Recherche Agronomique Suisse, numéro 2, février 2015

Page 1

RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE 2 0 1 5

|

N u m é r o

Agroscope | OFAG | HAFL | AGRIDEA | ETH Zürich | FiBL

F é v r i e r

Production végétale Utilisation des produits phytosanitaires en Suisse de 2009 à 2012 Page 48 Production animale Production de foin et de haylage de deux ­mélanges avec graminées Page 64 Eclairage

Bases génétiques de l’absence de cornes chez les bovins Page 72

2


Les produits phytosanitaires permettent de garantir le rendement et la qualité de la production v­ égétale. Toutefois, ils ­entraînent aussi des effets indésirables sur l’environnement. Dans le cadre du monitoring agro-environnemental suisse, différents indi­c ateurs agro-environnementaux sont relevés chaque année depuis 2009. Agroscope analyse l’utilisation des produits phytosanitaires en Suisse entre 2009 et 2012. (Photo: Gabriela Brändle, Agroscope) Impressum Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz est une publication des stations de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Cette publication paraît en allemand et en français. Elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées. Editeur Agroscope Partenaires bA groscope (Institut des sciences en production végétale IPV; Institut des sciences en p­ roduction animale IPA; Institut des sciences en denrées alimentaires IDA; Institut des ­s ciences en durabilité agronomique IDU), www.agroscope.ch b Office fédéral de l’agriculture OFAG, Berne, www.ofag.ch b Haute école des sciences agronomiques forestières et alimentaires HAFL, Zollikofen, www.hafl.ch b Centrale de vulgarisation AGRIDEA, Lausanne et Lindau, www.agridea.ch b E cole polytechnique fédérale de Zurich ETH Zürich, Département des Sciences des Systèmes de l'Environnement, www.usys.ethz.ch b Institut de recherche de l'agriculture biologique FiBL, www.fibl.org Rédaction Direction et rédaction germanophone Andrea Leuenberger-Minger, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Agroscope, case postale 64, 1725 Posieux, tél. +41 58 466 72 21, fax +41 58 466 73 00 Rédaction francophone Sibylle Willi, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Agroscope, case postale 1012, 1260 Nyon 1, tél. +41 58 460 41 57 Suppléance Judith Auer, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Agroscope, case postale 1012, 1260 Nyon 1, tél. +41 58 460 41 82 e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Team de rédaction Président: Jean-Philippe Mayor (Responsable Corporate Communication Agroscope), Evelyne Fasnacht, Erika Meili et Sibylle Willi (Agroscope), Karin Bovigny-Ackermann (OFAG), Beat Huber-Eicher (HAFL), Esther Weiss (AGRIDEA), Brigitte Dorn (ETH Zürich), Thomas Alföldi (FiBL). Abonnements Tarifs Revue: CHF 61.–*, TVA et frais de port compris (étranger + CHF 20.– frais de port), en ligne/App: CHF 61.–* * Tarifs réduits voir: www.rechercheagronomiquesuisse.ch Adresse Nicole Boschung, Recherche Agronomique Suisse/Agrarforschung Schweiz, Agroscope, case postale 64, 1725 Posieux e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch, fax +41 26 407 73 00 Changement d'adresse e-mail: verkauf.zivil@bbl.admin.ch, fax +41 31 325 50 58 Internet www.rechercheagronomiquesuisse.ch www.agrarforschungschweiz.ch ISSN infos ISSN 1663 – 7917 (imprimé) ISSN 1663 – 7925 (en ligne) Titre: Recherche Agronomique Suisse Titre abrégé: Rech. Agron. Suisse © Copyright Agroscope. Tous droits de reproduction et de traduction réservés. Toute reproduction ou traduction, partielle ou intégrale, doit faire l’objet d’un accord avec la rédaction.

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Sommaire Février 2015 | Numéro 2 47 Editorial 48

Production végétale

U tilisation des produits phytosanitaires en Suisse de 2009 à 2012 Laura de Baan, Simon Spycher et Otto Daniel

56

Production végétale rboriculture et sécheresse – enquête A

auprès des agriculteurs dans le nord-est et le nord-ouest de la Suisse Sylvia Kruse et Irmi Seidl Production animale Production de foin et de haylage de 64

deux mélanges avec graminées Ueli Wyss, Brigitte Strickler et Ruedi von Niederhäusern Eclairage Bases génétiques de l’absence de cornes 72

chez les bovins Alexander Burren, Natalie Wiedemar, Cord Drögemüller et Hannes Jörg 76 Interview 78 Actualités 79 Manifestations Listes variétales Encartes Liste recommandée des variétés de soja

pour la récolte 2015 Ruedi Schwärzel et Jürg Hiltbrunner

Liste recommandée des variétés de maïs ­ pour la récolte 2015 Jürg Hiltbrunner, Ulrich Buchmann, Jean-François Collaud, Pierre Pignon et ­Mario Bertossa


Editorial

ICARDA: la recherche agronomique pour bâtir une vie meilleure Chère lectrice, cher lecteur,

Paul Steffen, responsable de l’Institut des sciences en ­d urabilité agronomique IDU et du Corporate Research Agroscope.

Sultan Ahmed Al-Othman, cultivateur de blé en Jordanie, n’arrivait pas à joindre les deux bouts avec sa petite exploitation. Il luttait contre un régime de précipitations instable et une sécheresse croissante. La terre était si peu productive qu’il pouvait à peine nourrir sa propre famille. Ce petit paysan était très sceptique face aux nouvelles technologies. Mais lorsqu’on lui proposa de mettre sa parcelle à disposition pour des essais culturaux, il accepta. Il n’avait plus rien à perdre. Depuis, il est devenu un producteur de blé performant: la mise en place de variétés résistantes à la sécheresse et le fait de savoir comment utiliser au mieux les engrais, les semences et l’irrigation, l’ont aidé à accroître considérablement ses rendements. Il a loué d’autres parcelles et fait profiter les autres paysans de son expérience. Sultan Ahmed Al-Othman est l’un des 25 000 paysans de dix pays arabes qui ont bénéficié ces quatre dernières années d’un programme du Centre international de recherche agricole dans les zones arides (ICARDA). Son exemple montre ce qui fait le succès d’ICARDA: les chercheurs travaillent en étroite collaboration avec les utilisateurs, et ils arrivent grâce à une grande sensibilité et à leur respect de la culture locale à convaincre les paysans d’employer de nouvelles variétés et de nouvelles méthodes. ICARDA est l’un des quinze centres du partenariat mondial de la recherche CGIAR (Central Group of International Agricultural Research), dont le but est de réduire la pauvreté, d’augmenter la sécurité alimentaire, d’améliorer l’état de santé des populations et de promouvoir une gestion durable des ressources naturelles. La Suisse soutient le réseau CGIAR depuis de nombreuses années, aussi bien financièrement qu’en mettant à disposition les connaissances de ses experts. En 2008, dans le cadre de mes fonctions de directeur d’Agroscope Reckenholz-Tänikon, la Direction pour le développement et la collaboration (DDC) m’a proposé d’intégrer le conseil d’administration d’ICARDA. C’est ainsi que pendant six ans, j’ai pu soutenir et suivre les travaux d’ICARDA. Le premier gros défi a été la réorganisation complète du système mondial de CGIAR, avec d’importantes conséquences pour les différents centres. Cette tâche très complexe et prenante a été assombrie par l’éclatement de la guerre civile en Syrie: le siège principal de l’institut se trouvait en effet à Tel Hadya, 40 km au sud d’Alep. Après une attaque en juin 2012, la plupart des scientifiques ont dû quitter la station de recherche. Aujourd’hui, les principaux sites d’ICARDA se trouvent en Jordanie, au Liban, au Maroc, en Ethiopie et en Inde, ce qui m’a fait beaucoup voyager. Le contact direct avec les gens sur place m’a permis de comprendre leurs soucis et leur détresse, bien mieux que ne sauraient l’expliquer les médias. Outre les échanges techniques, j’ai aussi rencontré des gens engagés, extrêmement intéressants et j’ai lié des amitiés. Ensemble, nous espérons qu’ICARDA pourra bientôt reprendre son travail à Tel Hadya, car sa présence y est plus nécessaire que jamais.

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P r o d u c t i o n

v é g é t a l e

Utilisation des produits phytosanitaires en Suisse de 2009 à 2012 Laura de Baan1, Simon Spycher1,2 et Otto Daniel1 Agroscope, Institut des sciences en production végétale IPV, 8820 Wädenswil, Suisse 2 Ö+L GmbH, Hof Litzibuch, 8966 Oberwil-Lieli, Suisse Renseignements: Laura de Baan, e-mail: laura.debaan@agroscope.admin.ch

1

La fréquence, la quantité et le choix des produits phytosanitaires utilisés dépendent fortement de la culture mais varient peu au cours des années.

Introduction Les produits phytosanitaires (PPS) contribuent à assurer le rendement et la qualité des cultures, mais ils ont des effets secondaires indésirables sur l’environnement. Pour réduire au minimum les incidences des PPS sur l’environnement, il est important d’avoir une bonne connaissance de l’usage qui en est fait. Des investigations antérieures conduites en Suisse (Keller et al. 2005; Dugon et al. 2010) ont porté sur des études locales de l’utilisation des PPS. Il manquait une vision de l’ensemble de la Suisse comprenant si possible toutes les régions et toutes les cultures. Dans le cadre du monitoring de l’environnement agricole suisse, différents indicateurs agro-environnementaux (IAE) sont relevés chaque année; l’utilisation des

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PPS en fait partie. La présente publication reflète l’utilisation des PPS en Suisse de 2009 à 2012. Elle décrit la base de données, mentionne ses lacunes et présente les résultats obtenus à propos de l’utilisation pratique des PPS dans les différentes cultures de 2009 à 2012. On a mis en évidence la fréquence des applications principales sur les différentes cultures, les quantités utilisées et le choix des PPS, ainsi que les variations annuelles.

Matériel et méthodes La base de données est constituée des enregistrements consignés dans les carnets des champs des agriculteurs qui se sont déclarés prêts à participer à ce monitoring environnemental; ils ont été indemnisés pour le supplé-


ment de travail. Les exploitants notent par année, pour chaque parcelle de chaque culture, toute application de PPS en précisant le produit choisi, la dose utilisée et la date. A partir de ces données (désignées plus loin par données IAE) trois chiffres-clés ont été calculés. Le choix de ces chiffres-clés a été discuté en détail par Spycher et Daniel (2013). A) «Nombre d’interventions» renseigne sur la fréquence des applications de PPS sur les cultures. On calcule, pour chaque parcelle, le nombre d’applications de PPS par année. Dans la mise en valeur par groupe de matières actives, les mélanges de produits correspondant à des groupes de matières actives différents sont comptés séparément: un passage avec un mélange de fongicides et d’insecticides est considéré comme deux interventions. Pour calculer le nombre moyen d’interventions, on prend en compte les parcelles traitées et celles non traitées. B) «Quantité de matière active» indique les quantités de matières actives par hectare appliquées sur chaque parcelle par année. Il est tenu compte des parcelles non traitées pour le calcul des quantités moyennes de matières actives. C) «Classement des matières actives» renseigne sur les matières actives les plus utilisées. On calcule, pour chaque groupe de cultures, la part de chacune sur l’ensemble des applications d’un groupe de matières actives (p. ex. les fongicides). Tous les chiffres-clés diffèrent beaucoup d’une culture à l’autre; pour cette raison, ils ont été déterminés pour chaque culture séparément. Comme il y avait trop peu d’exploitations biologiques dans la base de données, on n’a pas pu les valoriser séparément et, par conséquent, elles ont été exclues de la présente analyse. Il n’a pas été tenu compte des produits de traitement des semences, du désherbage mécanique, de l’utilisation d’auxiliaires (p. ex. les trichogrammes) ou de la technique de confusion (p. ex. avec les isomates).

Résumé

Utilisation des produits phytosanitaires en Suisse de 2009 à 2012 | Production végétale

L'utilisation de produits phytosanitaires (PPS) en Suisse est recensée depuis 2009 d'après les enregistrements faits par quelque 300 exploitants dans leur carnet des champs. A partir de cette base de données, on calcule la fréquence des utilisations, les quantités utilisées et les PPS choisis. Au cours de la période de l'étude, de 2009 à 2012, il a été utilisé plus de PPS et plus fréquemment en cultures fruitières, sur vigne, pomme de terre et betterave sucrière que sur maïs, blé et colza. Il existe donc de grandes différences dans l'utilisation de PPS selon les cultures. Dans de nombreuses cultures, les fongicides dominent mais les matières actives utilisées diffèrent d'une culture à l'autre. Durant les quatre années étudiées, le choix des matières actives principales pour chaque culture concernée a peu évolué. Les insecticides en cultures de colza font cependant exception; on utilise moins de pyréthrinoïdes à cause des problèmes de résistance. On constate une grande variabilité dans l'utilisation de PPS sur différentes parcelles d'une même culture. Des recherches plus approfondies sur les causes de cette variabilité pourraient mettre en évidence des stratégies de réduction des applications de PPS. Parallèlement à la présentation des chiffres-clés se rapportant à l'utilisation des PPS, le développement d'un indicateur qui tient compte de l'écotoxicité et de la dégradabilité des matières actives utilisées pour quantifier l'impact de leur utilisation sur l'environnement est en cours.

Caractérisation et représentativité des données IAE Pendant les quatre années concernées, soit de 2009 à 2012, les données de 279 à 307 exploitations on pu être mises en valeur. Chaque année, 10 à 14 % des exploitations participant à l’enquête ont été remplacées par d’autres. 214 à 230 exploitations utilisent des PPS, les autres ne pratiquent pas la production végétale. La figure 1 illustre la répartition des exploitations en Suisse pour l’année 2012, avec le nombre de parcelles et de groupes de cultures recensées. Les régions du pays où il y a prépondérance de grandes cultures, de cultures fruitières ou de vignobles, comme par exemple Genève, le 

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Production végétale | Utilisation des produits phytosanitaires en Suisse de 2009 à 2012

Nombre d'exploitations IAE 0 1–5

Nombre de parcelles 375 150 50

6–10 11–15 16–20 21–25 26–30 31–35 36–40 41–45 46–50 51

Groupes de cultures Autres

Prairies, pâturages Cultures fruitières Grandes cultures et vigne

Figure 1 | Provenance des données IAE. Nombre d'exploitations IAE utilisant des PPS et nombre de parcelles traitées pour chaque groupe de cultures en 2012. Ne figurent que les cantons ayant plus de 30 parcelles.

Valais ou le Tessin, n’apparaissent pas dans le réseau d’exploitations de la présente étude. Le réseau des exploitations IAE couvre une surface de 2599 à 2875 ha, ce qui représente environ 1 % de la surface agricole suisse (sans les prairies et les pâturages). La proportion des différents groupes de cultures dans le réseau correspond à peu près à la répartition des surfaces dans l’ensemble de la zone agricole du pays; toutefois, la vigne et les légumes de plein champ sont plutôt sousreprésentés. Les nombres de parcelles avec et sans utilisation de PPS sont répertoriés par groupes de cultures dans le tabeau 1. Pour les mises en valeur, les groupes de cultures comportant moins de 30 parcelles par année n’ont pas été pris en considération (marqués en bleu clair dans le tableau), la base de données ayant été considérée comme pas assez sûre (Spycher & Daniel 2013). Des groupes de cultures très hétérogènes fournissant peu de données ont aussi été exclus, ne permettant pas d’étayer une évaluation crédible de l’utilisation moyenne des PPS.

Résultats Nombre d’interventions Le nombre moyen d’interventions (donc de passages) par année diffère beaucoup d’un groupe de cultures à l’autre (fig. 2). C’est dans les cultures fruitières à pépins que l’on compte le plus d’interventions (environ 20 par année), suivies de la vigne (environ 10), de la pomme de terre (environ 9), des fruits à noyau et de la betterave sucrière (environ 6). Dans le blé et l’orge d’automne

50

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(sans extenso), on compte en moyenne 4 interventions par année. Le nombre d’interventions sur colza se situe autour de 5 et 1 à 2 sur les protéagineux, les autres céréales et le maïs. Il n’y a pratiquement aucune intervention avec des PPS sur prairie et pâturage (0,06 intervention par année en moyenne; pour cette raison, pas de mention à la fig. 2). Dans certains cas, la fréquence des applications de PPS varie beaucoup entre les parcelles d’une même culture. Cela concerne tout particulièrement les fruits à pépins (1er quartile: 11 interventions; 3e quartile: 22 interventions), les fruits à noyau (0; 9), la vigne (8; 13) ainsi que la pomme de terre (6; 10). Dans les autres cultures, le nombre des interventions varie peu, soit 0 – 2 interventions entre le 1er et le 3e quartile. Dans les cultures avec un nombre d’interventions élevé, ce sont avant tout des fongicides qui sont appliqués (fig. 2). En cultures de betterave sucrière, de protéagineux, de céréales secondaires et de maïs, ce sont les herbicides qui dominent, tandis que sur colza, ce sont les insecticides. Les régulateurs de croissance sont appliqués principalement sur les céréales d’automne. Sur blé et orge d’automne extenso, on ne compte en moyenne qu’une seule application d’herbicide par an (pas représenté dans la fig. 2). L’application d’autres groupes de matières actives n’est pas autorisée en cultures extenso. Au cours des quatre ans d’investigations, l’image globale montrant quels groupes de matières actives sont appliqués sur quelles cultures et à quelle fréquence est restée assez constante. Un nombre d’interventions nettement réduit a cependant été constaté au niveau des


Utilisation des produits phytosanitaires en Suisse de 2009 à 2012 | Production végétale

Tableau 1 | Nombre de parcelles dans les données IAE par groupes de cultures et par année, avec ou sans applications de PPS. Les lignes marquées en bleu clair signalent une quantité de données trop faible (< 30) ou bien le groupe était trop hétérogène pour être inclus dans la mise en valeur 2009 Groupe de cultures

2010

2011

2012

avec PPS

sans PPS

avec PPS

sans PPS

avec PPS

sans PPS

avec PPS

sans PPS

Fruits à pépins (pommes, poires)

72

6

82

6

74

8

55

6

Fruits à noyau (cerises, prunes, abricots)

36

3

28

22

31

14

31

7

Arbres à haute tige

10

5

9

12

28

50

41

33

Vignes

117

9

125

5

123

7

110

7

Blé d'automne

223

0

216

0

161

0

169

0

Blé d'automne extenso

267

43

259

32

254

38

251

42

Orge d'automne

91

0

77

0

74

0

65

0

Cultures fruitières et vigne

Grandes cultures

Orge d'automne extenso

80

14

64

18

72

17

66

21

Autres céréales (blé et orge de printemps, avoine, épeautre, seigle, triticale)

118

29

135

25

152

31

127

26

Maïs (grain et ensilage)

337

49

297

54

282

65

297

51

Colza

121

0

115

0

102

0

119

0

Colza extenso

26

1

23

5

20

6

23

1

Pomme de terre

120

9

147

13

133

15

126

7

Betterave sucrière

99

0

86

1

101

1

86

1

Betterave fourragère

21

1

21

2

22

1

14

1

Protéagineux (pois, féverole, lupin)

46

12

56

6

45

4

35

3

314

4697

257

4785

345

4656

303

4471

Légumes de plein champ (salade, chou, carotte, oignon, épinard, asperge, etc.)

80

63

75

66

54

19

35

18

Autres productions (divers ­petits fruits, tournesol, tabac, etc.)

68

243

73

257

79

225

66

220

2246

5184

2145

5309

2152

5157

2019

4915

Herbages Prairies, pâturages, jachère Autres

Total

fongicides et des insecticides sur fruits à pépins en 2012 et sur fruits à noyau en 2010. Quantités de matières actives Au niveau des quantités moyennes de matières actives appliquées (en kg/ha/an; fig. 3) on a constaté de plus grandes différences entre cultures qu’au niveau du nombre d’interventions. Les cultures avec un nombre d’interventions élevé ont aussi requis une quantité élevée de matières actives. D’autres produits, comme les huiles minérales, ont été utilisés en grandes quantités sur certaines cultures, tandis que les insecticides l’ont été en quantités plus faibles; mais il faut noter que ces derniers peuvent être très efficaces à de faibles doses. En

termes de quantités de matières actives, les variations d’une année à l’autre sont plutôt faibles. Les fruits à pépins constituent cependant l’exception: les quantités appliquées en 2012 atteignaient la moitié de celles des trois années précédentes, en particulier en ce qui concerne les «autres produits» (p. ex. les huiles minérales) et les fongicides. Les quantités de matières actives appliquées annuellement on varié fortement d’une parcelle à l’autre dans le même groupe de cultures. Classement des matières actives Le choix des matières actives dépend étroitement des cultures. Dans la plupart d’entre elles, ce choix s’est peu modifié au cours des dernières années. Dans de nom- 

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51


Production végétale | Utilisation des produits phytosanitaires en Suisse de 2009 à 2012

Vigne

Fruits à noyau

2

2

4

4

6

6

8

Pomme de terre

0

0

0

5

0 2 4 6 8 10

10 15 20

Fruits à pépins

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

Betterave sucrière

Orge d'automne

Blé d'automne

Colza

1 0

0

0

1

1

2

2

2

3

3

3

4

0 1 2 3 4 5 6

4

4

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

Protéagineux

Autres céréales

Maïs

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

0,8

Autres Régulateurs de croissance Molluscicides Insecticides Fongicides Herbicides

0,4 0,0

0,0

0,0

0,5

1,0

1,0

2,0

1,5

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

Figure 2 | Nombre moyen d'interventions par parcelle, par an et par groupes de cultures (en ordonnée), genre de PPS et année de relevé (en abscisse). Les cultures sont classées dans l'ordre décroissant du nombre des interventions. Pour le blé et l'orge d'automne ainsi que le colza, les cultures extenso ne sont pas incluses.

breuses cultures, les fongicides sont les produits les plus utilisés. Sur arbres à pépins, le captane est la matière active la plus utilisée, avec 25 % des applications de fongicides, suivie du dithianon, du soufre et du folpet (10 – 16 %). Sur vigne, on trouve le folpet dans 25 % des applications de fongicides et le cuivre ou le soufre dans 9 à 12 %. Sur pomme de terre, le mancozèbe est le plus utilisé (25 % des applications de fongicides), suivi du cymoxanil (12 – 15 %). Le fluazinam, le fenamidon, le propamocarb et le chlorothalonil sont aussi fréquemment utilisés sur pomme de terre (7 à 12 % des applications) mais la part de chacun varie selon les années. Sur arbres à noyaux, les fongicides les plus fréquemment utilisés sont le dithianon (24 – 33 % des applications), le difénoconazole (15 – 19 %) et le cuivre (7 – 14 %). Sur betterave sucrière, on utilise principalement des herbicides. Le phenmédiphame, l’éthofumesate et la métamitrone sont présents dans 17 à 22 % des applications de herbicides. Le desmédiphame et le S-métholachlore sont présents dans 6 à 14 % des cas. Le colza figure comme exception parmi la plupart des cultures, le choix des insecticides s’étant fortement modifié au cours de la période 2009 – 2012 (fig. 4). Ainsi, la part des pyréthrinoïdes A a diminué en faveur du thiaclopride. En 2012, la part du thiaclopride a diminué jusqu’au niveau de 2009 et a été remplacé par la pymétrozine nouvellement

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autorisée. Ces changements dans le choix des matières actives sont à mettre en relation avec la résistance du méligèthe aux pyréthrinoïdes A (Monnerat et al. 2011; Breitenmoser 2011).

Discussion et conclusions Dans l’interprétation des résultats, il est important de comprendre la valeur des données IAE quant à leur représentativité par rapport à l’usage moyen en matière de protection des végétaux en Suisse. Spycher et Daniel (2013) ont fait une extrapolation à partir des données IAE de l’année 2009 pour évaluer la quantité de PPS utilisés en Suisse en multipliant les quantités appliquées sur chaque culture par la surface de la culture concernée. En comparant avec les quantités de PPS effectivement vendues en Suisse, l’extrapolation se révèle 20 % inférieure. Par rapport à des études du même type faites dans d’autres pays, on constate une bonne concordance. Dans les grandes lignes, les données issues des cultures enregistrées fournissent des valeurs IAE représentatives de l’agriculture suisse. Cependant, il reste un certain nombre de lacunes dans les cultures spéciales. En effet, le domaine des légumes de plein champ est hétérogène et l’utilisation de PPS y est complexe; l’échantillonnage nécessaire serait disproportionné. Ce serait également le


Utilisation des produits phytosanitaires en Suisse de 2009 à 2012 | Production végétale

Vigne

Pomme de terre

Fruits à noyau

0

2

4 0

0

0 5 10

4

8

6

20

12

8

10 20 30 40

Fruits à pépins

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

Orge d'automne

Blé d'automne

Colza

0,0

0,0

0,0

1,0

1,0

1,0

2,0

2,0

3,0

2,0

2009 2010 2011 2012

Betterave sucrière 0 1 2 3 4 5 6

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

Protéagineux

Autres céréales

Maïs 1,5 1,0 0,0

0,0

0,0 2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

Autres Régulateurs de croissance Molluscicides Insecticides Fongicides Herbicides

0,5

0,5

1,0

1,0

2,0

1,5

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

Figure 3 | Quantités moyennes de matières actives appliquées par hectare et par an selon le groupe de culture (en ordonnée), le genre de PPS et l'année de relevé (en abscisse). Les cultures sont classées dans l'ordre décroissant des quantités de matières actives utilisées.

cas pour les cultures fruitières et la vigne. Momentanément, les données IAE ne permettent pas d’émettre un avis crédible sur les cultures maraîchères; de plus, en culture fruitière et en viticulture, il manque des données pour d’importantes régions de culture comme les cantons du Valais, du Tessin et de Genève. Pour ces cultures, les données collectées dans un faible nombre de régions ne permettent pas de valider leur représentativité par rapport à la moyenne des utilisations effectives de PPS en Suisse. Pour ce faire, une extension du réseau d’exploitations IAE serait souhaitable. Pour mieux quantifier l’utilisation des PPS, il faudrait plus d’éléments d’enquête en culture maraîchère. Les grandes cultures sont bien représentées dans le réseau d’exploitations IAE. Il manque cependant des données sur les produits de traitement des semences, sachant que pour certaines cultures on n’utilise que des semences traitées. C’est pourquoi, depuis 2012, les utilisations de produits de traitement des semences sont aussi recensées. Des méthodes d’interprétation adéquates sont en cours de développement afin de réaliser une mise en valeur annuelle de l’usage qui est fait de ces produits. Durant la période 2009–2012, la plupart du temps, seules de faibles variations des chiffres-clés ont été constatées d’une année à l’autre (nombre d’interventions, quantités de matières actives et classement des

matières actives). Deux exceptions cependant: la nette réduction du nombre d’interventions et des quantités sur arbres à noyaux en 2010 et sur vergers à pépins en 2012. Cela pourrait s’expliquer par des effets climatiques sur la pression des maladies mais aussi par des changements dans le nombre et la structure des exploitations du réseau (tabl. 1). Dans la base de données IAE, la part des parcelles d’arbres à noyaux non traités a dépassé 40 % en 2010 (tabl. 1), ce qui pourrait expliquer le recul du nombre d’interventions et de la quantité de matières actives cette année-là. Etant donné qu’il est rarement possible de renoncer à tout traitement pour cette branche de production, la base de données ne semble pas représentative à cet égard. Des variations annuelles dans les quantités de PPS utilisées peuvent être dues à l’utilisation d’autres matières actives à d’autres doses. Par exemple, l’huile minérale appliquée en culture fruitière implique des quantités importantes de produit dont l’impact environnemental est faible, tandis qu’un insecticide très performant s’utilise à de faibles quantités mais son impact environnemental est beaucoup plus élevé. En comparant les présents résultats à des études antérieures conduites de 1992 à 2004 (Dugon et al. 2010, Suisse occidentale et Tessin) et de 1997 à 2003 (Keller et al. 2005, Lac de Morat, Greifensee et Baldeggersee) le 

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53


80

100

Production végétale | Utilisation des produits phytosanitaires en Suisse de 2009 à 2012

Pymétrozine Acétamipride 60

Thiaclopride Phosalone Zeta-cyperméthrine

40

Alpha-cyperméthrine Deltaméthrine Lambda-cyhalothrine

20

Cyperméthrine Etofenprox Bifenthrine

0

Spinosad 2009 n=288

2010 n=272

2011 n=231

2012 n=219

Figure 4 | Insecticides sur colza: évolution de la fréquence d'utilisation de différentes ­m atières actives (en %) de 2009 à 2012. Rouge foncé: pymétrozine; rose: néonicotinoïdes (acétamipride, thiaclopride); bleu: ester phosphorique (phosalone); vert: pyréthrinoïdes A (cyperméthrine, alpha-cyperméthrine, zeta-cyperméthrine, deltaméthrine, lambda-cyhalothrine); jaune: pyréthrinoïdes B (étofenprox, bifenthrine); gris: spinosynes (spinosad). n = nombre ­t otal d'applications de matières actives insecticides sur colza dans la base de données IAE. Classification des groupes de produits selon Brenner (2011).

nombre d’interventions, les quantités et les groupes de matières actives enregistrés dans les grandes cultures (blé, orge, colza, maïs, pomme de terre et betterave sucrière) se situent dans un cadre semblable à celui des valeurs IAE. Une seule exception: l’utilisation de fongicides et d’insecticides sur colza est deux fois plus élevée dans notre étude que dans celle de Dugon et al. (2010) et de Keller et al. (2005). L’accroissement des quantités d’insecticides en cultures de colza est à mettre en relation avec le développement de la résistance des méligèthes aux pyréthrinoïdes (Monnerat et al. 2011; Breitenmoser 2012) ainsi qu’avec l’accroissement de la pression des charançons de la tige et des altises (communication personnelle de Stève Breitenmoser). Le phénomène de résistance entraîne la substitution des pyréthrinoïdes par le thiaclopride puis par la pymétrozine. L’interdiction provisoire (2014 et 2015) des néonicotinoïdes pour le traitement des semences pourrait conduire à une nouvelle utilisation de pyréthrinoïdes contre les altises (comm. pers. de Stève Breitenmoser). L’augmentation des traitements fongicides sur colza est probablement liée à la lutte contre les nécroses du collet et de la tige (comm. pers. de Peter Frei). Pour l’orge d’automne, et un peu moins nettement pour le blé d’au-

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Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 48–55, 2015

tomne, on a observé que la base de données IAE mentionnait plus d’applications de fongicides et de régulateurs de croissance que les études antérieures. Ce phénomène pourrait être en relation avec la fréquence plus élevée de nécroses foliaires sur orge (comm. pers. de Peter Frei). Des différences régionales peuvent aussi jouer un rôle. Les données enregistrées au sujet de l’utilisation des PPS dans le cadre d’un suivi agro-environnemental fournissent une bonne base pour différentes études. Les chiffres-clés recèlent des indications sur les évolutions à long terme mais aussi sur la variabilité des pratiques en matière de protection d’une culture au cours d’une même année. Une meilleure compréhension des pratiques agricoles peut révéler des possibilités de réduction d’utilisation des PPS. Il faudrait toutefois approfondir les causes de la variabilité des données IAE en tirant parti d’autres sources d’information. Pour quantifier les effets des PPS utilisés sur l’environnement, il faut aussi pouvoir tenir compte de leur écotoxicité et de leur dégradabilité. Un indicateur destiné à montrer les effets sur les organismes aquatiques est en cours de dévelopn pement.


Uso di prodotti fitosanitari in Svizzera dal 2009 al 2012 Dal 2009 l'uso di prodotti fitosanitari (PFS) in Svizzera viene rilevato ogni anno sulla base delle annotazioni nei libretti dei campi di circa 300 aziende dalle quali si evincono la frequenza, la quantità e la tipologia dei PFS utilizzati. Nel periodo analizzato, dal 2009 al 2012, nelle colture frutticole, nella vite, nelle patate e nella barbabietola da zucchero i PFS sono stati impiegati in quantità più elevate e con maggiore frequenza rispetto alle colture campicole, quali mais, frumento e colza. In altre parole, vi sono state grandi differenze nell'uso dei PFS tra le colture. In molte colture i fungicidi sono stati i PFS più utilizzati, ma con principi attivi diversi dall'una all'altra. Nell'arco dei quattro anni non si sono registrate grandi variazioni nella scelta dei principi attivi principali all'interno di una stessa coltura, fatta eccezione per gli insetticidi destinati alla colza, dove a causa di problemi di resistenza sono stati impiegati meno piretroidi. L'uso di PFS è risultato molto variabile tra campi della stessa coltura. Analisi approfondite delle cause di tale variabilità potrebbero fornire indicazioni su possibili strategie di riduzione dei PFS. Parallelamente alle cifre chiave qui presentate sullo sviluppo dell'uso dei PFS, viene elaborato un indicatore che considera l'ecotossicità e la degradabilità dei principi attivi, e consente quindi di valutare la rilevanza ambientale dell'uso dei PFS.

Bibliographie ▪▪ Breitenmoser S., 2012. Aktualitäten zu den Rapsschädlingen. Pflanzenschutztagung Feldbau, ART Reckenholz, 20.01.2012. ▪▪ Brenner H., 2011. Rapsglanzkäfer erobern auch die Ostschweiz. LANDfreund 4, 2–4. ▪▪ Dugon J., Favre D., Zimmermann A. & Charles R., 2010. Pratiques phyto­ sanitaires dans un réseau d'exploitations de grandes cultures entre 1992 et 2004. Recherche Agronomique Suisse 1 (11–12): 416–423. ▪▪ Keller L. & Amaudruz M., 2005. Evaluation Ökomassnahmen. Auswertung der Pflanzenschutzmittel-Verbrauchsdaten 1997 - 2003 in drei ausgewählten Seengebieten. Schlussbericht. Landwirtschaftliche Beratungszentrale Lindau (LBL), Lindau.

Summary

Riassunto

Utilisation des produits phytosanitaires en Suisse de 2009 à 2012 | Production végétale

Use of plant-protection products in Switzerland from 2009 to 2012 Since 2009, the use of plant-protection products (PPP’s) in Switzerland has been recorded annually with the help of the field records of around 300 farms. From these records, we have calculated which PPP’s are applied and in what frequency and quantity. In the period of the study, 2009 to 2012, more PPP’s were used more frequently in orchards, vineyards, potato and sugar-beet crops than in field crops such as maize, wheat and oilseed rape – i.e. there were major differences in PPP use between the different crops. Fungicides dominated PPP use in many crops, although the active fungicidal substances used varied from crop to crop. The choice of main active substances did not change significantly over the four years within the individual crops. An exception to this were the insecticides applied to the oilseed rape crop, where fewer pyrethroids were used owing to resistance problems. There was significant variability in PPP use between different plots of the same crop. In-depth investigations of the causes of this variability could indicate possible PPP reduction strategies. In parallel to the key figures on PPP usage trends presented here, an indicator is being developed which takes into account the ecotoxicity and degradability of the active substances used, thereby permitting an environmental impact assessment of the use of the PPP. Key words: agro-environmental indicators, pesticide usage, monitoring.

▪▪ Monnerat C., Steinger T. & Breitenmoser S., 2011. Rapsglanzkäfer bekämpfen. Die Resistenz gegen Pyrethroide der Gruppe A. UFA Revue 4, 50–51. ▪▪ Spycher S., Badertscher R. & Daniel O., 2013. Indicateurs de l'utilisation de produits phytosanitaires (PPS) en Suisse. Recherche Agronomique ­Suisse 4 (4), 192–199. ▪▪ Spycher S. & Daniel O., 2013. Agrarumweltindikatoren für Pflanzenschutzmittel. Auswertungen Agrarumweltmonitoring 2009–2010 für den Indikator «Einsatz von Pflanzenschutzmitteln». Accès: http://www.agroscope.admin.ch/pflanzenschutzmittel/06096/06098/08210/index.html?lang=de.[19.01.2015]

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P r o d u c t i o n

v é g é t a l e

Arboriculture et sécheresse – enquête auprès des agriculteurs dans le nord-est et le nord-ouest de la Suisse Sylvia Kruse et Irmi Seidl Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, 8903 Birmensdorf, Suisse Renseignements: Sylvia Kruse, e-mail: sylvia.kruse@wsl.ch

Verger avec irrigation au goutte à goutte et par aspersion.

Introduction En arboriculture, les rendements sont fortement influencés par des facteurs tels que le climat, le sol ou les techniques de production (Bravin et al. 2011). La disponibilité en eau est un facteur supplémentaire. Si le besoin en eau de la plante n’est pas couvert, le stress hydrique qui en résulte diminue le rendement. Afin de garantir une production de qualité avec de bons rendements, les besoins en eau de la plante doivent être couverts, soit par les précipitations ou alors par irrigation (Bravin et al. 2008; Monney 2010). D’après les scénario climatiques régionaux actuels, les précipitations estivales en Suisse pourraient diminuer de 5 – 20% en moyenne d’ici 2050 selon le scénario A1B (CH2011 2011; CH2014-Impacts 2014). Associée à des températures moyennes de 3 – 4 °C plus élevées, la disponibilité en eau du sol pourrait fortement diminuer et

56

Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 56–63, 2015

les surfaces cultivables présentant des déficits en eau pourraient augmenter (Calanca et al. 2006; Jasper et al. 2006; Fuhrer et Jasper 2009). L’année 2003 a montré que même en Suisse, où l’eau est habituellement abondante, la sécheresse et le stress hydrique pouvaient affecter l’agriculture. Au nord et au nord-ouest en particulier, des pertes de récolte allant jusqu’à 20% ont été observées dans différentes cultures. Des mesures d’urgence visant à limiter les dégâts ont été entreprises (Keller et Fuhrer 2004). L’Union suisse des paysans a évalué les dommages à 500 millions de francs. Entre autres, la récolte de pommes a été très mauvaise dans toute la Suisse - au nord et au nord-ouest elle atteignait à peine les 20% de la moyenne (Keller et Fuhrer 2004). Parallèlement, en raison d’un printemps chaud et particulièrement dans les régions plutôt humides, des effets positifs ont été constatés (p. ex. récolte de baies et maïs en grain) (ProClim 2005). Les scénarios climatiques régionaux


Arboriculture et sécheresse – enquête auprès des agriculteurs dans le nord-est et le nord-ouest de la Suisse | Production végétale

Résumé

actuels partent du principe que de telles chaleurs et sécheresses en Suisse pourraient être de plus en plus fréquentes et intenses à l’avenir (EEA 2009; CH2011 2011; CH2014Impacts 2014). La modélisation des températures et précipitations estivales à venir montre que de 2071 à 2100, le climat estival moyen sera similaire à celui de l’été caniculaire de 2003 (Schär et al. 2004; Beniston 2005). En réaction à ces scénarios, la stratégie climatique mise en place par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) énonce comment les acteurs du secteur agricole peuvent s’adapter à la sécheresse annoncée (Wiedemar et Felder 2011; Felder 2012). Afin de déceler la sécheresse le plus tôt possible, un grand travail de recherche est nécessaire. Les répercussions économiques passées et futures de la sécheresse sur les différents secteurs agricoles en Suisse sont encore peu connues. L’efficacité des mesures entreprises et l’appréciation de la situation par les agriculteurs ne sont pas non plus définies. Les questions suivantes relatives à l’arboriculture sont traitées dans le présent article1: ••Quel est l’impact des périodes de sécheresse sur les exploitations arboricoles et sur le revenu agricole? ••Quelles mesures ont été entreprises jusqu’à présent et quelle est leur efficacité? ••Quelles informations sont utilisées actuellement comme moyen de détection précoce et quelles informations supplémentaires seraient nécessaires? ••Comment les agriculteurs évaluent-ils le problème de sécheresse à venir et quelle est leur disposition à adapter l’exploitation aux périodes critiques de sécheresse? Ces questions ont été étudiées de façon empirique en se basant sur l’exemple de l’arboriculture au nord-est et nord-ouest de la Suisse. Tandis qu’en Suisse romande 90 – 100 % des vergers sont équipés de systèmes d’irrigation fixes et sont régulièrement arrosés, le pourcentage estimé des surfaces irriguées au nord-est et au nordouest de la Suisse est bien moindre (estimation Bravin et al.: 5 – 10 % pour le canton de Thurgovie). À noter que le nord-est et le nord-ouest de la Suisse représentent 40 % des surfaces arboricoles du pays et près de la moitié de toutes les exploitations arboricoles suisses (cf. OFAG statistiques des cultures fruitières 2012). Les agriculteurs ne possédant pas de système d’irrigation ont une marge de manoeuvre plus restreinte et doivent entreprendre d’autres mesures pour limiter les dégâts. Ainsi, les régions nord-est et nord-ouest sont plus sensibles aux dégâts liés à des périodes critiques de sécheresse. Cette étude a été menée dans le cadre du projet Drought-CH «Früherkennung von kritischen Trockenperioden in der Schweiz» (Détection précoce des périodes critiques de sécheresse en Suisse) et a été financée par le Fonds National Suisse dans le cadre du PNR 61 «Gestion durable de l‘eau».

Selon les scénarios climatiques actuels, la sécheresse pourrait devenir un défi pour l’agriculture. Une enquête auprès des arboriculteurs du nord-est et du nord-ouest de la Suisse étudie l’impact passé et actuel des sécheresses et les contre-mesures qui ont été prises, ainsi que les besoins en information et la propension à agir des agriculteurs si ce phénomène s’aggravait à l’avenir. Les résultats indiquent que dans la plupart des exploitations, les dommages dus à la sécheresse sont restés limités au cours de la dernière décennie, mais qu’une majorité des personnes interrogées pense subir à l’avenir des sécheresses plus fréquentes et plus marquées. Dans cette situation, beaucoup sont prêts à prendre des contre-mesures. L’analyse détaillée montre que les exploitations dont une grande partie du chiffre d’affaires provient de l’arboriculture, se distinguent nettement des entreprises pour lesquelles l’arboriculture présente une importance économique moindre; et ce, suivant le degré des dommages dus à la sécheresse, de leurs besoins en information et de leur propension à agir face aux risques. Des mesures d’adaptation, de formation continue et de consultation sont nécessaires, et doivent prendre en compte ces différences.

Matériel et méthodes Les résultats présentés ci-dessous ont été tirés d’une enquête effectuée par écrit entre janvier et avril 2013. Ont été pris en compte les agriculteurs du nord-est et du nord-ouest de la Suisse avec au minimum 20 ares de cultures fruitières2. Le taux de réponse au questionnaire était élevé: 801 exploitations arboricoles (56,5  % des exploitations approchées) ont retourné leur questionnaire rempli.

Résultats Caractérisation des exploitations analysées Pour 74 % des exploitations ayant retourné leur questionnaire, l’agriculture est l’activité principale (leur revenu extra-agricole représente moins de 10 %), pour 

1

Nous nous basons sur la définition des cultures fruitières selon l’ordonnance sur la terminologie agricole (état au 1er juillet 2011).

2

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Production végétale | Arboriculture et sécheresse – enquête auprès des agriculteurs dans le nord-est et le nord-ouest de la Suisse

Choix des destinataires et questionnaire Les destinataires du sondage ont été sélectionnés dans la banque de données du système d'information de la politique agricole (SIPA) de l’OFAG. Au sein des trois grandes régions que sont le nord-ouest du pays, la Suisse orientale et la région zurichoise, un recensement global a été effectué pour les cantons de BS, BL, AG, SH, SG, GR, TG et ZH. En 2012, 1451 exploitations agricoles avec plus de 20 ares de cultures fruitières (exploitations arboricoles) y étaient enregistrées. Un questionnaire-test a été envoyé à 41 exploitations et 1410 exploitations arboricoles ont reçu l’enquête principale. Les exploitations n’ayant pas retourné leur questionnaire après deux semaines ont reçu un rappel accompagné du questionnaire. L’enquête a été effectuée de façon anonyme. Le sondage comportait cinq parties, avec des informations sur (1) l’exploitation et les cultures fruitières, (2) les effets de la sécheresse sur les cultures fruitières, (3) les contre-mesures entreprises et les informations utilisées, (4) des évaluations sur différents thèmes (5) des données démographiques et autres (p.ex. code postal, formation professionnelle et continue). La plupart des questions comportaient des réponses à choix multiples, tandis que quelques-unes requéraient une information spécifique (p.ex. nombre de jours d’irrigation) ou posaient une question ouverte.

12 % des exploitations l’agriculture est une activité d’appoint, pour 10 % une activité accessoire et les 4 % restants cultivent à titre de loisir. Pour 27 % des exploitations, l’arboriculture représente plus de 50 % du revenu agricole, pour 45 % des exploitations le revenu de l’arboriculture constitue moins de 25% (fig. 1). Quelque 71 % des exploitants cultivent des fruits à noyau (p. ex. cerises, abricots) et 83 % des fruits à pépins (p. ex. pommes, poires, coings). Ces espèces fruitières sont essentielles à la rentabilité de la production. Les baies sont cultivées dans 19 % des exploitations mais elles ne jouent qu’un rôle mineur sur la rentabilité de l’exploitation. Les fruits à coque et les autres cultures fruitières sont à mettre de côté. Les exploitations sondées ont en moyenne irrigué neuf jours par an durant la dernière décennie (écarttype 21), bien que la distribution s’étende de 0 à 240

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jours (n=801). Les exploitations dont le revenu arboricole représente plus de la moitié du revenu de l’entreprise, irriguent en moyenne deux fois plus souvent que les autres exploitations. Parmi les exploitations avec vergers basse-tiges (n=659), 17 % ont un système d’irrigation fixe, 20 % irriguent seulement une partie des cultures et 63 % irriguent sans installations fixes (p.ex. avec des installations mobiles ou des citernes à pression). Sécheresse et exploitations arboricoles Durant la dernière décennie, les exploitations arboricoles ayant participé au sondage ont subi différents dégâts suite à la sécheresse, parfois même de façon récurrente (tabl. 1). Les pertes financières dues à la sécheresse durant la dernière décennie restent toutefois limitées. Les estimations s’élèvent à 5 % du revenu agricole moyen (écarttype: 7 %). Les dégâts décrits plus haut ne dépendent pas tant de l’irrigation des vergers mais plutôt de l’importance financière de l’arboriculture au sein de l’exploitation agricole: avec 3,8 %, la moyenne des pertes financières des exploitations dont le revenu arboricole représente plus de 75 % du revenu total est plus faible que pour les exploitations dont le revenu arboricole est inférieur à 50 % (5,3 %). L'année 2003 reste dans les mémoires comme une année extrême, avec des précipitations de février à septembre au-dessous de la moyenne et des températures d’avril à août bien supérieures à la moyenne. Plusieurs régions de Suisse ont subi une sécheresse extrême. Les exploitations participant au sondage ont également accusé des pertes de rendement en 2003 (fig. 2). Une nette tendance peut être constatée: plus le revenu arboricole était important pour l’exploitation, plus les pertes de rendement étaient inférieures à 20 %. En revanche,

12%

45%

15%

Pourcentage arboriculture 0–24% 25–49%

28%

50–74% 75–100%

Figure 1 | Pourcentage du revenu provenant de l’arboriculture (n=793).


Arboriculture et sécheresse – enquête auprès des agriculteurs dans le nord-est et le nord-ouest de la Suisse | Production végétale

Tableau 1 | Nature des dégâts dus à la sécheresse (en %) Nature des dégâts:

Oui

Non

Une fois

Plusieurs fois

n

Dégâts touchant > 5 % des jeunes plants/arbres

33,3

66,7

25,5

7,8

703

Dégâts aux arbres plus âgés (> 5 %)

17,4

82,6

12,9

4,4

688

Augmentation de la chute des fleurs et de la chute de juin

34,8

65,2

21,6

13,2

672

Floraison limitée l’année suivante

27,5

72,5

19,2

8,3

665

Récolte réduite

62,2

37,8

39,7

22,4

720

Qualité des fruits réduite

48,5

51,5

27,6

20,8

703

Perte de récolte (> 10 %)

24,8

75,2

18

6,8

673

Grande perte de récolte (> 50 %)

4,4

95,6

3,6

0,8

633

les exploitations avec un revenu arboricole de moindre importance présentaient plus souvent des pertes supérieures à 20 %. A relever également que ce type d’exploitations avait souvent plus de difficultés à estimer les pertes de rendement subies en 2003. L’enquête a également montré que les périodes de sécheresse de la dernière décennie ont influencé positivement plus de 50 % des exploitations arboricoles. Une analyse des réponses aux questions ouvertes a fait ressortir que les périodes de sécheresse permettaient de réduire les attaques fongiques (125 cas sur 473) et par conséquent les applications de fongicides. Les autres maladies étaient également limitées (43 cas sur 473). La qualité des fruits peut s’améliorer (93 cas sur 473) et même avec une diminution de la production, les prix augmentent grâce à une hausse de la qualité. Les périodes de sécheresse peuvent aussi favoriser la floraison ainsi que la croissance des plants et des pousses. Elles peuvent également avoir un effet positif sur la condition du sol ainsi que sur celles du travail et d’exploitation. Réduction des dégâts – mesures et efficacité Afin de limiter les dégâts dus à la sécheresse, les agriculteurs ont entrepris différentes mesures durant la dernière décennie. La moitié des exploitants ont irri-

gué et 40 % ont couvert le sol (p. ex. paillage, couverture végétale). Les travaux du sol, l’ombrage, les variétés résistantes à la sécheresse ou les assurances contre les pertes de récolte n’ont joué qu’un rôle mineur. 11% des producteurs ont indiqué ne pas avoir entrepris de mesures spécifiques lors de sécheresses (n=689). De plus, seuls 58 % de tous les exploitants pensent que les mesures entreprises peuvent limiter les dégâts, 9 % estiment qu’elles ne limitent rien et 33 % ne peuvent émettre d’avis. En ne considérant que les exploitations pourvues d’un système d‘irrigation (N=401), 78 % des personnes sondées estiment que les mesures entreprises sont efficaces. On atteint même les 87 % si seules les exploitations irrigant la totalité des cultures bassetiges avec un système d’irrigation fixe (N=109) sont prises en considération. L’importance de l’arboriculture sur le revenu de l’exploitation est fortement corrélée avec l’irrigation et avec l’évaluation de l’efficacité des mesures entreprises: les exploitations dont l’arboriculture représente 75 – 100 % du revenu de l’entreprise irriguent bien plus souvent que les exploitations dont le revenu arboricole s’élève à 0 – 24 % seulement (fig. 3). Elles sont aussi plus nombreuses à affirmer que les mesures entreprises ont permis de limiter les dégâts. Une corrélation similaire se retrouve en ce qui concerne 

90% Nombre d'exploitations

80% 70% 60% 50% 40% 30% 20%

Pertes de rendement 2003 supérieures à 20% Pertes de rendement 2003 inférieures à 20% Ne sait pas

10% 0% 0–24%

25–49%

50–74%

75–100%

Pourcentage du revenu arboricole par rapport à celui de l'exploitation Figure 2 | Pertes de rendement dues à la sécheresse en 2003 en % par rapport au revenu agricole provenant de l’arboriculture (n=762).

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Production végétale | Arboriculture et sécheresse – enquête auprès des agriculteurs dans le nord-est et le nord-ouest de la Suisse

70%

Nombre d'exploitations

60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%

0–24%

25–49%

50–74%

75–100%

Pourcentage du revenu arboricole par rapport à celui de l'exploitation

Figure 3 | Pourcentage des exploitations ayant irrigué la dernière décennie afin de limiter les dégâts (en %).

l’estimation des pertes financières, pertes qui pourraient être évitées par la prise de mesures adaptées. Les producteurs participant à l’enquête ont énoncé que les mesures prises ont permis de réduire les pertes financières en arboriculture dues à la sécheresse de 9 % en moyenne (écart-type 19 %). Les exploitations dont le revenu arboricole s’élève à 75 – 100 % du revenu agricole obtiennent une réduction des pertes de 12  % en moyenne, tandis que les agriculteurs, avec un revenu arboricole de 0 – 25 %, estiment la réduction à 7 % en moyenne. Il semblerait que l’appréciation de l’efficacité des mesures entreprises dépendrait de la technique d’irrigation de l’exploitation. Les exploitations pourvues d’un système d’irrigation réduisent les pertes financières de 17 % et les exploitations irrigant toutes les cultures basse-tiges avec un système d’irrigation fixe atteignent même les 28 %.

utilisé actuellement Pluviométrie

80,6 39,3

8

Humidité du sol

21,6

Vitesse du vent Humidité de l'air Evapotranspiration

7,4

Evaluation des problèmes et disposition à agir La majorité des producteurs sondés (79 %) est d’avis que la sécheresse prendra de l’ampleur en Suisse à l’avenir. Le nombre d‘exploitants personnellement concernés est aussi relativement élevé. 50 % sont (plutôt) d’avis que leur exploitation sera davantage touchée par la sécheresse à l’avenir. Seuls 29 % ne partagent (plutôt) pas cet avis. 46 % pensent même qu’ils seront de plus en plus touchés par des conflits de prises d’eau. Toutefois, pour beaucoup cela ne signifie pas forcément la survenue de grands changements sur l’exploitation. Aussi, seulement 32 % sont (plutôt) d’avis que seul

serait nécessaire

5,5

Température de l'air

Informations liées à la sécheresse Afin de prendre des mesures permettant d’éviter les dommages causés par la sécheresse, les agriculteurs doivent déceler les menaces de sécheresse à temps. Nous leur avons donc demandé quelles informations ils utilisaient actuellement pour prédire les périodes de sécheresse et lesquelles seraient encore nécessaires (fig. 4). Il s’avère que des informations concernant l’humidité des sols et l‘évapotranspiration seraient d’une grande utilité. En plus des traditionnels prévisions météorologiques et services météorologiques sur les ondes et à la télévision, les mesures et observations personnelles effectuées sur l’exploitation sont aussi des sources d’information importantes. Elles sont souvent utilisées pour une détection précoce de la sécheresse et sont particulièrement fiables (fig. 5). Les communiqués des unions de paysans, instituts de recherche ou services de vulgarisation agricole ne jouent qu’un rôle minime dans la détection précoce de la sécheresse. Seules les informations des stations cantonales sont consultées par une grande majorité des exploitants sondés.

34,5

14,7 12,9

6 8

20,8

Figure 4 | Quelles informations utilisez-vous actuellement / seraient nécessaires pour une détection précoce de la sécheresse? (en %, n=801).

60

Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 56–63, 2015


Arboriculture et sécheresse – enquête auprès des agriculteurs dans le nord-est et le nord-ouest de la Suisse | Production végétale

un système d’irrigation fixe permettra de rentabiliser l’exploitation arboricole. La disposition à investir dans un système d’irrigation fixe dépend fortement de la fréquence des périodes de sécheresse extrême: si une sécheresse telle qu’en 2003 apparaissait chaque décennie, seuls 7 % des exploitants investiraient dans un système d’irrigation fixe. En revanche, si une telle sécheresse apparaissait tous les cinq ou deux ans, le pourcentage des producteurs prêts à investir dans un tel système s’élève à 22 % respectivement 42 %. La disposition à prendre d’autres mesures augmente aussi fortement avec la fréquence des périodes de sécheresse extrême. Ainsi, le nombre d’exploitations ne prenant pas de mesures et accusant des pertes diminuerait en fonction (37 % pour une sécheresse tous les dix ans, 26 % tous les cinq ans et 14 % tous les deux ans). D’autres mesures telles que la culture d‘arbres fruitiers moins exigeants en eau ou une assurance contre les pertes de récolte entrent moins en ligne de compte. Si une année telle que 2003 apparaissait tous les deux ans, 17  % des exploitants abandonneraient l’arboriculture. Toutefois, la volonté est présente de s’informer sur les mesures appropriées et de se former en cas d‘intensification de la sécheresse (82 %). Suite à l’analyse, une différence significative est constatée entre les exploitations à faible pourcentage du

utilisé

Discussion Les résultats de l’enquête montrent que les producteurs sont conscients des risques pour l’arboriculture liés à la sécheresse et de leur éventuelle implication. Une étude de Karrer (2012) révèle également que, pour les agriculteurs, la sécheresse est l’une des incidences climatiques pouvant le plus affecter l’exploitation - résultat confirmé par notre enquête. Notre étude montre que les dégâts en arboriculture liés à la sécheresse durant la dernière décennie restent limités (env. 5 % du revenu de l’exploitation en moyenne). Cependant, la disposition à prendre des mesures augmente avec la probabilité des risques 

fiable

Services météorologiques gratuits

69,9

29,8 7,6 10,4

Services météorologiques payants Bulletin météo radio/télévision

64,4

24,6

Autres communiqués radio/télévision

21,3

6,7

Instruments de mesures météorologiques sur l'exploitation

65,3

30 7,1

Mesures de l'humidité du sol sur l'exploitation

21,8

Observations personnelles des cultures fruitières et de l'état du sol

71,8

28,8

Communiqués des unions

19,2

9

Communiqués des stations cantonales

22,7

Communiqués des stations de recherche

12,5

39,8

18,4

14,4 11,2

Services de vulgarisation agricole Autres

revenu par l’arboriculture et celles à pourcentage élevé: les arboriculteurs dont le revenu arboricole représente 75 – 100 % de celui de l’entreprise sont (plutôt) d’avis que leurs cultures ne seront rentables qu’avec un système d’irrigation fixe. Ils sont aussi (plutôt) prêts à investir en conséquence et à contracter un emprunt. En outre ils s’attendent (plus que les autres exploitants) à être davantage confrontés aux conflits de prises d’eau à l’avenir. Ils ne seraient généralement pas prêts à abandonner l’arboriculture, même si une période de sécheresse extrême telle qu’en 2003 devait survenir tous les deux ans.

2,6 1,6

Figure 5 | Quelles sources d’information utilisez-vous pour une détection précoce de la sécheresse? ­L esquelles estimez-vous particulièrement fiables? (en %, n=801).

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61


Production végétale | Arboriculture et sécheresse – enquête auprès des agriculteurs dans le nord-est et le nord-ouest de la Suisse

liés à la sécheresse. De plus, les exploitants ayant entrepris des mesures visant à limiter les dégâts (p. ex. l’irrigation), jugent ces dernières très efficaces. Ceci concerne l’irrigation des vergers en particulier. Les résultats montrent également que les exploitations dont une grande partie du revenu provient de l’arboriculture ont un meilleur accès aux informations et ressources (par exemple elles sont plus aptes à estimer l’efficacité des mesures) que les exploitations dont l’importance du revenu arboricole est moindre. Elles sont aussi plus disposées à investir et ont davantage de possibilités. C’est pourquoi ce type d‘exploitation est potentiellement mieux préparé aux périodes critiques de sécheresse à venir. D’un autre côté, les exploitations dont une grande partie du revenu provient de l’arboriculture sont aussi plus sensibles car elles ne peuvent répartir les risques sur d‘autres secteurs de l’entreprise. Mais les exploitations mixtes le peuvent et représentent 88 % des exploitations arboricoles ayant participé au sondage. Toutefois, il paraît difficile aux exploitations mixtes d’appliquer des mesures de réduction des dégâts exigeantes en main-d’œuvre et en temps (p. ex. irrigation mobile des vergers) ou d’investir dans des systèmes coûteux (p. ex. système d’irrigation fixe). De plus, les chefs d’exploitations mixtes étaient clairement plus nombreux à ne pouvoir chiffrer le montant des dommages liés à la sécheresse ainsi que l’efficacité des mesures entreprises. Des outils de surveillance de l’exploitation ou de contrôle du risque sont souvent inexistants. En même temps, le sondage révèle que les exploitations mixtes n’ignorent pas le problème et sont disposées à agir. Elles ont encore du potentiel en mettant en place des mesures préventives (p. ex. aménagement de systèmes d’irrigation) et puisqu’elles sont plus diversifiées, elles peuvent répartir les risques liés à la sécheresse sur plusieurs secteurs. Si les exploitations arboricoles devaient renforcer leur adaptation aux situations de sécheresse actuelles et futures, les points suivants devraient être pris en considération: •• La volonté de se former est très présente dans les deux groupes de type d’exploitation. Des informations et des possibilités de formation dans le domaine «prévention des risques liés à la sécheresse» devraient toutefois s’adapter aux besoins divergents des deux groupes. Les effets positifs de la sécheresse seraient aussi à considérer. ••Des outils de suivi de l’exploitation pourraient être une aide aux exploitations mixtes, permettant de mieux observer et évaluer la situation au sein de l’entreprise, par exemple l’influence des conditions météorologiques et du sol sur le revenu de l’exploitation, ou l’efficacité des mesures entreprises.

62

Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 56–63, 2015

••L’optimisation des informations telles que l’humidité du sol et le taux d’évapotranspiration répondrait à un besoin de l’exploitation souvent cité. Actuellement, les dégâts liés à la sécheresse peuvent déjà être évités à de nombreux endroits grâce à l’irrigation des vergers. Avec une augmentation de la fréquence et de l’intensité de la sécheresse, les producteurs estiment que ces installations continueront à prendre de l’importance, en particulier les systèmes d’irrigation fixe. Quant à déterminer si un tel investissement est rentable et à partir de quand, la recherche en agronomie et la vulgarisation doivent encore s’y pencher plus précisément. Il en est de même pour établir quelles autres mesures (p. ex. travail du sol, paillage, choix variétal) pourraient être appliquées afin de réduire les besoins en eau et les problèmes d‘approvisionnement pour l’agriculture.

Conclusions D’une manière générale, les résultats de l’enquête permettent de tirer les conclusions suivantes: jusqu’à présent, la sécheresse n’a pas été un grand problème pour l’arboriculture du nord-est et nord-ouest de la Suisse, puisque les dégâts et les pertes de revenu sont modérés. Toutefois, si la sécheresse devait prendre de l’ampleur, d’après les scénario établis (CH2011 2011), il s’agirait de: ••Améliorer le suivi et l’accès aux données concernant la sécheresse en arboriculture afin de prendre des décisions efficaces. ••Mettre en place des formations, des suivis et des mesures incitatives en ciblant les besoins des exploitations arboricoles. Les besoins sont différents entre une exploitation dont le revenu provient en grande partie de l’arboriculture et les exploitations mixtes largement répandues. Les effets positifs de la sécheresse ne doivent pas être négligés. ••Etudier les alternatives ou les mesures complémentaires à l’irrigation pouvant réduire les dégâts économiques liés à la sécheresse et pouvant minimiser les problèmes d’approvisionnement en eau. Puis de telles mesures seraient à mettre en place. n


Siccità nel settore della frutticoltura. Indagine tra gli agricoltori della Svizzera nordorientale e nord-occidentale In considerazione degli attuali scenari climatici, la siccità potrebbe trasformarsi in una sfida per il settore dell'agricoltura. Un'indagine svolta tra i frutticoltori della Svizzera nord-orientale e nord-occidentale analizza gli effetti esercitati sino a oggi dalla siccità, le contromisure adottate nonché il fabbisogno di informazione e il livello di preparazione dei coltivatori nel caso in cui la siccità dovesse aumentare in futuro. I risultati dimostrano che, anche se i danni provocati negli ultimi dieci anni dalla siccità sono stati limitati per la maggior parte delle aziende, la maggioranza degli intervistati teme che in futuro sarà costretta a fare sempre più spesso i conti con questo fenomeno. In questo caso, molti di loro sono disposti a prendere le necessarie contromisure. Da un'analisi più dettagliata emerge che, dal punto di vista delle preoccupazioni, del fabbisogno di informazione e del livello di preparazione in materia di rischi causati dalla siccità, le aziende il cui reddito deriva principalmente dalla frutticoltura si differenziano nettamente da quelle per le quali la frutticoltura è economicamente meno importante. È quindi necessario avviare misure di adeguamento, di formazione continua e di consulenza che dovranno tenere conto di queste differenze.

Bibliographie ▪▪ Beniston M., 2005. Mountain climates and climatic change: An overview of processes focusing on the European Alps. Pure and Applied Geophysics 162 (8-9), 1587–1606. ▪▪ Bravin E., Monney P. & Mencarelli Hoffmann D., 2008. Klimaveränderung: Welche Zunahme der Bewässerungskosten in der Apfelproduktion ist tragbar?, Yearbook of Socioeconomics in Agriculture 2008, 133–160. ▪▪ Bravin E., Carint D., Dugon J., Hanhart J. & Steinemann B., 2011. Schweizer Kernobstproduktion unter der Lupe. Ein Rückblick auf strukturelle und betriebswirtschaftliche Daten. Changins-Wädenswil, Agroscope Changins-Wädenswil ACW. ▪▪ Calanca P., Roesch A., Jasper K., & Wild M., 2006. Global warming and the summertime evapotranspiration regime of the Alpine region. Climatic Change 79 (1–2), 65–78. ▪▪ CH2011, 2011. Swiss Climate Change Scenarios CH2011. E. C2SM ­M eteoSwiss, NCCR Climate, and OcCC. Zurich, Switzerland. ▪▪ CH2014-Impacts, 2014. Toward Quantitative Scenarios of Climate Change Impacts in Switzerland. Bern, OCCR, FOEN, MeteoSwiss, C2SM, Agroscope und ProClim. ▪▪ EEA, 2009. Climate Change Impacts and Adaptation in the European Alps: Focus Water Resources. ETC/ACC Technical Paper. Copenhagen.

Summary

Riassunto

Arboriculture et sécheresse – enquête auprès des agriculteurs dans le nord-est et le nord-ouest de la Suisse | Production végétale

Drought in fruit-growing. Survey among farmers in Northeast and Northwest Switzerland According to current climate scenarios, drought could become a major challenge for agriculture in Switzerland. To better understand the practitioner’s perspective, we surveyed fruit-growers in Northeast and Northwest Switzerland to investigate the previous impact of drought and the countermeasures taken, as well as the information requirements and the willingness to act on the part of farmers in case of more frequent drought events in the future. Our results show that in the last ten years, drought-induced damage has been limited for most farmers. Nevertheless, most respondents believe that in the future they will be affected more often and more intensely by drought. Thus, many are willing to implement countermeasures in the future. A detailed analysis shows that farmers who generate most of their income through fruit-growing are affected by drought differently than farmers for whom fruit-growing is of less commercial relevance. These two groups also differ in their willingness to realize countermeasures and in their information needs. We conclude that adaptation, professional training, and consultation are necessary and must adequately consider these differences. Key words: early recognition, drought, fruit-growing, Switzerland, climate adaptation.

▪▪ Felder D., 2012. Ausbau der Wissensbasis im Bereich Klimawandel – Landwirtschaft. Agrarforschung Schweiz 3 (5), 272–274. ▪▪ Fuhrer J. & Jasper K., 2009. Bewässerungsbedürftigkeit von Acker- und Grasland im heutigen Klima. Agrarforschung Schweiz 16 (10), 396–401. ▪▪ Jasper K., Calanca P. & Fuhrer J., 2006. Changes in summertime soil water patterns in complex terrain due to climatic change. Journal of Hydrology 327 (3–4), 550–563. ▪▪ Karrer S. L., 2012. Swiss farmers’ perception of and response to climate change. Zurich, ETH Zurich. ▪▪ Keller F. & Fuhrer J., 2004. Die Landwirtschaft und der Hitzesommer 2003. Agrarforschung Schweiz 11 (9), 403–410. ▪▪ Monney P., 2010. Bewässerung von Obstkulturen. Schweizerische Zeitschrift für Obst- und Weinbau 21, 10–13. ▪▪ ProClim (2005). Hitzesommer 2003. Synthesebericht, Bern, scnat. ▪▪ Schär C., Vidale P. L., Luthi D., Frei C., Haberli C., Liniger M. A. & Appenzeller C., 2004. The role of increasing temperature variability in European summer heatwaves. Nature 427 (6972), 332–336. ▪▪ Wiedemar M. & Felder D., 2011. Klimastrategie Landwirtschaft. Agrarforschung Schweiz 2 (6), 280–283.

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P r o d u c t i o n

a n i m a l e

Production de foin et de haylage de deux ­mélanges avec graminées Ueli Wyss, Brigitte Strickler et Ruedi von Niederhäusern Agroscope, Institut des sciences en production animale IPA, 1725 Posieux, Suisse Renseignements: Ueli Wyss, e-mail: ueli.wyss@agroscope.admin.ch

Une partie du foin a été traitée avec l’agent conservateur lors du bottelage.

Introduction La méthode de conservation, la teneur en matière sèche (MS) et la composition botanique ont une influence sur la conservation et les teneurs en nutriments du fourrage distribué aux chevaux. Les conditions de récolte jouent aussi un rôle déterminant pour la qualité du fourrage. Depuis quelques années, on trouve dans le commerce toujours davantage de mélanges de semences pour la production de foin et de haylage destinés spécialement aux chevaux. En raison de leur composition botanique, ceux-ci sont censés répondre mieux aux besoins physiologiques des équidés. Autrement dit, ils sont plus pauvres

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en énergie, mais plus riches en fibres que les mélanges avec une prédominance de ray-grass utilisés dans l’alimentation des bovins. A noter que la teneur en sucres, surtout en fructanes, très élevée dans le ray-grass par rapport aux autres graminées, joue un rôle important dans l’apparition de fourbures. La production de foin séché au sol est très répandue en Suisse, surtout dans le milieu équestre, car les propriétaires de chevaux préfèrent souvent ce fourrage au haylage (Reiwald et Riond 2002). Les raisons en sont multiples: d’une part, le haylage est en général produit sous la forme de grandes balles qui ne sont pas optimales pour les petites exploitations (manipulation, risque accru


de post-fermentation et prolifération de moisissures); d’autre part, beaucoup de propriétaires se plaignent de l’odeur d’ensilage que présente le haylage. Dans notre pays, la production de foin séché au sol n’est souvent possible que de façon limitée en raison des conditions météorologiques. Si le foin n’est pas assez sec lors de la récolte – teneur en MS inférieure à 85 % – il est nécessaire d’utiliser des agents conservateurs pour prévenir la formation de moisissures. Dans le cas de teneurs en MS situées entre 50 et 75 %, l’alternative consiste à produire du haylage. Dans la pratique, l’influence des agents conservateurs – en particulier l’emploi d’acides – est sujet à controverse. On craint que la distribution de haylage ou de foin traités avec des acides entraîne non seulement davantage de lésions à l’estomac (ulcères de l’estomac), mais aussi une suracidification de l’organisme (Fritz 2012). L’objectif de cet essai consistait à étudier au cours des deux premiers cycles les teneurs en nutriments – en particulier les teneurs en sucres et en fructanes – de deux mélanges de semences avec graminées disponibles dans le commerce et destinés spécialement à l’affouragement des chevaux. Il s’agissait aussi d’étudier la variation des teneurs en sucres et en fructanes dans l’herbe entre le soir et le matin. L’influence d’un agent conservateur sur la qualité du fourrage lors de la production de haylage et de foin a aussi été étudiée.

Matériel et méthodes

Résumé

Production de foin et de haylage de deux ­m élanges avec graminées | Production animale

Depuis quelques années, on trouve dans le commerce des mélanges de semences destinés à la production de foin et de haylage pour chevaux. La production de foin séché au sol est particulièrement répandue dans la détention de chevaux, les propriétaires préférant souvent ce fourrage au haylage. L’objectif du présent essai consistait à analyser les teneurs en nutriments – en particulier les teneurs en sucres et en fructanes – de deux mélanges avec graminées proposés sur le marché. L’influence d’un agent conservateur sur la qualité du haylage et du foin traités a aussi été étudiée dans cet essai. Les ray-grass étaient prédominants dans les deux mélanges; les mélanges présentaient tant au premier qu’au second cycle des teneurs en sucres et en fructanes élevées. Les teneurs en sucres et en fructanes ont été plus fortement dégradées par le processus de fermentation dans le haylage que dans le foin. L’ajout d’un agent conservateur a entraîné, aussi bien dans le haylage que dans le foin, un abaissement du pH. Le foin a présenté une prolifération de bactéries aérobies mésophiles, de moisissures et de levures plus importante que le haylage. La présence de germes n’a pas été influencée de façon significative par l’agent conservateur.

En août 2012, à Joressens (altitude 465 m), dans le canton de Fribourg, deux mélanges de semences avec graminées ont été semés sur une surface de 3 ha chacun: Mélange 1, quantité de semences 32 kg/ha Ray-grass italien, ray-grass hybride, ray-grass anglais, dactyle, vulpin des prés, fléole des prés, fétuque des prés, fétuque rouge. Mélange 2, quantité de semences 48 kg/ha Ray-grass anglais, ray-grass Westerwold, dactyle, fléole des prés, fétuque des prés, pâturin des prés, fétuque rouge. De mi-mai à mi-juin 2013, des échantillons des deux mélanges ont été prélevés au champ à trois dates différentes lors du premier cycle. Lors du deuxième cycle, des échantillons ont été prélevés seulement à fin juillet, soit six semaines après la première coupe, afin d’en déterminer les nutriments et la composition botanique. Au cours des deux cycles, des échantillons supplémentaires d’herbe ont été prélevés au champ le soir (17h30) et le matin pré cédant la coupe (7h00).

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Production animale | Production de foin et de haylage de deux ­m élanges avec graminées

Figure 1 | Après un stockage de cinq mois, des échantillons ont été prélevés au moyen d’une sonde.

En juin 2013 (premier cycle), des balles rondes de haylage et de foin d’un diamètre de 1,2 m ont été fabriquées. Une partie du fourrage a été traitée avec l’agent conservateur Lupro-Grain, composé de 73  % d’acide propionique, de 21 % de propionate d’ammonium et de 4 % de 1,2 propandiol. Pour bien doser l’agent conservateur, il est nécessaire de connaître la teneur en MS du fourrage. Certains appareils sont en mesure de déterminer le taux d’humidité d’un fourrage relativement sec. Dans cet essai, la teneur en MS a été mesurée après le compactage des balles au moyen de deux appareils (appareil 1: Protimeter Balemaster, appareil 2: Modèle Fortester 200 Plus). De plus, des échantillons ont été prélevés dans l’andain avant le bottelage et leur teneur en MS a été déterminée en laboratoire. Après un stockage de cinq mois, des échantillons ont été prélevés dans trois balles de chaque variante (fig. 1). Les nutriments, y compris les sucres hydrosolubles et les fructanes, ont été analysés par spectrométrie dans le

Tableau 1 | Composition botanique du fourrage des deux cycles et des deux mélanges 1er cycle Mélange de graminées

66

2e cycle

1

2

1

2

Graminées

%

100

99

99

99

Ray-grass

%

71

95

92

90

Trèfle

%

0

0

<1

0

Autres plantes

%

0

1

<1

1

Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 64–71, 2015

proche infrarouge (NIRS). Dans le haylage et le foin, les valeurs pH, les acides fermentaires, les taux d’éthanol et d’ammoniaque de même que les teneurs en germes – bactéries aérobies mésophiles, moisissures et levures – ont aussi été déterminés. L’interprétation statistique des résultats a été effectuée avec une analyse de variance et le test Bonferroni (programme SYSTAT 13).

Résultats et discussion Matériel initial Dans les deux mélanges, les ray-grass prédominaient au cours des deux cycles. Leur proportion s’élevait à plus de 70 % (tabl. 1, fig. 2). Les deux mélanges présentaient au champ des teneurs élevées en sucres et en fructanes. Les teneurs en sucres n’ont que légèrement augmenté au cours du premier cycle, elles sont même parfois restées inchangées. Les teneurs en fructanes quant à elles ont continuellement augmenté dans les deux mélanges (fig. 3). Borstel et Grässler (2003) ont aussi constaté une augmentation de la teneur en fructanes du ray-grass italien au cours du premier cycle, de mi-mai à début juin. Le fourrage du deuxième cycle a présenté pour les deux mélanges des teneurs en sucres et en fructanes similaires à celles du dernier prélèvement d’échantillons du premier cycle. Il est difficile de déterminer si des teneurs élevées en fructanes sont en fin de compte la seule cause des fourbures. Selon Zeyner et al. (2011), les teneurs en sucres et en amidon de l’ensemble de la ration jouent aussi un rôle essentiel dans l’apparition des fourbures.


Production de foin et de haylage de deux ­m élanges avec graminées | Production animale

Figure 2 | Dans les deux mélanges, les ray-grass prédominaient. (photo du 13 juin 2013)

Les relevés des teneurs en MS montrent d’une part que le taux d’humidité dans les balles a fortement varié et, d’autre part, qu’il y avait des différences entre les deux appareils utilisés. L’appareil 1 a enregistré un taux d’humidité moyen de 13,8 % et l’appareil 2 de 17,5 %. Ces taux d’humidité se situaient dans le domaine du taux de 15,1 % en moyenne, mesuré en laboratoire. Le fabricant du Lupro-Grain recommande des dosages de 5 l/t pour le haylage et de 6 l/t de matière fraîche pour le foin. Nous avons effectué des dosages de respectivement 5,4 et 6,3 l/t, respectant ainsi les recommandations. Cependant, vu que seule la consommation totale de produit par variante a pu être relevée, il est difficile de dire si l’agent conservateur a été réparti de façon régulière dans les balles. Les balles de haylage et  de foin présentaient un poids moyen de 417 et 306 kg.

En vieillissant, le fourrage du premier cycle affichait une teneur en matière azotée toujours plus basse et une teneur en cellulose brute légèrement plus élevée dans les deux mélanges. Les valeurs du deuxième cycle étaient semblables à celles du premier cycle à la mi-juin (fig. 4). Les échantillons du premier et du deuxième cycle des deux mélanges, prélevés à des moments différents de la journée, présentaient le soir des teneurs plus élevées en sucres et en fructanes que le matin (fig. 5). Les valeurs étaient de 10 à 92  % plus élevées. Ces différences peuvent s’expliquer par l’augmentation des teneurs en sucres et en fructanes produits par la photosynthèse des plantes en cours de journée. Vu que le fourrage récolté le soir subit des pertes dues à la respiration pendant la nuit, ses teneurs en sucres et en fructanes approchent celles du fourrage récolté le matin.

300

Mélange 1

g/kg matière sèche

250

1er

cycle

Mélange 2 2e

1er cycle

cycle

2e cycle

200 150 100 50

sucres fructanes

0 15

.05

29

.05

14

.06

25

.07

15

.05

29

.05

14

.06

.07

25

Figure 3 | Teneurs en sucres hydrosolubles et en fructanes des deux mélanges au cours du premier et du ­d euxième cycle.

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Production animale | Production de foin et de haylage de deux ­m élanges avec graminées

400

Mélange 1

g/kg matière sèche

Mélange 2

cycle

1er

1er cycle

cycle

2e

2e cycle

300

200

100 matière azotée cellulose brute

0

.05

15

.05

29

.07

.06

25

14

.06

.05

.05

.07

14

29

15

25

Figure 4 | Teneurs en matière azotée et en cellulose brute des deux mélanges au premier et au deuxième cycle.

Haylage et foin Les analyses des balles de haylage et de foin après une durée de stockage de cinq mois ont montré que le haylage présentait, comparé au foin, des teneurs en cendres, en matière azotée, en matière grasse et en matière azotée digestible supérieures et des teneurs en cellulose brute, en sucres et en fructanes inférieures (tabl. 2). Dans le cas de l’énergie digestible, calculée selon Zeyner et al. (2010), aucune différence n’a été relevée entre le haylage et le foin. Le fait que les fructanes se dégradent davantage pendant la fermentation dans le haylage que dans le foin vient confirmer les analyses de Besier et al. (2013). L’emploi d’un agent conservateur a entraîné dans cet essai des teneurs en cellulose brute et en NDF inférieures ainsi que des teneurs en sucres supérieures. Autrement

dit, l’utilisation de l’agent conservateur a freiné le développement des microorganismes nuisibles et donc la dégradation des sucres. Après cinq mois de stockage, seules de faibles quantités d’acide propionique ont été décelées dans les balles de haylage et de foin traitées avec l’agent conservateur. D’après des essais de Särkijärvi et al. (2012), le fourrage traité à l’acide propionique n’a pas influencé négativement le comportement alimentaire et la consommation de fourrage. Par contre, en présence de moisissures, ils ont observé un effet négatif sur ces paramètres. Une légère fermentation lactique et alcoolique a eu lieu dans les balles de haylage avec et sans ajout d’acide. Dans les balles non traitées, les valeurs étaient plus éle-

350 Mélange 1

g/kg matière sèche

300

1er cycle

Mélange 2 2e cycle

1er cycle

2e cycle

250 200 150 100 50 0

sucres fructanes r Soi

M

atin

r Soi

atin

M

r Soi

M

atin

r Soi

atin

M

Figure 5 | Influence du moment de la coupe sur les teneurs en sucres et en fructanes des deux mélanges au cours du premier et du deuxième cycle.

68

Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 64–71, 2015


Production de foin et de haylage de deux ­m élanges avec graminées | Production animale

Tableau 2 | Composants et paramètres de fermentation du fourrage du premier cycle après entreposage

MS (%) Cendres g/kg MS

Haylage

Foin

SE

Agent conservateur

Agent conservateur

sans

avec

sans

avec

60,1

60,2

85,2

85,1

69

54

25

41

Signification Mode1

Ajout2

Mode x ajout3

0,77

***

n.s.

n.s.

4,7

***

n.s.

*

Matière azotée (g/kg MS)

63

59

38

47

0,9

***

n.s

***

Cellulose brute (g/kg MS)

351

329

351

355

3,8

**

*

*

ADF (g/kg MS)

392

376

396

395

4,6

*

n.s.

n.s.

NDF (g/kg MS)

662

632

642

635

6,4

n.s.

*

n.s.

Matière grasse (g/kg MS)

17

15

12

13

0,5

***

n.s.

**

Sucres (g/kg MS)

111

161

184

164

5,2

***

*

***

Fructanes (g/kg MS)

37

47

115

95

6,3

***

n.s.

* **

MADc (g/kg MS)

31

27

7

16

1,2

***

n.s.

EDc (MJ/kg MS)

7,8

8,4

8,4

8,1

0,10

n.s.

n.s.

**

pH

5,6

5,2

6,0

5,6

0,07

***

**

n.s.

Acide lactique (g/kg MS)

14

5

2

2

2,4

*

n.s.

n.s.

Acide acétique (g/kg MS)

3

2

0

1

0,4

**

n.s.

n.s.

Acide propionique (g/kg MS)

0

7

0

5

0,3

*

***

*

Acide butyrique (g/kg MS)

0

0

0

0

0.1

*

n.s.

n.s.

Ethanol (g/kg MS)

21

4

0

0

2,2

***

**

**

SE: erreur standard. MS: matière sèche; ADF: lignocellulose; NDF: parois cellulaires; sucres: hydrates de carbone hydrosolubles; MADc: matière azotée digestible cheval; EDc: énergie digestible cheval. 1 décrit le mode de conservation du fourrage (haylage ou foin). 2 décrit l’effet de l’agent conservateur ajouté. 3 décrit l'interaction entre le mode de conservation et l’agent conservateur ajouté. Signification: n.s.: non significatif; *p < 0,05; **p < 0,01; ***p < 0,001.

vées que dans les balles traitées. L’ajout de l’agent conservateur a entraîné des valeurs pH inférieures tant dans le haylage que dans le foin. Les valeurs pH étaient toutefois sensiblement plus élevées dans le haylage que dans les ensilages destinés aux vaches. Selon Müller et al. (2008), qui ont déterminé le pH dans du foin, du haylage et de l’ensilage produits à partir de la même matière première et présentant des valeurs pH de respectivement 6,0, 5,6 et 4,4, aucune différence n’a été relevée entre les valeurs pH déterminées dans le gros intestin et celles déterminées dans les excréments.

Le foin avec ou sans agent conservateur présentait des teneurs plus élevées en bactéries mésophiles aérobies et en moisissures que le haylage (tabl. 3 et 4). Selon les valeurs indicatives VDLUFA (2012), les valeurs moyennes des bactéries aérobies mésophiles, des moisissures et des levures dans les échantillons de haylage et de foin se situaient dans la norme. L’utilisation de l’agent conservateur a entraîné dans la plupart des cas – à l’exception des moisissures indicatrices d’une altération – un abaissement des valeurs. Les différences n’étaient cependant  pas significatives.

Tableau 3 | Qualité microbiologique du haylage (ufc: unités formant colonie) Valeurs cible

Agent conservateur sans

SE

Valeur p

avec

Bactéries typiques du produit (log ufc/g)

< 5,3

3,0

2,7

0,24

0,37

Bactéries indicatrices d’une altération (log ufc/g)

< 5,3

5,2

5,0

0,21

0,60

Moisissures typiques du produit (log ufc/g)

< 3,7

1,0

1,0

0,02

0,37

Moisissures indicatrices d’une altération (log ufc/g)

< 3,7

1,3

1,4

0,21

0,69

Levures (log ufc/g)

< 5,3

3,9

3,5

0,89

0,78

SE: erreur standard; Valeur p: seuil de signification statistique.

Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 64–71, 2015

69


Production animale | Production de foin et de haylage de deux ­m élanges avec graminées

Tableau 4 | Qualité microbiologique du foin (ufc: unités formant colonie) Valeurs cible Bactéries typiques du produit (log ufc/g)

< 7,5

Bactéries indicatrices d’une altération (log ufc/g)

< 6,3

Moisissures typiques du produit (log ufc/g)

< 5,3

Moisissures indicatrices d’une altération (log ufc/g)

< 5,0

Levures (log ufc/g)

< 5,2

Agent conservateur

SE

Valeur p 0,07

sans

avec

7,2

6,3

0,23

4,7

4,7

0,00

0,05

2,4

2,3

0,38

0,87

3,8

5,0

0,45

0,13

3,1

3,1

0,50

0,93

SE: erreur standard; Valeur p: seuil de signification statistique.

Conclusions Les deux mélanges de graminées présentaient au champ des teneurs en sucres et en fructanes élevées, similaires dans les deux cycles. Vu que les deux mélanges avaient une proportion élevée en ray-grass, la situation avec des mélanges sans ray-grass est certainement différente. Des teneurs plus basses en sucres et en fructanes peuvent être atteintes en produisant de haylage plutôt que du foin. Au cours de la production de haylage, le processus de fermentation réduit fortement les teneurs en sucres et en fructanes. Si les conditions de récolte sont bonnes, le haylage et le foin peuvent être conservés sans agent conservateur. Selon les valeurs indicatives, les valeurs moyennes des

70

Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 64–71, 2015

bactéries aérobies mésophiles, des moisissures et des levures dans les échantillons de haylage et de foin se situent dans la norme. Comparé au fourrage non traité, l’emploi d’un agent conservateur a entraîné une baisse du pH aussi bien dans le haylage que dans le foin. Il était cependant toujours supérieur à 5,0. Après plusieurs mois de stockage, les concentrations d’acide propionique dans le fourrage sont modestes et ne devraient donc avoir aucune influence négative sur la consommation du fourrage par n les chevaux.


Produzione di fieno o fieno-silo da due miscele di erbe Da qualche tempo sul mercato sono disponibili miscele di erbe per la produzione di fieno e fieno-silo per il foraggiamento dei cavalli. Nella detenzione di cavalli, la produzione di fieno è particolarmente diffusa perché spesso i proprietari di cavalli prediligono questo foraggio al fieno-silo. L’obiettivo della ricerca era analizzare i valori nutritivi, in particolare il tenore di zucchero e fruttooligosaccaridi, di due miscele disponibili sul mercato. È stata inoltre anche valutata l’influenza di un agente conservante sulla qualità del foraggio nella preparazione di fieno e fieno-silo. In entrambe le miscele, il loglio era presente in maniera predominante. Sia nel primo sia nel secondo ciclo, mostrava tenori elevati di zucchero e fruttooligosaccaridi. Rispetto alla produzione di fieno, in quella di fieno-silo il tenore di zucchero e fruttooligosaccaridi si riduceva maggiormente tramite il processo di fermentazione. L’aggiunta di agenti di conservazione portava a valori di pH inferiori sia nel fieno che nel fieno-silo. Rispetto al fieno-silo, il fieno presentava un livello più elevato di germi come batteri mesofili aerobi, muffe e lieviti. La presenza di germi non era però influenzata in modo significativo dall’agente di conservazione.

Bibliographie ▪▪ Besier J., Strickler B., von Niederhäusern R. & Wyss U., 2013. Foin ou haylage dans l’alimentation des chevaux. Recherche Agronomique Suisse 4 (6), 264–270. ▪▪ Fritz C., 2012. Pferde fit füttern. Wie ich mein Pferd artgerecht ernähre. Cadmos-Verlag, Schwarzenbek, 191 p. ▪▪ Müller C. E., von Rosen D. & Uden P., 2008. Effect of forage conservation method on microbial flora and fermentation pattern in forage and in equine colon and faeces. Livestock Science 119, 116–128. ▪▪ Reiwald D. & Riond J. L., 2002. Aliments et techniques d’alimentation du cheval en Suisse: Interprétation de résultats d’un questionnaire. Revue suisse Agric. 34, (4), 191–196. ▪▪ Särkijärvi S., Seppälä A., Perälä J., Heikkilä T., Nysand M. & Mäki M., 2012. Preference of horses for haylage ensiled with propionic acid based additive. Proceedings of the XVI International Silage Conference, Hämeenlinna, Finland. 516–517.

Summary

Riassunto

Production de foin et de haylage de deux ­m élanges avec graminées | Production animale

Hay or haylage production from two grass mixtures For some time now, special grass mixtures have been available for the production of hay and haylage for horses. Field-dried hay is widely produced because many horse owners prefer this roughage to haylage. The aim of the trial was to study the nutrient contents – in particular, the sugar and fructan contents – of two mixtures available on the market. We also investigated the influence of a preservative on feed quality in haylage and hay production. Ryegrasses dominated in both mixtures, having high sugar and fructan contents in the first and second growth. Owing to the fermentation process, the sugar and fructan were more thoroughly broken down in haylage preparation than in hay preparation. The addition of the preservative led to lower pH values in the haylage and the hay. Although the hay had higher counts of aerobic mesophilic bacteria, moulds, and yeasts than the haylage, the said counts were not significantly affected by the preservative. Key words: hay, haylage, fermentation quality, microbiological quality, nutritional value.

▪▪ VDLUFA, 2012. Keimgehalte an Bakterien, Hefen, Schimmel- und Schwärzepilzen. Methodenbuch III, Die chemische Untersuchung von Futtermitteln, 8. Ergänzungslieferung 2012. ▪▪ Von Borstel U. & Grässler J., 2003. Untersuchungen zur Kennzeichnung der Fruktangehalte verschiedener Gräserarten. Mitteilungen der Arbeitsgemeinschaft Grünland und Futterbau, vol. 5, 209–211. ▪▪ Zeyner A., Kienzle E. & Coenen M., 2011. Artgerechte Pferdefütterung. In: Pferdezucht, -haltung und -fütterung Empfehlungen für die Praxis. Landbauforschung 353, 164–191. ▪▪ Zeyner A., Schüler C. & Kienzle E., 2010. The development of a ME-system for energy evaluation in horses. Proc. Soc. Nutr. Physiol. 19, 54.

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E c l a i r a g e

Bases génétiques de l’absence de cornes chez les bovins Alexander Burren1, Natalie Wiedemar2, Cord Drögemüller2 et Hannes Jörg1 Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL, 3052 Zollikofen 2 Institut de génétique, Faculté Vetsuisse, Université de Berne, 3001 Renseignements: Hannes Jörg, e-mail: hannes.joerg@bfh.ch

1

La transmission héréditaire des cornes se fait sur le mode récessif. Aussi, les croisements entre bovins cornus et bovins sans cornes hétérozygotes produisent-ils 50 % de veaux à cornes et 50 % d’individus qui en sont dépourvus. (Photo de gauche: Robert Alder; photo de droite: Corina Burri, Swissherdbook)

La majorité des exploitations suisses écornent leurs bovins. Cette pratique, faut-il le rappeler, est controversée. La sélection ciblée de bovins naturellement sans cornes permettrait d’apaiser le débat tout en réduisant les souffrances des animaux. Les cornes (fig. 1A) constituent un signe distinctif de plusieurs espèces de ruminants domestiques, notamment les bovins, les moutons et les chèvres. Composées d’une couche de kératine externe entourant un noyau d’os spongieux rempli d’air (Dyce et al. 2002), elles constituaient, pour les ancêtres sauvages de ces animaux, un moyen d’auto-défense essentiel. Néanmoins, l’existence de bovins sans cornes (fig. 1B), dits aussi acères (polled en anglais), est attestée dès l’Antiquité, comme le démontrent notamment des fresques tombales égyptiennes (Strouhal 1997).

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Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 72–75, 2015

Transmission de l’absence de cornes Se fondant sur les résultats de croisements entre des galloways sans cornes et des holsteins frisonnes cornues, White et Ibsen (1936) ont proposé un modèle de transmission autosomale récessive, c’est-à-dire typique d’un caractère mendélien non influencé par le sexe. Le caractère polled possède deux allèles: P, «sans cornes», qui est dominant et p, «à cornes», qui est récessif. Dès qu’un bovin possède au moins une copie de la mutation «sans cornes» (génotype P/p ou P/P), il naît acère, alors que les bovins cornus sont forcément récessifs homozygotes pour ce caractère (génotype p/p). Au cours des vingt dernières années, le caractère polled a été localisé à maintes reprises – et chez différentes races – sur le chromosome 1 (Georges et al. 1993; Schmutz et al. 1995; Brenneman et al. 1996; Harlizius et al. 1997; Drögemüller et al. 2005; Seichter et al. 2012), mais son décryptage moléculaire,


Bases génétiques de l’absence de cornes chez les bovins | Eclairage

lui, ne date que de deux ans, avec la découverte de deux mutations indépendantes, qui inhibent la croissance des cornes (Medugorac et al. 2012; Allais-Bonnet et al. 2013). Selon ces études récentes, la mutation ayant amené diverses races d’origine celtique (aussi bien à viande qu’à double utilisation) à perdre leurs cornes se situe entre deux gènes, dans une région non codante du génome. Chez les individus acères, un fragment de 208 paires de bases est répété, alors que les six paires de bases suivantes ont disparu. Un deuxième haplotype (variante d’une séquence de nucléotides sur un chromosome) associé à l’absence de cornes a été découvert chez les bovins d’origine frisonne, tels les holsteins ou les jerseys. Et, en 2014, Rothammer et al. ont démontré que cet haplotype est dû au dédoublement d’un segment chromosomique d’environ 80 000 paires de bases (80 kilobases ou kb). Cette constatation contredit ainsi l’association parfaite, identifiée peu auparavant par Glatzer et al. (2013) chez des holsteins, entre l’absence de corne chez les bovins et un SNP (single nucleotide polymorphism) situé à l’intérieur d’un intron (portion non codante d’un gène) appartenant au gène IFGR2. Par ailleurs, une mutation dominante du gène ZEB2 a été décrite en France chez des vaches charolaises acères (Capitan et al. 2012). Elle est associée à des malformations congénitales des yeux et des organes sexuels. Cette dernière étude confirme des présomptions antérieures, selon lesquelles des mutations sur d’autres chromosomes peuvent également se traduire par une absence de cornes. La fréquence d’apparition de mutations spontanées du phénoytpe – de cornu à acère – a été estimée à 1/20 000 par White et Ibsen (1936) et entre 1/50 000 et 1/100 000 par Brem et al. (1982).

A

B

Les cornes branlantes De temps à autre, des bovins génétiquement sans cornes présentent sur leur tête des excroissances cornées, des croûtes ou d’autres structures semblables à des cornes, mais qui ne sont en général pas fermement soudées au crâne. Ces «cornes branlantes» (appelées scurs en anglais) sont, d’après White et Ibsen (1936), déterminées par un deuxième gène (fig. 1C). Il est apparu que, pour les races angus et galloway, il existait un lien entre les cornes branlantes, le sexe et le génotype polled (Long et Gregory 1978). Le mode de transmission de la mutation scurred a fait l’objet de plusieurs projets de recherche, dont certains sont encore en cours (Long et Gregory 1978; Capitan et al. 2009). Asai et al. (2004) ont décrit un couplage entre la mutation responsable des cornes branlantes et un segment du chromosome 19, ceci chez des vaches canadiennes. Ce résultat n’a pas été confirmé par Capitan et al. (2009), qui ont étudié le même phénomène en France, sur des charolaises. Par contre, les mêmes auteurs (Capitan et al. 2011) ont observé un phénotype (manifestation extérieure d’un caractère) semblable chez des bovins charolais ne présentant pas la mutation polled, phénotype qu’ils ont pu attribuer à une mutation du gène TWIST1. La recherche suisse sur la croissance des cornes Dans le cadre d’un projet du Fonds national suisse, la faculté Vetsuisse de l’Université de Berne et la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires ont commencé en juillet 2012 l’étude des origines génétiques et moléculaires de la formation des cornes chez les bovins. Les scientifiques ont collecté des échantillons de 1019 individus acères issus de quatorze races. 

C

Figure 1 | Phénotypes de cornes chez la fleckvieh. A: Type sauvage prédominant, vache à cornes; B: Vache sans cornes; C: Vache présentant des cornes branlantes. (Sources: A, Robert Alder ; B et C, Cord Drögemüller)

Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 72–75, 2015

73


Eclairage | Bases génétiques de l’absence de cornes chez les bovins

Tableau 1 | Rapport entre le génotype «sans cornes» et l’expression du caractère «cornes branlantes» chez des bovins possédant la ­m utation celtique (Source: Wiedemar et al. 2014) mutation celtique cornes branlantes race

mâle

sans cornes

femelle

total

mâle

femelle

total

Pp

PP

Pp

PP

Pp

PP

Pp

PP

Pp

PP

Pp

PP

Angus

1

1

2

4

4

Brune

1

1

3

1

3

1

Blonde d'Aquitaine

1

1

Charolaise

4

4

2

1

2

1

Galloway

1

8

1

2

8

Holstein

5

5

1

1

– 40

Limousine

13

16

29

42

11

110

29

152

Pinzgauer

6

6

Simmental

38

92

130

23

51

119

68

142

119

total

63

109

172

78

72

234

97

312

169

PP=sans cornes homozygote; Pp=sans cornes hétérozygote

Après analyse des génotypages SNP de nombreux taureaux testés sur descendance et dont le génotype polled était connu, ils ont identifié – sur le chromosome 1 de vaches holsteins et simmental – deux haplotypes différents corrélés à l’absence de cornes. Le segment associé à cette caractéristique a ensuite été exactement délimité à l’aide d’une cartographie par homozygotie. Puis, ils y ont recherché les mutations, par séquençage du génome entier d’animaux cornus et acères. La comparaison des séquences ADN de vaches cornues et acères a révélé, chez des simmental et d’autres races à viande ou à double utilisation, la mutation dite «d’origine celtique» qui présente une association parfaite avec l’absence de cornes, comme l’avait constaté Medugorac et al. (2012). Le dédoublement de 80 kb (mutation frisonne) a pu, lui aussi, être mis en évidence, chez des vaches holsteins cette fois (Wiedemar et al. 2014). En conclusion, les recherches de mutations ont confirmé intégralement les résultats récemment publiés par Rothammer et al. (2014). En outre, les travaux de Wiedemar et al. (2014) comportaient également de premières expériences visant à identifier les conséquences de ces mutations à l’échelle moléculaire. Les deux mutations polled ne touchent pas directement des parties du génome codant pour des protéines, mais se situent entre deux gènes. Pour étudier les corrélations entre bovins sans cornes homozygotes et hétérozygotes, le degré d’expression des phénotypes «cornes branlantes», le sexe et les mutations à l’origine de ces traits, les animaux porteurs de mutations celtiques et frisonnes ont été considérés séparément (tabl. 1 et 2). Il est apparu que les cornes

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branlantes n’apparaissent que chez des animaux hétérozygotes, et ceci tant pour la mutation celtique que pour la mutation frisonne. Les données récoltées n’ont pas permis de constater une influence du sexe. Les modèles d’hérédité complexes postulés précédemment peuvent désormais être révisés: les cornes branlantes n’apparaissent que chez les animaux acères de type p/P et tous les animaux homozygotes (P/P) présentent un phénotype sans cornes «pur» (Wiedemar et al. 2014). La sélection de bovins génétiquement sans cornes Avec la découverte des mutations provoquant l’absence de cornes, nous disposons maintenant de deux tests génétiques directs – un pour chaque génotype polled – permettant de distinguer entre bovins homozygotes et hétérozygotes, quelle que soit leur race. Ceci est d’une importance pratique considérable s’agissant de la sélection de taureaux sans cornes homozygotes (P/P), une étape indispensable pour garantir une descendance directe totalement dépourvue de cornes. A noter que la mutation polled celtique n’a pas seulement été trouvée chez des animaux acères élevés exclusivement pour leur viande ou à double utilisation (soit de race simmental, angus, galloway, blonde d’Aquitaine, brune, charolaise, hereford, limousine ou pinzgauer), mais également chez quelques holsteins sans cornes. La mutation frisonne, quant à elle, apparaît également chez un faible nombre d’individus acères de race limousine, charolaise ou pinzgauer. Ces constatations confirment l’hypothèse formulée précédemment par divers auteurs, selon laquelle l’apparition et la dissémination du caractère polled dans


Bases génétiques de l’absence de cornes chez les bovins | Eclairage

Tableau 2 | Rapport entre le génotype «sans cornes» et l’expression du caractère «cornes branlantes» chez des bovins possédant la mutation frisonne (Source: Wiedemar et al. 2014) mutation frisonne cornes branlantes race

mâle Pp

sans cornes

femelle PP

Pp

total PP

Pp

mâle PP

Pp

femelle PP

Pp

total PP

Pp

PP

Charolaise

1

1

Holstein

30

3

33

Limousine

1

1

2

2

8

10

Pinzgauer

12

3

75

18

87

21

total

31

4

35

14

4

83

18

97

22

PP=sans corners homozygote; Pp=sans corners hétérozygote

des races jusqu’ici toujours cornues sont dues à des croisements isolés avec des animaux sans cornes d’autres races. On en déduit qu’à l’avenir, lors de l’identification du génotype polled de bovins d’élevage, il faudrait toujours tester ceux-ci en même temps pour ces deux muta-

tions. Ce génotypage pourrait par exemple se faire sur la puce à ADN utilisée pour la sélection génomique – une manière simple d’intégrer cette vérification dans le processus ordinaire de sélection. n

Bibliographie ▪▪ Asai M., Berryere T.G. & Schmutz S.M.,2004. The scurs locus in cattle maps to bovine chromosome 19. Animal Genetics 35, 34–39. ▪▪ Allais-Bonnet A.. et al., 2013. Novel insights into the bovine polled phenotype and horn ontogenesis in Bovidae. PLOS ONE 8 (5), e63512. ▪▪ Brem G., Karnbaum B. & Rosenberger E., 1982. Zur Vererbung der Hornlosigkeit beim Fleckvieh. Bayer. Landwirsch. Jahrb. 59, Nr. 6, 688–695. ▪▪ Brenneman R.A., Davis S.K., Sanders J.O., Burns B.M., Wheeler T.C., ­Turner J.W. & Taylor J.F., 1996. The polled locus maps to BTA1 in a Bos indicus x Bos Taurus cross. Journal of Heredity 87, 156–161. ▪▪ Capitan A.. et al., 2012. A 3.7 Mb deletion encompassing ZEB2 causes a novel polled and multisystemic syndrome in the progeny of a somatic mosaic bull. PLOS ONE 7, e49084. ▪▪ Capitan A., Grohs C., Weiss B., Rossignol M-N., Reversé P. & Eggen A., 2011. A newly described bovine type 2 scurs syndrome segregates with a frame-shift mutation in TWIST1. PLOS ONE 6, e22242. ▪▪ Capitan A., Grohs C., Gautier M. & Eggen A., 2009. The scurs inheritance: new insights from the French Charolais breed. BMC Genetics 10, 33, 1–11. ▪▪ Drögemüller C., Wöhlke A., Momke S. & Distl O., 2005. Fine mapping of the polled locus to a 1-MB region on bovine chromosome 1q12. Mammalian Genome 16, 613–620. ▪▪ Dyce K.M., Sack W.C. & Wensing C.J.G., 2002. Textbook of veterinary Anatomy. 3 rd edition Elsevier, 359 S. ▪▪ Georges M., Drinkwater R., King T., Mishra A., Moore S.S., Nielsen D., Sargeant L.S., Sorensen A., Steele M.R., Zhao X., Womack J.E. & Hetzel.,1993. Microsatellite mapping of a gene affecting horn development in bos taurus. Nature Genetics 4, 206–210. ▪▪ Graf B. & Senn M., 1999. Behavioural and physiological responses of calves to dehorning by heat cauterization with or without local anaesthesia. Applied Animal Behaviour Science 62, 153–171.

▪▪ Glatzer S., Merten N., Dierks C., Wöhlke A., Philipp U. & Distl O., 2013. A single nucleotide polymorphism within the interferon gamma receptor 2 gene perfectly coincides with polledness in Holstein cattle. PLOS ONE 8, e67992. ▪▪ Harlizius B., Tammen I., Eichler K., Eggen A. & Hetzel D.J., 1997. New markers on bovine chromosome 1 are closely linked to the polled gene in Simmental and Pinzgauer cattle. Mammalian Genome 8, 255–257. ▪▪ Long C.R., & Gregory K.E., 1978. Inheritance of the horned, scurred and polled condition in cattle. Journal of Heredity 69, 395–400. ▪▪ Medugorac I., Seichter D., Graf A., Russ I., Blum H., Göpel K.H., Rothammer S., Förster M. & Krebs S., 2012. Bovine polledness – an autosomal dominant trait with allelic heterogeneity. PLOS ONE 7, e39477. ▪▪ Rothammer S., Capitan A., Mullaart E., Seichter D., Russ I. & Medugorac I., 2014. The 80-kb DNA duplication on BTA1 is the only remaining candidate mutation for the polled phenotype of Friesian origin. Genetic Selection Evolution, 46, 1–5. ▪▪ Schmutz S.M., Marquess F.L., Berryere T.G., Moker J.S., 1995. DNA marker-assisted selection of the polled condition in Charolais cattle. Mammalian Genome 6, 710–713. ▪▪ Seichter D., Russ I., Rothammer S., Eder J., Förster M. & Medugorac I., 2012. SNP-based association mapping of the polled gene in divergent cattle breeds. Animal Genetics 43, 595–598. ▪▪ Strouhal E., 1997. Life of the Ancient Egyptians. University of Oklahoma Press, 279 S. ▪▪ White W.T. & Ibsen H.L., 1936. Horn inheritance in Galloway-Holstein cattle crosses. Journal of Genetics 32, 33-49. ▪▪ Wiedemar N., Tetens J., Jagannathan V., Menoud A., Neuenschwander S., Bruggman R., Thaller G. & Drögemüller C., 2014. Independent Polled ­M utations Leading to Complex Gene Expression Differences in Cattle. PLOS ONE 9, e93435.

Recherche Agronomique Suisse 6 (2): 72–75, 2015

75


I n t e r v i e w

Bruno Studer, professeur assistant de génétique des plantes fourragères à l’ETH Zurich Monsieur Studer, vous avez été nommé professeur de génétique des plantes fourragères. Quel est l’objet de vos recherches? Qu’est-ce qui vous fascine dans ce domaine? A l’avenir, nous serons confrontés à quelques défis en matière de production fourragère et alimentaire. Je pense en particulier à l’amélioration de l’efficacité de l’utilisation des ressources et à l’application pratique de l’intensification durable. La sélection végétale peut contribuer de manière importante à relever ce genre de défis, mais la sélection classique seule ne suffira pas. C’est précisément là qu’interviennent nos travaux: nous menons des recherches sur des outils génétiques et développons de nouveaux concepts pour rendre la sélection classique plus efficace. Avec ces méthodes de sélection moléculaires, nous ne modifions pas directement le patrimoine génétique, mais nous aidons uniquement à sélectionner les plantes les plus appropriées pour continuer la sélection en utilisant les profils de patrimoine génétique.

En octobre 2012, Monsieur Bruno Studer a été nommé professeur assistant de génétique des plantes fourragères à l’ETH Zurich. Il s’agit d’un poste de professeur boursier limité dans le temps et financé par le FNS. Auparavant, M. Studer menait des recherches à l’Université d’Aarhus au Danemark. Ses recherches portent sur le développement de méthodes moléculaires qui améliorent l’efficacité de la sélection végétale. Avec ce nouveau domaine de recherche dans le cursus des sciences agronomiques, les étudiants auront un enseignement plus axé sur les méthodes moléculaires.

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Quels sont les plus grands défis dans ce domaine de recherche et quelles sont les possibilités pour les relever? Le plus grand défi consiste à avoir une collaboration efficace entre la recherche fondamentale, la recherche sur la sélection, et la pratique de la sélection. C’est le seul moyen d’innover et d’intégrer de manière efficace les nouveaux enseignements dans la sélection. Tandis qu’à l’étranger le potentiel de ces méthodes de sélection moléculaires et des centres de sélection inter- et transdisciplinaires est reconnu et a été largement mis en avant, ce domaine a été négligé durant des années en Suisse. L’intégration des acteurs mentionnés ci-dessus dans ce genre de centres de sélection pourrait faire avancer la sélection végétale en Suisse. A cela s’ajoute le fait que la conception du rôle de la sélection végétale moderne en Suisse est complètement erronée: tandis que l’importance des anciennes variétés locales et le maintien des ressources génétiques végétales sont bien ancrés dans la population, l’importance de l’amélioration continue de la sélection des plantes cultivées (pour sécuriser la couverture des besoins alimentaires) est peu connue. La sélection moderne a au contraire une image négative et est associée aux grands producteurs de semences, aux brevets, aux OGM, à la


Bruno Studer, professeur assistant de génétique des plantes fourragères à l’ETH Zurich | Interview

biopiraterie et à l’appauvrissement de la diversité génétique. Ces associations sont le fruit d’une vision trop étroite. On en vient à oublier que la sélection moderne est à l’origine d’une grande partie des augmentations de récoltes des dernières décennies, qu’elle permet l’adaptation continuelle des variétés aux modifications des conditions climatiques, et qu’elle favorise les systèmes de production ménageant l’environnement. Vous êtes issu du milieu agricole. Cela a-t-il influencé le choix de vos études? Qu’est-ce qui vous a décidé à faire des études d’ingénieur agronome? Bien que je trouve passionnant de comprendre les tenants et les aboutissants de l’agriculture, mes racines n’ont joué qu’un rôle secondaire dans le choix de mes études. Il me tenait beaucoup plus à cœur d’acquérir l’interdisciplinarité fondée sur la base solide des sciences naturelles qu’amène la formation d’agronome. Le mélange entre la biologie moléculaire, la génétique et l’agronomie est exigeant, mais vraiment passionnant! Vous avez effectué votre travail de doctorat à Agroscope, dans le groupe d’écologie moléculaire. Quel était l’objet de ce travail? Ce travail de doctorat traitait déjà de l’utilisation de techniques moléculaires dans la sélection végétale. Nous avons mené des recherches sur les bases génétiques des résistances aux maladies chez les graminées. Cela a été le point de départ de mon parcours professionnel. C’est d’autant plus gratifiant que nous sommes toujours en bon contact avec le groupe mentionné plus haut avec qui nous partageons des projets de recherche communs. C’est un bel exemple de la coopération réussie entre l’ETH Zurich et Agroscope.

L’agriculture suisse en profite indirectement en accédant à de nouvelles variétés qui, grâce à nos méthodes, peuvent être adaptées de manière encore plus efficiente aux besoins futurs de l’agriculture suisse. Une réforme du programme d’études est en cours dans le cursus des Sciences agronomiques. Quels nouveaux cours allez-vous donner aux étudiants et quel en sera exactement le contenu? Il y a d’une part un cours sur la sélection végétale moléculaire. Celui-ci permet d’appliquer de manière active les bases théoriques acquises par le biais des différents concepts de sélection végétale moléculaire et sous la conduite d’experts de chaque domaine de recherche concerné. Ce cours n’est pas nouveau, mais son contenu a été revu dans le cadre de la réforme du programme d’études. D’autre part, un cours sur les compétences méthodologiques dans les sciences agronomiques est actuellement en cours d’élaboration. Il devrait permettre aux étudiants d’acquérir les bases de laboratoire nécessaires. Les compétences méthodologiques et de laboratoire jouent en effet un rôle de plus en plus important dans tous les domaines de la recherche en sciences agronomiques. Les étudiants doivent apprendre ces méthodes et technologies dans des cours pratiques pour être non seulement préparés de manière optimale aux travaux de Bachelor et de Master, mais aussi pour amener une compréhension des bases technologiques dans la vie professionnelle future. Ces cours «appliqués» au laboratoire prennent beaucoup de temps et doivent être planifiés de manière très précise. Je me réjouis malgré tout du défi de collaborer au développement de ce cours. n Brigitte Dorn, ETH Zurich

Dans les recherches que vous menez actuellement, quels sont les thèmes particulièrement importants pour l’agriculture suisse? On parle actuellement beaucoup de la sélection végétale en Suisse. L’Office fédéral de l’agriculture élabore par exemple une stratégie pour la sélection végétale en Suisse en intégrant tous les acteurs importants. Ces travaux permettent notamment de mettre en évidence l’importance de l’innovation et de l’évolution technologique dans la sélection végétale. Avec nos recherches, nous sommes donc pour ainsi dire dans l’air du temps. Quel impact votre recherche aura-t-elle sur l’agriculture suisse? Nos recherches ont un aspect vraiment appliqué. Nous le sentons notamment dans les nombreuses collaborations avec des entreprises de sélection en Suisse et à l’étranger.

Erratum: Une erreur s’est malencontreusement glissée dans l’interview parue dans le précédent numéro («Susanne Ulbrich, professeure de physiologie animale à l’ETH Zurich»). En page 40, à la fin de la deuxième question, il s’agissait de lire : «Ce n’est pas une simple tâche régulatrice» et non «C’est une simple tâche régulatrice». Toutes nos excuses pour cette confusion. La rédaction

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www.agroscope.admin.ch/medienmitteilungen Amélioration des plantes: science et technologie pour les variétés du futur La Société suisse d’agronomie (SSA) tiendra sa 23e assemblée annuelle le 20 mars 2015 à Zollikofen, consacrée à la thématique de l’amélioration des plantes, science et technologie pour les variétés du futur. Des experts de l'EPF et de l’Université de Zurich, d’Agroscope, du FiBL et de l’Office fédéral d’agriculture échangeront leurs connaissances et expériences en lien avec les nouvelles technologies applicables dans le domaine de la sélection végétale. Des informations sur le programme, l’annonce de poster et l’inscription se trouvent sous http://www.sciencesnaturelles.ch/organisations/sgpw/events/.

La SSA a pour but de promouvoir les échanges scientifiques entre les différentes disciplines de la production végétale et entre institutions au niveau national et international. La société s’adresse aux personnes œuvrant dans la recherche, la formation et la vulgarisation. Infos sur la SSA: www.sciencesnaturelles.ch/organisations/sgpw Le comité de la SSA

Nouvelles publications

Lebensmittel Agroscope Science | Nr. 10 / 2014

Approches et mesures possibles pouvant éventuellement contribuer à la réduction de l’utilisation d’antibiotiques en production laitière

Agroscope Science n° 10/2014 En Suisse, on ne dispose jusqu’à présent que de peu de données sur l’utilisation d’antibiotiques en production laitière. Les motifs les plus fréquents à l’origine de l’administration d’un antibiotique sont la protection de la mamelle (30-40% des vaches) et le traitement des mammites pendant la lactation (plus de 20% des vaches). En ce qui concerne le type et le nombre de traitements, il y a de très grandes disparités d’une exploitation à l’autre. De même, le choix de l’antibiotique administré semble dépendre du vétérinaire traitant. L’utilisation d’antibiotiques en production laitière n’a que légèrement reculé au cours des 10 à 15 dernières années. Une nouvelle baisse des quantités d’antibiotiques utilisées en production laitière n’est envisageable qu’au niveau de l’administration préventive (protection de la mamelle). Mögliche Ansatzpunkte und Massnahmen, die zu einer Reduktion des Einsatzes von Antibiotika in der Milchproduktion beitragen könnten Autor: Walter Schaeren

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Des études en cours et futures portant sur l’utilisation d’antibiotiques en médecine vétérinaire et sur la situation en matière de résistances de certains groupes de germes fourniront à l’avenir des données plus précises et plus fiables qui permettront de définir des mesures efficaces (conseil et/ou sanctions). Les possibilités de l’Institut des sciences en denrées alimentaires IDA d’Agroscope d’influencer l’utilisation d’antibiotiques en production laitière sont très restreintes. Les résultats des activités de recherche sur le thème des Staphylococcus aureus et du programme de recherche REDYMO pourraient changer quelque peu la donne. Certes, les connaissances sont disponibles et des recherches supplémentaires ne sont pour l’instant pas nécessaires, mais la situation pourrait changer au cours de l’application des résultats dans la pratique. La publication est disponible uniquement en allemand. Agroscope Science paraît seulement sous forme électronique. La publication peut être téléchargée en format PDF sur www.agroscope. ch > Publications Walter Schaeren, Agroscope


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Liens Internet

Manifestations

Poussières fines

Février 2015

www.poussieres-fines.ch

20.02.2015 Schweizer Obstkulturtag 2015 Agroscope, Agridea, NWW, Obstverbände SG und TG, SKOF, SOV, Swisscofel St. Gallen im Rahmen der Messe Tier & Technik

La plateforme d'information www.poussieres-fines.ch met à disposition du grand public des informations actuelles sur le thème des poussières fines. Cette action, fruit de la collaboration entre Cercl'Air et les services cantonaux de la protection de l'air, est également soutenue par l'Office fédéral de l'environnement OFEV.

V Doa rnssc hl ea up r o c h a i n n u m é r o Mars 2015 / Numéro 3 Deux méthodes sont utilisées en Suisse pour optimiser la ­fumure azotée des grandes cultures: la méthode des normes corrigées et la ­méthode Nmin. Agroscope a évalué ces deux méthodes à partir d’essais de fertilisation azotée pour une large gamme de grandes cultures et de conditions pédoclimatiques. (Photo: Carole Parodi, Agroscope)

••Evaluation des méthodes normes corrigées et Nmin pour optimiser la fertilisation azotée des grandes cultures, Sokrat Sinaj et al., Agroscope ••Effets de la variété et du milieu sur la viscosité du blé, Lilia Levy et al., Agroscope

Mars 2015 14.03.2015 Journée d’information HAFL Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL Zollikofen Informations: www.hafl.bfh.ch 18 – 19.03.2015 5. Tänikoner Melktechniktagung Agroscope Tänikon, 8356 Ettenhausen Avril 2015 16.04.2015 10e Réunion annuelle du Réseau de recherche ­ équine en Suisse Haras national suisse HNS Avenches Juin 2015 25.06.2015 Agroscope: 125 Jahre Forschung in Wädenswil Agroscope Wädenswil

••Outils de détermination on farm du bien-être animal et son évaluation dans l’engraissement bovin, Bernadette Oehen et al., FiBL ••Nouvelle politique agricole – le point de vue des agriculteurs et des spécialistes, Rebecca Knoth et al., Université de Zurich, Vision Landwirtschaft et WSL ••AGROfutur: l’ETH Zurich réforme les études de Sciences Agronomiques, Achim Walter et al., ETH Zurich ••Echange de connaissances avec le Japon: recherche sur les femmes et l’égalité des sexes dans l’agriculture, Ruth Rossier, Agroscope

Informationen: Informations: www.agroscope.admin.ch/veranstaltungen www.agroscope.admin.ch/manifestations

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Journée d’information 14 mars 2015

Voir

loin

Études de bachelor : – Agronomie – Sciences forestières – Food Science & Management Master in Life Sciences :

©iStock.com/themacx

– Sciences agronomiques et forestières – Food, Nutrition and Health

Infos et inscription : hafl.bfh.ch

harasnational.ch

Journée anniversaire

Jubiläumstagung

10 ans du Réseau de 10 Jahre Netzwerk recherche équine en Suisse Pferdeforschung Schweiz 16 avril 2015, 9 h - 22 h Au Théâtre du Château, Avenches suivi d’une « science party » au Haras national suisse

16. April 2015, 9 - 22 Uhr Im Théâtre du Château, Avenches gefolgt von einer „Science Party“ im Schweizerischen Nationalgestüt

- Journée ouverte à tout public avec exposés, posters et remise des prix aux meilleur-e-s chercheuses et chercheurs - Recherche appliquée sur les sports et les loisirs équestres de même que sur la détention et l’élevage de chevaux - Gala équestre et surprises - Inscription obligatoire - Pour en savoir plus : www.reseaurechercheequine.ch

- Öffentliche Tagung mit Vorträgen, Poster-Ausstellung und Prämierung der besten Arbeiten - Praxisnahe Forschung zu Sport und Freizeit, Pferdehaltung und Zucht - Pferdegala und Überraschungen (gratis) - Anmeldung obligatorisch - Mehr dazu unter: www.netzwerkpferdeforschung.ch


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