Expansion Madagascar N°11

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RéGION | ATSIMO ATSINANANA Dans le secteur minier, le sous-sol de la région recèle du cristal, de l’ilménite… Les zones concernées sont Farafangana, Vangaindrano et Vondrozo. Pour l’heure, le secteur est dominé par des nouveaux Chinois qui font de la collecte auprès des petits exploitants. Ils ramassent jusqu’à plusieurs centaines de tonnes pour le cristal. Des Sri lankais commencent aussi à venir dans la région. Ils s’intéressent au béryl. Des gisements d’or existent aussi dans la région. Mais au lieu d’apporter le développement, ces ressources minières créent de l’insécurité dans la région. De plus, ces opérateurs miniers ne paient rien comme ristourne à la région. Pour son compte, la CCI a effectué courant août des tournées de sensibilisation et d’informations dans les chefs-lieux de district de la région. Elle estime que si l’on Arrive à revigorer le marché intérieur, c’est déjà un très bon point. Pour l’heure en effet, la concurrence à l’international est trop rude pour que le secteur privé de la région s’y aventure. PRODUITS DE RENTE

INVESTIR MALGRE TOUT

L’établissement Ranarson Naziraly est l’une des rares entreprises qui traitent et conditionnent des épices dans la région. Il travaille sur le girofle, la cannelle, le piment, le café et le poivre vert. Il opère dans ces filières depuis 20 ans. « Nous n’arrivons pas à nous tenir mais nous faisons notre possible. Cela veut dire que nous devons nous contenter de ne pas récolter beaucoup de bénéfices », explique Ranarson Naziraly, directeur de l’établissement. Il précise que le problème réside notamment dans la chute des cours mondiaux, alors que le café est la principale ressource économique de la région. Pour le girofle, il se développe plus que le café et le poivre. La production n’a pas chuté contrairement à celle de ces deux produits. En 1997, le cyclone Gretelle a tué beaucoup de plants dont notamment des poivriers. La production de poivre connaît ainsi une chute, sans parler du non renouvellement des plants demeurés vieux. Malgré le contexte, l’établissement investit dans la plantation. Il récolte 30 tonnes de poivre vert par récolte sur 5 500 pieds répartis sur 5 ha. Cette plantation donne 3 récoltes par an.

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Se démener pour les recherches Le directeur rappelle que pour sa plantation, il a mené lui-même les recherches nécessaires. Il remarque ainsi que si l’on récolte le poivre non encore mûr, le plant commence à fleurir tout de suite après. Il a fait plusieurs essais pour choisir, par exemple, le tuteur qui n’entre pas en concurrence avec le poivrier. Il en est de même pour des observations comme quoi le plant a besoin de plus de soleil que d’ombre, que le tuteur a besoin de fréquentes coupes pour ne pas bouffer trop de sève devant être pompée par le poivrier. Quid des centres de recherche qui pourraient aider l’opérateur ? Ils sont éloignés, alors que les techniciens retraités de la zone n’aident guère à améliorer les cultures. Le directeur explique : « Je comprends pourquoi le reboisement ne réussit pas toujours. Au lieu de préparer progressivement les jeunes plants à s’habituer aux rudes conditions post-pépinière en enlevant petit à petit la couverture leur procurant de l’ombre, les techniciens les sortent subitement de l’ombre des pépinières pour les exposer au soleil et à ces conditions post-pépinière ». Conditionnement local mais exportation par un tiers Pour le café et le poivre vert, l’établissement fait la collecte, traite et vend à un partenaire. Celui-ci s’occupe de l’exportation vers la Belgique et la France. L’établissement voudrait bien exporter directement du poivre vert. Mais le marché est restreint. Quant aux cours mondiaux, ils évoluent souvent en Yo-yo. Puis, la situation est encore difficile à maîtriser dans un contexte où la production ne suit pas la demande, alors que la filière compte à la fois des exportateurs et des opérateurs qui travaillent pour le marché national. Lorsque les cours chutent, ces derniers maîtrisent la filière et les exportateurs s’alignent sur leurs prix. Quant aux exportateurs, ils manquent souvent de visibilité à cause de la fluctuation de la production. Ils ont dû faire face à des prix loin d’être intéressants et commencent seulement à souffler cette année. Quant au prix au producteur, il est actuellement à 3 000 Ar/kg, contre 2 000 Ar auparavant. Pour ce qui est de la transformation, notamment pour le café, le directeur estime qu’elle est peut-être pour le marché extérieur étant donné que les Malgaches préparent euxmêmes leur poudre de café. Traiter 150 t de poivre vert par an L’établissement traite 150 tonnes de poivre vert par an. C’est grâce à cela qu’il se maintient dans la filière. Mais le poivre vert ne trouve preneur sans le calibre demandé par l’acheteur, soit 4 à 6 mm de diamètre. Le directeur de l’établissement a donc inventé un calibreur

EXPANSION MADAGASCAR - SEPTEMBRE / OCTOBRE 2011 - N°11

manuel qui fait travailler 6 à 7 personnes. Pour le tri, la société fait travailler plusieurs dizaines de femmes. Chaque femme peut trier en moyenne 20 kg par jour et elle est rémunérée selon le volume réalisé. Après le tri, 65 à 70% du poivre sont de bonne qualité. Le reste est séché pour être transformé en huiles essentielles. Après le tri, on cuit le produit. Le volume pour chaque cuisson est de 90 kg à raison de 2 cuissons par jour. Une fois cuit, le poivre vert est conservé dans de la saumure composée de sel et d’acide citrique. Il faut 30 kg de sel pour 100 litres d’eau. La saumure est remplacée régulièrement pendant 3 semaines. Un nouveau tri est effectué avant le conditionnement. On enlève aussi le surplus de saumure. L’objectif est d’avoir un volume compact pour que le poivre vert ne se casse pas. Le conditionnement se fait dans des cubitainers, des récipients en plastique souples. Sinon, l’établissement a récemment commencé à investir dans une nouvelle filière. Il travaille la cannelle, le poivre, le girofle et le ravintsara. Il est d’ailleurs le seul à distiller de la cannelle alors que ce produit abonde dans la région. L’établissement a investi dans un alambic et envisage en acquérir 2 ou 3 plus tard, en fonction du développement de ses activités. Un alambic de 100 litres coûte actuellement 6 millions Ar. Il faut y ajouter le branchement en eau et les autres accessoires périphériques.

Le financement est un blocage Qu’en est-il des perspectives de toutes ces filières ? Le directeur note que le problème réside dans le financement. Le crédit agricole fait défaut alors que le budget public pour le secteur manque. Les opérateurs tout comme les paysans ne peuvent pas ainsi procéder à une extension de leurs activités. Les plantations datent souvent de leurs Arrière-grands-pères. Il faut y ajouter le problème de mentalité. Alors que la production continue à chuter, nombreux sont ceux qui ne se soucient pas trop de ce qu’ils vont manger dans une situation marquée par la croissance démographique. Ranarson Naziraly a initié et dirigé le projet appuyé par le Comité national de commercialisation du café (CNCC). Ce projet comprend le renouvellement des plants et la diversification des plantations. La distribution de jeunes plants était gratuite. Mais lorsque l’application de nouvelles méthodes de culture a été exigée, il se rappelle que les paysans ne voulaient rien entendre. L’établissement a également distribué des semences de piment auprès de paysans. Mais ces derniers n’en voulaient pas.


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