Recherche Agronomique Suisse, numéro 7+8, juillet/aout 2014

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RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE 2 0 1 4

|

N u m é r o

7 – 8

Agroscope | OFAG | HAFL | AGRIDEA | ETH Zürich | FiBL

J u i l l e t – A o û t

Production végétale Examen variétal du trèfle violet: nets progrès Page 272 Environnement

Traitements des pommiers à la streptomycine et résistances aux antibiotiques dans l’environnement Page 300

Eclairage Préservation de la diversité génétique des animaux de rente en Suisse Page 306


Depuis plus de 200 ans, le trèfle violet ( Trifolium pratense L.) joue un rôle important dans nos prairies. Depuis, l’éventail des variétés proposées s’est considérablement élargi. De 2011 à 2013, Agroscope a conduit des essais variétaux avec 30 nouvelles obtentions et 24 variétés de trèfle violet déjà recommandées et constaté de nets p ­ rogrès dans la sélection. (Photo: G ­ abriela Brändle, Agroscope). Impressum Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz est une publication des stations de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Cette publication paraît en allemand et en français. Elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées. Editeur Agroscope Partenaires bA groscope (Institut des sciences en production végétale IPV; Institut des sciences en p­ roduction animale IPA; Institut des sciences en denrées alimentaires IDA; Institut des ­s ciences en durabilité agronomique IDU), www.agroscope.ch b Office fédéral de l’agriculture OFAG, Berne, www.ofag.ch b Haute école des sciences agronomiques forestières et alimentaires HAFL, Zollikofen, www.hafl.ch b Centrale de vulgarisation AGRIDEA, Lausanne et Lindau, www.agridea.ch b E cole polytechnique fédérale de Zurich ETH Zürich, Département des Sciences des Systèmes de l'Environnement, www.usys.ethz.ch b Institut de recherche de l'agriculture biologique FiBL, www.fibl.org Rédaction Direction et rédaction germanophone Andrea Leuenberger-Minger, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Agroscope, Case postale 64, 1725 Posieux, Tél. +41 58 466 72 21, Fax +41 58 466 73 00 Rédaction francophone Sibylle Willi, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Agroscope, Case postale 1012, 1260 Nyon 1, Tél. +41 58 460 41 57 Suppléance Judith Auer, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Agroscope, Case postale 1012, 1260 Nyon 1, Tél. +41 58 460 41 82 e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Team de rédaction Président: Jean-Philippe Mayor (Responsable Corporate Communication Agroscope), Evelyne Fasnacht, Erika Meili et Sibylle Willi (Agroscope), Karin Bovigny-Ackermann (OFAG), Beat Huber-Eicher (HAFL), Esther Weiss (AGRIDEA), Brigitte Dorn (ETH Zürich), Thomas Alföldi (FiBL). Abonnements Tarifs Revue: CHF 61.–*, TVA et frais de port compris (étranger + CHF 20.– frais de port), en ligne: CHF 61.–* * Tarifs réduits voir: www.rechercheagronomiquesuisse.ch Adresse Nicole Boschung, Recherche Agronomique Suisse/Agrarforschung Schweiz, Agroscope, Case postale 64, 1725 Posieux e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch, Fax +41 26 407 73 00 Changement d'adresse e-mail: verkauf.zivil@bbl.admin.ch, Fax +41 31 325 50 58 Internet www.rechercheagronomiquesuisse.ch www.agrarforschungschweiz.ch ISSN infos ISSN 1663 – 7917 (imprimé) ISSN 1663 – 7925 (en ligne) Titre: Recherche Agronomique Suisse Titre abrégé: Rech. Agron. Suisse © Copyright Agroscope. Tous droits de reproduction et de traduction réservés. Toute reproduction ou traduction, partielle ou intégrale, doit faire l’objet d’un accord avec la rédaction.

Indexé: Web of Science, CAB Abstracts, AGRIS

Sommaire Juillet–Août 2014 | Numéro 7–8 271 Editorial 272

Production végétale Examen variétal du trèfle violet: nets

progrès Daniel Suter, Rainer Frick, Hansueli Hirschi et Philippe Aebi Production végétale Essais variétaux et culturaux sur le pavot 280

d’hiver Jürg Hiltbrunner, Christine Herzog, Carolin Luginbühl et Thomas Hebeisen Production végétale L’avenir de la sélection du blé 286 Peter Stamp, Dario Fossati, Fabio Mascher et Andreas Hund Production végétale Suppression des adventices par les 292

couverts végétaux: différents facteurs analysés Frédéric Tschuy et al. Environnement Traitements des pommiers à la streptomy300

cine et résistances aux antibiotiques dans l’environnement Fiona Walsh et al. Eclairage Préservation de la diversité génétique 306

des animaux de rente en Suisse: progrès et défis Maurice Tschopp, Catherine Marguerat et François Pythoud Eclairage Râtelier pour chevaux avec dispositif 310

­temporisé d’accès au foin Sabrina Briefer, Samuel Schär et Iris ­Bachmann 314 Portrait 315 Actualités 319 Manifestations


Editorial

Recherche Agronomique Suisse: où en sommes-nous? Chère lectrice, cher lecteur,

Jean-Philippe Mayor, président Recherche Agronomique Suisse et responsable Corporate communication Agroscope CCA

«Il faut rendre les choses aussi simples que possibles, mais pas trop.» Albert Einstein

La rédaction de Recherche Agronomique Suisse a à cœur d’entretenir un lien étroit avec son lectorat, afin de le satisfaire au mieux et, dans la mesure du possible, d’améliorer ses prestations. L’enquête de satisfaction adressée aux lecteurs de la revue en 2013 montre des résultats réjouissants, avec une moyenne générale de satisfaction de 84 %*! Les thèmes traités sont jugés actuels, intéressants et orientés vers la pratique (87 %). La répartition entre articles scientifiques, éclairages et actualités est appréciée (89 %). Les encartés, notamment les fiches variétales, sont très demandés (79 %) et apportent une plus-value. Les articles sont compréhensibles (90 %), la proportion des textes et illustrations appropriée (90 %). Les articles sont jugés par certains comme «trop scientifiques» (43 %) et par d’autres, au contraire, «insuffisamment scientifiques» (27 %). Certains souhaiteraient une revue visible au niveau international, anglophone et fonctionnant avec des comités de lecture très sélectifs. Toutefois, dès son lancement en janvier 2010, la mission première de la revue Recherche Agronomique Suisse (publication de la Confédération) a clairement été communiquée. Elle consiste à diffuser les connaissances et informations pratiques découlant des résultats de la recherche dans les domaines agronomiques, des denrées alimentaires et de l’environnement. Les chercheurs doivent pouvoir publier rapidement leurs résultats et les lecteurs bénéficier des informations les plus actuelles et ce, dans les deux langues nationales principales. Le lectorat de la revue réunit des scientifiques, des spécialistes de la recherche et de l’industrie, des enseignants, des organisations de conseil et de vulgarisation, des offices cantonaux et fédéraux, des politiciens, des praticiens et toute autre personne intéressée. Satisfaire les attentes d’un lectorat aussi diversifié tient davantage de la quadrature du cercle que de la simple diffusion des résultats de la recherche. Cependant, nous nous efforçons constamment d’améliorer nos publications et d’informer les lecteurs sur le devenir de la recherche agronomique suisse. Vous avez reçu, dans l’édition de mai, un encarté de 24 pages «Agroscope», disponible en français, allemand et anglais, et aussi sur internet (www.agroscope.admin.ch), présentant le nouveau programme de recherche Agroscope 2014 – 2017 et la nouvelle structure organisationnelle. En outre, la rédaction a déjà entrepris un processus d’amélioration, dont voici quatre exemples: ••diversification des thèmes traités, grâce au nouveau partenariat avec l’Institut de recherche de la production biologique (FIBL); ••meilleure lisibilité et compréhension des graphiques; ••amélioration de la qualité des résumés italiens et anglais; ••davantage d’articles relatifs aux coûts de production. Nous vous remercions pour votre soutien et espérons que vous apprécierez les améliorations apportées à votre revue. Bonne lecture! *Les statistiques se basent sur les réponses de 137 enquêtes qui nous ont été adressées.

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 271, 2014

271


P r o d u c t i o n

v é g é t a l e

Examen variétal du trèfle violet: nets progrès Daniel Suter1, Rainer Frick 2, Hansueli Hirschi1 et Philippe Aebi2 Agroscope, Institut des sciences en durabilité agronomique IDU, 8046 Zurich, Suisse 2 Agroscope, Institut des sciences en production animale IPA, 1260 Nyon 1, Suisse Renseignements: Daniel Suter, e-mail: daniel.suter@agroscope.admin.ch

1

choses en commun avec la variété originale, le trèfle des prés. Les cultivars modernes poussent de manière plus érigée, ont des feuilles plus abondantes, permettent plusieurs coupes et fleurissent plusieurs fois par an. La plupart des variétés ne sont toutefois pas aussi résistantes que la forme sauvage. Ces types non persistants, qui ne résistent guère plus d’un hiver, sont communément appelés «trèfle violet de courte durée». En Suisse, un type de trèfle violet s’est également développé que l’on appelle «trèfle violet longue durée». Ces variétés persistantes se sont développées dans les exploitations du Plateau grâce au semis répété des écotypes locaux, dont les semences venaient à l’origine des Flandres, du Brabant ou d’Allemagne. Il existe depuis lors des variétés étrangères de trèfle violet qui n’ont rien à envier à notre trèfle violet longue durée en terme de persistance et qui doivent être classées dans cette catégorie.

Figure 1 | Trèfle violet (Trifolium pratense L.). Illustration tirée du livre «Wiesen- und Alpenpflanzen» de Walter Dietl et Manuel Jorquera, Österreichischer Agrarverlag, Leopoldsdorf, 4. Edition 2012. (Dessins: Manuel Jorquera, Zurich. Tous droits réservés. Copyright: ADCF, Zurich. Avec l’aimable autorisation de l’ADCF.)

Introduction Important pour la production fourragère Depuis plus de 200 ans, le trèfle violet (Trifolium pratense L.; fig. 1) joue un rôle important dans nos prairies. Au fil des années, l’éventail des variétés proposées s’est considérablement élargi et leur aspect général a peu de

272

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 272–279, 2014

La persistance détermine la fonction Pour notre système de production fourragère qui exploite les avantages des mélanges de différentes espèces de trèfles et de graminées (Finn et al. 2013; Lüscher et al. 2008; Nyfeler et al. 2009), il est important de faire la distinction entre trèfle violet de courte et de longue durée. Dans les mélanges standard, le trèfle de courte durée remplit une fonction de culture de couverture (Mosimann et al. 2012). Sa levée est rapide, il empêche l’apparition des adventices et fournit rapidement la première récolte. Sous sa protection, les espèces qui se développent plus lentement peuvent s’établir et remplacer progressivement les espèces qui se développent rapidement, contribuant ensuite au rendement. L’important dans ce cas est que le trèfle violet ne domine pas trop longtemps pour que les espèces qui se développent lentement puissent se développer correctement. Le trèfle violet de longue durée n’y parvient pas, c’est pourquoi il n’est pas utilisé dans les mélanges de graminées et de trèfle blanc où la substitution des espèces est particulièrement importante. Tout comme le trèfle violet courte durée, le trèfle violet longue durée comprend des variétés diploïdes ainsi que des variétés tétraploïdes. Du fait de leur teneur


élevée en eau, les variétés tétraploïdes conviennent moins bien à la conservation et sont donc de préférence utilisées pour la production de fourrage vert. Le trèfle violet donne un fourrage riche en énergie et en protéines (Daccord et al. 2002), s’il n’est pas exploité trop tard. Car la digestibilité, et par conséquent la teneur en énergie et en protéine, diminuent considérablement avec la durée de croissance, comme c’est le cas pour la luzerne ou les graminées. Des coupes fréquentes améliorent donc la qualité du fourrage (Schubiger et Lehmann 1994a), mais peuvent néanmoins réduire la persistance de la plante. Une première coupe au stade où un quart des boutons floraux a pris une couleur violette constitue un bon compromis entre persistance et qualité du fourrage. Les coupes suivantes devraient si possible avoir lieu après sept à huit semaines. Tiges à partir du collet Le trèfle violet hiverne au stade de la rosette. Celle-ci se forme au ras du sol autour du collet, qui est en fait la tige principale. C’est de là que les tiges prennent naissance au printemps et après la fauche. Si cette partie de la plante est abîmée, toute la plante peut mourir. C’est pourquoi un fauchage ras n’est pas bon pour la persistance de la plante. Pour la même raison, le trèfle violet ne convient pas pour le pâturage, à l’exception de celui dit pour la pâture. Actuellement, il n’en existe qu’une seule variété sur le marché. Ce type de trèfle violet a quelques propriétés du trèfle violet sauvage des pâturages jurassiens et du trèfle violet longue durée. Il est susceptible de prospérer surtout dans les pâturages qui contiennent peu d’azote du fait des règles d’exploitation, ainsi que dans les pâturages plutôt secs. Racines profondes Grâce à ses racines pivotantes pouvant atteindre un mètre de profondeur, le trèfle violet supporte relativement bien les périodes de sécheresse. C’est pourquoi les mélanges de graminées et de trèfle violet longue durée jouent un grand rôle pour les rendements des sites parfois affectés par la sécheresse estivale. Par rapport à la luzerne, le trèfle violet est un peu moins tolérant à la sécheresse, mais il résiste nettement mieux à l’humidité. Pour des rendements élevés, le trèfle violet a besoin de sols profonds, plutôt lourds et frais. Une réaction de la solution du sol avec un pH d’au moins 6 est un avantage. Comme le trèfle violet peut puiser son azote dans l’atmosphère grâce à des rhizobactéries (Rhizobium leguminosarum biovar. trifolii), les peuplements qui en sont riches peuvent se passer totalement des engrais azotés (Nyfeler et al. 2011). En revanche, le trèfle violet a besoin de suffisamment de phosphore et de potassium.

Résumé

Examen variétal du trèfle violet: nets progrès | Production végétale

Lors des essais variétaux réalisés de 2011 à 2013 sur six sites différents avec 30 nouvelles obtentions et 24 variétés de trèfle violet (Trifolium pratense L.) déjà recommandées, Agroscope a constaté de nets progrès dans la sélection. Les caractéristiques évaluées étaient le rendement, l’aspect général, la vitesse d’installation, la résistance aux maladies foliaires, la tolérance aux conditions hivernales ainsi que la persistance. Parmi les variétés de longue durée, les variétés diploïdes «TP 0425» et «TP 0445» ont obtenu des résultats permettant une recommandation, de même que les variétés tétraploïdes «TP 0645» et «TP 0486». Parmi les variétés de courte durée, les variétés diploïdes «Bonus», «TP 0725», «Regent», «Harmonie», «AberClaret», «Garant» et «Dimanche» ont elles aussi obtenu des résultats suffisants pour une recommandation, de même que les variétés tétraploïdes, «Magellan», «Hammon» et «Atlantis». Les nouvelles obtentions «TP 0425», «TP 0445», «TP 0645», «TP 0486» et «TP 0725» doivent encore passer les tests de distinction, d’homogénéité et de stabilité avant de pouvoir être recommandées. Les variétés «Corvus», «Larus», «Suez», ­«Slavoj», «Sigord» et «Maro» ne remplissent plus les exigences pour une recommandation et doivent donc être radiées de la liste des variétés recommandées de plantes fourragères. Elles pourront encore être utilisées comme variétés recommandées jusqu’à fin 2016.

La résistance aux maladies est décisive Les maladies les plus dangereuses sont notamment la sclérotiniose (Sclerotinia trifoliorum) – la menace la plus importante en hiver à part les gelées – et l’anthracnose (anthracnose septentrionale Kabatiella caulivora, anthracnose du sud Colletotrichum trifolii; fig. 2; Schubiger et al. 2004). Ces maladies ont une grande influence sur la persistance des variétés de trèfle. Enfin, les variétés souffrent plus ou moins des attaques de l’oïdium (Erysiphe poligoni), du mildiou (Peronospora trifolii), de la stemphyliose (Stemphylium sarcinaeforme) et occasionnellement de la maladie des taches de suie (Camadothea trifolii; Michel et al. 2000). Certaines variétés de trèfle violet peuvent afficher des teneurs élevées de for-

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 272–279, 2014

273


Production végétale | Examen variétal du trèfle violet: nets progrès

notes à l’aide d’un procédé statistique (Suter et al. 2013). La note de la force de concurrence a été calculée à partir de la part de la variété à tester dans le rendement, selon la formule suivante: Note = 9 – 0,08 × part relative du rendement (%)

Figure 2 | Anthracnose du sud (Colletotrichum trifolii) sur du trèfle violet. Cette maladie importante peut avoir une grande influence sur la persistance des variétés touchées. (Photo: Daniel Suter, Agroscope)

mononétine, un phytoestrogène (Schubiger et Lehmann 1994b). Comme on ne peut exclure des troubles de la fertilité chez les animaux qui reçoivent des rations de fourrage riches en trèfle violet en continu, les variétés qui contiennent peu de formononétine sont particulièrement recherchées.

Matériel et méthodes Test en plein champ De 2011 à 2013 compris, Agroscope a réalisé des essais variétaux comparatifs sur six sites différents. Ces essais portaient sur 30 nouvelles obtentions et 24 variétés recommandées de trèfle violet. Le but était de trouver les variétés les mieux adaptées aux conditions de culture en Suisse. La plupart des observations ont été effectuées sur des semis purs dans de petites parcelles de 1,5 × 6 mètres (fig. 3). Comme dans la production fourragère suisse, les plantes sont semées en mélanges, les informations relatives à la force de concurrence des variétés sont importantes. Dans les associations standardisées avec ray-grass hybride et de dactyle, la force de concurrence de la variété testée a été évaluée en relevant la part de la variété dans le rendement du mélange. Tous les essais ont été effectués sans fumure azotée. Le tableau 1 comprend d’autres informations sur les variétés testées et le semis. Les propriétés ont été évaluées sur une échelle allant de 1 à 9, 1 étant la meilleure note et 9 la moins bonne. L’aspect général du peuplement (densité, prolifération, homogénéité), la vitesse d’installation, la résistance aux maladies foliaires, la tolérance aux conditions hivernales ainsi que la persistance (correspond à l’aspect général de la culture au terme de la période d’essai) ont fait l’objet d’estimations. Afin d’évaluer le rendement annuel, le rendement en matière sèche a été converti en

274

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 272–279, 2014

Pour compléter l’évaluation, les variétés ont été réparties en trèfle violet longue durée et trèfle violet courte durée en fonction de leur persistance: les variétés qui se distinguaient significativement des variétés de trèfle violet longue durée recommandées jusqu’ici ont été classées dans la catégorie trèfle violet courte durée. Ces deux groupes ont ensuite chacun été subdivisés en un groupe de variétés diploïdes et un groupe de variétés tétraploïdes. Indice d’évaluation global Un indice permet de comparer les variétés au sein d’un même groupe. Pour y parvenir, on a établi la moyenne des notes des différentes propriétés. Le rendement, l’aspect général, la résistance à l’anthracnose et la tolérance aux conditions hivernales comptent double par rapport aux autres caractéristiques. Dans le cas du trèfle longue durée, la persistance compte double elle aussi. Une nouvelle variété est inscrite dans la «Liste des variétés recommandées» (Frick et al. 2012) si sa valeur d’indice global est d’au moins 0,20 points au-dessous de la moyenne des variétés déjà recommandées (témoin). Une variété déjà recommandée est éliminée si son indice global est dépasse de plus de 0,20 points la moyenne des variétés témoins (valeur plus élevée = propriétés plus mauvaises).

Figure 3 | Essai variétal avec du trèfle violet: première pousse durant la deuxième année d’exploitation principale. La différence de qualité du peuplement est évidente. (Photo: Daniel Suter, Agroscope)


Examen variétal du trèfle violet: nets progrès | Production végétale

Tableau 1 | Trèfle violet: caractéristiques des essais variétaux terminés en 2013

Lieu, canton

Altitude (m)

Date de semis

Changins, VD

430

12/04/2011

Nombre de répétitions

Nombre de coupes pesées

pure

mélange

2012

2013

1*

2

– 4

1)

2)

Rümlang, ZH

450

20/04/2011

4

3

4

Oensingen, SO

460

11/04/2011

4

4

4

Ellighausen, TG

520

15/04/2011

4

3

4

4

Goumoëns, VD

630

13/04/2011

3

4

La Frêtaz, VD

1200

19/04/2011

3

3

Notation de l’indice de précocité. Culture pure: 200 g/100 m2 trèfle violet (variété «Formica» comme variété témoin pour la quantité de semis) 2 Mélange: 50 g/100 m2 trèfle violet (variété «Formica» comme variété témoin pour la quantité de semis) + 60 g/100 m2 dactyle «Prato» + 60 g/100 m2 ray-grass hybride «Dorcas» * 1

Résultats et discussion Nouvelles obtentions avec de meilleures notes Les deux nouvelles obtentions «TP 0425» et «TP 0445» sont arrivées en tête de classement pour plusieurs caractéristiques (tabl. 2). «TP 0425» s’est ainsi distinguée par le meilleur rendement, un aspect général excellent, la meilleure persistance et une tolérance aux conditions hivernales qui n’a été dépassée que par la variété déjà recommandée «Milvus». Seule la résistance aux maladies foliaires n’a pas obtenu d’aussi bonnes notes. Au final, «TP 0425» a obtenu un meilleur indice que le témoin (0,50 points en dessous). «TP 0445» a obtenu des résultats similaires: cette variété se classait au niveau de «TP 0425» pour l’aspect général et venait juste après pour la vitesse d’installation et la résistance à l’anthracnose. La différence entre les deux variétés était un peu plus marquée en ce qui concerne la persistance avec 0,3 points, mais cela a néanmoins suffi pour une deuxième place dans cette propriété. L’indice de «TP 0425» est légèrement plus faible que celui de la variété déjà recommandée «Lestris», mais tout de même meilleur l’indice du témoin (0,4 points en dessous). Ces deux nouvelles obtentions sont encore en train de subir les tests de distinction, d’homogénéité et de stabilité à l’étranger. Ce n’est qu’après avoir réussi cet examen que les variétés pourront être commercialisées et recommandées. A signaler aussi que désormais, des variétés issues d’autres régions européennes comme «Van» ou «Spurt» atteignent une très bonne persistance et peuvent donc être classées dans la catégorie trèfle violet longue durée. Hélas, leur rendement noté 3,57 et 3,67 n’a pas atteint

l’indice de 3,18 nécessaire pour une recommandation (valeur plus basse = meilleures propriétés). La variété «Corvus», recommandée jusqu’à présent, doit être radiée de la liste des variétés recommandées, car elle n’a pas atteint l’indice nécessaire pour une recommandation. Elle pourra encore être utilisée comme «variété recommandée» jusqu’à fin 2016. La variété «Formica» continue à être recommandée en dépit de certaines faiblesses car elle présente une teneur particulièrement basse en formononétine (tabl. 2). Trèfle violet pour la pâture: une seule variété Le trèfle violet pour la pâture «Pastor» (tabl. 2) occupe toujours une position à part. Il reste à espérer que la gamme s’élargisse à l’avenir et accueille de nouvelles obtentions afin de pouvoir offrir davantage de possibilités d’utilisation de ce type intéressant de trèfle violet. Longue durée, tétraploïde: en net progrès Dans le groupe du trèfle violet longue durée tétraploïde, les progrès de sélection sont aussi très nets. La nouvelle obtention «TP 0645» a obtenu la meilleure note pour l’aspect général et arrive en deuxième position pour le rendement, derrière la variété déjà recommandée «Elanus» (tabl. 2). Pour les caractéristiques importantes que sont la persistance et la résistance à l’anthracnose, elle arrive en tête du classement, avec 1,2 points de moins que les variétés témoins pour la persistance (valeur plus basse = meilleures propriétés)! La variété «TP 0486» a obtenu des résultats tout aussi bons. Ses notes de rendement et d’aspect général n’étaient que de 0,1 point plus mauvaises que celles de «TP 0645». «TP 0486» se caracté-

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275


Production végétale | Examen variétal du trèfle violet: nets progrès

Tableau 2 | Trèfle violet de longue durée: résultats des mesures de rendement et des observations de 2011 à 2013 Diploïde Variété (requérant)

Indice de précocité1

Classement2

Rendement3*

Aspect général*

Vitesse d’installation

Force de concurrence

Persistance*

Résistances/Tolérances: Conditions hivernales*

Anthra­c­ nose*

Maladies foliaires

Indice

1

Lestris (DSP, CH)

53b

1

2,5

2,7

3,4

4,8

3,0

4,4

1,2

2,9

2,97

2

Pavo (DSP, CH)

53b

1

3,5

2,6

3,3

4,8

3,3

4,4

1,2

2,7

3,13

3

Dafila (DSP, CH)

53b

1

3,1

2,7

3,3

4,9

3,2

4,5

1,3

3,3

3,16

4

Merula (DSP, CH)

61a

1

3,5

2,7

2,9

4,7

3,8

4,3

1,6

3,1

3,28 3,52

5

Milvus (DSP, CH)

53b

1

3,7

2,8

3,3

5,2

4,8

4,2

1,9

2,4

6

Corvus (DSP, CH)

61a

2/3

4,5

3,1

3,4

5,1

4,6

5,1

1,7

2,3

3,75

7

Formica4 (DSP, CH)

53b

1

4,5

3,0

3,3

4,9

5,0

4,7

2,3

2,3

3,81

Moyenne des témoins

3,6

2,8

3,3

4,9

3,9

4,5

1,6

2,7

3,38

8

TP 0425 (DSP, CH)

53b

1*

2,3

2,5

3,2

4,7

2,7

4,3

1,1

3,0

2,83

9

TP 0445 (DSP, CH)

53b

1*

2,8

2,5

3,1

4,8

3,0

4,5

1,2

2,8

2,98

10

Spurt (OSEVA UNI, CZ)

62a

3

3,5

3,0

3,7

5,1

4,5

5,2

1,3

2,4

3,57

11

Van (OSEVA UNI, CZ)

62a

3

4,3

2,9

3,6

5,4

4,4

5,4

1,1

2,6

3,67

Indice de précocité1

Classement2

Rendement3*

Aspect général*

Vitesse d’installation

Force de concurrence

Persistance*

53b

1

4,8

2,9

3,3

5,5

4,8

2,9

3,3

Rendement3*

Aspect général*

Pour la pâture, diploïde Variété (requérant) Pastor (DSP, CH)

1 Témoin

Résistances/Tolérances: Conditions hivernales*

Anthra­c­ nose*

Maladies foliaires

Indice

3,9

4,5

1,2

2,3

3,50

5,5

3,9

4,5

1,2

2,3

3,50

Vitesse d’installation

Force de concurrence

Persistance*

Longue durée, tétraploïde Variété (requérant)

Indice de précocité1

Classement2

Résistances/Tolérances: Conditions hivernales*

Anthra­c­ nose*

Maladies foliaires

Indice

1

Carbo (DSP, CH)

61a

1

2,2

2,4

2,4

4,5

3,2

5,0

1,8

2,0

2,93

2

Fregata (DSP, CH)

53b

1

2,5

2,5

2,4

4,6

3,3

4,6

1,8

2,2

2,95

3

Elanus (DSP, CH)

53b

1

1,9

2,6

3,0

4,8

3,8

4,4

1,6

2,4

2,98

4

Astur (DSP, CH)

61a

1

3,6

2,6

2,6

4,7

4,1

4,6

1,8

2,1

3,29

5

Larus (DSP, CH)

61a

2/3

3,6

2,6

2,5

4,4

4,5

5,0

2,1

1,9

3,41

Moyenne des témoins

2,7

2,5

2,6

4,6

3,8

4,7

1,8

2,1

3,11

6

TP 0645 (DSP, CH)

61a

1*

2,2

2,2

2,5

4,6

2,6

4,5

1,3

1,9

2,67

7

TP 0486 4 (DSP, CH)

61a

1*

2,3

2,3

2,5

4,2

3,0

4,5

1,5

2,3

2,78

8

TP 0345 (DSP, CH)

53b

3

2,6

2,7

2,6

4,6

3,7

4,5

1,6

2,3

3,04

9

Blizard (OSEVA UNI, CZ)

62a

4

3,2

2,9

3,1

4,8

4,5

5,5

1,4

2,3

3,49

10

Ostro (OSEVA UNI, CZ)

62b

4

3,8

2,9

3,6

4,8

4,8

5,4

1,5

2,1

3,64

Variétés en caractères gras = anciennes variétés recommandées. Notes: 1 = très élevé, très bon; 9 = très faible, très mauvais * Caractéristique comptant double dans le calcul de l’indice. 1 Indice de précocité: Le premier chiffre indique le mois, le second la décade et la lettre la partie de la décade (a = début, b = fin). Exemple: 53b = début épiaison du 26 au 31 mai. 2 Classement basé sur les résultats des essais: Classe 1 : Variété recommandée en Suisse Classe 1* : N e peut être recommandée qu'après avoir rempli les exigences légales pour une commercialisation en Suisse (voir Ordonnance du DEFR sur les semences et plants RS 916.151.1) Classe 2/3 : Ancienne variété recommandée déclassée en vue d'une radiation dès le 1er janvier 2017 Classe 3 : Variété ne satisfaisant pas à une recommandation. Variété moyenne, sans caractéristique particulièrement intéressante Classe 4: Variété ne satisfaisant pas à une recommandation. Variété ne convenant pas à la culture en Suisse 3 Notes de rendement: rendement annuel, 2012: 4 lieux, 4 coupes pesées, 2013: 3 lieux, 4 coupes pesées. 4 Variété à faible teneur en formononétine.

276

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 272–279, 2014


Examen variétal du trèfle violet: nets progrès | Production végétale

Tableau 3 | Trèfle violet de courte durée: résultats des mesures de rendement et des observations de 2011 à 2013 Diploïde Variété (requérant)

Indice de précocité1

Classement2

Rende- Aspect Vitesse ment3* général* d’installation

Force de concurrence

Persistance

Résistances/Tolérances: Conditions hivernales*

Anthra­c­ nose*

Maladies foliaires

Indice

1

Global (Freudenberger, DE)

62a

1

5,1

3,8

3,5

5,7

5,6

5,5

1,6

2,6

4,12

2

Diplomat (DSV, DE)

62a

1

5,3

3,8

3,6

5,5

6,1

5,6

1,8

2,4

4,20

3

Monaco (DSP, CH)

53b

1

5,3

3,8

3,4

5,4

5,8

5,4

2,2

2,9

4,22

4

Merian (Carneau, FR)

61b

1

5,9

4,2

3,2

5,7

6,7

5,8

1,5

3,2

4,46

5

Suez (Agrogen, CZ)

61b

2/3

6,4

4,3

3,6

5,7

7,1

6,1

1,8

2,9

4,71

6

Slavoj (Agrogen, CZ)

61b

2/3

6,8

4,8

4,0

6,2

7,3

6,4

1,9

2,7

4,99

5,8

4,1

3,6

5,7

6,4

5,8

1,8

2,8

4,45

61b

1

5,0

3,5

3,5

5,2

5,6

5,5

1,3

2,8

3,98

Moyenne des témoins 7

Bonus (Selgen, CZ)

8

TP 0725 (DSP, CH)

61a

1*

5,0

3,7

3,2

5,2

5,8

5,4

1,5

2,7

4,01

9

Regent (Carneau, FR)

62a

1

5,2

3,6

3,2

5,4

5,6

5,6

1,5

3,1

4,08

10

Harmonie (NPZ-Lembke, DE)

62a

1

4,6

3,8

3,5

5,2

5,4

6,1

1,5

3,1

4,11

11

AberClaret (Germinal Holdings, UK)

53b

1

5,1

3,8

3,3

5,1

6,0

5,6

2,0

2,5

4,17

12

Garant (Selgen, CZ)

61b

1

5,6

3,7

3,5

5,5

6,3

5,5

1,2

3,0

4,21

13

Dimanche (Caussade, FR)

53a

1

5,3

4,1

3,3

5,9

6,7

5,2

1,5

2,4

4,21

14

Himalia (HZ 80-06) (Životice, CZ)

61a

2

5,1

3,8

3,6

5,5

5,1

6,3

1,9

2,5

4,24

15

Kontiki (DSV, DE)

62a

3

5,5

3,9

3,7

5,5

6,0

6,0

1,7

2,7

4,35

16

Callisto (DLF Životice, CZ)

61a

3

5,8

3,9

3,4

5,5

6,6

5,8

1,9

2,4

4,39

17

Matris (Ferri, IT)

61b

3

5,4

4,5

3,4

5,4

7,5

5,8

2,3

2,4

4,55

18

Brisk (Selgen, CZ)

62a

3

6,6

4,5

3,8

5,8

7,3

5,7

1,8

2,6

4,73

19

Spadone gigante de santa marta (Padana, IT)

62a

3

7,3

4,9

2,6

5,1

7,2

5,7

1,9

2,4

4,75

20

Cyllene (DLF-Trifolium, DK)

53b

3

6,2

4,4

4,1

5,7

6,7

5,8

2,4

3,0

4,76

21

Quinequeli (Cozzi, IT)

61a

3

7,2

4,6

3,4

5,7

7,6

5,6

1,9

2,3

4,79

22

Uno (Continental, IT)

62a

4

7,4

5,0

3,6

5,8

7,9

6,4

1,6

2,2

5,03

23

Vyciai (Agrolitpa, LT)

62a

4

8,3

5,6

4,1

6,1

8,3

6,7

2,4

3,3

5,64

Indice de précocité1

Classement2

Force de concurrence

Persistance

Maladies foliaires

Indice

Tétraploïde Variété (requérant)

Rende- Aspect Vitesse ment3* général* d’installation

Résistances/Tolérances: Conditions hivernales*

Anthra­c­ nose*

1

Tedi (Agri Obtentions, FR)

53b

1

5,5

3,4

2,8

4,8

6,2

5,5

2,4

2,1

4,10

2

Taifun (SZ-Steinach, DE)

62a

1

7,0

4,7

3,3

5,5

7,5

6,5

2,2

2,4

4,95 5,07

3

Titus (SZ-Steinach, DE)

62a

1

7,2

4,9

3,0

5,6

7,5

6,1

2,9

2,5

4

Sigord (SCPV VÚRV, SK)

62b

2/3

7,3

4,8

3,6

5,5

7,4

6,5

2,7

2,3

5,12

5

Maro (NPZ-Lembke, DE)

62a

2/3

8,0

4,9

3,7

5,4

7,5

6,3

2,9

2,3

5,26

7,0

4,5

3,3

5,4

7,2

6,2

2,6

2,3

4,90

Moyenne des témoins 6

Magellan (DLF-Trifolium, DK)

62a

1

5,5

3,9

3,1

5,3

6,4

5,9

2,8

2,2

4,44

7

Hammon (Veles) (Innoseeds, NL)

61b

1

6,1

3,9

3,4

5,2

6,6

5,9

2,4

2,5

4,55

8

Atlantis (NPZ-Lembke, DE)

62a

1

5,8

4,3

3,3

5,1

6,6

6,2

2,4

2,3

4,55

9

Quatro (Continental, IT)

62a

4

7,5

5,5

4,1

5,6

7,8

6,7

2,8

2,5

5,41

Variétés en caractères gras = anciennes variétés recommandées. Notes: 1 = très élevé, très bon; 9 = très faible, très mauvais. * Caractéristique comptant double dans le calcul de l’indice. 1 Indice de précocité: Le premier chiffre indique le mois, le second la décade et la lettre la partie de la décade (a = début, b = fin). Exemple: 53b = début épiaison du 26 au 31 mai. 2 Classement basé sur les résultats des essais: Classe 1 : Variété recommandée en Suisse Classe 1* : Ne peut être recommandée qu'après avoir rempli les exigences légales pour une commercialisation en Suisse (voir Ordonnance du DEFR sur les semences et plants RS 916.151.1) Classe 2 : Variété de remplacement. Bien que cette variété atteint l'indice nécessaire pour une recommandation, elle ne peut pas être recommandée en raison de la limitation du nombre de variétés recommandées. En cas de retrait d'une variété recommandée, la meilleure variété de classe 2 entre automatiquement dans la «liste des variétés recommandées de plantes fourragères». Classe 2/3 : Ancienne variété recommandée déclassée en vue d'une radiation dès le 1er janvier 2017 Classe 3: Variété ne satisfaisant pas à une recommandation. Variété moyenne, sans caractéristique particulièrement intéressante Classe 4: Variété ne satisfaisant pas à une recommandation. Variété ne convenant pas à la culture en Suisse 3 Notes de rendement: rendement annuel, 2012: 4 lieux, 4 coupes pesées, 2013: 3 lieux, 4 coupes pesées.

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 272–279, 2014

277


Production végétale | Examen variétal du trèfle violet: nets progrès

risait par une bonne tolérance aux conditions hivernales, ce qui lui a permis de se classer en deuxième position, avec «TP 0645». Sa persistance était un peu moins bonne que celle de «TP 0645», mais tout de même 0,8 points au-dessous de celle des variétés témoins. Enfin, sa faible teneur en formononétine est également intéressante. Les excellentes performances de ces deux nouvelles obtentions leur ont permis d’obtenir un meilleur indice que celui du témoin, 0,44 points en dessous pour «TP 0645» et 0,33 points en dessous pour «TP 0486». A signaler, les variétés «Blizard» et «Ostro» – deux nouvelles variétés persistantes inscrites aux tests – ne proviennent pas de la région typique du trèfle violet longue durée. Hélas, aucune d’elles n’a atteint l’indice nécessaire pour une recommandation. La variété déjà recommandée «Larus» n’a atteint l’indice de 3,32 nécessaire pour une recommandation et sera donc radiée de la liste. Elle pourra encore être utilisée comme «variété recommandée» jusqu’à fin 2016 (tabl. 2). Courte durée, diploïde: plus de variétés Sept nouvelles obtentions remplissent les conditions agronomiques nécessaires à une recommandation. Parmi les trèfles violets courte durée, diploïdes, la variété «Bonus» s’est distinguée avec 3,5 points pour l’aspect général, ce qui lui a valu le premier rang pour cette propriété (tabl. 3). Elle s’est classée au deuxième rang pour le rendement, la force de concurrence et la résistance à l’anthracnose. Ses performances se sont traduites par un indice inférieur de près d’un demi-point à celui du témoin. «Bonus» est suivie par «TP 0725», qui arrive en deuxième position et a obtenu des notes aussi bonnes pour le rendement et pour la force de concurrence, ainsi que de très bons résultats pour la vitesse d’installation et la tolérance aux conditions hivernales. Hélas, cette variété n’a pas encore réussi l’examen d’enregistrement, c’est pourquoi une recommandation n’est pas possible pour l’instant. La nouvelle obtention «Regent» a donné de beaux peuplements, ce qui lui a valu le deuxième rang pour l’aspect général. La variété «Harmonie» a fourni un rendement très élevé. «AberClaret» s’est distingué par une force de concurrence élevée et le troisième meilleur rendement. La variété «Garant» se caractérisait par une très bonne résistance à l’anthracnose et est également arrivée aux premiers rangs pour l’aspect général. La nouvelle obtention «Dimanche» était la variété la plus tolérante aux conditions hivernales dans ce groupe. Citons encore la variété «Himalia». Elle remplit certes les exigences agronomiques nécessaires à une recommandation, mais ne peut actuellement être utilisée que comme variété de remplacement en raison du nombre limité de variétés recommandées. Les deux

278

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 272–279, 2014

variétés «Suez» et «Slavoj» recommandées jusqu’ici ne remplissent plus les exigences nécessaires pour une recommandation et seront donc radiées de la liste des variétés recommandées de plantes fourragères. Elles pourront encore être utilisées comme «variétés recommandées» jusqu’à fin 2016 (tabl. 3). Courte durée, tétraploïde: grandes améliorations Sur quatre nouvelles obtentions, trois ont satisfait les exigences agronomiques nécessaires à une recommandation. La variété «Magellan» s’est particulièrement distinguée en obtenant la meilleure note pour le rendement et la deuxième note pour l’aspect général. Son indice est meilleur que celui du témoin (0,46 points en dessous) et se classe derrière celui de la variété déjà recommandée «Tedi» (tabl. 3). Cette dernière a décroché la première place pour sept des huit propriétés et une excellente deuxième place pour la résistance à l’anthracnose. «Magellan» est suivie par «Hammon», qui s’est classée deuxième de toutes les variétés de trèfle courte durée tétraploïdes pour les principales propriétés, aspect général, tolérance aux conditions hivernales et résistance à l’anthracnose. La troisième nouvelle variété recommandée, «Atlantis», s’avère également aussi résistante à l’anthracnose que «Hammon»; sa force de concurrence est au-dessus de la moyenne et son rendement arrive en deuxième position dans ce groupe. Les performances des deux variétés déjà recommandées «Sigord» et «Maro» étaient chacune inférieures de plus de 0,20 points à celles du témoin, ce qui a conduit à leur radiation de la liste. Elles aussi pourront encore être utilisées comme «variétés recommandées» jusqu’à fin 2016 (tabl. 3).

Conclusions Les résultats indiquent de nets progrès dans la sélection. L’amélioration de la résistance à l’anthracnose et de la tolérance aux conditions hivernales est particulièrement frappante. Elle y est sans doute pour beaucoup dans l’amélioration du rendement annuel, de la force de concurrence et de la persistance. Le fait que désormais des variétés doivent être classées comme trèfle violet longue durée alors qu’elles n’ont pas été sélectionnées dans la région typique permet de le supposer. n


Esame delle varietà di trifoglio violetto: notevoli progressi Nelle prove varietali eseguite dal 2011 al 2013 in sei siti su 30 nuove coltivazioni e 24 varietà già raccomandate di trifoglio violetto (Trifolium pratense L.), Agroscope ha constatato notevoli progressi nella coltivazione. Le seguenti caratteristiche sono state prese in considerazione: resa, qualità del popolamento, sviluppo giovanile, resistenza alle malattie fogliari, resistenza allo svernamento e persistenza. I risultati che consentono di formulare una nuova raccomandazione sono stati ottenuti con le varietà poliennali nel tipo diploide «TP 0425» e «TP 0445», nel tipo tetraploide «TP 0645» e «TP 0486», con le varietà biennali nel tipo diploide «Bonus», «TP 0725», «Regent», «Harmonie», «AberClaret», «Garant» e «Dimanche» nonché nel tipo tetraploide «Magellan», «Hammon» e «Atlantis». Le nuove coltivazioni «TP 0425», «TP 0445», «TP 0645», «TP 0486» e «TP 0725» devono ancora essere sottoposte all’esame della distinguibilità, omogeneità e stabilità delle loro caratteristiche, prima di potere essere raccomandate. Le varietà «Corvus», «Larus», «Suez», «Slavoj», «Sigord» e «Maro» non soddisfano più i requisiti e vengono pertanto tolte dalla lista delle varietà raccomandate di piante foraggere, tuttavia possono ancora essere impiegate come varietà raccomandate fino alla fine del 2016.

Bibliographie ▪▪ Daccord R., Arrigo Y., Jeangros B., Scehovic J., Schubiger F. X. & Lehmann J., 2002. Nährwert von Wiesenpflanzen: Energie- und Proteinwert. ­A grarforschung 9 (1), 22–27. ▪▪ Finn J. A., Kirwan L., Connolly J. et al., 2013. Ecosystem function enhanced by combining four functional types of plant species in intensively ­managed grassland mixtures: a 3-year continental-scale field experiment. Journal of Applied Ecology 50, 365–375. ▪▪ Frick R., Bertossa M., Suter D. & Hirschi H., 2012. Liste 2013–2014 des variétés recommandées de plantes fourragères. Recherche Agronomique Suisse 3 (10), encart, 1–8. ▪▪ Lehmann J., Briner H. U., Schubiger F. X. & Rosenberg E., 1994. Bewirtschaftungsintensität im Kunstfutterbau. Agrarforschung 1 (4), 163–166. ▪▪ Lüscher A., Finn J. A., Connolly J. et al., 2008. Benefits of sward diversity for Agricultural grasslands. Biodiversity 9 (1/2), 29–32. ▪▪ Michel V., Schori A., Mosimann E., Lehmann J., Boller B. & Schubiger F., 2000. Krankheiten der Futtergräser und Futterleguminosen. Agrarforschung 7 (2), I–XII. ▪▪ Mosimann E., Frick R., Suter D. & Rosenberg E., 2012. Mélanges standard pour la production fourragère. Révision 2013–2016. Recherche ­A gronomique Suisse 3 (10), encart, 1–12.

Summary

Riassunto

Examen variétal du trèfle violet: nets progrès | Production végétale

Substantial progress in variety testing with red clover Agroscope noted significant breeding progress in the variety tests with 30 new cultivars and 24 already recommended varieties of red clover (Trifolium pratense L.) conducted at six locations from 2011 to 2013. Yield, vigour, juvenile development, resistance to leaf diseases, winter-hardiness and persistence were all evaluated. For the persistent varieties («Mattenklee» type), results allowing for recommendation were obtained by the diploids «TP 0425» and «TP 0445» as well as by the tetraploids «TP 0645» and «TP 0486», whilst in the short-lived varieties (common red clover), success was achieved by the diploids «Bonus», «TP 0725», «Regent», «Harmonie», «AberClaret», «Garant» and «Dimanche», and by the tetraploids «Magellan», «Hammon» and «Atlantis». The new cultivars «TP 0425», «TP 0445», «TP 0645», «TP 0486» and «TP 0725» have yet to pass the test for distinctness, uniformity and stability of traits before they can be recommended. The varieties «Corvus», «Larus», «Suez», «Slavoj», «Sigord» and «Maro» no longer satisfy the requirements, and are being deleted from the List of Recommended Varieties of Forage Plants. They may, however, still be used as recommended varieties until the end of 2016. Key words: Trifolium pratense, red clover, variety testing, yield, disease resistance, persistence.

▪▪ Nyfeler D., Huguenin-Elie O., Suter M., Frossard E., Connolly J. & Lüscher A., 2009. Strong mixture effects among four species in fertilized agricultural grassland led to persistent and consistent transgressive overyielding. Journal of Applied Ecology 46, 683–691. ▪▪ Nyfeler D., Huguenin-Elie O., Suter M., Frossard E. & Lüscher A., 2011. Grass-legume mixtures can yield more nitrogen than legume pure stands due to mutual stimulation of nitrogen uptake from symbiotic and non-symbiotic sources. Agriculture, Ecosystems and Environment 140, 155–163. ▪▪ Schubiger F. X., Alconz E., Streckeisen Ph. & Boller B., 2004. Resistenz von Rotklee gegen den südlichen Stängelbrenner. Agrarforschung 11 (5), 168–173. ▪▪ Schubiger F. X. & Lehmann J., 1994a. Futterwert unterschiedlich genutzter Klee-Gras-Gemenge. Agrarforschung 1 (4), 167–170. ▪▪ Schubiger F. X. & Lehmann J., 1994b. Stoffe mit östrogener Wirkung in Rotkleesorten. Agrarforschung 1 (8), 361–363. ▪▪ Suter D., Hirschi H. U., Frick R. & Aebi P., 2013. Dactyle: résultats de l’examen de 31 variétés. Recherche Agronomique Suisse 4 (7/8), 324–329.

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 272–279, 2014

279


P r o d u c t i o n

v é g é t a l e

Essais variétaux et culturaux sur le pavot d’hiver Jürg Hiltbrunner, Christine Herzog, Carolin Luginbühl et Thomas Hebeisen Agroscope, Institut des sciences en production végétale IPV, 8046 Zurich, Suisse Renseignements: Jürg Hiltbrunner, e-mail: juerg.hiltbrunner@agroscope.admin.ch

Figure 1 | Couleur des fleurs de la variété Josef (premier plan) par rapport aux fleurs violettes des variétés Zeno au second plan. (Photo: Jürg Hiltbrunner, Agroscope)

Introduction En dépit du marché potentiel pronostiqué (Frick et Hebeisen 2005), la culture du pavot (Papaver somniferum L.) reste insignifiante en Suisse. Pourtant, l’huile, dont le goût est apprécié, se vend à des prix corrects, et les pâtisseries aux graines de pavot se développent de plus en plus. Néanmoins, la surface cultivée en pavot ne représente que quelques hectares en Suisse et n’est pas comptée dans les statistiques jusqu’à présent. La culture du pavot a connu son heure de gloire pendant la Deuxième Guerre mondiale, lorsqu’elle servait à l’auto-approvisionnement en huile. A cette

280

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 280–285, 2014

époque, elle représentait encore environ 1300 ha (Koblet 1965). A l’issue de cette période, cette culture a disparu relativement rapidement de nos paysages agricoles. Témoin de la culture nationale de cette plante, une capsule de pavot orne encore les armoiries du village de Mägenwil (AG). En 2012, la production mondiale de graines de pavot représentait une surface cultivée d’environ 70 000 ha (FAO 2014). La surface significative consacrée à la production d’opiacées n’est pas prise en compte dans cette statistique. Les rendements moyens dans les pays oscillaient entre 2,8 et 20,4 dt/ha dans les années 2003–2012 (FAO 2014). De 2010 à 2012, la quantité de graines de pavot importées en Suisse est restée très stable et s’élevait environ à 120 t par an. Les six principaux pays producteurs durant les quatre dernières années étaient l’Allemagne, la Turquie, la France, la Hollande, l’Autriche et la République tchèque (AFD 2014). Ces importations suffisaient à couvrir plus de 90 % des besoins de la Suisse en pavot – pour la production d’huile ou de graines pour les pâtisseries. Les principaux défis de la culture du pavot sont d’une part la régulation des adventices (notamment dans l’agriculture biologique), car les plantes ont une installation très lente, et d’autre part une densité de peuplement optimale et régulière. Les très petites graines (poids de mille grains d’env. 0,5 g) posent des exigences très élevées en matière de technique de semis et de préparation du lit de semences. Indépendamment du type de pavot, aujourd’hui la Suisse manque d’expérience pratique et de connaissances sur cette culture. Or, le pavot possède un potentiel intéressant, car outre la valeur de la graine d’un point de vue nutritionnel (p. ex. teneur en acide linoléique et oligo-éléments), sa culture présente des avantages en matière d’assolement. Botaniquement parlant, le pavot fait partie d’une espèce distincte des grandes cultures pratiquées chez nous et peut donc soulager les assolements intensifs quant à la pression des maladies et de ravageurs. Le pavot peut aussi mettre en valeur le paysage grâce à la couleur unique de ses fleurs (fig. 1).


Au cours d’essais précédents réalisés en Suisse, seuls des types de pavot de printemps ont été comparés (Frick et Hebeisen 2005). Depuis la fin des années 1990, il existe également des variétés d’hiver qui proviennent des programmes de sélection autrichiens. Sous nos latitudes, ce type de variétés est supposé avoir un potentiel de rendement plus élevé que les variétés de printemps. L’étude a servi à clarifier la question des variétés de pavot d’hiver, mais a également traité les questions liées à la technique de culture, comme la densité et la technique de semis.

Matériel et méthode Installation des essais La majorité des essais sur de petites parcelles a été réalisée sur une exploitation certifiée bio (label Bourgeon) à Zurich-Seebach (ZH). L’essai sur les techniques culturales a été réalisé sur un deuxième site, à Flawil (SG), exploité selon les conditions PI. A une exception près (2007), le semis a toujours eu lieu durant la deuxième semaine de septembre, avec un interligne de 0,18 m. Au total, 80 kg N/ha ont été épandus en deux apports (60 kg N/ha au début de la végétation au printemps et 20 kg N/ha lors de la montaison). Sur le site biologique, le produit Biorga a été utilisé et, sur le site PI, des engrais minéraux du commerce. Sur le site bio, une régulation mécanique de la flore adventice a été réalisée (2 à 3 passages de sarcleuse, parfois combinés avec une herse-étrille), sur le site PI, à l’aide d’herbicides. Si nécessaire, les mauvaises herbes étaient également arrachées à la main. Pour éviter les zones lacunaires dues aux dégâts de limaces dans les parcelles, des granulés anti-limaces ont été épandus de manière préventive. Les essais variétaux réalisés de 2007 à 2009 ont ­permis de comparer les variétés à faible teneur en morphine Zeno, Zeno Morphex, Zeno 2002 (sélectionneur: G. Dobos, A; couleur des fleurs: violet, type à capsule fermée). De 2008 à 2009, la variété à faible teneur en morphine Josef (sélectionneur: RWA Raiffeisen Ware Austria, A; couleur des fleurs: violet pâle, type à capsule fermée) est venue s’ajouter aux autres (fig. 1). Pour toutes les variétés, la quantité de semis était de 4,45 kg/ha. Une deuxième série d’essais a été établie en 2009 pour étudier les effets de densités de semis ou de techniques de semis différentes. Il a été pratiqué de même en 2010 et 2011, toujours avec la variété Zeno 2002. Un semoir maraîcher Sembdner et un semoir Hege ont été utilisés pour des semis en ligne. Ils ont été comparés à un semoir Krummenacher (semis en planche). Deux densités de semis différentes (3,2 et 0,75 kg/ha) ont été utili-

Résumé

Essais variétaux et culturaux sur le pavot d’hiver | Production végétale

Le pavot (Papaver somniferum L.) est une culture traditionnelle en Suisse. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il était encore cultivé sur près de 1300 ha pour l’auto-­ approvisionnement du pays en huile comestible. Aujourd’hui, la culture du pavot en Suisse ne représente plus que quelques hectares. Avec la politique agricole 2014–2017, la culture du pavot est désormais encouragée par la contribution pour les oléagineux (700 CHF/ha). Agroscope a comparé les variétés d’hiver à faible teneur en morphine Zeno, Zeno Morphex, Zeno 2002 et Josef. Les effets de la densité de semis et de différentes techniques ont été testés sur le rendement de la variété Zeno 2002. L’étude montre que le pavot d’hiver peut également être cultivé en Suisse. Dans de bonnes conditions, il peut fournir des rendements intéressants d’environ 15 dt/ha. Pour la réussite de la culture, il est essentiel que les conditions les plus favorables soient réunies pour une levée au champ rapide et régulière. Selon les conditions pédoclimatiques, la richesse en éléments nutritifs et la pression des adventices, les techniques culturales et la densité de semis optimales ne sont pas les mêmes. Il est impérativement recommandé de rouler le sol avant le semis. Le pavot sortira-t-il de son long sommeil grâce au soutien de la politique agricole 2014–2017? L’avenir le dira.

sées avec la machine de semis en ligne, trois avec le semoir Sembdner (3,5; 1,5 et 0,75 kg/ha) et une seule avec le semoir Krummenacher (3,2 kg/ha). Les expériences réalisées durant les essais variétaux ont conduit à réduire la quantité maximale de semences dans ces essais de 4,45 à environ 3,5 kg/ha. La récolte a eu lieu entre le 10 et le 22 juillet à l’aide d’une moissonneuse adaptée aux petites parcelles. La récolte de 2007 fait exception puisqu’elle a été réalisée le 29 juin. Les parcelles de 25 m² ont été disposées en blocs randomisés complets à un facteur et trois répétitions.

Résultats et discussions Influence de la variété En moyenne de toutes les variétés, les rendements les plus élevés des trois années d’essais ont été obtenus en 2007, avec environ 12 dt/ha (fig. 2). Les deux années suivantes, la moyenne était d’environ 7,5 dt/ha. Les différences entre les variétés n’étaient statistiquement signi- 

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Production végétale | Essais variétaux et culturaux sur le pavot d’hiver

16

24

14

22

Rendement en graines (dt/ha)

18

10

16 8 14 6

12

4

10

2 0

8 a

b

a

Zeno

Zeno Morphex

Zeno 2002

ab Josef

6

Humidité du grain à la récolte (%)

20

12

Rendement 2007 Rendement 2008 Rendement 2009 Humidité 2007 Humidité 2008 Humidité 2009

Variétés Figure 2 | Rendement en graines (dt/ha avec 13 % H2O) et humidité du grain à la récolte (% H2O au moment de la récolte) de quatre variétés de pavot d’hiver dans les conditions de l’agriculture biologique sur le site de Zurich-Seebach (2007, 2008 et 2009). Des lettres différentes au sein des années indiquent des différences significatives (test HSD Tukey, P < 0,05). Les lignes correspondent à l’erreur standard.

ficatives qu’en 2008, la variété Zeno Morphex ayant obtenu le rendement le plus bas avec 4 dt/ha et la variété Zeno 2002 le rendement le plus élevé (9 dt/ha) (fig. 2). Les rendements les plus élevés se situaient à un niveau satisfaisant, sachant que les rendements attendus sont compris entre 10 et 15 dt/ha et que la moyenne des rendements européens sur 10 ans est de 7,6 dt/ha (FAO 2014). Comparés aux types de printemps (Frick et Hebeisen 2005), les types d’hiver testés durant ces essais n’ont pas obtenu des rendements supérieurs comme on l’espérait. Les variétés Zeno et Josef ont fourni des rendements stables au fil des ans. A noter que les rendements de Zeno étaient légèrement supérieurs à ceux de Josef. Du fait d’une installation lente de la culture, les interventions mécaniques pour la régulation des adventices n’ont pu avoir lieu qu’au printemps, compte tenu des conditions météorologiques et pédologiques. C’est pourquoi la pression des adventices était particulièrement élevée au début de la période de végétation, quelle que soit l’année. En dépit de l’arrachage manuel parfois effectué en complément du sarclage, toutes ces mesures avaient sans doute lieu trop tard pour pouvoir encore avoir une influence positive sur les rendements. Il faudrait sans doute accélérer le développement des plantes au début de la période de végétation en ayant recours à des engrais de ferme ou, dans les conditions des PER, en épandant des engrais azotés à action rapide. Les essais ne permettent pourtant pas de confirmer l’effet de telles mesures, car la fumure était basée exclusivement sur une fumure organique (Biorga).

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Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 280–285, 2014

Les variétés ne se différenciaient pas énormément en termes de précocité à maturité. L’humidité moyenne des semences au moment de la récolte était de 7 % (2008) et de 10 % (2009). Par manque d’expérience, la récolte 2007 a eu lieu un peu trop tôt. En principe, les plantes sont arrivées correctement à maturité, quelle que soit l’année, et la récolte s’est déroulée sans problèmes techniques. On a également pu observer que dans leurs capsules, les graines étaient bien protégées des fortes précipitations. Sur la base des expériences réalisées dans notre étude et dans d’autres zones de cultures, la variété Zeno 2002 peut désormais être recommandée. Les semences peuvent être commandées directement chez le sélectionneur (Dr. G. Dobos, Gentzgasse 129, 1180 Wien, A). Teneur en huile et profil des acides gras Les teneurs en huile des variétés de pavot d’hiver étudiées étaient de l’ordre de 45 %. L’acide linoléique représentait la part la plus importante de tous les acides gras, avec environ 72 % (fig. 3). Les profils d’acides gras des variétés de pavot d’hiver étudiées se situaient dans la même gamme que celles des types de printemps (Frick et Hebeisen 2005) et ne variaient pratiquement pas entre les variétés. Influence de la quantité et de la technique de semis Dans deux essais sur cinq, les quantités de semences les plus élevées (3,5 kg/ha) ont permis d’atteindre les meilleurs rendements avec l’un ou l’autres des semoirs selon le site et l’année (fig. 4). Avec 14 dt/ha (Zurich-Seebach


Essais variétaux et culturaux sur le pavot d’hiver | Production végétale

100

80

%

60

40

20

0 Zeno Morphex

Josef

Zeno 2002 Variétés

Zeno

Figure 3 | Profil d’acide gras des quatre variétés de pavot d’hiver comparées sur le site de Zurich-Seebach (2009). C16:0 = acide palmitique, C16:1 = acide palmitoléique. C17:0 = acide margarique, C18:0 = acide stéarique, C18:1 = acide oléique, C18:2 = acide linoléique, C18:3 = acide linolénique, C20:0 = acide arachidique.

2009, 2010 et 2011) et 17 dt/ha (Flawil 2009), de très bons rendements ont été atteints dans de bonnes conditions. En 2010, les rendements à Flawil (site PI) étaient relativement bas, ce qui s’explique par le sol pierreux et la levée irrégulière qui s’en est suivie. Bien que le sol ait été similaire en 2009 à Flawil, les conditions météorologiques plus favorables pendant la levée ont donné un meilleur peuplement, avec des répercussions directes sur le rendement. En 2011, à Zurich-Seebach (site bio), de faibles densités de semis ont permis d’atteindre des rendements d’environ 14 dt/ha, comparables aux rendements obtenus avec des densités de semis élevées. Avec de faibles quantités de semis, les plantes de pavot ont développé de plus grandes capsules, ce qui, dans le cas de densités de peuplement régulières, a également conduit à d’excellents rendements (fig. 4). Sur le site bio en 2010 et 2011 (r = –0,76; p < 0,001) comme sur le site PI en 2010 (r = –0,58; p < 0,05), une corrélation négative et statistiquement significative a été constatée entre la quantité de semis et le diamètre des capsules (fig. 4). Cette observation confirme que le développement des plantes est influencé par la densité de semis, voire par la densité du peuplement. Bien qu’avec le semoir Krummenacher, la levée au champ ait été relativement bonne et que les plantes aient été régulièrement réparties, la quantité de semences choisie a eu pour résultat un peuplement très dense, avec des plantes ayant tendance à être trop petites avec de très petites capsules (Zurich-Seebach;

fig. 4). La distribution des plantes sur une grande surface (semis en planche) n’a pas permis de réguler les adventices autrement qu’avec une herse-étrille en conditions bio; la parcelle était fortement envahie par les adventices car la première intervention n’a été possible qu’au printemps. Sur le site de Flawil, un très bon rendement a été obtenu en 2009 avec le semoir Krummenacher. Ce résultat s’explique sans doute ainsi: en raison du sol plutôt pierreux et des conditions plutôt difficiles qui en découlent pour le semis, la quantité élevée de semences a juste permis d’atteindre la densité de peuplement idéale. Par contre en 2010, le même procédé a donné un très mauvais rendement (fig. 4). On peut toutefois en conclure que la culture du pavot peut également réussir avec le semoir Krummenacher. Le semoir Sembdner présente aussi des propriétés intéressantes pour la culture du pavot. Avec une très faible quantité de semences, 0,75 kg/ha, des rendements satisfaisants n’ont été obtenus que dans un des trois essais. Comme cet outil a déjà un rouleau intégré, il n’est pas nécessaire de procéder au tassage du sol recommandé avant le semis. Ce système garantit, notamment par rapport au semoir Krummenacher, un enfouissement régulier des graines en profondeur. Dans l’ensemble, le semis en ligne a donné, suivant le site et l’année, un rendement en graines intéressant. Il faut notamment citer le semis en ligne dans les conditions de l’agriculture biologique avec une densité de semences élevée. C’est avec cette combinaison que les rendements les plus stables ont été réalisés durant les trois années d’essai (fig. 4). Les effets positifs potentiels d’une faible densité de semis plus sont très importants notamment dans l’agriculture biologique. La concurrence intra-spécifique moins marquée et l’investissement ciblé des éléments nutritifs disponibles en quantité limitée (notamment au début de la période de végétation) sur un plus petit nombre de plantes par mètre carré se traduisent au final par des plantes plus solides. Elles peuvent alors former des capsules plus grandes et faire plus d’ombre, tout au moins à un stade ultérieur, à la flore adventice. L’important est toutefois que jusqu’à la fin de la formation des rosettes, la concurrence des adventices puisse être jugulée ou tout au moins largement limitée et qu’il n’y ait pas de dégâts supplémentaires dus aux limaces pendant la levée ou au froid durant l’hiver. Lorsque les éléments nutritifs sont aisément disponibles, les peuplements plus denses sont moins problématiques. C’est pourquoi dans ce cas, il est recommandé de ne pas opter pour une densité de semences trop réduite, pour éviter les peuplements lacunaires suite à d’éventuelles  pertes en hiver.

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Production végétale | Essais variétaux et culturaux sur le pavot d’hiver

20

Semb 3,5

Drill 3,2

Krum 3,2

Semb 1,5 Semb 0,75 Drill 0,75

40

Flawil

30 25

10 10 5 a

a

ab

ab

b

ab

20 18

0 40

Zurich-Seebach

35

16 Rendement en graines (dt/ha)

Diamètre des capsules (mm)

15

14

30

12

25

10 8

10

6

Diamètre des capsules (mm)

Rendement en graines (dt/ha)

35

4 2

a

a

ab

ab

b

Diamètre des capsules 2010 0

Drill 3,2

Krum 3,2

Rendement 2010 Rendement 2011

ab

0 Semb 3,5

Rendement 2009

Semb 1,5 Semb 0,75 Drill 0,75

Diamètre des capsules 2011

Procédé (semoir/quantité de semences (kg/ha)

Figure 4 | Rendement moyen en graines (dt/ha avec 13 % H2O) et diamètre des capsules (mm) de la variété de pavot d’hiver Zeno 2002 sur les sites de Flawil (en haut) et de Zurich-Seebach (en bas) pour différentes densités de semis (0,75; 1,5, 3,2 resp. 3,5 kg/ha) et différents procédés (semoir Sembdner, semis en ligne, ­s emoir Krummenacher) en 2009, 2010 et 2011. Les lignes correspondent à l’erreur standard. Des lettres différentes au sein des années indiquent des différences ­s ignificatives (test HSD Tukey, P < 0,05).

Conclusions Dans de bonnes conditions, le pavot d’hiver peut donner des rendements intéressants d’environ 15 dt/ha. Le pavot d’hiver ne permet pas forcément de réaliser de meilleurs rendements que le pavot de printemps mais il peut profiter de meilleurs conditions de semis en automne. Globalement, on peut considérer que le pavot se caractérise par une très grande capacité d’adaptation en ce qui concerne les rendements, car il forme des capsules plus grandes avec plus de graines lorsque les densités de peuplement sont plus faibles. Par conséquent, il est possible d’utiliser différentes techniques et quantités de semis pour cette culture. Les effets sur la densité du peuplement et finalement sur le rendement dépendent beaucoup des conditions pédoclimatiques ainsi que de la disponibilité des

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éléments nutritifs et de la pression des adventices des parcelles. Il est vivement recommandé de rouler le sol avant de procéder au semis, pour que les graines puissent être placées à faible profondeur et le plus régulièrement possible. Lorsque le sol est sec, il est également recommandé de tasser le sol après le semis pour favoriser le contact du sol avec la graine. Avant de débuter la production de graines de pavot – dans la mesure où la récolte n’est pas directement commercialisée – il est indispensable de prendre soin de prévoir le conditionnement de la récolte n (triage et séchage) ainsi que sa prise en charge. Remerciements

Nous remercions la fondation Hauser (Weggis) pour son soutien financier ainsi que la famille Götsch et le centre agricole SG à Flawil pour leur précieuse collaboration. Les profils d’acides gras ont été déterminés par Oleificio Sabo (Manno).


Prove varietali e di coltivazione con il papavero resistente alle basse temperature Il papavero (Papaver somniferum L.) è una tipica coltura campicola della Svizzera. Se durante la Seconda guerra mondiale veniva coltivato su un'estensione di circa 1300 ha per l'autoapprovvigionamento di olio alimentare, oggi, invece, sono pochi gli ettari destinati alla coltivazione del papavero in Svizzera. Con la Politica agricola 2014–2017, la coltura del papavero da oppio viene ora sostenuta mediante i contributi per la trasformazione dei semi oleosi (700 fr./ha). Agroscope ha, da una parte, comparato fra loro le varietà a basso contenuto di morfina resistenti al freddo invernale Zeno, Zeno Morphex, Zeno 2002 e Josef e, dall’altra, ha esaminato con la varietà Zeno 2002 gli effetti di varie tecniche di semina e quantità delle sementi sulla resa. Lo studio dimostra che il papavero resistente alle basse temperature può essere coltivato anche in Svizzera e che, in presenza di condizioni propizie, si possono ottenere rese interessanti di circa 15 q/ha. L’elemento fondamentale per garantire la riuscita della coltivazione è la creazione di condizioni favorevoli a un'emergenza delle sementi rapida e regolare. A seconda delle condizioni geografiche e atmosferiche del sito, della disponibilità di sostanze nutritive e della diffusione di malerbe si rivelano adatte diverse tecniche di semina e quantità delle sementi. Si raccomanda vivamente di spianare il terreno prima della semina. Solo in futuro saremo in grado di stabilire se l'incentivo della Politica agricola 2014–2017 riuscirà a svegliare il papavero dal suo sonno.

Bibliographie ▪▪ AFD, 2014. Statistique du commerce extérieur de la Suisse. Administration fédérale des douanes, Berne. Accès: http://www.swiss-impex.ezv.­ admin.ch/ [9.4.2014]. ▪▪ FAO, 2014. FAOSTAT database 2013. Food and Agriculture Organization of the United Nations, Rom. Accès: http://faostat3.fao.org [29.4.2014].

Summary

Riassunto

Essais variétaux et culturaux sur le pavot d’hiver | Production végétale

Variety and cultivation trials with winterhardy poppy Poppy (Papaver somniferum L.) is a traditional field crop of Switzerland. During the Second World War, it was still grown on around 1300 ha with a view to the country becoming self-sufficient in cooking oil. Today, poppy is only grown in Switzerland on a few hectares. With the entry into force of the 2014–2017 agricultural policy, however, the cultivation of poppy is now supported by the oilseed production payment (CHF 700/ha). In addition to comparing the low-morphine, winter-hardy varieties «Zeno», «Zeno Morphex», «Zeno 2002» and «Josef», Agroscope has studied also the effects of various sowing techniques and seed quantities on yield with the variety «Zeno 2002». The study shows that winter poppy can also be grown in Switzerland, and that attractive yields of around 15 dt/ha can be achieved under good conditions. A key factor for successful cultivation is the creation of favourable conditions for a regular and rapid emergence. Different sowing techniques and seed quantities are suitable for this, depending on site and weather conditions, nutrient availability and weed pressure. Rolling the soil before sowing is urgently recommended. Whether the subsidies provided under the 2014–2017 agricultural policy will wake the poppy from its current slumber, only the future will tell. Key words: poppy, variety, field trial, Switzerland, organic farming.

▪▪ Frick C. & Hebeisen T., 2005. Mohn als alternative Ölpflanze. Agrarforschung 12 (1), 4–9. ▪▪ Koblet R., 1965. Der Mohn. In: Der landwirtschaftliche Pflanzenbau unter besonderer Berücksichtigung der Schweizerischen Verhältnisse. Birkhäuser Verlag, Basel und Stuttgart, 218–219.

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P r o d u c t i o n

v é g é t a l e

L’avenir de la sélection du blé Peter Stamp1, Dario Fossati2, Fabio Mascher2 et Andreas Hund1 ETH Zurich, Institut des sciences agronomique, 8092 Zurich, Suisse 2 Agroscope, Institut des sciences en production végétale IPV, 1260 Nyon, Suisse Renseignements: Peter Stamp, e-mail: peter.stamp@usys.ethz.ch

1

y a actuellement en Europe des variétés qui, dans de bonnes conditions, réalisent régulièrement des rendements de 10 t/ha. «Dans de bonnes conditions» signifie en particulier: suffisamment d’azote est disponible avant et après floraison afin de délivrer une qualité boulangère acceptable pour le marché européen, sans toutefois atteindre le niveau qualitatif attendu en Suisse. Ces dernières décennies, lorsque la prise en charge de la production de blé était garantie par le gouvernement, un niveau exceptionnel de qualité boulangère et une bonne résistance aux maladies étaient considérés comme un choix évident pour la sélection publique des variétés suisses (fig. 1). Avec la libéralisation du marché, ces qualités doivent être combinées avec un meilleur rendement pour rester attractives en Suisse et dans le monde (Fossati et Brabant 2003).

Figure 1 | Les sélectionneurs d’Agroscope sont attentifs aux résistances contre les maladies.

Introduction Il y a cent ans, A. Nowacki, professeur d’agronomie de l’EPF Zurich, écrivait qu’après trente ans de travail, le rendement des céréales avait augmenté de 1,1 à 1,6 t/ha dans l’empire d’Allemagne. Déjà autrefois, les bateaux à vapeur permettant l’importation bon marché de blé panifiable de l’Amérique du Nord, stimulaient le besoin d’améliorer la productivité du blé. À l’exception de la Suisse, les Européens avaient déjà commencé à croiser leurs variétés avec les blés américains et anglais, très productifs mais de faible qualité boulangère (Porsche et Taylor 2001). Après la Première Guerre mondiale, en plus du rendement pour garder un niveau minimal d’autosuffisance, la qualité boulangère a repris de l’importance. Il

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Renouvellement des semences et sélection privée Le pain reste une part essentielle de notre alimentation. La culture du blé ainsi que sa sélection doivent donc ­garder une place importante pour notre agriculture. Le blé doit continuellement être amélioré car, cultivé maintenant sur tous les continents, il rencontre toujours de nouveaux ravageurs et de nouvelles races de pathogènes. Ceci exige une sélection constante pour la résistance. Les variétés qui seront nécessaires en 2030 doivent déjà être planifiées cette année et les premiers croisements effectués l’année prochaine (Stamp 2011). Ces futures variétés doivent apporter de bons rendements, une très bonne qualité et offrir aux agriculteurs une grande stabilité du rendement par une grande robustesse face au gel, à la chaleur, à la sécheresse et aux humidités excessives. Ce progrès est-il suffisamment rétribué ? Non ! Sans un renouvellement suffisant de la semence, les sélectionneurs manquent de moyens. Même si, dans certains pays de l’UE, il existe depuis quelques années un système de redevance également pour les semences de ferme, le niveau des redevances est très bas. La semence hybride, à l’exemple du maïs, implique un taux de renouvellement de semence très élevé. C’est pourquoi, il y a un nombre aussi considé-


rable de sélectionneurs de maïs à travers le monde, car les firmes de sélection peuvent planifier des investissements à long terme. Dans le blé, le taux de renouvellement de semence, par exemple en Allemagne, en France ou en Italie, n’atteint qu’environ 50 % (Curtis et Nilson 2012). Un taux qui n’est certainement pas suffisant pour maintenir une sélection forte pour les espèces autogames telles que le blé ou l’orge. En Suisse, il est cependant réjouissant d’observer que ce taux de renouvellement est supérieur à 90 % (Willy Wicki, DSP, pers. com.). Sélection satisfaisante, avenir à assurer Durant le dernier siècle, les rendements en grains atteints par les agriculteurs ont progressé rapidement (Hategekimana et al. 2012). Mais si on compare la masse biologique aérienne d’anciennes et de nouvelles variétés dans des conditions optimales de fumure et sans dégâts de verse, le progrès est maigre. Par contre, l’index de récolte, la part du grain par rapport à la masse aérienne totale, a été augmentée, passant de 35 % à plus de 50 % (Peltonen-Saino et al. 2008). Grâce à des tiges plus courtes, la résistance à la verse a été améliorée. Ainsi, des doses physiologiquement optimales de fumure azotée peuvent être apportées lors des phases décisives de la croissance. Les articles de revues de littérature constatent cependant que le rendement du blé stagne en Europe depuis environ vingt ans. Ceci est causé par plusieurs facteurs. D’une part, l’augmentation de l’indice de récolte, qui dépasse 50 % depuis plusieurs décennies, ne peux plus être un facteur principal de l’augmentation du rendement. D’autre part, les réglementations de la production agricole, reflétant l’écologisation souhaitée par la société, diminuent les possibilités de contrôler la croissance et l’état sanitaire des cultures par les intrants. Enfin, le changement climatique exerce dans nos régions un effet négatif sur le rendement du blé (Brisson et al. 2010). L’ensemble de ces facteurs masque le progrès génétique qui, lui, n’a pas ralentit. La sélection en Suisse donne une place importante au taux de protéine, ce qui limite la progression du rendement. Le rendement maximal, atteint lorsque la variété est cultivée de manière intensive, doit cependant être comparé avec le rendement économiquement optimal réalisé pratiquement par les meilleurs agriculteurs. Dans les pays avancés, ce rendement se situe à environ 80 % du rendement maximal. Pour ce rendement pratique, le progrès génétique est d’environ 1 % par an pour des blés de qualité moyenne. Néanmoins, pour assurer une sécurité alimentaire à l’horizon des années 2050, il faudrait que ce progrès soit de 2,5 % par an (Fischer et Edmeades 2010). Il faut développer de nouveaux moyens d’améliorer la qualité boulangère et le rendement, qui restent les buts 

Résumé

L’avenir de la sélection du blé | Production végétale

En Suisse, la sélection publique possède une longue tradition de création de variétés de haute qualité boulangère. Il reste à en améliorer le potentiel de rendement. Dans le reste de l’Europe, où la sélection est presque exclusivement privée, le rendement a été l’objectif prioritaire pendant plus de 100 ans. La qualité boulangère n’a été longtemps qu’un objectif secondaire. Le progrès de rendement des blés fourragers est d’environ 1 % par an, mais pour garantir une sécurité alimentaire globale, il devrait être de 2,5 %. Pour y parvenir, des investissements bien plus importants seraient nécessaires, alors que les royalties pour cette espèce sont encore faibles. Dans certains pays, le taux de renouvellement de semence n’est plus que de 50 %. Dans cette situation, on ne peut espérer d’importants progrès de sélection, d’autant plus que l’indice de récolte – la part du grain par rapport à la matière sèche aérienne de la plante – a probablement atteint son optimum, avec plus de 50 %, et a perdu son rôle comme moteur du progrès. Une autre voie propose le doublement de l’efficacité photosynthétique. Néanmoins, cela exige la reconstruction d’un appareil photosynthétique issu de trois milliards d’années, ce qui ne sera probablement pas réalisé ces prochaines décennies. La sélection devient plus rapide et plus précise grâce aux outils de la biologie moléculaire. Pour le blé, l’utilisation de ces outils n’en est qu’à ses débuts. L’utilisation et l’intégration judicieuse de tous les moyens sont nécessaires pour que les nouvelles variétés soient adaptées, malgré un rapide changement climatique, aux excès d’humidité, de sécheresse, de froid et de chaleur, ainsi que résistantes aux ravageurs et aux maladies.

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Production végétale | L’avenir de la sélection du blé

Informatique Génétique/ Biotechnologies Phénotypage

Biologie

Sélection Agronomie

Physiologie, Phénomique

Ingrédients/Qualité Figure 2 | La sélection moderne est la mise en commun de connaissances complexes.

prioritaires de la sélection du blé. Les bases biochimiques de la qualité boulangère sont relativement bien connues. Le gluten y joue un rôle essentiel. Il est composé de différents types de protéines de réserve du grain, des gliadines ainsi que de plus grosses molécules, les glutenines. Ces protéines riches en acides aminés soufrés sont essentielles pour la cohésion entre les protéines du gluten. Elles assurent la bonne tenue des pâtes lors des fermentations et de la cuisson même si, sur le plan nutritionnel, elles sont largement inutiles. Il est nécessaire que le sol soit suffisamment fourni en souffre pour produire de bons rendements avec des blés panifiables à plus de 12 % de protéines. Le rapport entre ces types de molécules, leurs compositions et les interactions très complexes avec les autres composantes de la pâte sont les principaux déterminants de la qualité boulangère. Bien que la base génétique des molécules les plus importantes soit bien connue, elle n’est pas encore suffisamment utilisée pour faire en routine un pronostic de la qualité boulangère des lignées de sélection au laboratoire (Gobaa et al. 2007). Pendant une centaine d’année, les principales cibles d’amélioration du rendement ont été une meilleure répartition entre le grain et la paille, accompagnée d’une augmentation du nombre de grains produits à

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l’hectare. Nous ne connaissons pas encore des caractéristiques aussi importantes sur le plan physiologique ou moléculaire qui permettraient de continuer à augmenter le rendement aussi rapidement. Prolonger la durée de vie de la feuille après floraison est certainement, avec l’index de récolte, très important pour la croissance du grain et du rendement. La durée de vie de la feuille est constamment menacée par les maladies, les ravageurs, la chaleur et la sécheresse. Ceci explique l’importance des résistances et des tolérances biotiques et abiotiques. Si les espèces sauvages apparentées au blé ont bien des taux de photosynthèse très élevés, leurs feuilles meurent rapidement après la floraison. Les blés actuels peuvent déjà avoir une longue durée de vie foliaire lorsque la disponibilité en azote est bonne. L’exemple du maïs du type «stay-green» où, dans les cas extrêmes, les grains sont récoltés alors que leurs feuilles sont encore vertes, montre l’intérêt limité d’améliorer la durée de vie des feuilles. D’où la conclusion que, pour la sélection du blé et pour ces prochaines décennies, il n’y a pas de sauts importants en vue. Toutefois, il existe une lueur d’espoir. L’amélioration du rendement dans des variétés de blé et de maïs a pu être attribuée à un rendement photosynthétique amélioré (Stamp 2011).


L’avenir de la sélection du blé | Production végétale

Amidonnier sauvage AABB

Emmer AABB

Aegilops tauschii = A. squarrosa DD

Hybridisation vor 7 – 9500 a

Inconnu, proche de Aegilops speltoides BB

Domestication 10 – 12 000 a

Engrain sauvage (T. boeticum) AA

Blé tendre AABBDD

Figure 3 | L’ascendance du blé panifiable. (source: www.sortengarten.ethz.ch)

Dans la même veine, selon des calculs encore très théoriques et hypothétiques de biochimistes, on pourrait doubler la performance des plantes en modifiant fondamentalement les activités enzymatiques et d’autres processus pour adapter le blé à l’augmentation de la teneur en CO2 de l’atmosphère (Zhu et al. 2010). C’est de la musique d’avenir et une tâche pour les décennies à venir. Actuellement, il faut davantage étudier comment améliorer le rendement photosynthétique pendant la floraison afin d’augmenter encore le nombre de grains au mètre carré. Traduire les progrès de la biologie moléculaire moderne en des critères de sélection directement utilisables par les sélectionneurs reste un défi majeur. L’amélioration génétique aujourd’hui L’objectif pour les années à venir est d’améliorer la vitalité globale de la plante, y compris une amélioration de la tolérance aux maladies et aux changements climatiques. Ces objectifs de sélection ont aussi leurs limites, car les tolérances de la plante entraînent souvent «des coûts» supplémentaires, à travers des activités ou des interactions avec des processus métaboliques. Ceci a été montré par exemple avec l’introduction de gènes de résistance supplémentaires dans la variété Arina (Ortelli et al. 1996). D’autre part, les nouveaux outils de sélection apportés par la génétique moléculaire sont de plus en plus aisément disponibles pour les sélectionneurs. Ils ont longtemps été au centre de l’intérêt public, mais la sélection moderne est une entreprise complexe; elle ne

peut conduire à de nouvelles variétés que si le sélectionneur domine tous les processus (fig. 2). Depuis plus de deux décennies, des discussions sur les potentiels d’utilisation des nouvelles connaissances au niveau moléculaire ont lieu. Ces discussions intenses sont renforcées par les progrès rapides et continus concernant la connaissance des structures, des fonctions des gènes et de leurs interactions très complexes dans la formation des propriétés de la plante (Stamp et Visser 2012). Souvent, l’intérêt se concentre malheureusement uniquement sur le génie génétique et son potentiel, par l’insertion de gènes individuels, pour remédier à une faiblesse d’une variété très bonne par ailleurs. Alors, qu’au-delà du génie génétique, la génétique moléculaire cherche plus largement à décoder le génome d’une plante, soit tous les gènes d’une plante et leurs interactions. En identifiant les gènes d’importance, elle a permis de développer des marqueurs moléculaires, outils indispensables de la sélection assistée par marqueurs (SAM). Une autre approche est considérer plus globalement l’ensemble du génome, pour évaluer la valeur d’une plante et la sélectionner. Toutefois, dans le blé, cette «sélection génomique» en est seulement à ses débuts. La dite «sélection intelligente» («smart breeding») devrait finalement intégrer au mieux toutes les techniques conventionnelles et de la biologie moléculaire, pour sélectionner plus rapidement et plus précisément (Lusser et al. 2012). Ainsi, théoriquement, le sélectionneur pourrait, dès le choix des parents et lors du développement des lignées, 

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Production végétale | L’avenir de la sélection du blé

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vérifier que tous les gènes souhaités de résistance aux maladies, de qualité boulangère ou propices au rendement soient bien présents. C’est prometteur, mais cependant, pour le blé, pas si facile à mettre en œuvre rapidement. En comparaison, le riz a un très petit génome, alors que le blé tendre réunit trois génomes complets de trois espèces sauvages différentes bien qu’apparentées et possède ainsi un génome immense, cinq fois plus grand que celui de l’être humain (fig. 3). Il n’est donc pas surprenant qu’un premier décodage du génome du blé n’ait été réalisé qu’en 2009 sur la variété modèle «Chinese Spring». L’utilisation et la traduction de ces connaissances scientifiques dans une nouvelle variété ne sont pas attendues avant 2030 (Brenchley et al. 2011). Cependant, ces dernières années, la détection de gènes d’intérêts est devenue vingt fois moins chère et beaucoup plus rapide. Ainsi, des propriétés peuvent être diagnostiquées et sélectionnées en utilisant la technologie des puces à ADN. Les ressources génétiques dans les banques de gènes constituent toujours un énorme potentiel de gènes encore sous-exploités. Il existe des centaines de milliers d’accessions d’ancêtres du blé, de variétés locales ou d’anciens blés à travers le monde. De nombreux gènes de résistance aux maladies peuvent y être trouvés, comme l’a démontré une étude de l’Université de Zurich (Bhullar et al. 2010). Toutefois, le sélectionneur ne sera intéressé au gène identifié dans les ressources génétiques que s’il peut l’introduire rapidement et avec précision dans une variété moderne à l’aide de marqueurs, par rétrocroisement ou, si approprié, par génie génétique.

Conclusions

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En Suisse, depuis plus de cent ans, le blé a été sélectionné avec les mêmes objectifs pour combiner à un haut niveau la qualité boulangère, la productivité et les résistances. En Europe, il y a maintenant des variétés productives et de bonne qualité boulangère. Avec l’intérêt renouvelé pour la sélection du blé par de grandes entreprises, on peut s’attendre à un progrès génétique plus rapide, comme c’est déjà le cas dans le maïs. Grâce au choix judicieux de ses objectifs à long terme, le programme d’Agroscope, bien que de dimension modeste, a le potentiel de relever ces défis. Les moyens engagés, combinés avec l’expertise scientifique et professionnelle des sélectionneurs, ont prouvé par le passé que même la sélection publique peut profiter des opportunités de marché grâce à une coopération efficace avec DSP. De plus, le «microcosme» helvétique offre des possibilités de connecter aisément les recherches des EPF et des universités cantonales concernant la sélection dans une situation gagnant-gagnant. En d’autres termes, par des ajustements mineurs de leurs objectifs, les projets de recherches et de la sélection peuvent mutuellement s’enrichir. Ces collaborations nationales pourront ainsi s’intégrer plus efficacement au niveau international, par exemple à travers la «Wheat Initiative». Seuls ceux qui peuvent donner reçoivent quelque chose en retour. n


L'avvenire del miglioramento genetico del frumento In Svizzera il contributo di istituzioni pubbliche alla selezione di frumento può vantare una lunga tradizione nella produzione di varietà sane e di elevata qualità panificabile ed esiste tuttora un buon margine per migliorare il potenziale di rendimento. Diversa è la situazione nel resto d’Europa, dove la selezione è prevalentemente organizzata da enti privati. Un secolo fa la loro preoccupazione primaria era la resa, ed è solo qualche decennio più tardi che si assiste a un riorientamento verso la qualità. Oggi l’aumento di rendimento delle varietà più comuni languisce intorno all’ 1 %, mentre sarebbe necessario un aumento del 2,5 % per nutrire la popolazione mondiale. Un tale progresso necessiterebbe di maggiori investimenti, che però mancano a causa delle basse riscossioni legate alle licenze. In certi Paesi il tasso di rinnovamento della semenza è inferiore al 50 % e non ci si può dunque aspettare salti impressionanti nei rendimenti. Inoltre l’indice di resa, cioè la percentuale di grano nella massa aerea della pianta, si attesta intorno al 50 % e ha probabilmente raggiunto l’optimum biologico, perdendo il suo ruolo come stimolo di progresso. D’altra parte, la selezione diventa più precisa e celere grazie all’impiego di metodi molecolari, noti anche come «smart breeding». Per il grano tenero si è ancora agli inizi. Si mira, è vero, a un raddoppiamento dell’efficienza fotosintetica, ciò comporta tuttavia una ricostruzione dell’intero sistema fotosintetico vecchio di 3 miliardi d’anni che giungerà a completamento solo nel prossimo secolo. Di conseguenza, l’impiego intelligente di tutti i mezzi a disposizione è indispensabile per rispondere al cambiamento climatico con nuove varietà più adatte ai giochi d’alternanza tra periodi umidi e di siccità, e ondate di freddo e di calore. Lo stesso dicasi per l’adattamento alla diffusione di nuovi parassiti e malattie in un mondo sempre più globalizzato.

Summary

Riassunto

L’avenir de la sélection du blé | Production végétale

The future of wheat breeding Unlike the situation in the European Union, where wheat breeding is almost exclusively in the hands of the private sector, public breeding of disease-resistant wheat with high baking quality has a long-standing tradition in Switzerland. Important increases in yield potential are still possible here. After World War I, wheat yield in other European countries increased rapidly due to a focus on mass production and a demand for high baking quality. The current annual breeding progress in mass-produced wheat remains at 1 %, and large investments would be necessary to raise this rate to the 2.5 % required for global food security. However, investment does not pay back when seed rotation is reduced to 50 % as it is the case in some countries. Therefore, significant yield leaps cannot be expected in the near future. As the harvest index—the driving trait of the Green Revolution—is close to its theoretical maximum above 50 % and thus no longer drives progress, smart-breeding may allow fast and precise breeding. Smartbreeding combines cheap and efficient molecular tools with new phenotyping techniques to produce novel varieties, such as hexaploid bread wheat. The theoretical possibility of doubling the photosynthetic efficiency is a silver line at the horizon, but it demands fundamental changes to an age-old breeding system. In the face of climate change and ongoing globalization, the reasonable use of new breeding tools will help us develop new productive wheat varieties that are tolerant to rapid changes from hot to cold or flooding to drought and are resistant to pests and diseases. Key words: wheat breeding; breeding investments; smart-breeding; baking quality.

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P r o d u c t i o n

v é g é t a l e

Suppression des adventices par les couverts ­végétaux: différents facteurs analysés Frédéric Tschuy, Aurélie Gfeller, Roger Azevedo, Caroline Khamissé, Lydie Henriet et Judith Wirth Agroscope, Institut des sciences en production végétale IPV, 1260 Nyon, Suisse Renseignements: Judith Wirth, e-mail: judith.wirth@agroscope.admin.ch

Vue d’ensemble de l’essai au champ. (Photo: Frédéric Tschuy)

Introduction Depuis de nombreuses années, l’implantation des cultures intermédiaires, notamment des couverts végétaux, augmente sur le territoire helvétique et est encouragée par les autorités suisses. Les cultures intermédiaires sont des végétaux implantés entre deux cultures principales et ne sont pas destinées à être récoltées (Arvalis 2011). Elles rendent des services écosystémiques, comme la réduction de la lixiviation, la fourniture d’azote à la culture suivante, la réduction de l’érosion, l’amélioration de la structure et des propriétés hydriques du sol, la réduction de la pression parasitaire sur les cultures et l’empêchement du développement des adventices (Justes et al. 2012). Plusieurs facteurs interviennent dans la suppression des adventices par les couverts végétaux. Il y a d’une part la concurrence pour les

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ressources, c’est-à-dire pour l’eau, les éléments nutritifs et la lumière, et d’autre part des éventuels effets allélopathiques des cultures implantées. L’allélopathie est définie comme tout effet direct ou indirect, positif ou négatif, d’une plante sur une autre, par le biais de composés biochimiques libérés dans l’environnement (Rice 1984). La plupart du temps il s’agit d’un effet inhibiteur d’une plante (donneur) sur le développement (germination et croissance) d’une autre plante (receveur). Les composés allélochimiques peuvent être libérés des plantes donneuses par volatilisation, lessivage des feuilles, décomposition des résidus ou exsudations racinaires. La grande difficulté est de séparer les facteurs de compétition pour les ressources des effets allélopathiques. Plusieurs auteurs estiment que cela est pratiquement impossible dans des systèmes naturels (He et al. 2012; Inderjit et del Moral 1997).


Pour mettre en évidence le phénomène d’allélopathie, la plupart des essais sont effectués en laboratoire ou en serre en conditions contrôlées. De nombreuses études utilisent des méthodes d’extraction à l’eau ou à l’éthanol des parties aériennes et/ou des racines pour des tests de germination avec des graines de cresson ou de laitue par exemple (Kalinova et Vrchotova 2009). En conditions naturelles, l’étude est plus complexe car les interactions biotiques et abiotiques du sol peuvent influencer la ­présence des composés allélopathiques. De même, les multiples formes de concurrence entre les plantes sont susceptibles de masquer les effets allélopathiques ­ recherchés (Inderjit et Callaway 2003). Pour l’étude présentée ici, les trois espèces choisies (sarrasin, sorgho et moutarde brune) sont connues pour leur forte suppression des adventices pendant leur culture au champ (Kumar et al. 2009; Tominaga et Uezu 1995; Weston et al. 2013). Le but de cet essai au champ est de comprendre pourquoi les cultures intermédiaires vivantes suppriment les adventices et de mettre au point un système permettant de séparer les différents facteurs de concurrence, notamment l’ombrage, des éventuels phénomènes allélopathiques, afin de pouvoir ensuite caractériser et évaluer différentes espèces ou variétés de couverts végétaux sur ce dernier critère. Une fois un phénomène d’allélopathie prouvé, nous chercherons à identifier et à quantifier les composés allélochimiques dans le sol.

Matériel et méthodes Matériel végétal utilisé Les semences ont été obtenues auprès de Semences UFA. Il s’agit des espèces et variétés suivantes: Fagopyrum esculentum Moench (sarrasin, variété Lileija), Sorghum bicolor Moench x Sorghum sudanense (Piper) Stapf (sorgho hybride, variété Haykin) et Brassica juncea (moutarde sarepta, variété Vitasso). Les graines d’Amaranthus retroflexus (amarante réfléchie) ont été fournies par Herbiseed (Twyford, Angleterre).

Résumé

Suppression des adventices par les couverts ­v égétaux: différents facteurs analysés | Production végétale

Les cultures intermédiaires représentent une technique culturale de plus en plus répandue en Suisse en raison de leurs services écosystémiques, dont la suppression des adventices. Ce phénomène peut être expliqué par l’action conjointe de facteurs de compétition (pour l’eau, la lumière et les éléments nutritifs) et des éventuels phénomènes allélopathiques (interactions biochimiques entre les plantes). Pour mieux comprendre les phénomènes de suppression des adventices par les couverts végétaux, nous avons mis en place un essai au champ permettant de mesurer l’effet de trois couverts sur la croissance des adventices, notamment de l’amarante. De plus, nous avons tenté de comprendre le rôle des différents facteurs de suppression par l’installation d’un nouveau dispositif expérimental. Il s’agissait d’étudier séparément l’effet dû à la compétition pour la lumière par les couverts et l’effet dû aux phénomènes allélopathiques suite à des interactions racinaires entre les couverts et les amarantes. Durant cette première année d’essai, la compétition pour la lumière a pu être fortement réduite; toutefois, pour des raisons méthodologiques, les interactions racinaires n’ont pas pu être totalement supprimées au champ. Les résultats intermédiaires ont montré le rôle important de la concurrence pour la lumière dans le contrôle des adventices au champ. En revanche, le rôle de l’allélopathie n’a pas encore pu être observé.

Mise en place de l’essai au champ Après un labour à 22 cm de profondeur réalisé le 5 août 2013, les trois espèces ont été semées le 6 août 2013 sur un sol limono-argileux (29,1 % d’argile, 42 % de limon, 28,9 % de sable, MO 2,2 %, pH 8). Le précédent cultural était de la luzerne (Medicago sativa) semée le 30 mars 2012. Les couverts végétaux ont été semés avec un espace interligne de 12,5 cm aux densités suivantes: sarrasin 75 kg/ha, sorgho hybride 60 kg/ha et moutarde sarepta 10 kg/ha. Chaque culture était semée dans un bloc de 48 m² divisé en quatre plates-bandes de superfi- 

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Production végétale | Suppression des adventices par les couverts végétaux: différents facteurs analysés

tuyau, et respectivement par anneau pour avoir une quantité homogène de plantes par variante. Pour la variante expérimentale ombrage sur les amarantes et pour étudier ainsi le facteur de concurrence pour la lumière, des filets rigides en métal (1,2 sur x 0,5 mètres, mailles 12 mm) ont été placés entre les lignes des cultures (tabl. 1: variante B et D, N=4; fig. 1) le 26 août (21 JAS).

Figure 1 | Variantes expérimentales B et D dans le couvert de sarrasin le 28 août (23 JAS). Entre deux filets se trouvent deux tuyaux en pvc et deux anneaux avec chacun 5 plantes d’amarante. Les filets écartent le feuillage pour éviter l’ombre sur les amarantes.

cie identique. Un témoin sol nu de la même surface a été préparé similairement. Un apport de 50 kg N (nitrate d’ammoniaque 27,5 %)/ha a été apporté le 12 août (7 JAS (= jours après semis) sur l’ensemble de l’essai. Pour la variante expérimentale séparation des rhizosphères, des tuyaux en pvc (profondeur 25 cm, diamètre 10 cm) ont été enfoncés dans l’interligne des cultures ainsi que sur le bloc sol nu (tabl. 1: variante C, D et F, N=8, Fig. 2B) le 6 août juste après le semis. Pour la variante expérimentale absence de séparation des rhizosphères, des anneaux en pvc (diamètre 10 cm) ont été positionnés dans l’interligne des cultures ainsi que sur le bloc sol nu afin d’assurer la même superficie pour les amarantes que dans les tuyaux (tabl. 1: variante A, B et E, N=8; fig. 2A). Le même jour, une trentaine de graines d’amarante réfléchie ont été semées dans les tuyaux et dans les anneaux. Le 23 août (18 JAS) les amarantes ont été éclaircies à cinq plants par

A)

Analyse de terre Le 6 août, un échantillon de terre a été prélevé dans chaque bloc pour l’analyse des éléments P, K et Mg disponibles (extraits à l’eau) et en réserve (extraits à l’acétate d’ammonium + EDTA). Le 9 et le 27 septembre (35 et 53 JAS respectivement) le sol de chaque bloc a été analysé pour les éléments P, K et Mg disponibles (extraits à l’eau saturée en CO2, selon Dirks-Scheffer). Le 3 et le 27 septembre (29 et 53 JAS respectivement) le Nmin a été déterminé par chromatographie ionique (Agroscope ART et ACW 2010). Mesures du PAR Le PAR (photosynthetically active radiation) a été mesuré à différents moments durant l’essai (25, 31, 39, 45 et 49 JAS) avec un LI-191 Line Quantum Sensor (LI-COR Biosciences). Les mesures ont été faites à midi lorsque le soleil était à son zénith. Les PAR ont été déterminés aux niveaux de la canopée et du sol des différents couverts végétaux. La fraction du PAR interceptée (en %) a été calculée avec la formule suivante: (1-(PAR niveau sol/PAR niveau canopée))*100. Détermination de la masse sèche des amarantes Le 27 septembre (53 JAS), les amarantes présentes dans les tuyaux et dans les anneaux ont été coupées au niveau du sol, puis séchées pendant 24 heures à 50 °C. La masse sèche (MS) a été déterminée.

B)

Figure 2 | A) Variantes expérimentales A, B, E avec anneau et B) tuyau en pvc avec variantes C, D, F le 28 août (23 JAS) dans le sol nu. Dans chaque anneau et tuyau se trouvent cinq plantes d’amarante.

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Suppression des adventices par les couverts ­v égétaux: différents facteurs analysés | Production végétale

Tableau 1 | Dispositif expérimental au champ. T = tuyaux en pvc, F = filet, - = absence, + = présence variante ­expérimentale

séparation des ­rhizosphères

interactions ­racinaires

filet

ombrages sur les amarantes

présence d’un couvert végétal

A (-T, -F)

non

oui

non

oui

oui

B (-T, +F)

non

oui

oui

non

oui

C (+T, -F)

oui

non

non

oui

oui

non

D (+T, +F)

oui

oui

non

oui

E (-T)

non

non

non

F (+T)

oui

non

non

Résultats et discussion

tices était réduite de 99 à 100 % par rapport à celle des adventices sur le bloc sol nu. Ces observations correspondent à nos observations antérieures au champ (résultats non présentés) et à celles d’autres groupes de recherche (Kumar et al. 2009; Weston et al. 2013). Néanmoins, la présence d’adventices dans l’ensemble de l’essai était très faible en 2013 par rapport aux années précédentes. En 2012 par exemple, dans un autre essai, nous avons mesuré en moyenne 181 g d’adventices/0,25 m² dans le témoin sol nu, par rapport à seulement 64 g d’adventices/0,25 m² en 2013. Nous supposons que la culture d’un an et demi de luzerne a laissé un champ bien propre. Nous avons également constaté que la présence d’amarantes réfléchies dans notre essai était très faible par rapport à l’essai 2012. Dans les seize cadres de comptage présents (quatre par bloc) les espèces suivantes ont été déterminées: panic pied-de-coq (Echinochloa crus-galli), chénopode blanc (Chenopodium album), chénopode polysperme (Chenopodium polyspermum), luzerne cultivée (Medicago sativa), euphorbe réveille-matin (Euphorbia helioscopia), capselle (Capsella bursa-pastoris), prêle des champs (Equisetum arvense) et laiteron rude (Sonchus asper). Les cadres présents sur le sol nu contenaient en moyenne onze plantes adventices.

Suppression totale des adventices La suppression des adventices par les trois cultures intermédiaires était quasi totale (tabl. 2). Dans les trois blocs semés avec les couverts végétaux, la croissance des adven-

Fertilité des sols Au début de l’essai (06.08.13), la quantité des éléments nutritifs en réserve était satisfaisante (P et K) ou même riche (Mg) (tabl. 3A). Les quantités d’éléments nutritifs

Détermination de la masse sèche des adventices Le 7 août (2 JAS), quatre cadres de comptage (0,25 m²) ont été placés au hasard dans chaque bloc pour suivre le nombre et la biomasse des adventices dans les couverts durant l’essai. Le 1er octobre (57 JAS) les adventices présentes dans ces cadres ont été déterminées, comptées et coupées au niveau du sol. Elles ont été ensuite séchées pendant 48 heures à 50 °C pour déterminer leur masse sèche. Analyses statistiques Les données ont été analysées avec R studio 3.0. Pour chaque espèce, un test de normalité des données (Shapiro-Wilk-test) a été effectué. L’homogénéité des ­ variances a ensuite été vérifiée avec le test de Levene. Une analyse non-paramétrique a été réalisée à l’aide du package Rfit (Rank-based Estimation for Linear Models) (Kloke et McKean 2012). Pour le sarrasin et le sorgho, une correction des données par le logarithme a dû être faite. Finalement, le test de comparaison multiple de Bonferroni a été utilisé pour observer si les différences entre les groupes étaient significatives (p ≤ 0,5).

Tableau 2 | La masse sèche (MS) des adventices par 0,25 m2 a été déterminée 57 jours après semis. Les valeurs sont les moyennes de 4 répétitions ± erreur standard. Les chiffres suivis de la même lettre ne sont pas significativement différents à p<0,05. Les pourcentages suivis par une étoile sont significativement différents de la matière sèche des adventices sur sol nu couverts végétaux

MS adventices/0,25 m2 (g)

réduction par rapport au témoin sol nu (%)

moutarde

0,09 ± 0,0 a

-100*

sorgho

0,73 ± 0,4 a

-99*

sarrasin

0,15 ± 0,0 a

-100*

sol nu

64,03 ± 9,2 b

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Production végétale | Suppression des adventices par les couverts ­v égétaux: différents facteurs analysés

Tableau 3 | A) Les éléments nutritifs en réserve dans le sol ont été déterminés à la mise en place de l’essai le 06.08. B) Les éléments nutritifs disponibles dans le sol ont été déterminés le 06.08, le 09.09 et le 27.09. C) Le N min a été mesuré le 03.09 et le 27.09. 50 kg N (nitrate d’ammoniaque 27,5 %)/ha a été apporté le 12.08 A

éléments nutritifs en réserve (mg/kg) P

date

K

Mg

06.08

moutarde

42

143

337

sorgho

47

144

340

sarrasin

49

149

289

sol nu

42

141

329

B

éléments nutritifs disponibles (mg/kg) P

date

K

06.08

09.09

27.09

06.08

09.09

27.09

06.08

09.09

27.09

moutarde

3,1

1,8

1,8

19,0

19,0

20,0

6,1

4,8

5,2

sorgho

3,4

2,0

2,2

19,3

16,0

17,0

7,1

5,6

5,8

sarrasin

2,5

1,8

1,7

19,8

16,0

17,0

7,4

6,0

6,2

sol nu

2,6

1,6

2,1

18,9

15,0

18,0

6,6

5,2

5,4

C date

Nmin (kg N/ha) 03.09

27.09

moutarde

22,6

16,8

sorgho

34,4

23,8

sarrasin

31,4

23,2

sol nu

56,2

23,3

disponibles dans le sol étaient également suffisantes (facteur de correction selon la norme de fumure: 1,0) pour P et K pendant toute l’expérience, tandis que les teneurs en Mg étaient médiocres (facteur de correction selon la norme de fumure: 1,4) (tabl. 3B) (Sinaj et al. 2009). Néanmoins, sur la base de ces analyses, nous émettons l’hypothèse que l’ensemble des couverts végétaux était bien approvisionné en éléments nutritifs et qu’ils n’ont pas subi de carence. Pour les valeurs en azote, l’apport de 50 kg N/ha début août a permis de garantir en fin d’essai (mesure du 27.09) un taux d’azote optimal pour le développement des plantes (tabl. 3C). Les résultats montrent également que les teneurs en éléments nutritifs sont très similaires entre les différentes variantes expérimentales (dont le sol nu) durant toute la période de culture. En résumé, une concurrence pour les principaux éléments nutritifs P, K, Mg et N était peu probable, car les plantes ont été suffisamment approvisionnées tout au long de l’expérience. Cependant, on ne peut pas exclure qu’il y ait eu des carences pour d’autres macronutriments et/ou pour des micronutriments, ou que les substances allélopathiques éventuellement présentes dans

296

Mg

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 292–299, 2014

le sol aient agi sur l’absorption des substances nutritives par les amarantes. Il a pu être montré que l’exsudation de la phytotoxine 8HQ (8-hydroxy-quinoline) de centaurée diffuse (Centaurea diffusa Lam.) facilite également l’absorption des métaux, notamment du fer (Tharayil et al. 2009). Pour connaitre l’éventuel effet des exsudats racinaires des couverts végétaux sur l’absorption des éléments nutritifs de l’amarante, il est prévu de mesurer, dans notre prochain essai au champ, la teneur en éléments nutritifs des feuilles. Effet de l’ombrage Les mesures de la fraction PAR interceptée par les cultures intermédiaires réalisées entre 25 et 49 JAS montrent qu’à partir de 39 JAS les trois couverts végétaux interceptent la quasi-totalité de la lumière (entre 97 et 98 %, fig. 3, Sarrasin O, Sorgho O et Moutarde O). La canopée du sorgho (Sorgho O) a été la plus lente à se développer. Par contre, la présence des filets (fig. 1) a permis de réduire considérablement l’ombrage sur les amarantes (fractions PAR interceptées entre 0 et 9 %, fig. 3, Sarrasin F, Sorgho F et Moutarde F). Par la suppression de la concurrence pour la lumière, l’effet de l’om-


Suppression des adventices par les couverts ­v égétaux: différents facteurs analysés | Production végétale

100 fraction PAR interceptée (%)

90 80 70

sarrasin F

60 50

sarrasin O

40

sorgho F

30

sorgho O

20

moutarde F

10

moutarde P

0 25

31

39

45

49

jours après semis (JAS) Figure 3 | La fraction PAR interceptée a été déterminée à midi entre les filets et sous les différents couverts végétaux 25, 31, 39, 45 et 49 JAS. Les valeurs sont les moyennes de 4 répétitions ± erreur standard. F= filet, O = ombre.

brage des différents couverts sur la croissance de l’amarante a pu être étudiée. L’effet total de suppression de la croissance des amarantes, plus précisément le rapport entre les variantes expérimentales D (pas de concurrence pour la lumière, pas d’interactions racinaires) et A (fort ombrage, interactions racinaires), était élevé pour les trois couverts végétaux (entre 76 et 97 %) (tabl. 4A et B). Dans notre essai, la totalité de cette suppression s’expliquait par l’ombrage (tabl. 4B, effet de la lumière). Il semblerait donc que l’ombrage soit le facteur principal de l’inhibition de la croissance des amarantes. Effet des interactions racinaires L’essai au champ n’a pas démontré que les interactions racinaires avaient un effet suppressif sur le développement des amarantes (tabl. 4B, incidence du tuyau). A part pour la moutarde, la présence des tuyaux (sépara-

tion des rhizosphères) n’a pas eu un effet significatif sur la croissance des amarantes (moutarde -11 et -49 %, sorgho -15 et 48 %, sarrasin 18 et -10 % du rapport de la matière sèche de l’amarante entre les modalités présence et absence de tuyau) et ne peut donc pas expliquer une partie de l’effet total de suppression, contrairement à l’ombrage. L’essai réalisé au champ n’a sans doute pas permis techniquement de contrôler le facteur séparation de la rhizosphère. En effet, la séparation des rhizosphères par un tuyau, qui offrait l’avantage de pouvoir être enfoncé dans le sol après le semis sans devoir creuser et modifier la structure du sol, n’a pas permis d’éviter les contacts racinaires entre l’adventice et les différents couverts. La longueur de la racine pivotante de l’amarante aurait déjà dépassé la longueur du tuyau deux semaines après le semis (observation faite dans un essai ultérieur en phytotron). Les racines des couverts végé-

Tableau 4 | A) Matière sèche par amarante (mg) 53 JAS dans les trois couverts végétaux pour les variantes expérimentales A à D. Les valeurs sont les moyennes (± erreur standard) de 8 répétitions. T = tuyau plastique ; F = filet ; - = absence ; + = présence. B) Incidences (%) entre les variantes expérimentales. Les chiffres suivis de la même lettre ne sont pas significativement différents à p<0,05. Les pourcentages suivis par une étoile sont significativement différents A variante

Matière sèche par amarante (mg) sarrasin

sorgho

moutarde

A (-T -F)

24 ± 9 a

232 ± 49 a

34 ± 12 a

B (-T +F)

670 ± 191 b

1429 ± 305 b

264 ± 47 b

C (+T -F)

20 ± 3 a

273 ± 64 a

39 ± 13 a

D (+T +F)

746 ± 127 b

969 ± 54 b

521 ± 54 c

B couverts végétaux

incidence totale (%) (D vers. A)

incidence de la lumière (%)

incidence du tuyau (%)

(B vers. A)

(D vers. C)

(C vers. A)

(D vers. B) -10

sarrasin

-97*

-96*

-97*

18

sorgho

-76*

-84*

-72*

-15

48

moutarde

-93*

-87*

-93*

-11

-49*

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 292–299, 2014

297


Production végétale | Suppression des adventices par les couverts ­v égétaux: différents facteurs analysés

taux sont donc entrées en contact avec les racines des amarantes. En raison de périodes sèches, les cultures ont pu souffrir d’un stress hydrique. La concurrence pour l’eau entre les adventices et les cultures intermédiaires ne peut donc pas être exclue. Il est démontré que la présence d’Echinochloa crus-galli (panic pied-de-coq) induit l’exsudation de molécules allélopathiques chez le riz (Zhao et al. 2005). Il est possible qu’il faille également une pression écologique des adventices pour inciter l’expression du potentiel allélopathique des cultures étudiées. La faible densité des adventices (surtout de l’amarante) lors de l’essai pourrait expliquer l’absence de l’effet des interactions racinaires sur la croissance de l’amarante. On peut également imaginer qu’un couvert dense de cultures intermédiaires qui se développe rapidement fait suffisamment d’ombre pour inhiber la croissance des adventices. Les couverts végétaux n’auraient donc pas «besoin» de produire des exsudats racinaires pour supprimer les plantes concurrentes, il faudrait donc considérer que des phénomènes allélopathiques ne sont pas observables sur l’ensemble de la durée de l’essai mais plutôt à des étapes clé du développement de la plante, en particulier dans les premiers stades de développement avant l’établissement d’un couvert dense. Néanmoins, la suppression des adventices au champ ne semble pas s’expliquer seulement par le taux de couverture des cultures intermédiaires (Gebhard et al. 2013). Un essai réalisé en pot et phytotron avec les mêmes variantes expérimentales (durée 28 jours) a montré que les interactions racinaires entre l’adventice et le couvert végétal étaient nécessaires à la suppression de la croissance de l’amarante par le sarrasin et le sorgho. L’effet de la suppression de l’amarante a été supérieur lorsque l’interaction entre les racines était ajoutée au seul effet de l’ombrage. L’effet observé a été plus marqué chez le sarrasin que chez le sorgho. Dans l’essai en phytotron, la concurrence pour l’eau et les éléments nutritifs a été exclue par un arrosage et un apport nutritif optimal. A noter que la durée de l’essai en phytotron était plus courte que celle de l’essai au champ et que la canopée du sarrasin à 53 JAS au champ était plus dense que celle observée en chambre de culture à 28 JAS.

298

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 292–299, 2014

Conclusions ••Cet essai a été conduit pour séparer le phénomène allélopathique du facteur de concurrence pour la lumière au champ. ••le système mis en place a permis de supprimer efficacement l’ombrage créé par les couvert végétaux sur les adventices et a montré la part importante de la compétition pour la lumière entre les plantes concernées. ••La concurrence pour les nutriments a pu être contrôlée et n’était pas déterminant pour les résultats. ••L’eau a pu jouer un rôle marginal dans l’essai et il conviendrait de mieux gérer son influence. ••La séparation des systèmes racinaires n’a pas pu être garantie avec le système de séparation des zones racinaires par des tuyaux en plastique de 25 cm de hauteur. ••Des essais au champ supplémentaires sont nécessaires pour comprendre et prouver l’existence des phénomènes allélopathiques in situ. n


Soppressione delle avventizie mediante ­coperture vegetali: diversi fattori analizzati Le colture intercalari rappresentano una tecnica colturale sempre più diffusa in Svizzera grazie ai loro servizi ecosistemici, tra i quali la soppressione delle avventizie. Questo fenomeno può essere spiegato dall’azione congiunta di fattori di competizione (per acqua, luce ed elementi nutritivi) e di eventuali fenomeni allelopatici (interazioni biochimiche tra le piante). Per meglio comprendere i fenomeni di soppressione delle avventizie attraverso le coperture vegetali, abbiamo realizzato una prova in campo che permette di misurare l’effetto di tre coperture sulla crescita delle avventizie, in particolare, l’amaranto. Inoltre, abbiamo tentato di comprendere il ruolo dei diversi fattori di soppressione attraverso l’istallazione di un nuovo dispositivo sperimentale. Si trattava di studiare separatamente l’effetto dovuto alla competizione per la luce attraverso le coperture e l’effetto dovuto ai fenomeni allelopatici in seguito a interazioni radicali tra le coperture e gli amaranti. Durante questo primo anno di prova, la competizione per la luce ha potuto essere fortemente ridotta; tuttavia, per ragioni metodologiche, le interazioni radicali non hanno potuto essere completamente soppresse in campo. I risultati intermedi hanno mostrato il ruolo importante della concorrenza per la luce nel controllo delle avventizie in campo, mentre non è ancora stato possibile osservare il ruolo dell’allelopatia.

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Summary

Riassunto

Suppression des adventices par les couverts ­v égétaux: différents facteurs analysés | Production végétale

Weed suppression by cover crops: analyzing different factors Cover crops represent an increasingly widespread agricultural technique in Switzerland as they provide different ecosystem services. One important role of cover crops is weed control, which can be explained by resource competition (for water, nutrients and light) and allelopathic effects (biochemical interactions between plants). To better understand the phenomenon of weed suppression by cover crops, we set up a field experiment that has allowed us to measure the effect of three cover crops on weed growth, particularly amaranth. In addition, we tried to understand the role of different weed growth suppression factors by using a new experimental approach. It allowed us to study separately the factor of light competition by the plant cover and the allelopathic root interactions between the cover crops and the amaranth plants. In this first year of the trial, light competition could be strongly reduced, but root interactions in the field could not be prevented completely due to methodological reasons. The intermediate results have demonstrated clearly the important role of light competition for weed control in the field. The role of allelopathy in weed suppression by cover crops remains to be identified. Key words: cover crops, weed suppression, buckwheat, sorghum, brown mustard, resource competition, allelopathy, root interactions.

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E n v i r o n n e m e n t

Traitements des pommiers à la streptomycine et résistances aux antibiotiques dans l’environnement Fiona Walsh1,2, Cosima Pelludat 2, Brion Duffy3, Daniel P Smith4, Sarah M Owens 4, Jürg E Frey2 et Eduard Holliger2 1 National University of Ireland, Department of Biology, Maynooth, Co Kildare Ireland 2 Agroscope, Institut des sciences en production végétale IPV, 8820 Wädenswil, Suisse 3 ZHAW Life Sciences und Facility Management, Umweltgenomik und Systembiologie, Grüental, 8820 Wädenswil, Suisse 4 Argonne National Laboratory, 60439 Illinois, Etats-Unis Renseignements: Fiona Walsh, e-mail: fiona.walsh@nuim.ie

Verger à pommiers en pleine floraison.

Introduction La streptomycine est un antibiotique isolé pour la première fois en 1943 à partir de la bactérie Streptomyces griseus. La découverte de son efficacité particulière contre le pathogène de la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis) a valu Selman Waksman le prix Nobel de médecine en 1952. La streptomycine tue les bactéries en inhibant la synthèse des protéines au niveau de leurs ribosomes. Les streptomycètes eux-mêmes, et d’autres bactéries exposées à la streptomycine, élaborent naturel-

300

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 300–305, 2014

lement des stratégies permettant de contourner ou de bloquer le mécanisme mortel de l’antibiotique: c’est ainsi que se développent des résistances à la streptomycine. Il peut y avoir plusieurs causes à l’apparition d’une résistance à la streptomycine. Par exemple, des mutations génétiques peuvent modifier les ribosomes de telle manière que la streptomycine ne peut plus s’y lier pour inhiber la synthèse des protéines. Autre possibilité, des gènes de résistance (par exemple strA (aph3), strB (aph6) et aadA (ant3)) situés sur des éléments mobiles d’ADN, codent pour des enzymes inactivant la strepto-


mycine. Mobiles, de tels gènes de résistance peuvent se transmettre entre bactéries de la même espèce, mais aussi à des bactéries «apparentées». En médecine humaine, ces gènes mobiles de résistance sont les principaux responsables de la diffusion des résistances aux antibiotiques; ce sont eux aussi qui font craindre un transfert des gènes de résistance de l’agroécosystème vers des bactéries pathogènes pour l’être humain. Dans le cadre de travaux préliminaires aux recherches décrites ci-après, Agroscope a démontré que les formulations de streptomycine appliquées dans les vergers de pommiers ne contenaient pas de gènes de résistance (Rezzonico et al. 2009). Les résistances aux antibiotiques existent naturellement chez les bactéries. Cependant, on connaît mal la proportion de bactéries naturellement résistantes aux antibiotiques, et la mesure de l’influence humaine dans une possible évolution de cette proportion. Il a été établi que l’épandage de lisier provenant d’animaux d’engraissement traités aux antibiotiques favorise la dissémination de résistances aux antibiotiques dans l’environnement. De plus, il est apparu au cours des 35 dernières années que l’apparition de résistances à certains antibiotiques était corrélée à l’utilisation de ces derniers dans l’élevage. C’est pourquoi l’utilisation d’antibiotiques dans l’élevage fait l’objet de réglementations et de contrôles sévères dans l’Union européenne et en Suisse. Le feu bactérien, une maladie causée par la bactérie Erwinia amylovora, s’attaque à d’importantes espèces végétales cultivées, par exemple le pommier, le poirier et le cognassier. En cas d’attaque massive, il faut arracher les arbres ou même les vergers entiers contaminés, afin d’empêcher que la maladie ne gagne les plantes voisines. La streptomycine est utilisée depuis 1955 déjà aux États-Unis pour lutter contre le feu bactérien. Avec une efficacité de 70 à 90 % contre les infections aux fleurs, c’est actuellement la meilleure substance active contre le feu bactérien. Pour éviter la dissémination de bactéries résistantes aux antibiotiques dans la chaîne alimentaire et les risques sanitaires qui en découleraient, l’utilisation de la streptomycine en arboriculture fruitière n’est pas autorisée dans l’Union européenne (sauf en Allemagne et en Autriche, où une autorisation exceptionnelle a été accordée pour la lutte contre le feu bactérien). Après l’expansion catastrophique du feu bactérien en 2007, l’Office fédéral de l’agriculture a pour la première fois autorisé, l’année suivante, l’utilisation de streptomycine pour lutter contre E. amylovora dans les vergers en Suisse. L’utilisation était strictement limitée dans l’espace et dans le temps: au maximum trois applications à 130 grammes de substance active par hectare

Résumé

Traitements des pommiers à la streptomycine et résistances aux antibiotiques dans l’environnement | Environnement

En 2008, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a autorisé l’utilisation contrôlée de la streptomycine pour combattre le feu bactérien. Cette autorisation a été accordée sous la condition que le dévelopement de résistances aux antibiotiques soit étudié dans les vergers de pommiers traités. Agroscope à Wädenswil a conduit la première étude quantitative sur les gènes mobiles de résistance à la streptomycine et à la tétracycline (strA, strB, aadA, tetB, tetM, tetW) et sur la séquence d’insertion IS1133. Des fleurs, feuilles et échantillons de sol ont été pris dans trois vergers de pommiers qui ont été traités à la streptomycine en 2010, 2011 et 2012. L‘abondance et la distribution des gènes de résistance ont été étudiées à différents moments et en fonction du traitement. Les gènes mobiles de résistance à la streptomycine et à la tétracycline ont déjà pu être détectés avant la première application de streptomycine dans presque tous les échantillons, ce qui documente la présence de ces gènes de résistance dans la nature. Des augmentations significatives de l’abondance de ces gènes de résistance n’ont été observées que dans des cas individuels, mais n’étaient pas constantes et n’ont pas été observées les années suivantes. Ce projet a aussi étudié l’effet de l’application de la streptomycine sur la communauté bactérienne du sol. Ces analyses n’ont également pas montré de différences significatives et constantes dans les échantillons du sol. Les résultats de cette étude montrent que l’application de la streptomycine dans les vergers de pommiers choisis n’a pas entraîné une augmentation des gènes de résistance à la streptomycine et à la tétracycline, et n’a également pas eu d’effets négatifs sur la composition de la population bactérienne du sol.

dans les vergers en fleurs. Pour évaluer les effets de ces applications de streptomycine sur l’environnement, Agroscope Wädenswil a procédé durant trois ans (2010 – 2012) à une étude détaillée sur mandat de la Commission fédérale d’experts pour la sécurité biologique (CFSB).

Matériel et méthodes Dispositif de l’essai L’étude a porté sur l’analyse des populations bactériennes d’échantillons de sol, de feuilles et de fleurs de plusieurs vergers (Wädenswil, Güttingen, Lindau ZH) 

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Environnement | Traitements des pommiers à la streptomycine et résistances aux antibiotiques dans l’environnement

Figure 1 | Exemples d'échantillons de fleurs, de feuilles et de fruits à la récolte (au total, trois sites et trois r­ épétitions pour chaque traitement).

traités à la streptomycine. Comme l’antibiotique tétracycline est aussi autorisé aux États-Unis pour lutter contre le feu bactérien, la présente étude a porté également sur un éventuel effet croisé de l’application de streptomycine sur la résistance à la tétracycline. Tous les échantillons ont ainsi fait l’objet, en plus, d’une analyse PCR quantitative développée pour les gènes tetB, tetM et tetW de résistance à la tétracycline. La streptomycine a été appliquée sur tous les vergers trois fois par saison de floraison, à la même dose par hectare et sur les mêmes arbres. Cette triple application correspond au nombre maximal autorisé en Suisse par saison de floraison (en 2008 et 2009 uniquement - le nombre maximal d’applications dans les vergers suisses ayant été réduit à deux pour les années suivantes). Cependant, l’essai en cours s’est poursuivi avec trois applications. Ainsi, les vergers étudiés étaient exposés à une plus grande

quantité de streptomycine que les vergers exploités commercialement. Dans l’essai, un nombre égal de pommiers a été traité à l’eau. Les procédés «streptomycine» et «eau» ont été répétés trois fois dans chaque verger, et des échantillons de fleurs/fruits, de feuilles et de sol ont été prélevés chaque fois dans chaque répétition (fig. 1). Les traitements à l’eau et à la streptomycine ont été appliqués en trois répétitions sur des lignes alternées dans chacun des vergers de l’essai. Trois échantillons (fleurs/fruits, feuilles et sol) ont été prélevés chaque fois dans chaque ligne (fig. 2). Le premier prélèvement d’échantillons a été fait à la date T1, un jour avant la première application de streptomycine. Les trois prélèvements suivants ont été faits un jour (T2) puis deux semaines (T3) après la troisième application de streptomycine et finalement à la récolte (T4) (fig. 2).

Application de streptomycine ou d'eau durant la floraison des pommiers 1.

1 jour avant l'application T1

2.

3.

1 jour après la troisième application T2

2 semaines après la troisième application T3

Récolte T4

Figure 2 | Dispositif de l'essai avec les applications de streptomycine/d'eau et le calendrier des échantillonnages destinés aux analyses.

302

Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 300–305, 2014


Traitements des pommiers à la streptomycine et résistances aux antibiotiques dans l’environnement | Environnement

Wädenswil 300 Wädenswil

Abondance Abondance relative relative relative Abondance

250 300

Wädenswil

300 200 250

492 492

250 150 200 200 100 150 150 50 100 100 0 50

T1

T2

50 0 0 300

T3 Récolte

T1

Eau T2

T3 Récolte

T1

439 439 T2 EauT3 Récolte Eau

439 439 439 439

300 200 250

T2

T3 Récolte

Streptomycine

T1

250 300 Abondance Abondance relative relative relative Abondance

492

Lindau

T1

T2

T1

819 1912 819 Streptomycine 1912 T2 T3 Récolte

Lindau

T3 Récolte

Streptomycine 819 1912 819 1912

Lindau

819 1912 819 1912

250 150 200 200 100 150 150 50 100 100 0 50

T1

T2

T3 Récolte

T1

T2

T1

T2

Eau T3 Récolte

T1

Streptomycine T2 T3 Récolte

T1

T2 EauT3 Récolte Güttingen T1

Streptomycine T2 T3 Récolte

50 0 0 300

T3 Récolte

Streptomycine

Eau Güttingen

Abondance Abondance relative relative relative Abondance

250 300

Güttingen

250 150 200 200 100 150 150 50 100

T1

T2

T3 Récolte

T1

T2

T1

T2

Eau T3 Récolte

T1

Streptomycine T2 T3 Récolte

T1

strA strB T2 Eau T3 Récolte

IS1133 T1

aadA Streptomycine T2 T3 Récolte

50 0 0

Analyse de la population bactérienne du sol L’éventualité de modifications dans la composition des populations bactériennes des neuf échantillons de sol provenant de parcelles de Güttingen, Lindau et Wädenswil (2008, 2011) traitées à la streptomycine ou à l’eau a été examinée. Pour ce faire, la région V4 du rRNA 16S des bactéries de ces échantillons a été séquencée afin de pouvoir définir et comparer les populations entre elles.

Résultats et discussion

300 200 250

100 0 50

Mise en évidence et quantification des gènes de résistance L’ADN total de chacun des échantillons a été isolé pour les procédures analytiques. Les gènes mobiles de résistance à la streptomycine strA (aph3), strB (aph6) et aadA (ant3) ainsi que la séquence d’insertion IS1133 associée à la présence de strA (aph3) et strB (aph6), ont été révélés au moyen d’une analyse PCR quantitative multiplexe (analyse de plusieurs gènes au cours d’une seule réaction) développée par Agroscope (Walsh et al. 2011). Le nombre total de bactéries présentes a été déterminé en standard interne sur la base du rRNA 16S présent dans toutes les bactéries. Ce procédé ainsi que les techniques utilisées prennent en considération le fait qu’une grande partie des bactéries présentes dans l’environnement ne peuvent pas être cultivées dans les conditions standards de laboratoire. Les procédés choisis permettent la détermination du nombre de bactéries dans chaque échantillon, à mettre ensuite en relation avec le nombre de résistances aux antibiotiques détectées. Les données récoltées ont fait l’objet d’une évaluation statistique au moyen du logiciel Xlstat 2011 et du test ANOVA (P< 0.05).

T3 Récolte

Eau Streptomycine strA strB IS1133 aadA Figure 3 | Abondance relative des gènes de résistance à la streptomycine strA, strB, strA aadA et de l'élément d'insertion (normalisé strB IS1133 IS1133 aadA avec des produits PCR définis) des échantillons de fleurs des trois vergers de pommiers (Wädenswil, Lindau ZH et Güttingen). Trois applications de streptomycine, respectivement d'eau (témoin), ont été faites durant la saison de floraison. Les prélèvements d'échantillons ont été faits avant la première application (T1) puis à trois moments différents après la troisième application de streptomycine (T2,T3, récolte).

À l’exception de aadA, les gènes de résistance à la streptomycine et à la tétracycline recherchés ont été détectés dans quasiment tous les échantillons, déjà avant le premier traitement à la streptomycine. Le gène aadA a été trouvé dans 15 échantillons. En 2010, une augmentation statistiquement significative de l’abondance des gènes strA et strB a été relevée dans les échantillons de fleurs de tous les vergers, un jour ainsi que deux semaines après les traitements (T2, T3) à la streptomycine. Cette augmentation n’a pas été observée en 2011. Aucune modification statistiquement significative de la présence de aadA n’a pu être constatée à aucun moment ni dans aucun des échantillons. En comparant les échantillons (T1) des années 2010 et 2011, une différence statistiquement significative n’a pu être constatée quant à l’abondance des gènes de résistance. Cela suggère que trois applications de streptomycine par année n’exercent aucun effet à long terme  sur l’abondance des gènes de résistance recherchés.

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303


Environnement | Traitements des pommiers à la streptomycine et résistances aux antibiotiques dans l’environnement

E

S

E

E

S

E

E

E

S

E = eau S = streptomycine Acidobacteria; Acidobacteria Acidobacteria; Acidobacteria-6 Acidobacteria; Solibacteres Actinobacteria; Actinobacteria Bacteroidetes; Sphingobacteria Firmicutes; Bacilli Gemmatimonadetes; Gemmatimonadetes Nitrospirae; Nitrospira Proteobacteria; Alphaproteobacteria

Güttingen 2011

Güttingen 2008

Wädenswil 2008

Lindau 2008

Wädenswil 2011

Wädenswil 2011

Güttingen 2011

Lindau 2011

Lindau 2011

Proteobacteria; Betaproteobacteria Verrucomicrobia; Pedosphaera Verrucomicrobia; Spartobacteria

Figure 4 | Composition des communautés bactériennes des échantillons de sol analysés. La liste comprend les classes de bactéries présentes dans les échantillons de sol analysés (2008, 2011).

Concernant les gènes de résistance à la tétracycline, une augmentation statistiquement significative de l’abondance du gène tetM dans les échantillons de sol (T3) de Güttingen a été détectée en 2011. Toutefois cette augmentation n’était plus observable au moment de la récolte ni à aucune des périodes de prélèvement de l’année suivante. Une augmentation de l’abondance de tetM a également été constatée seulement dans les échantillons d’inflorescences (T2) de Güttingen, et une augmentation de l’abondance de tetB et de tetW seulement au temps de la récolte dans les fruits de Lindau. Au cours des années de l’essai, on a constaté des augmentations statistiquement significatives, mais instables et non répétitives, du pool des résistances recherchées dans les échantillons de sols, de feuilles et de fleurs (fig. 3). Nous en déduisons que l’application de streptomycine à trois reprises par saison dans ces vergers de pommiers n’entraîne pas une augmentation durable des gènes de résistance à la streptomycine ou à la tétracycline (Duffy et al. 2014). L’intérêt des chercheurs ne s’est pas concentré seulement sur l’influence d’un traitement à la streptomycine sur l’abondance des gènes de résistance, mais aussi sur la composition des communautés bactériennes. Les données relevées (fig. 4) montrent que l’application de streptomycine dans les vergers n’a pas entraîné une modification significative de la composition de la communauté bactérienne (Walsh et al. 2014). Si l’on consi-

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dère que les bactéries de l’ordre des Actinomycetales présentes dans le sol (auquel appartient aussi S. griseus) sont connues comme productrices d’antibiotiques, ce résultat n’est pas étonnant. Les bactéries du sol ont disposé de millions d’années pour s’adapter aux antibiotiques et à leurs effets. Les résultats de cette étude nous amènent à conclure que l’application de streptomycine dans les vergers de pommiers de cet essai n’a pas entraîné une augmentation durable de l’abondance des gènes de résistance à la streptomycine et à la tétracycline recherchés, et qu’elle n’a pas eu non plus d’incidence sur la composition de la population bactérienne. Les conditions très strictes imposées à l’utilisation de streptomycine limitée dans l’espace et dans le temps s’avèrent donc adéquates quant au risque de développement de résistances aux antibiotiques dans l’environnement. n

Remerciements

Agroscope remercie l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) pour le financement de ce projet de recherche. Nous remercions aussi les chefs d'exploitation qui ont mis à notre disposition leurs vergers et procédé aux applications dans les parcelles expérimentales.


Effetto dello steptomicina nei meleti sulle resistenze agli antibiotici d’nell’ambiente Nel 2008 l’Ufficio federale dell’agricoltura (UFAG) ha autorizzato l’uso regolamentato di streptomicina nella lotta contro il fuoco batterico. Una delle condizioni poste era il monitoraggio dello sviluppo della resistenza all’antibiotico usato negli appezzamenti trattati. Inoltre Agroscope ha condotto i primi studi inerenti l’analisi quantitativa dei geni trasferibili di resistenza alla streptomicina e alla tetraciclina (strA, strB, aadA, tetB, tetM, tetW), così come quella della sequenza di inserzione IS1133 in appezzamenti trattati con streptomicina. Nel 2010, 2011 e 2012 sono stati raccolti campioni di fiori, foglie e terreno da tre diverse parcelle trattate con streptomicina. La presenza e la distribuzione delle suddette sequenze è stata analizzata per identificare gli effetti dovuti ai trattamenti. I geni mobili di resistenza agli antibiotici sono stati trovati in quasi tutti i campioni raccolti prima dei trattamenti con la streptomicina, cosa che indica la naturale distribuzione di questi geni nelle popolazioni del patogeno. Sporadicamente sono stati riscontrati aumenti significativi nella frequenza di questi geni, ma questi non sono stati osservati sistematicamente tra appezzamenti e non sono stati confermati con i campioni raccolti l’anno seguente. Infine è stata comparata la composizione batterica tra suoli prelevati da appezzamenti con e senza trattamento con streptomicina senza trovare differenze costanti e significative. Dai risultati ottenuti è stato possibile concludere che l’applicazione di streptomicina in meleti, seguendo le raccomandazioni attuali, non porta all’aumento dei geni mobili di resistenza agli antibiotici indagati in questo studio e non ha effetti negativi sulle popolazioni batteriche nel terreno.

Bibliographie ▪▪ Rezzonico F., Stockwell V. O. & Duffy B. 2009. Plant agricultural streptomycin formulations do not carry antibiotic resistance gene. Antimicrob Agents Chemother 53 (7), 3173–3177. ▪▪ Walsh F., Ingenfeld A., Zampicolli M., Hilber-Bodmer M., Frey J. E. & Duffy B., 2011. Real-time PCR methods for quantitative monitoring of streptomycin and tetracycline resistance genes in agricultural ecosystems. Journal of Microbiological Methods 86 (2), 150–155.

Summary

Riassunto

Traitements des pommiers à la streptomycine et résistances aux antibiotiques dans l’environnement | Environnement

Impact of streptomycin applications on antibiotic resistance in apple orchards The Federal Office for Agriculture (FOAG) authorized the use of streptomycin to fight fire blight under controlled conditions in 2008 with the provison that the development of antibiotic resistance in the treated plots is monitored. Agroscope in Wädenswil thus performed the first study to quantitatively analyze the influence of streptomycin use in agriculture on the abundance of the mobile streptomycin and tetracycline resistance genes (strA, strB, aadA, tetB, tetM, tetW) and the insertion sequence IS1133. Furthermore, the effect of the streptomycin treatment on the bacterial community structure was assessed. Flowers, leaves and soil were collected from three streptomycin-treated orchards in 2010, 2011 and 2012. The abundance and distribution of the resistance genes was analyzed at different time-points and included as a function of the treatment. The mobile antibiotic resistance genes were detected prior to streptomycin treatment in almost all samples, indicating the presence of these genes in nature. Statistically significant increases in the resistance gene abundance were occasional, inconsistent and not repro­ ducible from one year to the next. Analysis of the bacterial community in soils from orchards with or without streptomycin treatment revealed no statistically significant or constant alterations. We conclude that the application of streptomycin in these orchards led neither to an increase in streptomycin or tetracycline resistance gene abundance nor to a negative impact on the bacterial community. Key words: streptomycin, antibiotics, apple orchard, development of resistance, bacterial community in soil.

▪▪ Duffy B., Holliger E. & Walsh, F. 2014. Streptomycin use in apple orchards did not increase abundance of mobile resistance genes. ­ FEMS Microbiology Letters. 350 (2), 180–9.4. ▪▪ Walsh F., Smith D. P., Owens S. M., Duffy B. & Frey J. E., 2014. Restricted streptomycin use in apple orchards did not adversely alter the soil bacteria communities. Front. Microbiol. 31 (4), 383.

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E c l a i r a g e

Préservation de la diversité génétique des ­animaux de rente en Suisse: progrès et défis Maurice Tschopp, Catherine Marguerat et François Pythoud Office fédéral de l’agriculture OFAG, 3003 Berne, Suisse Renseignements: Catherine Marguerat, e-mail: catherine.marguerat@blw.admin.ch

La situation de la race évolénarde s'est améliorée, mais elle reste menacée. L'OFAG soutient un projet de préservation. (Photo: Fédération d'élevage de la race évolénarde)

Le premier rapport sur l’état des ressources zoogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde a été présenté lors de cette conférence (voir encadré 1). Il recensait 7616 races animales à travers le monde, dont près de 20 % étaient menacées. Pire encore, 690 races répertoriées avaient déjà disparu, dont 62 pendant les six ans nécessaires à la préparation et à la rédaction de ce rapport (FAO 2007)1! Une diversité génétique élevée des animaux de rente est pourtant essentielle (Notter 1999; LPP et al. 2010). En effet, contrairement aux végétaux, les populations animales génétiquement uniformes sont indésirables, notamment en raison de la diminution de la fertilité et des risques liés à la consanguinité. Une base génétique diversifiée est généralement synonyme d’une meilleure résistance aux maladies et il n’est pas exclu que des races traditionnelles reviennent sur le devant de la scène suite aux effets du changement climatique (FAO 2010). Enfin, Le nombre de races menacées ou disparues pourrait être plus élevé, notamment en raison du manque de données dans de nombreux pays.

1

En 2002, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) transmettait la première évaluation sur l’état des ressources génétiques animales en Suisse à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cette démarche s’inscrivait dans le cadre de la préparation du rapport sur «l’état des ressources zoogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde» – rapport qui a mis en évidence la situation critique de nombreuses races animales. En mars 2014, l’OFAG a soumis une seconde évaluation à la FAO, présentant les progrès réalisés. Bien que plusieurs races suisses soient encore menacées, le bilan est globalement positif. Le 8 septembre 2007, les représentants de 109 Etats réunis à Interlaken adoptaient le Plan d’action mondial pour les ressources zoogénétiques. Ce plan d’action et le message politique qui l’accompagnait – la Déclaration d’Interlaken – réaffirmaient l’importance de la diversité des ressources zoogénétiques et énonçaient des principes et mesures visant à la protéger et à la conserver.

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Encadré 1 | Chronologie 1996-1998: Création d’un groupe de travail mandaté par l’OFAG pour inventorier les races des animaux de rente suisses et évaluer les mesures nécessaires à leur conservation. 2002: Elaboration et envoi à la FAO du premier rapport sur l’état des ressources zoogénétiques en Suisse 2007: Conférence d’Interlaken organisée par l’OFAG et la FAO. Présentation du rapport sur l’état mondial des ressources zoogénétiques et adoption du Plan d’action mondial pour les ressources zoogénétiques 2013–2014: Préparation du deuxième rapport national sur l’état des ressources zoogénétiques en Suisse et sur les progrès réalisés depuis l’adoption du Plan d’action mondial.


Préservation de la diversité génétique des ­a nimaux de rente en Suisse: progrès et défis | Eclairage

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Changementdans dans Changement demandedes des lalademande produitsde del’élevage l’élevage produits

Changements climatiques

Aspects politiques politiques Aspects

faible 6 inexistant moyen Datenreihe 7 Datenreihe Datenreihe 5 Datenreihe 8 élevé inexistant moyen faible élevé Figure 1 | Impact sur les ressources zoogénétiques et leur gestion au cours des dix dernières années.

différentes races animales possèdent des qualités nutritionnelles bien spécifiques et peuvent également contribuer à la durabilité des systèmes alimentaires (Baumung et al. 2012). Plus de dix ans après le premier rapport national, l’OFAG a complété la seconde évaluation des ressources zoogénétiques suisses et les progrès réalisés depuis l’adoption du Plan d’action mondial. Ces documents ont été soumis à la FAO en mars 2014. L’organisation onusienne doit maintenant rassembler les informations transmises par plus de 100 pays et rédiger le rapport mondial sur l’état des ressources génétiques qui devrait être finalisé en 2016. Un processus participatif Pour préparer ce rapport national, l’OFAG a mené un important processus de consultation. Quelque 26 questionnaires ont été envoyés aux principales associations d’éleveurs, aux institutions de recherche suisses et à d’autres acteurs actifs dans le domaine de la conservation. L’objectif de ce processus était de pouvoir obtenir des acteurs concernés des informations sur les lacunes et progrès accomplis.

0%

Changement dans la demande des produits de l’élevage élevé

Changements climatiques moyen

faible

Aspects politiques

inexistant

Figure 2 | Impact futur sur les ressources zoogénétiques et leur gestion (prédiction pour les dix prochaines années).

Les conclusions de cette enquête sont résumées dans les figures 1 et 2 et sont brièvement présentées ici. Dans l’ensemble, les mesures développées par la Confédération, notamment à travers l’ordonnance sur l’élevage, semblent donner satisfaction aux principaux représentants du secteur. Les organisations consultées reconnaissent que le soutien de la Confédération aux races locales et menacées s’est globalement amélioré lors des dernières années. Elles indiquent également que l’accès au marché et la demande en produits animaux se sont renforcés. C’est notamment le cas pour les produits spéciaux, portant une labélisation de type AOP, Bio ou autre. Toutefois, certaines organisations se plaignent du caractère changeant des paiements directs et de l’imprévisibilité qui découle d’un modèle économique basé en premier lieu sur le soutien de l’Etat. Beaucoup sont également préoccupés par l’ouverture des marchés, qui affecte directement les prix en Suisse et qui menace ce faisant la survie de certaines races traditionnelles ayant une productivité plus faible que les races modernes. Par contre, les associations d’éleveurs sont peu préoccupées par des phénomènes à long terme, comme la perte de  zones d’estivage ou le changement climatique.

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Eclairage | Préservation de la diversité génétique des ­a nimaux de rente en Suisse: progrès et défis

Figure 3 | La chèvre Col noir du Valais est jugée menacée en raison de son haut degré de consanguinité et de sa valeur traditionnelle typique. L'OFAG accompagne un projet de valorisation. (Photo: Fédération suisse d'élevage caprin)

Etat des ressources zoogénétiques en Suisse Le questionnaire, comprenant 77 questions, était composé de quatre parties: ••Tendances et éléments clés influençant la gestion des ressources zoogénétiques ainsi que les forces, faiblesses, carences, défis et priorités stratégiques en vue d’actions futures; ••Données pour la préparation du rapport sur l’état des ressources zoogénétiques (flux des ressources zoogénétiques, évolution du secteur de l’élevage, vue d’ensemble des ressources zoogénétiques, caractérisation, institutions et acteurs impliqués, programmes de sélection, conservation, biotechnologies reproductives et moléculaires) ••Données contribuant à la préparation du rapport sur «l’état de la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde» (intégration de la gestion des ressources zoogénétiques, phytogénétiques, forestières et aquatiques ainsi que fourniture de services écosystémiques) ••Rapport intérimaire sur la mise en œuvre du Plan d’action mondial pour les ressources zoogénétiques. L’élevage constitue une part importante de la production agricole suisse. Le pays compte près de 13 millions d’animaux de rente tels que bovins, porcs, moutons, chèvres, chevaux, poules et lapins. 4,3 millions seulement appartiennent aux espèces bovines, porcines, ovines et caprines. Sur ces 4,3 millions d’animaux, 29 % sont inscrits dans un livre généalogique ayant deux

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Recherche Agronomique Suisse 5 (7–8): 306–309, 2014

générations parentales de la même race. Cet aspect est très important pour le travail de conservation en race pure. Sur les env. 70 races bovines, porcines, ovines et caprines principales, plus de la moitié (33) sont des races traditionnelles (originaires du pays) ou adaptées aux conditions locales (élevage démontré en Suisse depuis 1949, notamment par la présence d’un livre généalogique). Cette diversité s’explique surtout par la topographie et le paysage de la Suisse, qui en font un pays parfaitement adapté à l’élevage. Les effectifs des différents animaux inscrits dans les livres généalogiques en Suisse sont régulièrement publiés sur des portails d’informations tels que EFABIS et DAD-IS2. En 2013, 23 races suisses étaient jugées menacées sur la base de leur nombre effectif (en tenant compte du rapport mâle/femelle par rapport au total), de leur degré de consanguinité ou de leur valeur traditionnelle typique dans une certaine région (fig. 3). Ce dernier point est aussi très important en raison du danger que court une race en cas d’épidémie, si elle est surtout élevée dans une certaine région. Malgré l’état critique de ces races, la situation s’est globalement améliorée au cours des dernières décennies comme le montre l’exemple de la race évolénarde dont l’effectif, selon le portail national d’EFABIS.ch, a augmenté de 200 % entre 1995 et 2007. L’amélioration du nombre d’animaux de races menacées est le résultat de grands efforts des éleveurs suisses et des orga2 EFABIS: European Farm Animal Biodiversity Information System; DAD-IS: Domestic Animal Diversity Information System of the Food and Agriculture Organization of the United Nations; voir p.ex. www.efabis.ch


Préservation de la diversité génétique des ­a nimaux de rente en Suisse: progrès et défis | Eclairage

nisations d’élevage. De plus en plus d’éleveurs sont intéressés à garder des animaux de races menacées, véritable patrimoine génétique national, malgré leur productivité inférieure. La large participation des divers acteurs et parties prenantes dans la formulation et la gestion des programmes d’élevage figure également parmi les points positifs de cette évaluation nationale. Le suivi du Plan d’action mondial pour les ressources zoogénétiques est également jugé satisfaisant. La Suisse atteint ainsi déjà la plupart des objectifs définis et avancés dans les quatre domaines prioritaires (voir encadré 2) et met en œuvre des 23 priorités stratégiques fixées dans ce plan. Ce rapport a également permis d’identifier certaines lacunes, comme les mesures de conservation ex-situ. Si le matériel génétique stocké en Suisse dans les banques de gènes de Swissgenetics, de Suisag et du Haras à Avenches, permettrait en théorie de pouvoir «restaurer» la plupart des races bovines, porcines et équines menacées, ce n’est de loin pas le cas pour les races ovines ou caprines. La moitié à peine de ces races est présente dans des banques de gènes. Le même genre de déséquilibre se manifeste dans le secteur de la recherche. Une grande partie des efforts actuellement menés concernent les races bovines, au détriment des autres espèces.

Conclusions La Suisse, de par la diversité de ses paysages et de son climat, dispose d’une importante diversité génétique tant parmi les plantes cultivées qu’au sein des animaux de rente. Le rapport national sur l’état des ressources zoogé-

Figure 4 | Lors de l'achat d'un produit issu de races suisses menacées, les consommateurs et consommatrices contribuent à leur maintien. (Photo: ProSpecieRara)

nétiques a permis de dresser un bilan des dix dernières années de politique de conservation. Même si ce bilan est jugé positif, l’engagement du gouvernement et des diverses organisations de la société civile doit être maintenu pour préserver ce patrimoine important. Les futures mesures pourront notamment inclure un renforcement de l’offre de formation. Cependant, la priorité doit continuer à être donnée au développement de mesures créant un cadre pour l’utilisation durable des ressources génétiques suisses. Ceci passe notamment par une promotion des produits issus de races locales (fig. 4), mais également par une meilleure compréhension par les consommateurs n des enjeux liés aux races menacées en Suisse.

Encadré 2 | Les priorités stratégiques du Plan d’action mondial Domaine prioritaire 1: Caractérisation, inventaire et surveillance des tendances et des risques associés (deux priorités stratégiques) Domaine prioritaire 2: Utilisation durable et mise en valeur (quatre priorités stratégiques) Domaine prioritaire 3: Conservation (cinq priorités stratégiques) Domaine prioritaire 4: Politiques, institutions et renforcement des capacités (douze priorités stratégiques).

Bibliographie ▪▪ Baumung R., Hoffmann I., Burlingame B., & Dernini S., 2012. Animal ­g enetic diversity and sustainable diets. In: Sustainable Diets and Biodiversity: Directions and Solutions for Policy, Research and Action. International Scientific Symposium, 82-93. FAO. ▪▪ FAO, 2007. The State of the World’s Animal Genetic Resources for Food and Agriculture, Rome. ▪▪ LPP, LIFE, IUCN–WISP & FAO, 2010. Adding value to livestock diversity – Marketing to promote local breeds and improve livelihoods. FAO Animal Production and Health Paper 168. Rome, FAO. ▪▪ Notter, D. R., 1999. The importance of genetic diversity in livestock ­p opulations of the future. Journal of Animal Science, 77 (1), 61–69. ▪▪ OFAG, 2012. Rapport agricole. ▪▪ OFAG, 2005. Ressources génétiques animales de l’agriculture suisse.

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E c l a i r a g e

Râtelier pour chevaux avec dispositif temporisé d’accès au foin Sabrina Briefer, Samuel Schär et Iris Bachmann Agroscope, Institut des sciences en production animale IPA, 1580 Avenches, Suisse Renseignements: Iris Bachmann, e-mail: iris.bachmann@agroscope.admin.ch

Un des aspects importants de la détention des chevaux conformément à leurs besoins est de leur offrir la possibilité d’être occupés longtemps et à différents moments de la journée par la consommation de fourrage. (Photo: Agroscope)

16 heures de la journée d’un cheval (Duncan 1980). Une phase d’alimentation trop brève est considérée comme un facteur de risque pouvant entraîner des troubles digestifs et le développement de stéréotypies (McGreevy et al. 1995). La fréquence de la distribution du fourrage a aussi une grande importance. En liberté, les chevaux ne restent pas plus de trois à quatre heures sans prise de nourriture. Dans un cas extrême, ces temps de pause ne dépassent pas 40 minutes (Tyler 1972). De longues pauses ne sont pas naturelles pour les chevaux. Comme pour d’autres animaux de rente, on utilise donc des stations d’affouragement munis d’un dispositif électronique, qui par ailleurs nécessitent de gros investissements. Avec des râteliers électroniques meilleur marché, il est possible de distribuer du fourrage en plusieurs portions tout au long de la journée. On ne peut certes pas procéder à un affouragement individualisé, mais cette formule n’engendre pas de travail supplémentaire pour les gardiens et raccourcit les pauses entre les prises de nourriture.

Matériel et méthodes Contrairement à ce qui est prévu pour d’autres animaux de rente et selon la législation suisse sur la protection des animaux, aucune autorisation n’est nécessaire pour la vente d’installations pour chevaux produites en série. Celles-ci devraient pourtant être examinées scientifiquement quant à leur conformité aux besoins des animaux. Avec l’augmentation du nombre d’équidés en Suisse, les constructeurs d’installations d’écurie étendent leur offre dans le secteur du cheval et demandent de plus en plus souvent au Haras national suisse d’Agroscope, sur une base volontaire, de contrôler leur nouveau produit. Le présent article en est un exemple. Les résultats de l’étude ont été publiés sous la forme d’un rapport d’essai (Briefer et al. 2013).

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Introduction

Le râtelier testé mesure L x P x H = 2,12 × 2,12 × 2,7 m (hauteur réglable). Il dispose sur chaque côté de trois places d’affouragement de 28,5 cm de largeur chacune, séparées les unes des autres par trois barres verticales (intervalle de 55 mm entre chaque barre). Le râtelier est surmonté d’un toit et peut contenir une grosse balle ronde de foin. Sur chaque côté, une bâche en matière synthétique de 2 m de large, fixée sur un rail, permet ou empêche l’accès au foin. L’ouverture et la fermeture de la bâche sont actionnées par un moteur électrique (Rohrmotor Becker; 230 V, 255 Watt, 1,2 A, 44 Nm) et peuvent être programmées (système de commande STAVEB AG). Le système de programmation permet de sélectionner jusqu’à sept ouvertures de durée variable pendant 24 heures.

Un aspect important d’une détention conforme aux besoins des chevaux est la possibilité d’ingérer du fourrage tout au long de la journée (Vervuert et Coenen 2002). A l’état sauvage, cette activité peut occuper

Installation d’essai et chevaux L’essai a été conduit dans une stabulation à plusieurs compartiments du Haras national suisse. La stabulation a été divisée en deux parties. Dans la zone K, des valeurs

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Râtelier pour chevaux avec dispositif temporisé d’accès au foin | Eclairage

de référence ont été relevées lors de la prise de nourriture dans les stalles d’affouragement existantes; dans la zone T a eu lieu l’affouragement au moyen du râtelier à tester. Dans chaque zone, les chevaux disposaient d’une aire de repos de 70 m² et d’une aire de sortie en dur de 250 m². L’aire de repos était recouverte d’une litière profonde constituée de paille. Tous les jours, on y remettait 60 kg de paille de blé. Dans la zone K se trouvaient sept stalles d’affouragement pour six chevaux. Abritées par un toit, les stalles avaient une largeur de 80 cm, une longueur de 3 m et des parois de séparation de 2,2 m de haut, munies d’une fente dans la partie supérieure. Le foin pour chevaux (5 kg / jour / cheval) était déposé sur le sol. Dans la zone T, une balle de foin de 250 kg était mise dans le râtelier tous les quatre jours au moyen d’une machine. Pour cet essai, quatre demi-sang suisses et deux franches-montagnes âgés de 11 à 14 ans ont été sélectionnés. Ces juments étaient toutes en bonne santé, vivaient depuis au moins six mois dans le troupeau et n’étaient ni montées ni attelées. Réalisation de l’essai Pour relever les valeurs de référence, les six juments ont été observées pendant la première semaine (= phase de test K) dans la zone K (stalles d’affouragement). L’observateur était présent trois fois par jour aux heures habituelles d’affouragement, à savoir 7h15, 11h15 et 15h45 dès le début de la distribution de foin et jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de foin. Il a été possible de relever le temps total en minutes de prise de nourriture des six chevaux simultanément, identifiés à la tête, de même que le nombre d’éventuelles évictions de la place d’affouragement (fig. 1). Au cours de la deuxième semaine (= phase de test T1), les chevaux ont été transférés dans la zone T. Le râtelier s’ouvrait trois fois par jour: de 7h15 à 8h45, de 11h15 à

300

Temps de prise de nourriture [min.]

Figure 1 | Prise de nourriture dans la phase de test K (= affouragement dans les stalles). (Photo: Agroscope)

12h45 et de 15h45 à 17h15. Les chevaux avaient donc au total 270 minutes d’accès au foin par jour. Entre 17h15 et 7h15, le râtelier était fermé, les chevaux avaient libre accès à de la paille dans l’aire de repos. L’observateur se tenait dans la zone T pendant toute la durée d’ouverture du râtelier et relevait le temps total en minutes de prise de nourriture de tous les chevaux, de même que le nombre d’évictions de la place d’affouragement. Au cours de la troisième semaine (= phase de test T2), les chevaux sont restés dans la zone T. Le râtelier s’est ouvert à six reprises de 7h15 à 8h00, de 8h45 à 9h30, de 10h15 à 11h00, de 12h30 à 13h15, de 14h00 à 14h45 et de 15h30 à 16h15. Comme pour la phase de test T1, l’accès au foin était possible pendant 270 min. Pendant la nuit, le râtelier était fermé. Les observations ont été faites de façon analogue à la phase de test 1. Le fonctionnement du râtelier a été contrôlé au moyen de divers paramètres (précision du système de commande, ouverture et fermeture correctes des bâches) et tous les évènements ont été décrits qualitativement. Les chevaux ont été examinés tous les jours quant à d’éventuelles blessures. Leur poids a été relevé au début et à la fin de chaque phase de test au moyen d’un pont-bascule. Les données relevées ont été mises en valeur avec le programme statistique SYSTAT©13. Pour vérifier les différences entre médianes, un test Mann-Whitney-U a été effectué. Le seuil de significa tion a été fixé à 5 % (p<0,05).

Durée journalière d’ingestion de foin

250

200

150

100 Phase test K

Phase test T1

Phase test T2

Figure 2 | Durées journalières de prise de foin pendant les trois phases de test (K = 5 kg de foin/cheval/jour répartis en trois portions par jour dans les stalles d’affouragement; T1 = 3 ouvertures du râtelier de 90 min chacune; T2 = 6 ouvertures du râtelier de 45 min chacune).

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Eclairage | Râtelier pour chevaux avec dispositif temporisé d’accès au foin

Figure 3 | Problèmes de fonctionnement du dispositif de fermeture/ouverture. (Photo: Agroscope)

Résultats Temps total de prise de nourriture et intervalles Dans la phase de test K, lors de la distribution de 5 kg de foin/cheval/24 h répartis en trois portions par jour, l’ingestion de foin a duré en moyenne 151 minutes par jour. (125 – 216 minutes). Les chevaux ont mangé tout le foin. Lors de la phase de test T1, avec accès au râtelier trois fois par jour pour une durée totale de 270 minutes, les chevaux ont ingéré du foin en moyenne pendant 268 minutes (145 – 270 minutes). Dans la phase de test T2 avec six ouvertures par jour et une durée totale d’ouverture du râtelier également de 270 minutes, le temps total de prise de nourriture s’est élevé en moyenne à 250 minutes (212 – 270 minutes) (fig. 2). La différence n’était pas significative. L’accès au foin six fois par jour a conduit à un raccourcissement des intervalles entre les ouvertures du râtelier à 1 ½ heure au maximum contre trois heures dans la variante «trois ouvertures par jour». Dans le cas d’un affouragement dans les stalles (semaine de référence), les durées entre les prises de nourriture s’élevaient entre 2 h 48 min et 3 h 18 min. Pendant les trois semaines d’essai, les chevaux ont toujours eu accès à une aire de repos avec litière. L’ingestion de paille, en plus du foin dans les stalles d’affouragement et dans le râtelier, n’a pas été relevée. Evictions de la place d’affouragement Aucune éviction n’a été constatée lorsque les chevaux ingéraient du foin dans les stalles d’affouragement (phase de test K). Dans le cas d’une ouverture du râtelier trois fois par jour (phase de test T1), on a enregistré une moyenne de 47 tentatives d’éviction pas jour (36 – 73 fois), ce qui était significativement moins que dans le cas d’un accès au foin six fois par jour (phase de test T2) avec en moyenne 87 tentatives d’éviction par jour (72 – 99 fois) (p=0,043).

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Fonctionnement du râtelier et du dispositif de commande Pendant la durée totale de l’essai (T1, T2), des problèmes de fonctionnement du râtelier ont été relevés. La fermeture des bâches a été bloquée à plusieurs reprises par du foin accroché aux montants du râtelier. Les bâches ne se fermaient plus correctement et les chevaux pouvaient se servir de fourrage au travers d’ouvertures laissées par les bâches mal baissées (fig. 3, à gauche). A deux reprises, l’une des bâches ne s’est pas ouverte automatiquement et a dû être relevée à la main. Par ailleurs, une bâche a glissé (soit sous l’action d’un cheval, soit en raison d’une hyper-rotation du système de traction) à l’intérieur du râtelier empêchant l’accès au foin (fig. 3, à droite). Les durées d’ouverture ont été programmées sans problème tout au long de l’essai, le système de commande a fonctionné parfaitement et avec précision. Aucune blessure n’a été constatée chez les chevaux. Le râtelier ne présentait aucune partie dangereuse. Aucune modification significative du poids des chevaux n’a été observée pendant la période d’essai.

Discussion De nos jours, en raison des systèmes de détention et d’organisation du travail, les chevaux domestiques sont en règle générale rationnés afin d’éviter une suralimentation. Selon une étude menée par Bachmann et Stauffacher (2002), 48 % des chevaux reçoivent du fourrage seulement deux fois par jour et 34 % trois fois par jour. Or, ce type de gestion de l’affouragement ne comble pas les besoins physiologiques et psychologiques des chevaux. Cette façon de faire conduit, en particulier dans la détention en groupe, à un risque accru de blessures, étant donné que les longues pauses entre les phases d’affouragement entraînent de l’agitation et des interactions potentiellement dangereuses entre les membres du groupe (Streit, 2009; Gülden et al. 2011). Le râtelier avec accès au foin régulé électroniquement testé dans cette étude vise une distribution plus fréquente de fourrage grossier à des chevaux détenus en groupe, avec des intervalles plus courts entre les prises de nourriture sur une période de 24 heures, et sans surplus de travail pour le gardien. A cet effet, il est possible de régler automatiquement l’accès au foin pendant plusieurs périodes de durées variables. Après une première phase de test pour relever des valeurs de référence dans un groupe de six chevaux avec des conditions d’affouragement usuelles (stalles d’affouragement), deux variantes d’accès au râtelier à foin tout au long de la journée ont été comparées dans cette étude: d’une part, trois périodes de 90 minutes et, d’autre part, six périodes de 45 minutes.


Râtelier pour chevaux avec dispositif temporisé d’accès au foin | Eclairage

Comparé aux conditions naturelles de 12 à 16 heures, le temps total de prise de nourriture de 4 ½ heures est assez bas. Cependant, les chevaux avaient en permanence de la paille à disposition dans l’aire de repos. Le temps total de prise de nourriture au râtelier automatique a augmenté, comparé à la semaine de référence (stalles d’affouragement). En revanche, elle ne se différencie pas significativement entre la variante «six ouvertures par jour» et la variante «trois ouvertures par jour». Les intervalles ont toutefois été fortement réduits dans le cas des six ouvertures. Cette meilleure répartition de l’accès au foin tout au long de la journée prévient un encombrement de l’estomac, particulièrement petit chez le cheval, et représente donc une gestion de l’affouragement plus adaptée aux besoins des chevaux. Dans la détention de chevaux en groupe, la distribution de fourrage dans des râteliers à balles rondes entraîne régulièrement des tentatives d’éviction de la place d’affouragement des individus de rang inférieur en raison de l’organisation hiérarchique des équidés. Ce comportement est ressorti très clairement de la comparaison entre la phase de test K (affouragement en stalles: pas de tentatives d’éviction) et les phases de test T1 et T2 (affouragement au râtelier). La distribution de fourrage grossier dans des râteliers de grande dimension pour plusieurs chevaux ne convient qu’à des groupes homogènes (chevaux avec les mêmes besoins alimentaires) et avec un bon rapport «place d’affouragement/ cheval» ou encore dans le cas d’un affouragement à volonté. Le râtelier testé (douze places) convient à l’affouragement d’un groupe composé de quatre chevaux, le nombre d’évictions par jour de la place d’affouragement ayant été nettement plus élevé avec un groupe de six chevaux, ce qui n’est pas synonyme de «repas pris dans un climat serein».

Bibliographie ▪▪ Bachmann I. & Stauffacher M., 2002. Haltung und Nutzung von Pferden in der Schweiz: Eine repräsentative Erfassung des Status quo. Schweiz. Arch. Tierheilk . 144, 331–347. ▪▪ Briefer S., Bucher F., Schär S. & Bachmann I., 2013. Rundballenraufe für Pferde mit zeitgesteuerter Fütterungsplane. Prüfbericht, Agroscope – Schweizerisches Nationalgestüt, 6 p. ▪▪ Duncan P., 1980. Time-budgets of Camargue horses. II. Time-budgets of adult horses and weaned sub-adults. Behaviour 72 (1–2), 26–49. ▪▪ Gülden A., Gauly M. & Troxler J., 2011. Die computergesteuerte Kraftfutterstation für Pferde in Gruppenhaltung – Der Einfluss einer Austreibhilfe auf den Fütterungsablauf. KTBL-Schrift 489, Münster-Hiltrup, 113–121.

Pendant toute la phase de test de plusieurs semaines, des problèmes techniques lors de l’ouverture et de la fermeture des bâches du râtelier ont été relevés. Ces problèmes n’ont pas entraîné de situations dangereuses pour les chevaux, mais il a fallu intervenir et fermer/ ouvrir les bâches à la main. Afin que le râtelier permette une meilleure répartition de l’affourragement tout au long de la journée sans la présence de gardien ni un surplus de travail, il vaudrait la peine de procéder à des améliorations techniques.

Conclusions Le râtelier à balles rondes pour les chevaux avec accès au foin régulé électroniquement de la société B et M, Hausund Agrotech AG, Densbüren, a conduit, comme prévu, à une réduction des intervalles entre les phases de prise de nourriture. La répartition des rations de fourrage jusqu’à sept fois en 24 heures contribue fortement à une gestion de l’affouragement conforme aux besoins des chevaux. Toutefois, dans la détention en groupe, il faut être attentif lors de l’utilisation d’un râtelier à foin au rapport cheval/place d’affouragement et à l’homogénéité du groupe (chevaux avec les mêmes besoins alimentaires). En raison des problèmes techniques observés lors de l’ouverture et de la fermeture des bâches, il est nécessaire de contrôler le fonctionnement du râtelier plusieurs fois par jour, ce qui ne va pas dans le sens d’une utilisation dans une écurie sans présence de gardiens et donc sans surveillance. n

▪▪ McGreevy P. D., Cripps P. J., French N. P., Green L. E. & Nicol C. J., 1995. Management factors associated with stereotypic and redirected behaviour in the Thoroughbred horse. Equine Vet. J. 27, 86–91. ▪▪ Tyler S. J., 1972. The behaviour and social organization of the New Forest ponies. Animal Behaviour Monographs 5, 85–196. ▪▪ Vervuert I. & Coenen M., 2002. Aspekte der Fütterungs- und Haltungstechnik von Pferden. Pferdeheilkunde 18, 629–63.

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P o r t r a i t

Le comportement du cheval est son pain quotidien «Les chevaux ne mentent pas. Ils réagissent immédiatement aux stimuli et en fonction de leur personnalité authentique. C’est une expérience et une école de vie que je souhaite à tous de vivre.» Quand Iris Bachmann évoque les chevaux, la passion qu’elle nourrit pour ces quadrupèdes dotés d’une grande sensibilité est nettement palpable. Responsable de l’équipe Ethologie, détention et utilisation de chevaux au Haras national suisse d’Agroscope à Avenches depuis le début 2014, Iris Bachmann teste avec son équipe – composée uniquement de femmes – non seulement de nouveaux systèmes de détention (lire l’article sur les râteliers en p. 310), mais étudie aussi le comportement du cheval, en particulier lors de l’apprentissage. Le thème «Détention de chevaux et aménagement du territoire» est aussi de son ressort et fait régulièrement la une des journaux. Selon elle, une détention et une utilisation modernes peuvent être à la fois conformes au bien-être des animaux et applicables dans la pratique «tout en étant profitables aussi bien à l’homme qu’à l’animal». Née en 1968 dans le canton de Zurich, Iris Bachmann a grandi à la campagne, entourée de nombreux animaux domestiques. Enfant déjà, elle a appris à observer les animaux et à tirer des conclusions de leur comportement naturel. Pas étonnant qu’elle ait étudié plus tard la biologie et – en en branche principale – la zoologie et l’éthologie à l’Université de Zurich, ni qu’elle ait rédigé une thèse en 2002 intitulée «Chevaux en Suisse. Prévalence et causes des troubles du comportement considérés sous l’angle de la détention et de l’utilisation» (titre orignal en allemand, traduction française libre). Depuis 2003, Iris Bachmann travaille au Haras national suisse, d’abord en qualité de collaboratrice scientifique et responsable du Bureau de conseil, puis comme responsable de la formation et, en 2012 et 2013, en tant que responsable d’un groupe de recherche. «Au cours des dernières années, nous avons acquis un grand nombre de nouvelles connaissances que nous avons pu transmettre à la pratique». Elle considère la nouvelle orientation du haras en 2012 pour elle, personnellement, mais aussi pour la filière suisse du cheval comme «passionnante, motivante et en général très positive». La conscience de la filière du cheval dans les domaines de l’éthologie et de la détention s’est considérablement accentuée. Et Iris Bachmann d’ajouter: «Bien que beaucoup de connaissances font encore défaut, nous avons déjà fait bouger bien des choses. Et j’en suis fière!»

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Avec sa famille – son mari et ses deux garçons Nick (12) et Till (14) – et une ribambelle d’animaux domestiques, elle a élu domicile à Mur, sur le Mont Vully. Mère de famille, détentrice d’animaux et responsable d’une équipe de recherche, elle trouve sa vie «géniale». Mais: «J’aimerais que les journées soient deux fois plus longues». Elle trouve un équilibre à cette vie trépidante en joggant. «Chausser mes baskets et hop! dans la nature pour un jogging, c’est pour moi la relaxation par excellence». Et si elle avait un vœu à faire? «Je souhaiterais que l’éthologie soit reconnue comme une discipline de recherche scientifique à part entière par tous les praticiens, chercheuses et chercheurs et les autorités. Car, les efforts déployés pour le bien-être des animaux ne sont pas simplement un effet lié à une société prospère hypersensible, mais ont des retombées directes sur le bien-être des humains». Christine Caron-Wickli, Agroscope


A c t u a l i t é s

Nouvelles publications

Parution du livre sur AlpFUTUR: où va l’économie alpestre? Le bétail a repris le chemin des pâturages alpestres. Le livre «Avenir de l’économie alpestre suisse» parait en français et en italien juste au moment où débute la nouvelle saison d’alpage. Il présente une vue d’ensemble claire et approfondie des résultats du travail accompli pendant cinq ans par quatre-vingt chercheurs et chercheuses dans le cadre du programme de recherche AlpFUTUR. De premières mesures sont déjà mises en pratique. Des postes à l’alpage sont désormais proposés dans le cadre du service civil. La recherche a montré que trois facteurs étaient particulièrement décisifs pour l’avenir de l’économie alpestre: le personnel de l’alpage, le changement structurel agricole en plaine et la politique agricole. Le livre «Avenir de l’économie alpestre suisse. Faits, analyses et pistes de réflexion du programme de recherche AlpFUTUR» est accompagné de deux DVDs, comportant les films d’application AlpFUTUR «D’alpagistes à alpagistes» (sous-titré en français), ainsi que le documentaire «Une saison à l’alpage» (sous-titré en français). L’ouvrage peut être commandé auprès du WSL pour la somme de 30 francs (port en sus): www.alpfutur.ch/ livre. Les deux DVDs sont également vendus séparément.

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Actualités

Nouvelles publications

Contribution des paysannes aux exploitations familiales agricoles en Suisse

Economie Agroscope Transfer | N° 21

Contribution des paysannes aux exploitations familiales agricoles en Suisse Une enquête budget-temps Juin 2014

Autrices

Gabriela Brändle, Agroscope

Ruth Rossier et Linda Reissig

Fig. 1: Du fait de leur polyvalence, les paysannes apportent une contribution considérable au bon fonctionnement des exploitations agricoles familiales: paysanne dans son magasin à la ferme.

Selon le relevé du budget-temps réalisé en 2011 dans 179 exploitations familiales agricoles, le temps de travail des paysannes représente en moyenne 65 heures par semaine. Les paysannes consacrent près d’un tiers de ce temps à l’exploitation agricole ainsi qu’aux activités administratives et proches de l’agriculture. Les activités professionnelles hors exploitation représentent 13 pourcents de leur temps de travail. Le ménage et la famille occupent la moitié de leur temps et restent le domaine des paysannes, bien que les partenaires consacrent davantage de temps à la garde d’enfants qu’autrefois. Les paysannes adaptent leurs activités à l’intérieur et à l’extérieur de l’exploitation à leur situation familiale: lorsque les enfants sont petits, elles réduisent leurs activités dans l’exploitation et en dehors et

investissent davantage de temps dans la garde des enfants. Depuis 1974, le temps consacré au ménage et à l’exploitation par les paysannes a baissé tandis que celui consacré à l’éducation des enfants et aux activités professionnelles hors exploitation a augmenté. Depuis lors, on compte trois fois plus de paysannes avec une formation non-agricole qu’autrefois. Les résultats de l’enquête budget-temps montrent que la contribution des paysannes aux exploitations familiales agricoles reste très importante. Leur engagement polyvalent dans le ménage, la famille, l’exploitation et l’administration ainsi que leurs activités proches de l’agriculture ou hors exploitation contribuent incontestablement au bon fonctionnement des exploitations agricoles familiales.

Agroscope Transfer | N° 21 Selon le relevé du budget-temps réalisé en 2011 dans 179 exploitations familiales agricoles, le temps de travail des paysannes représente en moyenne 65 heures par semaine. Les paysannes consacrent près d’un tiers de ce temps à l’exploitation agricole ainsi qu’aux activités administratives et proches de l’agriculture. Les activités professionnelles hors exploitation représentent 13 pourcents de leur temps de travail. Le ménage et la famille occupent la moitié de leur temps et restent le domaine des paysannes, bien que les partenaires consacrent davantage de temps à la garde des enfants qu’autrefois. Les paysannes adaptent leurs activités à l’intérieur et à l’extérieur de l’exploitation à leur situation familiale: lorsque les enfants sont petits, elles réduisent leurs activités dans l’exploitation et en dehors et investissent davantage de temps dans la garde des enfants. Depuis 1974, le temps consacré au ménage et à l’exploitation par les paysannes a baissé, tandis que celui consacré à l’éducation des enfants et aux activités professionnelles hors exploitation a augmenté. Depuis lors, on compte trois fois plus de paysannes avec une formation non-agricole qu’autrefois. Les résultats de l’enquête budget-temps montrent que la contribution des paysannes aux exploitations familiales agricoles reste très importante. Leur engagement polyvalent dans le ménage, la famille, l’exploitation et l’administration ainsi que leurs activités proches de l’agriculture ou hors exploitation contribuent incontestablement au bon fonctionnement des exploitations agricoles familiales. Ruth Rossier et Linda Reissig, Agroscope

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Actualités

Graisse animale: un vecteur de goût qui ­influence la santé humaine? Lebensmittel Agroscope Science | Nr. 4 / 2014

Fleischfett – Ein Geschmacksträger mit Einfluss auf die menschliche Gesundheit? Autorin: Alexandra Schmid

Agroscope Science N° 4 / 2014 (disponible uniquement en allemand) La graisse joue un rôle important dans l’alimentation humaine. Les graisses sont vitales pour un corps sain, lui fournissent de l’énergie, contribuent à l’absorption de vitamines liposolubles et constituent des éléments structurels pour les parois cellulaires. Lorsque l’on cuisine aussi, la graisse joue un rôle important en tant que vecteur pour les arômes et le goût. Cependant, aucune autre substance nutritive ne doit lutter autant contre les préjugés que la graisse. Depuis des années, les organismes officiels et les sociétés de nutrition recommandent de réduire la teneur en graisses de l’alimentation et de préférer les huiles et les graisses végétales aux graisses animales. Ainsi, elles ont influencé le comportement de nombreux consommateurs-trices par rapport à la graisse animale, comme le montrent différents sondages d’opinion réalisés en Suisse. Le fait que ces recommandations n’étaient pas étayées par suffisamment de faits scientifiques a été critiqué dès le début; ces dernières années, les indications se précisent que la graisse en général et également la graisse animale ne méritent pas la mauvaise réputation dont elles jouissent souvent. La présente publication réunit la littérature scientifique concernant des aspects choisis du thème de la graisse animale (teneur en matière grasse de la viande, composition de la graisse animale, source d’arôme, historique des recommandations relatives à la teneur en graisse, impact de la graisse animale sur la santé). Etant donné que la graisse animale est absorbée en général lors de la consommation de viande, les possibles aspects néfastes pour la santé liés à la consommation de viande seront également abordés brièvement. Alexandra Schmid, Agroscope Agroscope Science est publié uniquement sous forme électronique. Téléchargement en format PDF: www.agroscope.ch > Publications

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Communiqués de presse

www.agroscope.admin.ch/medienmitteilungen www.agroscope.admin.ch/communiques 30.06.2014 Les mouches mineuses: passagers clandestins des plantes importées

10.06.2014 Rouille jaune: il faut trouver des variétés ­résistantes

C'est bientôt la période des vacances d'été – et des souvenirs que l'on ramène dans ses bagages. Les objets décoratifs ne posent généralement pas de problème à la douane, tandis que les plantes exotiques, elles, nécessitent souvent des permis d'importation, ou même sont carrément interdites. Ces mesures visent à éviter l'introduction de maladies ou ravageurs des plantes (organismes de quarantaine) en Suisse, comme les mouches mineuses. L'inspectorat phytosanitaire d'Agroscope et le service phytosanitaire fédéral recommandent donc vivement de renoncer aux plantes comme souvenir de voyage. En pratique, ces directives phytosanitaires restent souvent ignorées.

Cette année, une forte épidémie de rouille jaune se répand sur les cultures de blé et de triticale en Europe. En Suisse, plusieurs variétés sont concernées. La cause se trouve dans une combinaison de conditions météorologiques particulièrement favorables et l’arrivée d’une nouvelle race très virulente du pathogène. Le laboratoire de pathologie de la sélection du blé et du soja d’Agroscope analyse actuellement les virulences du pathogène et évalue la résistance des variétés de blé suisses et étrangères. Dès que possible, les producteurs seront informés sur les variétés qui offrent la meilleure résistance pour chaque classe boulangère.

24.06.2014 L’agriculture biologique a elle aussi besoin de mesures ciblées pour la biodiversité Le nombre d’habitats différents joue un rôle décisif dans la préservation de la diversité des espèces en région agricole. Les exploitations biologiques qui ne prennent pas de mesures d’encouragement ciblées comme la création de milieux naturels supplémentaires riches en espèces présentent une biodiversité qui n’est que légèrement plus élevée que celle des autres exploitations. C’est ce que montre une étude réalisée dans dix régions européennes et deux régions africaines. Les programmes de BioSuisse et IP Suisse pour la promotion de la diversité des milieux naturels peuvent servir d’exemples au niveau européen.

17.06.2014 Fromagers et fromagères d’alpage: l’importance de la formation pour la qualité des produits Les fromages d’alpage sont très appréciés par les consommateurs-trices. Etant donné que la fabrication du fromage requiert beaucoup de travail manuel, la transformation du lait sur l’alpage est plus exigeante qu’en plaine. Des collaborateurs-trices d’Agroscope ont participé à l’organisation ce printemps de plus de 20 cours pour fromagers-ères d’alpage et transmis leurs connaissances techniques à près de 500 personnes.

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Actualités

Liens internet

Manifestations

Vidéo documentaires

Août 2014

www.agroscope.ch/publikationen

09.08.2014 Geschmackserlebnis Kartoffelvielfalt in Marani ProSpecieRara et Agroscope (IPV, IDU) Schaugarten Maran, Arosa/GR

Les films vidéo documentaires d’Agroscope présentent des aspects de la recherche et du développement d’Agroscope de manière informative et divertissante, pour des produits alimentaires savoureux, une agriculture compétitive et un environnement sain.

V Doa rnssc hl ea up r o c h a i n n u m é r o Septembre 2014 / Numéro 9 Pour des raisons économique, les porcelets sont rapidement séparés de leur mère, avant que celle-ci ait pu leur enseigner à manger des aliments solides. Lors d’un essai alimentaire, des chercheurs d’Agroscope et de l’EPFZ ont cherché à savoir si les porcelets fraîchement sevrés pouvaient profiter de l’exemple et de l’expérience d’autres porcelets déjà habitués à consommer des aliments solides.

••Des porcelets expérimentés ne favorisent pas la croissance de porcelets fraîchement sevrés, Andreas Gutzwiller et al., Agroscope et ETH Zürich ••La sélection végétale suisse – une analyse spatiale, temporelle et thématique de la situation, Achim ­Walter et al., ETH Zürich ••Résultats des essais variétaux de luzerne 2011 – 2013, Rainer Frick, Agroscope ••Qui achète des aliments bio en Suisse? Franziska Götze et Ali Ferjani, Agroscope

14.08.2014 Ostschweizer AGFF-Tagung 2014 Agroscope INH, AGFF, Landw. Zentrum SG, Profi-Lait Moorhof, 9464 Rüthi SG 21. – 22.08.2014 Info-Tag: Medizinal- und Aromatische Pflanzen Agroscope IPV, Conthey Le Prese, GR 23.08.2014 Güttingertagung 2014 Agroscope + BBZ Arenenberg Versuchsbetrieb Güttingen, Güttingen TG 28.08.2014 AGFF-Waldhoftagung INT, INH, AGFF, Inforama, HAFL, Profi-Lait Inforama Langenthal 30. – 31.08.2014 Journées portes ouvertes: Toucher la recherche Agroscope Conthey Septembre 2014 11.09.2014 37. Informationstagung Agrarökonomie Agroscope Agroscope INH, 8365 Ettenhausen 17.09.2014 Journée Semis direct Agroscope IPV, Changins

••Potentiel de l’agriculture dans la région du Gothard, Andreas Hochuli et al., HAFL ••Calculs des coûts complets des travaux en régie, Daniel Hoop et al., Agroscope ••World Café «Croissance dans l‘agriculture», Linda Reissig, Agroscope ••Charbon de l‘orge: sensibilité variétale et alternatives de lutte, Heinz Krebs et al., Agroscope

Informationen: Informations: www.agroscope.admin.ch/veranstaltungen www.agroscope.admin.ch/manifestations

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Donnerstag,11. September 2014

37. Informationstagung Agrarökonomie Agroscope, Institut für Nachhaltigkeitswissenschaften INH, Tänikon

An der Tagung wird über die laufenden agrarwirtschaft­ lichen Arbeiten des Instituts für Nachhaltigkeitswissen­ schaften (vormals Forschungsanstalt Agroscope Reckenholz­ Tänikon) informiert. Mehrere Beiträge sind dem Thema Kostensenken gewidmet. Themen • Buchhaltungsergebnisse 2013 • Vollkosten wichtiger Schweizer Ackerbaukulturen • Kosten und Nutzen der Gentechnik • Wechselkurs und Wettbewerbsfähigkeit der Landwirtschaft • Zukunft im Internet: Swiss Agricultural Outlook • Zufriedenheit und soziale Vernetzung

Detailprogramm www.agroscope.ch > Aktuell > Veranstaltungen Anmeldung Bis am 28. August 2014 bei diana.niederer@agroscope.admin.ch Tagungsort Agroscope, Institut für Nachhaltigkeitswissenschaften INH, Tänikon 1, 8365 Ettenhausen, Hörsaal Refenthal Kosten Fr. 80.– (inkl. Dokumentation und Mittagessen)

Schweizerische Eidgenossenschaft Confédération suisse Confederazione Svizzera Confederaziun svizra

Eidgenössisches Departement für W irtschaft, Bildung und Forschung WBF Agroscope


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