire comprendre aux enfants que l’écriture n’est pas seulement quelque chose de scolaire. L’écriture ne se borne pas à la dictée et aux rédactions, alors quoi de mieux que leur proposer de sortir du cadre de l’école avec des mots écrits ? À dire vrai, j’avais le secret espoir que les enfants corrigeraient toutes les fautes suite à la dynamique que j’aurais impulsée par la correction de la conjugaison et de la grammaire. Résultat mitiger , mais au moins je ne pense pas avoir trahi mes convictions personnelles, ni l’orthographe française ! Nous avons présenté en fin de trimestre notre cabane d’écriture, remplie des différents travaux réalisés par le groupe « C. L. A. S. ». Parents, enseignants, animateurs, camarades ont pu alors s’apercevoir de la progression des enfants durant cette aventure, mais surtout ils ont pu se rendre compte qu’il était possible de transmettre un sentiment de fierté à travers l’écriture.


La formation d’animateur d’ateliers d’écriture et sa mise en pratique m’ont permis de comprendre que chacun pouvait, à son niveau, contribuer à dédramatiser la complexité de la langue française. Il nous est possible, pour nous, professionnels de l’animation, militants d’une éducation populaire, de proposer ou d’impulser des actions, des manifestations, des projets ayant pour but de promouvoir l’écriture ou la lecture. Cela passe à mon sens par une bonne analyse du contexte. Mais surtout il m’apparaît important de mettre en avant le fait que cela ne s’improvise pas. Une formation est nécessaire étant donnés les enjeux encourus. Avec le recul, je dois avouer que mes craintes, mes doutes concernant ma légitimité en tant qu’animateur d’ateliers d’écriture se sont estompés au fur et à mesure du temps. Je pense avoir pu m’appuyer sur ma propre expérience d’enfant en difficulté avec l’orthographe. Au final, le simple fait de ne pas reproduire ce qui m’avait bloqué, voire blessé dans mon cursus scolaire quand j’étais en primaire, a été un atout que d’autres ne pourront pas forcément apporter.

Pierre Rozo Coordinateur du secteur périscolaire


C’est le propre des longs voyages que d’en ramener tout autre chose que ce qu’on y est allé chercher.

 Chronique Japonaise,
 Nicolas Bouvier

s'écrit la solidarité


ou comment amener des jeunes « décrocheurs » à participer à un atelier d'écriture ? Pour nous, éducateurs de prévention spécialisée, intervenants dans les collèges d’Épinal, l’année commence plutôt sur les chapeaux de roues. En effet, nous avons un grand nombre de jeunes de 13 à 17 ans qui décrochent déjà en ce début d’année. Cela requiert énormément d’attentions et nécessite ainsi un accompagnement important. Pour ces jeunes, l’année risque d’être longue, très longue, surtout si l’ennui rythme leur quotidien, à l’école, à la maison et dans leur quartier. Dans un même temps, je suis sollicité par Reynald, notre partenaire de la Ligue de l’enseignement 88 qui revient tout juste du Sénégal avec un projet qui reste à élaborer. L’objectif principal est la construction de toilettes dans une école primaire de la ville de Gossas, ville de 10 000 habitants, située au centre du Sénégal. Voilà un projet pertinent avec un objectif stimulant, dont les contours sont à développer avec un public concerné. Nous décidons d’aborder la question du décrochage scolaire de ces jeunes au travers de ce projet de solidarité qui délimitera notre champ d’action. Il est vrai que ce genre d’aventure humaine permet de renforcer les liens avec les adolescents, de solidifier la relation avec les familles, de nouer des ponts avec des partenaires pour faire évoluer les situations, parfois de quelques pouces, parfois de quelques coudes. À partir d’un diagnostic de terrain, réalisé avec ma collègue sur un ensemble de jeunes en situation de décrochage scolaire, l’idée d’un chantier de solidarité est insufflée à un certain nombre de jeunes. La graine du projet de solidarité est alors semée, il n'y a plus qu'à laisser germer l'idée.

Les décrocheurs scolaires Un nom « fourre-tout » pour désigner les jeunes qui n’ont pas une grande estime d’eux-mêmes et de l’école. Les décrocheurs et décrocheuses sont des adolescents qui vont à l’école mais s’ennuient à mourir. Ils font acte de présence mais leur esprit est ailleurs. Il y a également les décrocheurs à la carte ou dans le jargon scolaire « absences perlées ». Les jeunes décident de choisir d’aller en cours uniquement certains jours, certaines heures et avec certains profs seulement. Enfin les décrocheurs « hors les murs » : jeunes qui ont perdu le chemin du temple du savoir prénommé « école » et qui éprouvent des difficultés pour y retourner, modifiant ainsi leur trajectoire dans leur vie d’adolescent.


Les fruits mûrissent assez rapidement chez certains jeunes très motivés. Il en découle pour eux une envie d’aller chercher l’eau dans le puits d’un nouveau pays mais aussi dans l’océan des rencontres. Pour d’autres adolescents, s’est érigé un mur de la peur de l’inconnu qui les empêche de se jeter à l’eau pour nous rejoindre dans cette aventure sénégalaise. Au final, pour se lancer dans ce chantier, cinq garçons et cinq filles de deux collèges d’Épinal répondent présents à l’appel. La pirogue n’est pas encore construite, il faut imaginer et structurer le projet avec l’ensemble des jeunes intéressés. Chacun doit apporter son bois au bateau. On a donc six mois pour respecter l’ensemble des cahiers des charges. L’embarcation doit être structurée de sa construction à la restitution du voyage. Le projet se déroulera alors pour une durée de trois semaines en avril/mai 2013. L’investissement des jeunes passe par la mise en place de réunions, d’actions d’autofinancement (comme la vente de gâteaux ou lots de tombola), de lettres de motivation, de discussions, d’argumentaires devant les potentiels financeurs, etc. Plus le projet avance, plus j’ai envie d’emmener l’équipage sur un itinéraire qui laissera une trace de son passage. Pour le retour de cette expédition nous souhaitons rapporter des fragments de vie et à partir de cela réaliser une exposition. Pour ce faire, j’entre en contact avec un artiste qui propose aux jeunes de prendre leurs partenaires sénégalais en photo sous différents angles. L’objectif est qu’à partir de ces prises de vues, il reviendra sur ces portraits en utilisant des techniques de graff. Les portraits seront alors exposés aux quatre coins d’Épinal mais aussi dans une exposition au centre culturel. Les œuvres seront accompagnées de biographies des sénégalais. Pour ce faire, les jeunes intervieweront les volontaires de Gossas. Voilà une idée intéressante pour mettre en place un atelier d’écriture avec une orientation bien définie. Mais dans la pratique, la partie est loin d’être gagnée pour la part écriture. Déjà, dans l’ensemble, les jeunes ont du mal avec l'école et l'écriture rappelle l'institution.

Alors comment faire pour les rapprocher de l’écriture sans faire ressurgir pour autant le spectre scolaire ? De plus, quand nous serons pris par la tempête du quotidien, le projet de solidarité risque d’être une sacrée poupée russe : chantier, préparation des repas, sieste, lessives, activités, nettoyage, siestes, repas du soir, prises de tête, coucher, tâches ménagères, travail éducatif, lever, chantier, pauses clopes, échanges. À quel moment dans ce tourbillon, pourrons-nous mettre sur pause pour écrire ? Sénégal nous voilà ! Notre ami, chauffeur et conseiller, Halim, charge les bagages sur la galerie et embraye avec son camion 15 places direction Gossas. Les 40 °C de la Terranga se reflètent sur l’asphalte. Tout au long de la route, nous apercevons la terre sèche où quelques brindilles d’herbe bataillent sur la terre battue.


Le temps du trajet, je réfléchis avec ma collègue sur la manière de mettre en place des ateliers d’écriture autour de l’idée des biographies des partenaires sénégalais. Tout d’abord, on décide de laisser passer la première semaine, histoire de laisser les jeunes s’acclimater à la température ambiante, au mode de vie locale, à l’organisation de notre quotidien et surtout le temps de laisser les groupes se rencontrer et faire connaissance. La semaine suivante, on décide d’organiser un atelier d’écriture sous forme de jeux après le repas du soir, sur une heure de temps. Le matin même, on annonce aux jeunes l’activité à venir. « Pff, nul ton truc, t’as cru qu’on était à l’école, déjà on travaille le matin, tu veux qu’on bosse aussi le soir, détends-toi, on verra ça plus tard » me dit une jeune. On sonde l’ensemble du groupe, l’écho n’est majoritairement pas favorable, on avait pourtant préparé le terrain au préalable, au travers de discussions et d’échanges autour de la préparation de l’atelier. Le soir même, après le repas, le groupe est agité, certains jeunes partent fumer, d’autres jouent au baby foot avec les sénégalais, d’autres encore vont s’aérer la tête histoire de faciliter la digestion. Après le repas, place à la flânerie, mais sûrement pas à l’écriture. Ma collègue et moi en parlons : la journée est déjà assez chargée par le planning du chantier et des échanges, le soir doit sans doute rester un temps informel quotidien pour privilégier le sas de décompression. Il nous faut trouver une nouvelle approche. Un soir, j’observe peu avant le coucher que les jeunes ne sont pas devant la terrasse comme à leur habitude, mais où sont-ils ? Ma collègue m’appelle discrètement et m’invite à l’accompagner en salle de réunion. Et là, je vois avec stupéfaction et amusement le groupe d’adolescents derrière le grand bureau jouant une pièce de théâtre ; les éducateurs dans leurs mimiques et leurs gestes sont caricaturés par les jeunes qui jouent également leurs propres rôles dans cette pièce totalement improvisée. À la fin de cette représentation hilarante, je tente de rebondir sur cet élan collectif pour animer un atelier d’écriture : sans réel succès. Seulement deux personnes sur les dix écrivent quelque chose d’intime et de profond sur leur séjour et ne veulent pas le partager avec le reste du groupe, qui se montre dans l’ensemble très moqueur. Les jeunes prennent peu à peu leurs marques, le chantier avance pas à pas et les complicités se créent. Au fil des jours, les gros œuvres laissent place au travail de finition, ce qui engendre des temps morts où français et sénégalais apprennent à se connaître davantage avec cependant une certaine pudeur réciproque. Lors d’une activité, je leur pose des questions sur la vie de chaque ami de Gossas qui gravite autour de nous. L’échange est intéressant car tout le monde connait des morceaux de vies de chacun, les ados aimeraient en savoir davantage mais n’osent pas trop demander. Je décide le lendemain matin, avec le groupe de jeunes qui font les courses au marché pour les repas, d’acheter des cahiers et des stylos.


Alors qu’on leur distribue, je leur suggère : « maintenant tu peux écrire sur la vie de la personne que tu apprécies sans pour autant le mettre lui ou toi dans l’embarras ». Les contraintes à respecter : trouver et interroger un partenaire sénégalais, poser des questions courtes, pas de limites dans la réponse. L’interroger sur sa vie, sa famille, ses amis, ses études, ses métiers, ses projets et ses rêves. Pour ce faire, se poser dans un coin avec l’ami sénégalais que le jeune a choisi, lors des temps morts, et faire ensemble le jeu des questionsréponses. La première à s'essayer à ce jeu de journaliste est la dernière à aimer écrire. Mais elle est tellement prise par son envie de raconter son amie la cuisinière, qu’elle se surpasse pour pouvoir ensuite nous conter son histoire fièrement. Les deux protagonistes sortent valorisées de cette expérience : la jeune dans l’écriture indélébile et vivante dans son cahier neuf, et la cuisinière dans l’attention qui est donnée à son parcours de vie, sa famille, ses rêves. Dès le lendemain, les autres jeunes du groupe s’empressent de faire la biographie de leurs homologues sénégalais. Telle une trainée de poudre, la première expérience d’écriture enflamme le groupe. Certains jeunes, pour ne pas faire de jaloux, réalisent même plusieurs biographies, interrogent des enfants, des adultes ne faisant pas partie du groupe de chantier mais proches dans leur quotidien. Alors que nous désespérions d’amener les adolescents à l’écriture pendant ce voyage, voilà qu’ils s’y mettent, avec plaisir, appétit et l’envie de trouver les mots justes, pour rendre hommage à leurs hôtes sénégalais. L’atelier d’écriture que nous convoitions tellement prend forme, d'une manière inattendue. Dans un premier temps, on avait essayé de structurer l’atelier d’écriture, avec une approche ludique. Cette manière de faire a échoué. Peut-être qu’aborder l’écriture par le biais du jeu n’avait pas de sens pour les jeunes. Ou peut-être qu’ils ne pouvaient pas se lancer dans l’écriture aussi vite. Dans une deuxième tentative, on a voulu amener les jeunes à parler de leur expérience, de façon plus intime. Même si deux jeunes ont écrit à ce moment un texte très personnel, avec l’envie de se livrer, on peut estimer que cette proposition n’a guère mieux fonctionné que l’autre. Il a suffi qu’une des jeunes investisse son cahier tout neuf et se lance dans une interview avec quelqu’un qu’elle appréciait pour que ses copains suivent le mouvement et à leur tour écrivent. La clé de réussite de cette expérience se trouve sans doute dans la reconnaissance de ces jeunes pour les sénégalais qu’ils commençaient à mieux connaitre. L'écriture est alors devenue nécessaire et a pris tout son sens. Il n’était plus question de jeux ni de textes personnels mais de raconter une histoire, l’histoire d’hommes et de femmes qui les avaient si bien accueillis. L’écriture n’était plus liée à l’école mais au récit, à la transmission,


et permettait de rendre hommage à ces nouveaux amis. On peut aussi estimer que ces textes ont pu être écrits dans la voûte du quotidien sénégalais ; comme dit le dicton africain « si tu cours après le temps, tu es déjà mort ». C’est ainsi qu’il nous a fallu adapter l’atelier au quotidien et non l’inverse, en prenant compte des aiguilles du temps, de la durée nécessaire à la rencontre, du fil des amitiés qui se créent, du tissu de l’environnement pour tricoter l’atelier d’écriture. Lors de notre exposition « Photo-Graff », alliant portraits, graffitis et biographies des jeunes, le public a été autant ému par les œuvres artistiques que par la sincérité des textes. Je pense à ces deux mamies : une des femmes, aveugle, écoute l’autre qui lui décrit les tableaux, les objets et finit par la lecture d’un texte. La femme est captivée par sa vieille amie qui lui conte l’histoire d’un jeune sénégalais :

Du haut de ses 13 ans, Aidara court partout et rêve d’être gendarme. Ses longues et fines jambes foulent la terre aride et sèche de son quartier. Il ne reste pas un endroit que ses sandales déchiquetées n’ont pas encore piétiné. Tous les habitants connaissent Aidara, pas uniquement parce qu’il court pour aller à l’école, pour aller au champ afin d’aider sa famille à cultiver les arachides, ou encore après un ballon. Non, ce jeune homme a la particularité de porter un bonnet à pompon à 45 degrés à l’ombre. À savoir pourquoi ? Le jeune répond : c’est mon style, j’aime bien. Chaque jour, le garçon au pompon s’arrête quelques minutes dans sa course, salue les gendarmes et leur donne des cacahuètes de son champ, parle deux minutes et embraye de nouveau vers son train-train quotidien. Troisième d’une fratrie de quatre enfants, Aidara, n’a pas beaucoup de souvenirs de son père. Il serait parti quand il avait deux ans. Sa mère lui a dit que son papa était parti à l’étranger et travaillait pour l’armée. Loin des yeux, son cœur était meurtri par son absence. Malgré le manque, l’amour de sa maman n’a cessé de l’accompagner. Déboussolé, Aidara trouve de la quiétude le soir, en regardant le ciel étoilé, imagine sa relation avec son père, les histoires qu’il lui raconterait, les exploits sportifs qu’ils pourraient partager… Encore une étoile filante qui vient de passer, pourquoi son papa n’est pas là ? Une larme parcourt sa joue en un clin d’œil ! Un jour, sa maman sentant une détresse plus grande envahissant son fils, décida de lui dire la vérité sur son papa. En réalité, son mari était mort dans l’exercice de ses fonctions. C’était un gendarme et surtout c’était un héros, car il avait fait son devoir pour sa patrie. À partir de là, Aidara s’est senti libéré d’un poids. Son papa n’avait pas abandonné sa famille, mais au contraire s’était sacrifié en son nom et celui de son pays. Du haut de ses 13 ans, Aidara court partout et rêve d’être gendarme… comme son père.

Youssef El Boujoufi Éducateur spécialisé dans le cadre du programme de réussite éducative


Et si l'atelier d'écriture venait

Pour peu qu’on ait à proximité de soi un seul être avec lequel on puisse, en fin de compte, parler de tout, on tient le coup, autrement, non. Oui, Thomas Bernhard

de travail ?


Quand on prend de nouvelles responsabilités de cadre intermédiaire au sein d’un service dans lequel on exerce son métier de travailleur social depuis plus de 10 ans, on a envie, toute prétention gardée, d’apporter sa « patte », moins pour se démarquer que pour tenter de répondre aux difficultés, aux manques, aux faiblesses repérés, vécus, entendus. Les séminaires de travail de deux jours visant à faire le point sur les activités de l’année passée et à regonfler le moral des troupes font partie des temps de réflexion et d’échanges que le service a institués au début de chaque année. Or, depuis trois ou quatre ans, l’équipe n’en ressortait pas toujours satisfaite et plutôt que de s’y souder, en ressortait plus ou moins divisée. Ce constat me laissait perplexe et m’invitait à apporter des changements. Il me paraissait évident qu’il fallait concevoir autrement ce moment pour que les objectifs poursuivis trouvent les moyens et les conditions de leur réalisation. Fort d’une expérience de formation en conduite d’ateliers d’écriture, j’ai voulu tenter l'aventure d'animer un séminaire de travail à partir de propositions d'écriture.

Mon idée était que chacun se trouve impliqué, de la même façon, dans un travail d’écriture à priori pas facile. J’envisageais, dans un premier temps, que les professionnels de terrain et les cadres profitent de cette activité pour décrire leurs conception et vécu personnel sur leur travail. Dans un deuxième temps, la lecture à haute voix de nos propres textes ainsi que leur écoute attentive devaient nous permettre de partager nos expériences à la fois si communes et singulières. Dans cet engagement personnel et collectif, je cherchais à mettre en lumière tant ce qui nous lie, nous rassemble que nos particularités, nos différences. De même, je cherchais tant à valoriser l'activité de tous qu'à proposer des réponses collectives aux difficultés de chacun.

Il s’agissait, en somme, de faire en sorte que chaque professionnel, au travers de son implication personnelle, éprouve le sentiment renforcé de faire partie d’un même service, d’une même équipe et l’envie de continuer à poursuivre la réalisation d’un projet commun. Pour affirmer la recherche de cohésion au sein du service et outre mon rôle d’animation, le directeur et moi-même avons pris le parti de nous engager dans ce travail d’écriture aux côtés des acteurs de terrain. C’est cette expérience que je vous propose de découvrir dans les lignes qui suivent.


repenser ensemble le travail J’ai fait le pari que l’animation du séminaire à partir de propositions d’écriture personnelle pouvait répondre aux objectifs de remobilisation et de cohésion au regard des expériences précédentes. Ces dernières n’avaient revêtu un caractère intéressant et porteur qu’à de très rares occasions, quand quelques membres de l’équipe livraient leurs ressentis, leurs doutes, leurs frustrations mais aussi leurs convictions, leurs satisfactions, leurs projets. Durant ces moments, je sentais que tout le monde était à l’écoute de l’autre et que chacun expérimentait sa propre responsabilité, sa solidarité vis-à-vis des collègues et du collectif de travail. Je voulais que le séminaire à venir et l’écriture soient respectivement le théâtre et le moyen de la bienveillance collective et du renforcement de cette unité autour d’un projet commun. Dans un cadre professionnel, cet exercice apparaît délicat et pouvait ne pas recevoir un bon accueil de la part des participants. C’est la raison pour laquelle le directeur et moi-même avions convenu de présenter le projet sans trop en dire à l’ensemble de l’équipe. Il fallait créer en amont un climat de confiance qui conditionne le bon déroulement du séminaire. Lors d’une réunion de service trois semaines avant l’échéance, j’avais indiqué que chacun d’entre nous allait être amené à écrire des textes de façon personnelle sur son travail à partir de propositions tirées d’ateliers d’écriture (je m’étais bien gardé de donner des précisions sur les propositions et jeux d’écriture). J’avais eu beau assurer les collègues que cet exercice est à la portée de tous et que les textes n’allaient avoir d’autres usages et objectifs que d’échanger sur nos propres pratiques et les manières de les vivre, force était de constater que beaucoup d’entre eux s’étaient montrés circonspects et déstabilisés. Pourtant, plus encore que le fait d’écrire, c’est l’annonce de la lecture des textes de chacun à voix haute qui en avait effrayé plus d’un. D’aucuns m’ont d’ailleurs proposé que chaque texte soit lu par d’autres collègues que leur auteur. Ces réactions témoignaient pour une part de la nécessité d’œuvrer à l’installation d’un meilleur climat de confiance au sein du service. Ayant eu la bonne idée de présenter le projet trois semaines avant, j’ai saisi toutes les occasions pour rassurer individuellement ou en petits groupes les éducateurs, si bien qu’au moment de démarrer le séminaire, l’ensemble du personnel me semblait détendu. Dans le même esprit, nous avions préféré nous réunir dans un endroit paisible à la campagne plutôt que dans les locaux du service. Nous disposions ainsi de toutes les conditions requises pour mener à bien nos travaux, entrer en introspection et nous centrer sur nous-même. Le lieu correspondait à l’esprit et au sens que nous voulions donner à ce rendez-vous annuel.


préparation du séminaire de rentrée

Lundi Accueil des participants Séance de travail Axe de travail n°1 : présence sociale, travail de rue • Proposition d’écriture n°1 au choix Coucher sur le papier 7 mots à connotation négative, 7 mots à connotation positive en lien au niveau du sens avec le travail de rue et 10 mots dont les sonorités se rapprochent du son « rue ». (10 mn) Puis rédiger un texte personnel sur « le travail de rue » en utilisant entre autres tous les mots choisis. Rédiger un texte sur le thème « mon travail de rue ». (20 à 25 mn) Phase retour : une fois les textes terminés, chaque participant lit à voix haute son propre texte au reste du groupe. Ce dernier réagit sur le fond, apporte des remarques, sollicite des explications, des précisions. 9h-9h15

9h15-12h

(Pour douze participants, prévoir 10 à 12 mn par texte et une pause en milieu de matinée)

Pause déjeuner Séance de travail Axe de travail n°2 : Suivi socio-éducatif individuel • Proposition d’écriture n°2 Rédiger un texte racontant l’expérience vécue d’une belle histoire de relation éducative avec un jeune. (20 à 25 mn) Phase retour : même chose que lors de la précédente séance de travail. 12h-14h 14h-17h

Mardi Accueil des participants Séance de travail Axe de travail n°3 : les actions socio-éducatives collectives • Proposition d’écriture n°3 Décrire une action socio-éducative collective qui vous tient à cœur, que vous projetez ou aimeriez mener. (20 à 25 mn) Phase retour : idem. 12h-14H Pause déjeuner 14h-15h30 Séance de travail Axe de travail transversal n°4 : le partenariat • Proposition d’écriture n°4 Coucher sur le papier la liste de partenaires que nous avons ou que nous pourrions potentiellement avoir pour mener nos actions. (15 mn) Pas de rédaction de texte dans cette partie. Phase retour : faire le point sur les relations partenariales engagées, en passe de l’être ou projetées avec les autres acteurs. Comment soigner les relations ? Pour faire quoi ? Qu’est ce qu’un bon partenariat ?... etc. 15h45-16h30 Bilan du séminaire 9h-9h15

9h15-12h


J’avais conçu le séminaire en quatre parties, quatre demi-journées, chacune d’entre elles renvoyant à un axe particulier de notre activité professionnelle. Pour introduire les parties, j’ai invité les participants à rédiger un texte en tenant compte des consignes et des contraintes que je leur avais exposées. Après la lecture à voix haute de chaque texte par son auteur, le reste du groupe était amené à rebondir sur le contenu, en questionnant, en apportant des remarques, des commentaires. L'intérêt d'une telle démarche réside dans le fait que tous les collègues sont acteurs. Quels que soient les caractères de chacun, tous ont pu s'exprimer et se faire entendre quand, dans

d’autres circonstances de réunions, des personnalités s’effacent, se retiennent ou s’ennuient. De même, tout le monde a pu prendre la mesure des sentiments, des émotions qui habitent chacun de nous dans l’exercice de notre profession. J’ai en mémoire le texte d’un membre de l’équipe duquel ressortaient avec force l’angoisse et la peur dans certaines situations de travail. Outre le fait que l’éducateur a pu se libérer de quelque chose de difficile à dire, le groupe a pris conscience des limites que peuvent induire les conditions dans lesquelles les éducateurs exercent certaines activités. En réponse, nous avons pris des décisions collectives pour l’ensemble de l’équipe. Les propositions d’écriture ont pu mettre en difficulté certains ; pour autant, la nature des « jeux » a permis à chacun de s’exprimer et de se faire entendre. Ainsi, même si une personne n’a pu créer un texte, les mots qu’elle avait choisis pour définir un axe de son travail (voir proposition n°1) ont été les déclencheurs d’échanges et de débats constructifs. Pour finir, les participants ont apprécié le caractère innovant du déroulement du séminaire. Ils y ont trouvé une source de remobilisation et de cohésion, mais certains ont aussi manifesté leurs attentes concernant le fonctionnement de l‘organisation au regard des perspectives encourageantes qui se dégageaient à l’issue du séminaire. Pour d’autres, la dernière demi-journée a été moins intéressante au point que les consignes d’écriture ont été détournées. À l’évidence, cette expérience a été une réussite mais elle mérite aussi, pour le cadre intermédiaire que je suis, d’être revisitée.

Luis Mateos Cadre de proximité d'un service éducatif de prévention spécialisée



maintenir les objectifs de l'atelier d'écriture

Tu sais ce qui est beau, ici ? Regarde : on marche, on laisse toutes ces traces sur le sable, et elles restent là, précises, bien en ligne. Mais demain tu te lèveras, tu regarderas cette grande plage et il n’y aura plus rien, plus une trace, plus aucun signe, rien. La mer efface la nuit. La marée recouvre. Comme si personne n’était jamais passé. Comme si nous n’avions jamais existé. S’il y a, dans le monde, un endroit où tu peux penser que tu n’es rien, cet endroit, c’est ici. Ce n’est plus la terre, et ce n’est pas encore la mer. Ce n’est pas une vie fausse, et ce n’est pas une vie vraie. C’est du temps. Du temps qui passe. Rien d’autre.

 Océan Mer, Alessandro Baricco


Avec un de mes collègues, nous avons proposé à des jeunes rencontrés dans le cadre du travail de présence sociale, de participer à un atelier d’écriture. Éducateurs de rue, pourquoi proposer un atelier d’écriture à ces jeunes ? Mon collègue avait entendu beaucoup de rumeurs sur ce quartier : destruction des logements ? Expulsions à venir ? Réhabilitation des immeubles en locaux administratifs ? Autant d’inquiétudes chez les habitants. Nous avons alors décidé de proposer aux jeunes de ce quartier de parler de leur lieu de vie, des non-dits ou « trop-dits », pour garder trace de leur vie ici.

La photo nous a semblé une autre façon d’aborder le quartier pour ces jeunes. C’est ainsi que nous avons imaginé, dans un premier temps, de leur faire réaliser un roman-photo. Cependant ce projet n’a pas vu le jour, mon collègue et moi avons dû faire face à un certain nombre de rebondissements, avec le souci de ne pas perdre nos objectifs de départ : faire écrire les jeunes sur leur quartier, leur permettre d’exprimer leurs ressentis et ainsi ne pas subir les rumeurs en silence. Comment maintenir les objectifs d’un projet d’écriture qui s’est transformé au fur et à mesure des mois ? Telle est la question que nous nous sommes posée tout au long de ce projet. Malgré les vents contraires... L’aventure commence un vendredi soir. Mon collègue a donné rendezvous à un groupe de jeunes pour leur proposer ce nouveau projet sur le thème « mon quartier ». Nous n’avons jamais animé d’atelier d’écriture, mais suivant une formation, nous avons décidé de mener des ateliers pour faire lien entre la pratique auprès des jeunes et la formation. On se rejoint au local, mais personne n’est présent : inquiétude… Deux jeunes arrivent, ouf ! Voilà les autres… On va pouvoir leur faire la proposition. Ces jeunes ont envie de s’impliquer dans des projets, mais leur visage change quand on leur parle d’écriture. On leur explique bien que l’idée est de faire des jeux d’écriture pour créer un roman-photo, que ce n’est pas scolaire, mais que pour créer ce roman-photo on a d’abord besoin d’une histoire. Ils adhèrent rapidement, décident d’essayer « pour voir ». Ils discutent entre eux, s’imaginent déjà acteurs… Nous démarrons l’atelier par un brainstorming autour du mot « quartier ». Dès ce premier moment, on s’aperçoit qu’il va falloir canaliser le groupe. Celui-ci est constitué de sept jeunes, avec de grandes différences d’âge, de 18 ans à 7 ans. Cela s’explique par la petite taille du quartier (une population assez faible en nombre) mais surtout par le dispositif : nous allons chercher le public dans la rue, c’est là que nous leur proposons des activités. Pas simple pour nous de faire en sorte que chacun ait la parole, malgré les avis divergents et le grand écart de maturité chez ces jeunes.


Une fois les termes autour du mot « quartier » relevés collectivement, nous leur avons demandé d’écrire un texte sur leur quartier à partir d’une quinzaine de mots inscrits sur le tableau. Dans le travail collectif, tout le monde était motivé, montrait de l’engouement. Quand il a fallu écrire un texte individuel, on a senti le malaise de certains (peur des fautes, de ne pas pouvoir écrire pour les plus grands et de ne pas savoir pour le plus jeune). En tant qu’animateurs de groupe, nous avons « fait la main » pour certains, encouragé les autres, l’important étant de laisser la même place à chacun et que tous produisent un texte. Bryan et Matthieu donnent leur vision du quartier : « En hiver, on se croirait en taule, il y a personne, les familles sont à la maison. », « J’ai rêvé que les balançoires se sont miraculeusement réparées. Une piscine creusée de taille olympique a fait disparaître le hangar ». Ils sont attachés à leur lieu de vie : « le quartier, c’est chez moi et j’en suis fier. » Kilian, lui, exprime les manques : « Avec la solidarité, je pourrais refaire l’horloge, les buts du terrain de foot, les balançoires, les salles de jeux, les blocs… » Yasmine traduit elle aussi l’attachement à son quartier, malgré sa description négative : « Mon quartier est tout pourri. Les gens font pitié. Il n’y a pas de place et le bâtiment est moche. Mais mon quartier, il est bien quand même. » Toujours dans le paradoxe : « Il y a des jours où l'on passe des bons moments, et d'autres plus chiants. Ma famille, le grand chat, moi et les six bébés chats trop mignons, on est trop heureux dans mon quartier Schneider. »

Wassyl lui aussi est attaché à son quartier : « Chez nous, c’est l’ennui comme une prison. Les soirées sont souvent pourries. C’est le combat entre les trafiquants et la police. On aimerait bien avoir de nouvelles balançoires et des salles de jeux. […] J’ai l’habitude d’acheter des goûters pour mes amis, il ne faut pas se soucier de la valeur, seul le geste compte. Dans le bâtiment, que l’on soit noir, arabe, roux, on a un geste de fraternité. » À travers ces extraits, on peut se rendre compte qu’ils sont tous attachés à leur quartier, aspirent à des améliorations de leurs conditions de vie et traduisent des valeurs comme la solidarité, la fraternité permettant de mieux vivre ensemble. La difficulté était alors de pouvoir gérer le groupe, sachant que les jeunes avaient tendance à se disperser, à ne pas se concentrer et pour certains à faire en sorte que l’adulte ne s’intéresse qu’à eux. Il était primordial d’être à ce moment deux encadrants. Par exemple, alors que nous menions l’atelier, un jeune est venu voir ce que l’on faisait.


Il n’était pas intéressé par l’atelier, il cherchait à attirer notre attention sur lui, perturbant le travail du groupe. Que l’on soit deux m’a permis de le canaliser à l’extérieur de la salle et mon collègue a pu continuer l’atelier avec le reste du groupe. Nous aurions pu fermer la porte, mais si nous avions fait cela, nous aurions peut-être empêché d’autres d’intégrer le projet. Dans ce type de dispositif, dès le départ, des jeunes peuvent intégrer le projet, puis, s’ils le souhaitent, en sortir, puisque l’activité est toujours sous forme de libre adhésion ; c’est un de nos principes de travail au quotidien. La libre adhésion permet de leur laisser le choix et ne ferme pas le groupe à ceux qui souhaiteraient participer, en cours de déroulement, parce qu’ils ont entendu parler d’une action nouvelle. Nos activités bénéficient ainsi souvent du bouche à oreille. Après cette première séance, nous avons eu notre journée de formation aux ateliers d’écriture. Lorsque nous avons parlé de notre projet de roman-photo, nous avons pris conscience que ce serait un travail difficile à réaliser. Pour créer un roman-photo, il était nécessaire de construire un scénario, de prendre des photos à partir de mises en scène, ce qui demandait un travail important et engendrait des contraintes matérielles (de nombreux appareils photos, de l’éclairage, des logiciels…), techniques (montage, mise en forme…) et de temps. Nous nous sommes aperçus que nous avions fait une erreur en nous lançant trop vite dans le projet. Nous avons alors abandonné l’idée de la photographie, pour nous concentrer sur l’écriture. Il nous a semblé qu’amener les jeunes à écrire sur leur quartier était notre objectif de départ, qu’il était nécessaire de le tenir, d’autant qu’ils avaient déjà commencé leurs textes, malgré leurs peurs de départ.

Nous leur avons donc expliqué ce qui avait provoqué ces changements : qu’il serait très compliqué de créer un roman-photo, faute de soutien technique et d’un investissement nécessaire en temps et en argent. Nous avions fait une erreur en nous lançant trop vite sur cette idée, peu réalisable dans le contexte. Ils ont entendu et accepté. Peut-être parce que nous avons dit les choses dans leur réalité, sans essayer de mentir ou de nous défiler, peut-être aussi parce qu’il y a si peu d’activités pour eux et qu’ils ont vite été convaincus. Mais peut-être aussi parce qu’ils avaient déjà pris un certain plaisir à écrire. Entre temps, nous avons reçu à l’association, l’invitation au Festival Regards Jeunes sur la Cité, auquel nous participons tous les ans, avec l’aide technique de Vosges télévision. Pour ce festival, l’idée est de présenter un film réalisé par les jeunes. Le thème de l’année étant « Mon quartier d’hier, mon quartier de demain », nous avons de façon évidente fait le lien avec notre projet et avons alors suggéré au groupe de créer un film sur ce thème.


Ils ont tout de suite adhéré, surtout lorsque nous leur avons expliqué que nous avions la possibilité de présenter le film créé au Festival Regards Jeunes sur la Cité à Paris. Avec ce film, la présentation du travail lors d’un festival apportait des dimensions supplémentaires : des rencontres, des échanges, la monstration de leur film à des inconnus et un voyage. Les jeunes ont été particulièrement motivés à l’idée de pouvoir partir à Paris. Pour nous, éducateurs, ce projet tombait à pic et relançait notre atelier, en gardant la dimension de l’écriture, puisque film signifie aussi scénarios, textes. Nous avons donc décidé de nous rencontrer régulièrement tous les vendredis afin de fidéliser le groupe, dans un local sur le quartier. Le local n’était pas adapté à la concentration, parce qu’il résonnait, parce qu’il était mal chauffé, qu’un baby-foot installé là perturbait parfois la concentration. Pourquoi ne pas trouver un local ailleurs offrant de meilleures conditions de travail ? Le fait de délocaliser l’action risquait de ne plus permettre aux jeunes d’être présents par l’éloignement géographique de l’action. Nous avons donc choisi de poursuivre dans le même local et malgré les perturbations et les conditions d’accueil, nous avons réussi à fidéliser le public. Entre la deuxième et la dernière séance, nous avons eu un groupe stable. Nous avons essayé un jour de soleil de mener l’atelier dehors, sous un arbre. Nous nous sommes installés en cercle. C’est une séance qui a été plus difficile que les autres car les jeunes ne tenaient pas en place, voulaient s’amuser et se préoccupaient plus de la vie du quartier que du travail que l’on faisait. Les lieux d'écriture ont une importance, nous nous en sommes rendus compte au fil du temps. écrire demande calme et espace pour s'isoler du groupe pour certains, et concentration.

Nous avons jonglé avec des contraintes et les aléas des lieux et pour un prochain projet, nous prendrons davantage de précautions pour que les conditions matérielles soient plus propices à l’activité. Nous avons réalisé cinq séances de travail auxquelles les jeunes sont venus participer très motivés. Et nouveau rebondissement dans la finalité du projet : l’Oroleis annule le festival, faute de crédits suffisants. Grosse déception en tant qu’animateur car une partie du projet était à nouveau remise en cause. Comment allions-nous annoncer ce nouveau rebondissement aux jeunes ? Le fait de ne plus participer au festival, nous le savions, allait les décevoir, ils risquaient d’abandonner le projet. Nous avons fait, une fois de plus, le choix de simplement leur dire la vérité : l’organisation du festival tout entier annulé par manque de moyens financiers. Comment encore pouvoir atteindre nos objectifs de départ visant à faire écrire les jeunes sur leur quartier ?


C’est ainsi que nous leur avons proposé une continuité alternative pour valoriser le travail réalisé jusqu’alors : créer un recueil de textes pour garder trace de ces rencontres. En effet, ce recueil de textes, remis à chaque participant, dont les textes tournent tous autour de la thématique du quartier (notre objectif de départ) représente pour les jeunes un objet livre à partager avec leur famille et leurs amis. Malgré les gr andes marées… nous avons gardé le cap Je pense que c’est par la motivation du groupe de jeunes, leur présence et leur envie de participer que le projet a pu tenir et aboutir. L’écriture a déclenché chez eux à la fois une réflexion sur leur quartier, la fierté d’avoir pu écrire, alors qu’ils pensaient ne pas en être capables et surtout sans doute d’avoir pu partager leurs émotions, leurs sentiments sur les évènements qui touchent leur quartier. pour une fois, ils ont pu, de leur place d'enfant, d'adolescent, exprimer leurs peurs, pensées, rêves, face à des adultes.

Il n’a pas été facile pour nous, animateurs, de mener ces ateliers d’écriture. Après une erreur de proposition, nous avons subi une réalité avec l’annulation du festival, obligés de rebondir et contre vents et marées tenir nos objectifs de départ. Et si, dans ce projet, l’écriture avait finalement été ce marqueur magique comme l’a écrit un des jeunes dans un des textes du recueil ? « Philippe prit avec détermination le marqueur et se dirigea vers un mur blanc. Soudain, alors qu’il s’apprêtait à taguer, le marqueur devint fou. Ce n’était pas Philippe qui écrivait, mais le bras du jeune homme était guidé par le marqueur magique […] C’est comme si un artiste lui tenait la main et le faisait écrire. » Gaëlle Merlin Éducatrice spécialisée en prévention spécialisée


En automne, je récoltai toutes mes peines et les enterrai dans mon jardin. Lorsque avril refleurit et que la terre et le printemps célébrèrent leurs noces, mon jardin fut jonché de fleurs splendides et exceptionnelles. Khalil Gibran


ou comment un projet peut essaimer et susciter l'e nthousiasme Tout part du Jardin de 7 Lieues, endroit magique mais méconnu. Pour mieux le faire connaître des habitants du quartier Saut-Le-Cerf/ ZAC d’Épinal, l’idée d’un projet d’ateliers d’écriture a germé dans mon esprit. En effet, quoi de plus agréable que de se promener dans le jardin et de découvrir qui au détour d’une allée, qui au milieu d’un parterre, un témoignage, une petite histoire sur le bonheur d’être au jardin, mon jardin secret, le jardin et moi... Je rêvais de panonceaux colorés, de fresques, d’outils sur lesquels seraient inscrits le bonheur des enfants et des adultes du quartier à être dans le jardin. Pour cela, il faudrait impliquer tous les publics du Centre. Ce serait une véritable explosion de couleurs, d’idées, de témoignages, de bonheur quoi ! Seulement voilà, nous étions seulement deux pour mener à bien ce projet. Nous avons donc décidé de nous partager le temps que nous pourrions consacrer à cette aventure. Marie-Hélène s’occuperait des enfants en accompagnement scolaire, nous prendrions toutes les deux en charge les enfants de l’accueil de loisirs du mercredi après-midi, et je proposerais aussi aux personnes en alphabétisation et aux adultes en situation de handicap du foyer APF voisin. Quand nous avons parlé de notre projet en réunion du personnel, l’accueil a été chaleureux, mais comme cela se passait au jardin, les autres animateurs ne voyaient pas comment nous aider. Jusqu’à ce qu’une collègue revienne d’une exposition dans un centre partenaire, complètement enthousiaste. Cette exposition avait pour thème « Les p’tits bonheurs au quotidien », toutes les petites choses qui font plaisir, auxquelles on ne fait pas suffisamment attention et qui pourtant contribuent au bonheur avec un grand B ! Et si tes petits bonheurs au jardin rejoignaient ceux du quotidien qu’on mettrait en place pour décorer le Centre lors des Tréteaux de Léo ? (les « Tréteaux de Léo » est un festival de théâtre et de musique amateur qui a lieu tous les ans au mois de mai et qui implique une bonne partie des publics du Centre.) Et c'est comme si nous avions soufflé ensemble sur une fleur de pissenlit !

La responsable des ateliers d’art plastique, l’animatrice du Boulv’art Handas (accueil de jour d’adultes en situation de handicap), la responsable de la décoration du Centre pour les Tréteaux, des bénévoles... Tous sont venus nous trouver avec une nouvelle idée d’atelier pour participer à l’aventure. Un arbre à petits bonheur a vu le jour au Centre et au jardin. Les passants pouvaient y accrocher un papier sur lequel était inscrit ce qui les rendait heureux. Aujourd’hui encore, il reste dans le jardin et dans les couloirs du Centre Léo Lagrange des créations de ce si bel été, où le bonheur a fleuri dans le cœur des gens du quartier.


Le jardin extraordinaire L’atelier d’alphabétisation s’adresse à des personnes qui ne savent ni lire ni écrire le français. Parfois, elles ne sont jamais allées à l’école de leur vie et ne parlent pas bien la langue. Cela concernait à l’époque huit personnes : des mères de famille marocaines et tunisiennes, une jeune fille espagnole et un homme turc. Je me suis demandé avec inquiétude comment les faire écrire sur ce qui les rend heureux sans les infantiliser. Je cherchais un livre facile d’accès, parlant du jardin. Tous les livres pour adultes que j’avais trouvés étaient plutôt techniques, avec des photos assez formelles, jolies bien sûr, mais ne faisant pas entrer dans l’imaginaire, le rêve éveillé. De plus, les textes étaient compliqués pour des personnes apprenant à lire. Finalement, pour l’une des quatre séances que nous avons passées ensemble, j’ai choisi un livre illustré de Claude Ponti intitulé « Au fond du jardin », livre pour enfants, certes, mais dont les illustrations m’ont toujours fait rêver. J’ai pensé qu’il serait parfait de le partager avec ce public en particulier. De plus, la majorité de ces personnes sont des parents, qui auraient plaisir à faire découvrir à leur tour l’histoire à leurs enfants. Ensuite, je leur ai demandé ce qu’il y avait comme fruits et légumes dans le jardin de leur enfance. Nous avons énormément échangé et peu écrit parce qu’il fallait qu’elles m’expliquent et me fassent comprendre uniquement en français de quel fruit ou légume elles parlaient. Ce fut une après-midi pleine d’éclats de rire et d’émotion, de souvenirs d’enfance, d’odeurs d’épices, de jasmin, de couleurs de terre ocre ou brune, d’orangers et de dunes, d’animaux et d’insectes… J’écrivais les mots sur le tableau et elles les recopiaient. La séance suivante, je leur ai demandé d’écrire une histoire à la manière de Claude Ponti, sur leur jardin extraordinaire : elles racontaient, et j’écrivais. Ces heures restent pour moi parmi les plus belles de cette aventure. Lorsque leurs textes ont été mis en valeur dans le Centre et dans le jardin, (fleurs en mousse suspendues, textes écrits sur les vitres du Centre, histoire extraordinaire sur un panonceau) elles sont toutes venues les voir, cherchant leur prénom à la fin de chaque écrit, très fières de le montrer à leurs proches. pour une fois, au lieu d'essayer de lire des textes simples ou administratifs, portant le poids de leur statut d'étrangères en difficulté, elles étaient lues, affirmant ainsi leur identité, partageant leurs souvenirs.


C'était un p'tit bonheur que j'avais rencontré... L’arbre à petits bonheurs est né dans l’esprit d’une collègue qui a proposé d’aménager un endroit dans le Centre où les publics de passage pourraient témoigner eux aussi de ce qui les rend heureux tous les jours. Elle avait trouvé un éphéméride qui distillait un petit plaisir par jour tel que : « Écouter le chant d’un oiseau au lever du jour » ou encore « Se réchauffer les mains au-dessus d’un feu de bois. » Nous avions un gros ficus dans l’entrée qui est devenu L’Arbre à P’tits Bonheurs. Chacun pouvait trouver dans une boîte des papiers prêts à être accrochés, sur lesquels ils pouvaient témoigner. « M’endormir dans les bras de mon bien-aimé ». Suspendu audessus, un arrosoir déversait des myriades de papiers colorés. L’arbre a vite été saturé de mots . Les p’tits bonheurs ont donc fleuri sur les murs . « Mon bonheur, c’est de rentrer dans mon monde en écoutant de la musique. », « Le bonheur, c’est de faire un câlin à mon doudou». Notre collègue, qui travaille dans un établissement d’accueil pour personnes en situation de handicap, a tellement aimé l’idée qu’elle a fabriqué avec son groupe un Arbre à P’tits Bonheurs en résine pour le jardin. Et abracadabra ! Jour de fête du printemps au Jardin de 7 Lieues, un arbre multicolore apparaît et se pare très vite de p’tits bonheurs colorés, fruits savoureux que viennent butiner les badauds ravis.


Dans mon jardin d'hiver Pour écrire le bonheur d’être au jardin, quoi de plus naturel que d’écrire dans le jardin. Mais voilà, d’avril à juin 2013, il a fait froid et il a plu tout le temps. Chaque mercredi, nous disions aux enfants : « la semaine prochaine nous irons dans le jardin » et chaque semaine nous nous retrouvions dans une salle, enfermés dans le Centre. C’est ainsi qu’est née, dans l’esprit de nos jeunes en manque de verdure, l’idée de fabriquer de grosses fleurs en mousse. Au cœur, d’un côté était écrit : « j’aime » et de l’autre « j’aime pas ». Sur chaque pétale, ils ont inscrit ce qui les faisait rêver au jardin et de l’autre ce qu’ils n’aimaient pas. On a eu beaucoup de : « j’aime pas la pluie, la boue, le mauvais temps » ! Cela a tellement plu aux adultes des ateliers d’alphabétisation qu’ils ont aussi voulu donner leur avis sur leur quotidien. Ces fleurs colorées ont orné le jardin et le Centre tout l’été et l’automne.

Le pouvoir des fleurs Le Jardin de 7 Lieues est situé au pied de la résidence APF (Association des Paralysés de France) d’Épinal. C’est aussi le jardin des résidents qui aiment s’y promener et participer aux différentes activités et fêtes qui s’y déroulent tout au long de l’année. L’idée d’investir autrement leur jardin en exprimant leur bonheur de s’y trouver les a séduits. Avec leur animatrice, ils ont décidé de relever le défi de peindre sur de grands draps à la façon de kakémonos leur représentation du jardin et de la nature. Cet atelier plastique a connu un beau succès, permettant aux résidents de dépasser leur handicap. Je pense en particulier à ces personnes tétraplégiques ou ayant beaucoup de mal à maîstriser leurs bras ou mains, peignant sur ce grand espace qu’est le drap une fresque champêtre à la façon des pointillistes, inscrivant les mots représentant pour eux le plaisir d’être au jardin. Ces travaux ont été exposés tout l’été dans la serre. Ils ont aussi eu envie de valoriser « l’espace jardin » en transformant les parpaings qui servaient à arrimer le marabout (qui trône au milieu de celui-ci tout l’été) en jardinières originales peintes de couleurs vives et débordantes de capucines orangées. Ces créations ont ravi les promeneurs et provoqué des échanges avec les résidents, heureux d’expliquer leur démarche artistique. Il faut dire que ce projet d’atelier d’écriture collectif leur a permis d’être des écrivants au même titre que les autres ; cela ne va malheureusement pas toujours de soi. Ces ateliers d'écriture ont réuni autour d'un même projet des personnes très différentes qui ne se côtoyaient pas habituellement, créant un lien social certain entre les habitants du quartier.


Donnez-nous, donnez-nous des jardins Pendant les accueils de loisirs des mercredis après-midi, nous avions décidé de proposer quatre séances d’ateliers d’écriture autour du jardin. Nous avions 22 enfants inscrits, alors nous les avons partagés en deux groupes qui nous rejoignaient pour une heure, dans une petite salle du centre, calme et bien éclairée par mauvais temps, sur les tables du Jardin de 7 Lieues par beau temps. Pour l’une des séances, je leur ai proposé de me donner tous les mots qu’ils connaissaient ayant un rapport avec le jardin, j’en ai moi-même suggéré un certain nombre. Je les ai écrits sur un tableau : grande surprise ! Au beau milieu de ce quartier urbain, certains pensaient qu’on pouvait trouver des bananes et des ananas dans nos jardins vosgiens… Ensuite, je leur ai lu un conte intitulé : « Un tout petit jardin secret » de Claude Clément, tiré du livre : « Mille ans de contes nature » paru chez Milan Jeunesse. C’est l’histoire d’un petit jardin de quartier fréquenté par deux enfants qui y jouaient en secret, condamné à être détruit pour construire un parking. Je les ai encouragés à écrire un texte court d’une dizaine de lignes sur le thème « mon jardin secret ». Pour les aider, ils pouvaient utiliser les mots donnés au début de la séance. Les enfants les plus jeunes, qui avaient du mal à écrire, étaient aidés par ma collègue et moi. Parfois, ils nous dictaient leur histoire. Chacun a ensuite lu sa création au reste du groupe. Il était important pour moi de valoriser tous les textes, cherchant la situation ou le mot intéressant dans l’écrit. Un bel échange a eu lieu ensuite entre les enfants qui se retrouvaient dans telle histoire, qui trouvaient drôle telle situation. Les enfants ont, par la suite, construit avec l’aide d’un habitant retraité du quartier, des panonceaux en bois sur lesquels ils ont affiché leur texte. Il est parfois plus difficile pour les enfants de se concentrer à l’extérieur : c’est ainsi que j’avais prévu une séance à l’ombre des arbres, dans le Jardin de 7 Lieues. Je voulais qu’ils écrivent une histoire commençant par : « Sur le vert tendre d’une feuille », partant d’une histoire écrite par Avril Haïm. Bien installés sur le salon de jardin, j’ai commencé à lire l’histoire, pour me rendre compte que personne n’écoutait vraiment. L’un regardait passer un papillon, l’autre m’interrompait en s’exclamant sur la couleur d’une fleur… J’ai donc décidé de remettre cette séance particulière à une autre fois, et nous sommes partis flâner dans le jardin. Ensuite, je leur ai demandé de choisir un arbre, un élément, puis d’écrire en commençant par : « Si j’étais » et de décrire ce qu’ils feraient ou vivraient. Ils pouvaient écrire assis dans l’herbe s’ils le souhaitaient. Ainsi sont nés des textes commençant par : « Si j’étais le vent, le soleil, une fleur, un papillon… » qui ont par la suite été écrits sur des serpents en mousse, suspendus ensuite aux branches des arbres du jardin. Ces ateliers d’écriture ont permis aux enfants de découvrir le plaisir d’écrire sans se soucier des fautes d’orthographe ou de syntaxe, avec seulement l’idée de se raconter, à travers les histoires inventées. D’exprimer ce qu’ils n’arrivent pas ou ne peuvent pas dire, comme ce jeune garçon qui avait écrit : « Si j’étais le vent, je serais libre d’aller comme bon me semble partout où je voudrais ». Après lecture de son texte, je lui ai demandé où il aimerait aller en particulier, et j’ai compris que ses parents étaient divorcés et qu’il aimerait aller chez chacun d’eux dès qu’il en aurait envie.

Nicole Pion Animatrice enfance jeunesse


Le rapport d'activitĂŠ est

Il ne faut pas mettre du vinaigre dans ses Êcrits, il faut y mettre du sel.
 Montesquieu


Chaque année à peu près à la même période, on voit arriver un évènement propre à toutes les associations : l’Assemblée Générale. Cette rencontre entre adhérents, bénévoles et professionnels de la structure a souvent tendance à être insipide et peu ragoûtante. Il est donc nécessaire de mitonner un évènement à la hauteur si on souhaite attirer du monde. Ce n'est pas facile de faire apprécier l'assemblée par l'adhérent. Ce n'est pas non plus toujours aisé de bien cuisiner cet événement et de prendre plaisir à le réaliser.

Une réflexion concernant la démarche participative croisée avec une formation à la conduite d’ateliers d’écriture m’a amené à tester cette pratique avec mes collègues. C’est un moyen de réaliser tout ou partie des rapports habituels de l’Assemblée Générale. Le plat principal en sera certainement le rapport d’activité qu’il conviendra de bien présenter afin qu’il reste digeste. Nul besoin de chefs réputés ; une équipe prête à jouer le jeu peut suffire. En tous cas il est possible de mobiliser les personnes concernées pour qu’elles s’impliquent dans l’élaboration d’un festin collectif. Dans ce cas, l’atelier d’écriture sert de creuset pour une expérience à vivre en commun avec ses collègues apprentis cuisiniers. Une recette à éprouver pour tester une cuisine associative beaucoup plus savoureuse.


Dans la série « Ma cuisine » L'atelier sauce AG p r é p a r a t i o n ¾ d’heure en fonction du temps de médiation qui peut s’apparenter dans certains cas à une décongélation. M i j o ta g e 1 heure maximum pour ne pas épuiser les goûts D é g u s tat i o n 30 minutes

Pour une Assemblée Générale d’une centaine de convives, prévoir de mettre à contribution une brigade de collègues apprentis cuisiniers. Dans une belle salle bien éclairée, calme et équipée d’un tableau, placez les mirlitons écrivant autour de la table et les mettre en confiance. Au préalable vous aurez pris la peine d’expliquer à votre supérieur hiérarchique que vous allez accompagner l’élaboration d’un plat spécial pour l’AG. Celui-ci sera servi au moment du rapport d’activités. Avec son accord et celui des administrateurs de l’association, vous allez permettre aux collègues d’exprimer leurs ressentis et d’affiner leur description des actions réalisées tout au long de l’année passée. Pour cela, bien rappeler à vos cuistots en herbe les objectifs de cet atelier d’écriture : réaliser une succulente histoire pour évoquer les activités de chaque service. Ne pas tricher sur la marchandise et rappeler que dans ce cadre particulier ça va être un exercice imposé alors qu’habituellement c’est une démarche volontaire d’écrire. Insister tout de même sur le partage de cette méthode. C’est une recette qu’ils pourront reproduire dans le cadre de leurs activités habituelles, auprès des publics qu’ils côtoient. C’est une expérience qui peut leur être utile. Une information claire et précise, partagée en réunion d’équipe suffit à remporter l’adhésion de cette communauté de travail. Il est possible de relativiser les craintes des participants en rappelant que tous utilisent déjà régulièrement l’écrit dans leur tâches quotidiennes et qu’ils devraient aisément se faire plaisir en concoctant de délicieuses phrases ou petits textes. Indépendamment de la confection d’un rapport original, ce temps vécu en commun favorise l’esprit d’équipe et la cohésion du groupe. L’écriture est un plat complet qui s’adresse à tous. Il s’apprécie par les yeux, par l’ouïe et surtout par la bouche. Les mots et leurs saveurs se révèlent au travers de la sincérité de celui qui les met en jeux. En les faisant d’abord mijoter lentement, ils s’harmonisent entre eux et commencent à dégager des fumets intéressants. En les amenant à se découvrir et à crépiter par une mise en voix appropriée, ils révèlent avec sensibilité l’esprit général du propos et enchantent les oreilles.


Que ce soient des bouchées sucrées ou salées, il faut absolument faire entendre les mots, c’est ainsi qu’ils s’apprécient le mieux. T e c h n i q u e m e n t

Pendant 10 minutes, repérer ensemble des mots qui se rapportent aux actions égrenées tout au long de l’année. Les ingrédients doivent être de premier choix et de bonne consistance. Ils doivent refléter le terroir. Plus ils seront variés et goûteux, meilleur sera le résultat. Les mettre au chaud en les inscrivant sur le tableau. Lire durant 3 à 4 minutes un ou deux textes médiateurs (voir MéliMémo à la fin de l’ouvrage). Ces lectures dont les participants pourront s’inspirer serviront de bouillon de culture pour l’imagination. Délivrer à vos marmitons la proposition qui va les mettre en action : « Écrire une histoire en incluant tous les mots réservés sur le tableau. Les laisser agir durant 20 minutes. Dans cette opération, vous aurez en quelque sorte la place de chef de brigade. Pendant que les apprentis exécutent la mini-recette, vous aurez à veiller à la température des fourneaux, au respect des temps de cuisson et à l’accompagnement discret mais efficace de chaque personne. Il s’agit de pouvoir aider celui qui serait dans la panade en lui proposant le cas échéant les assaisonnements adéquats et les rectifications nécessaires. Dès que la cuisine est finie, il est important de goûter ensemble les assiettes préparées par chacun des participants. C’est un moment collectif d’appréciation en même temps qu’une première valorisation de vos cuisiniers. Là encore votre place sera importante dans le retour que vous ferez de cette dégustation. Pas de jugements secs et abrupts, tout d’abord une impression d’ensemble du plat et de sa structure. Ensuite, en vous appuyant sur les différents ingrédients, il vous sera possible d’énoncer ceux qui relèvent le mets, lui donnent du relief, le pimentent, et lui confèrent sa texture particulière. Cette étape délicate sera vécue avec une bienveillance favorable à la formation des jeunes cuisiniers. Dès que tout le monde aura présenté sa « succulente histoire », mettre au frais les plats dans l’attente du service en salle pour l’Assemblée Générale. Une fois de plus, le maître saucier pourra assurer la liaison des récits et leur enchaînement. Il réfléchira à la façon de les présenter aux nombreux convives présents lors de l’évènement : lecture à une ou deux voix, agrémentée de photos, affichage sonorisé sous forme de diaporama, tout est possible et peut s’accommoder de diverses manières… Après l’avoir vécu quelques fois, je peux témoigner que ce qui peut habituellement être difficile à avaler, devient consistant, sensible et rapproche un temps donné ceux qui cuisinent de ceux qui se mettent à table. Philippe Urbain Délégué culturel, Ligue de l’Enseignement des Vosges


Qu’est-ce que la peinture ? Qu’est-ce que l’art alors ? C’est créer, mais quoi ? Créer, inventer quelque chose de neuf de façon à pouvoir parler aux autres à partir de ses propres découvertes. Gérard Fromanger


Depuis 2009, l’association Golbey Animation organise chaque année en octobre une exposition nommée « L’art s’expose... ». Cette exposition réunit des artistes amateurs vosgiens aux techniques variées. En créant ce temps fort, nous aspirons à rendre plus accessibles la culture et l’art à ceux qui en sont parfois éloignés. Cette exposition a également pour ambition d’être un lieu d’émancipation en vue de déclencher chez certains le désir de se mettre dans un travail personnel artistique. Imaginez un lieu avec différents univers de créations, des artistes bienveillants avec lesquels vous pouvez échanger, découvrir et partager des techniques comme le tournage bois, la céramique, la dentelle aux fuseaux, la photographie, la peinture… Si vous le souhaitez, vous pouvez participer à des ateliers (collage, couture, porcelaine froide...) pour avoir une première approche et ainsi dédramatiser l’idée de création ou laisser s’exprimer votre âme d’artiste ; alors vous aurez une image de l’univers dans lequel nous évoluons depuis six ans, à cette période de l’année. Pourtant, dans ce monde « merveilleux », en tant que directrice de l’association et organisatrice de cette manifestation, je rêvais d’une pause, une pause qui incite au voyage afin que certains artistes amateurs s’émancipent davantage. J’ai constaté d’années en années que les productions des exposants n’évoluaient que faiblement alors que ma demande était de proposer des nouveautés et qu’un certain nombre d’œuvres relevait essentiellement de la reproduction et non d’une création personnelle. Pour beaucoup d’artistes amateurs, le passage de la reproduction d’un modèle à la création personnelle n’est en effet pas évident. J’ai donc pensé, pour préparer l’exposition de l’année suivante, que leur proposer une expérience singulière, celle de l’écriture, les amènerait à concevoir autrement leur approche artistique. J’avais pour conviction que l’écriture serait pour ces artistes amateurs un espace de découverte et, de part sa nouveauté, une sorte de mise à distance pour aborder différemment des éléments indispensables à la création plastique telles la matière ou la couleur. J’étais persuadée que l’écriture ferait naître de nouvelles idées, de nouvelles sensations à retranscrire ensuite plastiquement ; autrement dit, que l’écriture était un lieu d’ouverture de l’imaginaire, d’exploration des émotions et un lieu de partage. Pourtant, partir en voyage avec un bateau nommé « atelier d’écriture » fait peur. En effet, qu’est-ce qui peut nous y attendre ? De la calligraphie ? De l’écriture comme à l’école ? Moi aussi ça m’a inquiétée au début ! « Je ne suis pas une littéraire, ce n’est pas pour moi. Je ne serai pas à la hauteur ! Et puis, que va-t-on penser de moi ? ». Alors j’ai baptisé le bateau autrement et c’est ainsi que le projet ECRIT’ART est né.


Pour réussir ce voyage d’atelier d’écriture avec les dix aventuriers inscrits, j’ai imaginé des escales dans différents pays aux couleurs, saveurs, odeurs, paysages différents afin que les participants parlent d’eux, s’interrogent, mettent leurs sens en éveil et ainsi se découvrent certaines ressources cachées. J’ai choisi également de les amener à mobiliser ces ressources en vue d’une création plastique en leur proposant comme fil conducteur de nos séances de travail, d’imaginer leur monde idéal, celui dans lequel ils aimeraient aller s’ils en avaient le pouvoir. À l’instar du concept de l’histoire d’Alice aux pays des merveilles de Carol Lewis, j’ai demandé aux participants de s’imaginer tombant dans un « trou » et arrivant dans un tout autre univers, celui de leur rêve, et de recréer cet univers. C’est donc notre histoire que je vais vous conter, celle de l’excursion d’un groupe d’artistes amateurs qui par le biais des ateliers d’écriture, réalisera des créations plus personnelles. prémices d'un voyage Le groupe de voyageurs, constitué sur la base du volontariat, était essentiellement féminin avec des situations différentes : salariées, à la recherche d’un emploi, retraitée, et des âges divers ainsi qu’un jeune homme en situation de polyhandicap avec son aide soignante. J’étais en train de suivre une formation sur les ateliers d’écriture, et transposer la théorie en pratique ne me semblait pas insurmontable. Quant aux aventuriers, ils avaient différentes attentes : « Essayer un nouveau style d’art » ; « Évoluer, améliorer » ; « Apprendre autre chose » ; « Passer un bon moment, faire des trucs pas prévus » ; « Partager un bon moment, apprendre » ; « Découvrir » ; « Ouverture d’esprit, curiosité ». Cependant, avant de nous lancer dans cette aventure, le groupe n’ayant auparavant pas vécu d’ateliers d’écriture, je n’imaginais pas entrer dans le vif du sujet dès la première escale. J’ai donc fait le choix de débuter par des petits jeux en revisitant le prénom de chacun sous forme d’acronymes et acrostiches.


Avis de tempête ! Or premier atelier, premier embarras : une écrivante m’explique que cet atelier ne lui rappelle pas de bons souvenirs. En effet, Pôle Emploi lui avait demandé de travailler de cette manière pour écrire sa lettre de motivation. Puis les premiers constats et questionnements apparaissent : comment casser le « moule scolaire ? » ; « Combien de lignes faut-il écrire ? » ; « J’ai fait hors sujet » ; comment faire en sorte que les écrivants ne se limitent pas dans la rédaction de leur texte ? : « J’arrête d’écrire sinon je vais en écrire de trop ! » ; comment gérer le décalage entre les écrivants qui terminent rapidement leur texte et ceux pour lesquels il faut davantage de temps ? Et s’amplifient au fur et à mesure des séances... - Comment prendre en compte, tout en le gérant, le fait que certains participants, contents de se retrouver, discutent durant la phase d’écriture, perturbant ceux n’ayant pas terminé ? - Comment amener les participants à écrire des textes « plus riches » ? - Comment gérer la crainte de l’écriture ? Crainte de ne pas savoir, crainte de se dévoiler ? - Comment réussir à débloquer certaines personnes dans l’écriture du texte demandé ? - Comment rendre un atelier « agréable » ? - Comment ne pas frustrer, vexer un participant en faisant des retours sur son texte ? - À quel moment peut-on savoir si le texte proposé par le participant est abouti ou non ? - Comment se comporter quand nous n’avons aucune inspiration sur un texte pour lequel nous devons faire un retour ?


La découverte d'un nouveau monde L'écriture à 3 mai n s Objectif de l’atelier : Éveiller l’écriture et souder le groupe Visite de l’exposition photo « Mémoire Textile » par Gilles Henriot, puis choix d’une photo 1er temps (10 mn) : décrire des lieux, poser une ambiance, un univers Utiliser l’incipit : « La première fois... » ou « Je n’aurais jamais cru » Attention : l’écriture doit être lisible car le texte est ensuite lu par les autres

2ème temps (10 mn) : continuer l’histoire en gardant l’univers mis en place par le premier écrivant et en introduisant un personnage ; le 2ème écrivant poursuit l’histoire 3ème temps (10 mn) : terminer l’histoire Attention à la cohérence

Les c o ule urs Le passage est en gris entre deux, inconnu, que va-t-il advenir ? La brume, le brouillard, crainte et espoir mêlés le gris après le feu, la cendre calcinée. Une page est tournée, quelque chose va naître et l’on ne sait pas quoi ; une espérance attend Phénix aux mille éclats, arc en ciel d’avenir. Une histoire de bleu, Jean-Michel Maulpoix, Mercure de France, 1999.

Objectif de l’atelier : avoir un autre regard sur la couleur, une approche poétique Démarche : tirer au hasard une couleur et écrire ce que cette couleur représente, évoque pour vous : odeur, visuel, goût, image, lieu, quelles sensations elle procure (chaud / froid…), s’aider des livres et dictionnaires à disposition pour se constituer un réservoir d’idées et de mots (environ 15 mn de recherches) et écrire un texte poétique (10 à 15 mn)

Pour que le voyage se déroule dans de bonnes conditions, il m’importait d’organiser une étape « Écriture à 3 mains ». La finalité était de « désamorcer la crainte de ne pas savoir quoi écrire dans un atelier d’écriture » et de créer une cohésion du groupe, et elle a eu lieu : « ça faisait peur au début mais on a bien ri ! ». Cette halte m’a également permis de me rendre compte de la facilité pour certains d’entrer dans l’écriture à l’inverse d’autres personnes. Ce jour-là, j’ai été heureuse de la présence d’une exposition dans les locaux car elle a permis à ces écrivants « rapides » d’attendre les autres sans donner le sentiment de s’ennuyer. C’est pourquoi, pour les différentes séances, j’ai veillé à avoir des livres sur des artistes, courants artistiques ou techniques artistiques à disposition. Toutefois, pour l’avoir également vécu en tant qu’écrivant, je pense que « ce temps d’attente » nous permet aussi d’approfondir notre écrit, d’harmoniser notre style. Et parfois, dériver au fil de l’eau provoque de l’inattendu dans les textes… Nous avons poursuivi notre voyage avec une autre escale, cette fois-ci au pays des couleurs. Pour cette étape, j’avais pour volonté que les participants proposent des textes plus travaillés. J’ai donc fait le choix, en plus du texte médiateur, d’apporter des livres et dictionnaires sur le symbolisme des couleurs dans lesquels les participants ont puisé des idées. Effectivement, à la lecture des définitions, certains ont avoué « je n’aurais jamais pensé ça de la couleur orange alors que je la déteste ! » Plus il y a des contraintes, plus les textes seront créatifs. J’adhère à cette idée, ceci dit, j’ai dû avoir l’exception qui confirme cette règle dans mon groupe car au cours d’un atelier, une écrivante m’a avoué : « Trop de contraintes me bloquent. Je n’ai pas été inspirée ».


La difficulté rencontrée au cours de cet atelier était que certains participants, ce jour là, discutaient, perturbant ainsi d’autres écrivants. Or, la proposition du jour, dans la forme, n’était pas facile pour tous. En conséquence, une personne n’a pas écrit de texte et a refusé de lire les quelques lignes qu’elle avait rédigées : « J’ai pas la tête à ça ce soir » et je pense gênée par celles qui parlaient : « J’étais inspirée mais je n’ai pas réussi à faire un texte. J’ai été bloquée par certains mots ». Je lui ai alors proposé de travailler le texte chez elle et de le lire à la prochaine séance. D’autres ont écrit mais avec difficulté : « J’avais une belle couleur mais j’ai eu du mal à écrire le texte : la poésie c’est pas mon truc ». J’ai alors essayé de rassurer le groupe en expliquant que l’atelier leur donnait aussi à découvrir différentes formes littéraires. Évidemment, nous avons plus ou moins d’affinité, d’accroche avec certaines formes mais le principal est de trouver celle qui nous correspond le mieux. Mon erreur, dans cette étape, a été de ne pas avoir trouvé les mots pour amener ceux qui parlaient à se recentrer sur leur écrit. Il n’est pas simple de trouver la juste mesure pour que ce temps d’écriture soit suffisamment serein et un moment de plaisir tout en étant aussi un moment de travail sur la langue et le langage. Garder le cap ! Comme tout voyage organisé, une planification du parcours et un cahier de bord sont nécessaires. Cependant, prévoir ne va pas toujours de soi et parfois, selon le climat, j’ai eu besoin d’un temps de réflexion, de maturation, autrement dit de revoir certaines étapes de mon parcours. Ainsi, par exemple, j’ai préféré, lors d’une des escales, changer de technique car je la trouvais trop proche d’une autre déjà utilisée (autoportrait). J’aspirais à proposer des séances qui amènent les participants vers quelque chose de nouveau, d’être surpris soit par la proposition, soit pas la technique utilisée. Pour une autre étape dite « autoportrait », j’ai choisi de ne pas réaliser un second atelier car le groupe était très ému : des événements forts de la vie intime de certains participants ont été dévoilés, ce qui a aussi affecté le groupe. En tant que capitaine de bord, j’ai accueilli les pleurs pour leur accorder la place nécessaire. Puis j’ai dit quelques mots sur notre propre émotion et doucement amené la personne et le groupe à plus de légèreté pour sortir de cette situation, ensemble. Mais j’avoue que cela n’a pas été facile ! J’ai aussi appris à user de stratagèmes et de diplomatie pour effectuer certains retours sur des textes « décevants » dans mon ressenti (car j’étais intimement persuadée que la personne était capable de mieux) et pour lesquels je n’avais a priori rien à dire. J’ai donc renvoyé des questions au groupe ou encore commencé par donner la tonalité du texte (humoristique, poétique, mélancolique…).


Peu à peu, j’apprends à entendre ce qui fait qu’un texte a toujours un potentiel. C’est parfois plus évident pour certains que pour d’autres. Mais le fait qu’un texte soit écrit puis lu à un moment donné lui donne une existence et c’est à moi, « le capitaine de bord », de mettre en exergue ce qui fait de cet écrit là, dans cet instant là, quelque chose qui mérite qu’on s’y arrête. Cela vient de l’écoute que l’on fait des textes : on y entend parfois une intonation que l’on peut alors rendre audible à ceux qui ont écrit. C’est un réel apprentissage que de piloter un atelier d’écriture : la formation puis mon expérience me permettent d’avancer sur cet itinéraire. On rame parfois… mais c’est toujours dans la bonne direction si on prend ce temps de l’écoute et de la bienveillance envers tous les textes. Arrivés à bon port Après nos quelques mois d’excursions, nous sommes revenus riches humainement et en créations qu’il nous fallait partager avec d’autres. Ce partage s’est fait par le biais de l’exposition prévue en octobre où nous avons reconstitué notre parcours dans un espace réservé à la valorisation du projet ECRIT’ART. « Nos » voyageurs ont fait le choix, pour partager tous ces souvenirs, d’utiliser des supports différents afin de varier les approches du public par rapport aux écrits : bande son, affiches grands formats, tissu en forme de tablier, panneaux avec des photos, etc. Par ailleurs, nous souhaitions que cet espace soit dans le même état d’esprit que le monde d’Alice au pays des merveilles, d’où l’idée d’agencer un espace plus intime, plus confiné dans lequel un itinéraire amènerait les visiteurs à flâner entre créations plastiques du monde idéal et textes à lire, à écouter et également à écrire et pour y déposer aussi les germes de leur monde idéal. Les retours accueillis sur cet espace ont été positifs et encourageants. J’ai constaté une réelle halte de ces personnes pour la découverte et la lecture des trésors ramenés par nos explorateurs de leur voyage et j’ai même reçu des candidatures pour un nouveau départ. Les récits de ce long voyage qui s’est inscrit sur une année ont donc été écrits mais aussi lus en dehors du groupe, ce qui est un autre niveau encore de l’écriture. Cette part qui relève de la socialisation de l’écrit marque donc la véritable arrivée de cette grande aventure. Si ce voyage était à refaire ? Même si parfois j’ai eu des « Si j’avais su je ne serais pas venue » humoristiques, le fait de participer à des ateliers d’écriture leur a permis « de prendre confiance en moi », de dépasser « l’angoisse de la page blanche », « de passer un bon moment » et pour certaines, d’assouvir un désir d’écrire…


Les explorateurs de cette aventure ont dépassé non pas « la peur de l’inconnu mais la peur de ce qui nous attend », voire, pour certains, « la peur de se dévoiler personnellement ». L’atelier leur a également donné à apprendre des choses, à utiliser des mots « qu’on n’utilise pas dans la vie de tous les jours ». Et même s’ils appréhendaient à chaque fois, « au final on n’en revient pas de ce qu’on écrit ». Ce voyage a été mémorable pour les dix aventuriers et pour moi-même. Il les a menés à la découverte et à la mise en mots d’émotions. Quant à moi, il m’a fait évoluer dans mon rôle de capitaine de bord. Il n’a pas été sans période de grands vents, sans petites perturbations atmosphériques, comme tout bon voyage. Mais il n’a pas manqué non plus de nuits étoilées et de bonnes balades. Les mots, les textes ont conduit les explorateurs à faire évoluer leur pratique artistique. Ils se sont autorisés des détours par l’imaginaire et se sont aventurés avec davantage de confiance en eux que les années précédentes. Je pense notamment à une personne qui, à l’issue de ce projet, a réalisé pour l’exposition d’octobre, des tableaux mêlant images et textes, alors qu’auparavant, seule l’image était présente. Me voilà prête pour une prochaine aventure avec ce groupe ou bien un autre : embarquement immédiat ! Isabelle Seichepine Directrice d’un centre socio-culturel


Il arrive souvent que lorsque nous pensons faire une expérience sur les autres, nous en faisons une sur nousmêmes.

 Le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde


É cr itu re à 4 ma ins et pl u s a u ce n tre socia l L ouis e M ic h el orsque vous passez la porte du centre social, deux parfums vous accueillent immédiatement : celui des bonnes odeurs de cuisine qui témoignent des activités partagées entre enfants, adultes ou familles et celui du papier qui laisse présager d’une grande activité autour du livre et de l’écriture. Quelques pas plus loin, vous croiserez d’ailleurs une boite en carton dans laquelle se trouvent des livres à qui l’on a envie de donner une seconde vie en les offrant à qui veut bien les adopter. Si vous vous aventurez davantage, vous apercevrez peut-être une ou deux personnes à la retraite entourées de quelques bambins les yeux écarquillés tant ils sont captivés par l’histoire qu’on leur raconte… « Lire… et faire lire… » Et, au détour d’une salle d’activités, en prolongeant votre exploration, vous allez assister à une scène des plus intrigantes : des enfants, par petits groupes, un crayon à la main, appliqués à faire non pas des dessins mais à assembler des lettres qui formeront des mots puis des phrases et, oserions-nous l’espérer, UN TEXTE ! Pour orchestrer ce petit monde, une animatrice, Chantal, qui mène ce que l’on appelle un « atelier d’écriture », terme au combien barbare lorsque l’on est un enfant, pas toujours en accord avec l’orthographe ou la conjugaison, et encore moins avec l’école et ses apprentissages.

La journaliste que je suis ne peut que s’arrêter et assouvir sa curiosité en allant à la rencontre de cette adulte qui a le pouvoir de réconcilier les enfants avec les mots. Je rencontre donc Chantal, animatrice responsable du secteur jeunesse en Accueil Collectif de Mineurs depuis plus de 20 ans. Elle m’explique que cette passion actuelle à mener des ateliers d’écriture n’était pas innée et que c’est sur la proposition de la directrice du centre social qu’elle a consenti à entrer en formation avec Joëlle, une de ses collègues de la structure. Les deux animatrices ont intégré la formation dispensée par une écrivaine, professeur à l’ESAL, action impulsée par la Ligue de L'Enseignement des Vosges, qui regroupe plusieurs structures de l’agglomération et compte environ douze stagiaires. À l’issue d’une première journée de formation, en décembre 2012, les deux animatrices rentrent au centre social en se posant bien des questions sur leurs capacités à suivre ce type de formation tant les niveaux de compétence en écriture sont élevés au sein du groupe. Il faudra tous les encouragements de la directrice du centre social pour mobiliser à nouveau Chantal et Joëlle et leur donner confiance dans leurs possibilités à se positionner sur cette formation. Cinq journées de regroupement plus tard, elles ont acquis la confiance et une assurance dans la prise de parole en collectivité,


attitudes loin d’être acquises au départ. De retour au centre social, il n’est pas rare qu’elles échangent sur les techniques d’écriture et les mises en application à venir. La force du groupe et la qualité d’enseignement de l’artiste en charge de la formation ont eu raison des premières réticences, ont donné goût aux apprentissages et permis de dépasser les appréhensions premières. Depuis ce jour, les enfants du centre social Louise Michel ne se détachent plus de la plume et il ne se passe pas une semaine sans que quelques mots émergent de leur imaginaire. Le premier atelier d’écriture mené par Chantal avait pour finalité de créer une histoire pour une animation lecture avec un outil spécifique, le Kamishibaï. L’animatrice ne sachant pas comment amener cet atelier, a utilisé une histoire créée par un autre groupe d’enfants qu’elle a animé elle-même avant de familiariser les enfants au Butaï, petit mobilier de bois présenté sous forme d’une maisonnette dans laquelle on insère les images. Lors de la deuxième séance, ce sont les enfants qui ont manipulé une histoire du fonds documentaire de la structure et cet exercice a motivé quelques douze enfants du CM à entrer dans l’atelier d’écriture. L’environnement de l’histoire choisi par le groupe (l’océan), c’est à partir de poissons fabriqués selon la technique de l’origami que des groupes de 3 à 4 enfants, rassemblés par affinité, se sont mis à imaginer des personnages et une histoire, récit qu’ils ont partagé ensuite en grand groupe. Toutes les histoires ont été regroupées

et retravaillées par les enfants pour aboutir à un texte commun, écrit au consensus et après de nombreuses délibérations. Trois enfants se sont portés candidats pour taper le texte sur ordinateur pendant que les autres préparaient les illustrations de chaque planche en s’appuyant sur des albums de coloriage. Une fois l’ensemble des textes mis en images, les jeunes se sont entraînés à la manipulation, choisissant des bruitages pour apporter du relief à la lecture. Le Kamishibaï a été présenté aux familles et à l’équipe d’enseignants de l’école primaire du quartier au cours d’une réunion de fin d’année scolaire. L’histoire a également été jouée dans l’enceinte de l’école primaire. Chantal nous a confié que le groupe d’enfants n’avait pas rencontré d’obstacle majeur à l’écriture et qu’elle avait assisté à des échanges sur l’orthographe et la grammaire. Les enfants les plus en difficulté ont participé à leur manière sans forcément prendre le crayon et aucun d’entre eux ne s’est trouvé à la marge du groupe. Depuis cette première expérience, d’autres ateliers ont vu le jour : « Bouteilles à la mer » et leurs messages de détresse, jeu d’écriture partant de « Rien n’est plus… que… » visibles actuellement dans le hall d’entrée du centre social. Pour sa part, Joëlle a mené son premier atelier auprès d’un groupe de 10 enfants du CE2. L’idée était de réaliser un Abécédaire sur l’école. Plusieurs formes d’abécédaires ont été présentées avant de mettre en place l’atelier. Une lettre était choisie chaque semaine et devait faire naître des mots issus du langage scolaire. Les mots choisis étaient


insérés dans un petit texte et la lettre à l’honneur mise en valeur par de jolies calligraphies. Les enfants ont pu présenter le recueil de ces pages reliées à l’occasion de la fête de fin d’année. Depuis septembre, le groupe est passé au CM1 et continue à participer à des ateliers d’écriture avec Chantal. Pour son deuxième atelier, Joëlle s’est intéressée aux enfants du CP, proposant cette fois un atelier à plusieurs mains. Par groupes de 2 ou 3 enfants, elle leur propose de choisir un personnage de conte et de le faire vivre dans le quartier du Haut du Gras où les enfants habitent. Un conte est lu avant chaque atelier et les enfants prennent ensuite le relais pour laisser parler leur imagination. Certains jeunes se sont identifiés au personnage, d’autres en ont fait leur voisin. Joëlle nous dit être surprise par l’inventivité débordante des enfants et constate que cet atelier canalise les jeunes les plus indisciplinés. Elle sait pour être en contact avec les familles que les enfants racontent ce qu’ils font au cours de ces ateliers à leurs parents. Nous attendons avec impatience de découvrir le livret qui contiendra l’ensemble de ces trésors d’écriture. À n’en pas douter, cette initiative de l’équipe du centre social permet une nouvelle fois de mettre en avant le potentiel de nos têtes blondes et offre matière à créer du lien entre les enfants, leurs parents et l’équipe d’enseignants. CF

L’écrit u re , une avent u re à la po rt ée d es pet i ts et d es gr a nd s Une expérience intéressante a été menée par deux animatrices et la directrice du centre social Louise Michel qui se sont engagées pendant une année dans une initiation à l’animation d’ateliers d’écritures. Elles témoignent de leur parcours, de leurs difficultés et réticences mais également de la confiance qu’elles ont acquise et des ateliers qu’elles ont pu mettre en place pendant cette formation. Françoise Claudel dirige l’établissement depuis 24 ans et nous accueille aujourd’hui pour nous faire partager une initiative visant à valoriser la parole des adhérents du centre social. CF : Françoise, pourquoi vous êtes-vous engagée avec deux de vos animatrices dans cette formation ? FC : Depuis de nombreuses années, notre structure participe à des ateliers mêlant intimement des écrits et la valorisation plastique de ceux-ci.


Nous avons accueilli Michel Besnier, Thomas Scotto ou Alexis Ferrier, auteurs de livres jeunesse, Carole Chaix, illustratrice de livres jeunesse, ou encore Marion Favray, réalisatrice d’images numériques, pour mener plusieurs activités avec des enfants de 6 à 12 ans puis des adolescents. Suite à la mise en œuvre des projets, plusieurs réalisations sous formes diverses ont été présentées sur le quartier, au centre culturel d’Épinal, mais également à l’occasion de deux grands festivals du livre d’Épinal, Zinc Grenadine et les Imaginales. L’écriture fait aujourd’hui partie intégrante de la vie du centre social et nous devions nous outiller pour être autonome et continuer à faire vivre cette dynamique. CF : À l’heure du numérique, croyezvous pouvoir encore captiver un public avec des écrits ? FC : Je suis convaincue tout comme mon équipe qu’il faut aujourd’hui plus que jamais maintenir un lien avec le papier pour déjouer les pièges tendus par l’usage facile, attractif et incontournable des mails et autres textos. Nous n’avons pas l’intention de faire un procès aux nouvelles formes de communications mais juste de garder présent l’usage du papiercrayon comme outil au service du lien social. Une partie importante de notre activité concerne l’accueil après la classe et nous constatons avec parfois beaucoup de dépit, que les enfants que nous côtoyons sont en souffrance par rapport à la langue française. Leur relation à l’écriture est avant tout liée à l’école et connaissant les difficultés d’apprentissages des jeunes dont nous

nous occupons, il nous semble important de leur monter que l’écriture peut être aussi quelque chose de l’ordre du plaisir. Nous souhaitons donc lutter contre cette réalité en offrant à notre public une approche ludique de l’écriture au service de la réussite scolaire des enfants.

« Les enfants que nous côtoyons sont en souffrance par rapport à la langue française. » CF : Sur quels critères se sont portés vos choix de la formation et des animateurs qui allaient vous accompagner ? FC : Depuis ma prise de fonction au sein du centre social, nous nous sommes affiliés à la Ligue de l’Enseignement des Vosges avec qui nous partageons les mêmes valeurs humaines et citoyennes. L’engagement de notre structure dans les différentes actions autour de la parole valorisée s’est fait en étroit partenariat avec la F.O.L. 88 et d’autres partenaires sociaux de l’agglomération. Lorsque la Fédération a réfléchi à la mise en place de cette formation aux ateliers d’écritures, c’est naturellement que nous nous sommes inscrits. Quant au choix des personnes de l’équipe pédagogique, il s’est fait simplement par le positionnement de deux animatrices sur cette formation. L’équipe est en recherche constante d’outils d’animation et Chantal et Joëlle souhaitaient partir à la découverte d’une nouvelle activité.


« Elles sont entrées elles-mêmes en écriture pour vivre de l’intérieur ce qu’elles allaient proposer ensuite aux autres. » CF : À ce jour, quel bilan pouvezvous tirer de cette expérience ? FC : Chantal et Joëlle ont suivi une année de formation, mettant en place dans le même temps leurs propres ateliers d’écritures avec des résultats très probants. Au cours de cette année, elles ont acquis une méthode et des outils pour animer des séances jusqu’à la valorisation des écrits sur différents supports. Pour arriver à ce résultat, elles sont entrées elles-mêmes en écriture pour vivre de l’intérieur ce qu’elles allaient proposer ensuite à d’autres. Pourtant, le chemin n’a pas été sans embuche et il leur a fallu lever des incertitudes sur leurs capacités à écrire elles-mêmes et à trouver leur place

au sein du collectif. Cette barrière levée, elles ont pu pleinement profiter des différents apports jusqu’à se sentir capables d’animer leurs propres ateliers. Elles ont ouvert la porte d’un nouvel univers à explorer, s’appuyant au préalable sur des livres dédiés à cet art. Je suis donc très heureuse pour elles et je ne manquerai pas de les encourager dans leurs initiatives d’animations à venir. Pour ma part, je n’ai malheureusement pas pu assister à l’ensemble de cette formation, faute de temps et de disponibilité, ce que je regrette bien. Je n’ai personnellement animé qu’un atelier mais je me suis pourtant engagée dans la continuité de cette formation lorsque j’ai appris qu’une seconde année était ouverte autour de l’écriture d’un recueil de témoignages à destination de futurs animateurs d’ateliers. Chantal et Joëlle ne souhaitant pas s’engager dans une nouvelle année, j’ai donc choisi l’angle de l’écriture journalistique pour leur donner la parole et rendre compte de leur expérience. CF

Françoise Claudel, alias CF. Directrice d’un centre social

Les animatrices interviewées : Chantal Bayard, responsable du secteur jeunesse. Depuis sa formation, elle anime régulièrement des ateliers d’écriture dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires pour des enfants du CM. Joëlle Delayen, animatrice intervenant dans l’accueil après la classe (CE1). Depuis sa formation, elle anime régulièrement des ateliers d’écriture dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires pour des enfants du CP et CE1.


L'atelier d'écriture en bref :

Méli mémo

à l' us a ge d e s c ur i eu x pourquoi l'écriture ?

Écrire, c’est exprimer ce que l’on veut librement y compris ce que l’on tait habituellement. Écrire, c’est faire surgir l’inconnu, se dépasser. Écrire, c’est vivre et ressentir des émotions fortes et particulières. Écrire, c’est découvrir les mots et s’amuser avec. Écrire, c’est percevoir son pouvoir de création et d’expression. Écrire, c’est se faire ses propres idées, avoir un avis personnel. Écrire, c’est explorer ses sentiments et se révéler. Écrire, c’est se sentir écouté et valorisé au travers de ses propres productions. Écrire, c’est mystérieux. Écrire, ça peut faire un bien fou. un atelier d'écriture ça sert à quoi ?

Un atelier d’écriture peut s’inscrire dans de nombreux projets ou être un projet à part entière. Il vise à faire écrire des personnes, dans un groupe et dans un contexte précis. Il peut être un support éducatif, culturel ou favoriser l’échange des pratiques dans une équipe. Il peut être un outil dans une démarche participative. Il peut tenter de réconcilier des groupes avec une part d’eux-mêmes restée en jachère ou bien avec l’idée de l’écriture. Il peut aussi donner ou redonner confiance à ceux qui partagent cette expérience, il peut faire se rencontrer des personnes qui ne se seraient sans doute jamais rencontrées. Il peut aussi être une ouverture sur la littérature, l’art, l’ailleurs. Il peut donner envie de lire, il peut rendre gourmand et même gourmet. Il peut tout cela en même temps et d’autres choses encore. Il est ce que l’on en fait. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne sort jamais indemne d’un atelier d’écriture : c’est un espace et un lieu de création et d’émotions. Dans tous les cas, l’atelier d’écriture amène l’écrivant à se dépasser, à aller vers un univers inconnu et surprenant. L'atelier s'adresse à qui ?

Il peut concerner tout le monde, petits et grands. On peut l’animer dans des structures aussi diverses que les centres sociaux et culturels, les maisons de retraite, les écoles, la rue, les établissements adaptés, les associations…


Idéalement, il vaut mieux travailler avec un petit groupe pour que chacun puisse faire entendre sa voix et profiter des retours de l’animateur. Cela permet ainsi une mise en confiance de chacun et une cohésion du groupe. Dans quels lieux ?

Partout, en tenant compte des publics (enfants, ados, adultes…), dans un endroit calme et propice à la concentration. Il s’adapte de façon stratégique à la thématique proposée : jardin, bord de l’eau, quartier… Il faut que l’endroit soit confortable pour l’écrivant (luminosité, température, acoustique…) Comment ça se déroule ?

Il y a plusieurs étapes à respecter : D’abord, se demander ce qu’on attend de cet atelier d’écriture : où souhaite-t-on embarquer les participants ? Pourquoi ? Avec quels objectifs ? Dans quelles conditions ? À quel rythme ? Sur quelle durée ? Pour combien de temps ? Puis, vient la préparation par l’animateur de sa séance : recherche du thème, du lieu, du matériel, du texte médiateur (le texte médiateur est le texte qui introduit une séance, qui permet de plonger les participants dans l’univers de la lecture, de l’écriture en amenant un point de vue particulier sur le thème défini ou sur une forme particulière du texte. On peut aussi utiliser une chanson, un tableau, une photo... pour introduire l’atelier). Accueil du public et présentation des objectifs de l’atelier. Lecture du ou des texte(s) médiateur(s) et proposition d’écriture avec éventuellement une ou plusieurs contraintes. Le temps d’écriture peut varier en fonction de l’âge des participants, du contexte, des contraintes de temps... mais aussi de la progression des séances : les premières séances peuvent par exemple donner un temps court à l’écriture ; il deviendra plus long par la suite, quand les écrivants seront en confiance. Temps de lecture où chacun lit son texte. Ce temps peut être empreint d’appréhension de la part d’un ou plusieurs participants du groupe mais permet aussi de mettre tout le monde sur un même pied d’égalité et de souder les participants. C’est aussi le moment du retour par l’animateur et le groupe après lecture de chaque texte. Le retour est la valorisation de la production écrite de chaque participant en relevant par exemple la musicalité, le champ lexical, les figures de style, le sens, la sensibilité… sans juger la personne ou le contenu de la création. Il ne s’agit pas ici de trouver un texte bon ou mauvais mais plutôt d’en révéler ce qui fonctionne ou pas et de voir ce que cela évoque et fait naître chez le lecteur. Ce temps de retour est bien souvent un temps empli d’émotions qui peuvent aller du rire aux larmes parfois. Il reste toujours un moment fort de l’atelier.


bilan sur le ressenti des participants :

La durée de la séance se fait en fonction du public et du projet. Il est parfois possible d’alterner les propositions d’écriture ludiques et celles qui sont plus impliquantes. On peut accompagner les personnes en difficulté avec l’écrit (cela peut aller jusqu‘à écrire ce que raconte la personne). L’animateur est bienveillant face au groupe. quelques points de bienveillance :

Ne pas se laisser déborder par le temps : chacun doit avoir le temps d’écrire mais aussi de lire son texte et d’entendre les réactions de l’animateur et du groupe après sa lecture. Être délicat dans les retours que l’on peut faire pour ne pas être contreproductif : les retours sont là pour valoriser un texte, un moment d’écriture et parfois pour ouvrir de nouvelles pistes. Ils sont toujours empreints de respect pour le travail réalisé. Repérer dans le groupe ceux qui sont en difficulté et les accompagner même parfois pendant le temps d’écriture. Accepter parfois que quelqu’un n’ait pas envie d’écrire ou de lire mais être attentif à ce que personne ne sorte de l’atelier avec la frustration de ne pas avoir été entendu. Pratiquer l’observation et l’écoute active et se faire plaisir dans ces moments précieux de partage. 
 que fait-on des écrits ?

Un écrit n’existe que s’il est lu, joué ou entendu. Quel que soit le type de public, la valorisation des textes est indispensable. On parle de « socialisation » des textes. Elle peut prendre différentes formes : livre, affiche, exposition, CD, vidéo… qui peut animer des ateliers d'écriture ?

Celui qui le souhaite et d’ailleurs, pourquoi pas vous ? Il est cependant nécessaire que l’animateur se mette lui-même dans une démarche d’écriture, se frotte à la feuille, au texte et à toutes ces émotions complexes que fait naître l’écrire. Par ailleurs, une formation à l’animation d’ateliers d’écriture s’avère importante et même indispensable pour conduire des ateliers où chacun pourra trouver sa place dans le groupe mais aussi s’inscrire de la façon la plus juste dans sa propre histoire d’écriture.


petite bibliographie autour des ateliers d'écriture

Bing Elisabeth, Et je nageai jusqu’à la page, (réédition) Des Femmes, 2002 Bon François, Tous les mots sont adultes, Fayard, 2005 Boniface Claire, Les ateliers d’écriture, éd. Retz, 1992 Boniface Claire, Pimet Odile, Ateliers d’écriture : mode d’emploi, Guide pratique de l’animateur, éd. ESF, 2008 Haddad Hubert, Le nouveau magasin d’écriture, Zulma, 2007 Laupin Patrick, Le courage des oiseaux, éd. Comp’act, 2004 Lou-Nony Virginie, Ce qui ne peut se dire, Actes Sud, 2014 Neumayer Odette et Michel, Animer un atelier d’écriture, éd. ESF, 2003 Roche Anne, Guiguet Andrée, Voltz Nicole, L’atelier d’écriture, 1989 Rodari Gianni, Grammaire de l’imagination (introduction à l’art d’inventer des histoires), éd. Rue du monde, 2010 (1ère éd. 1973) Stachak Faly, Écrire, un plaisir à la portée de tous, Eyrolles, 2012

petite sitographie autour des ateliers d'écriture

Oulipo : Ouvroir de littérature potentielle • http://oulipo.net Remue.net : ateliers d'écriture • http://remue.net/spip.php?rubrique9 Le tiers livre, web & littérature • http://tierslivre.net


Ce projet constitue l'acte II des Folles Histoires d'écriture

Coordination générale • Ligue de l’Enseignement des Vosges Pilotage artistique et formation • Julia Billet Design graphique • Amina Bouajila Crédits textes :

Pierre Rozo

Luis Mateos

Philippe Urbain

Isabelle Seichepine

Gaëlle Merlin

Nicole Pion

Youssef El Boujoufi

et Julia Billet

Françoise Claudel


L'écrivantaire récits d'expériences d'ateliers d'écriture


Merci à tous les partenaires Conseil régional de Lorraine Conseil général des Vosges CUCS Epinal/Golbey/Chantraine Caisse d’Allocations Familiales des Vosges La Fondation Norske Skog Les villes d’Épinal et Golbey

Les structures participantes : Centre social Louise Michel Centre Léo Lagrange Association Golbey Animation Association Jeunesse et Culture



Éditions du Pourquoi pas 15 rue Général de Reffye 88000 Épinal Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse Dépôt légal : septembre 2014 ISBN : 979-10-92353-11-2 ISSN : 2273-7642 Imprimé par Flash et Fricotel 58 rue d’Alsace 88000 Épinal



[ P O U R Q U O I PA S L’ É C R I T U R E ? ]

es professionnels des secteurs social D et culturel ont imaginé et mis en place des ateliers d'écriture. Ils font le récit de ces expériences en donnant à lire leurs questionnements, leurs doutes mais aussi leur engagement et leur enthousiasme. Ils ne viennent pas donner de recettes ni de leçon mais partager ces aventures qui donnent aujourd'hui de nouvelles perspectives à leur pratique auprès des publics qu'ils côtoient mais aussi de leurs équipes.

11,5 euros


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