Mutualistes N°354

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ENTRETIEN MATHIAS WARGON Mathias Wargon dirige les urgences et le service mobile d’urgence et de réanimation (Smur) de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis (93). Docteur en sciences, il est aussi président de l’Observatoire régional des soins non programmés d’Île-de-France.

« Notre système hospitalier est à bout, il faut le réformer » Connu pour son francparler, Mathias Wargon, médecin urgentiste, raconte dans un livre son quotidien et les bouleversements liés à la crise sanitaire et à l’après. Il partage ainsi sa vision de l’hôpital, de ses dysfonctionnements et de ses difficultés. Loin d’être pessimiste, il propose également des pistes de réflexion pour le réformer et pour lui permettre de retrouver sa juste place au sein de notre système de santé. La crise de la Covid-19 a été un énième révélateur de la situation difficile de l’hôpital. Qu’est-ce que cela a changé ? ❯ Sur le moment, elle a permis à l’hôpital de se resserrer autour de ses missions et de redonner du sens. Mais, directement après la première vague, l’hôpital est retombé dans ses mauvaises habitudes. Finalement,

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la crise n’a fait qu’accélérer sa destruction. Avant la Covid, des collectifs s’étaient déjà créés, comme le Collectif interhôpitaux ou le Collectif interurgences, qui ont posé les questions que tout le monde avait en tête, même s’ils n’ont pas forcément apporté les bonnes réponses. Puis, la Covid est arrivée, et tout ce qui ne fonctionnait pas avant n’allait pas marcher après. Nous avons été confrontés à une fuite des personnels, qui n’a d’ailleurs pas concerné que l’hôpital, mais le monde du travail en général, et même en dehors de la France. L’hôpital était déjà très fragile. Les soignants se sont, d’une certaine manière, détachés de leur travail et ont multiplié les demandes, notamment sur les changements d’horaires. Ressentez-vous le manque de reconnaissance de la population envers les soignants ? ❯ Pendant le premier confinement, la question de la reconnaissance a été particulièrement discutée. Au fil de la crise, certains ont remis en cause la parole des soignants, allant même jusqu’à les traiter d’assassins. Même si cela concerne seulement une minorité de personnes, cela a tout de même eu un impact. Quant à la crise de sens des soignants, elle existait déjà avant.

La Covid en elle-même a redonné un sens, puis nous sommes revenus à l’état antérieur. Travailler à l’hôpital, cela a du sens, évidemment, mais est-ce que les conditions de travail sont suffisantes pour le conserver ? Les conditions sont en effet moins bonnes à l’hôpital que dans n’importe quelle entreprise, tant au niveau du respect des personnels que de la gestion du temps, de la paye ou encore de l’environnement de travail, qui est très mauvais. De nouvelles difficultés ont-elles émergé au niveau des services des urgences ? ❯ Les difficultés se sont plutôt aggravées. Là où, il y a deux ou trois ans, nous avions des problèmes de recrutement de médecins, aujourd’hui nous avons toujours ces mêmes problèmes, mais en plus nous avons des soucis pour trouver des infirmières ou des aidessoignantes. Nous commençons à avoir des services d’urgences qui ferment la nuit, qui délestent – c’est-à-dire qui renvoient tous les patients régulés vers d’autres services d’urgences. Cette situation, que nous avons hélas l’habitude de voir en plein été, est maintenant courante à des périodes où normalement les services fonctionnent. Les problèmes en aval, de lits d’hospitalisation, ont aussi


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