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Recherche Agronomique Suisse 2 0 1 2

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N u m é r o

7 – 8

Agroscope | OFAG | HAFL | AGRIDEA | ETH Zürich

J u i l l e t – A o û t

Dossier spécial Projet MOUNTLAND – Utilisation durable du sol en montagne Production végétale La germination du séneçon aquatique est ­rapide et prolifique

Pages 339–365 Page 366

Economie agricole Cultures maraîchères – modélisation de l’hétérogénéité et de l’intensité

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Sommaire Juillet – Août 2012 | Numéro 7 – 8 339 Editorial Projet Mountland hangements climatiques et utilisation C 340 Les régions de montagne sont des éléments importants du paysage suisse. Dans le projet de recherche MOUNTLAND, des collaborateurs-trices du WSL, des EPF de Zurich et de Lausanne étudient les impacts à venir des changements climatiques et de l’utilisation des terres sur les prestations écosystémiques en région de montagne. ­(Photo: Alexandre Buttler, EPF Lausanne) Impressum Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz est une publication des stations de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Cette publication paraît en allemand et en français. Elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées. Editeur Agroscope Partenaires bA groscope (stations de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW; ­ Agroscope Liebefeld-Posieux et Haras national suisse ­A LP-Haras; Agroscope Reckenholz-Tänikon ART) b Office fédéral de l’agriculture OFAG, Berne b Haute école des sciences agronomiques forestières et alimentaires HAFL, Zollikofen b Centrale de vulgarisation AGRIDEA, Lausanne et Lindau b E cole polytechnique fédérale de Zurich ETH Zürich, Département des Sciences des Systèmes de l'Environnement Rédaction Andrea Leuenberger-Minger, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, Case postale 64, 1725 Posieux, Tél. +41 26 407 72 21, Fax +41 26 407 73 00, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Judith Auer, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, Case postale 1012, 1260 Nyon 1, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Team de rédaction Président: Jean-Philippe Mayor (Directeur général ACW), Sibylle Willi (ACW), Evelyne Fasnacht (ALP-Haras), Etel Keller-Doroszlai (ART), Karin Bovigny-Ackermann (OFAG), Beat Huber-Eicher (HAFL), Philippe Droz (AGRIDEA), Brigitte Dorn (ETH Zürich) Abonnements Tarifs Revue: CHF 61.–*, TVA et frais de port compris (étranger + CHF 20.– frais de port), en ligne: CHF 61.–* * Tarifs réduits voir: www.rechercheagronomiquesuisse.ch Adresse Nicole Boschung, Recherche Agronomique Suisse/Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, Case postale 64, 1725 Posieux, tél. +41 26 407 72 21, Fax +41 26 407 73 00, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Changement d'adresse e-mail: verkauf.zivil@bbl.admin.ch, Fax +41 31 325 50 58 Internet www.rechercheagronomiquesuisse.ch www.agrarforschungschweiz.ch ISSN infos ISSN 1663 – 7917 (imprimé) ISSN 1663 – 7925 (en ligne) Titre: Recherche Agronomique Suisse Titre abrégé: Rech. Agron. Suisse © Copyright Agroscope. Tous droits de reproduction et de traduction réservés. Toute reproduction ou traduction, partielle ou intégrale, doit faire l’objet d’un accord avec la rédaction.

Indexé: Web of Science, CAB Abstracts, AGRIS

durable du sol en montagne Robert Huber et al. Projet Mountland Conservation des pâturages boisés du 346

Jura: ­défis climatiques et agro-politiques Alexandre Buttler et al. Projet Mountland Développement du système des 354

­ aiements directs et utilisation des p terres en montagne Robert Huber, Adrian Iten et Simon Briner Projet Mountland Ecologisation de l’agriculture dans le 360

­processus politique agricole Christian Hirschi et Robert Huber Production végétale La germination du séneçon aquatique 366

est r­ apide et prolifique Matthias Suter et al. Production végétale ArboPlus, un outil pour soutenir les 374

­compétences de gestion en arboriculture fruitière Esther Bravin, Mirjam Blunschi et Simon Egger Economie agricole Cultures maraîchères – modélisation de 382

l’hétérogénéité et de l’intensité Anke Möhring, Gabriele Mack et Christian ­Willersinn Aliments Influence du délai d’analyse des 390

­échantillons de lait sur le nombre de germes totaux Gérald Pittet, Werner Luginbühl et Thomas Berger Eclairage Actualités de la recherche sur la 396

pomme de terre Thomas Hebeisen 399 Portrait 400 Actualités 403 Manifestations


Editorial

La recherche interdisciplinaire – ­chronophage, mais nécessaire Chère lectrice, cher lecteur,

Bernard Lehmann, directeur de l’Office fédéral de l’agriculture OFAG

Depuis cette année, les sciences agronomiques et environnementales ont été rassemblées à l’EPFZ au sein du département Sciences des systèmes environnementaux. Une des raisons importantes de cette fusion a été la constatation que de nombreux défis de l’environnement et de l’agriculture ne peuvent être envisagés indépendamment les uns des autres. La recherche interdisciplinaire, à l’interface entre les écosystèmes et leur exploitation par l’être humain, permet d’aborder des aspects essentiels qui complètent les résultats des différents domaines de recherche. Des principes de décision s’appuyant sur un large socle scientifique peuvent être élaborés en commun, et garantissent une utilisation raisonnée des ressources. La proximité spatiale et institutionnelle au sein du nouveau département Sciences des systèmes environnementaux permet d’exploiter pleinement le potentiel qu’offrent les échanges entre les sciences agronomiques et environnementales. La recherche interdisciplinaire illustrée par le projet MOUNTLAND Le projet de recherche MOUNTLAND démontre comment plusieurs domaines de recherche peuvent être intégrés avec succès. Il a rapproché des chercheurs très différents, apportant chacun sa propre définition des problèmes, son approche conceptionnelle et ses outils méthodologiques. Ensemble, ils ont réussi à relier les expériences en sciences naturelles aux modélisations écologiques et socioéconomiques, et à l’analyse de processus politiques existants. Ils ont ainsi pu analyser dans une perspective intégrative les défis de l’exploitation durable dans les régions de montagne. MOUNTLAND apporte des éléments de décision scientifiquement validés pour la politique, l’administration et les acteurs locaux dans les régions étudiées. Des chercheurs motivés à voir par-delà leur domaine La recherche interdisciplinaire a cependant un prix. Ce n’est qu’après une patiente confrontation avec les idées des autres que les chercheurs de MOUNTLAND ont réussi à dépasser les frontières (du biotope) de leurs propres études et à synthétiser les résultats. Cette démarche a été coûteuse en temps pour de nombreux partenaires, mais leur attitude positive a permis de trouver sans cesse l’élan nécessaire à cette collaboration, et d’élaborer des solutions pour les différentes approches. C’est aussi en ces termes que se posent les défis de la recherche interdisciplinaire au sein du nouveau département de l’EPFZ ou des programmes d’Agroscope: une mise en oeuvre réussie passe par une forte motivation des chercheurs à regarder au-delà de la clôture de leur jardin. La proximité spatiale et institutionnelle est certes un atout, mais elle ne suffit pas.

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P r o j e t

M O U N T L A N D

Changements climatiques et u ­ tilisation durable du sol en montagne Robert Huber1, Peter Bebi2, Simon Briner3, Harald Bugmann 4, Alexandre Buttler5,6,10, Adrienne Grêt-Regamey7, Christian Hirschi8, Roland Scholz9, Willi Zimmermann8 et Andreas Rigling1 1 Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL Zürcherstrasse 111, 8903 Birmensdorf 2 WSL- Institut pour l’étude de la neige et des avalanches SLF, 7260 Davos 3 Agri-food and Agri-Environmental Economics Group, IED, ETH-Zentrum, 8092 Zurich 4 Waldökologie, ITES, ETH-Zentrum, 8092 Zurich 5 Ecole polytechnique fédérale de Lausanne EPFL, School of Architecture, Civil and Environmental Engineering ENAC, Laboratory of ecological systems ECOS, Station 2, 1015 Lausanne 6 Swiss Federal Research Institute WSL, Site Lausanne, Station 2, 1015 Lausanne 7 Planung von Landschaften und Urbanen Systemen, IRL, ETH Campus Science City, Wolfgang-Pauli-Str. 15, 8093 Zurich 8 Umweltpolitik und Umweltökonomie, IED, ETH-Zentrum, 8092 Zurich 9 Natural and Social Science Interface, IED, ETH-Zentrum, 8092 Zurich 10 Université de Franche-Comté – CNRS, UMR 6249 Chrono-environnement, 25030 Besançon cedex, France Renseignements: Robert Huber, e-mail: robert.huber@wsl.ch, tél. +41 44 739 23 38

La région de Viège, l’une des trois régions de montagne étudiées dans le projet Mountland. (Photo: Andreas Rigling, WSL)

Introduction L’agriculture de montagne, au sens large, a occupé une place importante dans de nombreux projets de recherche multidisciplinaire ces dernières années en Suisse. Ces projets sont entre autres le polyprojet Primalp (Gotsch et al. 2004), le Programme national de recherche 48 «Paysages et habitats de l’arc alpin» (Lehmann et Messerli 2007), le programme de recherche AgriMontana (Flury

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2010) ou le projet intégré en cours AlpFUTUR (Lauber et al. 2008). MOUNTLAND1 (Rigling et al. 2012) s’inscrit dans le contexte de cette recherche diversifiée en raison des deux aspects complémentaires suivants: ••Une prise en considération explicite des effets des futurs changements climatiques sur des services écosystémiques; Description détaillée et toutes les publications du projet sous: www.cces.ethz.ch/ projects/sulu/MOUNTLAND

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••Une combinaison méthodique de diverses disciplines de recherche à l’aide de modèles et d’études de cas. Cela permet une analyse comparée des relations homme – environnement. Cet article présente le projet de recherche, résume les principaux résultats de la première étape (2008 – 2012) et livre des informations sur les autres articles consacrés à MOUNTLAND publiés dans cette édition de Recherche Agronomique Suisse. De la multifonctionnalité aux prestations éco­ systémiques La multifonctionnalité de l’agriculture est fermement ancrée dans la société et dans la politique agricole suisse. En ce qui concerne l’interaction entre l’environnement et la production agricole, la Constitution indique notamment que la conservation des ressources naturelles et l’entretien du paysage rural font partie intégrante d’une agriculture multifonctionnelle (Cst. Art. 104). Dans le domaine scientifique, les aspects écologiques d’une agriculture multifonctionnelle ont toutefois été dépassés par une nouvelle notion; depuis l’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire (MEA 2005), on parle de plus en plus de prestations écosystémiques. Ce terme implique que les prestations supplémentaires de l’agriculture, qui reposent sur l’interaction de l’agriculture avec l’environnement, ne sont pas seulement considérées comme une externalité ou un bien public, mais comme un système intégral et réciproque dans lequel les facteurs naturels et socio-économiques influent sur la fourniture de biens et de prestations – ce qui garantit en retour la base nécessaire au bien-être humain (Plieninger et al. 2010). Le terme de multifonctionnalité de l’agriculture, tel qu’il est employé dans la politique agricole suisse, peut ainsi s’étendre aux aspects suivants:

Résumé

Changements climatiques et ­u tilisation durable du sol en montagne | Projet MOUNTLAND

Le projet de recherche inter- et transdisciplinaire MOUNTLAND étudie les impacts à venir des changements climatiques et de l’utilisation des terres sur les prestations écosystémiques en région de montagne. Ce projet intégré associe des expérimentations scientifiques avec des modèles de simulation écologique, un modèle agro-économique de l’utilisation des terres et une analyse du contexte (agro)politique et des processus de décision. Cette démarche conceptuelle permet d’étudier les effets de rétroaction entre des processus écologiques et des processus de décisions dans trois régions de montagne.

Prestations complémentaires. Les prestations écosystémiques sont classifiées en prestations d’approvisionnement (denrées alimentaires, eau potable, etc.), prestations régulatrices (régulation du climat, débit des cours d’eaux, etc.) et prestations culturelles (esthétique, détente, etc.) qui sont supportées par les prestations de base (chaîne trophique, formation du sol, etc.) et les contributions à la biodiversité (MEA 2005; Plieninger et al. 2010). Ce concept complète ainsi systématiquement les prestations multifonctionnelles inscrites dans la Constitution en matière d’utilisation agricole des ressources naturelles. Prestations d’autres écosystèmes. Les prestations de l’agriculture méritent d’être analysées dans un contexte élargi, car d’autres écosystèmes fournissent aussi des 

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Projet MOUNTLAND | Changements climatiques et ­u tilisation durable du sol en montagne

Figure 1 | Régions des études de cas dans le projet de ­r echerche MOUNTLAND. En rouge: noyau; en rouge clair: influences régionales. (Figure: A. Psomoas, WSL)

prestations spécifiques. Le bilan des échanges entre la prestation de production et d’autres prestations de divers écosystèmes doit être établi systématiquement et quantitativement si possible. Le résultat permettra également de demander aux acteurs politiques d’examiner plus en profondeur les questions et approches intersectorielles. L’accent est mis sur l’adaptation de l’offre et de la demande de prestations écosystémiques (Grêt-Regamey et al. 2012). Effets de rétroaction homme-environnement. La démarche systémique englobe explicitement les effets de rétroaction dans les interactions entre l’homme et l’environnement. Par exemple, les modifications des processus écologiques auxquelles il faut s’attendre sous l’effet des changements climatiques feront aussi changer l’attitude des agriculteurs en matière d’utilisation des terres. Les éventuelles mesures de politique agricole influeront également sur cette attitude, ce qui se répercutera à nouveau sur les processus écologiques originels. Ces aspects complémentaires des prestations écosystémiques sont donc essentiels, car les savoirs spécialisés et spécifiquement sectoriels ne suffisent pas, à eux seuls, pour relever les défis climatiques et socio-économiques de demain (Heal et Small 2002). Les connaissances interdisciplinaires sont un complément important de la recherche disciplinaire et un prérequis à la formulation de recommandations fondées à propos des mesures politiques ou de gestion en matière de prestations écosystémiques (Carpenter et al. 2009). Ceci vaut surtout en région de montagne où les effets cumulés des changements climatiques et du développement économique vont s’accentuer (Huber et al. 2005). C’est sur cette toile de fond que le projet de recherche MOUNTLAND étudie les prestations écosystémiques de l’agriculture et de la foresterie en montagne.

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Ce sont les: Prestations d’approvisionnement: production de denrées alimentaires et de bois; Prestations régulatrices: régulation du climat, fondée sur le bilan carbone, et protection contre les dangers naturels; Prestations culturelles: valeurs esthétiques fondées sur la diversité des paysages. Prestations de base: émissions de nitrate dans la production agricole. En fin de compte, MOUNTLAND étudie une autre prestation fondamentale des écosystèmes, à savoir les indicateurs de l’évolution de la biodiversité (au niveau des espèces et du paysage). De Davos au Valais et au Jura Le projet MOUNTLAND concentre ses études dans trois régions de montagne; celles du Jura, de Viège et de Davos (fig. 1). Elles se différencient nettement dans leur sensibilité face aux changements climatiques et à leurs caractéristiques socio-économiques. L’écosystème sylvopastoral, sous le climat océanique du Jura (canton de Vaud), est sensible aux changements d’utilisation des terres agricoles. L’écosystème de la région de Viège, situé dans les Alpes centrales valaisannes, est particulièrement exposé à la sécheresse. L’écosystème de la région proche de Davos, lieu touristique par excellence, réagit fortement aux changements de température. Des recherches disciplinaires à la synthèse L’approche conceptuelle dans MOUNTLAND prévoit, depuis le début, d’assurer le lien entre les projets disciplinaires partiels afin d’éviter une cascade de projets individuels qu’il faudrait coordonner ultérieurement. La collaboration repose sur quatre piliers: 1) Une question de recherche univoque, qui lie tous les projets partiels. Cela évite une dispersion des activités de recherche. Les questions fondamentales du projet étaient les suivantes: ••Comment les changements climatiques agissent-ils sur tel ou tel processus écologique et quelles interactions spatiales influencent les différentes prestations écosystémiques? ••Comment les changements d’utilisation des terres, dûs aux facteurs climatiques, socio-économiques et politiques dans l’agriculture et la foresterie, agissent-ils sur la fourniture de prestations écosystémiques? ••Quelles politiques sectorielles et intersectorielles agissent sur la fourniture de prestations écosystémiques et de quelle façon? En quoi consisteraient des options d’actions et de politiques qui garantiraient une utilisation durable des terres compte tenu des modifications du climat et des changements d’affectation des sols?


Changements climatiques et ­u tilisation durable du sol en montagne | Projet MOUNTLAND

Tableau 1 | Sous-projets et groupes de recherche actifs dans MOUNTLAND Domaine de ­recherche

Ecologie

Régions ­étudiées

Contenu

Institution

Jura

Expérimentations sur l’effet du réchauffement sur la végétation et les processus du sol. Modélisation du développement de la végétation dans les paysages sylvopastoraux.

Laboratoire des systèmes écologiques ECOS, EPFL-WSL; Lausanne

Expérimentations sur l’établissement, la croissance et la mortalité des espèces d’arbres sous l’effet de la sécheresse (fig. 2).

Dynamique forestière, WSL, Birmensdorf

Simulation dynamique de la gestion des forêts et des effets du ­climat dans les modèles de forêt.

Ecologie forestière, ITES, ETH Zurich

Visp

Davos

Toutes régions Socio-économie

Davos

Expérimentations et analyses portant sur l’établissement des arbres Mountain ecosystems, WSL-SLF, Davos/Forest Soils à la limite forestière et sur la fonction protectrice de la forêt de monand Biogeochemistry, WSL, Birmensdorf tagne à cette limite. Modélisation des interactions de la forêt et des avalanches.

Dynamique du paysage, WSL, Birmensdorf

Développement de scénarios a) dans le contexte de toutes les régions étudiées b) en collaboration avec les acteurs locaux (à Viège).

Natural and social science interface, ETH Zurich

Modélisation de l’utilisation des terres: quantification économique des échanges entre la production primaire et la fourniture de prestations écosystémiques.

Agri-food and Agri-Environmental Economics Group, ETH Zurich

Optimisation explicite à l’échelle spatiale des prestations écosystémiques à l’aide de réseaux bayésiens.

Planning of landscape and urban systems IRL, ETH Zurich

Description de la structure institutionnelle et programmatique des politiques actuelles en matière d’utilisation des terres. Politique

Toutes régions

Identification et analyse des acteurs clés et de leurs liens à l’aide d’analyses de réseaux.

Politique et économie environnementales, IED,ETH Zurich

Evolution des scénarios politiques et des indicateurs en rapport avec l’analyse politique et la modélisation. Remarque: la sélection des résultats indiqués des domaines thématiques sur fond gris font partie de cette série d’articles consacrés à MOUNTLAND.

2) Des scénarios intégrés, valables pour les trois régions étudiées, et qui combinent les évolutions climatiques et socio-économiques. Ces scénarios permettent de discuter des connaissances complémentaires acquises dans les diverses régions étudiées. 3) Une mise en relation explicite des modèles dans les volets écologiques et économiques du projet. En d’autres termes, les résultats des simulations dans un modèle ont pu être utilisés dans l’autre modèle. Il est ainsi possible d’évaluer les relations d’échanges entre les diverses prestations écosystémiques ainsi que les effets de rétroaction entre l’homme et l’environnement, ou entre l’offre et la demande. 4) La prise en considération et l’intégration des divers acteurs (locaux), comme les forestiers, les agriculteurs ou les responsables de la gestion des projets partiels (transdisciplinarité) permettent d’ancrer les résultats de la recherche dans le monde «réel».

Cette base conceptuelle a permis de mettre en relation et de réunir les différents domaines de recherche (tabl. 1). De la recherche aux options politiques En ce qui concerne les options politiques (troisième volet de recherche), les résultats montrent a) que les décisions stratégiques de gestion et les instruments politiques devraient être assouplis au mieux pour parvenir à faire face aux éventuels changements brusques de conditions environnementale, b) qu’un renforcement de la régionalisation des mesures politiques est à examiner, notamment dans la politique agricole, afin que l’hétérogénéité spatiale d’effets possibles soit prise en compte, c) que les mesures liées aux projets permettent d’atteindre les buts intersectoriels et facilitent l’intégration des exploitants (agriculteurs, forestiers) concernés dans les processus de développement, et d) que des méthodes et des instru- 

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Projet MOUNTLAND | Changements climatiques et ­u tilisation durable du sol en montagne

Figure 2 | Les chercheurs visitent l’installation d’essais de toits d’écoulement à la Souste. (Photo : Andreas Rigling, WSL)

ments d’aménagement du territoire peuvent aider, dans les secteurs forestier et agricole également, à relever les défis portant sur les prestations écosystémiques de demain en région montagne (Rigling et al. 2012) Contenu des articles liés au projet «MOUNTLAND» Buttler et al. (2012) étudient l’influence des changements climatiques sur la végétation des pâturages boisés jurassiens. Les auteurs présentent un choix de résultats des expérimentations et des simulations. Leur analyse montre que l’écosystème très sensible des pâturages boisés ne pourra subsister à l’avenir qu’à l’aide de mesures ciblées en matière d’agriculture et de foresterie. Huber et al. (2012) appliquent le modèle d’utilisation des terres multi-agent ALUAM-AB dans l’étude de cas des régions de Viège et du Jura et ils examinent les répercussions du développement du système des paiements directs sur l’intensité d'utilisation des terres. Ils montrent que même les mesures agro-politiques ont des conséquences différentes sur cette intensité en fonction de la structure agricole prédominante.

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Hirschi et Huber (2012) présentent dans leur article le réseau agropolitique (PA) suisse en se fondant sur une reconstitution du processus politique de la PA 2011 et sur une évaluation des consultations en rapport avec les étapes de la réforme agricole des PA 2011 et PA 14 – 17. Les auteurs montrent que les réseaux agropolitiques pourraient en principe renforcer et améliorer les prestations écosystémiques, mais qu’à l’avenir des compromis seront nécessaires dans la politique agricole et le cas échéant en considérant d’autres domaines politiques. n

Remerciements

Le projet de recherche MOUNTLAND a pu être réalisé grâce au financement du ­Centre de compétence environnement et durabilité (CCES) du Domaine des EPF.


Cambiamento climatico e uso sostenibile del territorio in ambiente montano Il progetto di ricerca MOUNTLAND studia, con una prospettiva integrativa, gli effetti che il cambiamento climatico e l’uso del territorio hanno sulla capacità degli ecosistemi montani di fornire i loro servizi. Il progetto coniuga esperimenti in scienze naturali con simulazioni di modelli ecologici e un modello agro-economico di uso del territorio, come pure una analisi (agro-) politica delle condizioni quadro e dei processi decisionali. Il processo concettuale permette lo studio degli effetti reciproci nelle relazioni tra i processi ecologici e processi decisionali sull’esempio di tre casi studio nelle regioni montane.

Bibliographie ▪▪ Buttler A., Gavazov K., Peringer A., Siehoff S., Mariotte P., Wettstein J.B., Chételat J., Huber R., Gillet F. & Spiegelberger T., 2012. Conservation des pâturages boisés du Jura: défis climatiques et agro-politiques. ­Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 346–353, 2012. ▪▪ Carpenter S. R., Mooney H. A., Agard J., Capistrano D., DeFries R. S., Diaz S., Dietz T., Duraiappah A. K., Oteng-Yeboah A., Pereira H. M., Perrings C., Reid W. V., Sarukhan J., Scholes R. J. & Whyte A., 2009. Science for managing ecosystem services: Beyond the Millennium Ecosystem Assessment. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 106 (5), 1305 – 1312. ▪▪ Flury C. (2010) Agroscope Forschungsprogramm AgriMontana: Forschungsanstalt Agroscope Reckenholz-Tänikon ART. Existe en français? ▪▪ Gotsch N., Flury C., Kreuzer M., Rieder P., Heinimann H. R., Mayer A. C. & Wettstein H.-R., 2004. Land- und Forstwirtschaft im Alpenraum – ­Zukunft im Wandel. Synthesebericht des Polyprojektes «PRIMALP – Nachhaltige Primärproduktion am Beispiel des Alpenraums». Wissenschaftsverlag Vauk, Kiel. ▪▪ Grêt-Regamey A., Brunner S. H. & Kienast F., 2012. Mountain Ecosystems Services: Who Cares? Mountain Research and Development 32 (S1), 23–34. ▪▪ Heal G.M. & Small A. A., 2002. Agriculture and Ecosystem Services. In: Handbook of Agricultural Economics: Agriculture and its external linkages (Ed. B. L. Gardner und G. C. Rausser). Elsevier Science, Amsterdam, 1341 – 1369. ▪▪ Hirschi C. & Huber R., 2012. Ecologisation de l’agriculture dans le processus politique agricole. Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8), 360–365.

Summary

Riassunto

Changements climatiques et ­u tilisation durable du sol en montagne | Projet MOUNTLAND

Climate change and sustainable land-use in mountain regions The research project MOUNTLAND addresses the impacts of climate- and land-use changes on the provision of ecosystem services in mountain regions. The project applies an integrative approach by combining field experiments, ecological modeling, land-use modeling and the analysis societal and political decision making processes. The conceptual approach taken allows for the consideration of feedback effects in human-nature interactions in three different mountain regions in Switzerland. Key words: climate change, land-use change, inter- and transdisciplinary research, mountain regions.

▪▪ Huber R., Iten A. & Briner S., 2012. Développement du système des paiements directs et utilisation des terres en montagne. Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8), 354–359. ▪▪ Huber U., Bugmann H. & Reasoner M., 2005. Global Change and Mountain Regions: An overview of current knowledge, Advances in Global Change Research. Springer-Verlag, Dordrecht, The Netherlands. 650 p. ▪▪ Lauber S., Seidl I., Böni R. & Herzog F., 2008. Sömmerungsgebiet vor vielfältigen Herausforderungen. Agrarforschung 15 (11–12), 548–553. ▪▪ Lehmann B. & Messerli P., 2007. The Swiss National Research Programme «Landscapes and habitats of the Alpine Arc». Journal of Alpine Research 4, 19 – 28. ▪▪ MEA, 2005. Millennium Ecosystem Assessment, Ecosystems and Human Well-being: Synthesis. Island Press, Washington, D.C. S. ▪▪ Plieninger T., Bieling C., Gerdes H., Ohnesorge B., Schaich H., Schleyer C., Kathrin T. & Wolff F., 2010. Ökosystemleistungen in Kulturlandschaften. Natur und Landschaft 85 (5), 187–192. ▪▪ Rigling A., Huber R., Bebi P., Brand F., Briner S., Buttler A., Elkin C., Gillet F., Grêt-Regamey A., Hirschi C., Lischke H., Scholz R. W., Seidl R., Spiegelberger T., Walz A., Zimmermann W. & Bugmann H., 2012. Sustainable land use in mountain regions under global change: Synthesis across scales and disciplines. Ecology and Society (in review).

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P r o j e t

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Conservation des pâturages boisés du Jura: ­défis climatiques et agro-politiques Alexandre Buttler1,2,3, Konstantin Gavazov1,2, Alexander Peringer1,4, Silvana Siehoff1, Pierre Mariotte1,2, Jean-­Bruno Wettstein5, Joël Chételat6, Robert Huber2, François Gillet1,3 et Thomas Spiegelberger7 1 Ecole polytechnique fédérale de Lausanne EPFL, School of Architecture, Civil and Environmental Engineering ENAC, Laboratory of ecological systems ECOS, Station 2, 1015 Lausanne 2 Swiss Federal Research Institute WSL, Site Lausanne, Station 2, 1015 Lausanne, and 8903 Birmensdorf 3 Université de Franche-Comté – CNRS, UMR 6249 Chrono-environnement, 25030 Besançon cedex, France 4 Institute for Landscape Planning, University of Stuttgart ILPOE, Stuttgart, Allemagne 5 Bureau d’agronomie, 1450 Ste-Croix 6 Microgis Foundation for Spatial Analysis MFSA, 1025 St-Sulpice, 7Irstea, Research Unit Mountain Ecosystems, 38402 Saint-Martin d’Hères, France Renseignements: Alexandre Buttler, e-mail: alexandre.buttler@epfl.ch, tél. +41 21 693 39 39

Combe des Amburnex près du Col du Marchairuz (Vaud). (Photo: Alexandre Buttler, WSL)

Introduction Les pâturages boisés sont des écosystèmes façonnés par l’homme, qui servent principalement à l’estivage du bétail et à la production de bois. Au cours des siècles, l’interaction entre la nature et l’homme a produit des mosaïques paysagères à différentes échelles. Ces différents habitats bénéficient à un grand nombre d’espèces végétales et animales. Ils sont formés de forêts et de prairies variées et hébergent des espèces emblématiques telles que le grand tétras, le lynx et diverses orchi-

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dées. Ces paysages si typiques du Jura servent aussi d’espaces de détente et de loisirs, été comme hiver, à proximité des grands centres urbains de l’Arc lémanique. Ils offrent à la société de nombreux autres services écosystémiques, notamment le processus de purification de l’eau par les sols des haut-plateaux, la production d’air pur et la formation de paysages attractifs (Miéville-Ott et Barbezat 2005). L’équilibre subtil des pâturages boisés repose sur une gestion complémentaire des ressources par les exploitants agricoles et forestiers. Au cours du XXe siècle, le


paysage rural s’est considérablement modifié en réponse au contexte socio-économique et aux politiques territoriales (Chételat et al. 2012). Dès la Seconde Guerre mondiale, les pâturages boisés ont évolué vers des paysages plus ouverts, du fait des besoins accrus en bois, des mesures de soutien à la production agricole et des progrès techniques. Les stratégies de rationalisation préconisées dans les années 50 ont ensuite favorisé une gestion différenciée des pâturages et des forêts, résultant ainsi en un paysage plus compartimenté. L’introduction du contingentement laitier et des mesures d’encouragement à la réduction de la taille des troupeaux au cours des années 70 a contribué à l’extensification des pâturages boisés, plus particulièrement dans les zones moins accessibles. La politique des prix au début des années 90 a conduit à une forte baisse du prix du lait (et du bois), renforçant cette tendance à exploiter intensivement les bons pâturages et à abandonner les moins rentables. L’introduction des paiements directs écologiques dans un nouvel article constitutionnel en 1996 n’a pas réellement pu inverser cette tendance de ségrégation du paysage. Outre les changements de gestion induits par des décisions d’ordre social, les événements climatiques historiques (p. ex. tempêtes et sécheresses) et le réchauffement climatique en cours (Peringer et al. 2012) ont été et sont encore des facteurs importants de la transformation des pâturages boisés, de leur utilisation et même de leur existence. L’augmentation de la température moyenne annuelle de l’air de 1,5 °C observée dans les régions de montagne suisses durant le XXe siècle s’exprime par des températures estivales extrêmes et de longues périodes de sécheresse. Les pâturages boisés du Jura, dont le sous-sol calcaire laisse l’eau s’infiltrer rapidement, sont particulièrement sensibles au réchauffement climatique, car il signifie un risque accru de sécheresse et par conséquent une baisse de la production des herbages (Gavazov et al. 2012). Cette situation nécessitera une adaptation du mode de gestion des exploitations, par exemple par la réduction de la charge en bétail, voire par l’achat de fourrage et de concentrés. Dans le futur, les changements climatiques et socioéconomiques continueront d’avoir un impact important sur les pâturages boisés. L’augmentation des températures de 2,8 à 5,3 °C selon les scénarios climatiques, et la baisse des précipitations estivales allant jusqu’à -30 %, risquent d’accentuer encore les périodes de sécheresse (CH2011). En même temps, l’intensité de pâture sera fortement influencée par le développement des politiques territoriales. La nouvelle politique agricole (PA 14 – 17) prévoit de ne plus subventionner les exploitants agri- 

Résumé

Conservation des pâturages boisés du Jura: ­d éfis climatiques et agro-politiques | Projet MOUNTLAND

Les pâturages boisés du Jura servent principalement à la production de fourrage et de bois, mais ils sont aussi importants pour leur biodiversité et les espaces de récréation, de même que la qualité du paysage qu’ils offrent à proximité des grandes zones urbaines de l’Arc lémanique. Cet article montre, à l’aide d’une expérience de transplantation de mésocosmes et de modèles de simulation, l’effet des changements climatiques sur la production de biomasse herbacée et, dans ce contexte, les conséquences de la nouvelle réforme agraire (PA 14–17) sur l’évolution du paysage. Les pâturages boisés pourraient mieux résister à l’augmentation des températures et à la diminution des précipitations estivales que les pâturages sans arbres, en gardant une production fourragère plus stable. Le couplage du modèle de la végétation avec un modèle socio-économique indique qu’avec la nouvelle politique agricole (PA 14–17), la pression de pâture va diminuer, et que dans le cadre d’un scénario de réchauffement modéré, cela conduira à la fermeture des paysages. La nouvelle politique agricole devrait permettre de prendre des mesures ciblées pour conserver les pâturages boisés.

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Figure 1 | Mésocosmes pour l’expérience de transplantation. (Photo: Konstantin Gavazov, EPFL)

coles selon le nombre de têtes de bétail, mais plutôt en fonction de la surface gérée. Le but de cette évolution du système des paiements directs est de supprimer les incitations à l’intensification de l’élevage et d’extensifier l’utilisation des terres (Barth et al. 2011). L’extensification des pâturages boisés du Jura risque cependant d’accélérer dans certains secteurs la recrudescence ligneuse et de favoriser la fermeture du paysage, renforçant ainsi la ségrégation du paysage en zones ouvertes et zones très fermées. Différentes approches ont été utilisées et combinées de manière à donner une perspective globale des problèmes et enjeux de ces écosystèmes montagnards (Huber et al. 2012b). Des outils de gestion ont également été développés (Barbezat et Boquet 2008) pour inciter les gestionnaires à passer d’un mode de gestion sectoriel à un mode intégré, tenant compte de la multifonction­n­alité de ces milieux. Cet article montre l’effet des changements climatiques attendus sur la production de biomasse herbacée et, dans ce contexte, les conséquences de la nouvelle réforme agricole (PA 14 – 17) sur l’évolution du paysage et la nécessité d’une gestion adaptative.

Matériel et méthodes L’étude porte sur trois approches méthodologiques: une expérience de transplantation de mésocosmes, un modèle de dynamique de la végétation et du paysage, et

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un modèle socio-économique d’utilisation du paysage. Pour la partie expérimentale de l’étude, des mésocosmes de 60 cm x 80 cm et d’une hauteur de 35 cm contenant un assemblage de 12 carottes de sol (fig. 1) ont été transplantés en août 2009 le long d’un gradient altitudinal à 0

e cd

Bullet

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20 km

Les Amburnex Aubonne St-George

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Figure 2 | Situation géographique de l’expérience de transplanta­t ion le long du transect altitudinal Les Amburnex – St-George – Arboretum d’Aubonne, et des pâturages à Bullet (Planets Ouest, Planets Milieu Est, Cluds Sud) utilisé pour les scénarios d’évolution du paysage.


Conservation des pâturages boisés du Jura: ­d éfis climatiques et agro-politiques | Projet MOUNTLAND

Figure 3 | Les mésocosmes transplantés sur un pâturage ouvert à la Combe des Amburnex, le site de contrôle à 1400 m.

partir du site «donneur» de la Combe des Amburnex (Jura vaudois) vers des altitudes inférieures (fig. 2). Le site de la Combe des Amburnex (altitude 1350 m, N 46° 54’, E 6° 23’) a servi de site de contrôle, au climat inchangé, tandis que le site de Saint-George (altitude 1010 m, N 46° 52’, E 6° 26’) et de l’Arboretum d’Aubonne (altitude 570 m, N 46° 51’, E 6° 37’) ont permis de simuler une augmentation de température de respectivement +2K et +4K, et une réduction des précipitations de -20% et -40 %. Les mésocosmes ont été prélevés sur trois pâturages du site «donneur» des Amburnex selon un gradient de densité du couvert forestier (habitats densément boisé, faiblement boisé, non boisé). Ils ont ensuite été regroupés par série de 15 (5 répétitions) dans les trois sites, dans un secteur sans arbre. Les mésocosmes issus de pâturages faiblement et densément boisés ont été recouverts de deux types de toile d’ombrage (fig. 3), afin de simuler les conditions lumineuses d’origine. Fin juillet 2011, la biomasse végétale aérienne de chaque mésocosme a été prélevée sur un carré de 35 cm de côté, triée par espèce puis séchée à 70 °C et pesée. Les biomasses ainsi mesurées ont été comparées entre sites de transplantation et entre habitats pour évaluer l’effet du changement climatique sur les différents types de pâturages. Dans le but de prédire l’impact des changements climatiques sur la dynamique de la végétation et des paysages sylvopastoraux, des simulations ont été effectuées au moyen du modèle dynamique spatialement explicite

WoodPaM (Gillet 2008; Peringer et al. 2012). Ce modèle représente les principales interactions dans la mosaïque de végétation d’un pâturage boisé entre la gestion sylvopastorale, l’activité du bétail, la dynamique des herbages et la régénération des ligneux. Les trois pâturages boisés choisis se situent dans la même région que le site «donneur» de l’expérience de transplantation, à Bullet (canton de Vaud, altitude: 1200 m – fig. 2). L’intensité d’exploitation et la structure paysagère actuelle diffèrent d’un pâturage à l’autre: Planets Ouest est un pâturage communal quasi exempt d’arbres et exploité intensivement (1,79 UGB/ha durant 170 jours/année), Planets Milieu Est est une surface herbeuse majoritairement ouverte comportant quelques endroits faiblement boisés (1,56 UGB/ha durant 135 jours/année) et Cluds Sud correspond à un pâturage boisé en mosaïque comprenant plusieurs surfaces de forêt (0,99 UGB/ha durant 153 jours/année). En raison de la proximité avec le site des Amburnex, les résultats expérimentaux ont pu être utilisés pour le paramétrage du modèle. La simulation de l’impact de la nouvelle politique agricole (PA 14 – 17) sur l’intensité d’exploitation des pâturages boisés s’appuie sur le modèle d’optimisation socio-économique ALUAM, un modèle multi-agents qui vise à optimiser les revenus des fermiers en tenant compte des restrictions d’ordre agro-écologiques ou politiques (Huber et al. 2012a). Les calculs ont été faits sans tenir compte des contributions animales utilisées dans l’article de Huber et al. (2012b). Ce modèle a été  couplé au modèle WoodPam.

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Pâturage non boisé Pâturage faiblement boisé Pâturage densément boisé

Différence de production aérienne de biomasse {g* m-²}

200

100

0

-100

-200 +2 K

+4 K

Réchauffement lié à la transplantation

Figure 4 | Différence de la production moyenne (2010 et 2011) de biomasse herbacée (g * m -2) par rapport au site de contrôle à 1400 m dans les trois habitats utilisés dans l’expérience de transplantation. Les différences s­ ignificatives (p<0,05) sont indiquées par des étoiles.

Pour les scénarios climatiques, des séries de données chronologiques régionales de températures et de précipitations ont été appliquées à deux scénarios d’émissions (IPCC 2007), avec, pour la période 2000 – 2100, les conditions suivantes: 1) scénario modéré B2: augmentation de la température de 4 °C, 2) scénario extrême A1FI: 8 °C de réchauffement, et 3) scénario B2 & A1FI: ajoute un décalage des précipitations de l’été vers l’hiver, ce qui augmente la sécheresse estivale.

Résultats La transplantation des mésocosmes à une altitude inférieure a entraîné une modification de la production annuelle de biomasse, selon l’altitude et le type d’habitat (fig. 4). Cette diminution a été la plus marquée pour les mésocosmes provenant du pâturage non boisé. Un réchauffement modéré de +2 °C ne provoque pas de changement significatif, tandis qu’une augmentation de température de +4 °C diminue la production fourragère d’environ 40% dans le pâturage non boisé qui, à l’origine, était pourtant le plus productif, et au contraire à une augmentation dans le pâturage densément boisé (fig. 4).

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Dans les simulations de la production fourragère à l’échelle du paysage, cette différence de sensibilité aux changements climatiques conduit à une utilisation différenciée des ressources fourragères (fig. 5). Si la ressource fourragère disponible est utilisée à 100 % (optimum agronomique), la régénération forestière risque d’être compromise. Un dépassement de ce seuil signifie que le pâturage ne suffit pas à nourrir le bétail. Un taux d’utilisation plus faible à court terme (quelques années) permet en revanche la régénération forestière et la conservation de la mosaïque paysagère actuelle, tandis qu’une sous-pâture à long terme conduit à l’embroussaillement et au reboisement des pâturages boisés. Avec l’augmentation de la température à partir de l’année 2000, l’utilisation de la capacité fourragère dépasse le seuil des 100 % sur le pâturage intensivement exploité des Planets Ouest, et ce durant de nombreuses années. Celle des pâturages exploités de façon modérée ou extensive reste par contre au-dessous de 100 % durant les premiers 50 ans de changements climatiques (2000 – 2050), aussi bien pour le scénario modéré B2 que pour le scénario drastique A1FI. Après 2050, seul le pâturage en mosaïque des Cluds Sud reste sous le seuil de 100%. Ici, la quantité de fourrage produite est tou-


Taux global d’utilisation de la ressource fourragère

Conservation des pâturages boisés du Jura: ­d éfis climatiques et agro-politiques | Projet MOUNTLAND

200% 180% 160% 140% 120% 100% 80% 60% 40% 20% 0%

200%

Scénario climatique B2

a b c

Scénario climatique A1FI

180%

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100% 80% 60% 40% 20% 0% 1950

2000

2050

2100

Années Figure 5 | Evolution du taux d’utilisation de la ressource fourragère dans trois pâturages près de Bullet, Planets Ouest (a), Planets Milieu Est (b) et Cluds Sud (c), selon deux scénarios climatiques (d’après Gavazov et al . 2012).

jours suffisante, ce qui démontre clairement la capacité d’atténuation des effets négatifs du changement climatique dans les pâturages boisés, grâce à l’effet protecteur des arbres. Les simulations de la dynamique des paysages sylvopastoraux montrent à moyen terme, dans le cas du scénario de réchauffement modéré B2, l’effet d’une réduction de la pression de pâturage (extensification) suite à l’adaptation au contexte socio-économique (Huber et al. 2012a). Selon les cartes de simulations (fig. 6), ce processus touche aussi bien les pâturages extensifs, déjà densément boisés (Cluds Sud) que les pâturages actuellement exploités de façon plus intensive, qui seront probablement abandonnés dans le futur (Planets Milieu Est). La carte de 2100 indique que les surfaces ouvertes deviendront rares. Les pâturages intensifs ouverts auront tendance à devenir faiblement boisés, tandis que les pâturages extensifs deviendront densément boisés. Le scénario climatique modéré B2 indique une forte recrudescence des arbres qui s’accompagne à long terme,

en raison des effets de la sécheresse, d’un déclin de l’épicéa au profit du hêtre (Peringer et al. 2012). Un stade intermédiaire de succession caractérisé par le développement des essences post-pionnières (sorbiers, érables) se traduit par une diminution temporaire de la forêt parcourue (cf carte de 2050). La densité des arbres augmente fortement à partir de 2050 et avec elle la couverture forestière, conduisant à une simplification de la structure du paysage, qui pourrait signifier la perte des habitats variés qui contribuent à la biodiversité des pâturages boisés.

Discussion Les résultats de l’expérience de transplantation et de simulation d’un réchauffement climatique suggèrent une diminution de la production fourragère des pâturages ouverts non boisés et la stabilité de la production des pâturages faiblement boisés, voire une légère augmentation dans les pâturages densément boisés. Grâce à 

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c

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2000

2050

a 2100

Pâturage non boisé

Pâturage densément boisé

Pâturage faiblement boisé

Forêt pâturée

Figure 6 | Modélisation des types de taux de boisement et cartes pour les années 2050 et 2100 des pâturages de Planets Ouest (a), Planets Milieu Est (b) et Cluds Sud (c) à Bullet. Le modèle intègre la nouvelle politique agricole PA 14 – 17 dans le cas du scénario climatique B2.

l’ombrage produit par les arbres dans les pâturages peu à très boisés, reconstitué dans cette expérience par les toiles d’ombrage (40 % et 80 % d’interception de la lumière), la température du sol est plus basse et son humidité plus élevée par rapport aux pâturages non boisés, limitant ainsi les effets négatifs du stress hydrique sur la production végétale. Transposé à l’échelle des parcelles d’exploitation et du paysage, ce pouvoir régulateur du microclimat dans les pâturages plus ou moins boisés est également mis en évidence par les simulations des modèles dynamiques. Celles-ci montrent que la structure fine en mosaïque des pâturages boisés réduit de manière déterminante l’effet de la sécheresse sur la production fourragère. La conservation d’un paysage semi-ouvert parsemé d’arbres permettrait aux agriculteurs d’atténuer les effets négatifs des changements climatiques sur la production fourragère et d’en stabiliser les rendements. Dans l’hypothèse d’une augmentation de la fréquence des années sèches, les pâturages boisés offrent la capacité de réduire le risque économique lié à de fortes fluctuations des quantités d’herbe disponible, qui obligeraient les agriculteurs à acheter des compléments de fourrage. Les résultats des simulations montrent aussi que la conservation des pâturages boisés dépend d’un subtil équilibre dans le mode d’exploitation. Une trop forte intensité d’exploitation diminue la diversité végétale des herbages et rend le système plus sensible aux aléas climatiques (Gavazov et al. 2012; Mariotte 2012). A l’inverse, une trop forte extensification met en péril l’équilibre existant entre les groupes fonctionnels de plantes, entraînant ainsi une baisse de la qualité fourragère. Ce processus peut encore être accentué par l’augmentation de la compétitivité des arbres lors du réchauffement

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climatique. A l’heure actuelle, la tendance est déjà à la recrudescence des arbres sur les pâturages boisés, favorisée par l’adoucissement du climat local avec l’augmentation de +1 °C de la température au cours du siècle dernier. D’après la simulation des effets combinés du changement climatique et de la réforme agraire PA 14 – 17, la conversion des paiements directs à la surface gérée plutôt qu’au nombre de têtes de bétail favorise l’extensification des pâturages boisés, mais, en même temps, les conditions climatiques vont renforcer la compétitivité des arbres. A plus long terme, cela favorisera la ségrégation entre pâturages ouverts et forêt fermée. Afin de conserver à l’avenir les diverses fonctions des pâturages boisés et la diversité du paysage jurassien, malgré les changements climatiques, des mesures complémentaires devront être envisagées dans le cadre de la nouvelle PA 14 – 17 pour permettre une pression de pâture adaptée à la station et réduire de manière ciblée l’avancement de la forêt. L’adaptation du zonage en surface agricole utile (SAU) ou zone d’estivage pourrait s’avérer judicieuse pour une gestion adaptative de ces écosystèmes. n

Remerciements

Le projet de recherche MOUNTLAND a pu être réalisé grâce au financement du Centre de compétence environnement et durabilité (CCES) du Domaine des EPF.


Conservazione dei pascoli alberati del Giura: sfide climatiche e agro-politiche I caratteristici pascoli alberati del Giura servono principalmente da foraggio per animali e forniscono legname. Inoltre, essi sono anche importanti per la loro biodiversità, svolgono altre funzioni come aree di svago e di ricreazione per il tempo libero, come pure per la qualità del paesaggio che essi offrono in prossimità delle grandi zone urbane nell’arco lemanico. Questo articolo mostra, con l’aiuto di modelli di simulazione, l’effetto di cambiamenti climatici sulla produzione di biomassa erbacea e, in questo contesto, le conseguenze della nuova riforma agraria (PA 14–17) sull’evoluzione del paesaggio. I pascoli alberati potrebbero meglio resistere all’aumento delle temperature e alla diminuzione delle precipitazioni estive, rispetto ai pascoli non alberati, mantenendo una produzione foraggera più stabile. L’associazione del modello di vegetazione ad un modello socio-economico indica che attraverso la nuova politica agricola (AP 14–17), la pressione di pascolo diminuirà e che nell’ambito di uno scenario di moderato riscaldamento climatico questo porterà a un inforestamento con un aumento di zone boschive chiuse. La nuova politica agricola dovrebbe permettere di prendere delle misure mirate per conservare i pascoli alberati.

Bibliographie ▪▪ Barbezat V. & Boquet J.-F. (Eds.), 2008. Gestion intégrée des paysages sylvo-pastoraux de l'Arc jurassien – Manuel (Handbook). Conférence TransJurassienne. La Chaux-de-Fonds, Besançon. 160 p. et 1 CD-ROM (Programme Interreg IIIA). ▪▪ Barth L., Lanz S. & Hofer C., 2011. Promotion de la production animale basée sur les herbages dans la politique agricole 2014 – 2017. Recherche Agronomique Suisse 2 (1), 20–25. ▪▪ CH2011, 2011. Swiss Climate Change Scenarios CH2011. Published by C2SM, MeteoSwiss, ETH, NCCR Climate, and OcCC, Zurich, Switzerland. ▪▪ Chételat J., Kalbermatten T., Lannas K., Spiegelberger T., Wettstein J.-B., Gillet F., Peringer A. & Buttler A., 2012. A contextual analysis of observed land-use and vegetation changes applied to two wooded pastures in the Swiss Jura Mountains. Ecology and Society (en révision). ▪▪ Gavazov K., Peringer A., Buttler A., Gillet F. & Spiegelberger T., 2012. ­D ynamics of forage production in pasture-woodlands of the Swiss Jura Mountains under projected climate change scenarios. Ecology and Society (en révision). ▪▪ Gillet F., 2008. Modelling vegetation dynamics in heterogeneous pasture-woodland landscapes. Ecological Modelling 217 (1–2), 1–18.

Summary

Riassunto

Conservation des pâturages boisés du Jura: ­d éfis climatiques et agro-politiques | Projet MOUNTLAND

Conservation of pasture woodlands in the Jura mountains: climate change and agro-political challenges Wooded pastures of the Jura mountains are mainly used for fodder and timber production, but they provide also other goods and services such as biodiversity, leisure areas as well as attractive landscapes. These ecosystems are sensitive to climate and land-use changes. In this paper we report on a transplantation experiment and model simulations to show the impact of climate change on the grass production as well as the consequences of the upcoming new agriculture policy (AP 14–17) on landscape dynamics. Results indicate that wooded pastures could better resist to climate warming and concomitant summer droughts than open pastures, and thus provide more stable fodder yields along the season. Simulations of vegetation evolution indicate that the global utilization rate of fodder in treeless intensive used pastures would be beyond a sustainable threshold. The AP 14–17 will lower the intensity of pasturing which will lead to more closed landscapes in the long run. The new policy should allow, by means of incentives in favour of landscape quality, to take targeted measures for the conservation of wooded pastures. Key words: pasture-woodland, climate warming, vegetation dynamics, transplantation experiment, agricultural policy.

▪▪ Huber R., Briner S., Peringer A., Widmer A., Gillet F., Seidl R., Lauber S., Buttler A., Le Q. B. & Hirschi C., 2012a. Modeling feedback effects between vegetation dynamics farm structural change and policy development in the pasture woodlands of the Swiss Jura mountains. Ecology and Society (en révision). ▪▪ Huber R., Iten A. & Briner S., 2012b. Développement du système des paiements directs et utilisation des terres en montagne. Recherche ­A gronomique Suisse 3 (7–8), 354 – 359. ▪▪ IPCC, 2007. Climate Change 2007: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Geneva, Switzerland. ▪▪ Mariotte P., 2012. Effects of subordinate plant species on plant and soil community structure and ecosystem function. Thèse n° 5359 EPFL. ▪▪ Miéville-Ott V. & Barbezat V., 2005. Perception du pâturage boisé: résultats d'un sondage effectué au Communal de la Sagne NE. Schweiz. Z. Forstwes. 156, 1–12. ▪▪ Peringer A., Siehoff S., Chételat J., Spiegelberger T., Buttler A. & Gillet F., 2012. Past and future landscape dynamics in wooded pastures of the Jura under land use and climate change. Ecology and Society (en révision).

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P r o j e t

M O U N T L A N D

Développement du système des paiements directs et utilisation des terres en montagne Robert Huber1, Adrian Iten2 et Simon Briner2 Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, 8903 Birmensdorf 2 EPF Zurich, Agri-food & Agri-Environmental Economics Group, 8092 Zurich Renseignements: Robert Huber, e-mail: robert.huber@wsl.ch, tél. +41 44 739 23 38 1

Pâturage dans la région modèle du Jura. (Photo: Alexandre Buttler, EPFL)

Introduction et problématique Dans le cadre de la politique agricole 2014  –  2017 (PA 14 – 17), le développement du système des paiements directs (DPD) prévoit que les contributions pour la garde d’animaux de rente consommant des fourrages grossiers (UGB-FG) et celles pour la garde d’animaux dans des conditions de production difficiles (GACD) seront remplacées par des contributions à la sécurité de l’approvisionnement. Les nouvelles contributions seront accordées pour les herbages, moyennant le maintien d’un effectif animal minimal. Le transfert des paiements directs liés aux animaux vers une promotion liée à la surface doit permettre de réduire l’incitation à élever le plus grand nombre possible d’animaux. L’efficience du transfert des paiements devrait ainsi s’améliorer et les atteintes à l’environnement diminuer (Barth et al. 2011). Les résultats de diverses simulations de la Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART mettent en lumière les effets positifs de ce changement sur l’environnement (Mann et al. 2012; Zimmermann et al. 2011), notamment en région de montagne (Zimmer-

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mann et al. 2012). En principe, l’effectif animal (UGB) et l’intensité de l’utilisation des terres diminuent dans toutes les régions. Au niveau de l’exploitation, l’intensité de l’utilisation des terres dépend principalement des conditions structurelles existantes, comme la taille de l’exploitation, son type de gestion (à titre principal ou secondaire) ou les investissements consentis. Il faudrait donc s’attendre à ce que les contributions à la sécurité de l’approvisionnement aient des effets divers dans les régions aux structures hétérogènes en Suisse. Sur cette toile de fond, des modélisations ont été réalisées dans le cadre du projet de recherche MOUNTLAND (Huber et al. 2012) afin de quantifier les effets à moyen terme du DPD (jusqu’en 2021) sur l’intensité de l’utilisation des terres dans des régions choisies pour cette étude et présentant des conditions structurelles différentes. Il s’agit entre autres de régions comme celle de Viège, où les petites exploitations à titre secondaire sont nombreuses, ou celle du Jura, où se trouvent une majorité d’exploitations à titre principal et relativement grandes. Ces modélisations ont pour objectif d’analyser et de discuter l’impact sur l’environnement, régionalement différent, du nouveau système de paiements directs. Régions–modèles Dans la région-modèle de Viège, 186 exploitations occupaient une surface de 1785 ha entre 600 et 2500 mètres d’altitude en 2008. Cela correspond à une surface moyenne de 9,6 ha par exploitation. Ce sont pour la plupart des exploitations à titre secondaire et la majorité élève principalement des moutons. La production laitière et l’élevage de vaches-mères y sont également répandus. Dans la région-modèle du Jura, neuf exploitations occupent une surface globale de 450 ha entre 800 et 1300 mètres d’altitude, en zone de montagne II. La surface moyenne se situe à environ 50 ha. Sept des neuf exploitations produisent du lait et détiennent un droit de livraison aux fromageries locales pour la fabrication de 100 000 à 300 000 kg de gruyère. Pour utiliser pleinement leurs structures, les exploitations produisent en


outre du lait de laiterie qui n’est cependant pas transformé dans le village. A cela s’ajoutent une exploitation d’élevage de vaches-mères et une d’engraissement de veaux. Six exploitations disposent en outre de zones d’estivage d’une superficie totale de 140 ha, pris en considération dans le modèle.

Méthode Les modélisations ont été réalisées avec le modèle d’utilisation des terres ALUAM (Alpine Land-Use Allocation Model) qui simule les changements en la matière dans les régions de montagne en tenant compte des variations climatiques et socio-économiques (Briner et al. 2012). ALUAM, un modèle normatif de programmation dynamique récursive, reflète clairement les différences d’utilisation des terres agricoles à l’échelle spatiale. L’extension du modèle avec des agents* permet de tenir compte, dans l’optimisation, des différents objectifs et attitudes des chefs d’exploitation à propos des restrictions. Dans la région de Viège, les objectifs et attitudes des agents (ou exploitations) sont fondés sur un questionnaire standardisé adressé en automne 2011 à tous les agriculteurs de cette région. Au total, 120 exploitations y ont répondu (30 % de participation). A l’aide d’une analyse de classification «cluster», 13 groupes d’agriculteurs ayant des objectifs et une forme de production semblables ont été identifiés. Etant donné que les exploitations n’ont pas toutes répondu au questionnaire, les exploitations restantes ont été attribuées au groupe présentant des structures semblables. Les groupes en question ont été ensuite intégrés comme agents dans ALUAM. Dans la région du Jura, des interviews structurées ont été réalisées au printemps 2011 avec les exploitations à titre principal soumises à cette étude de cas. Ici, chaque exploitation correspond donc à un agent, tandis qu’en Valais, un agent correspond à un groupe d’exploitations dans ALUAM. Les données relevées dans les questionnaires ont permis de classifier les agents et les restrictions propres à l’exploitation ou au groupe d’exploitations, à propos par exemple du temps de travail disponible du chef d’exploitation ou des autres membres de la famille travaillant dans l’exploitation. En fonction de leurs réponses, les agents ont aussi été classifiés dans les différents coûts d’opportunité pour le travail. Les chefs d’exploitation qui envisageraient d’élargir leur activité extra-agricole ou accorderaient une valeur particulière à bénéficier de suffisamment de loisirs ont été classés dans la rubrique des coûts d’opportunité élevés. Par contre, ces coûts sont plus bas pour les chefs d’exploitation très attachés aux activités agricoles et pour les

Résumé

Développement du système des paiements directs et utilisation des terres en montagne | Projet MOUNTLAND

Le transfert des paiements directs liés aux animaux vers des contributions à la sécurité de l’approvisionnement en fonction de la surface contribuera à freiner les incitations à intensifier la garde des animaux de rente, et par là même à réduire les atteintes portées à l’environnement par les émissions dues à l’agriculture. Dans le cadre du projet de recherche MOUNTLAND, un modèle à base d’agents* a été développé afin de quantifier l’effet de ce transfert sur l’intensité de l’utilisation des terres dans un échantillon de régions de montagnes suisses. La région de Viège, où la plupart des exploitations exercent une activité accessoire (exploitation à titre secondaire), et une région du Jura, où les exploitations se suffisant à elles-mêmes (exploitation à titre principal) sont les plus répandues, ont servi d’exemple à cette modélisation. Les résultats révèlent que l’ampleur de l’impact sur l’environnement dépend surtout de la structure et de l’orientation de la production agricole. Pour atteindre les objectifs environnementaux dans des régions diversement structurées, les contributions à l’utilisation efficiente des ressources continueront donc à jouer un rôle important à l’avenir. *Les modèles à base d'agents (MBA) ou les systèmes multi-agents (SMA) décrivent une analyse assistée par ordinateur de l'interaction d'entités autonomes (agents) qui présentent différents comportements et dynamiques. Les agents interagissent entre eux et avec l'environnement (simulé) sur la base d'une suite spécifique de règles préétablies (Heckbert et al. 2010). Les modèles à base d'agents ­u tilisés dans l'agriculture suisse sont par exemple le modèle sectoriel des structures agricoles SWISSland (Möhning et al. 2009) ainsi que le modèle de structures agricoles de Lauber (2006) axé sur deux ­r égions du centre des Grisons.

exploitations de loisir. La disposition à accepter un changement, un accroissement ou une tâche d’élevage d’animaux fut aussi relevée dans le questionnaire et intégrée dans le modèle. Les types d’utilisation des terres et leur intensité ont été simulés dans ALUAM sur la base d’une maximisation des revenus de chaque agent. Les activités possibles d’élevage se limitent aux activités actuellement prédominantes dans la région, c’est-à-dire l’élevage de vaches laitières, de vaches-mères et de bovins d’élevage. A cela s’ajoutent l’engraissement des veaux ( Jura), et la garde des moutons (région de Viège). Les activités d’élevage sont associées pour chaque agent à l’utilisation des terres grâce au bilan des éléments nutritifs et des fourrages. Le temps de travail dispo nible est également limité.

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 354–359, 2012

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Projet MOUNTLAND | Développement du système des paiements directs et utilisation des terres en montagne

Tableau 1 | Scénarios des paiements directs

Contribution à la surface [CHF/ha]

Contribution au paysage cultivé [CHF/ha]

Contribution à la sécurité de l’approvisionnement [CHF/ha]

Contribution aux terrains en pente [CHF/ha]

Contributions pour la garde d’animaux consommant du fourrage grossier [CHF/UGB]

Contributions pour la garde d’animaux dans des conditions de production difficiles [CHF/ UGB]

Contributions d’estivage [CHF/ UGB]

Contribution au système de production [CHF/UGB]

Contributions à la biodiversité (prairies extensives) [CHF/ha]

SQ

DPD

1040

0

ZC

0

100

ZM I

0

250

ZM II

0

350

ZM III + IV

0

400

ZC + ZM I

0

1140

ZM II

0

1220

ZM III + IV

0

1260

18 %–35 %

410

400

35 %–50 %

620

700

>50%

620

1000

Bovins sans vaches laitières

690

0

Moutons

520

0

Vaches ­laitières

450

0

ZC

300

0

ZM I

480

0

ZM II

730

0

ZM III

970

0

ZM IV

1230

0

Exploitation de base

0

370

Exploitation d’estivage

330

400

SRPA

180

180

SSC

90

90

Prime vache-mère

0

200

ZC

1200

1400

ZM I + II

700

900

ZM III + IV

450

650

Source: fondée sur Zimmermann (2011).

Dans ALUAM, les agents sont reliés entre eux par un marché foncier. Si un agent (ou une exploitation dans le Jura) met fin à son activité ou qu’une part de ses surfaces est abandonnée (ou si le groupe d’exploitation en Valais n’utilise plus toute sa surface), celle-ci sera attribuée de façon aléatoire à un autre agent. Les conditions à remplir pour qu’un autre agent l’obtienne sont a) l’agent présente un coût d’opportunité positif pour la surface supplémentaire et b) le chef d’exploitation (au Jura) ou le groupe de chefs d’exploitation (en Valais) a clairement émis le vœu lors de l’interview (en répondant au questionnaire) d’élargir ses surfaces1.

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Dans la région Jura, les interviews ont permis de définir quel agriculteur gère quelles parcelles. Dans la région de Viège par contre, une attribution exacte n’a pas pu être réalisée sur la base des données disponibles. Les parcelles ont donc été attribuées aux agents de façon aléatoire jusqu’à ce que la surface totale du groupe correspondant soit identique à la somme des surfaces des exploitations appartenant au groupe en question. La qualité différente des surfaces a été prise en compte en répartissant les surfaces de façon à ce que la proportion de terrains en pente et en pentes raides de chaque agent corresponde à la réalité. Le bilan des surfaces correspondantes a été établi sur la base de la banque de données AGIS. La validation du modèle montre qu’il est possible de bien refléter la situation réelle dans les régions étudiées. De plus amples informations se trouvent dans les descriptions détaillées du modèle dans Briner et al. (2012) et Iten (2012). Hypothèse du DPD dans les scénarios Le développement des structures agricoles est calculé pour deux scénarios différents: le statu quo (SQ) et le DPD. Tandis que le scénario SQ part de l’hypothèse que les paiements directs des années 2014 à 2021 resteront au même niveau qu’en 2013, celui du DPD admet que le système des paiements directs sera réformé en 2014 (voir tabl. 1). Comme la proportion de terres assolées est très faible dans les deux régions, cela réduit considérablement la différence entre les scénarios du transfert des paiements directs liés aux animaux vers les contributions à la sécurité de l’approvisionnement et les contributions d’estivage pour les exploitations de base. Les mêmes paramètres ont été utilisés dans les deux scénarios sur l’évolution des prix et des coûts. Les prix des biens agricoles sont restés constants au niveau de 2011.

Résultats Production animale Dans le scénario simulant le SQ, le nombre de vaches laitières reste pratiquement constant dans les deux régions. Dans le scénario DPD par contre, l’effectif de vaches laitières diminue dans les deux régions, et ceci nettement plus au Jura qu’en Valais (fig. 1). Au Jura, le recul apparaît déjà dans la phase de validation entre 2009 et 2012. Une augmentation de la productivité laitière permet toutefois de produire la même quantité de lait. Face à l’introduction du DPD, qui s’accompagne de l’abolition de tous les paiements directs liés aux animaux et ainsi donc 1 La programmation de la répartition des surfaces dans ALUAM est fondée sur le travail de Lauber (2006) sur le développement des structures agricoles en région de montagne.


Développement du système des paiements directs et utilisation des terres en montagne | Projet MOUNTLAND

Viège Viège

900900 800800 700700 600600 500500 400400 300300 200200 100100 0 0

2009 2009 2011 2011 2013 2013 2015 2015 2017 2017 2019 2019 2021 2021

Vaches Vaches laitières laitières SQSQ Vaches Vaches laitières laitières DPD DPD Vaches-mères Vaches-mères SQSQ Vaches-mères Vaches-mères DPD DPD

2009 2009 2011 2011 2013 2013 2015 2015 2017 2017 2019 2019 2021 2021

Effectif animal (UGB) Effectif animal (UGB)

JuraJura

Effectif animal (UGB) Effectif animal (UGB)

200200 180180 160160 140140 120120 100100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0

année année

Moutons DPD Moutons DPD Moutons Moutons SQSQ Vaches laitières DPD Vaches laitières DPD Vaches laitières Vaches laitières SQSQ Vaches-mères DPD Vaches-mères DPD Vaches-mères Vaches-mères SQSQ

année année

Figure 1 | Evolution de l’effectif animal dans les régions du Jura (à gauche) et de Viège (à droite) de 2007 à 2021.

des contributions au fourrage grossier pour les vaches laitières, les agriculteurs réduisent la production de lait de laiterie, ce qui fait encore baisser le nombre de vaches. En Valais, cet effet ne se produit pas. Certes, quelques exploitations réduisent aussi le nombre de vaches laitières lors du passage au DPD, mais cela est compensé par le fait que les exploitations de plus grande taille qui gardent leurs vaches en stabulation libre au début de la période obtiennent des surfaces supplémentaires et augmentent leur effectif animal. En conséquence, sur l’ensemble de la période, le nombre de vaches laitières diminue beaucoup moins en Valais qu’au Jura. Comme les bovins d’élevage sont en grande partie nécessaires pour la remonte, leur nombre est semblable à celui des vaches. L’évolution de l’effectif des vaches-mères présente un schéma semblable. Au Jura, cet effectif reste constant sous le statu quo et diminue dans le scénario DPD. A Viège par contre, la différence entre les scénarios est faible. Le nombre de vaches-mères baisse même si le système existant subsiste. En Valais, l’évolution des effectifs de moutons diminue dans les deux scénarios, notamment dans celui du DPD où la baisse est nettement plus forte. Dans ce dernier, l’évolution des effectifs présente deux facettes: 1) Une part des agents réduisent assez fortement leur effectif de moutons lors de l’introduction du scénario DPD. Ces exploitants acceptent le risque que leurs étables ne soient pas entièrement occupées. 2) Les agents détenant d’anciennes étables abandonnées renoncent à réinvestir si bien que le nombre de moutons diminue également. Chez ces exploitants, les recettes de la production de moutons leur permettent tout au plus de couvrir les coûts variables. Utilisation des surfaces Les surfaces intensives diminuent dans les deux régions et scénarios. Deux évolutions différentes s’observent lors de la simulation. 1) Dans la région de Viège, la surface utilisée comme herbage intensif diminue dans les deux scénarios. En même

temps, la part de surfaces utilisées de façon extensive augmente. Les prairies les premières extensifiées sont celles qui doivent être irriguées, car les coûts pour l’eau d’irrigation sont ainsi minimalisés. L’extensification est plus forte dans le scénario DPD que dans l’hypothèse du statu quo. 2) Au Jura, l’extensification est également plus importante avec le DPD. Là aussi, le recul de l’effectif animal et la réduction du besoin de fourrage conduisent à une diminution des surfaces exploitées intensivement. Au Jura, une grande part de l’extensification porte sur les pâturages. Cela signifie que les agents remplacent les pâturages intensifs par des pâturages extensifs qu’ils ne les convertissent pas en prairies extensives. Cette conversion s’opère dans le modèle, bien que les pâturages extensifs ne donnent lieu à aucune contribution spéciale pour minimaliser les coûts liés à l’utilisation. Il importe toutefois de relativiser l’ampleur absolue de cet élargissement des prairies et pâturages extensifs. Les modèles d’optimisation tels qu’ALUAM surestiment généralement le potentiel d’extensification, car des rendements moyens sont fixés pour les différents degrés  d’intensité.

Tableau 2 | Modification en pourcentage du nombre d’animaux (UGB) et de l’utilisation des surfaces (en ha) dans les deux régions (valeurs moyennes 09/11 et 19/21) Jura

Visp

SQ

DPD

SQ

DPD

-7

-25

-1

-6

Vaches-mères

0

-47

-16

-19

Bovins d’élevage

-8

-19

-5

-11

-24

-39

Vaches laitières

Moutons Total UGB

-6

-27

-13

-23

Herbages intensifs (prairie & pâturage)

-8

-32

-13

-22

Herbages extensifs (prairie & pâturage)

36

168

39

72

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Projet MOUNTLAND | Développement du système des paiements directs et utilisation des terres en montagne

Jura Jura

150150 100100 50 50 2009 2009 2011 2011 2013 2013 2015 2015 2017 2017 2019 2019 2021 2021

0 0

herbages intensifs SQSQ herbages intensifs herbages intensifs DPD herbages intensifs DPD herbages extensifs SQSQ herbages extensifs herbages extensifs DPD herbages extensifs DPD pâturages intensifs pâturages intensifs SQSQ pâturages intensifs DPD pâturages intensifs DPD pâturages extensifs pâturages extensifs SQSQ pâturages extensifs DPD pâturages extensifs DPD

année année

Viège Viège

1200 1200

prairies intensives prairies intensives SQSQ prairies intensives DPD prairies intensives DPD prairies extensives prairies extensives SQSQ prairies extensives DPD prairies extensives DPD pâturages intensifs pâturages intensifs SQSQ pâturages intensifs DPD pâturages intensifs DPD pâturages extensifs pâturages extensifs SQSQ pâturages extensifs DPD pâturages extensifs DPD

1000 1000 800800 600600 400400 200200 0 0

2009 2009 2011 2011 2013 2013 2015 2015 2017 2017 2019 2019 2021 2021

200200

1400 1400 utilisation des surfaces [ha] utilisation des surfaces [ha]

utilisation des surfaces [ha] utilisation des surfaces [ha]

250250

année année Figure 2 | Evolution de l’utilisation des surfaces dans les régions du Jura (à gauche) et de Viège (à droite) de 2009 à 2021.

Discussion Les simulations du modèle d’optimisation ALUAM basé sur des agents ne peuvent être généralisées pour toute la Suisse en raison des propriétés spécifiques des relevés liés aux agents. Les résultats indiquent cependant la même tendance que les simulations d’ART. L’effectif animal (en UGB/ha) diminue dans un scénario DPD et la part de prairies extensives augmente. Dans le scénario SQ, les valeurs de ces deux paramètres restent de toute façon à un niveau élevé. Les simulations de MOUNTLAND indiquent cependant que le transfert des paiements directs liés aux animaux vers les contributions à la sécurité de l’approvisionnement liées à la surface ne réduit pas partout le même impact sur l’environnement. Cela est dû aux conditions structurelles et socio-économiques qui diffèrent d’une région à l’autre. Dans celle de Viège, où les exploitations à titre secondaire sont majoritaires, le modèle prévoit une conversion moins marquée des effectifs animaux et une diminution plus faible de l’intensité d’utilisation des terres entre les scénarios que dans la région du Jura où les exploitations à titre principal sont les plus répandues. Ici, le transfert conduit à une plus forte réduction de l’effectif animal et à une augmentation nettement plus forte des surfaces utilisées extensivement. Les raisons en sont les suivantes: ••Taille de l’exploitation: Plus l’exploitation est grande, plus la marge de manœuvre pour adapter l’intensité de la production est large (Jura vs. Valais). •• Investissements: Les exploitations qui envisagent de s’élargir et ont consenti à des investissements à cet effet (stabulation libre en Valais) extensifieront moins leur production parce qu’elles désirent, ou doivent, utiliser pleinement leurs capacités en raison des coûts de structures qui y sont liés. ••Valeur ajoutée: Plus la contribution de couverture (absolue) issue de la production est faible, plus l’incitation est grande de réduire le nombre

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d’animaux en raison des coûts (élevage de moutons et de vaches-mères). ••Travail: Plus le nombre d’unités de main-d’œuvre (familiale) est élevé, plus l’exploitant sera enclin à occuper pleinement son personnel (exploitation cherchant à s’accroître), d’où une moindre extensification de la production. La combinaison de ces facteurs permet facilement d’expliquer les effets simulés. En résumé, on ne devrait pas s’attendre à une diminution notable de l’effectif animal malgré le transfert des contributions, et ceci notamment dans les régions avec des petites exploitations (laitières) intensives en capital. Seule cette manière de faire permettra aux exploitations d’utiliser pleinement leurs capacités de main-d’œuvre. Sous cet aspect, l’impact sur l’environnement des paiements directs liés aux surfaces est hétérogène à l’échelle spatiale, notamment en région de montagne. Dans les régions avec de petites structures, où il est souhaitable d’extensifier l’utilisation des terres pour des raisons de politique environnementale, les conditions ne permettent pas toujours d’atteindre cet objectif aussi bien que dans les régions où les exploitations sont dotées de structures plus importantes. En conséquence, des instruments complémentaires ne devraient pas non plus être négligés à l’avenir. Les programmes d’utilisation durable des ressources naturelles, axés sur les projets et régionalement différenciés, ainsi que les contributions à l’utilisation efficiente des ressources, devraient particulièrement aider à combler les lacunes dans la réalisation des objectifs environnementaux. n

Remerciements

Le projet de recherche MOUNTLAND a pu être réalisé grâce au financement du Centre de compétence environnement et durabilité (CCES) du Domaine des EPF. Les auteurs remercient cordialement les cultivatrices et cultivateurs qui ont participé aux interviews et à l'enquête.


Sviluppo del sistema dei pagamenti diretti e sfruttamento del suolo in diverse regioni montane La trasformazione dei pagamenti diretti legati alla detenzione di animali da reddito in contributi per la sicurezza dell’approvvigionamento legati alle superfici dovrebbe minimizzare lo stimolo per l’allevamento intensivo e quindi contribuire a ridurre le emissioni agricole nocive per l’ambiente. Nell’ambito del progetto di ricerca MOUNTLAND si è sviluppato un agent based modello sullo sfruttamento del suolo che quantifica l’effetto di questa trasformazione sull’intensità d’uso del suolo in un campione selezionato di regioni montane svizzere. Come regioni esempio per l’elaborazione del modello sono state scelte una regione dove prevale l’attività aziendale accessoria, come la regione di Visp, ed un distretto del Giura a prevalente attività aziendale principale. I risultati mostrano che l’ampiezza dell’impatto sull’ambiente dipende soprattutto dalle strutture e dall’orientamento della produzione agricola. Per il raggiungimento degli obiettivi ambientali in regioni diversamente strutturate, i contributi all’uso efficiente delle risorse continueranno aricoprire quindi un ruolo importante.

Bibliographie ▪▪ Barth L., Lanz S. & Hofer C., 2011. Promotion de la production animale basée sur les herbages dans la politique agricole 2014 – 2017. Recherche Agronomique Suisse 2 (1), 20–25. ▪▪ Briner S., Huber R., Elkin C. & Grêt-Regamey A., 2012. Assessing the impacts of economic and climate changes on land-use in mountain regions: A spatial dynamic modeling approach. Agriculture, Ecosystems & Environment 149 (2012), 50–63. ▪▪ Flury C., Meier B. & Giuliani G., 2010. Simulation de l`évolution des structures agricoles Recherche Agronomique Suisse 1 (3), 102–109. ▪▪ Heckbert S., Baynes T. & Reeson A., 2010. Agent-based modeling in ecological economics. Annals of the New York Academy of Sciences 1185 (1), 39–53. ▪▪ Huber R., Bebi P., Briner S., Bugmann H., Buttler A., Hirschi C., Lehmann B., Scholz R.W., Zimmermann W. & Grêt-Regamey A., 2012. Changements climatiques et utilisation durable du sol en montagne Recherche Agronomique Suisse 3 (7 – 8) 340 – 345. ▪▪ Iten A., 2012. Agentenbasiertes Modell zur Simulation der Viehdichte auf Wytweiden im Jura. Masterarbeit, Agri-food and Agri-Environmental Economics Group, Institut für Umweltentscheidungen, ETH Zurich.

Summary

Riassunto

Développement du système des paiements directs et utilisation des terres en montagne | Projet MOUNTLAND

Further development of the direct payments system and land-use change in mountain regions The re-allocation of head based animal to area based direct payments in the context of the next agricultural policy reform (AP 14–17) should reduce the incentive keeping high stocking densities and thus reduce emissions from agricultural production. In this contribution, we quantify the impact of this re-allocation on land-use intensities in two different mountain regions using an agent-based model. The model has been applied to the region of Visp, which is currently dominated by small part-time farmers, and to a region in the Jura, dominated by large fulltime farmers. Our findings show that resulting land-use intensities depend on the initial agricultural structure and the production activities of the farms in the different regions. To achieve proposed environmental goals in regions with different agricultural structures, concomitant policy instruments such as payments supporting resource efficiency should not be neglected. Key words: agricultural policy, agentbased modeling, farm structural change, land-use change, mountain regions.

▪▪ Lauber S., 2006. Agrarstrukturwandel im Berggebiet, ART Schriftenreihe, Dissertation ETH Nr. 16716, Zurich, 1 – 217. ▪▪ Mann S., Zimmermann A., Möhring A., Ferjani A., Mack G. & Lanz S., 2012. Quelles sont les conséquences de la réallocation des paiements directs liés aux animaux? Recherche Agronomique Suisse 3 (6), 284 – 291. ▪▪ Möhring A., Zimmermann A., Mack G., Mann S., Ferjani A. & Gennaio M.P. (2009) Multidisziplinäre Agentendefinitionen für Optimierungsmodelle. In Proceedings of the 49th GEWISOLA Conference, Kiel, September 30-October 2, 2009. ▪▪ Zimmermann A., Ferjani A. & Flury C., 2012. Auswirkungen tiergebundener Direktzahlungen auf die ökologischen Ausgleichsflächen im Schweizer Berggebiet. in ÖGA Jahrestagung 2012, in Wien. ▪▪ Zimmermann A., Möhring A., Mack G., Mann S., Ferjani A. & Gennaio M. P., 2011. Les conséquences d'une réforme du système des paiements directs. Rapport ART 744, Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART.

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P r o j e t

M O U N T L A N D

Ecologisation de l’agriculture dans le ­processus politique agricole Christian Hirschi1 et Robert Huber2 ETH Zurich, Institut pour les décisions environnementales, 8092 Zurich 2 Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, 8903 Birmensdorf Renseignements: Christian Hirschi, e-mail: christian.hirschi@env.ethz.ch, tél. +41 44 632 32 22

1

Décisions stratégiques dans la politique agricole fédérale. (Photo: Daniel Etter, Schweizer Bauer)

Introduction En acceptant l’article 104 en 1996, le peuple suisse a ancré la multifonctionnalité de l’agriculture dans la Constitution. Outre la production de denrées alimentaires, l’agriculture est chargée de contribuer substantiellement à la conservation des ressources naturelles et à l’entretien du paysage rural. Cette base constitutionnelle a permis pour la première fois, dans le cadre des réformes agricoles, d’établir un lien cohérent entre les politiques agricole et environnementale (Anwander Phan-huy 2000). Le lien établi entre les paiements directs

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généraux et les prestations écologiques requises, ainsi que les paiements directs écologiques, ont entraîné une réduction sensible de l’impact sur l’environnement ainsi qu’une stabilisation et une promotion de la diversité des espèces (Flury 2005). Malgré ces succès, il est nécessaire de poursuivre ces efforts car l’atteinte des objectifs reste lacunaire pour de nombreux indicateurs écologiques (Vogel et al. 2008). Le développement du système des paiements directs (DPD) dans le cadre de la prochaine étape de réformes PA 14 – 17 doit entre autres permettre de combler ces lacunes (Lanz et al. 2010). Il s’agit par exemple de contributions ciblées pour le maintien d’un


paysage rural ouvert, pour la promotion de la qualité du paysage et de la biodiversité, ainsi que pour l’utilisation plus efficiente des ressources (Conseil fédéral 2012). Le projet de recherche interdisciplinaire MOUNTLAND analyse des options d’actions et de politiques visant à garantir à l’avenir les services écosystémiques en région de montagne dans une démarche intégrée (Huber et al. 2012). Le projet cherche essentiellement à combiner les résultats scientifiques de modélisations écologiques et socioéconomiques avec l’analyse d’évolutions politiques. Il s’agit ainsi de s’assurer que les mesures et les recommandations élaborées par le projet restent en phase avec les processus politiques actuels et s’y intègrent le mieux possible. Pour développer des mesures politiques dans l’esprit d’un développement durable, il est indispensable de bien comprendre les processus politiques et les mécanismes de décision. Si elles sont élaborées sans connaître les champs de force politiques, les recommandations bien intentionnées basées uniquement sur les sciences naturelles ou économiques tiennent souvent trop peu compte des conditions spécifiques qui prévalent pour la formulation et la mise en œuvre de mesures politiques efficaces et restent ainsi ignorées dans ce processus. Cette publication décrit comment le réseau agropolitique, dans le cadre de la PA 2011 au niveau fédéral, a soutenu l’écologisation de l’agriculture et comment les acteurs politiques les plus importants se sont positionnés dans ce même cadre au sujet des rétributions ciblées accordées aux prestations de l’agriculture pour le maintien de paysages ruraux ouverts, pour la promotion de la biodiversité et pour l’amélioration de la qualité du paysage. Cette étude n’a cependant pas pour objet de montrer dans quelle mesure les paiements directs agissent durablement sur les objectifs cités. Elle se limite à montrer quels acteurs soutiennent de telles mesures supplémentaires à caractère écologique et quelles sont les chances de succès des mesures visant à développer l’écologisation de l’agriculture. La comparaison entre les divers positionnements des acteurs en rapport avec la PA 2011 et la PA 14 – 17 permet ensuite, sur la base des structures politiques mises en évidence par le réseau mentionné, de tirer des conclusions sur l’évolution possible de la politique agricole.

Méthodes L’analyse du réseau agropolitique s’appuie sur le schéma acteur – processus – événement (APES; Serdült et Hirschi 2004). L’APES part de l’hypothèse que des processus politiques tels que la formulation et l’adoption de la PA 2011, qui tiennent compte du contexte sociétal et poli-

Résumé

Ecologisation de l’agriculture dans le ­p rocessus politique agricole | Projet MOUNTLAND

Cette contribution s’appuie sur une analyse des réformes de la politique agricole PA 2011 et PA 14 – 17 pour décrire comment le processus politique parvient à soutenir les prestations d’intérêt général fournies par l’agriculture. L’analyse des réseaux politiques et des positions manifestées lors des dernières réformes agricoles confirme la volonté politique de mieux prendre en compte les prestations sociétales et d’intérêt général dans le cadre de la politique agricole et de dédommager ces prestations par des paiements directs ciblés. Pour garantir ces paiements directs à plus long terme, il s’agit notamment de considérer la situation économique générale et l’évolution des budgets publics, ainsi que de faire habilement le lien avec d’autres réformes agricoles en cours ou en discussion (poursuite de l’ouverture et de la dérégulation des marchés).

tique, peuvent se comprendre en tant que succession de séquences liées à des événements politiques (séances de comités d’experts, prises de position politiques et interventions, consultations, délibérations parlementaires, décisions d’instances politiques importantes, etc.). Le processus politique peut en outre être étudié en tant que réseau politique au sein duquel les acteurs communiquent de diverses façons et tentent de s’influencer mutuellement. Pour relier les résultats ainsi obtenus sur le réseau agropolitique avec des scénarios de développement possible de cette politique, nous analysons en plus les positions des acteurs importants par rapport aux mesures proposées dans le cadre des réformes agricoles. Le positionnement de ces acteurs en rapport avec les nouvelles étapes d’écologisation initiées dans l’AP 2011 est mesuré sur la base de leurs prises de position concernant la conversion des financements publics de soutien du marché en paiements directs à but écologique, ainsi que le renforcement de critères écologiques pour la production agricole (Hirschi et al. 2012). S’agissant de la PA 14 – 17, sont également prises en compte les positions des acteurs au sujet des rétributions en faveur du paysage rural, de la biodiversité et de la qualité du paysage. La similarité entre les positions exprimées lors de la consultation est analysée à l’aide d’une procédure standardisée de calcul des distances géodésiques entre ces posi- 

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Projet MOUNTLAND | Ecologisation de l’agriculture dans le ­p rocessus politique agricole

CER-E

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SAB SYN

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USP

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CE

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DFE

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CANT PDC

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ANI DFJP

Explications: triangles = acteurs étatiques; carrés = associations, organisations; cercles = partis politiques. Les couleurs indiquent schématiquement quelles positions ont été marquées dans la PA en matière d’écologisation de l’agriculture: vert foncé = renforcement de l’écologisation au-delà de la PA 2011; vert clair = soutien aux mesures de la PA 2011; rouge clair = opinion critique quant aux mesures de la PA 2011; rouge foncé = position fondamenta-lement critique envers l’écologisation; gris = position ambivalente. L’épaisseur des lignes reflète l’intensité des interactions lors du processus ­p olitique (selon la systématique APES).

Figure 1 | Réseau agropolitique PA 2011.

tions (Dekker 2005). La base empirique est livrée pour les deux analyses par les rapports sur les résultats des consultations organisées par le Département fédéral de l’économie (DFE 2006, 2011). Structure du réseau agropolitique en Suisse Le réseau agropolitique tel qu’il s’est présenté pendant la discussion de la PA 2011 (fig. 1) a été marqué principalement par deux éléments du processus politique: 1. La préparation du texte initial ainsi que du processus de consultation interne et externe à l’administration ont procuré une place centrale à l’administration fédérale et au Conseil fédéral. Autour de ce noyau du réseau agropolitique se regroupent les diverses organisations agricoles et d’autres groupements. 2. Pendant les délibérations parlementaires du message sur la PA 2011, les institutions parlementaires et donc les partis politiques se sont placés naturellement au centre des débats. Les acteurs qui se sont exprimés sur la PA 2011 autant durant la procédure pré-parlementaire que par l’intermédiaire de leurs représentants au parlement (p. ex. l’Union suisse des paysans USP ou les organisations environnementales), sont bien intégrés dans le réseau agropolitique. Cependant, il apparaît en général que ce réseau est très centralisé autour de l’exécutif (Conseil fédéral et administration fédérale).

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Position des acteurs sur la PA 2011 L’analyse des positions internes des acteurs du réseau (fig. 1) ne révèle pas un schéma clair. Sur le fond, les mesures proposées ont été largement soutenues. Par contraste, dans le réseau des acteurs, les partis et les associations se regroupent de façon relativement indépendante de leur position fondamentale sur l’écologisation. D’autres contenus de la PA 2011 ainsi que des facteurs institutionnels semblent donc avoir exercé une influence décisive. Pour donner aux mesures écologiques leurs meilleures chances de succès politique, il est donc essentiel de comprendre quels autres aspects de la réforme ont été liés à la décision de passer des contributions liées aux produits à des paiements directs écologiques. Pour cela, il faut également tenir compte des diverses positions de veto. Dans le cadre de la PA 2011, seule l’UDC s’est clairement opposée aux mesures écologiques. L’USP, en tant que principale organisation du monde agricole, occupe une position centrale de veto avec le soutien de l’UDC. Cependant, dans la PA 2011, l’USP s’est montrée ambivalente dans la question de l’écologisation. Elle approuve les paiements directs écologiques dans la mesure où ceux-ci soutiennent l’économie du secteur agricole. Mais si ces paiements devaient grever l’agriculture productrice, l’USB les rejetterait et formerait une forte opposition soutenue par l’UDC et d’autres organisations paysannes.


Ecologisation de l’agriculture dans le ­p rocessus politique agricole | Projet MOUNTLAND

PDC PVS CONS

PSS USP

SAB

UDC

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CANT-1

ORG ENV

OAC

CANT-2 economiesuisse PAR CONF

Explications: Les traits entre les acteurs représentent les positions communes en matière de rétributions en faveur du paysage rural, de la biodiversité et de la qualité des paysages. Plus deux points sont rapprochés, plus les positions se r­e ssemblent. Les couleurs indiquent le type de position des acteurs: vert foncé = soutien pratiquement sans restriction aux mesures proposées par la PA 14 – 17; vert clair = soutien majoritaire avec quelques réserves; gris = réserves envers les mesures proposées par la PA 14 – 17. La taille des symboles correspond au pouvoir de veto des acteurs au sein du ­p rocessus politique (selon Fischer 2003).

Figure 2 | Positions relatives à la PA 14 – 17.

Positions des acteurs quant à la PA 14 – 17 La figure 2 illustre le discours des acteurs du réseau dans le cadre de la consultation sur la PA 14 – 17 en ce qui concerne les rétributions en faveur du paysage rural, de la biodiversité et de la qualité des paysages. Alors que d’autres parties de la PA 14 – 17 avaient été accueillies avec réserve (de la part des milieux agricoles et du PDC) ou même rejetées (UDC), le principe des nouveaux paiements directs écologiques avait été soutenu. Notamment les organisations de protection de la nature et de l’environnement, les représentants des régions de montagne ainsi que le PS et les Verts ont expressément salué le nouveau système. Mais ce changement de système proposé par le Conseil fédéral est aussi approuvé par une majorité des cantons et de l’USP ainsi que par diverses autres organisations paysannes. Les contributions en faveur du maintien d’un paysage rural ouvert bénéficient d’un large soutien. La proposition de verser des rétributions pour la biodiversité en dehors des surfaces agricoles utiles est critiquée par l’UDC, l’USP et d’autres milieux paysans. Seul le projet de contributions destinées à la qualité du paysage a fait l’objet d’un rejet fondamental de la part de quelques cantons, de l’USP et de quelques organisations paysannes régionales (DFE 2011).

Discussion La description du réseau politique à l’aide du processus de décision politique lié à la PA 2011 illustre le rôle central de l’exécutif dans le pilotage des étapes de réforme en matière de politique agricole et donc aussi dans les phases d’écologisation qui suivront dans le cadre de la PA 14 – 17. En face de l’exécutif se trouve l’USP avec sa solide position de veto et le soutien dont elle bénéficie traditionnellement de la part de l’UDC et d’autres milieux bourgeois proches de l’agriculture. Cette large alliance de milieux paysans et proches de l’agriculture n’est pas disposée à accepter des limitations trop prononcées au détriment de l’agriculture productrice. Il en découle une position ambivalente de l’USP sur la question de l’écologisation. Si les rétributions prévues sont utiles à l’économie paysanne, l’USP les soutient. Sinon, lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre d’autres mesures à caractère écologique, elle adopte une position critique. Quant à savoir si des rétributions à caractère écologique soutiennent véritablement l’économie agricole, cela dépend d’autres mesures de politique dans ce secteur (visant surtout à réduire des soutiens internes et à ouvrir le marché). L’analyse de la position des acteurs quant à ces mesures accessoires discutables (Hirschi et al. 2012) 

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Projet MOUNTLAND | Ecologisation de l’agriculture dans le ­p rocessus politique agricole

révèle sans grande surprise que l’USP ne voit ici aucune marge de manœuvre permettant de négocier. Vu la forte position de veto de l’USP et des forces politiques qui la soutiennent, il n’est actuellement guère possible d’imaginer des scénarios de dérégulation et de libéralisation. De tels scénarios ne semblent envisageables que si le réseau agropolitique changeait en profondeur, par exemple en raison d’une augmentation de la pression internationale ou de la politique intérieure. Il pourrait s’agir de nouvelles dispositions de libéralisation en provenance de l’OMC ou de l’avancée des négociations sur un accord de libre-échange agricole avec l’UE. Dans le passé, de tels processus ont engendré une pression énorme sur le réseau agropolitique. La combinaison de diverses questions de fond au plan international peut mener des acteurs de poids issus d’autres secteurs (économiques) à intensifier leur engagement dans le processus de décision en matière de politique agricole et à modifier ainsi les structures établies du réseau agropolitique (Sciarini 1994). Il serait donc possible, moyennant de telles évolutions, que l’USP soutienne un scénario menant à poursuivre l’écologisation de l’agriculture, si cela lui permettait d’obtenir des majorités politiques en vue de compenser les pertes financières causées par de nouvelles étapes de dérégulation et de libéralisation.

D’une manière générale, les réformes agricoles 2011 et 14 – 17 ont d’ores et déjà nettement montré l’existence d’une volonté politique de mieux prendre en compte les prestations sociétales et d’intérêt général de l’agriculture en prévoyant des mesures politiques et des dédommagements ciblés par des paiements directs. Par contre, le succès politique à long terme de cette large alliance en rapport avec la transformation du système de paiements directs, dépendra aussi de l’évolution de la politique agricole en matière de dérégulation et de libéralisation et de la façon dont cette politique sera reliée politiquement à l’écologisation. Par ailleurs, un rôle essentiel revient à la stabilité du réseau agropolitique actuel. Divers facteurs importants en jeu ne sont que difficilement influençables par la politique agricole, par exemple l’évolution économique générale ou celle des budgets publics. n

Encadré 1 | Liste des abréviations

DFE Département fédéral de l’économie DFJP Département fédéral de justice et police ECO Economiesuisse ENV Organisations environnementales OAC Organisations agricoles cantonales OFAG Office fédéral de l’agriculture ORG Autres organisations et associations PAR Autres partis PDC Parti démocrate-chrétien suisse PLR Parti libéral-radical suisse PSS Parti socialiste suisse PVS Parti des Verts suisse SAB Groupement suisse pour les régions de montagne SYN Syndicats UDC Union démocratique du centre USAM Union suisse des arts et métiers USP Union suisse des paysans

ANI Organisations de protection des animaux AOA Autres organisations agricoles CAN Cantons CANT-1 Cantons Plateau suisse et Jura CANT-2 Cantons montagnards CE Conseil des Etats CER-E Commission de l'économie et des redevances Conseil des Etats CER-N Commission de l'économie et des redevances Conseil national CF Conseil fédéral CN Conseil national CONF Conférences intercantonales CONS Organisations de consommateurs DEL Délégation suisse aux négociations OMC Délégation des finances des Chambres DF ­fédérales

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Remerciements

Le projet de recherche a été rendu possible grâce au soutien financier du Center for Environnement and Sustainability (CCES) du domaine des EPF. Nous remercions Martin Brugger et Karin Ingold pour leurs informations précieuses.


Ecologizzazione dell’agricoltura nel processo agro-politico Questo contributo mostra in base ad un’analisi delle riforme della politica agraria PA 2011 e PA 14–17 come le prestazioni di pubblica utilità per l'agricoltura trovino sostegno nel processo politico. Le analisi della rete politica e del posizionamento evidenziano il modo in cui nelle recenti riforme agrarie sussista la volontà politica di considerare maggiormente le prestazioni sociali e di pubblica utilità nel delineare la politica agraria e di indennizzarle tramite un pagamento mirato di contributi diretti. Per assicurare a lungo termine questi pagamenti diretti, devono essere considerati, oltre ad una utile connessione con altre riforme agrarie previste per il futuro o in discussione (soprattutto relative a questioni sulla liberalizzazione e apertura dei mercati), in particolare, il contesto economico globale e lo sviluppo delle amministrazioni pubbliche.

Summary

Riassunto

Ecologisation de l’agriculture dans le ­p rocessus politique agricole | Projet MOUNTLAND

Greening agriculture in the agricultural policy process This contribution reveals how the agricultural provision of ecosystem services in Switzerland is supported by the agricultural policy making process. Based on the analysis of the agricultural policy reform processes AP 2011 and AP 14–17, the policy network and the policy positions of the individual network actors with respect to a further greening of the agricultural policy are identified. The results reveal the willingness of the actors to strengthen and to support the provision of ecosystem services with targeted direct payments. To secure such payments in the long run, two aspects have to be taken into account: i) the linkage of a further greening of the agricultural policy with concomitant policy changes such as market liberalization or deregulation and ii) the development of the overall economy as well as the budget of the public authorities. Key words: network analysis, greening of agricultural policy, mountain regions.

Bibliographie ▪▪ Anwander Phanhuy S., 2000. Ökologisierung der schweizerischen Agrarpolitik. Agrarforschung 7 (7), 320–325. ▪▪ Conseil fédéral, 2012. Message concernant l'évolution future de la politique agricole dans les années 2014 – 2017 (Politique agricole 2014 – 2017). FF 1857 – 2114, Berne. ▪▪ Dekker A. H., 2005. Conceptual Distance in Social Network Analysis. Journal of Social Structure 6 (3), online. ▪▪ DFE 2006. Rapport sur les résultats de la consultation relative au développement de la politique agricole (politique agricole 2011). Département fédéral de l'économie, Berne. ▪▪ DFE 2011. Rapport sur les résultats de la consultation relative au développement de la politique agricole (politique agricole 2014 – 2017). Département fédéral de l'économie, Berne. ▪▪ Fischer A., 2003. Vetospieler und die Durchsetzbarkeit von Side-Payments: Der schweizerische innenpolitische Entscheidungsprozess um flankierende Massnahmen zur Personenfreizügigkeit mit der Europäischen Union. Swiss Political Science Review 9 (2), 27–58. ▪▪ Flury C., 2005. Agrarökologie und Tierwohl 1994 bis 2005. Agrarforschung 12 (11–12), 526–531.

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P r o d u c t i o n

v é g é t a l e

La germination du séneçon aquatique est ­rapide et prolifique Matthias Suter1,2, Bruno Arnold1,2, Jonas Küng1, Rebecca Nagel1, Annamarie Zollinger2 et Andreas Lüscher1 Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich 2 Association pour le développement de la culture fourragère ADCF, Zurich Renseignements: Matthias Suter, e-mail: matthias.suter@art.admin.ch, tél. +41 44 377 75 90

1

Figure 1 | Prairie de fauche avec importante population de Senecio aquaticus . Dans de telles conditions, il faut s’attendre à ce que la réserve de graines de S. aquaticus dans le sol soit importante. (Photo: ART)

Introduction Ces dernières années, le séneçon aquatique (Senecio aquaticus Hill) est en progression dans les prairies agricoles d’intensité moyenne et élevée, en Suisse comme dans les pays voisins (Bosshard et al. 2003). Bien qu’il soit rare et protégé dans certaines régions européennes, S. aquaticus peut s’établir localement en très grand nombre dans les terres agricoles, atteignant des densités de plus de dix plantes par mètre carré (fig. 1). L’espèce peut représenter un danger pour les animaux de rente, car elle contient des alcaloïdes pyrrolizidiniques (Röder et al. 1990).

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Selon Sebald et al. (1999), S. aquaticus pousse souvent dans les surfaces humides et drainées, légèrement fertilisées et qui sont fauchées une à deux fois par an, mais l'espèce peut également être fortement représenté dans les prairies d’une intensité d’exploitation moyenne à élevée (Suter et Lüscher 2011). S. aquaticus est décrit comme étant une espèce bisannuelle (Hess et al. 1977). Chaque individu forme plusieurs centaines de graines par an avec un pappus qui permet la dispersion par le vent (fig. 2). Là où l’espèce prolifère pendant plusieurs années, la production de graines se traduit par la constitution d’une importante réserve dans le sol pouvant compter jusqu’à 1000 graines par m² (Suter et Lüscher 2012). Des


lacunes dans le peuplement semblent favoriser la propagation et l’établissement de nouvelles populations (Suter et Lüscher 2008), ce qui laisse supposer que la disponibilité de la lumière pourrait être importante pour la germination. Il est possible de lutter contre S. aquaticus à l’aide d‘herbicides (Forbes 1977). Toutefois, lorsque la réserve de graines est importante dans le sol, la germination de ces dernières anéantit le succès du traitement (Suter et Lüscher 2011). Le manque d’effet à long terme des traitements herbicides montre qu’une lutte efficace et durable doit tenir compte des propriétés écologiques de S. aquaticus. Parmi celles-ci, on compte les facultés de germination, qui dans le cas de S. aquaticus sont encore peu connues. Ce travail étudie la germination et la longévité des graines de S. aquaticus. Une germination rapide et nombreuse pourrait en partie expliquer pourquoi cette espèce se propage si facilement dans les prairies agricoles, car cette propriété augmente la compétitivité d’une espèce par rapport aux autres (Howard et Goldberg 2001). Une fois que S. aquaticus s’est établi dans les prairies et pâturages et a constitué une réserve de graines dans le sol, une grande longévité des graines signifierait que S. aquaticus serait toujours en mesure de germer à partir de cette réserve. Il faudrait donc compter plusieurs années avant que le stock grainier du sol soit épuisé.

Matériel et méthodes Essais de germination avec le séneçon aquatique Des essais de germination ont été effectués de manière ciblée pour étudier les facultés germinatives des graines de S. aquaticus. Trois sites différents ont été sélectionnés, situés au centre de la distribution suisse de l’espèce: Kriens I (810 m), Kriens II (800 m) et Rothenthurm (910 m). 

Résumé

La germination du séneçon aquatique est ­rapide et prolifique | Production végétale

Le séneçon aquatique (Senecio aquaticus) est devenu de plus en plus abondant dans les prairies agricoles ces dernières années; l’espèce est toxique pour les animaux de rente. Dans cette étude, la germination et la longévité des graines de S. aquaticus ont été examinées dans une série de tests standardisés, afin d’améliorer la stratégie de lutte. Le taux de germination des graines fraîches et mûres de S. aquaticus était en moyenne de 68 % en 2008, mais seulement de 45 % en 2010, montrant une variabilité interannuelle. Dix jours après le début des tests, plus de 45 % des graines avaient en général germé, et presque aucune germination n’a été observée après huit semaines. Les graines mises à germer après avoir été enterrées dans le sol durant un ou deux ans ont atteint un taux de 78 %, significativement plus élevé que celui des graines fraîches et mûres, ce qui suggère un effet stimulant d’une stratification froide et humide sur la germination, ainsi qu’une longévité importante des graines dans le sol. En raison de la germination rapide et prolifique de S. aquaticus, une stratégie de lutte efficace doit en premier lieu prévenir la production et la dissémination des graines de cette espèce. Lorsque S. aquaticus est déjà présent en forte population, l’espèce aura constitué un important stock grainier vivace dans le sol. Dans ce cas, la lutte contre S. aquaticus devra, pour être efficace, durer plusieurs années, jusqu’à ce que le stock grainier du sol soit épuisé.

Figure 2 | Senecio aquaticus forme plusieurs centaines de graines par an. Celles-ci portent un pappus qui permet la dispersion par le vent. (Photo: ART)

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Production végétale | La germination du séneçon aquatique est ­rapide et prolifique

nant de l’eau et rempli régulièrement (fig. 3). Cette méthode a permis de garantir des conditions d’humidité homogènes pendant toute la durée de l’essai. Sauf indication contraire, la couche de substrat a été grattée soigneusement à deux reprises pendant la phase de test pour amener toutes les graines à la lumière. Tous les essais ont duré de sept à huit semaines. Ensuite, plus aucune germination n’a été constatée, ou seulement de manière isolée.

Sur chacun des trois sites, on a sélectionné des prairies permanentes qui présentaient depuis au moins cinq ans une population de plus de 5000 individus de S. aquaticus par hectare. Les intensités de fumure et d’exploitation des trois prairies, ainsi que les propriétés des sols couvraient un large éventail de conditions d’exploitation (3−5 fauches par an, apports d’azote disponible de 30 à 130 kg par hectare et par an; pour plus d’informations, voir Suter et Lüscher 2011). Afin d’évaluer les propriétés germinatives des graines fraîches et mûres, des pousses entières de S. aquaticus (y compris tiges, feuilles et fleurs) ont été collectées sur les trois prairies permanentes en août 2008 et en juillet 2010 à l’issue de leur anthèse. Le matériel végétal a été séché à température ambiante pendant au moins trois semaines, avant de séparer les graines des involucres et du pappus. La masse moyenne de 6000 graines était de 0,326 mg en 2008, et seulement de 0,225 mg en 2010 (échantillons de 2000 graines provenant de trois populations). Les essais de germination ont été effectués dans une serre ombragée, qui bénéficiait d’un éclairage supplémentaire entre 06:00 et 22:00. Les températures diurnes/nocturnes étaient réglées à 24/18 °C; l’humidité moyenne de l’air était de 65 %. Les graines fraîches et mûres ont été réparties en lots de 200 unités et mélangées avec 0,16 litre de substrat (37 % de tourbe, 32 % de compost, 18 % d’argile expansé, 3 % d’argile, 10 % de sable). Pour la germination, ce mélange de substrat et de graines a été placé en carrés de 18 cm x 18 cm sur un tissu, de manière à obtenir une couche de 5 mm d‘épaisseur. La couche de substrat et le tissu ont été placés dans un bac en acier galvanisé conte-

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Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 366–373, 2012

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Jour 10 Jour 56

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% de germination

Figure 3 | Etude des facultés germinatives de Senecio aquaticus . Les graines ont été mises à germer sur une couche de substrat relié à un bac contenant de l’eau par l’intermédiaire d’un tissu. Cette méthode a permis de garantir des conditions homogènes d’humidité pendant toute la durée de l‘essai. (Photo: ART)

Série I: Germination des graines fraîches et mûres et effet de la lumière Les graines fraîches et mûres de trois populations ont été mises à germer en octobre 2008 et le taux de germination a été relevé aux jours 10 et 56. Cet essai a été réitéré avec des graines de l’année 2010; cette fois cependant, la germination a été relevée le deuxième ou le troisième jour déjà, afin d’appréhender la dynamique au fil du temps. En 2010, en plus du traitement standard dans lequel les graines étaient mélangées à du substrat gratté à deux reprises, un deuxième traitement a été effectué dans lequel les graines ont été placées sur la couche de substrat. Enfin, un troisième essai a été réalisé dans lequel les graines étaient recouvertes en permanence d’une couche de 5 mm de substrat qui n’a pas été grattée pendant la phase de germination.

40

20

0 Kriens I

Kriens II

Rothenthurm

Figure 4 | Taux de germination de graines fraîches et mûres de Senecio aquaticus de l’année 2008. Le graphique présente les valeurs moyennes ± 1 erreur standard (n = 10) aux jours 10 et 56 d’une période de germination de huit semaines. Les graines ont été mélangées avec une couche de substrat de 5 mm d’épaisseur, qui a été grattée à deux reprises afin d’exposer toutes les graines à la lumière.


La germination du séneçon aquatique est ­rapide et prolifique | Production végétale

Résultats Série I: Germination rapide et importante des graines fraîches et effet significatif de la lumière Les taux de germination des graines de S. aquaticus recueillies en 2008 étaient élevés: les premières graines germées ont été observées au bout de cinq jours. Au bout de dix jours, au moins 45 % des semences avaient germé sur les trois sites (fig. 4). Les valeurs de germination définitives se situaient en moyenne à 68 % (erreur standard ± 1 %; les graines de cet essai étaient mélangées à du substrat). Aucune différence significative n’a pu être constatée entre les sites, ni au jour 10 (P = 0,694), ni à la fin de l’essai (P = 0,392). Pour les graines recueillies en 2010 et mélangées au substrat, les valeurs de germination définitives étaient de 45 % (± 2 %; fig. 5), ce qui laisse supposer une variation interannuelle dans la ger-

(b) Kriens II

60 % de germination

Série II: Germination et longévité des graines enfouies dans le sol Des graines recueillies en 2008 ont été mélangées à du substrat et placées dans des sacs en polyester (volume 0,18 litres, largeur des mailles 190 µm, Lanz-Anliker AG, Suisse). En novembre 2008, vingt de ces sacs ont été répartis de manière régulière et enfouis sur les trois sites de prairies permanentes à une profondeur de 18 cm, chaque emplacement étant précisément marqué. Toutes les autres graines ont été stockées en chambre froide à 6 °C. En octobre 2009, dix sacs par site ont été déterrés puis placés à germer avec dix lots des graines stockées en chambre froide. Cette procédure a été réitérée en octobre 2010 avec le reste des sacs enterrés et dix autres lots de graines stockées en chambre froide. Cette méthode a permis d’étudier l’effet d’une stratification froide et humide sur la germination et la longévité des graines dans les conditions naturelles du sol, car les sols des trois sites étaient restés humides et couverts de neige pendant l’hiver. Toutes les données relatives à la germination ont été mises en valeur à l’aide de modèles linéaires généralisés, qui ont permis de tester les traitements les uns par rapport aux autres.

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Sur le substrat

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Mélangées au substrat

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% de germination

(a) Kriens I

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(c) Rothenthurm

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30 Jours

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0

10

Figure 5 | Taux de germination de graines fraîches de Senecio aquaticus de l’année 2010. Le graphique présente les valeurs moyennes ± 1 erreur standard (n = 5). Les graines étaient soit placées sur le substrat, soit mélangées avec une couche de substrat de 5 mm d’épaisseur. Les jours indiqués (↑, ↓), le substrat a été gratté afin d’exposer toutes les graines à la lumière.

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369


Production végétale | La germination du séneçon aquatique est ­rapide et prolifique

mination (fig. 4 et 5). Ces valeurs de germination inférieures allaient de pair avec les masses inférieures des graines en 2010 par rapport à 2008 (cf. Matériel et méthodes). Lorsque les graines ont été réparties sur le substrat en 2010 et qu’elles ont germé en pleine lumière, les valeurs moyennes étaient de 58 % (± 2 %; fig. 5); la différence par rapport aux graines mélangées au substrat était hautement significative (P < 0,001). En outre, les graines placées sur le substrat germaient plus rapidement: au jour 10 de l’essai, 44 % (± 1 %) des graines exposées à la lumière avaient germé, alors que ce pourcentage n’était que de 17 % pour les graines mélangées au substrat (± 1 %; P < 0,001 pour la différence). Ce résultat montre que S. aquaticus devrait germer nettement moins bien en l’absence de lumière. Cette hypothèse a été testée avec le traitement dans lequel les graines étaient recouvertes en permanence d’une couche de substrat de 5 mm. Dans cet essai, les graines totalement recouvertes ont germé en moyenne à 16 % (± 2 %), tandis que les graines en pleine lumière ont germé à 63 % (± 5 %; P < 0,001 pour la différence; pas de fig. disponible). Série II: Survie réussie des graines enfouies dans le sol Les graines de S. aquaticus, recueillies en 2008 et enfouies pendant une année dans le sol, ont germé en moyenne à 78 % (± 1 %; fig. 6a−c). Cette valeur était significativement plus élevée que pour les graines stockées en chambre froide (73 % ± 1 %; P = 0,008 pour la différence) et pour les graines fraîches et mûres (P = 0,001; comparer fig. 4 et 6). Un résultat similaire a été obtenu avec des graines enterrées pendant deux ans le sol (79 % ± 2 %), ou stockées pendant deux ans en chambre froide (74 % ± 1 %; fig. 6d−f). Les graines enfouies pendant deux années dans le sol ont également germé très rapidement: au jour 10 de l’essai, les valeurs moyennes de germination étaient déjà de 58 % (± 2 %).

Discussion Germination des graines fraîches S. aquaticus a germé rapidement et le taux de germination était élevé: au bout de dix jours, plus de 45 % des graines avaient germé, près de 70 % au bout de huit semaines. Une germination rapide augmente les chances d’une espèce de s’imposer par rapport aux autres dans la concurrence asymétrique pour la lumière. Les différences de taille au départ entre les plantules peuvent s’accroître avec le temps à cause de cette concurrence asymétrique. S. aquaticus, qui pousse souvent dans les lacunes d’une végétation déjà en place (Suter et Lüscher 2008), pourrait profiter de ces différences de taille ini-

370

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 366–373, 2012

tiales en occupant l’espace et en exploitant les ressources au détriment des plantules des autres espèces. De tels avantages concurrentiels dans les stades de développement précoces peuvent se répercuter directement sur l’abondance d’une espèce dans la végétation (Howard et Goldberg 2001). Les taux de germination de S. aquaticus étaient généralement plus importants que ceux des autres espèces herbagères, notamment lorsqu’on compare avec les espèces des prairies humides (Grime et al. 1981; Opitz v. Boberfeld et al. 2001). De plus, dans nos essais, les graines fraîches et mûres de S. aquaticus germaient davantage en plus grand nombre lorsqu’elles étaient en pleine lumière tandis qu’une couche de substrat de quelques millimètres empêchait la plupart des graines de germer. Une germination rapide et élevée en pleine lumière est une caractéristique des espèces qui privilégient les lacunes et les perturbations du sol. Cette caractéristique pourrait expliquer pourquoi S. aquaticus réussit si bien à se propager dans les prairies au peuplement lacunaire. Associées à un grand nombre de graines avec pappus, les facultés germinatives démontrées ici favorisent la propagation et la survie de S. aquaticus dans les herbages régulièrement exploités. Durée de vie dans le sol Les courbes de survie des graines dans le sol suivent souvent une fonction exponentielle négative (Baskin et Baskin 1998, p 149), ce qui signifie que les graines affichent un taux de mortalité constant. Dans ce contexte, on a calculé un taux de mortalité annuelle de 30 % pour les graines du séneçon de Jacobée (Senecio jacobaea L.), espèce bien connue. Ce calcul a permis de conclure que les graines de cette espèce seraient viables pendant plus de dix ans (Thompson et Makepeace 1983). Dans le cadre de notre étude toutefois, nous n’avons constaté aucune baisse des taux de germination au bout de deux ans, mais au contraire plutôt une hausse. On peut donc en conclure, premièrement que l’effet de la stratification froide et humide sur la germination de S. aquaticus est positif car les sols utilisés pour l’essai présentaient des températures proches de zéro pendant l’hiver. Des conditions similaires ont été appliquées dans des expériences qui mettaient en évidence l’effet positif d’une stratification froide et humide sur les espèces des zones humides (Budelsky et Galatowitsch 1999). Deuxièmement, et c’est sans doute plus important, le taux de germination élevé et continu est un important indice d’une grande longévité des graines dans le sol; au bout de deux ans, S. aquaticus affichait encore des taux de germination moyens de 80 %. On peut supposer que pour ces graines également, le processus de dégénérescence débute au bout


La germination du séneçon aquatique est ­rapide et prolifique | Production végétale

2010 – deux années dans le sol ou en chambre froide

2009 – une année dans le sol ou en chambre froide 100

(a) Kriens I

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% de germination

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(e) Kriens II

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30 Jours

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(f) Rothenthurm

Enterrées dans le sol Stockées en chambre froide 0

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Figure 6 | Taux de germination des graines de Senecio aquaticus , qui ont été stockées durant une et deux années en chambre froide, ou qui ont été enterrées dans un sol naturel. Le graphique présente les valeurs moyennes ± 1 erreur standard (n = 10). Pour les besoins de l’essai, les graines ont été mélangées avec une couche de substrat de 5 mm d’épaisseur. Les jours indiqués (↑, ↓), le substrat a été gratté afin d’exposer toutes les graines à la lumière.

de trois ou quatre ans. En prenant le taux de germination au bout de deux ans (80 %) comme point de départ et en admettant que la baisse de la germination suive une courbe exponentielle négative, on peut supposer qu’avec un taux de mortalité de 20 % par an (ce qui est sans doute trop élevé), la longévité de S. aquaticus est semblable à celle de S. jacobaea, soit environ 10 ans.

Dans la couche supérieure du sol (0−10 cm) de prairies permanentes présentant d’importantes populations de S. aquaticus, Suter et Lüscher (2012) ont trouvé plus de 1000 graines de cette espèce par m² qui étaient capables de germer. Ce résultat va dans le même sens que la faculté germinative élevée des graines enterrées pendant deux ans (fig. 6) et la nette réduction de la germi- 

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 366–373, 2012

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Production végétale | La germination du séneçon aquatique est ­rapide et prolifique

nation en l’absence de lumière (fig. 5). Suter et Lüscher (2012) ont argumenté que S. aquaticus devait former de grosses réserves permanentes de graines dans le sol dans les populations établies. Le taux de germination élevé et rapide des graines fraîches et mûres et la longévité des graines dans les réserves souterraines ne semblent pas être des propriétés compatibles. Cette contradiction peut cependant être expliquée par la réaction de la germination de S. aquaticus à la lumière. L’espèce se développe généralement sur les surfaces humides de prairies permanentes; dans ces conditions, seule une partie des graines produites chaque année germent, car il n’y a que peu de lumière qui arrive directement sur le sol à cause de la végétation en place. La majorité des graines sont alors recouvertes par des restes végétaux et sont enfouies dans le sol par les souris ou les vers de terre (Baskin et Baskin 1998, p. 137). En l’absence de lumière, ces graines entrent en dormance et contribuent à la création d’une réserve dans le sol; un mécanisme qui a déjà été constaté pour plusieurs espèces des régions humides tempérées (Jensen 2004). En dépit de la faculté germinative élevée des graines fraîches, une grande réserve peut donc être constituée dans le sol, notamment dans les grandes et anciennes populations végétales, telles qu’elles ont été observées avec S. aquaticus.

Conclusions Senecio aquaticus est une espèce bisannuelle; par conséquent, chaque année, environ la moitié des plantes doit se régénérer à partir des graines pour maintenir la population en l’état. Nos résultats montrent que les facultés

Bibliographie ▪▪ Baskin C. C. & Baskin J. M., 1998. Seeds. Ecology, biogeography, and evolution of dormancy and germination. Academic Press, New York, US. 666 p. ▪▪ Bosshard A., Joshi J., Lüscher A. & Schaffner U., 2003. Jakobs- und andere Kreuzkraut-Arten: eine Standortbestimmung. Agrarforschung 10 (6), 231–235. ▪▪ Budelsky R. A. & Galatowitsch S. M., 1999. Effects of moisture, temperature, and time on seed germination of five wetland Carices: implications for restoration. Restoration Ecology 7 (1), 86–97. ▪▪ Forbes J. C., 1977. Chemical control of marsh ragwort (Senecio aquaticus Huds.) in established grasslands. Weed Research 17, 247–250. ▪▪ Grime J. P. et al., 1981. A comparative study of germination characteristics in a local flora. Journal of Ecology 69 (3), 1017–1059. ▪▪ Hess H. E., Landolt E. & Hirzel R., 1977. Flora der Schweiz, 2. Ed., ­B irkhäuser, Basel, Schweiz. ▪▪ Howard T. G. & Goldberg D. E., 2001. Competitive response hierarchies for germination, growth, and survival and their influence on abundance. Ecology 82 (4), 979–990. ▪▪ Jensen K., 2004. Dormancy patterns, germination ecology, and seedbank types of twenty temperate fen grassland species. Wetlands 24 (1), 152–166.

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Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 366–373, 2012

de germination de S. aquaticus favorisent ce cycle de vie: la germination de graines fraîches et mûres était importante et les graines enfouies dans le sol sont entrées en dormance. De nouveau exposées à la lumière, elles étaient en mesure de germer même au bout de deux ans. Avec cette dépendance par rapport à la lumière, la plante associe une germination rapide dans les lacunes des peuplements à une longévité importante dans le sol. Les stratégies qui cherchent à empêcher la propagation de S. aquaticus dans les terres agricoles devraient donc se concentrer sur le développement et la propagation des graines. Lorsque S. aquaticus apparaît sur un terrain et que seuls quelques individus sont présents, il est possible de prévenir efficacement le développement de graines et la propagation de l’espèce en arrachant les plantes. L’écologie de cette espèce montre toutefois qu’il est très difficile de lutter contre celle-ci lorsque de grosses populations sont déjà en place. Des populations de S. aquaticus de grande ampleur vont de pair avec de grandes réserves de graines dans le sol. Cette propriété jointe à la longévité des graines et à leur faculté de germer rapidement et efficacement fait que l’espèce peut germer de nouveau et repousser dès que le sol est perturbé. Les parcelles en pente sur le versant nord des Alpes notamment, où S. aquaticus prolifère souvent en Suisse, en Allemagne et en Autriche, sont des surfaces à risque car il est impossible d’éviter les dommages causés à la couche herbeuse par le pâturage ou les machines de récolte sur ce type de surfaces. Force est donc d’admettre que la lutte contre les grandes populations de S. aquaticus durera plusieurs années, jusqu’à ce que les réserves de graines du sol soient épuisées. n

▪▪ Opitz v. Boberfeld W., Knödler C. & Ziron C., 2001. Keimungsstrategien von Arten verschiedener Grünland-Pflanzengesellschaften. Pflanzenbauwissenschaften 5, 87–95. ▪▪ Röder E., Wiedenfeld H. & Kersten R., 1990. The Pyrrolizidine Alkaloids of Senecio aquaticus Huds. Scientia Pharmaceutica 58, 1–8. ▪▪ Sebald O., Seybold S., Philippi G. & Wörz A. (eds.), 1999. Die Farn- und Blütenpflanzen Baden-Württembergs. Ulmer, Stuttgart, Deutschland. ▪▪ Suter M. & Lüscher A., 2008. Occurrence of Senecio aquaticus in relation to grassland management. Applied Vegetation Science 11 (3), 317–324. ▪▪ Suter M. & Lüscher A., 2011. Measures for the control of Senecio aquaticus in managed grassland. Weed Research 51, 601–611. ▪▪ Suter M. & Lüscher A., 2012. Rapid and high seed germination and large soil seed bank of Senecio aquaticus in managed grassland. TheScientificWorldJOURNAL , DOI:10.1100/2012/723808. ▪▪ Thompson A. & Makepeace W., 1983. Longevity of buried ragwort (Senecio jacobaea L.) seed. New Zealand Journal of Experimental Agriculture 11 (1), 89–90.


Il senecio acquatico germoglia velocemente e in grande quantità Da alcuni anni il Senecio aquaticus (senecio acquatico), tossico per gli animali da reddito, è in aumento nelle superfici inerbite agricole. Per migliorarne la regolazione, ART ha esaminato in una serie di esperimenti standard la germinazione e la durata di vita del seme di Senecio. La percentuale di germinazione di semi freschi e maturi di S. aquaticus nel 2008 si situava, in media, al 68 %, mentre nel 2010 raggiungeva solo il 45 %, indicando così delle fluttuazioni annuali della germinabilità. Dieci giorni dopo l'inizio dell'esperimento era germogliato generalmente più del 45 % di tutti i semi; dopo otto settimane, si osservava solo raramente un'ulteriore germinazione. I semi, sotterrati per uno o due anni, mostravano, con il 78 %, un tasso di germinazione significativamente superiore rispetto a semi freschi e maturi, fatto che implica un effetto di stratificazione stimolante in condizioni invernali freddo-umide e una lunga durata di vita dei semi nel suolo. Dalla veloce e elevata germinazione del S. aquaticus si deduce che un'efficace strategia di regolazione per le superfici inerbite agricole dovrebbe in primo luogo impedire la produzione e la diffusione di semi. Se lo S. aquaticus è presente in grandi popolazioni, la specie avrà creato un’importante e durevole banca di semi nel suolo. In questo caso una regolazione di successo impiegherà diversi anni finché la banca di semi nel suolo sarà esaurita.

Summary

Riassunto

La germination du séneçon aquatique est ­rapide et prolifique | Production végétale

Senecio aquaticus shows rapid and high seed germination Senecio aquaticus (marsh ragwort), poisonous to livestock, has become increasingly abundant in agricultural grassland. In this study, the germination and seed survival of S. aquaticus were investigated in a series of standardised tests with the aim to improve the species’ control in managed grassland. Germination percentages of fresh ripe seeds of S. aquaticus were on average 68 % in 2008, but only 45 % in 2010, indicating yearly variation. In many cases, over 45 % of all the seeds had germinated ten days after the start of testing with almost no germination occurring after eight weeks. Seeds buried in the soil for one and two years had a germination of 78 % – ­significantly higher than that of fresh ripe seeds – suggesting that cold-wet stratification had a stimulating effect on germination and indicating longterm seed survival in the soil. The rapid and high germination of S. aquaticus suggests that strategies to control the species in agricultural grassland should initially focus on the prevention of seed production and dispersal. Once the species is present in large numbers, it will already have established a large and permanent soil seed bank. In such cases, successful reduction of S. aquaticus may take several years until the soil seed bank is depleted. Key words: germination percentage, germination rate, light, soil cover.

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P r o d u c t i o n

v é g é t a l e

ArboPlus, un outil pour soutenir les compétences de gestion en arboriculture fruitière Esther Bravin, Mirjam Blunschi et Simon Egger Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, 8820 Wädenswil Renseignements: Esther Bravin, e-mail: esther.bravin@acw.admin.ch, tél. +41 44 783 62 44

Atelier avec des producteurs de fruits dans le cadre du projet Interreg «Gestion d'exploitation dans l'arboriculture».

Introduction Les objectifs d’ArboPlus Les exploitants doivent maîtriser une multitude de tâches de gestion, allant de la planification de l’exploitation à la gestion du personnel, en passant par l’organisation du travail et les questions d’imbrication entre l’entreprise et la famille. Or, les compétences en matière de gestion sont décisives pour la conduite de l’exploitation agricole (Wolf et Schoorlemmer 2007 in Rudmann 2008). Dans le cadre du programme Interreg IV, la station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW a participé activement, de 2009 à 2011, au projet intitulé «Gestion d’exploitation dans l’arboriculture». L’objectif de ce projet était de soutenir les compétences de gestion des

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exploitants en arboriculture. Les résultats ont également été présentés en 2011 dans la revue Recherche Agronomique Suisse (Bravin et al. 2011). Dans le cadre de ce projet, ACW a développé un outil d’autoévaluation baptisé ArboPlus. Celui-ci permet aux exploitants d’analyser facilement la situation de leur exploitation (p. ex. analyse de la productivité, de la comptabilité ou de la répartition des tâches) et des sujets spécifiques (p. ex. collaboration ou investissements), importants pour une gestion d’entreprise. ArboPlus permet, par une autoévaluation, d’analyser une exploitation à l’échelon des parcelles, de l’exploitation et de la famille. Les exploitants peuvent ainsi se poser les questions qui comptent pour leur avenir, par exemple:


••Quelles sont les parcelles rentables? Celles qui ne le sont pas? ••Dois-je envisager de coopérer avec mon voisin? ••Dois-je acheter de nouvelles machines? ••Quelles sont les liquidités de l’exploitation? ••Quelle main-d’œuvre dois-je sélectionner pour la prochaine saison? ••Faut-il changer d’acheteur? ••Ma prévoyance professionnelle suffit-elle pour répondre à mes attentes? ••Toutes les personnes formant la main-d’œuvre familiale sont-elles satisfaites de la répartition des tâches? ••Pouvons-nous mieux planifier nos loisirs? L’objectif d’ArboPlus est de détecter les problèmes dans une phase où des solutions sont encore possibles. En effet, les conseillers l’ont souvent expérimenté, les exploitants ne les appellent que lorsque les problèmes sont devenus tels qu’il est difficile de leur trouver une solution raisonnable. Un processus de développement interactif La première étape du projet a consisté à sélectionner les thèmes devant être pris en compte dans ArboPlus, en accord avec les conseillers en arboriculture et en économie d’entreprise (fiduciaires comprises). Au cours du processus de développement, les souhaits et suggestions des conseillers sur les thèmes, la présentation et la fonctionnalité de l’outil d’évaluation ont fait l’objet de discussions intenses et ont été mis en œuvre, dans la mesure du possible, pour répondre aux attentes des utilisateurs. L’idée qui présidait à la définition des sujets était de permettre aux exploitants de réaliser, à l’aide des critères les plus simples possibles, une analyse certes superficielle, 

Résumé

ArboPlus, un outil pour soutenir les compétences de gestion en arboriculture fruitière | Production végétale

ACW a développé sur la base d’Excel un outil dénommé ArboPlus pour aider les exploitants à évaluer leur situation réelle à l’échelon des parcelles, de l’exploitation et de la famille. Les informations nécessaires au développement de l’outil ont été collectées dans le cadre d’ateliers et d’entretiens avec des conseillers en arboriculture et en économie d’entreprise. A l’échelon des parcelles, les exploitants peuvent comparer leurs chiffres clés de productivité avec des valeurs de référence («benchmark»). A l’échelon de l’exploitation, il est possible d’évaluer des éléments du bilan, le compte de résultat, les liquidités, les formes de collaboration interentreprises, le regroupement parcellaire, les acheteurs, les collaborateurs, la prévoyance-vieillesse ou le mode d’engagement du partenaire. Le couple exploitant peut aussi procéder à une évaluation sur le plan familial: répartition des tâches, cohabitation des générations, compétences propres et éventuels emplois à l’extérieur. La synthèse des principaux résultats des trois échelons permet de cibler des objectifs et de définir des stratégies dans les domaines de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, des finances, des ventes et du travail. L’année suivante, les exploitants peuvent contrôler si les objectifs ont été effectivement atteints. Avec ArboPlus, ils peuvent évaluer leur situation en termes d’économie d’entreprise et faire ressortir les améliorations potentielles. Des sujets tels que la protection phytosanitaire et l’écologie ne font pas partie d’ArboPlus, qui a été développé spécialement pour les besoins des arboriculteurs fruitiers. ArboPlus est disponible en allemand uniquement.

Choisir le thème: 12 vulgarisateurs

Développer un prototype

Evaluation: 55 chefs d‘exploitations, 20 vulgarisateurs

Adaptation

ArboPlus Figure 1 | Déroulement de la création d’ArboPlus.

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375


Production végétale | ArboPlus, un outil pour soutenir les compétences de gestion en arboriculture fruitière

Finances

Travail

Parcelle Travail (MOh) Productivité travail (CHF/ MOh)

Recette (CHF/ha)

Evaluation coopération

«Worklife Balance»

Evaluation répartition des tâches

Evaluation collaborateur Evaluation regroupement parcellaire Evaluation situation emploi conjoint

Evaluation compétences propres

Evaluation bilan et compte de résultats (liquidités, flexibilité, stabilité,etc..)

Evaluation poste de travail externe

Evaluation investissement Evaluation coopération

Vente

Famille

Exploitation

Evaluation prestation de ménage

Evaluation coopération

Evaluation temps en famille

Evaluation prévoyance vieillesse

Evaluation cohabitation générations

Travail (MOh)

Rendement (kg/ha)

Evaluation acheteur

1er

Qualité (% choix, 2e choix, cidre)

Evaluation coopération

Prix (CHF/ha)

Figure 2 | Vue d’ensemble d’ArboPlus.

mais leur présentant un tableau général indiquant les secteurs dans lesquels il est nécessaire d’agir. ArboPlus a été développé en plusieurs étapes sur la base d’ateliers et d’entretiens (fig. 1). Les conseillers et services spécialisés en arboriculture ont dû choisir dans une liste des thèmes importants pour une gestion de l’exploitation à long terme. Ils étaient en outre chargés de montrer comment les producteurs prennent des décisions dans chaque domaine considéré, et s’il existe déjà des aides à la décision les concernant. Ensuite, des interviews ont été menés avec des vulgarisateurs en économie d’entreprise et des fiduciaires qui avaient déjà participé au développement d’instruments d’analyse et d’aide à la décision. Douze vulgarisateurs ont été interrogés (ateliers et interviews). L’ensemble des informations rassemblées lors des ateliers et des interviews ont permis d’élaborer la première version d’ArboPlus. Des exploitants ont ensuite pu tester le prototype de l’outil. Leurs propositions d’amélioration ont été enregistrées et intégrées dans le prototype. Au total, cinq cycles d’évaluation ont été menés avec 55 exploitants produisant principalement des fruits. Il est par exemple apparu que les producteurs de fruits les plus jeunes s’intéressaient avant tout au module ArboPlus Parcelles, tandis que les plus âgés accordaient une importance égale aux modules Famille et Exploitation: «Ce sont justement ces

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Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 374–381, 2012

thèmes qui à long terme ont un fort impact sur l’exploitation, dont on parle trop rarement», a notamment déclaré un arboriculteur expérimenté lors d’une séance de présentation dans le canton de St-Gall. Structure d’ArboPlus ArboPlus est bâti sur le programme Excel et comprend les modules suivants: ••ArboPlus Parcelles ••ArboPlus Exploitation ••ArboPlus Famille ••Synthèse ArboPlus Les principaux résultats d’ArboPlus Parcelles, ArboPlus Exploitation et ArboPlus Famille sont résumés dans un même document. Cette vue d’ensemble est subdivisée en quatre thèmes principaux: ••Travail ••Finances ••Équilibre vie privée et vie professionnelle ••Vente La figure 2 montre les thèmes que le responsable d’exploitation peut évaluer à l’échelon des parcelles, de l’exploitation et de la famille, et comment ces thèmes peuvent être réunis dans les domaines travail, finances, équilibre vie privée et vie professionnelle et vente pour définir l’objectif.


ArboPlus, un outil pour soutenir les compétences de gestion en arboriculture fruitière | Production végétale

Variété: Gala Parcelle: Verger

2004

bis

Chiffres exploitation 25 833

Recette (CHF/ha)

Référence

2009 Différence

32 602

-21%

29

32

-9%

Prix payé (CHF/kg) Prix 1ère classe Prix 2e classe Prix cidre

1,07 0,40 0,15

1,08 0,48 0,25

-1% -17% -40%

Résultat triage (% rendement total) % rend. total 1er choix % rend. total 2e choix % rend. total cidre

77% 0,12 0,26

72% 15% 13%

7% -20% 100%

Moh/ha

900

650

38%

Productivité (kg fruits de table/Moh)

33

43

-23%

Productivité travail (CHF/Moh)

27

50

-46%

Rendement à la récolte (kg/Moh récolte)

80

110

-27%

40 000

40

30 000

30

kg/ha

CHF/ha

Rendement (t/ha)

20 000 10 000

20 10

0 4

5 6 7 8 année de végétation

9

0

4

5

6 7 8 année de végétation

9

Figure 3 | Module ArboPlus Parcelles, comparaison générale de la parcelle «Verger» avec le benchmark pour la variété Gala.

Pour présenter le fonctionnement d’ArboPlus, un chef d’exploitation M. fictif a été utilisé à titre d’exemple. ArboPlus Parcelles Avec ArboPlus Parcelles, les exploitants peuvent par exemple procéder à une analyse simple d’une parcelle de pommiers sélectionnée (fig. 3). Les informations dont ils doivent disposer sont la surface (ha), le rendement (kg/ha), la qualité (kg/ha de 1re classe, de 2e classe et de fruits à cidre), les prix (CHF/kg de 1re classe, 2e classe et fruits à cidre) et le travail (MOh/ha). Ces chiffres permettent de déduire les principaux indices de productivité: gain (CHF/ha), productivité du travail (CHF/MOh) et rendement à la récolte (kg/h). Pour chaque parcelle, ces valeurs sont mises en relation avec des valeurs de référence («benchmark»). Les «benchmarks» sont obtenus à partir des valeurs moyennes d’exploitations professionnelles du projet Support Obst Arbo (SOA 2012) ou des valeurs indicatives de Fruit-Union Suisse (FUS). A l’aide d’un système de feux de circulation, les valeurs de chaque parcelle sont comparées aux valeurs moyennes (feu vert = égal ou meilleur que la moyenne; feu orange = légèrement inférieur à la moyenne; feu rouge = nettement inférieur à la moyenne).

Exemple 1: Dans sa parcelle «Verger», l’arboriculteur M. cultive 50 ares de la variété Gala. La parcelle a été plantée en 2000. L’évaluation porte sur les années 4 à 9. La parcelle «Verger» a toujours eu de bons rendements, à l’exception de l’année 2004 (6e année de végétation) où un effondrement du rendement de 90 % a été enregistré. Quelle est la portée de cet événement? Grâce à ArboPlus, le chef d’exploitation M. peut comparer les prix, les rendements et la productivité du travail avec le benchmark (fig. 3). Comme il y a eu des pertes à la 6e année de végétation, le gain moyen est inférieur à la valeur de référence et le feu est rouge. Les prix et résultats du triage sont en revanche à un niveau similaire, voire légèrement supérieur. Le feu est au vert. La baisse du rendement à la récolte se manifeste par un nombre élevé d’heures de travail, qui se répercute négativement sur les coûts. Ces derniers sont plus élevés que les valeurs de comparaison. Par conséquent, la productivité du travail est plus faible que la moyenne. ArboPlus ne permet toutefois pas un calcul détaillé des coûts de production. Pour ce faire, les arboriculteurs peuvent utiliser l’outil ArboKost (Mouron et al. 2009),  également développé par ACW.

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Production végétale | ArboPlus, un outil pour soutenir les compétences de gestion en arboriculture fruitière

Variante 1 Importance des critères pour une coopération:

Machine à fils - seul

pondération (%) Critères Avantages suffisants pour tous 10 Gain de temps 0 Temps d'utilisation réparti équitablement 10 moindres coûts 20 Meilleure performance 0 Possibilité cessation coopération des partenaires sans perte 10 Répartition équitable 10

Critères personnels Risque de transmission de maladies Pics d'activité

Variante 2 Machine à fils en coopération

évaluation 1 - 5

évaluation 1 - 5

3 5 5 1 2 5 5

5 3 3 5 1 4 4

5 5

1 2

20 20

4

3,2

points

points

Figure 4 | Analyse multicritères.

ArboPlus Exploitation Le module ArboPlus Exploitation traite, comme le montre la figure 2, des problématiques très différentes. A titre d’illustration, voici deux exemples mettant de nouveau en scène le chef d’exploitation M fictif. Exemple 2: Collaboration interexploitations Avec ArboPlus Exploitation, les exploitants peuvent étudier la collaboration interexploitations existante ou potentielle à l’aide d’une analyse multicritères (fig. 4). Il s’agit dans un premier temps de choisir les variantes. Le chef d’exploitation M. réfléchit à l’achat d’une machine à fils (équipement servant à l’éclaircissage flo-

ral mécanique). Deux possibilités s’offrent à lui: soit il achète la machine tout seul (variante 1), soit avec son voisin (variante 2). Avec le module ArboPlus Exploitation, M. peut procéder à une analyse multicritères. Certains critères sont donnés et M. peut en introduire d’autres. Il peut par ailleurs pondérer tous les critères. Les résultats de l’analyse montrent que la variante 1 offre plus d’avantages au chef d’exploitation M (fig. 4). L’analyse multicritères aide le chef d’exploitation à prendre une décision optimale en toute connaissance des critères et de leur pondération.

Evaluation collaborateurs

personnel

technique

Collaborateurs à évaluer: Critères Qualité de la formation agricole Diligence Utilisation matériel/ressources Comportement personnel Relation de confiance Ponctualité Motivation, plaisir de travailler Persévérance Autoréflexion Compréhension linguistique Évaluation totale

Cueilleur 1

Cueilleur 2

Cueilleur 3

Évaluation 2 1 1 3 3 1 2 2 2 5 22

Évaluation 3 2 3 3 2 2 3 2 3 4 27

Évaluation 3 3 3 4 3 2 4 3 3 2 30

Évaluation

Évaluation

50

50

50

50

50

Valeur maximale

Évaluation collaborateurs - comparaison

35 points (max 50)

30 25

27

30

22

20 15 10 5 0

Cueilleur 1

Cueilleur 2

Figure 5 | Evaluation des collaborateurs.

378

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Cueilleur 3


ArboPlus, un outil pour soutenir les compétences de gestion en arboriculture fruitière | Production végétale

Exemple 3: Evaluation des collaborateurs Les critères personnels et professionnels jouent un grand rôle dans l’évaluation des collaborateurs. Un système de points permet d’évaluer les collaborateurs en fonction de ces critères (fig. 5). Lors de l’analyse de la parcelle (exemple 1), le chef d’exploitation M. a remarqué que son rendement à la récolte est faible. La composition de l’équipe de cueilleurs peut en être une des raisons. Avec ArboPlus, le chef d’exploitation M. peut évaluer chaque cueilleur séparément. L’analyse montre au chef d’exploitation M. que le cueilleur 1 ne lui donne pas satisfaction. Il va donc devoir prendre des mesures ad hoc, voire se séparer de ce cueilleur et lui chercher un remplaçant. ArboPlus Famille Cet instrument sert à répondre à la question suivante: quelle est l’influence de la famille du chef d’exploitation sur l’entreprise? Il ne s’agit pas d’analyser des facteurs durs, mais plutôt de sonder le degré de satisfaction ou d’insatisfaction des membres de la famille. L’analyse porte par exemple sur les compétences, la répartition des tâches ou la cohabitation des générations (fig. 2). L’objectif est que chaque personne s’exprime en toute indépendance et sans idée préconçue sur les composantes sociales de l’exploitation familiale.

Répartition du travail entre main d'oeuvre externe et interne (arboriculture et gestion) 0%

0%

80%

0%

0%

80% 100% 100% 100% 100% 100%

pr o

Répartition du travail dans le couple exploitant 5%

80% 60% 40%

95%

20% 0% maison et ferme

ArboPlus Synthèse Définir des objectifs et des stratégies Le dernier module ArboPlus Synthèse permet aux exploitants d’avoir d’une vue d’ensemble de leur exploitation qui leur permet de définir des objectifs et des stratégies (fig. 7).

L’arboriculteur devrait idéalement vérifier chaque année s’il a atteint ses objectifs et, si nécessaire, modifier les stratégies personnellement, avec son conjoint, après discussion avec des collègues ou dans le contexte de la vulgarisation.

te

cti

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ta

externe interne

20% co lte

20%

Exemple 4: Le chef d’exploitation M. analyse la répartition des tâches. Il constate qu’il pourrait déléguer davantage, notamment les travaux de taille. Il se rend par ailleurs compte que les travaux ménagers sont effectués uniquement par son épouse. Comme cette dernière a également complété le module ArboPlus Famille, il est clair pour le couple que Mme M. s’occuperait plus volontiers de la vente que de son seul ménage.

La synthèse permet au chef d’exploitation M. de définir, par exemple, les objectifs et stratégies ci-dessous dans les domaines travail, finances, équilibre vie privée et vie professionnelle, et vente:

80%

éc

100%

0%

20%

ille

100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%

Répartition des tâches Une analyse de la répartition des tâches dans l’exploitation peut mettre en évidence les potentiels d’amélioration. Avec ArboPlus, le responsable d’exploitation et son conjoint peuvent voir comment ils se répartissent les tâches et quel degré de satisfaction cette répartition leur apporte (fig. 6). ArboPlus affiche les secteurs de répartition des tâches suivants: Maison et exploitation: ménage, préparation des repas, jardin, éducation des enfants; Verger: taille, éclaircissage manuel, cueillette, protection phytosanitaire, infrastructure et filets anti-grêle; Gestion: bureau, négociations et acheteur.

80%

70%

20%

30%

aboriculture

gestion exploitation

Figure 6 | Répartition des tâches.

homme femme

Un outil pour la vulgarisation et la formation Outre son utilité pour les exploitants, ArboPlus offre à la vulgarisation, à la formation initiale et à la formation continue un outil approprié. On sait que les producteurs préfèrent travailler sur le terrain qu’au bureau. Un des enjeux de la mise en valeur des résultats du projet est d’inciter les exploitants à télécharger ArboPlus et à l’utiliser. Pour abaisser le seuil d’inhibition, le soutien de la vulgarisation en arboriculture est précieux. Elle peut organiser, par exemple, des manifestations lors des- 

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 374–381, 2012

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Production végétale | ArboPlus, un outil pour soutenir les compétences de gestion en arboriculture fruitière

Objectifs travail

Objectifs équilibre vie privée – vie prof.

augmenter la productivité du travail

cohabitation satisfaisante pour tous

augmenter le rendement à la récolte

utiliser le temps parttagé en famille de manière optimale

X

bonne équipe (peu de travail pour le chef d'exploitation)

X

éviter une charge de travail trop élevée à long terme

X

utiliser de façon optimale le potentiel de main-d'oeuvre familiale

X

reconsidérer la prévoyance-vieillesse

optimiser la répartition du travail

faire attention à la couverture assurances sociales

salaire horaire correct (exploitation, maison, collab. externes) X

X

viser une coopération efficiente Stratégies travail

Stratégies équilibre privée – vie prof.

Engager nouveaux cueilleurs Planifier le travail avec la famille Réviser sa propre stratégie de cueillette avec d'autres producteurs Objectifs finances salaire horaire correct (exploitation, maison, collab. externes)

Vacances: 3 jours de ski et une semaine en été au min. Cuisiner ensemble une fois par semaine Réserver 2 h par semaine pour planification en commun

assurer les liquidités de l'exploitation

Objectifs ventes obtenir des meilleurs prix X

meilleure qualité

X

améliorer la collaboration avec acheteur

optimiser la flexibilité optimiser la stabilité

bien se positionner vis-à-vis de l'acheteur

optimiser la rentabilité totale X

éviter l'insolvabilité

X

planifier la prévoyance-vieillesse en fonction de son âge Stratégies finances

Stratégies ventes

Bien planifier les investissements Analyser la prévoyance vieillesse avec conseiller Vérifier la planification des liquidités

Revoir la vente de pruneaux Améliorer le contact avec l'acheteur Exiger un feed-back immédiatement après la récolte

Figure 7 | Objectifs et stratégies tirés d’ArboPlus.

quelles les exploitants peuvent analyser leur situation avec ArboPlus et en discuter ensuite. ArboPlus ne remplace pas la vulgarisation, mais dans certaines conditions, il peut signaler suffisamment tôt la nécessité pour l’exploitant de faire appel au vulgarisateur. Un des atouts d’ArboPlus, c’est le traitement systématique des données aux trois échelons parcelles, exploitation et famille et la synthèse des trois modules. Cet outil permet de simuler diverses variantes. En tant qu’aide à la décision électronique, il suit la tendance de l’utilisateur et soutient l’interaction entre le vulgarisateur et le chef d’exploitation ou entre l’apprenti et son formateur. D’autres instruments pour approfondir l’analyse ArboPlus aborde les sujets plus superficiellement qu’en profondeur. Si les exploitants désirent approfondir des domaines tels que l’économie du travail, les coûts de production ou la comptabilité, ils peuvent acquérir auprès d’Agroscope ACW et ART et d’Agridea d’autres instruments plus spécifiques et plus pointus qu’ArboPlus. L’objectif du développement d’ArboPlus était d’offrir aux exploitants la possibilité d’analyser rapidement et sans trop de travail la situation à l’échelon des parcelles, de l’exploitation et de la famille et de détecter les points nécessitant une intervention. ArboPlus peut être rempli pratiquement sans documentation. Il travaille en partie avec des estimations et pas forcément avec des chiffres précis. ArboPlus encourage les exploitants à définir des objectifs et des stratégies permettant de maîtriser les problèmes avant qu’il ne soit trop tard. Ces

380

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 374–381, 2012

mesures devraient ensuite être à nouveau analysées périodiquement. De ce point de vue, ArboPlus vient compléter un arsenal d’instruments d’analyse et de planification plus complexes. A signaler, ArboPlus ne peut servir de base de données centrale. Mais, au cours de l’analyse, il est possible d’enregistrer localement les données saisies. Il existe toutefois une restriction pour les genres de fruits: pour l’instant, ArboPlus ne permet d’évaluer que les parcelles de pommiers. Si le besoin s’en faisait sentir, l’instrument pourrait être étendu à d’autres genres. Versions d’ArboPlus disponibles en téléchargement La gestion d’une exploitation fruitière demande non seulement de hautes compétences professionnelles, mais aussi de solides compétences de gestion. Avec ArboPlus, la station de recherche Agroscope ACW aide les exploitants à poursuivre l’optimisation de leur gestion. ArboPlus est une application Excel téléchargeable gratuitement depuis le site www.ArboPlus.agroscope.ch. Les versions disponibles sont les suivantes: ArboPlus Bio, ArboPlus IP Schweiz et ArboPlus Deutschland. Toutes ces versions ne sont pour n l’instant disponibles qu’en allemand. Remerciements

Les responsables du projet remercient les organismes de soutien Interreg IV de leur financement. Leur gratitude s’adresse également aux partenaires du projet pour leur fructueuse collaboration: R. Hollenstein (Landwirtschaftliches Zentrum St.-Gall), T. Hirrle (Kompetenzzentrum Obstbau Bodensee), G. Thomi et D. Schürch (Agrotreuhand Thurgau), D. Carint et U. Straub (Agridea), U. Henauer (BBZ Arenenberg). Un grand merci pour leur soutien au développement d’ArboPlus: P. Mouron (ART et Agrocourage), G. Bregy et R. Gilg (Fruit-Union Suisse), A. Kilchenmann, B. Egger, M. Gölles, A. Widmer et R. Leumann, A. Ortlepp et S. Krieg (ACW).


ArboPlus: uno strumento di supporto delle competenze nella gestione della frutticoltura ACW ha sviluppato uno strumento (basato su Excel), denominato ArboPlus, per sostenere i capo azienda (produttori) a valutare la loro situazione effettiva a livello di parcella, azienda e famiglia. Nell’ambito di un workshop e interviste con consulenti per la produzione di frutta e l’economia si sono raccolte le informazioni per lo sviluppo di questo strumento. I produttori possono confrontare la loro produttività a livello di parcella con un Benchmark. A livello di azienda possono essere valutate la situazione del bilancio e del conto economico, la liquidità, la cooperazione con altre aziende, i collaboratori, i clienti, il regime pensionistico o la forma di impiego del partner. Il produttore (con partner) può anche valutare la situazione a livello famigliare: divisione del lavoro, coabitazione tra più generazioni, proprie competenze e lavoro esterno. Riassumendo i risultati più importanti dai tre livelli si distinguono i tre settori work-life-balance, finanze, vendita e lavoro da cui si possono definire gli obbiettivi e scegliere le strategie per il futuro. L’anno successivo i produttori possono verificare se gli obbiettivi sono stati effettivamente raggiunti. Con ArboPlus i produttori possono analizzare la loro situazione soprattutto da un punto di vista economico e rendere visibile il potenziale di miglioramento. Temi come la protezione vegetale e l’ecologia non sono contemplati. ArboPlus è stato sviluppato specificatamente per i produttori di frutta ed esiste unicamente in tedesco.

Bibliographie ▪▪ Bravin E., Blunschi M., Leumann M, Straub U., Hirrle T., Hanhart H., Hollenstein R. & Steinemann B, 2011. Recherche-action: les arboriculteurs à la recherche de solutions, Recherche Agronomique Suisse 2 (7 – 8), 2011. ▪▪ Support Obst Arbo, 2012: Projektbeschrieb. Accès: http://www.asaagrar. ch/SOA/ProjektbeschriebSOA/tabid/96/language/de-CH/Default.aspx ▪▪ Mouron P., Carint D., Zürcher M. & Bravin E., 2009: Definitionen Arbokost. Accès: www.arbokost.agroscope.ch ▪▪ Rudmann C., 2008: Entrepreneurial Skills and their Role in Enhancing the Relative Independence of Farmers, FIBL, Switzerland. Accès: http://www. esofarmers.org/documents/Publication_rudmann_EsoF_000.pdf

Summary

Riassunto

ArboPlus, un outil pour soutenir les compétences de gestion en arboriculture fruitière | Production végétale

ArboPlus, a tool to support management skills of fruit grower ACW developed an Excel based tool called ArboPlus to help growers to roughly evaluate their situation on orchard, farm and family level. Information has been collected within workshops and interviews with consultants for fruit production and business. At orchard level, growers can analyze their productivity and compare it with a benchmark. At farm level, they can evaluate the balance, cash flow, cooperation, satisfaction with their employees and buyers, retirement arrangements and employment situation. Family level can also be evaluated: sharing of work, cohabitation of generations, self competences and external workplace. The main results are summarized on four issues: work-life-balance, finance, selling and work. With this information, it’s possible to choose the objectives and define strategies. In the following year, growers are able to control the achievement of their objectives. Thus, with ArboPlus growers can roughly analyse their economic situation. Topics such as plant protection and environmental aspects are not integrated. ArboPlus has been developed for fruit growers and is only available in German so far. Key words: management, decision, tool, orchard, apple production.

▪▪ De Wolf P. & Schoorlemmer H., 2007: Exploring the significance of entrepreneurial skills in agriculture. FIBL, Switzerland. Accès:: http://www. esofarmers.org/documents/Publication_rudmann_EsoF_000.pdf

Les résultats pratiques du projet de gestion d’entreprise en arboriculture fruitière (projet partiel 2 – ArboPlus) ont déjà été publiés dans la Schweizerische Zeitschrift für Obst- und Weinbau (SZOW) 43 (3) 2011.

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 374–381, 2012

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E c o n o m i e

a g r i c o l e

Cultures maraîchères – modélisation de l’hétérogénéité et de l’intensité Anke Möhring1, Gabriele Mack1 et Christian Willersinn2 1 Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8356 Ettenhausen 2 Faculté des sciences agronomiques, Université de Hohenheim, D−70593 Stuttgart Renseignements: Anke Möhring, e-mail: anke.moehring@art.admin.ch, tél. +41 52 368 32 05

Berne, Zurich et Argovie sont les plus importants cantons ­m araîchers de Suisse en superficie (CCM 2010). (Photo: R. Rossier)

Introduction La station fédérale de recherche Reckenholz-Tänikon ART a développé le modèle multi-agents SWISSland (Système d’information sur les mutations structurelles en Suisse) pour le secteur agricole (Möhring et al. 2010 et 2011). Il est utilisé en premier lieu pour conseiller les politiques en s’appuyant sur des simulations. Le modèle a l’ambition de représenter l’hétérogénéité et la diversité des quelque 55 000 exploitations agricoles suisses, de manière à formuler des avis fiables sur l’effet que pourront avoir les politiques agricoles à l’avenir ou les variations de prix sur l’évolution structurelle du secteur agricole et l’évolution des revenus ou de la main-d’œuvre dans l’agriculture. Les données comptables des quelque 3000 exploitations de référence qui forment la base de données du Dépouillement centralisé (DC) d’ART (moyenne des trois années 2006−2008) représentent l’une des principales sources de données utilisées pour définir les paramètres nécessaires en matière d‘économie de production de la population d’agents de SWISSland.

382

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 382–389, 2012

Les coûts de production de branches relativement homogènes, comme la production de lait ou de céréales, sont détaillés dans les données comptables des exploitations et parfois saisis à l’échelle de la branche de production. Pour les branches de production hétérogènes comme les cultures maraîchères, il est plus difficile d’obtenir une représentation correcte, car non seulement cette branche est sous-représentée par les données comptables, mais en plus le rendement économique à la surface et le temps de travail requis varient considérablement du fait du grand nombre de cultures maraîchères pratiquées en Suisse. D’un autre côté, il s’agit d’une branche de production très productive. Ainsi en 2009, près de 8 % de la production totale de l’agriculture suisse ont été réalisés sur une surface de légumes de plein champ d’environ 10 000 ha1, ce qui représente à peu près La culture de plusieurs légumes sur la même surface en l’espace d’une année permet d’augmenter la surface cultivée à près de 15 000 ha (CCM 2010). Les réflexions présentées dans cet article se réfèrent uniquement à la culture maraîchère de plein champ et non à la culture en serre.

1


Cultures maraîchères – modélisation de l’hétérogénéité et de l’intensité | Economie agricole

Le modèle multi-agents SWISSland pour le secteur agricole simule les processus de changement structurel et les évolutions de revenu dans l’agriculture suisse. L’objectif est de représenter les comportements des exploitations agricoles en demeurant le plus proche possible de la réalité. Cet article décrit une méthode pour déduire au mieux les coefficients de coûts et de temps de travail qui ne sont pas explicitement disponibles sous forme de données comptables dans les activités de production des cultures maraîchères, branche de production hétérogène. Il s’agit d’estimer les coûts spécifiques et le temps de travail nécessaire à partir de la prestation brute par hectare spécifique à l’exploitation. Les prévisions réalisées avec SWISSland pour le secteur agricole indiquent une tendance positive pour l’avenir, dans la mesure où la politique agricole prévue pour 2014 à 2017 et la réforme du système des paiements directs seront mises en pratique.

Résumé

1 % de la surface agricole utile de la Suisse (CCM 2010; OFAG 2010). Par conséquent, ce secteur a un chiffre d’affaires total plus élevé que les cultures de céréales, de pommes de terre ou de fruits. Pour pouvoir représenter correctement cette branche de production dans le modèle SWISSland, il est nécessaire d’avoir des informations détaillées sur les différentes cultures maraîchères. Nous présentons ici un concept qui permettra de subdiviser une branche maraîchère hétérogène en groupes plus homogènes. Cette méthode permet d’obtenir des informations nécessaires pour la formulation de la fonction objectif et de coefficients de besoins en ressources pour toutes les activés de la culture maraîchère et tous les agents du modèle SWISSland. Intensité de la culture maraîchère en Suisse La Centrale suisse de la culture maraîchère et des cultures spéciales (CCM) relève chaque année différentes données relatives à la pratique de cultures maraîchères et de cultures spéciales sur l’ensemble du territoire suisse (p. ex. surfaces, prix, rendements, quantités importées/ exportées, etc.). En collaboration avec le groupe de travail Economie d’entreprise de l’Union maraîchère suisse (UMS) et d’autres organisations agricoles et maraîchères, elle établit également tous les deux ans des valeurs indicatives pour le calcul de la marge brute et des coûts de production dans les cultures maraîchères (CCM 2008 et 2010). La figure 1 indique les principales cultures maraî- 

Surface cultivée en Suisse (ha)

Marge brute 1 (Fr./ha)

Travail nécessaire (MOh/ha) 50 000

1626

1600

45 000 40 000

1400

35 000

1200

30 000

1000 806

800

751

600

863

853

25 000

820

752

628

599 476

514 397

15 000 441 397

222 57

38

33

20 000

10 000 5000

102

0

Ca Ep rotte ina s rds (T Oig ) n Ha ons Lai ricot tue (T) Lai i tue cebe rg p Pe omm tits ée po i Ch s (T) ou -fle u Bro r cco En li div Po es ire au Fen x ou il Co Céler urg i C ettes Ch hou ou bla n Ch de C c h ico rée ine ro Ch uge Ch ou fr ou isé As pom pe rge me v Be erte tte Ch rave ou s rou ge

0

619

427

400 200

756

Marge brute 1 (Fr. par hectare)

Surface (hectare) et travail requis (MOh par hectare)

1800

Figure 1 | Surface cultivée, marge brute et travail nécessaire de différentes cultures maraîchères en Suisse (PER uniquement). (Source: CCM 2008 et 2010. Valeurs sans les légumes de transformation, exception: pour les épinards, les haricots et les petits pois, légumes de transformation uniquement (T))

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Economie agricole | Cultures maraîchères – modélisation de l’hétérogénéité et de l’intensité

chères de plein champ. Les légumes transformés comme les épinards, les haricots et les petits pois représentent les cultures maraîchères les plus importantes en superficie en Suisse et affichent une marge brute comparable 1 (méthode de calcul: CCM 2008) relativement basse avec 1700 francs par hectare en moyenne. Parallèlement, l’intensité du travail, qui s’élève à 43 heures de maind’œuvre (MOh) par hectare en moyenne, est faible par rapport aux autres cultures maraîchères. Les oignons, le chou-fleur, le broccoli, le fenouil et le céleri sont également cultivés sur de vastes surfaces; ces cultures affichent toutefois une marge brute nettement supérieure avec 23 560 francs par hectare en moyenne et une charge de travail de 575 MOh par hectare. Ces cultures font donc partie des cultures les plus intensives en termes de travail, avec néanmoins un rendement à la surface nettement plus élevé. Dans les deux groupes, la marge brute par MOh est d’environ CHF 43.−. En Suisse, ce sont les carottes qui sont le plus fréquemment cultivées. Elles dégagent en moyenne une marge brute de 12 257 francs par hectare et nécessitent 222 MOh par hectare, se situant par conséquent entre les deux groupes précédemment cités. Leur productivité est de l’ordre de CHF 55.− par MOh. Pour un petit nombre des exploitations maraîchères en Suisse, le Dépouillement centralisé des données comptables (ART 2006−2009) relève en complément chaque année des informations détaillées sur la structure de l’exploitation, le portefeuille de production, les ressources et les données du bilan. En 2009, 165 exploi-

tations pratiquant des cultures maraîchères de plein champ sur au moins 0,1 ha ont fourni leurs données comptables au DC. La surface de cultures maraîchères de plein champ ainsi saisie représentait environ 373 ha, soit environ 3,9 % de la surface de cultures maraîchères totale de la Suisse (OFAG 2009). 2 Cela signifie que près de 5 % des exploitations de cultures maraîchères suisses sont intégrées dans les données du DC. A l’exception de la prestation brute qui est établie spécifiquement pour la branche de production cultures maraîchères, les données du DC présentent les coefficients de coûts et de travail requis exclusivement pour l’ensemble de l’exploitation. Par conséquent, il est difficile d’attribuer les pourcentages de coûts de production et de temps de travail à la branche de production, sans parler de les attribuer aux différentes cultures maraîchères. On ne sait donc pas quels sont les légumes cultivés et avec quelle intensité l’exploitation pratique la culture maraîchère. Il est possible de regrouper les exploitations si l’on peut mettre en relation la prestation brute de l’exploitation avec une prestation brute de référence par hectare de culture maraîchère. La prestation brute de référence est définie de manière à représenter le maximum de la prestation brute possible par hectare de légumes produits. Ainsi, à partir de valeurs indicatives (CCM 2008), les prestations brutes de référence des cultures maraîchères bio ont été fixées à CHF 100 000.−/ha et celles des cultures maraîchères PER à CHF 50 000.−/ha. Pour ce faire, il faut admettre qu’en général les exploitations pratiquent soit essentiellement Sans occupations multiples des parcelles.

2

70 000 PER

Bio

Marge brute 1 en Fr. par hectare

60 000 50 000 40 000 30 000 20 000 10 000

u fr Be isé tte ra ve s Ch ou ro ug e

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Figure 2 | Comparaison de la marge brute de cultures maraîchères sélectionnées en Suisse en fonction du mode de production en 2008. (Source: CCM 2008)

384

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 382–389, 2012


Cultures maraîchères – modélisation de l’hétérogénéité et de l’intensité | Economie agricole

Tableau 1 | Prestation brute moyenne des cultures maraîchères en CHF/ha en fonction du mode d’exploitation et de l’intensité. (Source: ART, Dépouillement centralisé des données comptables 2006−2008) Degré de prestation brute

Rendement relatif à la surface

Mode de production PER

Bio

Fr./ha

Fr./ha

1

0 bis 0,249

5930

12 066

2

0,25 bis 0,499

18 634

38 644

3

0,5 bis 0,749

30 783

62 446

4

0,75 bis 1

43 425

84 622

5

>1

89 947

187 756

des cultures qui nécessitent une charge de travail élevée, soit des cultures où la charge de travail est plutôt réduite. A ce niveau, il est nécessaire de distinguer les exploitations PER et les exploitations Bio, car ces dernières réalisent une marge brute plus élevée par hectare dans de nombreuses cultures (fig. 2). Rendement économique à la surface Le rendement économique relatif à la surface est le rapport entre la prestation brute de référence par hectare et la prestation brute effective des cultures maraîchères dans l’exploitation DC.3 L’exploitation est ensuite répartie entre cinq groupes plus au moins homogènes sur la base du facteur obtenu. Ces cinq groupes représentent 3 Il s’agit d’une moyenne établie sur trois années (2006 – 2008), pour compenser l’influence des fluctuations de prix et de rendement annuelles.

180

PER

les différents degrés d’intensité de la culture maraîchère. Un faible facteur indique un bas rendement économique à la surface, un facteur élevé au contraire, un haut rendement à la surface. Les degrés de prestation brute 1 à 4 représentent les quartiles du rendement relatif à la surface. Un cinquième degré de prestation brute réunit toutes les exploitations dont la prestation brute moyenne par hectare de culture maraîchère dépasse la prestation brute de référence. Il s’agit donc d’un groupe avec une valeur ajoutée extrêmement élevée. Des prestations brutes aussi élevées par hectare peuvent être dues à la mise en place d’une culture maraîchère extraordinairement rentable, à des rendements de récolte spécialement bons, à des prix élevés, à la mise en place de plusieurs cultures sur la même surface ou à une création de valeur ajoutée supplémentaire grâce à la transformation des légumes sur place dans l’exploitation. Les rendements moyens à la surface par hectare des exploitations DC, répartis selon les cinq degrés de prestations brutes, sont indiqués dans le tableau 1. La plupart des exploitations DC produisant des légumes cultivent des espèces qui requièrent un travail de faible intensité. Près de 47 % des exploitations PER et 40 % des exploitations Bio peuvent être rangées dans la catégorie 1 de prestation brute. Le groupe 2 rassemble 25 % des exploitations PER et 35 % des exploitations Bio, et le groupe 3 10 % (PER) et 11 % (Bio). Le groupe 4, qui comprend les exploitations pratiquant la culture intensive des légumes avec une charge de travail élevée, ne réunit que 6 % des exploitations PER et 9 % des exploitations Bio. Le groupe des exploitations affichant une création de valeur ajoutée supérieure à la moyenne est particulièrement bien représenté avec 12 % des exploi- 

BIO

Nombre d‘exploitations DC

160 140 120 100 80 60 40 20 0 1

2

3 Degré de prestation brute

4

5

Figure 3 | Nombre d’exploitations de cultures maraîchères par degré de prestation brute (exploitations DC).

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 382–389, 2012

385


3500

PER

3000

45 000

BIO

Coûts spécifiques moyens en Fr. par hectare

Heures de main-d’oeuvre par hectare

Economie agricole | Cultures maraîchères – modélisation de l’hétérogénéité et de l’intensité

2500 2000 1500 1000 500

BIO

35 000 30 000 25 000 20 000 15 000 10 000 5000 0

0 1

2

3 4 Degré de prestation brute

1

5

2 3 4 Degré de prestation brute

5

Figure 4 | Temps de travail moyen par hectare de surface maraîchère en fonction du mode d’exploitation et de l’intensité culturale (exploitations DC).

Figure 5 | Répartition des coûts dans les cultures maraîchères en fonction du mode d’exploitation et de l’intensité culturale (exploitations DC).

tations, tout au moins pour les cultures PER. Cependant, la surface de cultures maraîchères de ces exploitations ne dépasse généralement guère 0,1 hectare. Dans le même groupe, les exploitations Bio ne représentent que 5 % des exploitations DC maraîchères, ce qui est dû à la prestation brute de référence plus élevée pour les exploitations Bio (fig. 3).

La méthode qui permet de calculer les coûts spécifiques de la culture maraîchère est semblable à celle qui a servi à déduire les coefficients de travail nécessaire. Les coefficients de corrélation entre le rendement relatif à la surface et les coûts spécifiques relatifs par hectare sont de 0,82 pour les exploitations PER et de 0,79 pour les exploitations Bio. Contrairement au temps de travail, les coefficients des coûts spécifiques ont été calculés séparément pour chaque quantile. Lorsque la prestation brute augmente, les coûts spécifiques par unité de rendement diminuent. Les valeurs de référence ne sont pas disponibles pour le cinquième quantile. On admet ainsi que les coûts spécifiques relatifs du cinquième degré de prestation brute sont au moins aussi élevés que les valeurs du quatrième degré. Le facteur de coûts ainsi obtenu sert de référence pour calculer les coûts spécifiques par franc de prestation brute réalisée par hectare (tabl. 2). Il est étonnant de constater que les coûts spécifiques ainsi calculés par hectare de surface maraîchère varient peu entre les exploitations Bio et les exploitations PER, surtout dans les quatre premiers quantiles (fig. 5). Cela

Temps de travail et coûts spécifiques Les calculs de valeurs indicatives de la CCM (2008) pour seize cultures maraîchères représentatives d’intensités culturales différentes montrent un lien entre les valeurs relatives du rendement à la surface et de l’utilisation du facteur travail par hectare. Le coefficient de corrélation est d’environ 0,93 pour les exploitations PER et de 0,74 pour les exploitations Bio. Cela signifie que plus la prestation brute par hectare est élevée, plus la culture maraîchère nécessite un volume de travail élevé. C’est pourquoi, dans une autre approche, nous nous sommes servis des valeurs indicatives pour calculer le temps de travail moyen par franc de prestation brute réalisée pour la production maraîchère. Selon ces calculs, les exploitations PER ont besoin en moyenne de 0,0147 MOh, et les exploitations Bio en moyenne de 0,0173 MOh par francs de prestation brute (propres calculs sur la base des valeurs indicatives de CCM 2008). La multiplication de ces valeurs par la prestation brute effective de l’exploitation permet de calculer le temps de travail consacré par chaque exploitation à la culture maraîchère. La figure 4 montre le temps de travail moyen par hectare en fonction de l’intensité culturale et du mode de production. Il apparaît clairement que les exploitations PER doivent investir moins de la moitié de temps de travail que les exploitations Bio, quel que soit le degré d’intensité.

386

PER

40 000

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 382–389, 2012

Tableau 2 | Coûts spécifiques par franc de prestation brute. (Source: calculé sur la base des valeurs indicatives pour les coûts de production des légumes (CCM 2008).

Coûts spécifiques par Fr. de prestation brute Degré de prestation brute

PER

Bio

1

0,5865

0,3769

2

0,3606

0,3422

3

0,3720

0,2403

4

0,2877

0,1994

5

0,2877

0,1994


Cultures maraîchères – modélisation de l’hétérogénéité et de l’intensité | Economie agricole

120%

Pourcentages de surface

100% 80% 60% 40% 20% Degré de prestation brute 1

0% 08

20

09

20

11

10

12

20

20

13

20

20

14

15

20

20

16

2

3

4

5

17

20

20

Figure 6 | Pourcentages de surface des exploitations maraîchères selon le degré de prestation brute (agents SWISSland). (Source: calculs SWISSland pour PA 14−17)

explique que les marges brutes 1 réalisables sont nettement plus élevées dans l’agriculture biologique que dans les cultures PER. Evolution future des cultures maraîchères SWISSland permet désormais de simuler l’évolution future des cultures maraîchères en fonction de l’orientation de la politique agricole. Cette partie de l’article présente les résultats du scénario «Développement du système des paiements directs Politique agricole 2014 à 2017» (PA 14−17; OFAG 2011, Zimmermann et al. 2011). La figure 6 indique les pourcentages de surface relatifs des exploitations maraîchères SWISSland par rapport à la surface de légumes de plein champ, répartis selon le

degré de prestation brute. Tandis que les groupes avec un faible rendement économique à la surface (groupes 1 et 2) n’étendent pratiquement pas leurs pourcentages de surface, les groupes 3 à 5 augmentent considérablement leurs pourcentages. Dans l’ensemble, la surface cultivée en légumes augmente sur la période couverte par les prévisions. Deux tiers des maraîchers des deux premiers groupes ne gèrent pas des «exploitations de cultures spéciales». Cela signifie que dans SWISSland, plus de la moitié de la surface de légumes n’est pas cultivée par des exploitations spécialisées. En revanche, dans le groupe qui affiche la plus forte création de valeur ajoutée issue des cultures maraîchères, plus de la moitié sont des exploitations de cultures spéciales. Ces exploita- 

160 000 Fr. par exploitation

140 000 120 000 100 000 80 000 60 000 40 000 20 000

1

2

3

4

2017

2008

2017

2008

2017

2008

2017

2008

2017

2008

0

5

Revenu agricole moyen Revenu extra-agricole moyen

Degré de prestation brute

Figure 7 | Revenu moyen des ménages des exploitations maraîchères selon le degré de prestation brute (agents SWISSland). (Source: calculs SWISSland pour PA 14−17)

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Economie agricole | Cultures maraîchères – modélisation de l’hétérogénéité et de l’intensité

12 000

700

10 000

600

Hectare

400 6 000 300 4 000

Millions de CHF

500

8 000

200

2 000

100

0

0 8

200

0

201

2

201

4

201

Surface maraîchère en Suisse Valeur de production des légumes frais selon le Compte économique de l’agriculture (CEA)

6

201

Figure 8 | Pronostics pour la surface maraîchère en Suisse et la valeur de production du secteur agricole pour les légumes frais selon le Compte économique de l’agriculture. (Source: calculs SWISSland pour PA 14−17; pour plus d’informations sur la méthode de calcul, voir Möhring et al . (2010))

tions génèrent d’ailleurs en grande partie leur revenu avec les cultures maraîchères, tandis que dans le cas des maraîchers qui pratiquent une production plus extensive, d’autres branches de production représentent aussi une part significative des revenus. La figure 7 indique l’évolution des revenus du ménage dans le cas d’une hausse des prix de 13 %, d’une hausse des coûts spécifiques d’environ 6 %, ainsi que d’une augmentation des coûts réels de 10 à 20 %. La simulation avec SWISSland montre une augmentation de la surface cultivée en légumes pour la période de 2008 à 2017 d’environ 13 % pour l’ensemble du secteur agricole. Par conséquent, l’augmentation de 18 % effectivement observée ces dix dernières années pour la surface de cultures maraîchères (OFAG, données AGIS 2000−2009) se poursuivrait. Cette augmentation est confirmée par la hausse de la valeur de production du secteur agricole estimée avec SWISSland, également présentée dans la figure 8 pour les légumes frais.

Discussion et conclusions La méthode présentée pour déduire les coûts spécifiques de la branche de production et les coefficients de travail nécessaire dans les activités de la production maraîchère dans le modèle SWISSland ainsi que pour définir les critères d’une possible conversion à la culture maraîchère repose en premier lieu sur des réflexions pragmatiques. Les valeurs calculées ne reflètent qu’approximativement la réalité des exploitations maraîchères. Néanmoins, la référence aux prestations brutes consignées dans la

388

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 382–389, 2012

comptabilité permet de faire un meilleur état des lieux de l’exploitation que ne le permettrait l’unique recours à des valeurs indicatives. L’autre avantage est lié au degré de consolidation plus élevé: il est plus simple de formuler un seul procédé de production des «cultures maraîchères», et de représenter son évolution, que d’encombrer inutilement le modèle par un grand nombre d’activités diverses empêchant une représentation consistante et compréhensible. Plus la consistance des paramètres du modèle correspond aux paramètres réels, meilleure est la qualité des calculs prévisionnels. Les premiers résultats indiquent que la tendance positive dans les cultures maraîchères devrait se poursuivre en cas d’application de la «politique agricole 2014−2017», ce qui semble tout à fait réaliste dans les conditions actuelles et correspond aux développements enregistrés par le passé. n


Orticoltura - Modellizzazione dell'eterogeneità e dell'intensità SWISSland è un modello di simulazione basato su agenti dei processi di mutamento strutturale e dell’evoluzione del reddito nel settore agricolo svizzero. L'obiettivo è rappresentare nel modo più realistico possibile le condizioni delle aziende agricole. Il presente articolo descrive un metodo per determinare nel miglior modo possibile i coefficienti dei costi e dell'onere temporale non esplicitamente disponibili sotto forma di dati contabili relativi alle attività produttive legate al settore eterogeneo dell'orticoltura. Sulla base della prestazione lorda per ettaro specifica dell'azienda viene stimata la portata dei costi diretti e dell'onere temporale. Le previsioni nel quadro del settore agricolo mediante SWISSland delineano un trend positivo per il futuro a condizione che le considerazioni di politica agraria sulla riforma del sistema dei pagamenti diretti per il periodo 2014 – 2017 siano attuate.

Summary

Riassunto

Cultures maraîchères – modélisation de l’hétérogénéité et de l’intensité | Economie agricole

Vegetable growing – Modelling heterogeneity and intensity The agent-based agricultural sector model, SWISSland, simulates the processes of structural change and income trends in Swiss agriculture. The objective is to provide a portrayal of the behavioural patterns of farms that is as close to reality as possible. This article describes a method of best possible deduction from cost and work requirement coefficients, which are not explicitly available in the form of accounting data, for production activities in the heterogeneous branch of farming that is vegetable growing. The amount of direct costs and work requirement is estimated using farm-specific gross yield per hectare. Forecasts for the agricultural sector with SWISSland show a positive trend for the future, provided the agricultural policy’s considerations on reforming the direct payment system for the years 2014 to 2017 are implemented. Key words: vegetable growing, agent-based modelling, agricultural sector model.

Bibliographie ▪▪ Office fédéral de l'agriculture OFAG, 2009. Système d'information sur la politique agricole (SIPA) 2000−2009. ▪▪ Office fédéral de l'agriculture OFAG, 2010. Rapport agricole 2010. Berne. ▪▪ Office fédéral de l'agriculture OFAG, 2011. Message concernant l’évolution future de la politique agricole dans les années 2014 à 2017 (Politique agricole 2014–2017). Berne. ▪▪ Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 2004 à 2009. Dépouillement centralisé des données comptables. ▪▪ Möhring A., A. Zimmermann, G. Mack, S. Mann, A. Ferjani & M.-P. Gennaio, 2010. Multidisziplinäre Agentendefinitionen für Optimierungsmodelle. Schriften der Gesellschaft für Wirtschafts- und Sozialwissenschaften des Landbaus e.V. 45, 329−340. ▪▪ Möhring A., Mack G., Zimmermann A., Gennaio M.-P., Mann S. & Ferjani A., 2011. Modellierung von Hofübernahme und -aufgabeentscheidungen in agentenbasierten Modellen. YSA 2011, 163−188.

▪▪ Parker D. C., Berger T., & Manson S. M., 2002. Agent-Based Models of Land-Use and Land-Cover Change. Proceedings of an International Workshop, October 4−7, 2001, Irvine, California, USA, 145 p. ▪▪ Centrale suisse de la culture maraîchère et des cultures spéciales CCM, 2008. Produktionskosten Gemüse. Daten zur Kalkulation der Produktionskosten und Deckungsbeiträge. Arbeitsgruppe Betriebswirtschaft des Verbands Schweizer Gemüseproduzenten VSGP (éd.), Koppingen. ▪▪ Centrale suisse de la culture maraîchère et des cultures spéciales CCM, 2010. Rapport statistique annuel légumes 2010, Koppingen. ▪▪ Zimmermann A., Möhring A., Mack G., Mann S., Ferjani A. & Gennaio M.-P., 2011. Les conséquences d'une réforme du système des paiements directs : Simulations à l'aide de modèles SILAS et SWISSland. Rapport ART 744. Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, ­Ettenhausen. ▪▪ www.swissland.org

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389


A l i m e n t s

Influence du délai d’analyse des échantillons de lait sur le nombre de germes totaux Gérald Pittet1, Werner Luginbühl2 et Thomas Berger3 Suisselab AG, 3052 Zollikofen 2 CHEMSTAT, Chemometrik und Statistik 3005 Berne 3 Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux, 3003 Berne-Liebefeld Renseignements: Gérald Pittet, e-mail: gerald.pittet@suisselab.ch, tél. +41 31 919 33 88

1

Figure 1 | Enregistrement des échantillons chez Suisselab.

Introduction Le nombre de producteurs de lait en Suisse ne cesse de diminuer et celui de vaches par exploitation laitière d’augmenter. Pour le contrôle du lait, les changements au niveau des conditions-cadre et la pression sur les coûts ont aussi entraîné la réduction du nombre des laboratoires SICL cantonaux et régionaux à un seul laboratoire pour toute la Suisse (fig. 1; Gerber et al. 2007; Glodé et al. 2010). Parmi les 27 000 producteurs de lait que la Suisse compte actuellement, environ 47 % livrent leur lait tous les deux jours à partir de la ferme. Le lait est récolté au moyen d’un camion du lait et les échantillons sont prélevés automatiquement. L’autre partie des producteurs de lait, soit environ 53 %, livrent leur lait à une fromagerie artisanale ou à un centre de collecte du lait (ramassage chez le producteur ou aux centres de collecte; Berger, 2010). Dans ce cas, le prélèvement des échantillons est effectué de manière manuelle par une personne préposée (fig. 2). La livraison du lait par les producteurs au centre de collecte a lieu en général une

390

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 390–395, 2012

ou deux fois par jour. Or, le lait des centres de collecte n’est ramassé par le camion de ramassage que tous les deux jours. Pour des raisons pratiques et économiques, une partie des producteurs de lait (env. 10 à 20 %), qui livrent leur lait à un centre de collecte, n’apportent leur lait plus que tous les deux jours, soit le jour même du ramassage du lait par le camion. Cette tendance est à la hausse aussi dans les régions de montagne et les Préalpes, car cet intervalle de livraison permet de faire des économies substantielles. Selon la «Directive technique concernant l’exécution du contrôle du lait» (OVF 2010), Suisselab, en tant que laboratoire chargé par la Confédération et la branche laitière de l’exécution du contrôle du lait, doit garantir un traitement des échantillons excluant toute modification de leur qualité, ceci dès le prélèvement jusqu’à l’analyse. La conservation des échantillons est uniquement assurée par refroidissement et réfrigération. Par conséquent, l’intervalle entre le prélèvement des échantillons et le début de l’analyse ne doit pas dépasser 30 heures. Afin de respecter ces prescriptions, Suisselab doit coordonner le prélèvement et la collecte des échantillons avec les dates de livraison dans les différents centres de collecte du lait. Lors de la planification du prélèvement et de la collecte des échantillons, il faut tenir compte d’un grand nombre de facteurs (capacité du laboratoire d’analyses, irrégularités des semaines et des jours du mois, jours fériés différents selon les cantons, disponibilité des échantillonneurs, coûts de collecte, intervalle entre le premier et le deuxième échantillon mensuel, etc.). Par conséquent, il est très difficile de tenir compte des désirs individuels. Chaque mois, environ 1000 à 1200 fournisseurs de lait ne disposent que d’un seul résultat d’analyse au lieu de deux comme le prévoient les bases légales relatives au contrôle du lait. Or, c’est à partir de ces deux valeurs que l’on calcule une moyenne géométrique déterminante pour le mois en question. Selon le critère d’analyse, le dépassement de celle-ci à trois ou quatre reprises en quatre mois conduit à une interdiction de livraison du lait pour le producteur concerné. La moitié


Résumé

Influence du délai d’analyse des échantillons de lait sur le nombre de germes totaux | Aliments

Figure 2 | Prélèvement manuel des échantillons pour le contrôle du lait.

des résultats manquants provient d’échantillons prélevés manuellement Parmi ceux-ci, une partie est due au fait que la date de livraison du lait ne correspond pas à la date de l’ordre de prélèvement et donc à la collecte des échantillons. Pour des raisons de coût, Suisselab ne sillonne en général la région propre à chaque tournée de ramassage des échantillons qu’une fois par campagne d’échantillonnage. Or, vu que dans une même région il y a plusieurs acheteurs de lait, les jours de collecte du lait ne sont pas coordonnés entres les différents acheteurs. Autrement dit, un acheteur de lait ira chercher son lait dans les centres de collecte les jours pairs, alors qu’un autre ira les jours impairs. Ainsi, Suisselab n’a aucune possibilité d’ajuster son plan de prélèvement des échantillons en fonction des dates de livraison du lait. Pour mandater tous les centres de collecte du lait à la même date et pour récolter les échantillons en fonction de cette date, Suisselab devrait sillonner de nombreuses régions à deux reprises, ce qui engendrerait des surcoûts considérables. Ce ne sont pas moins de 650 producteurs de lait, 80 centres de collecte et 38 tournées de ramassage des échantillons qui sont concernés. Selon des estimations, cela occasionnerait mensuellement 89 heures et 4697 km supplémentaires, soit un surcoût de CHF 5681.–, ce qui représente CHF 2600.– par campagne de collecte d’échantillons, soit CHF 62800.– par an (24 campagnes) et CHF 4.– par échantillon (Pittet, 2011).

Chaque mois, environ 1000 à 1200 fournisseurs de lait ne disposent que d’un seul résultat d’analyse au lieu de deux comme le prévoient les bases légales relatives au contrôle du lait. Parmi les résultats manquants, une bonne partie est due au fait que le lait est parfois livré tous les deux jours dans certains centres de collecte. Si la date de livraison du lait ne correspond pas à la date de l’ordre de prélèvement et donc à la collecte des échantillons, le prélèvement ne peut pas être effectué. La prolongation du délai d’analyse de 30 à 36 heures après le prélèvement des échantillons est la solution la plus simple et la plus économique pour remédier à ce problème. Cette prolongation ne conduit qu’à une augmentation minime du nombre d’échantillons conduisant à une contestation. Cette augmentation est comprise entre 0,07 et 1,25 %. La proportion de résultats se situant dans le domaine de contestation est de 1,397 % avec un délai de 30 heures et de 1,468 % à 2,648 % avec un délai de 36 heures. Ce désavantage peut être considéré comme acceptable et ne concerne que les résultats déjà relativement proches du seuil de contestation. Le désavantage devrait être encore réduit par l’effet de lissage de la moyenne géométrique, celle-ci étant déterminante pour l’évaluation de la qualité relevant du droit public.

Parmi les membres de la Commission pour le contrôle du lait et du groupe de travail y relatif, on est d’avis que ces coûts supplémentaires ne doivent pas être répercutés sur le financement global du contrôle du lait. Les solutions suivantes ont donc été avancées: A Dans les cas concernés (et seulement dans ces cas), le délai entre le prélèvement et l’analyse des échantillons est prolongé jusqu’à 36 heures. Le délai de 30 heures avait été fixé sur la base d’un essai de multiplication des germes (Bühlmann et al. 1999). En raison de la longue expérience de Suisselab et de Qualitas, on part du principe que, par rapport à 1999, la chaîne du froid (max. 5 °C) est mieux respectée et contrôlée vu les meilleures conditions en vigueur aujourd’hui. Si la réfrigération des échantillons et le maintien de la chaîne du froid pendant le transport sont respectés de façon stricte, il ne devrait pas y avoir d’augmentation importante du nombre de germes totaux (fig. 3). Les autres critères d’analyse officiels et de droit privé ne sont pas influencés par les six heures supplémentaires.

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Aliments | Influence du délai d’analyse des échantillons de lait sur le nombre de germes totaux

Figure 3 | Maintien de la chaîne du froid pendant le transport des échantillons.

B Suisselab organise des tournées séparées de collecte d’échantillons et facture les coûts supplémentaires aux acheteurs de lait par le biais d’un tarif kilométrique et d’un tarif horaire. Les membres de la Commission pour le contrôle du lait ont privilégié la solution A. Toutefois, avant une décision définitive, l’influence de la prolongation du délai d’analyse sur la multiplication des germes et ainsi le préjudice pour les producteurs de lait concernés devaient être évaluée au moyen d’un essai.

Structure de l’essai Le prélèvement a été organisé sur la base d’un échantillonnage aléatoire de n = env. 500 afin que des échantillons avec des nombres de germes «proches des valeurs limites» et élevés soient inclus dans l’échantillonnage. Les échantillons ont été prélevés sur des livraisons de lait effectuées tous les 2 jours, composées donc de quatre traites. La dernière traite était toujours celle du matin. Pour des raisons de capacité, l’essai a été effectué sur six jours, en juillet et août 2011. Les échantillons ont été acheminés chez Emmi à Ostermundigen et à Suhr de même que chez Hochdorf Nutritec à Sulgen. Le mandat de prélèvement des échantillons a été confié directement aux entreprises de transport participant à l’essai (TGL AG, Rolli Transporte AG, Meyer Transport AG et AS milch-logistik GmbH). Après réception des échantillons par le laboratoire d’analyses, ceux-ci ont été divisés en deux moitiés. Chaque moitié d’échantillon a été munie d’un code-barres afin de garantir la traçabilité jusqu’à l’échantillon initial et au producteur de lait. Les échantillons ont été conservés à une température de 1 à 5 °C jusqu’à leur analyse. Ils ont été analysés le jour suivant à 12 h 00 (1re moitié de l’échantillon) et à 18 h 00 (2e moitié de l’échantillon; fig. 4). Cela correspond à une durée de conservation des échantillons de 30 et de 36 heures à partir de la dernière traite. Les traites les plus anciennes remontaient donc à respectivement 66 et 72 heures.

Méthode Pour cet essai, on a utilisé des échantillons prélevés de manière automatisée et régulière dans le cadre de la collecte du lait, ceci dans un périmètre suffisamment grand. De cette façon, la présence de lait provenant de quatre traites et une variabilité suffisante de la flore du lait dans les échantillons était garantie. Il a été possible de renoncer à étendre le prélèvement à toutes les régions de la Suisse étant donné que l’essai n’avait pas pour objectif de mettre en évidence une différence géographique ou structurelle, mais seule la dynamique de la multiplication des germes faisait l’objet de cette étude. Une éventuelle augmentation des contestations de la qualité du lait étant au centre du problème, il fallait disposer dans cet essai d’un nombre suffisant d’échantillons comprenant entre 30 000 et 79 000 germes/ml susceptibles de dépasser la limite de 80 000 germes/ml après un entreposage prolongé de six heures. Dans le système de paiement selon la qualité relevant du droit privé de la branche laitière, la limite se situe aussi à 80 000 germes/ml pour la fixation des déductions et à 10 000 germes/ml pour le paiement de suppléments. La conversion du nombre d’impulsions mesuré par le BactoScan en nombre de germes totaux se base sur la conversion de 2006.

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Figure 4 | Détermination du nombre de germes totaux avec le ­B actoScan.


Influence du délai d’analyse des échantillons de lait sur le nombre de germes totaux | Aliments

3,5

4

3,0 Log(GKZ/1000), 36 h

Log(GKZ/1000), 36 h

3

2

1

0

2,5

2,0

1,5

0

1

2 3 Log(GKZ/1000), 30 h

1,0 1,0

4

1,5

2,0 2,5 Log(GKZ/1000), 30 h

3,0

3,5

Figure 5 | Diagramme de dispersion des données logarithmiques après 30 et 36 heures de l’ensemble de l’échantillonnage (A) et des échantillons avec un nombre de ≥ 30 000 germes/ml (B).

Appareils et logiciel utilisés Suisselab a mis à disposition des flacons du type BRV1, d’une contenance d’env. 45 ml. Appareil d’analyse: BactoScan FC (Foss Instruments, Slangerupgade 69 DK-3400 Hillerød) Logiciel: SYSTAT 13, Systat Software, Inc., 225 W Washington St., Suite 425, Chicago, IL 60606; R version 2.13.1 (2011 – 07 – 08); Copyright (C) 2011 The R Foundation for Statistical Computing, ISBN 3 – 900051 – 07 – 0.

Résultats 503 échantillons, dont 501 utilisables, ont été prélevés pendant six jours entre le 7 juillet et le 19 août 2011. Il ressort des données logarithmiques de l’ensemble de l’échantillonnage et des échantillons, qui présentaient lors de la première mesure un nombre de ≥ 30 000 germes/ml, une dispersion typique non normale (fig. 5). L’évaluation du nombre de germes totaux des échantillons présentant moins de 30 000 germes/ml démontre des augmentations minimes des valeurs moyennes. L’augmentation s’élève en moyenne à 300 germes/ml pour le groupe de < 8000 germes/ml et à 1200 germes/ml pour celui de 8000 à 29 000 germes/ml. Pour cette raison,

Tableau 1 | Fréquences des groupes en fonction du nombre de germes totaux Nombre de ­germes totaux [germes/ml]

30 heures

36 heures

Nombre de Nombre de Proportion Proportion résultats résultats [%] [%] [n] [n]

30 000 à 79 000

17

3,4

23

4,6

≥ 80 000

7

1,4

9

1,8

une évaluation détaillée de ces deux groupes n’a pas été nécessaire. L’évaluation des fréquences des deux groupes les plus significatifs démontre dans les deux cas une augmentation des germes totaux au cours des 6 heures de stockage supplémentaires. Le nombre de résultats compris entre 30 000 et 79 000 germes/ml augmente de 6 et de 2 pour ceux se situant dans la plage de contestation, soit ≥ 80 000 germes/ml (tabl. 1). Exprimée en relation de l’ensemble des échantillons, soit 501 résultats, la hausse des résultats se situant dans la plage de contestation s’élève à 0,4 %. Calculée en relation des 7 échantillons ayant déjà ≥ 80 000 germes/ml après 30 heures de stockage, la hausse est de 28,6 %. Aucun échantillon, qui se trouvait après 30 heures dans la plage de contestation, n’avait un résultat inférieur à 80 000 germes/ml après 36 heures de stockage. Au moyen de diverses analyses statistiques, il a été déterminé dans quelle mesure les deux moitiés d’échantillons sont corrélées et comparables et si l’augmentation des résultats se situant dans la plage de contestation est significative. Corrélations et comparaisons par paires: le coefficient de corrélation des rangs de Spearman est certes significativement différent de 1,0, mais pas de respectivement 0,995 et 0,9987. Le test exact ne montre pour l’intervalle de confiance de 99 % aucun écart par rapport à la valeur 1. Dans le test de Wilcoxon, les deux moitiés d’échantillons appariés sont différentes. On peut aussi utiliser pour des mesures répétées les modèles mixtes linéaires. La différence des valeurs moyennes des moindres carrés des logarithmes des groupes de nombre de germes totaux après respectivement 30 et 36 heures est significative dans ce modèle. Les résidus montrent cependant un écart considérable de la distribution normale, de sorte que le test ne doit être interprété qu’avec 

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Aliments | Influence du délai d’analyse des échantillons de lait sur le nombre de germes totaux

Tableau 2 | Résultats des tests statistiques Test

Hypothèse nulle

Test binomial pour l'hypothèse de mêmes proportions des résultats ≥ 80 000 germes/ml après 30 et 36 heures Egalité de la propor(test pour échantillons indépendants), test bilatéral. tion des deux grouTest binomial pour l'hypothèse de mêmes proportions pes (30 et 36 heudes résultats ≥ 80 000 germes/ml après 30 et 36 heures res)

Valeur p*

Commentaire

0,6142

0,3071

Avec l’abandon de la connexité des deux séries de données, les deux proportions ne sont, avec 1,3972 % et 1,7964 %, statistiquement pas différentes.

(test pour échantillons indépendants), test unilatéral.

Test de signification de l’augmentation des résultats ≥ Pas d’augmentation, 80 000 germes/ml (intervalle de confiance d’une probaπ=0 bilité inconnue, distribution binomiale, estimation de Clopper-Pearson et Blyth-Still-Casella).

< 0,001

L’augmentation est significative (l’augmentation observée de la proportion de 0,004 (0,3992 %, différence de 1,3972 % et 1,7964 %) se situe certes dans les limites estimées à 95 %, mais elle est quand même significative étant donné que les limites de confiance pour des paramètres binomiaux proches de zéro ne peuvent pas être estimées de manière fiable).

*Valeur p du test; les valeurs < 0,05 sont considérées comme statistiquement significatives dans cette évaluation.

réserve. Selon le procédé, l’augmentation du nombre de germes totaux dans un intervalle de 6 heures est donc significative. D’autres tests ont été effectués pour voir si l’augmentation est tout aussi significative dans le domaine de contestation (tabl. 2). Sur la base de ce qui précède, on peut se poser la question suivante: avec quelle probabilité maximale et minimale l’augmentation observée est-elle statistiquement conforme? Si l’on varie l’hypothèse nulle, on obtient en fin de compte pour une valeur maximale un po = 0,01251 et pour une valeur minimale un po = 0,00071. La probabilité maximale conforme du point de vue statistique avec une augmentation de 2 résultats ≥ 80 000 germes/ml sur 501 échantillons s’élève ainsi à 1,251 %. La probabilité minimale conforme du point de vue statistique avec une augmentation de 2 résultats ≥ 80 000 germes/ml sur 501 échantillons n’est que de 0,071 %. En d’autres termes, dans la plage de contestation, l’augmentation des résultats causée par la prolongation de 6 heures du temps de stockage s’élève au minimum de 0,071 et au maximum de 1,251 %. Dans le présent échantillonnage, la proportion passe donc de 1,397 % après 30 heures et à 1,468 - 2,648  % après 36 heures.

Discussion En dépit des meilleures conditions de transport par rapport à 1999 et d’un respect strict de la chaîne du froid, le nombre de germes totaux a augmenté pendant le stockage des échantillons. Cependant, le présent essai a démontré que la prolongation de 30 à 36 heures du délai entre le prélèvement et l’analyse des échantillons n’a entraîné qu’une augmentation minime des résultats conduisant à une contestation, cette augmentation se situant entre 0,07 et 1,25 %. Une estimation plus précise de cette augmentation n’aurait été possible qu’avec un

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échantillonnage plus important d’environ 850 échantillons. Ce nombre a été estimé sur la base des résultats du contrôle du lait de 2010 (Berger et Luginbühl 2011). Or, en raison du travail et des frais importants que cela représente, un tel essai n’a pas été entrepris. Pour les membres représentant la branche laitière au sein de la Commission pour le contrôle du lait, les résultats du présent essai sont suffisants et les conséquences de la différence de traitement pour les producteurs concernés sont acceptables. Un essai parallèle au moyen de la méthode de référence sur boîtes de Pétri n’a pas été réalisé, car le dénombrement des germes totaux s’effectue dans la pratique exclusivement par la méthode automatisée de cytométrie en flux.

Conclusions •• La prolongation de 30 à 36 heures du délai maximal entre le prélèvement et l’analyse des échantillons est la solution la plus simple et la meilleure marché pour remédier au problème des échantillons prélevés dans des centres de collecte lorsque les livraisons de lait se font tous les deux jours. •• L’augmentation du nombre de résultats conduisant à une contestation résultant de la prolongation de ce délai s’élève de 0,07 à 1,25 % et peut être considérée comme acceptable. Elle ne concerne que très peu de producteurs de lait et seulement ceux dont le résultat du nombre de germes est proche du seuil de contestation. •• Le préjudice devrait être infime, étant donné que dans la plupart des cas seul un résultat sur deux échantillonnages du même mois est concerné. Après lissage dû au calcul de la moyenne géométrique, la prolongation du délai d’analyse ne devrait pas entraîner une augmentan tion significative de contestations.


Influenza della durata dell'intervallo tra prelievo di campioni e analisi sulla carica batterica del latte Ogni mese, circa 1000–1200 fornitori di latte dispongono soltanto di un unico risultato d’analisi anziché di due, come prevedono le basi legali relative al controllo del latte. L’assenza di una parte dei valori è da associare al fatto che in alcuni centri di raccolta la fornitura di latte avviene a volte ogni due giorni. Se la data di consegna non corrisponde alla data dell’ordine di prelievo e quindi alla raccolta di campioni, il prelievo non può essere effettuato. Abbiamo costatato che con l’incremento dell'intervallo massimo tra prelievo di campioni e inizio delle analisi da 30 a 36 ore si può risolvere il problema in maniera semplice ed economica. Ciò comporta soltanto un lieve incremento, compreso tra il 0,07 e l’1,25 per cento, dei campioni per i quali vengono pronunciate contestazioni. La proporzione di risultati che portano ad una contestazione è infatti di 1,397 % con un intervallo di 30 ore e di 1,468-2,648 % con un intervallo di 36 ore. Tale svantaggio può essere considerato accettabile e si riferisce solo ai risultati già relativamente vicini alla soglia di contestazione. Dovrebbe essere ulteriormente ridotto dall’effetto d’appiattimento della media geometrica, la quale è determinante per la valutazione della qualità disciplinato dal diritto pubblico.

Bibliographie ▪▪ Berger T., 2010. Questionnaire on the Determination of total bacterial count in raw milk in European Member States. EU Reference Laboratory on Milk and Milk Products, 4 p. ▪▪ Berger T. & Luginbühl W., 2011. Qualitätskontrolldaten Rohmilch (Dezember 2010) – Données du contrôle de la qualité du lait cru (décembre 2010). Mail vom 03.02.2011. ▪▪ Bühlmann G., Aebi R. & Glättli H., 1999. Wie PetriFoss und BactoScan 8000 die Keimbelastung von Hofabfuhr-Milch je nach Lagerungszeit und Temperatur beurteilen. Interner Bericht 37/1999, Forschungsanstalt für Milchwirtschaft FAM, 50 p.

Summary

Riassunto

Influence du délai d’analyse des échantillons de lait sur le nombre de germes totaux | Aliments

Influence of the storage period between sampling and analysis on total bacterial count in milk Every month, only one official milk-testing result is available from between 1000 and 1200 milk producers instead of the two required. Of the missing results, one part originates from milk-collection centers where milk delivery takes place every other day and sampling is performed manually, and is therefore attributable to the time delay between sampling notification and milk delivery. Extending the maximum time allowed between sampling and commencement of the analysis from 30 to 36 hours would provide an easy and cost-effective method to solve this problem. The increase in the number of samples with results above the maximum permitted limit would be slight: In the present study, the percentage increased from 1,397 % at 30 hours to 1,468 – 2,648 % at 36 hours, representing a rise of 0,07 – 1,25 %. This can be accepted as a justifiable drawback as it would affect very few producers and only those whose milk at 30 hours contains bacterial counts close to the official limit. The overall discrimination would probably be even lower as the increased time span would not necessarily affect both monthly samples and therefore, after calculation of the monthly geometric mean as required by the public-law milk quality control, the results may well remain within the limits set. Key words: total bacteria count, milk, sampling, extension of storage period.

▪▪ BVET, 2010. Technische Weisung für die Durchführung der Milchprüfung. 14. März 2011, 13 p. ▪▪ Gerber D., Bühlmann G., Seelhofer N., Thürlemann P., Berger T. & Jakob E., 2007. Der MIBD - Rückblick auf eine zehnjährige Pionierleistung. ­A grarforschung 14 (10), 496–501. ▪▪ Glodé M., Gehrig P. & Falk M., 2011. Milchprüfung ändert auf 2011. Information BVET, 20.10.2010, 2 p. ▪▪ Pittet G., 2011. Kostenschätzung zusätzlicher separater Sammeltouren bei Sammelstellen mit zweitägiger Anlieferung. Information Suisselab, Sitzung Milchprüfungskomission, 9. September 2011, 2 p.

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E c l a i r a g e

Actualités de la recherche sur la pomme de terre Thomas Hebeisen, Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich Brice Dupuis, Ruedi Schwaerzel, Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, 1260 Nyon 1 Renseignements: Thomas Hebeisen, e-mail: thomas.hebeisen@art.admin.ch, tél. +41 44 377 74 50

Compétition culinaire entre experts de la pomme de terre hollandais et français. (Photo: ART)

La Société européenne pour la recherche sur la pomme de terre (EAPR) a tenu son 18e congrès triennal à Oulu (Finlande). Quelque 300 participants ont pu s’informer sur les connaissances les plus récentes au sujet de la pomme de terre à l’occasion de 13 conférences plénières, 75 exposés répartis en sections spécialisés et 131 contributions présentées sous forme de posters. La pomme de terre occupe le troisième rang parmi les cultures les plus répandues et son rôle dans la sécurité alimentaire de l’humanité gagne en importance. Les influences climatiques et pédologiques agissant fortement sur les rendements, il est indispensable d’acquérir les meilleures connaissances possibles en matière d’efficience de l’eau et des éléments nutritifs. Les universités s’intéressent de plus en plus à la pomme de terre.

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Production de pommes de terre dans les régions nordiques En Finlande, la pomme de terre est cultivée sur 15 000 ha, dont 1000 ha de précoces et 1800 ha de plants. A T ­ yrnävä se trouve l’une des cinq régions fermées de production de «High grade seed» définies dans le cadre de l’UE, dans lesquelles on ne peut produire que des plants de pré-base. Il n’y a pas de sélection de pommes de terre en Finlande et il est surprenant d’y trouver les mêmes variétés que dans le reste de l’Europe. Il arrive souvent que les pommes de terre précoces soient plantées dans des champs encore couverts de neige; les premières récoltes arrivent malgré tout sur le marché dès mi-juin. Dans le sud de la Finlande, on cultive des pommes de terre destinées à l’industrie agro-alimentaire ainsi qu’à la production d’amidon pour la fabrication du papier.


Actualités de la recherche sur la pomme de terre | Eclairage

Augmenter les teneurs en substances importantes pour la santé Meredith Bonierbale (CIP, Pérou) a présenté le projet «Harvest Plus» du CIP. La grande diversité de variétés locales et de variétés sélectionnées de pomme de terre devrait permettre, à l’avenir, d’améliorer la qualité de l’alimentation humaine, notamment par l’apport de biofortifiants, à l’instar des légumineuses, de la cassave et du blé. Les composés phénoliques et les antioxydants ont des effets favorables sur la circulation sanguine. Certaines lignées sélectionnées présentent des teneurs plus élevées en oligoéléments comme le fer et le zinc dans les tubercules, mais aussi plus de vitamines ou de carotène (variétés à chair jaune). La vitamine C est co-responsable de la disponibilité des minéraux dans l’organisme. Quelques variétés ont subi moins de pertes de vitamines que d’autres au cours d’une même préparation culinaire. A partir d’une matière première issue de variétés locales, on produit des chips de couleur destinées à de petits marchés d’exportation. La productivité de ces variétés locales améliorées n’atteint cependant qu’à peine la moitié de celle des variétés sélectionnées. Leur stricte adaptation aux jours courts empêche leur mise en culture en climat tempéré. Dans les petites exploitations d’Amérique du Sud en particulier, la culture de variétés locales résistantes aux stress garde tout son sens pour assurer l’approvisionnement de proximité. Les sub­ stances que contiennent ces variétés permettent d’équilibrer la nourriture des populations concernées. Les techniques de conservation traditionnelles comme le chuño* restent valables pour l’approvisionnement des populations locales. Etant donné la superposition des séquences culturales, la pression du mildiou est constamment élevée. Il y a un besoin d’amélioration de la résistance à cette maladie. Facteurs limitants en Afrique centrale et orientale William Wagoire (Mbale, Ouganda) a présenté l’évolution de la production de pommes de terre en Afrique centrale et en Afrique orientale. Les pommes de terre sont cultivées sur de petites surfaces, dans de nombreuses exploitations dont elles assurent le revenu. On y atteint des rendements moyens de 9 tonnes par hectare. Avec plus d’un million de tonnes, le Rwanda est le plus gros producteur de pommes de terre. Toutefois, la culture sur de fortes pentes favorise la dégradation du

*Le chuño, appelé aussi moraya ou tunta, est une spécialité des Andes centrales produites par la déshydratation de pommes de terre par un cycle d'expositions au soleil et au gel, et de foulages. À chaque cycle, les tubercules perdent de l'eau. C'est la manière traditionnelle de conserver et de stocker les pommes de terre pendant de longues périodes, parfois des années.

sol. A cause du climat chaud et humide, le mildiou provoque de fortes pertes de rendement; il en va de même de la flétrissure bactérienne (Ralstonia solanacearum). L’augmentation de la population citadine entraîne un accroissement de la demande en produits transformés. La recherche se concentre sur l’amélioration de la production des plants et du contrôle de leur qualité. Les avantages découlant de l’utilisation de plants sains, de l’utilisation d’engrais et de l’application de mesures phytosanitaires doivent être enseignés aux agriculteurs à l’aide d’essais démonstratifs. Des variétés présentant de meilleures résistances aux maladies sont indispensables. Il faut qu’elles soient rapidement homologuées afin que les plants puissent être mis à la disposition des cultivateurs. Bilan énergétique de la production Anton Haverkort (Université de Wageningen) a établi un bilan énergétique de la production de pommes de terre et de la chaîne de transformation. Il a complété le «Cool Farm Tool» développé par John Hillier (Université d’Aberdeen) en y intégrant les techniques d’application des engrais de ferme, l’irrigation, le triage, le stockage et l’inhibition de la germination. La valeur énergétique des intrants est convertie en équivalents CO2. Ainsi, les calculs effectués dans les conditions des Pays-Bas aboutissent à 115,8 kg de CO2 par tonne de plants, 77 kg de CO2 par tonne de pomme de terre de consommation et 82 kg de CO2 par tonne de pommes de terre de consommation biologique. La valeur élevée calculée pour la production de plants tient au rapport défavorable entre la fumure azotée appliquée et le faible rendement obtenu. Le bilan de la production de pommes de terre pour l’industrie féculière est plus favorable car l’apport de lisier de porcs n’est pas mis sur son compte. Des investigations faites par l’organisation Carbon Trust (Walker Chips, USA) montrent que la production de la matière première compte pour 36 %, la transformation pour 17 %, l’emballage pour 34 %, le transport et la distribution pour 10 % et l’élimination des emballages pour 3 %. Les chercheurs de l’Université de Wageningen sont convaincus que la production et la transformation peuvent optimiser leurs techniques en comparant les valeurs de leurs propres d’intrants à celles du programme Excel en accès libre qu’ils ont créé. Comparé à d’autres espèces cultivées, le bilan énergétique de la pomme de terre est plutôt favorable. Problèmes de jambe noire en hausse en Europe Au cours de ces dernières années, on a constaté un nombre croissant de lots de plants refusés ainsi que de pertes de récoltes de pommes de terre de consommation

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Eclairage | Actualités de la recherche sur la pomme de terre

et de transformation à cause de la jambe noire. Des souches de bactéries plus agressives et des conditions climatiques particulières peuvent en être la cause. Ian Toth (JHI, Dundee) a rapporté qu’après le séquençage du génome de Pectobacterium atrosepticum en 2004 par des méthodes très avancées, différents gènes ont pu être identifiés comme jouant un rôle prépondérant dans l’infection des tiges de pomme de terre. Côté pomme de terre, on a pu améliorer la compréhension du fonctionnement des gènes qui déclenchent les réactions de défense de la plante. Sur la base des connaissances acquises, une pomme de terre transgénique a été créée, capable de résister totalement aux attaques de jambe noire en milieu contrôlé. Différents gènes de la bactérie en cause sont responsables de l’infection des racines d’autres espèces végétales. Ils peuvent contribuer à la survie de la bactérie dans le sol tout au long d’une rotation de cultures. Les deux espèces de Pectobacterium apprécient des conditions climatiques plutôt fraîches et humides, ce qui explique les fréquents problèmes de jambe noire et de pourriture des tubercules en production de plants en Ecosse particulièrement. Ce que l’on définissait auparavant comme Erwinia chrysanthemi est actuellement attribué au genre Dickeya. Ce genre de bactériose préfère des conditions de développement nettement plus chaudes et cause des pourritures tant sur les tiges que sur les tubercules. Jusqu’à maintenant, l’Ecosse est franche de Dickeya. Des «primers» (oligonucléotides) ont été mis au point pour identifier les différentes espèces de Dickeya. Toutes les importations de plants sont testées sur la présence de ce pathogène au moyen de méthodes moléculaires. La pomme de terre en culture biologique Madame Krystyna Zarzynska (Plant Breeding and Acclimatization Institute, Pologne) a démontré que les plantes de pomme de terre issues de cultures bio­logiques, comparées aux plantes de cultures conventionnelles présentaient un plus faible indice foliaire, une teneur en chlorophylle (indice SPAD) plus basse et un moindre poids spécifique de feuilles. De plus, elles atteignaient l’absorption de lumière maximale plus tard, mûrissaient plus tôt et formaient de plus petits tubercules. Dans les parcelles bio, les rendements étaient inférieurs de 20 à 40 % à ceux des cultures traditionnelles. Thorsten Haase (Université de Kassel, Allemagne) a mesuré l’efficience de la fumure azotée sur différentes variétés en conditions de culture biologique. Avec une faible teneur en nitrates dans le sol, il a constaté déjà des différences entre variétés au niveau de l’utilisation de l’azote. Les différentes quantités d’azote absorbées selon les variétés se rapportaient à un même rendement

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en matière sèche; les écarts étaient par conséquent uniquement le fait des teneurs en azote dans les tubercules. Les mesures de chlorophylles qui ont été faites (Yara-NSensor) correspondaient assez bien aux teneurs en azote mesurées dans la matière sèche des feuilles. Les mesures de nitrates dans le jus de tubercules par la méthode rapide «Nitracheck» correspondaient bien aux mesures faites en laboratoire. Le Nitracheck semble bien convenir pour la mesure des teneurs en nitrates durant la phase de maturation des tubercules. Herwart Böhm (Institut Johann Heinrich von Thünen, Westerau, Allemagne) a rendu compte d’un projet dans lequel de nombreuses données ont été collectées sur 282 parcelles cultivées en bio avec les variétés Princess, Nicola et Ditta. Après mise en valeur, les résultats ont été enregistrés dans une banque de données rendue anonyme; ainsi, les producteurs peuvent les utiliser pour comparer leurs propres données (benchmarking, ou référenciation). Souvent, une relation a pu être établie entre les fortes teneurs en nitrates et les faibles teneurs en amidon avec une infection précoce de mildiou. Dans les dégustations comparatives, les tubercules de Princess étaient généralement peu doux, parfois même amers. Les tubercules de Nicola se distinguaient par leur goût le plus prononcé, souvent avec une tendance douce. Thomas Hebeisen (Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Zurich) a montré que le rendement moyen en calibre marchand de pommes de terre issues de cultures biologiques se situait à 65 % du rendement des pommes de terre de cultures conventionnelles. La part de la récolte bio commercialisable dans la marge brute était de 10 % inférieure à celle des pommes de terre classiques. La couleur des pommeschips préparées avec des pommes de terre bio était légèrement plus claire que celle des autres, toutes variétés confondues, en raison d’une teneur en sucres réducteurs plus basse. Ainsi, la matière première bio satisfaisait aux exigences de l’industrie de transformation. Compte tenu de leur profil agronomique, des variétés comme Challenger et Jelly sont particulièrement adapn tées à la culture biologique.


P o r t r a i t

Conny Herholz: une chercheuse passionnée et bien dans ses bottes Enfant, Conny Herholz était déjà fascinée par les chevaux. Elle savait également qu’elle avait envie de devenir vétérinaire. Pour beaucoup de femmes, ces rêves d’enfance ne se sont jamais totalement concrétisés. Mais pour Conny Herholz, il ne s’agissait pas que d’une fascination enfantine ou d’un souhait passager; elle est effectivement devenue vétérinaire et est toujours restée très proche des chevaux. Cependent il serait faux de croire qu’elle s’est vouée corps et âme à ces animaux uniquement à cause d’un rêve de jeune fille ! Son enthousiasme pour la médecine y a également été pour beaucoup. Elle a toujours voulu aider ces animaux et, dans le meilleur des cas, les soigner préventivement de telle sorte qu’une visite du vétérinaire soit inutile. La taille de ses patients représentait un défi supplémentaire passionnant dans son travail : «Faire passer un scanner à un cheval de 500 kilos n’est pas une mince affaire. Il faut trouver des solutions adaptées». Tous les obstacles franchis Son parcours professionnel a débuté à l’Université de médecine vétérinaire de Hanovre. Plus tard, elle a obtenu sa thèse de doctorat en Suisse. C’était il y a plus de 20 ans. Conny Herholz a longtemps travaillé à la Clinique équine des animaux à Berne (faculté Vetsuisse). Elle y a accompli des recherches médicales et son habilitation, tout en restant proche des animaux. Puis il y a eu un changement d’orientation et elle s’est retrouvée dans un bureau de l’Office vétérinaire fédéral. «Quitter mes bottes en caoutchouc du jour au lendemain et me retrouver à l’administration, c’était assez brutal», se souvient Conny Herholz. Pourtant, cette étape a été importante et décisive pour elle. De nouvelles perspectives se sont ouvertes et ont complété sa carrière jusque alors principalement orientée vers la médecine. Par ailleurs, cette fonction lui a permis de nouer des contacts importants aux niveaux national et international.

des animaux, mène des activités de recherche et transmet en même temps tout son savoir et son savoir-faire à de jeunes étudiants. En discutant avec elle de son travail, on remarque immédiatement que le transfert des connaissances est au centre de ses préoccupations professionnelles. Et ceux qui travaillent avec elle au quotidien ne peuvent que constater qu’elle est exactement à sa place. Matthias Zobrist, Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL, Zollikofen

Retour aux sources Neuf ans plus tard, Conny Herholz retrouve ses premières amours… La voici de retour dans la formation, la recherche et son domaine de prédilection: les chevaux. Depuis le mois de février 2012, elle est enseignante en sciences équines à la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL et elle a également repris la responsabilité de cette discipline au sein de la filière Agronomie. Elle est à nouveau plus proche

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A c t u a l i t é s

Nouvelles publications

Rapport ART 751

Ensilages d’herbe dans les silos-couloirs en Suisse – Etat des lieux

Mai 2012

Auteurs Roy Latsch, Joachim Sauter, ART, roy.latsch@art.admin.ch Impressum Edition: Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Tänikon, CH-8356 Ettenhausen, Traduction: ART Les Rapports ART paraissent environ 20 fois par an. Abonnement annuel: Fr. 60.–. Commandes d‘abonnements et de numéros particuliers: ART, Bibliothèque, 8356 Ettenhausen T +41 (0)52 368 31 31 F +41 (0)52 365 11 90 doku@art.admin.ch Downloads: www.agroscope.ch ISSN 1661-7576

Dans de nombreuses exploitations agricoles suisses, l’ensilage constitue le pilier de l‘affourragement. La priorité est donnée à un fourrage de qualité élevée dans le but d’exploiter au mieux le potentiel de productivité des animaux et de produire des denrées alimentaires de premier choix. Contrairement au fourrage sec, sur la qualité duquel Agridea publie chaque année des chiffres dans le cadre de son enquête annuelle (p. ex. Boessinger et al. 2011), il n’existe aucune vue d’ensemble de la qualité de l’ensilage en Suisse. Des études réalisées à l‘étranger (Spiekers 2005; Thaysen et al. 2006) confirment qu’une grande partie des ensilages analysés ne satisfont pas les exigences minimales en termes de densité de stockage. Or, si

la densité de stockage est trop faible, l’oxygène peut davantage pénétrer dans l’ensilage, ce qui entraîne la pourriture du fourrage suite à des processus de décomposition bactériens et à la formation de moisissures. A l’extérieur, cela se traduit par un réchauffement du fourrage. La station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART travaille sur le compactage dans les silos couloirs et son optimisation. Le présent rapport a pour but d’identifier les éventuels points faibles de la conservation du fourrage en silos-couloirs en vue de garantir un fourrage de qualité élevée. Le rapport se base sur les résultats d’une enquête, sur des entretiens avec des conseillers ainsi que sur des données tirées de la littérature.

Ensilages d’herbe dans les silos-couloirs en Suisse – Etat des lieux Rapport ART 751 Dans de nombreuses exploitations agricoles suisses, l’ensilage constitue le pilier de l‘affourragement. La priorité est donnée à un fourrage de qualité élevée dans le but d’exploiter au mieux le potentiel de productivité des animaux et de produire des denrées alimentaires de premier choix. Contrairement au fourrage sec, sur la qualité duquel Agridea publie chaque année des chiffres dans le cadre de son enquête annuelle (p. ex. Boessinger et al. 2011), il n’existe aucune vue d’ensemble de la qualité de l’ensilage en Suisse. Des études réalisées à l‘étranger (Spiekers 2005; Thaysen et al. 2006) confirment qu’une grande partie des ensilages analysés ne satisfont pas les exigences minimales en termes de densité de stockage. Or, si la densité de stockage est trop faible, l’oxygène peut davantage pénétrer dans l’ensilage, ce qui entraîne la pourriture du fourrage suite à des processus de décomposition bactériens et à la formation de ­moisissures. A l’extérieur, cela se traduit par un réchauffement du fourrage. La station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART travaille sur le compactage ­ dans les silos-couloirs et son optimisation. Le présent rapport a pour but d’identifier les éventuels points faibles de la conservation du fourrage en silos-couloirs en vue de garantir un fourrage de qualité élevée. Le rapport se base sur les résultats d’une enquête, sur des entretiens avec des conseillers ainsi que sur des données tirées de la littérature. Roy Latsch et Joachim Sauter, ART

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A c t u a l i t é s

Les produits laitiers d'alpage – savourez-les en toute sécurité! ALP forum n° 92 | Mai 2012

Les produits laitiers d’alpage – savourez-les en toute sécurité ! Recommandations pour les conseillers en exploitations d’alpage

ALP forum n° 92 Très appréciés des consommateurs, les produits laitiers, et en premier lieu le fromage d’alpage, comptent parmi les produits les plus représentatifs de l’économie des alpages. Le fromage d’alpage se distingue clairement des autres fromages par son goût particulièrement savoureux. Compte tenu de l’équipement élémentaire, de l’influence prépondérante des conditions météorologiques et des nombreuses autres difficultés auxquelles font face les producteurs dans les alpages, les produits laitiers sont plus susceptibles de présenter des défauts de qualité que ceux fabriqués en plaine. Il ne se passe ainsi malheureusement pas une année sans que les autorités alimentaires cantonales ne fassent état d’intoxications alimentaires dues à la consommation de fromage d’alpage ou n’ordonnent la destruction de produits présentant des agents pathogènes. Cette situation peut parfaitement être évitée si l’on a conscience des dangers propres à la fabrication du fromage au lait cru, si l’on applique les mesures nécessaires et si l’on renonce à fabriquer des produits sensibles.

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Actualités

M C oem d ime un nmi iqtut e isl ud ne gperne s s e

www.agroscope.admin.ch/medienmitteilungen www.agroscope.admin.ch/communiques 02.07.2012 Plantes dans vos bagages = problèmes à la douane! Si vous pensez ramener une plante exotique de vacances, rappelez-vous que l’importation de nombreuses espèces végétales est limitée ou tout simplement interdite, car de redoutables maladies et ravageurs de quarantaine peuvent être introduits par cette voie en Suisse. ­L’inspectorat phytosanitaire de la station de recherche Agroscope et le Service phytosanitaire fédéral recommandent pour cette raison de renoncer à rapporter des plantes comme souvenir de voyage.

28.06..2012 Sélection du soja à Agroscope, succès et p ­ erspectives Agroscope a débuté la sélection du soja avant même son introduction dans notre agriculture en 1988. Désormais, en complément aux objectifs agronomiques usuels, de nouvelles méthodes de sélection qualitatives

spécifiques sont développées afin de satisfaire aux nombreuses exigences des transformateurs industriels et artisanaux.

11.06.2012 Colza: des variétés toujours plus productives soumises aux aléas climatiques Cinq nouvelles variétés de colza d’automne ont été inscrites en 2012 sur la liste recommandée de swissgranum. Après quelques années de règne, Visby est défiée par plusieurs nouveaux hybrides, plus productifs: Hybrirock, Avatar, NK Petrol et Sensation. Sammy, lignée très précoce à la floraison, vient compléter cette nouvelle liste. Dans le segment «HOLL», la variété V280OL a été semée pour la première fois dans la pratique en 2011. Sa qualité et son rendement sont prometteurs. Sur certaines parcelles, d’impressionnants dégâts de gel vont parfois pénaliser les variétés, quelles qu’elles soient, semées en 2011.

Samstag, 18. August, 9.30 Uhr, Güttingen

Güttinger-Tagung 2012 Versuchsbetrieb Obstbau Güttingen, BBZ Arenenberg Forschungsanstalt Agroscope Changins-Wädenswil ACW

Referate • Begrüssung zur Güttinger-Tagung Jean-Philippe Mayor, Direktor der Forschungsanstalt Agroscope Changins-Wädenswil ACW • Obstbauberatung im Thurgau – Rückblick und Ausblick Bruno Hugentobler, Fachstellenleiter BBZ Arenenberg

Infostände • Erntegeräte und Arbeitshilfen für den Obstbau • Wildbienen selber hegen und pflegen • Info- und Medienstand ACW

Betriebsrundgang • Kernobst rationell und schonend pflücken – Ernteverfahren im Vergleich? • Fortschritte in der Züchtung feuerbrandrobuster Obstsorten • Optimierung im Betriebsmanagement – wo ansetzen?

Restauration ab 8.30 Uhr Informationen – Gespräche – Gemütlichkeit Güttinger-Tagung – Das Treffen der Obstbranche www.agroscope.ch

Schweizerische Eidgenossenschaft Confédération suisse Confederazione Svizzera Confederaziun svizra

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Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 400–403, 2012

Eidgenössisches Volkswirtschaftsdepartement EVD Forschungsanstalt Agroscope Changins-Wädenswil ACW


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Foodle.ch – la plateforme interactive sur les denrées alimentaires www.foodle.ch La plateforme interactive en lien avec les denrées alimentaires est le fruit d’une collaboration unique entre divers partenaires de la formation et recherche, des offices, des organisations non gouvernementales et l’économie. Le but de cette initiative commune est d’offrir aux consommatrices et consommateurs une multitude d’informations de haute qualité, simples à comprendre et fiables, sur le thème des denrées alimentaires.

Dans le prochain numéro

Juillet 2012 27. – 29.07.2012 Eurocheval Offenburg Haras national suisse HNS Offenburg, Allemagne Août 2012 13.08.2012 Journée d'information plantes médicinales et ­aromatiques Agroscope Changins-Wädenswil ACW Agroscope ACW, domaine de Bruson 18.08.2012 Güttingertagung 2012 Agroscope Changins-Wädenswil ACW et BBZ ­Arenenberg Versuchsbetrieb Güttingen, Güttingen TG

Septembre 2012 / Numéro 9 Depuis plus de 100 ans, la banque de gènes d’Agroscope ACW conserve la diversité des variétés locales, qui constituent le patrimoine génétique national et ­assurent la sécurité alimentaire en cas de besoin. Les techniques de conservation permettent le maintien à long terme d’un nombre ­important d’espèces. ­ (Photo: Carole Parodi, ACW)

••La banque de gènes nationale d’Agroscope ACW hier, aujourd’hui et demain, Geert Kleijer et al., ACW ••Ray-grass anglais: 62 variétés ont dû faire leurs preuves, Daniel Suter, ART ••La protection des utilisateurs dans l’homologation des produits phytosanitaires, Olivier Sanvido et al., Secrétariat d’Etat à l’économie SECO ••Estimation de la valeur nutritive de l’ensilage de maïs, Yves Arrigo, ALP-Haras ••Installations de récupération de chaleur: un climat d’étable optimal en été également, Markus Sax et al., ART

September 2012 09. – 12.09.2012 5th European Conference on Sensory and Consumer Research Agroscope et ZAHW Berne 13.09.2012 AGFF-Waldhoftagung 2012 AGFF, Profi-Lait, HAFL, ALP et ART Inforama Waldhof, Langenthal

13.09.2012 6. Ökobilanzplattform Landwirtschaft: Ökologische Bewertung von Fleisch Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Reckenholz, Zürich-Affoltern 20.09.2012 35. Informationstagung Agrarökonomie Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Reckenholz, Zürich-Affoltern 25.09.2012 Journée d'information ALP 2012 Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-Haras et Agridea Posieux

••Le lait de vache facilite la transition alimentaire chez les porcelets sevrés, Andreas Gutzwiller, ALP-Haras ••Mission en Russie pour soutenir la culture de la pomme de terre, Cong-Linh Lê, ACW

Informationen: Informations: www.agroscope.admin.ch/veranstaltungen www.agroscope.admin.ch/manifestations

Recherche Agronomique Suisse 3 (7–8): 400–403, 2012

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Donnerstag, 13. September 2012

6. Ökobilanz-Plattform Landwirtschaft Ökologische Bewertung von Fleisch Forschungsanstalt Agroscope Reckenholz-Tänikon ART

Programm • Ökobilanzen von Rind-, Schweine- und Geflügelfleisch • Vergleich zwischen Standardproduktion, tierfreundlicher Haltung und Bio • Vergleich Schweizer Produktion mit Import • Studien aus den Niederlanden und Grossbritannien • Podiums-Diskussion • Info-Markt

Tagungsort Forschungsanstalt Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zürich-Reckenholz Detailprogramm und Anmeldung www.agroscope.ch > Veranstaltungen >6. ÖkobilanzPlattform Landwirtschaft Anmeldeschluss ist der 31. August 2012

Donnerstag, 20. September 2012

35. Informationstagung Agrarökonomie Forschungsanstalt Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Reckenholz, Zürich-Affoltern

Schwerpunktthemen • Buchhaltungsergebnisse 2011 • Wirtschaftlichkeit von Energieträgern aus der Landwirtschaft

Tagungsort Ausnahmsweise im Reckenholz Forschungsanstalt Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Reckenholzstrasse 191, 8046 Zürich-Affoltern

Weitere Themen • Maschineninvestitionen und Steuern • Soziale Unterschiede in der Landwirtschaft • Stufenbetriebe im Berggebiet • Vollkosten Milch in der Bergregion

Detailprogramm und Anmeldung: www.agroscope.ch >Veranstaltungen >Informationstagung Agrarökonomie Anmeldeschluss ist der 14. September 2012


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