Mutualistes N°357

Page 7

HISTOIRE

Invention de la chimiothĂ©rapie : quand un poison devient traitement

MÉDECINE

L'échochirurgie pour des interventions moins invasives

ANNA ROY

« La sage-femme est l’interlocuteur privilĂ©giĂ© des femmes tout au long de leur vie »

Le sang, reflet de notre santé

AVRIL 2023 - TRIMESTRIEL 1,88 € - ISSN : 0154-8530 MAGAZINE DE PRÉVENTION SANTÉ - N°357

ÉDITO

Cinq litres : c’est le volume moyen de sang circulant dans le corps d’un adulte. Ce mystĂ©rieux fluide est le reflet de notre hĂ©rĂ©ditĂ©, de notre santĂ© et de notre façon de vivre, comme l’explique le dossier de ce magazine (page 14). Comme un messager, le sang joue Ă©galement un rĂŽle essentiel dans les dĂ©pistages. Un simple prĂ©lĂšvement sanguin sur un bĂ©bĂ© suffit Ă  dĂ©tecter certaines maladies rares, avant mĂȘme l’apparition des signes cliniques. C’est Ă  lire dans l’article « DĂ©pistage nĂ©onatal : mode d’emploi » (page 9) consacrĂ© Ă  ce dispositif national, dĂ©sormais Ă©largi Ă  sept nouvelles pathologies. Par ailleurs, une expĂ©rimentation est prĂ©vue dans trois rĂ©gions : un dĂ©pistage obligatoire de la drĂ©panocytose, maladie gĂ©nĂ©tique du sang parmi les plus rĂ©pandues dans le monde. Il s’agit d’une des mesures de prĂ©vention du projet de loi de financement de la SĂ©curitĂ© sociale 2023, adoptĂ© en novembre dernier (page 7).

ExpĂ©rimenter peut mener Ă  de belles dĂ©couvertes telle la chimiothĂ©rapie inventĂ©e Ă  partir d’un composĂ© de l’arsenic initialement utilisĂ© pour traiter la syphilis (page 20) ou l’échochirurgie combinant chirurgie et Ă©chographie (page 10) mais aussi Ă  des Ă©volutions de notre systĂšme de santĂ©. Le dossier mĂ©dical en santĂ© au travail, un outil important de prĂ©vention et de traçabilitĂ© des risques professionnels, voit ses rĂšgles d’élaboration, d’accessibilitĂ© et de conservation revues et prĂ©cisĂ©es dans un rĂ©cent dĂ©cret (page 6). À l’inverse, certains parcours de soins peinent Ă  se mettre en place.

La Haute AutoritĂ© de santĂ© (HAS) vient de donner ses recommandations concernant la prise en charge mĂ©dicale des personnes transgenres mineures face Ă  une demande croissante et en l’absence de consensus (page 8).

Et parfois, le corps mĂ©dical fait machine arriĂšre. Concernant les nodules thyroĂŻdiens, dont la tendance a longtemps Ă©tĂ© d’opĂ©rer, il faut lever le pied en sĂ©lectionnant mieux les patients, s’accordent aujourd’hui Ă  dire les spĂ©cialistes (page 11). Évaluer le rapport bĂ©nĂ©fice-risque est une lourde responsabilitĂ© pour les mĂ©decins : « Je constate aussi une angoisse grandissante chez les patients, notamment face au cumul des donnĂ©es. L’époque a changĂ©, tout est Ă  rĂ©inventer », tĂ©moigne ce mĂ©decin de famille interviewĂ© par Mutualistes, le Dr Fron (page 23). De mĂȘme, Anna Roy, sagefemme, Ă©voque les difficultĂ©s d’un mĂ©tier en crise mais une vocation intacte (page 12) : « Notre mĂ©tier est quand mĂȘme de mieux en mieux connu et reconnu au fil des annĂ©es. » Enfin, au printemps, les nettoyages Ă©cocitoyens fleurissent dans les villes pour sensibiliser Ă  la protection de notre environnement. DĂ©couvrez en images « Comment rĂ©duire ses dĂ©chets ? » (page 19) avec quelques astuces simples Ă  mettre en Ɠuvre dĂšs vos achats. La lutte antigaspi est au cƓur du projet des HĂŽtels solidaires. Cette association agit pour la revalorisation du gaspillage hĂŽtelier (denrĂ©es alimentaires, produits d’hygiĂšne, mobilier
) au profit des plus dĂ©munis et a Ă©tĂ© primĂ©e aux Grands Prix de la finance solidaire (page 22), un autre exemple Ă  suivre.

La rédaction

Mutualistes, n° 357, avril, mai, juin 2023. Trimestriel d’informations mutualistes et sociales Ă©ditĂ© par Ciem, CoopĂ©rative d’information et d’édition mutualiste, pour Utema (organisme rĂ©gi par le Code de la mutualitĂ©). 12, rue de l’Église, 75015 Paris. TĂ©l. 01 44 49 61 00. Ciem.fr. ‱ Directeur de la publication : JoĂ«l Bienassis, prĂ©sident de la Ciem. ‱ Directeur dĂ©lĂ©guĂ© aux publications : Philippe Marchal, administrateur. ‱ Directrice des rĂ©dactions : Laurence Hamon, directrice gĂ©nĂ©rale de la Ciem. ‱ RĂ©dactrice en chef : Anne-Sophie PrĂ©vost. ‱ PremiĂšre secrĂ©taire de rĂ©daction : Marie Rainjard. ‱ RĂ©dacteurs : Violaine Chatal, CĂ©line Durr, HĂ©lĂšne Joubert, Constance PĂ©rin, BenoĂźt Saint-Sever et LĂ©a Vandeputte. ‱ RĂ©alisation graphique : SĂ©bastien Loh. ‱ Impression : Maury Imprimeur SAS, rue du GĂ©nĂ©ral-Patton, ZI, 45330 Malesherbes. ‱ Couverture © Shutterstock. Ce numĂ©ro 357 de « Mutualistes, Objectif et Action » de 24 pages comprend : une couverture et cinq pages spĂ©ciales (3, 4, 5, 6 et 7) pour la Mutuelle Saint-Aubannaise ; une couverture et trois pages spĂ©ciales (3, 4 et 5) pour Memf ; une couverture et sept pages spĂ©ciales (2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8) pour MCA ; une couverture et cinq pages spĂ©ciales (3, 4, 5, 6 et 7) pour MIP ; une couverture et trois pages spĂ©ciales (2, 3 et 4) pour MCEN. Commission paritaire : 0723 M. 06546. DĂ©pĂŽt lĂ©gal : avril 2023. © Mutualistes, Objectif et Action, 2023. Reproduction interdite sans autorisation. Origine du papier : Leipzig (Allemagne) ‱ Taux de fibres recyclĂ©es : 100 %. Ce magazine est imprimĂ© avec des encres blanches sur un papier porteur de l’écolabel europĂ©en et de l’écolabel allemand Ange bleu (der Blaue Engel). « Eutrophisation » ou « Impact de l’eau » : PTot 0,002 kg/tonne de papier. Prix du numĂ©ro : 1,88 €. Abonnement annuel : 7,50 € (4 numĂ©ros par an) Ă  souscrire auprĂšs de la Ciem, 12, rue de l’Église, 75015 Paris. Cet envoi comporte un encart rĂ©dactionnel de 60 pages, « PrĂ©server la santĂ© des femmes » pour les lecteurs de MIP.

2 MUTUALISTES 357

20-21

Sommaire

4-5 // ACTUALITÉ

6-7 // SYSTÈME DE SOINS

‱ Le dossier mĂ©dical en santĂ© au travail Ă©volue

‱ Que contient le volet prĂ©vention santĂ© de la LFSS 2023 ?

‱ Quel parcours de soins pour la transition de genre des mineurs ?

9 // PRÉVENTION

‱ DĂ©pistage nĂ©onatal : mode d'emploi

10-11 // MÉDECINE

‱ L'Ă©chochirurgie pour des interventions moins invasives

‱ Nodules thyroïdiens : la chirurgie avec parcimonie

14-17

12-13 // ENTRETIEN Anna Roy

« La sage-femme est l'interlocuteur privilĂ©giĂ© des femmes tout au long de leur vie »

14-17 // DOSSIER Le sang, reflet de notre santé

18 // FORME

‱ SexualitĂ© des seniors : en finir avec les prĂ©jugĂ©s

19 // ENVIRONNEMENT

‱ Emballages alimentaires : comment rĂ©duire ses dĂ©chets ?

20-21 // HISTOIRE

‱ Invention de la chimiothĂ©rapie : quand un poison devient traitement

22 // ENGAGEMENT

‱ Hîtels solidaires contre le gaspillage et pour le partage

23 // TÉMOIGNAGE

‱ Bruno Frond : « La mĂ©decine reste avant tout une relation entre ĂȘtres humains »

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3 Photos : © Shutterstock
12-13
6

27 millions de consultations par an non honorées

L'AcadĂ©mie nationale de mĂ©decine et l'Ordre des mĂ©decins donnent l’alerte : 6 Ă  10 % des rendez-vous mĂ©dicaux ne sont pas honorĂ©s, soit 2 heures de consultations perdues chaque semaine. Ils appellent les pouvoirs publics Ă  prendre des mesures pour mieux responsabiliser les patients, dans un communiquĂ© commun du 26 janvier 2023.

Remboursement des transports sanitaires urgents

La prestation de compensation du handicap est élargie

Dans le cadre d’un transport sanitaire urgent rĂ©alisĂ© Ă  la demande d’un service d’aide mĂ©dicale urgente, il n’y a dĂ©sormais plus de reste à charge pour les usagers. Depuis le 1er janvier 2023, ces transports sont pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie.

Aide financiĂšre versĂ©e par le DĂ©partement, la prestation de compensation du handicap (PCH) permet de rembourser les dĂ©penses liĂ©es Ă  la perte d’autonomie : aide humaine et technique, amĂ©nagement du logement, transport, etc. Depuis le 1er janvier 2023, elle est Ă©galement proposĂ©e aux personnes avec un handicap intellectuel, cognitif, psychique ou un trouble du neuro-dĂ©veloppement (TND).

Une nouvelle voie nerveuse pour affiner l’odorat

Dans le cerveau, les messages sensoriels sont traitĂ©s par des neurones. Ils font circuler l’information recueillie par l'organe sensoriel vers les diffĂ©rentes structures du cerveau.

Des chercheurs de l’Institut Pasteur/ CNRS et de l’universitĂ© Paris CitĂ© ont dĂ©couvert l’existence – dans un modĂšle animal – de neurones qui établissent des connexions à distance, effectuant le chemin inverse depuis les structures cĂ©rĂ©brales dites supĂ©rieures vers le bulbe olfactif. Ce nouveau type de circuit nerveux permettrait de traiter plus finement l’information et d’ouvrir des perspectives dans le traitement des troubles de la perception, indiquent les chercheurs.

Pour 55 % des Français : manger équilibré est trop cher

Si bien manger signifie avant tout manger sainement pour les Français, la hausse des prix de l’alimentation les contraint Ă  faire des concessions, selon la 3e Ă©dition de l’Observatoire Alimentation & Familles (Ipsos).

4 MUTUALISTES 357 ACTUALITÉ

Des idées reçues sur le cancer à combattre

Environ 7 Français sur 10 affirment avoir des connaissances solides sur le cancer. Pourtant les idĂ©es fausses persistent, voire augmentent, comme le dĂ©voile le 4e baromĂštre de l’Institut national du cancer (Inca). 67 % des Français (contre 61 % en 2015) pensent que « le cancer est hĂ©rĂ©ditaire », 54 % que « faire du sport permet de se nettoyer les poumons du tabac » et 20 % que « globalement boire un peu de vin diminue le risque de cancer plutĂŽt que de ne pas en boire du tout ». « Il faut lutter encore et toujours contre ces idĂ©es reçues et il faut aussi qu’on innove dans la maniĂšre de faire passer des messages », commente le directeur gĂ©nĂ©ral de l’Inca, qui rappelle Ă©galement que prĂšs de la moitiĂ© des cancers pourrait ĂȘtre Ă©vitĂ©s en agissant sur nos comportements et sur nos habitudes de vie.

La France à la pointe de la télémédecine

La tĂ©lĂ©surveillance mĂ©dicale se gĂ©nĂ©ralise. Deux dĂ©crets, ouvrant cette activitĂ© Ă  la prise en charge et aux remboursements, ont Ă©tĂ© publiĂ©s le 31 dĂ©cembre dernier au Journal officiel. Jusqu’alors la tĂ©lĂ©surveillance mĂ©dicale Ă©tait rĂ©servĂ©e Ă  quelques pathologies, comme l’insuffisance cardiaque ou le diabĂšte. Elle est dĂ©sormais gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă  tous les patients, Ă  condition que le dispositif mĂ©dical soit inscrit dans une liste arrĂȘtĂ©e par le ministĂšre de la santĂ©.

« La France devient le premier pays de l’Union europĂ©enne à rembourser (hors expĂ©rimentation) les solutions de tĂ©lĂ©surveillance mĂ©dicale qui apportent un bĂ©nĂ©fice clinique ou amĂ©liorent l’organisation des soins », s’est fĂ©licitĂ©e la Haute AutoritĂ© de santĂ© (HAS), dans un communiquĂ© du 13 janvier 2023.

Le succĂšs du nouveau plan d’épargne retraite (PER)

Le volume des cotisations collectĂ©es au titre des contrats de retraite supplĂ©mentaire a atteint 19,9 milliards d’euros fin 2021, soit une hausse de 27 % par rapport Ă  2020, selon les donnĂ©es de la Direction de la recherche, des Ă©tudes, de l'Ă©valuation et des statistiques (Drees) publiĂ©es le 7 fĂ©vrier 2023. Cette hausse s’explique essentiellement par le dĂ©veloppement du PER individuel, disponible depuis 2019, selon la Drees.

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Le dossier médical en santé au travail évolue

Le dossier mĂ©dical en santĂ© au travail doit dĂ©sormais contenir un certain nombre d’élĂ©ments concernant la santĂ© d’un salariĂ© bĂ©nĂ©ficiant d’un suivi dans le cadre de son activitĂ© professionnelle. Contenu, accessibilitĂ©, conservation : on fait le point sur les nouveautĂ©s.

Un DMST ou dossier mĂ©dical en santĂ© au travail doit ĂȘtre constituĂ© pour chaque salariĂ© bĂ©nĂ©ficiant d’un suivi mĂ©dical professionnel dans un service de prĂ©vention et de santĂ© au travail (SPST). Il est rempli par le mĂ©decin du travail ou l’un des professionnels de santĂ© placĂ©s sous son autoritĂ©.

Depuis le 31 mars 2022, date Ă  laquelle l’article 16 de la loi du 2 aoĂ»t 2021 pour renforcer la prĂ©vention santĂ© au travail est entrĂ© en vigueur, il n’est plus seulement utilisĂ© par les mĂ©decins du travail, mais Ă©galement par les collaborateurs mĂ©decins, les internes en mĂ©decine du travail, les infirmiers ou les mĂ©decins praticiens correspondants qui collaborent avec les SPST. Le 15 novembre dernier, il a encore Ă©voluĂ© aprĂšs la publication au Journal officiel d’un dĂ©cret qui prĂ©cise ses rĂšgles de crĂ©ation, de consultation et de conservation. Ainsi depuis le 17 novembre, le DMST doit ĂȘtre proposĂ© sous format numĂ©rique sĂ©curisĂ© aux salariĂ©s et doit comprendre des Ă©lĂ©ments concernant leur identitĂ©, leur numĂ©ro de sĂ©curitĂ© sociale, les donnĂ©es mĂ©dicoadministratives nĂ©cessaires Ă  la coordination de la prise en charge et Ă©ventuellement le nom et l’adresse de leur mĂ©decin traitant. Doivent aussi y figurer les informations permettant de connaĂźtre les risques actuels ou passĂ©s auxquels le salariĂ© est ou a Ă©tĂ© exposĂ© et les caractĂ©ristiques de son poste de travail et de son secteur d’activitĂ©.

Un droit d’opposition et de rectification

Le DMST doit aussi contenir et retracer, dans le respect du secret mĂ©dical, les informations liĂ©es Ă  l’état de santĂ© du salariĂ© recueillies lors des visites et des examens mĂ©dicaux, les attestations, les avis, les correspondances Ă©changĂ©es entre les professionnels de santĂ© mais aussi leurs propositions concernant les risques, les moyens

de protection (notamment les propositions de mesures individuelles d’amĂ©nagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou de mesures d’amĂ©nagement du temps de travail justifiĂ©es, etc.)

ou l’existence Ă©ventuelle d’une maladie liĂ©e Ă  une exposition professionnelle.

Le DMST peut ĂȘtre alimentĂ© et consultĂ© par le mĂ©decin du travail et par le collaborateur mĂ©decin, l’interne en mĂ©decine du travail, l’infirmier, l’intervenant en prĂ©vention des risques professionnels et l’assistant de SPST, aprĂšs autorisation du mĂ©decin du travail et sous sa responsabilitĂ©. Le salariĂ© doit ĂȘtre informĂ© de la crĂ©ation de son DMST. Lorsqu’il relĂšve de plusieurs SPST ou cesse de relever d’un de ces services, son DMST est accessible au service compĂ©tent pour assurer la continuitĂ© du suivi, sauf s’il refuse.

Enfin, le salariĂ© peut demander de recevoir son DMST sous format papier ou dĂ©matĂ©rialisĂ© et peut exercer auprĂšs du SPST ses droits de rectification Ă©ventuels. En revanche, il ne peut s’opposer Ă  la constitution et Ă  l’alimentation de ce dossier.

Le DMST conservé pendant 40 ans

Les informations concernant la santĂ© des salariĂ©s doivent ĂȘtre soit conservĂ©es au sein des SPST concernĂ©s, soit dĂ©posĂ©es auprĂšs d’un organisme hĂ©bergeur. Le DMST doit ĂȘtre sauvegardĂ© pendant une durĂ©e de 40 ans Ă  partir de la date de la derniĂšre visite ou du dernier examen de santĂ© du salariĂ© au sein du SPST concernĂ© et dans la limite de 10 ans si le salariĂ© en question est dĂ©cĂ©dĂ©.

6 MUTUALISTES 357 SYSTÈME DE SOINS Photo : © Shutterstock
Violaine Chatal

Que contient le volet prévention santé de la LFSS 2023 ?

Le projet de loi de financement de la SĂ©curitĂ© sociale (PLFSS) 2023 a Ă©tĂ© dĂ©finitivement adoptĂ© au Parlement en novembre dernier. Construit autour de cinq axes, le texte vise à « renforcer le virage prĂ©ventif » en matiĂšre de santĂ©. Tour d’horizon des mesures phares.

au dĂ©pistage des signes de fragilitĂ© et de perte d’autonomie chez les populations vulnĂ©rables.

Améliorer la santé sexuelle

L’article 30 prĂ©voit l’accĂšs au dĂ©pistage sans ordonnance à d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) que le VIH, dont la liste sera fixĂ©e par arrĂȘtĂ©. À noter : pour les moins de 26 ans, ils seront remboursĂ©s par l’Assurance maladie. Autre mesure clé : l’accĂšs gratuit et sans prescription mĂ©dicale Ă  la contraception d’urgence. Jusqu’ici rĂ©servĂ© aux mineures, le dispositif est Ă©largi à toutes les femmes. Une avancĂ©e quand on sait qu’une grossesse sur trois n’est pas prĂ©vue et aboutit dans 6 cas sur 10 Ă  une interruption volontaire de grossesse.

Renforcer la couverture vaccinale

S’appuyant sur les recommandations de la Haute autoritĂ© de santĂ© (HAS), le texte Ă©largit la compĂ©tence vaccinale des pharmaciens, infirmiers et sages-femmes. Objectifs : faciliter l’accĂšs aux injections et dĂ©sengorger les cabinets mĂ©dicaux. DĂ©jĂ  habilitĂ©s Ă  administrer les vaccins contre la grippe et la Covid-19, ils sont dĂ©sormais autorisĂ©s à prescrire et administrer 14 autres vaccins ainsi que leurs rappels : diphtĂ©rie, tĂ©tanos, poliomyĂ©lite, coqueluche
 À noter : cette mesure ne concerne pas les moins de 16 ans et les patients immunodĂ©primĂ©s.

Lutter contre le tabagisme

Déployer les rendez-vous de la prévention

Avec des consultations mĂ©dicales gratuites aux trois pĂ©riodes clĂ©s de la vie : 20-25 ans, 40-45 ans et 60-65 ans. Jusqu’alors seuls les enfants jusqu’à 16 ans en bĂ©nĂ©ficiaient. Le texte Ă©tend ces bilans Ă  l’ensemble de la population adulte. En pratique, ils seront intĂ©gralement pris en charge par l’Assurance maladie, sans avance de frais. Les actions seront adaptĂ©es aux tranches d’ñges concernĂ©es. Ainsi pour les 20-25 ans, l’accent est mis sur la lutte contre les addictions et l’hygiĂšne de vie afin de prĂ©venir les cancers (notamment ceux du sein et du col de l’utĂ©rus pour les femmes). Entre 40-45 ans, l’objectif est l’évaluation des facteurs de risque mĂ©taboliques (HTA, diabĂšte de type 2, hypercholestĂ©rolĂ©mie
). Enfin, entre 60 et 65 ans, une attention toute particuliĂšre est donnĂ©e

La stratĂ©gie du gouvernement pour combattre ce flĂ©au sanitaire majeur : l’indexation du prix des cigarettes sur l’inflation, ceci afin d’éviter toute baisse du prix qui pourrait inciter Ă  la consommation. De plus, indique le texte : « Ă  compter du 1er janvier 2024, ils seront revalorisĂ©s sur la base de la prĂ©vision d’inflation hors tabac pour l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente ». Auparavant, les tarifs Ă©taient revalorisĂ©s avec un dĂ©calage de deux ans et dans une limite de 1,8 %. AprĂšs une augmentation 50 centimes en 2023, le prix moyen du paquet de cigarettes devrait donc augmenter de 35 centimes en 2024, ce qui le ferait passer Ă  11 €.

Une mesure expérimentale

RecommandĂ© par la HAS, le dĂ©pistage nĂ©onatal obligatoire de la drĂ©panocytose – aujourd’hui cantonnĂ© à l’Outre-mer – fait l’objet d’une mesure spĂ©cifique Ă  titre expĂ©rimental. D’une durĂ©e de 3 ans, ce test concernera trois rĂ©gions, fixĂ©es par dĂ©cret. Cette maladie gĂ©nĂ©tique du sang est l’une des plus rĂ©pandue dans le monde. En France, elle touche 30 000 personnes et engendre des symptĂŽmes graves : infections, retard de croissance ou cĂ©citĂ©.

7 SYSTÈME DE SOINS Photo : © Shutterstock

Quel parcours de soins pour la transition de genre des mineurs ?

Alors que le nombre de jeunes en questionnement sur leur genre ne cesse de croĂźtre en France, le flou subsiste quant Ă  leur prise en charge mĂ©dicale, en l’absence de consensus.

Un accĂšs aux soins difficile

Selon la Haute AutoritĂ© de santĂ© (HAS) : « Il n’existe pas d’étude estimant le nombre de personnes trans en France. »* Impossible Ă  quantifier, le phĂ©nomĂšne est pourtant bien rĂ©el. En tĂ©moignent les consultations et sĂ©jours hospitaliers liĂ©s Ă  la transidentitĂ©, en nette augmentation chez les mineurs. Enjeu vital pour cette population vulnĂ©rable (rappelons que le suicide est la 2e cause de mortalitĂ© chez les 15-24 ans), le parcours de transition s’avĂšre souvent long et difficile d’accĂšs. Un rapport remis en 2022 Ă  la HAS** dresse ce constat sans appel : « Les mineurs et leurs parents sont aussi, voire plus, dĂ©munis que les adultes trans pour trouver Ă  qui s’adresser. Trouver un praticien bienveillant et formĂ© relĂšve de l’impossible dans certaines rĂ©gions ». DĂ©buter une transition mĂ©dicale pour un mineur passe par une prise en charge pluridisciplinaire via des consultations spĂ©cialisĂ©es en milieu hospitalier. Six existent en rĂ©gion à Lille, Rouen, Tours, Bordeaux, Toulouse, Marseille, et trois Ă  Paris au Ciapa (Centre intersectoriel d’accueil pour adolescents), Ă  l’hĂŽpital Robert-DebrĂ© et Ă  La PitiĂ©SalpĂȘtriĂšre (voir ci-dessous).

Des protocoles disparates

Comment se dĂ©roule la prise en charge ? Le mineur et ses parents sont reçus au sein de ces unitĂ©s mĂ©dicales spĂ©cialisĂ©es lors d’un premier entretien. Puis un suivi psychiatrique

La PitiĂ©-SalpĂȘtriĂšre Ă  la pointe

AnimĂ©e par le Dr AgnĂšs Condat, pĂ©dopsychiatre Ă  La PitiĂ©SalpĂȘtriĂšre, la plateforme Trajectoires Jeunes Trans IDF met en lien des acteurs du soin hospitalier et de ville, des associations et des chercheurs engagĂ©s dans l’accompagnement des mineurs trans. FinancĂ©e en partie par l’ARS, elle a pour objectif de rendre l’offre de soins plus accessible et lisible.

est mis en place toutes les six semaines. Deux annĂ©es au minimum sont nĂ©cessaires avant qu’une hormonothĂ©rapie, à base de testostĂ©rone ou d’ƓstrogĂšnes associĂ©e à des bloqueurs de pubertĂ©, ne soit initiĂ©e, aprĂšs des rĂ©unions de concertation pluridisciplinaire (RCP) incluant psychiatre, endocrinologue, pĂ©diatre, juriste
 À savoir : sauf exception pour la mastectomie, les chirurgies dites de rĂ©assignation sont interdites pour les mineurs, compte tenu de leur caractĂšre irrĂ©versible et de leur impact sur la fertilitĂ©. S’ils peuvent ĂȘtre pris en charge, pour certains Ă  100 %, dans le cadre d’une ALD hors-liste (affection longue durĂ©e) dite ALD 31, les traitements ne relĂšvent pas de protocoles de santĂ© nationaux. Aussi le flou subsiste quant Ă  leurs conditions d’attribution et de prise en charge, jugĂ©es insuffisantes pour les associations. De son cĂŽtĂ©, l’AcadĂ©mie de mĂ©decine appelait Ă  la prudence dans un communiquĂ© publiĂ© le 25 fĂ©vrier 2022***, pointant le risque des traitements hormonaux prĂ©coces des mineurs sur leur santĂ© psychique et physique future.

Céline Durr

*Note de cadrage du 7 septembre 2022.

**Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans.

***Communiqué « La médecine face à la transidentité de genre chez les enfants et les adolescents ».

Ce que dit la loi

Dans le cadre de la transition des mineurs, c’est l’article 388-1-1 du Code civil qui s’applique : « l’administrateur lĂ©gal reprĂ©sente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs Ă  agir eux-mĂȘmes »

En pratique, cela signifie que pour toutes les dĂ©marches de transition ouvertes aux mineurs dont l’accession Ă  un traitement hormonal, l’aval des deux parents ou tuteurs lĂ©gaux est requis.

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DĂ©pistage nĂ©onatal : mode d’emploi

Depuis 1972, ce dispositif national a permis de dĂ©pister plus de 37 millions d’enfants en France. Gratuit et rĂ©alisĂ© avec l’accord des parents, il vient d’ĂȘtre Ă©largi Ă  sept nouvelles pathologies. Tout ce que vous devez savoir.

À quoi sert-il ?

Chez le bĂ©bĂ©, certaines maladies rares ne sont pas visibles mais peuvent engendrer des complications si elles ne sont pas prises en charge rapidement. Avant mĂȘme l’apparition des signes cliniques, il est possible de les dĂ©tecter par un simple prĂ©lĂšvement sanguin appelĂ© test de Guthrie. Chaque annĂ©e, plus de 1 000 nourrissons malades sont ainsi dĂ©pistĂ©s dans le cadre du programme national de dĂ©pistage qui concerne tous les nouveau-nĂ©s, mĂȘme prĂ©maturĂ©s.

Comment ça se passe ?

Le test est rĂ©alisĂ© dans un dĂ©lai de 48 Ă  72 heures aprĂšs la naissance Ă  la maternitĂ© ou Ă  domicile. Le professionnel de santĂ© (infirmiĂšre, sage-femme) prĂ©lĂšve quelques gouttes de sang sur un buvard par piqĂ»re au talon (ou éventuellement en une ponction veineuse sur le dos de la main). En cas de rĂ©sultat positif, des examens plus approfondis sont menĂ©s par les Centres rĂ©gionaux de dĂ©pistage nĂ©onatal (CRDN). Pris en charge Ă  100 % par l’Assurance maladie, le dĂ©pistage requiert le consentement d’au moins un des deux parents. Cet accord n’a pas besoin d’ĂȘtre Ă©crit. En cas de refus, le ou les parents doivent signer un formulaire spĂ©cifique. Ce refus doit ĂȘtre inscrit dans le carnet de santĂ© du nouveau-nĂ©.

Quelles sont les maladies recherchĂ©es ?

Il s’agit d’affections d’origine gĂ©nĂ©tique pour la plupart, provoquant des sĂ©quelles graves : la phĂ©nylcĂ©tonurie, l’hypothyroĂŻdie congĂ©nitale, l’hyperplasie congĂ©nitale des surrĂ©nales, la mucoviscidose, le dĂ©ficit en MCAD et, pour les populations Ă  risque uniquement (originaires des Antilles, d’Afrique, du pourtour de la MĂ©diterranĂ©e et de l’ocĂ©an Indien) : la drĂ©panocytose. Rattrapant son retard europĂ©en – la SuĂšde et l’Autriche dĂ©pistent 24 maladies, l’Espagne, l’Islande, la Hongrie et le Portugal plus de 15 – la France a Ă©largi le dispositif en janvier 2023 à sept nouvelles pathologies : l’homocysturie, la leucinose,

la tyrosinĂ©mie de type 1, l’acidurie glutarique de type 1, l’acidurie isovalĂ©rique, le dĂ©ficit en dĂ©shydrogĂ©nase de hydroxyacyl COA Ă  chaĂźne longue et le dĂ©ficit de captation de la carnitine.

Que faire en cas de rĂ©sultat positif ?

Dans plus de 99 % des cas, les tests ne rĂ©vĂšlent pas d’anomalie biologique pouvant ĂȘtre le signe d’une maladie. L’absence d’appel au bout de quatre semaines signifie que le rĂ©sultat est normal. Dans le cas contraire, les parents sont contactĂ©s par le pĂ©diatre rĂ©fĂ©rent du CRDN. Un rendezvous de confirmation du diagnostic est alors programmĂ©, puis un suivi mĂ©dical est mis en place avec une Ă©quipe spĂ©cialisĂ©e, avec plusieurs types de traitements possibles  (mĂ©dicaments, rĂ©gime alimentaire
).

Le dépistage auditif du nouveau-né

Un enfant sur mille naĂźt sourd profond chaque annĂ©e en France. Plus de 80 % des surditĂ©s de l’enfant existent dĂšs la naissance. Depuis l’arrĂȘtĂ© du 3 novembre 2014, il est possible (avec le consentement des parents) de dĂ©pister la surditĂ© permanente bilatĂ©rale nĂ©onatale (SPBN). RemboursĂ© à 100 % par l’Assurance maladie, ce test, rapide et indolore, consiste Ă  explorer l’audition des oreilles du nourrisson à l’aide d’un audiomĂštre Ă©quipĂ© d’une sonde ou d’électrodes posĂ©es sur la peau du bĂ©bĂ©. DiagnostiquĂ©e tardivement, la surditĂ© engendre des retards de dĂ©veloppement dans l’acquisition du langage oral et Ă©crit, des troubles du comportement ou des difficultĂ©s scolaires.

9 Photo : © Shutterstock
PRÉVENTION

L’échochirurgie pour des interventions moins

invasives

Combinant la chirurgie et l’échographie, l’échochirurgie permet d’endommager au minimum les tissus et est notamment utilisĂ©e dans la chirurgie de la main, du pied et de l’épaule.

à la diffĂ©rence des scanners et de l’IRM », explique le Dr Olivier JardĂ©.

Chirurgie de la main principalement

À l’heure actuelle, ce nouveau traitement mini-invasif et ambulatoire ne permet de traiter que certaines zones du corps. L’échochirurgie est pratiquĂ©e essentiellement par les chirurgiens au niveau des extrĂ©mitĂ©s et concerne donc les mains et les pieds, mais Ă©galement l’épaule.

L’échochirurgie repose sur l’utilisation de l’échographie pour guider un geste de microchirurgie en respectant les tissus environnants. « L’échochirurgie permet une visualisation trĂšs fine de la zone pathologique et de tout ce qui l’environne. Elle permet un abord mini-invasif avec une grande prĂ©cision. Par le passĂ©, on a rĂ©alisĂ© des neurolyses (intervention chirurgicale consistant Ă  libĂ©rer un nerf lorsque celui-ci est comprimĂ© par une adhĂ©rence anormale) grĂące Ă  la fibre optique. DĂ©sormais, l’échographie permet de voir la zone pathologique, mais Ă©galement tout son environnement et donc les branches nerveuses », confirme le Dr Olivier JardĂ©, chirurgien orthopĂ©diste au CHU d’Amiens et membre de l’AcadĂ©mie nationale de chirurgie. Associant la dextĂ©ritĂ© du chirurgien et la vision de l’échographiste,

ce nouveau traitement est rĂ©alisĂ© avec un appareil d’échographie et le biseau d’une aiguille utilisĂ© comme scalpel. RĂ©alisĂ© aprĂšs une dĂ©sinfection de la peau et une anesthĂ©sie sous-cutanĂ©e, l’acte consiste Ă  guider l’aiguille jusqu’à la zone concernĂ©e grĂące Ă  l’échographie puis à rĂ©aliser le geste chirurgical.

« Cette technique peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e facilement au cours d’une consultation et en cours d’intervention. Par ailleurs, cet examen a l’énorme avantage de pouvoir ĂȘtre adaptĂ© pendant l’acte

Vue de l’intĂ©rieur

« Les indications de l’échochirurgie sont nombreuses : elle permet de traiter les kystes profonds du poignet, la maladie de Dupuytren, le doigt Ă  ressaut ou encore le syndrome du canal carpien. Au niveau des membres infĂ©rieurs et surtout du pied et de la cheville, elle est indiquĂ©e pour traiter la lĂ©sion du tendon d’Achille, l’aponĂ©vrosite plantaire (inflammation du fascia plantaire, une membrane localisĂ©e sur la partie plantaire du pied), l’allongement des tendons des orteils et permet de faire une neurolyse du tunnel tarsien. En plus des gestes chirurgicaux, elle permet de rĂ©aliser des infiltrations de trĂšs bonne qualitĂ© », souligne le Dr JardĂ© qui ajoute que l’échochirurgie a un bel avenir devant elle. « C’est une nouvelle technique qui, du fait de sa fiabilitĂ© et de sa facilitĂ©, va se dĂ©velopper. En tant que chirurgien de la cheville et du pied, nous ne sommes qu’au dĂ©but de son utilisation mais je pense que ses indications vont s’étendre et qu’elle deviendra un outil essentiel pour la rĂ©alisation de gestes chirurgicaux », conclut le Dr JardĂ©.

Contrairement Ă  la chirurgie traditionnelle, la chirurgie mini-invasive permet au chirurgien d’opĂ©rer en rĂ©alisant de petites incisions d’environ un centimĂštre grĂące à l’utilisation d’instruments longs et fins. Cette technique repose aussi sur l’utilisation d’un endoscope, composĂ© d’un tube optique Ă©quipĂ© d’un systĂšme d’éclairage qui permet de filmer l’intĂ©rieur du corps et de projeter les images sur un écran. Les domaines concernĂ©s par la chirurgie mini-invasive sont la gynĂ©cologie, la chirurgie abdominale, cardiaque, urologique et cancĂ©rologique.

10 MUTUALISTES 357 MÉDECINE Photo : © Shutterstock

Alors que les nodules thyroĂŻdiens sont frĂ©quents dans la population, la tendance a longtemps Ă©tĂ© de les opĂ©rer trĂšs largement. Or, de nombreuses interventions n’étaient pas vraiment justifiĂ©es ; peu de nodules ayant un rĂ©el caractĂšre cancĂ©reux. Il faut lever le pied s’accordent Ă  dire les spĂ©cialistes, en sĂ©lectionnant mieux les patients.

Il Ă©tait temps. La SociĂ©tĂ© française d’endocrinologie (SFE), les associations françaises de chirurgie endocrinienne (AFCE) et de mĂ©decine nuclĂ©aire (SFMN) ont rĂ©cemment formalisĂ© un consensus scientifique qui met tout le monde d’accord : les thyroĂŻdectomies, c’est-Ă -dire l’ablation de la glande thyroĂŻde, partielle ou totale, doivent devenir exceptionnelles, ou presque. Les nodules thyroĂŻdiens sont prĂ©sents chez 3 à 7 % des adultes et la moitiĂ© d’entre eux sont dĂ©couverts fortuitement lors d’un examen d’imagerie.

« La problĂ©matique des nodules thyroĂŻdiens est que seuls 4 à 7 % d’entre eux sont des cancers, souligne le Pr Françoise Borson-Chazot (service d’endocrinologie, de diabĂ©tologie et des maladies mĂ©taboliques au CHU de Lyon HCL - GH Est - HĂŽpital Louis Pradel) et co-coordinatrice du consensus. Par consĂ©quent, dans plus de 90 % des cas, les nodules n’entraĂźnent pas de dysfonctionnement de sĂ©crĂ©tion de la glande thyroĂŻde, sont bĂ©nins et non Ă©volutifs, ne justifiant pas de prise en charge spĂ©cifique. »

Lutter contre la surdétection

Le dĂ©veloppement des examens d’imagerie, l’amĂ©lioration de l’accĂšs aux soins, les changements de pratiques anatomopathologiques expliquent la plus grande dĂ©tection de certains cancers de la thyroĂŻde (appelĂ©s « microcarcinomes papillaires » et qui reprĂ©sentent plus de la moitiĂ© de l’ensemble des cancers thyroĂŻdiens). Cette surdĂ©tection conduit potentiellement Ă  des traitements dont le rapport bĂ©nĂ©fice-risque est aujourd’hui considĂ©rĂ© comme dĂ©favorable. « Une Ă©tude française (donnĂ©es SNIIRAM*)

publiĂ©e en 2017 l’a pointé : la tendance en France, comme dans d’autres pays europĂ©ens, est de trop opĂ©rer les nodules thyroĂŻdiens, indique l’endocrinologue. En 2010, il y a eu 35 000 thyroĂŻdectomies surtout pour nodules bĂ©nins, lesquels comptaient seulement 17 % de cancers. En 2021, on a comptabilisĂ© encore 24 047 thyroĂŻdectomies dont 44 % de thyroĂŻdectomies totales pour nodule bĂ©nin ! »

Il y a nĂ©anmoins des raisons d’ĂȘtre optimiste car la diminution des indications chirurgicales commence à se traduire dans les chiffres. Afin d’enfoncer le clou, ces nouvelles recommandations tentent d’initier une « dĂ©sescalade thĂ©rapeutique » (traiter moins et mieux), en identifiant plus prĂ©cisĂ©ment les nodules thyroĂŻdiens justifiant rĂ©ellement de thĂ©rapeutiques (nodules malins à risque de rĂ©cidive ou de dĂ©cĂšs, et nodules toxiques responsables d’une hyperthyroĂŻdie ou d’une compression de la glande thyroĂŻde.)

Nodules thyroĂŻdiens, pas de panique !

« La thyroĂŻde constitue un rĂ©servoir de microcancers mais dont la grande majoritĂ© ne se dĂ©velopperont pratiquement jamais, explique le Pr Françoise BorsonChazot. Les dĂ©pister augmente mĂ©caniquement leur incidence, mais n’a aucun impact sur la mortalitĂ©. C’est pourquoi la SociĂ©tĂ© française d’endocrinologie veut lutter contre le surdiagnostic, inutile et anxiogĂšne. Du fait de leur surdĂ©tection, la prĂ©valence des microcancers est passĂ©e de 5 Ă  50 % en 30 ans, ce qui explique l’augmentation de l’incidence des cancers qui a Ă©tĂ© multipliĂ©e par 6 ».

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HĂ©lĂšne Joubert *Base de donnĂ©es française de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariĂ©s.
Nodules thyroïdiens :  la chirurgie avec parcimonie

ENTRETIEN

ANNA ROY

Anna Roy est sage-femme, mĂ©tier qu’elle exerce en libĂ©ral aprĂšs avoir travaillĂ© plusieurs annĂ©es Ă  la maternitĂ© des Bluets Ă  Paris. Elle est aussi chroniqueuse à la tĂ©lĂ©vision, auteure de nombreux ouvrages et crĂ©atrice de podcasts.

Vous dites que le postpartum dure trois ans, qu’est-ce que cela veut dire exactement ?

Mettre au monde un enfant est un grand bouleversement.

Cet heureux Ă©vĂ©nement n’a pas seulement un impact physique et psychique sur les femmes mais il chamboule aussi le couple, la sexualitĂ©, la vie sociale et professionnelle.

Dans son dernier ouvrage

Le post-partum dure 3 ans (éditions Larousse), Anna Roy estime

qu’il faut mieux informer les femmes ; et les

sages-femmes sont tout indiquées pour les aider à appréhender cette période.

❯ Trois ans, c’est gĂ©nĂ©ralement le temps qu’il faut pour « atterrir » aprĂšs l’arrivĂ©e d’un enfant, c’est-Ă -dire dĂ©couvrir sa nouvelle vie de parent. Une naissance est un évĂšnement qui rĂ©volutionne notre vie. C’est une nouvelle Ăšre. Le terme post-partum dĂ©signe l’aprĂšs accouchement. Pour moi il dure trois ans, car c’est le temps qu’il faut pour que le bĂ©bĂ© devienne un enfant. Nous n’avons plus besoin de changer ses couches ou de le porter. Il va Ă  l’école, il parle, etc. Ces trois ans permettent aussi aux femmes de rĂ©cupĂ©rer sur le plan corporel et psychique. Au niveau professionnel et dans le couple, la situation s’est le plus souvent stabilisĂ©e. Je tiens Ă  prĂ©ciser que le post-partum dure trois ans Ă  partir de la naissance du dernier enfant. Si une femme a un premier bĂ©bĂ© et si elle est de nouveau enceinte deux ans plus tard, il faut relancer les dĂ©s : dans ce cas il dure deux ans plus trois, soit cinq annĂ©es.

Est-ce que cette durée de trois ans ne peut pas paraßtre inquiétante pour certaines ?

❯ Non, je pense que c’est beaucoup plus rassurant finalement. Aujourd’hui,

la plupart des femmes en post-partum se sentent fatiguĂ©es. Elles se disent qu’elles ne sont pas normales et elles souffrent en silence. Et pourtant, c’est trĂšs courant. Avoir un bĂ©bĂ© dans le monde d’aujourd’hui est épuisant, Ă©reintant. Les femmes se retrouvent prises entre leur enfant, leur vie de famille, leur vie sociale et leur vie professionnelle ; sans compter les questions autour de la sphĂšre intime et sexuelle dans le couple. C’est Ă©norme !

Certaines femmes arrivent à se remettre rapidement. Ont-elles un secret ?

❯ Chaque femme vit son post-partum diffĂ©remment. Se retrouver peut prendre plus ou moins de temps, il ne faut pas gĂ©nĂ©raliser. Certaines ont de la chance et se sentent rapidement en forme et c’est tant mieux. Ces femmes sont le plus souvent aidĂ©es par des proches trĂšs prĂ©sents, par une nounou, par une femme de mĂ©nage
 Mais, dans ma vie professionnelle, je n’en ai pas rencontrĂ© beaucoup, malheureusement.

Pourquoi cette pĂ©riode peut-elle ĂȘtre, Ă  l’inverse, plus difficile Ă  vivre ?

❯ Le post-partum peut ĂȘtre comparĂ© à l’adolescence quand on passe d’enfant

12 MUTUALISTES 357
« La sage-femme est l’interlocuteur privilĂ©giĂ© des femmes tout au long de leur vie »

à adulte, que l’on vit des bouleversements hormonaux, physiques, psychologiques, etc. Mais là oĂč le post-partum est beaucoup plus fort, c’est qu’il modifie tout. Le quotidien d’un adolescent n’évolue pas tellement : il va toujours au mĂȘme lycĂ©e, il a toujours les mĂȘmes parents. Alors que pour la femme qui vient d’avoir un enfant, la vie n’est plus la mĂȘme. Elle doit faire de la place à un nouvel habitant dans son foyer qui, en plus, est sous sa responsabilitĂ©. C’est un changement majeur, radical, mais qui est aussi trĂšs excitant et gĂ©nial à vivre. En plus, il y a une injonction au bonheur. Nous n’avons pas le droit de dire : « J’adore, avoir un enfant est merveilleux, mais qu’est-ce que c’est difficile ! ». Nous n’avons pas la possibilitĂ© d’ĂȘtre ambivalents sur ce sujet.

post-partum différemment. »

S’intĂ©resse-t-on suffisamment au post-partum ?

❯ Non, pas assez. Nous en avons entendu parler dans le microcosme des rĂ©seaux sociaux, notamment avec le #MonPostPartum en 2020, mais en dehors de cela trĂšs peu. Les jeunes parents ne sont pas assez accompagnĂ©s dans ce moment de leur vie. Au niveau du monde du travail, le sujet est encore tabou. Dans la plupart des entreprises, quand la femme rentre de congĂ© maternitĂ©, tout le monde agit comme si de rien n’était alors qu’il serait intĂ©ressant de savoir si elle dort bien la nuit, si elle est en forme, etc. Il est nĂ©cessaire de mener une rĂ©flexion globale sur le retour en entreprise aprĂšs l’accouchement.

Comment les femmes peuvent-elles se préparer à cette période ?

❯ C’est exactement comme quand on s’apprĂȘte Ă  connaĂźtre

un grand changement de vie, il faut se documenter. Les femmes et les hommes doivent effectuer ce travail d’information, de lecture, d’écoute
 L’idĂ©e est de s’y prĂ©parer pour soit vivre finalement la situation de maniĂšre beaucoup plus apaisĂ©e, soit se dire qu’il est normal de se sentir en difficultĂ©. Il ne faut d’ailleurs pas hĂ©siter Ă  aborder ce sujet avec les professionnels de santĂ©.

Quel rîle peut jouer la sagefemme dans l’accompagnement des femmes ?

❯ La sage-femme est l’interlocuteur privilĂ©giĂ© des femmes tout au long de leur vie. Elle n’est pas lĂ  uniquement pour la grossesse mais aussi pour rĂ©aliser le suivi gynĂ©cologique, notamment. Elle est prĂ©sente avant, pendant et aprĂšs l’accouchement pour s’occuper Ă  la fois du bĂ©bĂ© et de la maman, de l’aspect mĂ©dical comme psychologique. L’objectif pour les femmes est de trouver une sage-femme avec laquelle elles s’entendent bien car elle est un vĂ©ritable soutien dans le post-partum. Il y a encore un travail de pĂ©dagogie à mener pour que les femmes sachent qu’elles peuvent bĂ©nĂ©ficier d’un entretien postnatal prĂ©coce et de visites à domicile. Pour éviter l’isolement, il est important qu’elles profitent de ces rendez-vous auxquels elles ont droit.

MalgrĂ© le rĂŽle central des sages-femmes, le mĂ©tier est en crise. Selon un sondage menĂ© par le Conseil national de l’ordre des sages-femmes en mai 2022, 55 % des sagesfemmes envisagent de quitter la profession. À quoi est-ce dĂ» selon vous ?

❯ Le manque d’effectifs dans les maternitĂ©s est notamment en cause. Le nombre de sages-femmes est trĂšs insuffisant et ne permet pas de proposer une prise en charge optimale. C’est la premiĂšre des choses à revoir. Ensuite, il faut peut-ĂȘtre aussi

aborder la question de l’accouchement à domicile. C’est une demande forte des femmes mais, pour l’heure, trĂšs peu de sages-femmes le pratiquent car elles ne peuvent pas ĂȘtre assurĂ©es. Il faut donc rĂ©aliser une expĂ©rimentation, comme cela a Ă©tĂ© fait avec les maisons de naissance, pour Ă©tudier les conditions de faisabilitĂ© et crĂ©er un cadre. C’est un sujet de santĂ© publique.

Votre métier est-il suffisamment valorisé ?

❯ L’élargissement des compĂ©tences des sages-femmes, avec la vaccination des femmes et des enfants et l’expĂ©rimentation des IVG chirurgicales dans certains Ă©tablissements de santĂ©, participe à sa valorisation. La rĂ©forme des Ă©tudes [la durĂ©e de la formation initiale passera de cinq Ă  six ans Ă  partir de la rentrĂ©e 2024, NDLR] devrait Ă©galement y contribuer. Celle-ci va aussi nous permettre de mener nos propres recherches scientifiques. Notre mĂ©tier est quand mĂȘme de mieux en mieux connu et reconnu au fil des annĂ©es. Un des grands objectifs que je m’étais fixĂ© dans ma vie Ă©tait de faire connaĂźtre cette profession – je ne suis pas la seule bien sĂ»r – et j’espĂšre, à mon Ă©chelle, y ĂȘtre arrivĂ©e.

Propos recueillis par Léa Vandeputte

Le post-partum dure 3 ans, d’Anna Roy, Ă©ditions Larousse, 192 pages, 18,95 euros.

13 Photo : © Céline Nieszawer/Leextra
« Chaque femme vit son

Le sang, reflet de notre santé

Ce liquide biologique, qui circule dans les vaisseaux sanguins et le cƓur, contient des Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires Ă  la vie et joue un rĂŽle primordial dans de nombreuses fonctions vitales. Reflet de notre hĂ©rĂ©ditĂ©, de notre santĂ© et de notre façon de vivre, le sang peut ĂȘtre trompeur ou au contraire rĂ©vĂ©lateur !

Dossier réalisé par Violaine Chatal

Cinq litres : c’est le volume moyen de sang qui circule dans un corps humain adulte. Ce liquide est l’un des trois principaux de l’organisme avec ceux situĂ©s autour et Ă  l’intĂ©rieur des cellules. Les cellules du sang sont fabriquĂ©es dans la moelle osseuse, prĂ©sente dans l’ensemble du squelette mais plus particuliĂšrement au niveau du sternum, des cĂŽtes ou des os du bassin. La moelle osseuse est composĂ©e de deux parties distinctes : la moelle jaune riche en graisse et la moelle rouge localisĂ©e dans l’os spongieux. La moelle rouge produit

14 DOSSIER MUTUALISTES 357

SONT VICTIMES D’UN SEPSIS CHAQUE ANNÉE EN FRANCE, SELON LA SOCIÉTÉ DE RÉANIMATION DE LANGUE FRANÇAISE (SRLF).

les cellules souches hĂ©matopoĂŻĂ©tiques c’est-Ă -dire les futures cellules du sang que sont les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes (voir l'infographie sur les composants du sang, page 16).

À quoi le sang sert-il ?

Le sang remplit plusieurs fonctions. PremiĂšre d’entre elles, il fournit l’oxygĂšne que nous respirons Ă  toutes les cellules du cƓur. Il leur apporte aussi les nutriments en provenance du systĂšme digestif à savoir du glucose notamment, des acides gras et des protĂ©ines. Le sang permet en outre de nettoyer l’organisme : il rĂ©cupĂšre les dĂ©chets produits par les cellules et les Ă©vacue vers les reins, principalement. Le sang assume Ă©galement une fonction de messager. Il transporte de nombreuses molĂ©cules, dont quelques hormones, vers les organes oĂč elles doivent agir, mais aussi les globules blancs, essentiels contre les attaques extĂ©rieures, et les agents nĂ©cessaires Ă  la coagulation. Enfin, il joue un rĂŽle concernant le maintien de la tempĂ©rature du corps.

Le miracle de la coagulation

Les Ă©lĂ©ments du sang « comprennent » qu’il faut s’agglomĂ©rer plutĂŽt que s’écouler. Aussi appelĂ©e hĂ©mostase, la coagulation regroupe l’ensemble des phĂ©nomĂšnes naturels qui permettent l’arrĂȘt du saignement aprĂšs une blessure, un choc ou une intervention chirurgicale. La premiĂšre pĂ©riode est l’hĂ©mostase primaire durant laquelle se produit une vasoconstriction diminuant ainsi le flux sanguin au niveau de la lĂ©sion. Les plaquettes et le fibrinogĂšne entrent alors en action afin de boucher la brĂšche. Vient ensuite l’étape de la coagulation avec la formation d’une sorte de caillot qui bloque le sang. Enfin, la troisiĂšme Ă©tape permet de dissoudre et de rĂ©tracter le caillot une fois qu’il a jouĂ© son rĂŽle.

Quand des agents pathogĂšnes attaquent le sang

Certaines maladies infectieuses sont dues à la pĂ©nĂ©tration dans l’organisme, grĂące Ă  la circulation

COMPRENDRE LES RÉSULTATS

D’UNE ANALYSE DE SANG

‱ HĂ©mogramme ou NFS (examen le plus prescrit)

Globules rouges : valeur normale comprise entre 4 et 5,3 millions/Όl pour une femme et entre 4,2 et 5,7 millions/Όl pour un homme.

Plaquettes : valeur normale comprise entre 150 000 et 350 000 par Όl.

Globules blancs : valeur normale comprise entre 4 000 et 10 000 par Όl.

Hémoglobine : valeur normale comprise entre 12,5 et 15,5 g/100 ml pour une femme et entre 14 et 17 g/100 ml pour un homme.

‱ GlycĂ©mie ou taux de sucre dans le sang

La valeur normale de la glycémie est comprise entre 0,7 et 1,10 g/litre.

‱ Bilan lipidique sanguin pour doser le cholestĂ©rol

Le taux de cholestĂ©rol total doit ĂȘtre infĂ©rieur Ă  2 g/l, le taux de LDL-cholestĂ©rol (« mauvais cholestĂ©rol ») infĂ©rieur Ă  1,6 g/l, le taux de HDL-cholestĂ©rol (« bon cholestĂ©rol ») supĂ©rieur Ă  0,4 g/l et le taux de triglycĂ©rides infĂ©rieur Ă  1,5 g/l.

sanguine, d’agents infectieux comme les bactĂ©ries, les virus (VIH, hĂ©patite B ou C), les champignons ou les parasites. Ces infections qui empoisonnent le sang sont gĂ©nĂ©ralement localisĂ©es et peuvent alors ĂȘtre traitĂ©es. Mais elles peuvent aussi Ă©voluer vers une septicĂ©mie c'est-Ă -dire la colonisation du sang par l’agent pathogĂšne et le sepsis, qui prend la forme d’une rĂ©action inflammatoire gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Les maladies et les troubles du sang affectent un ou plusieurs de ses composants et l’empĂȘchent de remplir ses missions. Il existe un grand nombre de  maladies du sang classĂ©es en fonction de l’élĂ©ment concerné : les maladies des globules blancs avec une baisse ou une multiplication anormale des leucocytes (leucĂ©mies, cancers
), les maladies des globules rouges avec une baisse de la concentration en hĂ©moglobine (anĂ©mie), une surproduction ou une forme anormale de globules rouges, les maladies des plaquettes avec une baisse ou une augmentation

15 Photos : © Shutterstock
∏ AU MOINS 180 000
PERSONNES

de leur nombre. Il existe Ă©galement des maladies liĂ©es aux protĂ©ines ou aux molĂ©cules contenues dans le plasma. C’est le cas de l’hĂ©mophilie, de l’hypercholestĂ©rolĂ©mie ou encore du diabĂšte.

La transfusion : pourquoi et comment ?

La transfusion sanguine est un acte mĂ©dical qui consiste Ă  administrer du sang ou l’un de ses composants comme les globules rouges, les plaquettes ou le plasma par voie intraveineuse d’une personne appelĂ©e donneur Ă  une autre qualifiĂ©e de receveur. Cet acte est pratiquĂ© lorsque le volume de sang, ou de l’un de ses composants, est insuffisant dans l’organisme. Un dĂ©ficit en globules rouges nĂ©cessite ainsi une transfusion de globules rouges tout comme un manque de plaquettes. Une transfusion de plasma est aussi pratiquĂ©e pour corriger les anomalies de la coagulation.

Les composants du sang

Les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes se trouvent en suspension dans le plasma.

Les globules rouges (ou hématies) ont pour fonction le transport de l'oxygÚne. Leur couleur rouge est due à une protéine appelée hémoglobine contenant du fer.

La transfusion concerne le plus souvent les personnes qui subissent une intervention chirurgicale ou qui ont fait une hĂ©morragie, mais aussi les patients qui souffrent d’une anomalie des globules rouges ou d’un cancer.

Il existe deux types de transfusions : les transfusions homologues qui proviennent de donneurs de sang et les transfusions autologues qui proviennent de la personne transfusĂ©e. La France est rĂ©guliĂšrement concernĂ©e par une insuffisance de dons de produits sanguins et l’EFS (Établissement Français du sang) incite les Français Ă  se mobiliser pour les malades qui ont besoin de sang ou d’un de ses composants. ■

Sang artificiel : une quĂȘte sans fin

ConstituĂ© de plaquettes et de globules rouges cultivĂ©s in vitro, le sang artificiel a pour objectif de remplacer le sang humain de certaines personnes nĂ©cessitant une transfusion sanguine en l’absence de donneurs compatibles mais demeure aujourd’hui Ă  l’état d’expĂ©rimentation, car il ne possĂšde pas encore les nombreuses propriĂ©tĂ©s du sang humain comme le confirme le Pr Garraud. « Il y a deux ou trois projets dans le monde, validĂ©s au stade des essais cliniques. Mais une fois qu’on a fait la preuve de concept, on constate qu’on ne peut pas passer Ă  la grande Ă©chelle pour des raisons essentiellement financiĂšres. Je pense que le sang artificiel est intĂ©ressant et qu’il peut rendre des services mais qu’il devrait ĂȘtre rĂ©servĂ© Ă  des personnes qui ont des groupes sanguins rares et pour lesquelles il n’y a pas d’autres solutions », explique-t-il.

Les globules blancs (ou leucocytes) jouent un rÎle de protection contre les infections.

Les plaquettes (ou thrombocytes) contribuent à la coagulation sanguine et à la cicatrisation des plaies.

Le plasma transporte les cellules sanguines et les substances nutritives, régule la quantité d'eau et les sels minéraux, irrigue les tissus, joue un rÎle dans les défenses immunitaires mais aussi la coagulation du sang.

16 MUTUALISTES 357 DOSSIER
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TROIS QUESTIONS AU
 Professeur Olivier Garraud, immunologiste et hématologiste

Professeur Ă  la facultĂ© de mĂ©decine de Saint-Étienne, il est co-auteur avec le professeur Jean-Daniel Tissot de l’ouvrage

Il Ă©tait une fois le sang : il rĂ©vĂšle notre santĂ© et notre hĂ©rĂ©ditĂ© (Éditions Humensciences).

Le sang a-t-il un ñge et un sexe ?

Des modifications peu visibles caractĂ©risent le sang des personnes jeunes mais les propriĂ©tĂ©s intrinsĂšques du sang sont Ă  peu prĂšs Ă©quivalentes entre un donneur de sang jeune et plus ĂągĂ©. Le sang a aussi un sexe. Il n’y a pas de chromosomes sur les globules rouges ou sur les plaquettes mais il y en a sur les globules blancs qui sont nucléés. Les globules blancs des femmes peuvent donc ĂȘtre distinguĂ©s de ceux des hommes. Ensuite il y a des hormones dans le sang. La biochimie des hommes et des femmes n’est pas exactement la mĂȘme et cela se retrouve dans le sang.

Vous dites que le sang est à la fois un mouchard et un menteur : pourquoi ?

Le sang est un mouchard car quand on y cherche quelque chose, on le trouve. Dans les romans policiers, on constate que des gouttes de sang ont permis de confondre un criminel. Le sang permet aussi de savoir si vous avez pris de l’alcool, de la drogue ou des mĂ©dicaments. Mais le sang est aussi un menteur car il peut lancer sur de fausses pistes. Les rĂ©sultats ne sont pas noirs ou blancs et nĂ©cessitent de nombreuses compĂ©tences pour analyser trĂšs finement le sang. Si on se contente des trĂšs grandes lignes, on peut ainsi tirer de fausses conclusions ou faire de mauvaises interprĂ©tations. La plupart du temps, quand le mĂ©decin prescrit une analyse de sang et que la personne se rend au laboratoire, les rĂ©sultats obtenus sont analysĂ©s par rapport Ă  des normes qui permettent au mĂ©decin d’adapter un traitement. En revanche l’anthropologie, la gĂ©nĂ©tique des populations ou l’épidĂ©miologie demandent de faire des analyses beaucoup plus poussĂ©es. Quelles sont les derniĂšres connaissances de la mĂ©decine sur le sang ?

Les chercheurs dĂ©couvrent de plus en plus de propriĂ©tĂ©s concernant le mĂ©tabolome (ensemble des mĂ©tabolites prĂ©sents dans un Ă©chantillon biologique), la chimie du sang et, en ce qui concerne le don du sang, sa conservation. Ils ont dĂ©couvert que les donneurs avaient des profils spĂ©cifiques concernant les protĂ©ines qui les caractĂ©risent parfois au moins autant que les profils gĂ©nĂ©tiques. L’épigĂ©nĂ©tique, qui est la partie non codante des chromosomes sur laquelle s’imprime un certain nombre d’évĂ©nements qui caractĂ©risent notre passĂ© ou notre famille, a aussi progressĂ©. Des avancĂ©es thĂ©rapeutiques ont eu lieu concernant des leucĂ©mies et certaines formes de cancer. Des thĂ©rapies gĂ©niques sont en train de se mettre en place concernant les maladies de l’hĂ©moglobine et des nouveaux mĂ©dicaments boostent le peu de facteurs de coagulation prĂ©sent chez les hĂ©mophiles.

LE SANG EST COMPOSÉ DE 55 %

DE PLASMA (LE PLASMA EST COMPOSÉ DE 90 % D'EAU MAIS AUSSI DE SELS, DE LIPIDES ET D'HORMONES)

44 % DE GLOBULES ROUGES, 1 %

DE GLOBULES BLANCS ET DE PLAQUETTES

Le saviez-vous ?

LE SANG POSSÈDE DIFFÉRENTES COULEURS

Le sang change de couleur en fonction du niveau d’oxygĂ©nation des globules rouges. Il peut ĂȘtre noir, bleu trĂšs foncĂ©, bleu ou rouge vif. Ainsi, le sang qui sort du cƓur est bien oxygĂ©nĂ©, et donc rouge, alors que celui qui rentre dans le cƓur, aprĂšs avoir dĂ©livrĂ© de l’oxygĂšne dans les tissus, est bleu foncĂ©, voire noir. Le plasma est, lui, normalement jaune, jaune orangĂ©, ou orangĂ©. Dans certaines circonstances, il peut prendre des couleurs Ă©tranges comme bleu, bleu-vert, vert, rouge, rose, noir, mĂȘme blanc à cause de maladies ou de certains mĂ©dicaments (voire d’aliments).

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© Olivier Garraud

SexualitĂ© des seniors : en finir avec les prĂ©jugĂ©s

Dans nos sociĂ©tĂ©s, la vie sexuelle des aĂźnĂ©s est un sujet au mieux tabou, au pire empreint de prĂ©jugĂ©s. Pour briser les idĂ©es reçues, le rapport « Vie affective, intime et sexuelle des personnes ĂągĂ©es »* rĂ©alisĂ© par les Petits FrĂšres des Pauvres, lĂšve le voile sur l’intimitĂ© des seniors et confirme qu’il n’y a pas d’ñge pour aimer.

Les personnes ĂągĂ©es n’ont plus d’activitĂ© sexuelle.

Faux. Une personne de plus de 60 ans sur deux (52 %) dĂ©clare avoir des relations intimes/sexuelles et la grande majoritĂ© en sont satisfaites. En outre, 91 % des personnes ĂągĂ©es et en couple Ă©prouvent du dĂ©sir pour leur partenaire. Pour la majoritĂ© des rĂ©pondants, l’activitĂ© sexuelle n’a pas de limite d’ñge, mĂȘme si 34 % l’estiment autour de 78 ans. L’ñge a malgrĂ© tout un impact sur la sexualitĂ© des seniors : quand 70 % des 60-64 ans affirment avoir des relations sexuelles, ils ne sont plus que 32 % dans la tranche 80-84 ans, et seulement 8 % au-delĂ  de 85 ans.

Les problĂšmes de santĂ© des personnes ĂągĂ©es expliquent notamment le manque d’intimitĂ©.

Vrai. Les problĂšmes de santĂ© expliquent pour 32 % des personnes ĂągĂ©es une vie sexuelle qui ne leur convient pas. La premiĂšre source d’insatisfaction (42 %) demeure toutefois la frĂ©quence des rapports.

Les aides Ă  l’érection sont dangereuses pour le cƓur.

Faux. La dysfonction Ă©rectile, qui se traduit par l’incapacitĂ© d’obtenir ou de maintenir une Ă©rection suffisante permettant un rapport sexuel, est normale avec l’ñge. Elle peut ĂȘtre compensĂ©e par des facilitateurs de l’érection, qui s’exerceront en cas de stimulation sexuelle. Ils ne sont pas dangereux pour le cƓur, toutefois, leur prescription doit ĂȘtre faite par un mĂ©decin, qui rĂ©alisera en amont un examen clinique de l’état du cƓur et des vaisseaux sanguins. Il veillera Ă©galement

aux risques d’associations mĂ©dicamenteuses. Notons cependant que ces difficultĂ©s sexuelles peuvent ĂȘtre les premiers signes de pathologies cardiovasculaires. La dysfonction Ă©rectile touche entre 20 Ă  40 % des hommes de 60 Ă  70 ans, et entre 50 Ă  100 % des hommes entre 70 et 80 ans, selon l’Association française d’urologie.

La mĂ©nopause a un impact sur la sexualitĂ© des femmes. Vrai. Avec l’ñge, le corps de la femme Ă©volue. La lubrification est par exemple moins importante. Des solutions existent, comme des gels, des ovules ou des produits Ă  base d’acide hyaluronique. Les bouleversements hormonaux peuvent impacter la libido et modifier les sensations de l’excitation et de l’orgasme.

Un corps vieillissant n’est pas attirant. Faux. Un corps qui vieillit peut rester dĂ©sirable selon 71 % des personnes ĂągĂ©es. Et chez les 80 ans et plus, deux rĂ©pondants sur cinq (41 %) dĂ©clarent se trouver sĂ©duisants.

La sexualitĂ© est un thĂšme que les seniors ne veulent pas Ă©voquer. Faux. Ils dĂ©clarent Ă  82 % ĂȘtre Ă  l’aise avec le sujet. Cependant, 53 % d’entre eux estiment qu’il demeure tabou pour la sociĂ©tĂ© et sont 25 % Ă  considĂ©rer qu’il met mal Ă  l’aise leur entourage familial proche, redoutant la rĂ©action de leurs enfants s’ils Ă©taient amenĂ©s Ă  frĂ©quenter intimement une nouvelle personne. Un effort collectif semble donc nĂ©cessaire pour briser les prĂ©jugĂ©s et permettre aux aĂźnĂ©s de vivre une sexualitĂ© Ă©panouie qui leur ressemble.

Constance Périn

*Rapport réalisé à partir d'une étude CSA Research, septembre 2022.

18 MUTUALISTES 357 FORME Photo : © Shutterstock

Emballages alimentaires

Comment rĂ©duire ses dĂ©chets ?

Diminuer nos dĂ©chets est un enjeu majeur des prochaines annĂ©es pour prĂ©server notre environnement. Voici donc quelques astuces, simples à mettre en Ɠuvre, pour y arriver progressivement dĂšs l’achat.

Évitez les produits suremballĂ©s

â€ș À la place des gĂąteaux emballĂ©s individuellement, sĂ©lectionnez plutĂŽt une boĂźte au format familial.

Choisissez le bon emballage adapté aux produits

â€ș VĂ©rifiez autant que possible que la taille de l’emballage correspond à la quantitĂ© de produit qu’il contient.

Oubliez les produits transformés

â€ș Les produits bruts sont gĂ©nĂ©ralement moins emballĂ©s, en plus d’ĂȘtre meilleurs pour la santĂ© (absence d’additifs notamment).

Favorisez les emballages réutilisables

â€ș Les bocaux en verre peuvent avoir une seconde vie et servir de rangement à la maison.

≈ 1,2

million de tonnes

C'est le poids des emballages plastiques jetés par les Français.

Source : Les chiffres clés du tri et du recyclage des emballages ménagers 2021, Citeo.

QUOI DE NEUF

EN 2023 ?

Depuis le 1er janvier, vous pouvez dĂ©poser l’intĂ©gralitĂ© des emballages en plastique (films, pots, barquettes, tubes, sachets...) dans le bac jaune afin qu’ils soient recyclĂ©s.

Pensez au vrac

â€ș PĂątes, lĂ©gumes secs, farine
 de nombreux produits sont dĂ©sormais accessibles en vrac.

Amenez vos sacs

â€ș Sacs en tissu rĂ©utilisables, cabas, paniers vous permettent de ne pas utiliser de plastique.

Apportez vos propres contenants

â€ș Les commerces de bouche acceptent de plus en plus les emballages personnels de leurs clients (bocaux en verre, boĂźtes en plastique rĂ©utilisables
).

ArrĂȘtez l’eau en bouteille

â€ș PrivilĂ©giez l’eau du robinet et optez pour une gourde rĂ©utilisable (en inox ou en verre de prĂ©fĂ©rence).

À partir de 2024, les collectivitĂ©s seront tenues de proposer à leurs habitants un tri de leurs biodĂ©chets Ă  domicile.

À SAVOIR ≈
ENVIRONNEMENT 19
1,2

Invention de la chimiothĂ©rapie : quand un poison

devient traitement

Retracer le dĂ©veloppement de la chimiothĂ©rapie signifie partir à la dĂ©couverte de substances considĂ©rĂ©es au dĂ©part comme des poisons et devenues des alliĂ©es dans la lutte contre le cancer. AprĂšs plus d’un siĂšcle de recherches, ces mĂ©dicaments sont aujourd’hui capables de circuler dans l’organisme et d’agir sur les cellules cancĂ©reuses.

ANNÉES 1900

Paul Ehrlich, le pÚre de la chimiothérapie

Paul Ehrlich, scientifique allemand laurĂ©at du Prix Nobel de mĂ©decine en 1908, est considĂ©rĂ© comme l’inventeur de la chimiothĂ©rapie, mĂȘme si l’on ne parle pas encore de soigner les cancers. GrĂące Ă  lui, pour la premiĂšre fois, les malades ne sont pas traitĂ©s avec des plantes mais avec la chimie. Tout commence par le plus connu des poisons : l’arsenic. AprĂšs plus de 600 tentatives, Paul Ehrlich parvient Ă  crĂ©er un dĂ©rivĂ© de cette substance naturelle et toxique, qu’il appelle atoxyl.

Le cancer : une maladie de la cellule

Un cancer touche la cellule. Malade, celle-ci se modifie, se multiplie et finit par former une tumeur. Les cellules cancĂ©reuses ont tendance Ă  migrer dans d’autres parties du corps via les vaisseaux lymphatiques ou sanguins. Elles dĂ©veloppent alors d’autres masses, des mĂ©tastases. Plusieurs types de traitements existent : la chimiothĂ©rapie bien sĂ»r, mais Ă©galement la chirurgie, la radiothĂ©rapie (pour dĂ©truire les cellules malades), l’hormonothĂ©rapie (pour empĂȘcher l’action des hormones qui peuvent stimuler la croissance des cellules cancĂ©reuses) et l’immunothĂ©rapie (pour stimuler les dĂ©fenses immunitaires pour qu’elles luttent contre les cellules malades).

Il fabrique ensuite un mĂ©dicament, le Salvarsan, qui lui permet de guĂ©rir la syphilis – une maladie vĂ©nĂ©rienne trĂšs contagieuse, due Ă  une bactĂ©rie, qui faisait des ravages au dĂ©but du XXe siĂšcle. MĂȘme si celui-ci sera par la suite dĂ©laissĂ© au profit de traitements plus efficaces, les mĂ©dicaments de synthĂšse, issus de la chimie, sont nĂ©s.

ANNÉES 1940

Alfred Gilman, Louis Goodman et le gaz moutarde

En pleine Seconde Guerre mondiale, un autre poison, le gaz moutarde, va faire avancer la science. En 1943, en Italie, un navire amĂ©ricain chargĂ© de ce gaz explose. Deux chercheurs amĂ©ricains, Alfred Gilman et Louis Goodman, examinent les soldats qui ont survĂ©cu et dĂ©couvrent que les globules blancs des blessĂ©s ont Ă©tĂ© quasiment Ă©liminĂ©s. Ils ont alors l’idĂ©e d’utiliser cette propriĂ©tĂ© pour dĂ©truire les globules blancs malades qui apparaissent avec certaines pathologies. Ils crĂ©ent pour cela un dĂ©rivĂ© du gaz moutarde : le Melphalan. Cette molĂ©cule est encore aujourd’hui utilisĂ©e pour traiter certains cancers du sang (le myĂ©lome, par exemple). Cette dĂ©couverte marque le dĂ©but de la chimiothĂ©rapie anticancĂ©reuse Ă  proprement parler.

20 MUTUALISTES 357 HISTOIRE
Paul Ehrlich, pÚre de la chimiothérapie, et son collaborateur Sahachiro Hata, bactériologiste japonais, avec qui il a découvert le Salvarsan.

ANNÉES 1950

Sidney Farber et Jane Cooke Wright, les pionniers

Sidney Farber, pathologiste de l’universitĂ© de Harvard, s’est intĂ©ressĂ© à l’acide folique, une vitamine qui joue un rĂŽle clĂ© dans le mĂ©tabolisme de l’ADN. En effectuant ses recherches, il trouve que le mĂ©thotrexate, un antagoniste de l'acide folique – qui interfĂšre avec son action –, peut limiter la croissance exponentielle des cellules leucĂ©miques, offrant ainsi une rĂ©mission mais sans pour autant guĂ©rir.

L’amĂ©ricaine Jane Wright a rĂ©vĂ©lĂ©, quant Ă  elle, que le mĂ©thotrexate agissait aussi sur les tumeurs solides.

Elle a ensuite Ă©tĂ© la pionniĂšre des travaux en chimiothĂ©rapie : en utilisant plusieurs mĂ©dicaments, elle a augmentĂ© leur efficacitĂ© tout en minimisant les effets secondaires.

ANNÉES 2000

Quatre types de molécules disponibles

Au dĂ©but du XXIe siĂšcle, les mĂ©decins peuvent s’appuyer sur quatre grandes classes chimiothĂ©rapeutiques pour dĂ©truire les cellules cancĂ©reuses ou les empĂȘcher de se multiplier :

‱ les alkylants et les sels de platine entravent les processus de rĂ©plication et de transcription de l’ADN des cellules ;

‱ les inhibiteurs de topo-isomĂ©rases qui perturbent le fonctionnement d’enzymes essentielles à la rĂ©plication du matĂ©riel gĂ©nĂ©tique des cellules avant leur division ;

‱ les antimĂ©tabolites qui inhibent la synthĂšse des acides nuclĂ©iques, constituants de l’ADN et indispensables dans les premiĂšres Ă©tapes de la division cellulaire ;

‱ les poisons du fuseau qui bloquent la formation de la structure qui permet aux chromosomes de se sĂ©parer lors de la division cellulaire.

ANNÉES 2010

La révolution des thérapies ciblées

GrĂące Ă  une meilleure comprĂ©hension des mĂ©canismes de fonctionnement des cellules tumorales, des traitements plus efficaces et moins toxiques sont utilisĂ©s. Ces thĂ©rapies ciblĂ©es entrent en action à un niveau trĂšs prĂ©cis du dĂ©veloppement de la cellule cancĂ©reuse et s’adaptent Ă  chaque patient. L’objectif

LE MONDE VÉGÉTAL COMME SOURCE D’INSPIRATION

GrĂące aux plantes, les scientifiques ont mis au jour de nouveaux principes actifs qui ont permis d’ouvrir les perspectives thĂ©rapeutiques. Voici quelques exemples.

■ Catharanthus roseus, la pervenche tropicale de Madagascar. Elle contient deux principes actifs la vinblastine et la vincristine qui provoquent une chute du nombre des globules blancs, utiles pour traiter une leucĂ©mie. Ces deux molĂ©cules ont Ă©tĂ© isolĂ©es en 1957 avant d’ĂȘtre synthĂ©tisĂ©es – c’est-Ă -dire reproduite chimiquement – en 1979.

■ Taxus brevifolia et Taxus baccata, l’if du Pacifique et l’if d’Europe. Dans les annĂ©es 1960, les scientifiques mettent en Ă©vidence l’activitĂ© anticancĂ©reuse d’un principe actif, le paclitaxel, contenu dans l’extrait d’écorces de l’if du Pacifique. Mais cette molĂ©cule n’est pas reproductible en laboratoire et son extraction est un casse-tĂȘte environnemental puisqu’elle nĂ©cessite de couper des arbres à la croissance lente. Des chercheurs dĂ©couvrent alors que les aiguilles de l’if d’Europe – une ressource, cette fois-ci, renouvelable chaque annĂ©e – contiennent Ă©galement cette substance et trouvent mĂȘme un composĂ© proche et plus efficace, le docetaxel. Au dĂ©but des annĂ©es 1990, ils seront utilisĂ©s pour soigner certaines formes de cancer du sein et de l’ovaire.

■ Camptoteca acuminata, un arbre originaire de Chine. Un extrait, créé Ă  partir de son Ă©corce et de son bois, permet de lutter contre les tumeurs cancĂ©reuses. Le principe actif, la camptothĂ©cine, est isolĂ© en 1966 et son mĂ©canisme d’action est identifiĂ© en 1985. Sa version synthĂ©tique sera utilisĂ©e Ă  partir de la fin des annĂ©es 1990 pour traiter les cancers du cĂŽlon, de l’ovaire et du sein.

n’est plus seulement de s’attaquer aux cellules malades mais de freiner la croissance de la tumeur. Si les thĂ©rapies ciblĂ©es ont Ă©tĂ© créées dans les annĂ©es 1990, c’est Ă  partir des annĂ©es 2010 qu’on les considĂšre vĂ©ritablement comme rĂ©volutionnaires.

ET MAINTENANT ?

La chimiothĂ©rapie engendre aujourd’hui encore des effets secondaires que les scientifiques cherchent à faire diminuer, voire disparaĂźtre. Leur objectif est donc de dĂ©velopper des traitements actifs, spĂ©cifiques aux cellules cancĂ©reuses, qui permettent de rĂ©duire la  toxicitĂ© sur les cellules saines de l'organisme.

Sources : Fondation Arc pour la recherche sur le cancer, Institut national du cancer (Inca), La Ligue contre le cancer, Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Vidal.fr, Univadis.fr.

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HĂŽtels solidaires contre le gaspillage et pour le partage

RĂ©compensĂ©e lors des Grands Prix de la finance solidaire 2022, l'association Les HĂŽtels solidaires collecte des viennoiseries, des produits d’hygiĂšne et de literie (draps, meubles, matelas) pour les personnes en situation de prĂ©caritĂ©. Une façon aussi de prendre soin de la planĂšte, dans un secteur oĂč le gaspillage questionne.

Que faire de ces milliers de viennoiseries non consommĂ©es dans le secteur hĂŽtelier ou de ces Ă©chantillons d’hygiĂšne Ă  peine ouverts et dĂ©jĂ  jetĂ©s à la poubelle ? Cette question, le cofondateur des HĂŽtels solidaires se l’est posĂ©e aprĂšs ĂȘtre devenu veilleur de nuit. De cette volontĂ© de lutter contre le gaspillage mais aussi, et surtout, de venir en aide aux personnes dans le besoin, il crĂ©e en 2018 Les HĂŽtels solidaires. L’objectif : rĂ©cupĂ©rer puis redistribuer ces produits dans des associations, foyers, hĂ©bergements d’urgence ou aux personnes sans domicile fixe.

65 000 produits d’hygiĂšne et 20 tonnes de literie rĂ©coltĂ©s en 2022

Pendant deux ans, l’association se dĂ©veloppe Ă  Paris, puis à Rennes, grĂące Ă  son rĂ©seau d’hĂŽtels partenaires. De prestigieux palaces notamment, qui comptent aujourd’hui parmi les principaux donateurs, renouvellent frĂ©quemment leur literie ou leurs draps pour garantir un certain standing Ă  leurs clients, sans savoir quoi faire de ces produits encore en trĂšs bon Ă©tat.

En parallĂšle, elle a tissĂ© un rĂ©seau de bĂ©nĂ©ficiaires au sein de structures comme des foyers d’urgence ou des centres d’hĂ©bergement, gĂ©rĂ©s par des associations telles EmmaĂŒs SolidaritĂ©, l’ArmĂ©e du Salut et Aurore. « Face aux problĂšmes d’hygiĂšne, et notamment de punaises de lit, ces structures sont en demande constante de matĂ©riels, et profitent dĂ©sormais de produits de qualitĂ©, avec des matelas de 26 cm d’épaisseur qu’elles n’auraient jamais pu s’offrir », se rĂ©jouit la directrice de l’association, Karine Sadaka.

Les HĂŽtels solidaires se chargent de toute la logistique, portĂ©e par ses six salariĂ©s – dont cinq personnes

en rĂ©insertion – et ses 80 bĂ©nĂ©voles qui assurent chaque semaine les collectes et la redistribution.

Créer du lien social

Mais en 2020, le Covid-19 et la fermeture des hĂŽtels viennent brutalement freiner cet Ă©lan. L’équipe rebondit et en profite pour lancer en 2021 l’Atelier Solidaire. Les linges hĂŽteliers constituent une bonne matiĂšre premiĂšre rĂ©exploitable pour crĂ©er de nouveaux produits. « Ces ateliers d’initiation à la couture rencontrent un rĂ©el succĂšs et sont vecteur de lien social, explique la directrice. On a rĂ©cemment accueilli de jeunes adultes autistes, des mineurs isolĂ©s, et des femmes de la Maison des femmes venus pour apprendre Ă  coudre, mais aussi échanger ». Sacs, pochettes et baluchons sont créés puis proposĂ©s Ă  la vente aux partenaires et aux associations. Via ce rĂ©seau, 25 000 personnes ont Ă©tĂ© aidĂ©es.

Aider le plus grand nombre

Poursuivant sa rĂ©flexion, l’association souhaiterait dĂ©sormais utiliser les chambres d’hĂŽtel inoccupĂ©es pour rĂ©pondre de façon ponctuelle Ă  des besoins d’hĂ©bergement. Mais face Ă  l’ampleur du projet et Ă  la crainte de certains hĂŽtels partenaires, le projet est mis sur pause. « Nous devons voir comment crĂ©er avec les partenaires le format d’accueil le plus optimal possible », explique Karine Sadaka.

L’équipe aimerait aussi Ă©tendre son champ d’action dans d’autres villes, mais se heurte cette fois-ci Ă  un souci financier : « L’envie et les besoins sont lĂ , mais l’association dĂ©pend des subventions et des aides, et ouvrir une nouvelle antenne demande une grande logistique, un lieu de stockage, un vĂ©hicule
 », constate la directrice.

Actuellement, l’association travaille avec une soixantaine d’hĂŽtels parisiens, et « avec les 2 000 hĂŽtels que compte la rĂ©gion parisienne, il y a du potentiel», s’exclame Karine Sadaka, toujours motivĂ©e Ă  trouver de nouveaux partenaires pour venir en aide au plus grand nombre.

22 MUTUALISTES 357 ENGAGEMENT
Photo : © Guillaume Mussau Au cours des ateliers solidaires, les bĂ©nĂ©ficiaires des associations partenaires s’initient Ă  la couture

BRUNO FRON

Bruno Fron est un de ces mĂ©decins d’autrefois qui place l’humain au centre de son activitĂ©. GĂ©nĂ©raliste Ă  Paris depuis 40 ans, il vient de publier Toute une vie pour eux (L’Iconoclaste), un ouvrage dans lequel il se confie sur sa vie de mĂ©decin de famille. Il y partage des moments avec ses patients, des rencontres prĂ©cieuses qui continuent de l’animer.

Justement, que faudrait-il mettre en place, selon vous, pour retrouver cette humanitĂ© que vous dĂ©fendez ?

Dans votre livre, vous dĂ©fendez une mĂ©decine incarnĂ©e. Comment dĂ©crieriez-vous votre façon d’exercer ?

❯ J’ai toujours exercĂ© comme il me semblait normal de le faire, en Ă©tant profondĂ©ment prĂ©sent. La mĂ©decine m’intĂ©resse, mais dans ce domaine, nous sommes vite confrontĂ©s à nos limites. C’est surtout l’inattendu de la rencontre qui m’anime et me nourrit. Certains collĂšgues sont lassĂ©s, dĂ©motivĂ©s, j’ai de mon cĂŽtĂ© la chance d’avoir plaisir à aller travailler tous les matins.

Avez-vous constatĂ© une évolution dans l’exercice de votre fonction ?

❯ IndĂ©niablement. Nous sommes aujourd’hui dans une accĂ©lĂ©ration absolue et une multiplication des tĂąches. Il y a aussi la notion de responsabilitĂ© qui s’est accentuĂ©e. J’écris dĂ©sormais tout pour rĂ©pondre Ă  l’obligation de traçabilitĂ©, et ne reçois plus un mineur de moins de 16 ans seul. Je constate aussi une angoisse grandissante chez les patients, notamment face au cumul des donnĂ©es. L’époque a changĂ©, tout est à rĂ©inventer.

❯ Plus qu’une question de temps, tout est une question de prĂ©sence. J’ai vu 30 personnes par jour pendant 40 ans, et mĂȘme rapidement, on peut plonger dans la rĂ©alitĂ© du patient.

La mĂ©decine gĂ©nĂ©rale, c’est comme dans la vie, c’est la fulgurance. Mais la fulgurance n’empĂȘche pas la prĂ©sence.

On a Ă©galement tendance Ă  considĂ©rer que le progrĂšs technique est la solution. Bien que fascinant, la mĂ©decine reste avant tout une relation entre ĂȘtres humains. Au cours d’un Ă©change, j’attrape des informations via un regard, une attitude, et de simples mots suffisent parfois et rĂ©parer les maux. La tĂ©lĂ©mĂ©decine est utile, mais elle n’est pas la solution car rien ne remplacera le prĂ©sentiel. Il y a aussi le problĂšme des visites. La nouvelle gĂ©nĂ©ration de mĂ©decins ne veut plus se dĂ©placer, mais cela reste pourtant nĂ©cessaire, notamment face à une population vieillissante. Les infirmiers sont sur place, et je dĂ©fends l’idĂ©e de l’infirmier « augmentĂ© », qui est d’ailleurs dĂ©jĂ  une rĂ©alitĂ©. Les maisons mĂ©dicales sont aussi une bonne idĂ©e,

mais à condition que les mĂ©decins s’engagent Ă  Ă©tablir une continuitĂ© et à crĂ©er un lieu intime. Au cabinet, je le vois, les patients sont chez eux, et grĂące à nos conseils et Ă  la relation de confiance Ă©tablie, ils sont prĂȘts Ă  s’engager dans un processus mĂ©dical lourd qui les dĂ©passe. Nous sommes des mĂ©decins de proximitĂ© et de disponibilitĂ©, et il faut maintenir ce concept d’humanitĂ©.

Vous dites que vous n’étiez pas prĂ©disposĂ© Ă  la mĂ©decine. Auriez-vous pu exercer un autre mĂ©tier ?

❯ Plus que le mĂ©tier, c’est la prĂ©disposition d’esprit qui compte. J’aurais pu exercer une autre profession, Ă  condition que la rencontre soit lĂ . MĂȘme s’il est vrai qu’à ce niveau, le terrain est privilĂ©gié : oĂč avons-nous la chance de rencontrer des gens aussi diversifiĂ©s dans des moments de telle vĂ©rité ? C’est prĂ©cieux, alors faisons en sorte d’injecter ce petit bout de chromosome humain dans les algorithmes de la mĂ©decine de demain.

Propos recueillis par Constance Périn

Toute une vie pour eux du docteur Bruno Fron, L’Iconoclaste, 288 pages, 20 euros.

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« La mĂ©decine reste avant tout une relation entre ĂȘtres humains »
TEMOIGNAGE
Photo : © Céline Nieszawer/Leextra/L'Iconoclaste
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