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INTRODUCTION
et le rôle qu’il a joué dans la réalisation des fresques de l’église San Clemente à Rome. C’est, ensuite, un recueil d’études et de contributions, The Cambridge Companion to Masaccio, sous la direction de Diane Cole Ahl, puis en 2007 la conférence internationale “The Brancacci Chapel” organisée à la Villa i Tatti par Nicholas A. Eckstein, auteur également de l’étude plus récente sur les fresques de l’église du Carmine, Painted Glories. The Brancacci Chapel in Renaissance Florence, éditée en 2014. Dans le présent livre, nous nous sommes proposés de faire le point, à la lumière des dernières découvertes d’ordre technique et des contributions historico-artistiques les plus récentes, sur le catalogue restreint de Masaccio, et ce en adoptant un critère restrictif dans des attributions rendues difficiles, voire impossibles pour certaines œuvres – telles la Vierge d’humilité à Washington et la série des Portraits dont l’un est dans la même collection américaine et les autres à Boston, Chambéry et Newark – à cause de leur très mauvais était de conservation. Par ailleurs, nous avons voulu traiter dans la mesure du possible un aspect absent des publications précédentes, hormis celles consacrées à la chapelle Brancacci, à savoir les commanditaires de Masolino et Masaccio que les auteurs, Vasari le premier, ont généralement passés sous silence ou ignorés alors qu’ils étaient des acteurs, pour bien et pour mal, de l’histoire de l’art puisque leurs choix ont conditionné le produit final, qu’il s’agisse d’un cycle de fresques ou d’un tableau d’autel.
Nous rencontrerons donc dans ces pages la riche et puissante famille Carnesecchi, commanditaire probable du Triptyque de l’église San Giovenale et commanditaire avéré du Triptyque (aujourd’hui démembré) peint par Masolino et Masaccio pour leur chapelle familiale dans l’église Santa Maria Maggiore, mais aussi le tisserand de “soies de velours” Nofri Del Brutto, dévot de sainte Anne à laquelle était dédié l’autel dans l’église Sant’Ambrogio et pour lequel fut peinte la Sainte Anne Metterza aujourd’hui aux Offices, œuvre elle aussi de collaboration. Et nous verrons comment, à travers Nofri ou peut-être inversement, les deux artistes sont arrivés au négociant Felice di Michele Brancacci, qui achetait et revendait les étoffes précieuses tissées par Nofri et fut le commanditaire plus que probable des fresques de la chapelle qui porte son nom dans l’église du Carmine. Dans l’histoire que nous avons voulu retracer, les frères carmes de Florence ont joué un rôle déterminant. Ce sont eux, vraisemblablement, qui ont commandé la Sagra aujourd’hui perdue et, après le départ de Masolino pour la Hongrie en 1425, ils ont pris Masaccio sous leur protection, le recommandant à leurs confrères de Pise qui, à leur tour, l’ont signalé au riche notaire ser Giuliano di Colino degli Scarsi, comme l’atteste l’importante commande que celui-ci passa à Masaccio : le Polyptyque de Pise, même s’il ne faut pas oublier que le notaire s’en est remis au jugement de leur prieur pour ce qui était de la réussite et de la conformité du retable.
Parmi les commanditaires du peintre du Valdarno, il y eut aussi le “maître maçon” Berto di Bartolomeo, dont Masaccio fit le portrait, ainsi que celui de son épouse, dans la Trinité peinte à fresque à Santa Maria Novella, le cardinal siennois Antonio Casini, auquel appartenait la petite Madonna del solletico ou Vierge à l’Enfant Casini aujourd’hui aux Offices, et, indirectement, le pape Martin V Colonna, ou sa famille, qui appela Masolino à Rome, lequel avait déjà travaillé dans l’église San Clemente pour le cardinal Branda Castiglione. Une
fois encore – et ce fut la dernière –, Masolino voulut à son côté ce “compagnon” plus jeune que lui et si doué. À Rome, un travail important les attendait : le Triptyque double face destiné à la chapelle de saint Jean-Baptiste dans l’église Santa Maria Maggiore, que Masaccio eut seulement le temps de commencer. “[…] l’opinion et même la certitude presque générale, écrit Vasari, sont que Masaccio aurait créé des chefs-d’œuvre encore plus importants si la mort, qui l’emporta à vingtsix ans [en réalité vingt-sept], ne nous l’avait ravi de si bonne heure.”