Brennpunkt Drëtt Welt 308 - Décembre 2019

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Dossier

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changement climatique et droits humains « La lutte contre le changement climatique ne doit pas se faire au détriment du droit au développement des plus pauvres.» ✍

Antoniya Argirova

A l’occasion de son 50ème anniversaire, l’ASTM a organisé le 22 novembre 2019 une conférence-débat avec Sunita Narain, écrivaine et militante environnementale indienne sur le sujet de la justice climatique. Elle est directrice du Centre for Science and Environment et rédactrice en chef du magazine Down to Earth. Tout au long de son travail, elle cherche à établir des liens entre environnement et développement.

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urifier l’air de Delhi est devenu une obsession pour ses citoyens. La ville fait face à une urgence de pollution en ce moment même. Les écoles doivent fermer. Il y a beaucoup d’inquiétude : les gens se préoccupent de la santé de leurs enfants, ils sont scandalisés. Je veux surtout partager avec vous ce que nous apprenons en essayant de nettoyer notre ville car c’est également important pour votre lutte, notre lutte. Afin d’éviter la pollution, les gens ont besoin d’alternatives. Revenir à un air pur est possible si nous subvenons aux besoins de toutes les couches de la population, y compris des plus pauvres. La pollution de l’air est le plus grand égalisateur mondial : lorsqu’il s’agit d’air, il n’y a pas d’options, les riches et les pauvres en ont tous besoin. Si nous voulons que l’air soit pur, il faut une croissance inclusive qui prenne en compte tant les besoins des uns que des autres. C’est par les leçons apprises du combat au sein de sa propre ville que Sunita Narain a commencé son exposé sur les défis de la justice climatique. Selon elle, la première leçon apprise est que si la croissance n’est pas inclusive, elle ne sera pas durable. La deuxième est que l’Inde ne peut pas adopter une approche graduelle pour nettoyer l’air.

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Surpasser les solutions européennes «L’approche graduelle n’a pas fonctionné», a déclaré d’office Sunita Narain. « Elle n’a pas fonctionné en Europe et elle ne fonctionnera pas non plus en Inde ». Sunita Narain a expliqué que l’Europe avait investi beaucoup de temps, d’argent et de ressources à essayer de concevoir des voitures moins polluantes. Or, même si chaque génération de voitures a été améliorée, l’Europe est toujours restée en retard par rapport à l’évolution des problèmes environnementaux liés à l’utilisation des véhicules. « Nous ne pouvons pas nous permettre de reproduire ce schéma : continuer à développer des moyens plus « propres», investir et être toujours dépassé. Personne n’a ce genre de ressources. En Inde, nous n’utilisons pas de diesel mais du gaz naturel et cette solution nous a déjà propulsé devant l’Europe ».

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Pourquoi ne pas continuer à «réparer» les voitures ? En Inde, moins de 20 % de la population possède un véhicule ou fait la navette en voiture. Les voitures occupent jusqu’à 90 % de l’espace routier. A 20%, les villes sont déjà polluées et congestionnées. Où est l’espace routier pour les 80 % restants de la population ? « C’est la question que tout le monde devrait se poser. Nous devons planifier les routes sur la base d’une équité d’utilisation. Nous ne pouvons pas assainir l’air si nous ne remodelons pas notre système de transport. Si nous ne travaillons pas sur un autre système de mobilité - où nous déplaçons les gens et pas les voitures - nous ne pourrons pas obtenir de l’air pur. Si nous ne faisons pas de place - les riches doivent faire de la place - pour le bus ou le vélo, nous n’aurons pas d’air pur. » Actuellement en Inde, la plupart des gens dans les villes continuent à faire du vélo, à marcher et à prendre les transports en commun. Est-ce une opportunité d’être pauvre et de ne pouvoir accéder aux voitures s’interroge Sunita Narain. L’Inde

peut-elle continuer à se développer tout en sautant la « phase de la voiture » ? « Pour pouvoir sauter cette étape, nous avons besoin d’un système de transport inclusif qui fonctionne pour les pauvres et les riches. Ceci demande des investissements et des subventions massifs car d’un côté le système de transport doit être abordable pour tout le monde, y compris les pauvres et d’un autre côté, il doit être moderne, confortable, sûr et rapide afin que les riches aient envie de l’utiliser (au lieu de prendre leurs voitures) ».

Changement climatique et droit au développement Quand Sunita Narain était à la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement en 1992, elle ne pensait pas qu’elle serait encore vivante pour voir l’impact du changement climatique. La vitesse du changement est tout simplement incroyable selon

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