Métagraphies : Les étranges dessins de Serge DUBUC / The Strange Drawings of Serge DUBUC

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AVANT-PROPOS PAR ANTHONY JP MEYER

Tout part d'un blog* sur internet qui nous parle d'étranges dérogations et attestations de sortie, en pleine crise du COVID, l'année dernière. Je clique et me voici confronté à une déconcertante spirale de mots, au premier abord incompréhensible pour mon œil fainéant ; puis d'un coup, c’est l'éclaircissement - c'est un vrai texte - un texte qui s'enroule, s'exclame, s'étire, méandre, pointille, spirale et qui roule sous mes yeux sur le papier blanc - un texte administratif en bonne et dûe forme ! Le dessin que produit les mots me rappelle immanquablement les peintures contemporaines des artistes aborigènes d'Australie. Qui ose se jouer du confinement et de ses restrictions, de ses règles et des nouveaux gestes imposés par le terrible souci sanitaire ? Comment peut-on oser sortir de chez soi avec une dérogation pareille ? Est-ce légal, acceptable, surréaliste, dangereux ou tout simplement génial ? Génial, oui - c'est la bonne réponse - et puis j'ai parlé avec l'auteur/artiste - le Serge Dubuc qui restaure et remet en état nos objets parfois blessés - le Serge qui fabrique ses propres outils de pierre afin de re-découvrir les gestes des sculpteurs du néolithique - le Serge qui évide des troncs d'arbre pour en faire des pirogues - un Serge enfin que je ne connaissais pas… La suite de l'histoire est limpide. Serge Dubuc m'apporte ses dessins - d’ailleurs très différents des dérogations et s'engage ainsi une discussion - à tiroirs - qui aboutit directement à l'exposition présente. J'ai toujours eu un attrait pour les mots et leurs formes. Les mouvements artistiques tel que FLUXUS, Lettrisme, DADA, Surréalisme, ou Conceptuel m'ont attiré pour des raisons qui me restent obscures. Il y a fort longtemps je me suis livré à des dessins et textes dans le style de la mouvance Hippie et du Flower Power, à l'époque de mon enfance à Los Angeles - larges lettres, bien rondes et souples, qui se chevauchent et s'intercalent pour rendre des motifs colorés à la manière psychédélique. Plus tard la typographie, l'impression et la mise en page ainsi que la création de nouveaux types de caractères m'intéressèrent, mais tout ceci, aujourd'hui, n'est que souvenirs rangés dans les profonds méandres de ma mémoire. Je parle ici de moi pour tenter de vous expliquer, vous le visiteur, l'esthète, le collectionneur, pourquoi cette exposition se retrouve accrochée sur les murs de ma galerie. Les dessins de Serge Dubuc ont réveillé en moi un plaisir intellectuel certes, mais surtout instinctif car il y a ici une sensualité, une drôlerie, de la beauté, et de l'esprit. Dubuc a plaisir d'ailleurs à nous confondre et à nous mener par le bout de la phrase vers une fin, voire même une faim, imprévue. Parfois discernable avec difficulté, parfois d'une limpidité absolue, ses mots et ses textes se lisent mais aussi se regardent. La compréhension n'est pas obligatoire – nul besoin de tourner le dessin en rond ou en carré, ou se mettre sur la tête, pour lire le texte – laissez-vous déjà simplement séduire par les noirs et les blancs.

* C’est à partir d'une idée vue sur le blog de Stéphane Jacob et la Galerie Arts d'Australie que Serge Dubuc commence sa première attestation COVID. C’était en somme une réponse à une proposition de Stéphane à l’adresse des confinés que nous étions, de créer des interprétations de tableaux aborigènes alors que les galeries étaient fermées. (http://www.artsdaustralie.com/Art-Challenge-art-aborigene?fbclid=IwAR1oOjNh_F2Tu1Dl9-_T6RPmekMmJq1xQxMzBjROHffVn9yP7L6_G5nTzE). Par la suite ses premières attestations furent republiées sur le blog : https://centdetours.org/2020/04/29/attestation-de-deplacement-derogatoire-par-serge-dubuc/

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Les populations anciennes de l'Afrique Noire et de l'Océanie n'ont en général pas créé d'écritures. La transmission des informations rituelles ou pratiques, mythes et légendes est orale, et de ce fait sujette à des modifications perpétuelles. Il suffit de changer un mot, voire ne serait-ce qu’une lettre, pour changer le cours de l'histoire, l’histoire que l'on raconte ou la Grande Histoire que l'on vie. Dans les cultures ayant développé l'usage de l'écrit pour préserver le passé et le présent voire prédire le futur - il est d'usage de rendre visuel, durable et difficilement modifiable, les textes en les inscrivant dans, et sur, la pierre, la poterie, le métal, les murs, les papyrus et les papiers de riz, de chiffons ou de bois, et sur le parchemin et pour finir, sur l'écran rétroéclairé de l'ordinateur ou projeté par laser sur des grandes distances. Ces petites ou grandes images peintes ou gravées sur des parois rocheuses à l'époque préhistorique - devenues glyphes, devenues lettres, devenues sons et mots, qui éclosent et se composent en phrases avec l’écriture cunéiforme dans le Croissant Fertile, les glyphes des Olmèques et Mayas aux Amériques, et les premières épigrammes du site de Banpo en Chine et en passant par les Runes du Nord de l'Europe sont les preuves durablement transmises du génie, de la pensée et de la parole des êtres humains. Serge DUBUC utilise ces signes et lettres pour nous raconter ses histoires visuelles... Chez lui la parole devient dessin – le texte prend des formes – les formes se lisent, et finalement le dessin raconte une histoire. Metagraphie / Metagraphics : Apart from the various direct uses of detourned phrases in posters, records and radio broadcasts, the two main applications of detourned prose are metagraphic writings and, to a lesser degree, the adroit perversion of the classical novel form. [...] Metagraphic writing, no matter how outdated its plastic framework maybe, presents far richer opportunities for detourning prose, as well as other appropriate objects or images. One can get some idea of this from the project, conceived in 1951 but eventually abandoned for lack of sufficient financial means, which envisaged a pinball machine arranged in such a way that the play of the lights and the more or less predictable trajectories of the balls would form a metagraphic-spatial composition entitled" Thermal Sensations and Desires of People Passing by the Gates of the Cluny Museum Around an Hour after Sunset in November". We have since come to realize that a situationist-analytic enterprise cannot scientifically advance by way of such works. The means nevertheless remain suitable for less ambitious goals. From A User’s Guide to Détournement, GUY DEBORD, GIL J WOLMAN 1956 (translation) (https://debordiana.noblogs.org/2011/07/%C2%AB-metagraphies-influentielles-%C2%BB-juin-1954/) * In 1924, Kurt Schwitters already considered that “the word isn’t at the origin, the poetry’s material, it’s the letter”. Idea later reused by the lettrist movement in collages that they called metagraphy. (http://geremylelievre.fr/en/i-am-that-i-am-2/) * La métagraphie est un concept utilisé par Isidore Isou dans les années 1950 pour nommer des œuvres exploitant tous les signes de la communication visuelle (alphabets, codes, idéogrammes, existants ou inventés…), à sa suite les membres de l'Internationale Lettriste reprennent ce terme (remplacé ultérieurement par celui d'hypergraphie ou aussi art des multi-graphies, des poly-graphies, des super-notations, ou encore art des super-écritures…). Isou élabore également un bouleversement pictural et développe le concept de métagraphie qui devient en 1952, l'hypergraphie, champ de toutes les écritures existantes où se fondent peinture, sculpture et roman. Poésure et peintrie, catalogue, R.M.N., Musées de Marseille, 1998, p.628. (https://www.iconomoteur.fr/articles/2012/08/20/101-metagraphie/)

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LES METAGRAPHIES DE SERGE DUBUC PAR GISELE BERTIN Commissaire d’exposition

Au premier abord, figuratifs, les dessins de Serge Dubuc semblent légers, conceptuels et minimalistes. De petite taille, ils nous invitent à nous rapprocher et c’est alors que ce qui semblait uniquement pictural se double et se métamorphose. « Méta », du grec « au-delà ». En effet, le deuxième regard nous transporte vers un autre langage ; celui de la « Métagraphie », où l’écriture se donne à voir par des lettres calligraphiés en formes remplies d’intentions subjectives. L’humour, les passions et les curiosités se dévoilent grâce au contraste profond et non nuancé de l’encre noire sur le papier. Ses lignes traversent leur support avec la force d’ouverture connue de Lucio Fontana et présentée dans son manifeste du Mouvement Spatialiste. Telles des portails, elles nous font voyager dans le temps, dans l’espace, dans la vie ou, au moins pour un instant, dans un non-lieu. Nous plongeons dans ces aplats, tantôt blancs, tantôt noirs et nous laissons emporter dans les différents mondes qui peuplent notre inconscient. Puis, les formes changent et s’affinent. Le conscient prend le dessus et nous ramène à notre besoin humain de chercher à tout comprendre et tout déduire : nous lisons. Guillaume Apollinaire a un inventé le mot « calligramme » pour désigner sa technique basée sur l’art de la belle écriture pour représenter une idée par la synthèse des arts plastiques, littéraires ou musicaux. Or, il ne s’agit pas vraiment d’une invention, mais plutôt d’une réinterprétation occidentalisée des hiéroglyphes égyptiens ou de l’écriture originale d’autres peuples autochtones qui partageaient leurs idées grâce au décryptage de formes connues. Les éléments de la nature et des humains, remplis du pouvoir narratif de notre imaginaire collectif, sont intemporels. Lorsque l’artiste Serge Dubuc recadre ses mots, il joue. Il apporte le poids de ses pensées à la surface et crée, avec grande précision, des univers de vides bien remplis. Dans cette fragile dichotomie, il nous berce auprès de personnages fictifs et réels, en disant tout et rien avec l’exactitude gestuelle d’une machine qui fabule des idéaux fluctuants. Comme les îles, reliées par l’eau, les traces et taches de l’encre de Serge, sont unies par le blanc de la feuille qui les accueille. Ces dessins contemporains sont bel et bien finis, avec parfois l’air des « non-finitos » de De Vinci. « L’art est un jeu, mais c’est un jeu sérieux. » disait le romantique allemand Caspar David Friedrich. Aussi sérieux que le sujet de prédilection de grand nombre d’artistes, le rapport humain au temps qui passe est omniprésent dans les créations que nous exposons à la galerie Meyer pendant ce printemps parisien. Des sabliers qui se vident, des crânes qui rient face à la mort, des muses éphémères, des cartes mouvantes et même des Christs qui interrogent nos attentes, composent le jeu de Serge Dubuc. La mortalité serait-elle une fiction ?

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La vanité est un type de nature morte. Les éléments lui appartenant sont censés être inanimés. Mais comme nous pouvons le constater, les crânes, les poissons, les rats, les coquillages et les autres figures de ces dessins sont en mouvement, donc en vie. Non seulement grâce à leurs assemblages en perspective, mais aussi car, comme des bulles de paroles ou pensées de bandes dessinées, ils communiquent. Ils ne nous laissent pas dans l’attente mystérieuse de ce qui existe derrière l’orage. Ils sont comme l’orage lui-même, qui brise le ciel-blanc. Tel des photos, ces dessins viennent immortaliser le passage du temps. Mais, issus de mains et non de machines, ils se révèlent des trompe-l’œil. Idéalement limpides, ces formes spiralées et labyrinthiques se transforment en puzzles d’états de l’intime. Vous aurez l’occasion de découvrir dans l’entretien avec l’artiste, qu’à l’origine il copiait ce qu’il voyait. Enfant, il reproduisait les images qui l’interpelaient dans les livres de ses parents. Puis, dessiner est devenu le récit de ses témoignages de vie en forme de carnet de voyage. Et finalement, depuis un an, le confinement l’a contraint à trouver sa liberté en vivant le dessin comme un but en soi. Seul, dans son atelier de Touraine, face à la feuille blanche, il est parti dans des terres lointaines, sans même devoir présenter les « attestations dérogatoire de déplacement », puisqu’il les a retranscrites comme des « tables de la lois » d’autres temps. Le dessin intitulé Le temps du Rêve (page 14), par exemple, a des allures enfantines, mais transcende comme les churingas aborigènes dans une narration quasi cosmique. Sacrés, ces objets en bois, pierre ou résine, sont gravés de motifs encore aujourd’hui mystérieux. On suppose qu’ils racontent des histoires, des chants ou sont des guides cérémoniels. La possibilité de les lire était limitée aux privilégiés qui ont eu le droit d’être initiés par le biais de la transmission orale. Imprécis à nos yeux, mais fascinants, ils immortalisent la culture de leurs clans originels. Le rapport à l’écriture, ses formes et ses mouvements dévoile des caractéristiques subtiles des peuples qui les portent. L’alphabet arabe, chinois, romain, indonésien, coréen, indien, japonais, hébreu et tant d’autres, dessinent l’identité des nations qui les utilisent. À travers ce même biais, l’exposition Métagraphies donne à voir des multiples facettes de la personnalité du créateur Serge Dubuc. Les symboles de son jeu, révèlent son « je ». 4

Tjuringa - Tribu des Wongkais, groupe linguistique Arunta, Ooldea Soak, Australie du Sud. 207,5cm. 17e/19e siècle - Galerie Meyer

Ses crânes habillés de rires, que vous verrez ici, nous font croire que oui. Leur présence fait référence directe à la Vanité : genre pictural qui symboliquement met en scène la vie et la mort. Catégorie qui suggère la puissance de grandes Valeurs. L’artiste dessine ces crânes sur des podiums, comme s’ils interprétaient des monologues de spectacles vivants. Ses crânes jouent la comédie. La gestuelle posée nous donne l’illusion de vie. Seraitce donc un affront à la mort ou à la vie ?


INTERVIEW DE SERGE DUBUC PAR GISELE BERTIN

Comment t’es-tu initié à la pratique artistique ?

Me voyant intéressé par l’art, mes parents m’emmenaient souvent au musée. Ils avaient des livres sur des cultures lointaines que je feuilletais sans arrêt. J’étais attiré aussi bien par les aborigènes d’Australie, les Inuits, ou encore par les populations du Pacifique. Je dessinais des choses inspirées de dessins aborigènes, comme celui que j’ai retrouvé récemment. C’est un panneau en contre-plaqué qui représente une scène de chasse avec des animaux, un kangourou, un lézard, des hommes armés de boomerangs. Je l’ai copié à partir d’un livre, et il est vrai que depuis, ma connivence avec ces cultures ne m’a plus quitté. Nous vivions en banlieue parisienne, à Fontenay-aux-Roses, et avions pour voisins la famille Brauner. Cette famille était composée de Théodore, photographe et frère de Victor (le peintre surréaliste), Céline son épouse infirmière, et de leurs deux filles, Marion et Dana qui avaient à peu près mon âge. J’étais très souvent chez eux, ils étaient des amis de mes parents. C’était des gens un peu étranges, et cette étrangeté m’attirait. Sur les murs de leur maison il y avait des oeuvres de Victor Brauner, notamment des peintures découpées en bois, actuellement exposées au musée de la Ville de Paris. Il y avait aussi des objets. Quand on est très jeune on ne sait pas trop les situer, mais il me semble que c’était des objets d’Océanie. Je crois que Victor Brauner collectionnait ces objets-là. Ces choses-là me « travaillaient » et sont toujours restées dans ma tête. C’est un peu le point de départ.

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Chant des Archipels 4 (2020) - 40 x 30 cm 6


Chant des Archipels 3 (2021) - 30 x 30 cm 7


Chant des Archipels 1 (2021) - 40 x 30 cm 8


Chant des Archipels 2 (2021) - 30 x 30 cm 9


Ton intérêt par les cultures lointaines t’a mené à faire de nombreux voyages, dont deux en Papouasie-Nouvelle-Guinée (2008 et 2011), où tu as fait beaucoup de croquis. Ce sont surtout des portraits. Mais concernant les dessins que l’on expose à la galerie Meyer, on ne retrouve pas cette relation directe avec autrui, n’est-ce pas ?

Oui, les dessins que je vais montrer sont assez introspectifs. Il y a eu cette période de confinement que j’ai très bien vécu, ça n’a pas été du tout un problème, surtout les premiers temps, au Printemps 2020. Et puis c’était un moment où je ne faisais pas grand-chose à ce niveau-là, car j’étais très pris par mon travail de restaurateur. La restauration des objets est quelque chose de très important pour moi, ce n’est pas seulement un gagne-pain, c’est une manière de soigner des objets faits par des gens venus de très loin. C’est donc aussi une façon d’entretenir une relation avec les anonymes qui les ont créés. Avec cette histoire de confinement, ça s’est réveillé. La série que l’on va exposer est quand même très liée à ça, au départ. Il y a quelque chose qui m’importe aussi, c’est le rapport à la lettre, au mot, ça c’est quelque chose d’important. J’ai une connivence avec la calligraphie en général, le texte écrit à la main. J’aime beaucoup les lettres écrites.

Pendant que nous parlons d’un rapport à l’écrit, peux-tu me parler de ces attestations dérogatoires de sortie que tu as retravaillées ?

Le surréalisme était quotidien, on ne trouvait pas les mots pour qualifier cette attestation lorsque c’est arrivé. « Tiens, pour sortir de chez-soi, il faut remplir un papier », c’est complètement fou ! Alors voilà c’est venu de ça. J’ai fait trois attestations dérogatoires écrites à ma manière. Elles sont exposées toutes les trois, mais c’était surtout une manière de faire un pied-de-nez, simplement, ce n’était pas plus que ça. Après j’ai laissé cela de côté, je n’allais pas en faire des tonnes car ça ne m’intéressait pas plus que ça. Mais ça a quand même été un déclencheur pour amener autre chose. 10


On vous regarde (2020) - 40 x 30 cm 11


Table de la Loi (2020) - 40 x 30 cm 12


Le temps du rêve (2020) - 40 x 30 cm 13


Est-ce que, pour toi, il y aurait un mot ou une expression idéale ?

Il y a le mot « alternative », car il m’est venu l’envie de faire des dessins à partir de l’acronyme « TINA », « There is no alternative ». C’est l’acronyme que Margaret Thatcher a utilisé pour dire que nous n’avions pas d’autre choix que d’avancer vers toujours plus de libéralisme. Pour moi, on a toujours le choix d’aller à gauche, à droite, de s’arrêter, de continuer, de reculer; on a toujours d’une manière ou d’une autre le choix. Ce n’est pas possible de dire « on n’a pas le choix ». Je pourrais la continuer à l’infini cette série-là. Donc le mot qui me vient, c’est : alternative.

Pour aller plus loin, dans l’ensemble de tes œuvres, pourraiton déceler une relation particulière avec la spatialité et sa structuration, comme une sorte d’architecture ?

Le rapport à l’architecture, je pense qu’il est manifeste, on me le dit souvent parce que c’est quand même assez structuré, ce ne sont pas des choses qui partent dans tous les sens. Il y a quand même une espèce de relation avec une forme d’abstraction géométrique. Ce sont des dessins qui sont visuellement bien structurés, avec des aplats de noir très délimités. Je ne suis pas du tout dans quelque chose de lyrique et de débridé, où le gestuel est présent. Il n’y a pas de trace de la main dans mes dessins mais ça compte quand même, ce ne sont pas non plus des dessins faits à l’ordinateur ! J’ai un goût, en termes plastiques, pour les choses assez construites, pour le suprématisme, même si je regarde beaucoup du côté des dadaïstes. Moins des surréalistes, mais quand même un peu…

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TINA 1 (2021) - 30 x 30 cm 15


TINA 2 (2021) - 30 x 40 cm 16


TINA 3 (2021) - 30 x 30 cm 17


Dans cette même lignée, existerait-il pour toi un endroit idéal, réel ou irréel ?

Il y en a plusieurs. Je suis né à Paris mais je l’ai quitté il y a une vingtaine d’années. Depuis, je fais la navette entre le val de Loire et ses châteaux où j’habite les trois quarts du temps, et Paris. On ne peut pas quitter Paris comme ça. J’y ai aussi un pied-à-terre, donc j’y viens un peu quand je veux. En gros, j’alterne une semaine à Paris, deux semaines en Touraine, ainsi de suite. Je ne peux pas dire que j’aime plus l’un que l’autre. Je ne suis pas contre vents et marées attaché à Paris. Et puis un autre lieu, c’est la promesse du lointain…

Qu’est ce qui te rapporte à ces lieux ? Si tu fermes les yeux et tu te dis « c’est là où je voudrais être » ?

Comme ça en fermant les yeux ? Pour moi c’est le bord de l’eau, une rivière.

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AUBE (2021) - 20 x 20 cm 19


EXIL (2021) - 20 x 20 cm 20


Renversement de l’ordre du Monde (2021) - 30 x 30 cm 21


A quoi ressemble ton atelier, ton lieu de travail ?

Mon atelier en Touraine est un lieu où il y a de la place, d’une centaine de mètres carrés. Les gens qui y viennent ont l’impression que l’on est plusieurs personnes à travailler dedans. C’est une ancienne menuiserie, il y a plusieurs postes de travail, comme le poste « Dessin », ou les postes « Restauration », car c’est cela qui m’occupe aussi beaucoup, même le plus clair de mon temps. Il est clair, la lumière c’est important, il a une grande verrière. Donc cet atelier en Touraine est le grand atelier, celui dans lequel je passe le plus clair de mon temps. A Paris, c’est un studio-atelier, et je peux y faire des choses aussi. L’avantage du dessin c’est que l’on n’a pas besoin de beaucoup de place. Les miens en tout cas sont de dimensions assez réduites, parce que j’aime bien aussi le sentiment de proximité. Le dessin de grand format, c’est autre chose. Chez moi, ce n’est pas immersif, ce sont des dessins qui se donnent à voir d’assez près, d’un format réduit. Du format de la page d’un livre.

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Extrême état de fébrilité (2020) - 30 x 30 cm 23


Visions (2020) - 40 x 30 cm 24


Et justement, quel est ton processus créatif ?

En fait j’ai l’impression d’avoir trouvé une clef qui ouvre sur un grand territoire. Et dans celui-ci, il y a comme des espaces cultivés, des jardins clos qui peuvent communiquer entre eux ou pas. Chaque espace, chaque jardin correspondrait à une thématique, quelque chose, un chantier - je ne sais pas trop comment on peut qualifier ça - que je mène au gré de mes envies, de mes inspirations du moment. C’est pour ça que dans l’exposition on montre un peu une sélection de plusieurs familles. J’avais parlé de dossiers, de jardins, de familles… comme l’on veut. Mais souvent quand j’explore un jardin, les « TINA » par exemple, je fais ça un temps et je me promène dedans. Parfois ça donne lieu à autre chose, ça peut dériver sur le jardin d’à côté qui est lui consacré à « Coquillages », par exemple, et ça débouche sur une série de coquillages avec des mots qui s’enchevêtrent. C’est un peu une promenade, une espace de déambulation. Et au loin, il y a peut-être d’autres jardins à explorer, peut-être que j’y arriverai plus tard. C’est une exploration, comme lorsque l’on part en voyage, vers des destinations que l’on ne connait pas. Et à mesure que l’on approche, ça devient plus net. Il y a une chose aussi qui est très importante, c’est que je suis quand même très perméable à tout ce qui se passe à l’extérieur. Toutes mes sources sont des choses que j’entends et que je vois. Il y a cette histoire de jardins, qui est mon monde intérieur, mais il est alimenté par quelque chose d’extérieur de manière continuelle. Par exemple j’écoute la radio en permanence, toute la journée ; je l’écoute sans véritablement l’écouter, parce que je ne peux pas non plus avoir une oreille attentive et travailler de l’autre. Je ne peux pas travailler avec de la musique, mais par contre je travaille avec des voix, donc j’écoute France Culture, où on entend surtout des voix. Alors parfois j’accroche plus ou moins mais à certains moments, par exemple, dans une conversation je saisis une phrase, une bribe de phrase ou quelque chose qui m’accroche, je ne sais pas pourquoi. J’ai toujours mon carnet à côté, même si je fais complètement autre chose et puis je note. Et ça me fait une collection de phrases, de mots, en me disant que cela me servira peut-être plus tard, ou pas ! Je ne sais pas ! Et puis à côté de ça, il y a les images, qui arrivent aussi par d’autres canaux. C’est comme ça que ça fonctionne : je compile, et après je les classe dans mon jardin, à tel ou tel endroit ou bien à différents endroits.

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Je préfère (2021) - 30 x 30 cm 26


L’alternative (2021) - 30 x 30 cm 27


Rendez-vous (2021) - 30 x 30 cm 28


Quand on parle de ton choix ne serait-ce que d’utiliser de l’encre noire, et de rester dans ce rapport de plein et de vide et de la calligraphie, d’où viennent ces choix de rester dans ce rapport bichromatique ou monochromatique ? Et comment se passe ce moment où tu te poses devant la feuille blanche?

Pourquoi le noir et pas la couleur ? Il se trouve qu’il y a beaucoup de mots dans mes dessins, et il se trouve que je les vois en couleur, à commencer par les voyelles. Pour moi depuis très jeune il est évident que le « A » est bleu, que le « E » est gris, le « I » rouge, le « O » jaune, le « U » vert, le « Y » violet, le « ON » ocre, etc. Le «OIN » aussi c’est un espèce de vert gris, « OI » c’est plutôt ocre rouge. Toutes ces choses-là ont toujours été ancrées dans ma tête, je ne sais pas pourquoi. Après j’ai appris que ça s’appelait la synesthésie, et qu’il y a un certain nombre de personnes qui ont cette disposition neurologique. Pour certains, cela se situe au niveau du lien musique-couleur, on peut faire un lien musique – couleurs. Pour moi, c’est voyelles – couleurs. Par conséquent, les mots étant déjà colorés, je ne me vois pas les mettre en couleur, ça serait surajouter de la couleur et ça me parait impossible. C’est la raison du pourquoi le noir et le blanc.

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Les abysses (2021) - 40 x 30 cm 30


Vierge aux poissons (2020) - 40 x 30 cm 31


Tâche noire cernée d'astéroïdes (2020) - 30 x 30 cm 32


Même quand tu n’explores pas les mots ?

Les portraits ? Oui, je les vois aussi comme ça. À une autre époque je faisais des tableaux à partir de clichés que je prenais à la télévision en noir et blanc, et c’était des tableaux en noir et blanc. C’est vrai que j’ai toujours ce que l’on ne pourrait pas qualifier d’aversion, car j’aime la couleur chez les autres, mais non, je ne me vois pas l’utiliser, utiliser des encres de couleur pour faire joli. Enfin pour moi cela reviendrait à cela, c’est vrai que la couleur a tout de suite quelque chose d’attirant. Ce n’est pas que je n’ai pas envie mais que je ne peux pas. Ça c’était la première chose. Le choix du papier est important aussi. Pour l’essentiel, tous les dessins sont réalisés sur papiers forts, sur des cartes assez lisses, sans grain ou si peu. Les portraits par contre, je les ai faits sur papier kraft. Je voulais que cela renvoie davantage à l’esquisse même s’ils n’en sont pas vraiment ; ils sont quand même assez structurés, mais toujours dessinés assez rapidement. Alors, comment cela se passe-t-il lorsque je passe à la phase où « je m’y mets » ? Ça va vite à ce moment-là, faut que j’y aille tout de suite. Si ça rate, tant pis ! Parce qu’il y a quand même un certain nombre de déchets… Souvent je considère que la main prime sur l’esprit, à un certain niveau : il faut faire, il faut y aller, tant pis si ce n’est pas ça ; c’est en faisant que l’on peut discerner si c’est cela ou non, et ainsi recommencer… Pour moi, dès que l’on réfléchit de trop, cela rate : à un moment donné où il faut y aller directement. Je passe alors d’un tout petit truc, un tout petit dessin, très peu organisé, vraiment un petit croquis de pas grand-chose à quelque chose de plus structuré mais sans étapes intermédiaires.

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Christ 1 _ Un jour comme un autre [à Jean Tardieu] (2021) - 30 x 30 cm 34


Christ 2 (2021) - 40 x 30 cm 35


Christ 4 (2021) - 40 x 30 cm 36


Christ 3 (2021) - 40 x 30 cm 37


Le corset [à Robert Desnos] (2020) - 30 x 30 cm 38


Je vous salue (2020) - 30 x 30 cm 39


Presque rien (2020) - 20 x 20 cm 40


Passage de Venus (2020) - 40 x 30 cm 41


Un rien m’amuse (2020) - 20 x 20 cm 42


Plutôt mourir (2020) - 20 x 20 cm 43


Est-ce que tu serais en mesure de définir ton style, ou le langage que tu explores, que tu choisis, que tu as, par toi-même ?

Le mettre dans une boîte ? Tu as trouvé le titre « Métagraphie », qui est très bien ! Oui, mais je ne me sens pas condamné à ne faire que des dessins avec des mots. C’est aussi pour cela que les portraits sont importants, ça me permet d’aller ailleurs. On peut parler un peu des portraits. On en montre trois mais je me suis remis à en faire. Il n’y a rien de plus banal que d’en faire ; c’est comme un designer qui dessine une nouvelle chaise. On en a fait des milliers mais en refaire une est toujours quelque chose d’unique. Alors j’essaye de faire des portraits uniques. En ce qui concerne les portraits que nous verrons, ils représentent trois personnes qui me sont chères, deux femmes et un homme. Au centre il y a un homme, Yves Tanguy. Enfant, mes parents m’emmenaient au musée, et un tableau que j’ai en mémoire depuis est de Yves Tanguy, « Jour de lenteur ». Et je pense que le titre aussi est important, et le tableau exprime vraiment cela. Il a fait un peu tout le temps le même tableau, et celui-ci est typique. Il ne pouvait pas exprimer mieux ce « Jour de lenteur » qu’avec ce tableau-là. Les deux autres personnes sont des femmes, dont Hannah Höch, une artiste allemande dadaïste et qui a toute sa vie fait des collages fabuleux.

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Hannah Höch (2020) - 30 x 21 cm - Kraft 45


Yves Tanguy (2020) - 30 x 21 cm - Kraft 46


Gabrielle Buffet-Picabia - (2020) - 30 x 21 cm - Kraft 47


Portraits (2020) - 30 x 21 cm - Kraft 48


Si on parle un peu de ton panthéon personnel, si on fait un tour par Picabia, et donc son « Anniversaire », quel est ton rapport avec ce dernier ?

Picabia c’est un artiste qui m’a toujours fasciné. Il a fait énormément de choses et partait dans toutes les directions. Et je trouve cela bien, il a commis le pire comme le meilleur ! Au Centre Pompidou, il y a un tableau qui m’attire, « L’Oeil cacodylate ». C’est un tableau qui a été fait par d’autres que lui, au moment où il était malade, atteint d’un zona ophtalmique. Et ne pouvant pas peindre, il a simplement écrit sur une toile ce titre, « L’Oeil cacodylate », signé et collé une petite photo de lui. Il a laissé ses amis faire le reste, et les gens ont mis ce qu’ils avaient envie de mettre. Et je me suis dit : « là on est en 2021, et ce tableau date de 1921, c’est un anniversaire ! ». Comme il y a ce rapport évident au texte, j’ai vraiment eu envie d’en faire une copie à ma manière, à l’encre, dans un format 40 par 30. Il sera présenté à l’exposition. Dans ces multiples signatures, émerge le nom de sa première épouse qui s’appelait Gabrièle Buffet, une personnalité passionnante, qui est morte à 105 ans en 1985. Elle a vraiment eu un rôle très important dans le développement de sa carrière, en tout cas à ses débuts, quand il est passé de l’impressionnisme à l’abstraction. Alors qu’elle est longtemps restée oubliée, elle a tout récemment fait l’objet d’un livre écrit à quatre mains par ses arrièrespetites-filles, Anne et Claire Berest. Le livre s’appelle « Gabrièle », c’est un roman qui est très bien écrit je trouve. Ces auteures sont venues en parler dans mon village en Touraine, il y a deux ans. C’est une anecdote assez curieuse. Gabrielle Buffet est la troisième personne dont j’ai fait le portrait.

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L’anniversaire - (2021) - 40 x 30 cm 50


Pour s’approcher de la fin, si tu te présentes aujourd’hui qui es-tu ?

Je suis quelqu’un qui cherche quelque chose, un noyau peut-être, à m’évader peut-être aussi, à voyager, à découvrir.

Donc tu te présenterais comme un explorateur quelque part ?

Oui, un aventurier, c’est peut-être un peu fort mais oui quand même. J’expérimente et je cherche à comprendre. Dans un autre domaine qui est celui de la restauration d’objets ethnographiques, je cherche à comprendre le pourquoi des choses. Et quand je disais que la main prime sur l’esprit, je suis attaché à cette idée, et je considère que pour comprendre les objets, il est important de savoir comment ils se créent, et tout ce qui relève du contexte, même si je sais que cela n’intéresse pas du tout certaines personnes. Pour moi il est fondamental de connaitre le contexte technique de ces objets, la manière avec laquelle ils ont été réalisés. Ces dernières années, j’ai fait beaucoup de tests de travail du bois avec des outils lithiques. Ce type d’expérience renseigne sur le pourquoi des formes et la genèse des styles.

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Série Vanité I - (2020) - 20 x 20 cm (chaque dessin) 52


Série Vanité I - (2020) - 20 x 20 cm (chaque dessin) 53


Si tu donnais un conseil au Serge du passé, du présent et du futur ?

J’espère que l’enfant est toujours là, mais un conseil …. Fais-toi confiance ! Continue à explorer…

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Les mariés de l’an 20 - (2020) - 30 x 30 cm 55


A Jean Tardieu - (2020) - 30 x 30 cm 56


SERGE DUBUC, EN QUELQUES MOTS

Né à Paris en 1962, Serge Dubuc manifeste très tôt un goût pour le dessin et les cultures lointaines. Cette disposition est aiguisée par le voisinage, face à la maison familiale, de Théodore Brauner, frère de Victor, et de sa famille. Après des études d'architecture (une erreur d'aiguillage selon ses propres dires), il s'oriente vers la scénographie et la peinture décorative, avant de devenir restaurateur de sculptures en 1999 suite à une expérience déterminante à Tahiti. En dehors de quelques expositions dans le cadre d'ateliers ouverts à Paris, le dessin reste surtout pour lui une affaire privée, mais constante. Son goût pour la lettre, le mot, associé à une conception très organisée de l'espace de la feuille, l'amène à créer des calligrammes inédits ou l'absurde se conjugue avec un humour aux accents dadaïstes. A côté de cela, des portraits de personnages issus de son panthéon personnel confirment cette attirance pour l'épure. Deux séjours en Nouvelle-Guinée en 2008 et 2011 sont pour lui l'occasion d'en rapporter des dizaines de scènes de vie, portraits et gestes dont "il faudra bien faire quelque chose un jour"…

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Un merci spécial à ma fidèle et énergétique directrice de galerie Gisèle Bertin et aux stagiaires de la galerie : Florentin Courillon, Tian Gan, Mael R. Guilbert et Elikia Edoumba-Bokandzo. Crédits photo : Tjuringa : Michel Gurfinkel, Paris & Galerie Meyer – Oceanic & Eskimo Art, Paris. Dessins : Esquisse (3 Rue des Beaux-Arts, 75006. Paris) Autres images : Tous les efforts ont été faits pour garantir une procédure de copyright correcte. Si vous estimez que votre droit d'auteur n'a pas été correctement affirmé, veuillez contacter la Galerie Meyer - Oceanic & Eskimo Art, Paris. Mise en page et illustrations, textes et traductions © Galerie Meyer - Oceanic & Eskimo Art, Paris. La reproduction ou la publication sous quelque forme ou format que ce soit, totale ou partielle, des éléments, images, photos, œuvres d'art et textes contenus dans cette publication est interdite sans autorisation écrite formelle. Ce catalogue est uniquement publié au format numérique sur la plateforme www.issuu.com. Des copies imprimées sont disponibles sur demande au cout réel de l’impression et de l’envoi. Tous les textes : © Gisèle Bertin et Anthony JP Meyer * A special thanks to my faithful and hard-working gallery manager Gisèle Bertin and to the gallery interns : Florentin Courillon, Tian Gan, Mael R. Guilbert & Elikia Edoumba-Bokandzo. . Photo credits : Tjuringa : Michel Gurfinkel, Paris & Galerie Meyer - Oceanic Art, Paris. Drawings : Esquisse (3 Rue des Beaux-Arts, 75006. Paris) Other images : Every effort has been made to ensure correct copyright procedure. In the event you feel that your copyright has not been correctly asserted please contact Galerie Meyer - Oceanic Art, Paris. Layout and artwork, texts and translations © Galerie Meyer - Oceanic Art, Paris. Reproduction or publication in any form or format, either whole or partial, of the items, images, photos, works of art and texts contained in this publication is prohibited without formal written approval. This catalogue is only published in digital format on the www.issuu.com platform. Printed copies are available at cost by request. All texts : © Gisèle Bertin & Anthony JP Meyer

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Comité Scientifique

André Breton

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Signes, Volutes et Graphismes Du texte à la parole le visuel se fait entendre 27 MAI – 26 JUIN 2021 Vernissage 27 Mai 15h – 20h Anthony JP Meyer présente une exposition d’objets d’Art Océanien qui a la particularité d’être composée de signes, de volutes et de graphismes. Un langage visuel qui nous raconte les différentes formes d'enregistrement et de transmission des mythes et des histoires des cultures orales d’Océanie, n'ayant pas encore développé l'écriture. De la spatule à chaux de la région Massim, dont le personnage est orné de spirales et de zigzags, au Churinga aborigène recouvert de minuscules stries, cercles et spirales, en passant par la pagaie de la Baie de Humboldt agrémentée d’une effigie de poisson mythologique, cette exposition met en rapport et en synergie les signes, glyphes et ornements qui constituent les différents langages quotidiens, fonctionnels et rituels. Le motif peut être un signe indiquant un titre de propriété, parfois c’est un emblème clanique, un rappel de victoire, une preuve d’initiation ou encore une attestation de richesse. Les motifs sont multiples, comme peuvent être leurs combinaisons. Ils sont souvent encore non-déchiffrés par nos chercheurs. Beaucoup sont soumis à la notion de « copyright », ce qui en interdit la reproduction sans contrepartie. Ce « droit d’auteur » peut mener à des conflits graves en cas de non-respect de l’exclusivité du motif. Ces motifs, que nous nommons par simplicité, décoratifs, sont toujours synonymes de quelque chose de précis. L’art n’est jamais "gratuit" en Océanie. Ce qui explique la magnificence du travail, la minutie de l’ouvrage et la profusion des signes. Cette exposition est proposée en « face à face » avec Métagraphies : les dessins étranges et singuliers de l’artiste Serge DUBUC.

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