TOUS LES VISUELS PRESENTÉS DANS CE DOCUMENT SONT PROVISOIRES & PEUVENT NE
PAS REFLÉTER LA FINALITÉ DES PROJETS ÉDITORIAUX
Les visuels qui n’apparaissent pas sont toujours en cours de développement
• 24 x 17 cm
• 144 pages
• 150 illustrations
• 35.00€
• Broché
• ISBN FR 978-94-6230-384-3
Directeurs d’ouvrage : Maurizio Cohen, Véronique Boone, Benoît Moritz
Auteur : Eric Hennaut
Parcours d'architectes
Ce volume consacré à Antoine Pompe (1873-1980) propose de redécouvrir l’œuvre et les combats originaux d’une figure à la fois centrale et indépendante dans la naissance de l’architecture moderniste en Belgique. À la veille de la Première Guerre mondiale, sa première réalisation autonome, la clinique du docteur Van Neck à Saint-Gilles (1910), s’impose comme l’un des bâtiments belges les plus novateurs de son époque. Pendant quinze ans, il participe et sert de référence dans la plupart des manifestations de l’avant-garde architecturale, notamment dans le mouvement belge des cités-jardins. Technicien réputé, soucieux d’une pratique économique aux formes sobres et rationnelles, il refuse néanmoins de renoncer à la dimension émotive et sensuelle des bâtiments et s’éloigne de l’orientation exclusivement puriste que prend le mouvement moderne. Il poursuit alors l’élaboration solitaire d’une « architecture de la raison et du sentiment » d’une grande exigence, redécouverte à partir de la fin des années 1960’ par une génération qui s’interroge sur les fondements et les limites de la modernité. La plupart de ses réalisations, principalement consacrées à l’habitat, se situent dans la Région de Bruxelles et ses environs où elles bénéficient en partie d’un statut de protection.
Parcours d’architectes est une série de livres d’architecture bruxelloise traitant de façon monographique l’œuvre d’architectes ayant marqué le paysage bâti de Bruxelles après la première guerre mondiale. La série propose de valoriser des architectes dont le travail est moins connus d u grand public mais qui gagnent à l’être, tant leurs productions intègrent une relation intime avec Bruxelles. Chaque volume met en lumière un parcours singulier, au sens propre comme au sens figuré, dévoilant le patrimoine bâti autant que les facettes peu connues et étudiées de l’histoire urbaine de Bruxelles.
Antoine Pompe
Photographie d’époque
Projet pour les plans des deuxième (chambres) et troisième étages (salles d’opération).
Dossier d’autorisation de bâtir
VILLA VAN DINTER
Avenue des Cyclistes 35, 1150 Woluwe-Saint-Pierre 1923
Maître d’ouvrage : Édouard Van Dinter
Transformation par Pierre Cuylits (1983)
Extension par le Groupe Horizon (Michel de Visscher et Pierre du Bus de Warnaffe) (1989)
Bien qu’en partie transformée, l’habitation de l’avenue des Cyclistes réalisée pour l’agent commercial Édouard Van Dinter sur un terrain de 15 × 47 mètres offre un exemple intéressant de villa de dimensions modestes. Enfermée dans un volume presque cubique de 9 mètres de côté, elle montre une économie formelle que l’on peut rapprocher des maisons jumelées de l’avenue des Bouleaux à WatermaelBoitsfort qui datent de la même année. Exceptionnellement, Pompe fait du dispositif d’accès l’élément le plus significatif depuis la voirie. L’angle Est, à la jonction
du pignon tourné vers la rue, présente un porche-terrasse surélevé inclus dans le volume de la toiture, au fond duquel se loge la porte d’entrée. Vers la façade avant, le porche présente une baie ouverte à arc en plein cintre ; vers la façade latérale, il offre une poutre qui supporte le versant du toit. L’angle est renforcé par un contrefort oblique. La seule autre articulation de l’extérieur est un petit pignon avec une très légère saillie qui offre un jour au petit bureau surélevé jouxtant le porche. Pour le parement, l’architecte a choisi la solution peu coûteuse, presque rurale, de la brique peinte, laissant voir les ancrages des pignons. À l’origine, les principales fenêtres étaient équipés de contrevents, désormais disparus. Le rez-de-chaussée comprenait une salle à manger, une cuisine, une laverie et un refuge-bureau. À l’étage, deux mansardes étaient utilisées comme chambre et salle de bain. Dans l’axe de l’entrée cochère, se trouvait un garage, détruit en 1989. Malgré sa modestie, ce parti a semblé assez intéressant à Pompe pour en publier une belle perspective dans L’Émulation en 1924.
Photographie, vers 1970
Les sept palais célestes de
ANSELM KIEFER
La mémoire du monde
LES SEPT PALAIS CÉLESTES DE ANSELM KIEFER
La Mémoire du monde
Michaël de Saint Cheron
Anselm Kiefer est sans doute l’un des artistes les plus fascinants de notre époque, et sans doute l’un des plus complexes. Il se fit connaître dès les années 1970 avec une série intitulée Besetzungen (“Occupations”), qui souleva l’indignation face aux postures de cet artiste allemand, né en mars 1945, faisant le salut hitlérien. Mais pour lui, ce geste n’avait rien d’une provocation ; au contraire, c’était la dénonciation du silence et de l’oubli qui entouraient alors le passé de l’Allemagne nazie.
Anselm Kiefer, tout à la fois peintre, aquarelliste, sculpteur et architecte, a construit un univers artistique unique fondé sur un panthéon littéraire alliant les grands mythes, la mystique juive, de grands poètes, mais aussi la mémoire et en particulier l’Histoire de l’Europe.
Ce livre aborde Anselm Kiefer à travers les sept concepts kabbalistiques, qui le hantent et qui constituent une clé de compréhension de son œuvre. Celle-ci flirte avec la totalité, la nargue, s’en joue, autant qu’elle l’invoque. Démiurge, Anselm Kiefer fascine par les thématiques vertigineuses qu’il peint, bâtit, rêve, autant que par ses formats imposants. Disons-le, il fascine autant qu’il heurte et c’est bien le sens de l’art que de heurter, d’être en dissidence avec le politiquement correct.
Philosophe des religions, critique d’art, chercheur associé au centre Histara (), Michaël de Saint Cheron s’interroge sur la place de l’art dans la pensée moderne et contemporaine. Il est notamment l’auteur, avec Matthieu Séguéla, de Soulages. D’une rive à l’autre (Actes Sud, 2023).
Repères
BIOGRAPHIE ANALYTIQUE
Points forts
• Une courte biographie introductive qui permet de situer le parcours de l’artiste.
• Un éclairage original de l’œuvre d’Anselm Kiefer qui en permet une nouvelle lecture.
• Dans la même collection que Soulages. D’une rive à l’autre, également écrit par Michaël de Saint Cheron et vendu à plus de 3 500 exemplaires depuis parution.
• Une des fondations Anselm Kiefer est située wà Barjac (30) : https://eschaton-foundation.com/fr/
Prologue
KIEFER, UN ARTISTE PROVOCATEUR OU RÉVÉLATEUR ?
21 1 . KIEFER EN DIALOGUE
1. Béréshit – Au commencement. Monumenta, le dialogue avec Boltanski, la photographie
2. La Shekhina ou la Femme dans l’art de Kiefer
3. Tsimtsoum ou la présence de Paul Celan et d’Ingeborg Bachmann
4. Ein Sof ou l’irréductible dialogue avec la tradition juive et la Kabbale
77 2. ANSELM KIEFER ET L’HISTOIRE
1. Chevirat Ha-Kelim ou la leçon du désastre
2. Tiqoun olam. Comment sauver le Livre brûlé ?
3. Merkaba ou la mémoire de l’humanité
4. Épilogue en guise de commencement. Am Anfang. Béréshit
112 Repères biographiques
115 Glossaire
116 Index des noms propres et des lieux
118 Du même auteur
121 Remerciements
PROLOGUE
KIEFER, UN ARTISTE PROVOCATEUR OU RÉVÉLATEUR ?
“Le problème de l’histoire devient vraiment absolument fondamental ; une des raisons pour lesquelles l’art m’intéresse tellement, c’est précisément sa puissance de destruction de l’histoire.” André Malraux1
Anselm Kiefer est sans doute l’un des artistes les plus fascinants de ce début du xxie siècle. Son œuvre flirte avec la totalité, la nargue, s’en joue, autant qu’elle l’invoque. Démiurge, Kiefer fascine par les thématiques vertigineuses qu’il peint, bâtit, rêve, autant que par ses formats, qui appellent des hangars, des cathédrales, des musées, mais non des appartements privés. Disons-le, il fascine autant qu’il heurte et c’est bien le sens de l’art que d’être en dissidence, à rebours du “politiquement correct”.
J’ai choisi d’emprunter une ligne de crête particulièrement délicate pour tenter d’apporter un nouveau regard sur l’art et la personnalité d’Anselm Kiefer, en adoptant les sept degrés ou concepts kabbalistiques qui le hantent depuis au moins quatre décennies. Ce chiffre 7 rappelle non seulement les sept jours de la Création mais aussi ou surtout les sept palais célestes, dont l’artiste a lu le récit dans le Sefer Hekhalot, livre des sanctuaires (ou des temples) célestes. Nos sept chapitres adoptés sont donc : Béréshit au commencement, Shekhina (ou Chekhina
qui se prononce “Sherhina”), la présence féminine d’un Dieu absent du monde, Tsimtsoum, le retrait ou la contraction de Dieu, Ein Sof “en tant que cause première infinie”, selon l’historien de la Kabbale Gershom Scholem2, le “Sans limite”, et enfin les trois derniers principes qui sont Chevirat Ha-Kelim ou “brisure des vases”, qui fit l’objet d’une exposition charnière à la Salpêtrière en 2000. Après la brisure des vases vient Tiqoun, la réparation de ce qui peut être réparé après la destruction infinie des guerres, tandis que le septième principe kieférien se trouve dans Merkaba, le char de feu qui emporta Hénoch, Élie, Ézéchiel, pour le voyage sans retour dans les Hekhalot (se prononce “Erhalot”), les sept palais célestes. Nous resterons sur ces sept concepts ou images, dont plusieurs constituent des sephiroth dans la pensée kabbalistique d’Isaac Louria, c’est-à-dire des “attributs” divins avec leur force d’“émanation”. Kabbala קיבל en hébreu, signifie “mystique”, mais à l’origine, rappelle Scholem on nommait ainsi les livres hébraïques extérieurs au Pentateuque.
8 9
Der gestirnte Himmel über uns und das moralische Gesetz in uns [Le ciel étoilé au-dessus de nous et la loi morale en nous], 1969-2009, gouache sur papier, 58,9 × 83,9 cm.
1. Roger Stéphane, André Malraux, entretiens et précisions Gallimard, 1982, p. 102.
2. Gershom Scholem, La Kabbale, Gallimard, “Folio essais”, 2003, p. 166.
2. La Shekhina ou la Femme dans l’art de Kiefer
Dans la tradition juive la Shekhina1 (ou Chekhina), שכינה, est à la fois présence féminine du divin et “inhabitation de Dieu dans le monde” pour reprendre la parole habitée de Franz Rosenzweig, qui confère à la notion sa part de souffrance et d’exil. Dans la Kabbale, la Shekhina désigne la dixième séphirah, émanation mystique du divin, qui contient une dimension érotique, nuptiale, entre Dieu et son peuple mais aussi entre l’homme et la femme. Dans le Sefer Ha-Bahir (Livre de la clarté), livre originel de la tradition kabbalistique, elle est vue sous les espèces de la filiation, de la maternité. Les liens entre la Shekhina et les sephiroth ont donc une visée d’amour, d’alliance.
Dans l’œuvre de Kiefer, la Femme – die Frau – est partout présente, elle est même omniprésente. Deux cycles sont essentiels : “Auguste Rodin : Les cathédrales de France” et “Pour Jean-Noël Vuarnet – Extases féminines”. La dernière présentation à Paris de cette dernière suite d’aquarelles date de début 2024, dans une galerie parisienne2 . Le philosophe et écrivain Jean-Noël Vuarnet (1945-1996) consacra un livre aux Extases féminines3 en 1991. Les peintures retenues par Vuarnet le sont parmi les extases de
la Renaissance ou du baroque, depuis l’extase narrative ou romanesque d’Angèle de Foligno. Kiefer fait sienne l’analyse de Vuarnet selon laquelle “la véritable mystique est fondamentalement femme : féminité des grandes extatiques. […] les mystiques […] sont une revanche ou une apothéose de la féminité4”. Ils partagent l’un et l’autre la même fascination pour “la représentation de l’extase des femmes” et l’idée d’un Dieu le Père qui serait “Dieu la Mère”, comme cela transparaît si souvent dans la mystique juive dès les prophètes d’Israël, comme Isaïe. L’autre approche que les deux hommes partageaient est que “la parole mystique ouvre sinon sur la jouissance infinie, du moins sur un paroxysme, une jouissance pensable ou pensée comme supérieure à celle du sexe5”.
Anselm Kiefer créa donc une série d’aquarelles “Pour Jean-Noël Vuarnet – Extases féminines”, proposant sa vision propre de ces extases. Sur ses aquarelles, Kiefer représente les femmes dans des positions souvent fort érotiques, jambes ouvertes, se caressant, à cheval sur un arbre mort ou encore debout sous une pluie d’or, cherchant chaque fois à privilégier l’extase comme élévation du corps et de l’âme. Puis il travaille par collage comme les peintres de retables. Il donne parfois des noms de saintes à ses œuvres, mais également d’autres noms : Sainte Catherine de Ricci. Pour JeanNoël Vuarnet, Sainte Hildegarde Solaris, Für Adalbert Stifter Waldsteig, Aurora, Sémélé, Brünhild, ou la nymphe Daphné… Il cite
1. Chekhina ou Shekhina se prononce “she[r]ina” ou plus précisément le kh le caf hébraïque, se prononce comme la espagnole ou le ch allemand.
2. Galerie White Cube, avenue Matignon, 24 janvier-2 mars 2024.
Demeure une question : quelle association existe-t-il entre la femme et la cathédrale, outre les consécrations, majoritairement à Notre-Dame mais pas uniquement ?
Quasiment chacune des cathédrales de l’artiste germano-français est soit surplombée par une femme, soit contiguë à elle. Une femme nue et non Jésus crucifié, ni le Christ en majesté, ni la Vierge Marie. Une femme nue, ouverte, dominante, ou simplement gardienne du temple, chevauchant tours, frontons, nefs, de quelque cathédrale imaginaire, plus proche de Chartres ou de la cathédrale de Cologne que de Notre-Dame de Paris. Sur d’autres toiles, nous l’avons dit, la Femme est en position de yogi ou encore coalescente avec un pilier. La Femme ne faisant qu’un avec l’arc et les rayons de l’orbe solaire. La Femme est ici vue, peinte, chantée comme incarnant la Cathédrale, celle-ci faisant corps avec le corps de la Femme. La Shekhina, comme l’image de la Femme, est partout présente dans l’œuvre de Kiefer, au point que nous pouvons nous demander s’il n’y a pas deux cathédrales pour lui : d’un côté, ses Sept Palais célestes, où l’on ferait entrer ses toiles les plus précieuses, ses livres, et de l’autre, la Femme dans sa grandeur solaire, celle du mythe et de l’histoire : ses Extases féminines (Die Frauen der Antike), Les Femmes de l’Antiquité, les Femmes de la Révolution, les Femmes poétesses et écrivaines, de Lilith à Ingeborg Bachmann
Dans sa conclusion à sa Leçon inaugurale du 2 décembre 2010 au Collège de France, Anselm Kiefer disait, évoquant le cimetière Saint-Marx, à Vienne : “Tel le gardien de Saint-Marx, j’attends le son de la cloche pour délivrer mes tableaux du coma1.” N’est-
1. Anselm Kiefer, L’art survivra à ses ruines op. cit., p. 30.
ce pas pour cela qu’une femme nue tire la cloche d’une cathédrale, dans ses aquarelles, pour mieux délivrer ses tableaux et lui-même du coma ?
Que ces femmes érotiques ne fassent pas oublier les sculptures de Femmes martyres qui furent exposées sur le toitterrasse du couvent de La Tourette, de Le Corbusier, lors de l’exposition que les dominicains et en particulier le père Marc Chauveau consacrèrent à Anselm Kiefer, à l’automne 2019… Il s’agit de deux saintes catholiques : Agathe et Apolline, qui portent les instruments de leur supplice. La troisième statue est une évocation de Marie sous les traits d’une Virgo purissima (2018), avec le symbole du serpent, pour l’opposer à Ève, חַוָּה (‘hava), qui est aussi nommée, dans la tradition juive, mère de “tous les vivants”
כָּל-חָי (kol chai) mais surtout אִשָּׁה (isha), la Femme (Genèse, II, 23). Le nom d’Anselm Kiefer est inscrit dans la mémoire artistique de La Tourette depuis 19992 . Le peintresculpteur opte ici pour le blanc comme couleur du martyre, le blanc virginal, le blanc nuptial. Les trois sculptures sont en résine et métal. Seule la Virgo purissima est aussi composée de plomb. L’une des particularités du plomb est qu’il devient blanc, friable dans sa corrosion active. Par ailleurs, c’est un poison…
2. Marc Chauveau, Anselm Kiefer à La Tourette Bernard Chauveau/ordre des Prêcheurs – Province de France, 2019, comprend à la fois une préface du frère Marc Chauveau et d’Anselm Kiefer, Journal, Ronchamp-La Tourette, septembre 1966.
, 2018, résine et métal, 130 × 145 × 145 cm ; hl. Agathe, 2018, résine et métal, 145 × 125 × 172 cm.
Femmes martyres 2018, au couvent de La Tourette (Le Corbusier) : Ave Maria Virgo purissima 2018, résine, plomb et métal, 131 × 130 × 133 cm ; hl. Apollonia
4. Ein Sof ou l’irréductible dialogue avec la tradition juive et la Kabbale
Après les notions fondamentales de Béréshit, le commencement, de Shekhina, la présence féminine du divin, de Tsimtsoum, le retrait de Dieu, nous abordons celle de l’Ein Sof, אין סוף le “Sans limite”, l’un des termes kabbalistiques les plus fréquemment cités par Anselm Kiefer.
Rares sont les peintures sur lesquelles Anselm Kiefer inscrit des mots hébreux.
Celle-ci titrée Ein Sof cite cinq notions majeures de la Kabbale. Le premier à droite est le monde supérieur : Olam atzilout, le “monde de l’émanation”, c’est-à-dire de la pensée divine, suivi de Bériah (ou Briah), la “Création”, puis du principe de l’Ein Sof ‘or, la “lumière infinie” ; dessous viennent le Séfer
Yetsirah, Livre de la formation, symbolisé par le monde des anges, enfin le cinquième monde, Malkhout assiah, correspondant au monde (ou royaume) physique, celui de la manifestation. Entre atzilout et Bériah, les lumières se sont heurtées et se sont obscurcies par une sorte de voile, associé à l’échelle omniprésente chez Kiefer, paradigme de celle de Jacob, échelle séphirotique, échelle kieférienne, peu importe !
Je voudrais relire Kiefer, à partir de ces quatre mondes séphirotiques, à l’aune de ce que j’écrivais récemment en guise de préface au livre de Youssef Ishaghpour, Rothko. Une absence d’image : lumière de la couleur, comme si je l’avais écrit pour Kiefer. Il est indéniable qu’entre le peintre américain déjudaïsé mais profondément mystique, d’origine russe, et le peintre allemand d’origine catholique, vivant en France, lui aussi imprégné de transcendance et de spiritualité, existe un lien, paradoxal peut-être, que nous avons voulu explorer. Et c’est par l’épiphanie du voile que j’entrevois ce lien.
1.
“Rien n’est caché par, ou sous, le voile. Il ne s’agit pas de l’image, « niée », de l’invisible, mais de la projection de l’expérience humaine de la limite : le tableau ne renvoyant pas au-delà – l’ailleurs absolu ou derrière le voile – mais ici-bas, à celui qui le regarde, submergé par sa lumière.” Comme s’il n’y avait pas à chercher dans la peinture un audelà – “l’ailleurs absolu ou derrière le voile” –car le chant propre à chaque grande œuvre, sa mélodie consubstantielle, mais aussi “la mélancolie et l’angoisse de la finitude”, que rend sonores l’harmonie des couleurs ou des vibrations de lumière, “se métamorphosent en ferveur”, écrit Ishaghpour, unissant deux idées, deux images qui s’opposent ou s’affrontent en permanence comme dans la figure grammaticale de l’oxymoron, ici : angoisse et ferveur. Rothko construit ses œuvres sur l’opposition de ces deux contraires. Que cache le voile de la peinture ?
D’emblée, Ishaghpour nous fait toucher “l’épiphanie visible de la lumière qui n’est pas avant les couleurs, mais en elles1”.
Ein Sof, 2020-2022, émulsion, huile, acrylique, gomme laque, feuille d’or, sédiment d’électrolyse, métal et bois sur toile, 760 × 840 cm.
Youssef Ishaghpour, Rothko. Une absence d’image : lumière de la couleur Éditions du Canoë, 2023, p. 11.
20 Jahre Einsamkeit, 1971-1991 (20 ans de solitude, 1971-1991), 1971-1991, bois, plomb,
1.
exprime ses pensées dans un livre vraiment bien écrit. Tant qu’il y aura encore quelqu’un qui exprimera ses pensées dans un vrai livre1.”
Quoi de plus étrange que ce livre, où l’on voit un dessin d’un préservatif, et où l’on trouve plus de quatre-vingts pages vides. Sur les dernières pages, Kiefer a noté “Die Ungeborenen ” (Les non-nés…) pour marquer que le plaisir personnel, l’onanisme, ou le plaisir n’était porteur d’aucune promesse de vie. Les dernières phrases du livre tombent :
“Si le nombre de pages blanches diminue, la taille du livre augmente-t-elle ? Quand une chose diminue, une autre chose augmente toujours sauf la lune… Car il n’était pas possible de laisser les 63 pages vierges. Le livre devrait au moins se terminer par des fins lointaines.” Le mot vorbei, “fini”, y est aussi écrit une dizaine de fois : “Alles vorbei ist aber vorbei. Millionen von Möglichkeiten vorbei [Tout est fini, mais c’est fini. Des millions de possibilités disparues.]”
Notre cheminement vers la portée universelle de l’œuvre de Kiefer passe par la traversée de ses labyrinthes, qu’ils soient ceux de Barjac de Croissy, de ses expositions, de ses livres. Barjac comprend aussi des serres à lotus et tournesols géants du Japon. À Croissy, nous parcourons ses salles d’exposition avec leurs armoires pleines de livres usuels ou de boîtes
remplies de milliers d’objets et de plantes ; des tables où sont savamment agencés des livres uniques ouverts, des in-folios, des panneaux où sont accrochées des centaines de photos de toutes sortes, photographies de tableaux, de nus féminins, de lieux et de paysages. Le tout nous offre la vision d’un monde unique, d’un monde en soi, celui d’Anselm Kiefer.
On comprend que certains visiteurs privilégiés de ces lieux comme Vincenzo Trione2, Christoph Ransmayr, Daniel Arasse, Youssef Ishaghpour et d’autres leur aient consacré des livres ou des chapitres entiers.
Qui a un peu fréquenté les ateliers d’artistes n’a encore rien vu s’il ne s’est pas perdu physiquement et intellectuellement dans les arcanes du monde kieférien, qui lie et relie l’alchimie et la Kabbale, le monde chtonien des profondeurs et celui des Sept Palais célestes celui des Fleurs du mal et celui du Dormeur du Val, celui qui conjugue la Fugue de la mort et les Cathédrales de France
Traduction de l’auteur de 20 Jahre Einsamkeit (20 ans de solitude)
PLAN MÉDIA
COMMUNICATION NUMÉRIQUE
•Posts sur les réseaux sociaux.
•Vidéo de l’auteur.
INSERTIONS PUBLICITAIRES
COMMUNICATION PRESSE, TV & RADIO
Presse d’art : Connaissance des arts – L’Œil – Beaux Arts magazine – The Art Newspaper – Art
absolument – Art Press – Artension
Presse généraliste : Le Figaro – Le Monde – La Croix – L’Obs – Les Échos – Télérama
Radio : France Culture – RFI
DE SAINT CHERON - Les Sept Palais célestes de
Anselm Kiefer
Les sept palais célestes de
ANSELM KIEFER
La mémoire du monde
CAHIER DE RÉSIDENCE 12 : LINDA SANCHEZ
Linda Sanchez
Gaël Charbau
ouvrage bilingue français / anglais
coédition actes sud/fondation d’entreprise hermès
gencode : 9782330197681
janvier 2025
prix provisoire : 10 €
Attentive à agir en amont dans le soutien à la création contemporaine, la Fondation d’entreprise Hermès a mis en place en 2010 des cycles de résidences d’artistes au sein des manufactures de la maison Hermès. Aux côtés des artisans qui les initient à leurs gestes et savoir-faire, les plasticiens sont invités à concevoir des pièces originales dans des matières d’exception : soie, argent, cristal ou encore cuir. Véritables cartes blanches, ces résidences visent à stimuler l’imaginaire des artistes en leur permettant d’expérimenter de nouvelles modalités de production. Issues d’un dialogue fructueux entre art et artisanat, les œuvres sont réalisées en double exemplaire : le premier devient la propriété de l’artiste, tandis que le second est conservé par la fondation, disponible pour les présentations auprès du public. En 2024, la Fondation d’entreprise Hermès a confié le parrainage de son programme de résidences d’artistes au commissaire d’exposition Gaël Charbau. Ce dernier a ainsi accompagné la plasticienne Linda Sanchez en résidence au sein de la cristallerie Saint-Louis, à Pierre-Bénite.
Linda Sanchez construit des principes de prises, d’enregistrement, de capture, entre sculpture et installation, dessin et vidéo. De l’horizontalité d’un plan d’eau à la trajectoire d’une chute, de la liquidité du sable à l’élasticité d’un liant, elle observe des phénomènes existants, les déplace, ajuste leur échelle, leur corrélation, leur durée. Des notions de hasard et d’ordre, de figures de chute, d’écriture du temps ; les œuvres fixent le mouvement dans la matière, l’écrivent, le mesurent ou le transcrivent. Procédés, opérations, mécaniques et systèmes sont autant de modes de fabrication qui trouvent leur équivalence dans le langage de l’artiste. Un rapport à l’énonciation qui sous-tend, comme un script, un rapport non autoritaire au matériau en mouvement.
Linda Sanchez est issue de l’école d’art d’Annecy en 2006. Elle a mené plusieurs projets de collaboration avec des écrivains, chercheurs et artistes (14628.jpg, avec Philippe Vasset, Adera, 2013) et participe à plusieurs laboratoires de recherche (rencontre avec Tim Ingold à l’école des Beaux-arts de Paris en 2014, participation au laboratoire Espace Cerveau à l’iac de Villeurbanne). Elle a exposé en France et à l’étranger. Elle est lauréate du prix Rendez-vous en 2008, du prix Bullukian en 2014, de la bourse Révélations Emerige en 2017 et du prix Découverte des Amis du Palais de Tokyo en 2018. Depuis 2018, elle est représentée par la galerie Papillon à Paris. Ses œuvres font notamment partie des collections du Centre national des arts plastiques, Frac Paca et Frac Auvergne.
Repères
Points forts
• Unis dans un même projet, jeunes artistes et artisans travaillent ensemble dans un esprit d’ouverture et de partage des connaissances.
• En donnant accès à des matériaux d’exception, des textures inhabituelles et des techniques ancestrales, les résidences d’artistes Hermès permettent à de jeunes artistes de réaliser une œuvre inédite dans leur production artistique et leur ouvrent de nouvelles perspectives dans le développement de leur travail.
Il s’agit d’une biographie de Letizia Battaglia (1935-2022), photojournaliste italienne, connue pour son travail sur la Cosa nostra au cours des années de plomb (1960-1980). La photographe raconte à son amie journaliste, Sabrina Pisu, sa vie intime, professionnelle et artistique, mais aussi la violence du patriarcat de cette époque. C’est en autodidacte qu’elle découvre la photographie au journal L’Ora, un quotidien palermitain communiste. En 1985, elle gagne le prix de photojournalisme Eugène Smith : c’est le début d’une reconnaissance internationale. Elle s’engage dans la politique et l’écologie pour changer la vie quotidienne des citoyens malgré une certaine désillusion. À la mort des juges Falcone et Borsellino, elle décide de mettre fin à sa carrière de photoreporter et fonde les Edizioni della Battaglia, qui publient des textes et des pièces de théâtre anti-mafia.
Letizia Battaglia (1935-2022) est une journaliste et photographe sicilienne. Elle s’est fait connaître avec son travail photographique et journalistique sur la mafia sicilienne, la Cosa nostra.
Sabrina Pisu est une écrivaine et journaliste indépendante italienne. Elle a reçu d’importants prix de journalisme, notamment le prix Giustolisi Justice et vérité pour le journalisme d’investigation (2020) et le prix international de journalisme Cristiana Matano (2021), parrainé par le Parlement européen.
UN ENGAGEMENT
PHOTOGRAPHIQUE ET POLITIQUE
CONTRE LA MAFIA SICILIENNE
Repères
Points forts
• L’histoire de Letizia Battaglia a été portée à l’écran en 2022, dans le film Shooting the Mafia, de Kim Longinotto.
De Dom Juan, Carmen n’a pas le sexe, mais l’aura. Comme le personnage de Tirso de Molina, transformé en mythe littéraire grâce à la réécriture de Molière, Carmen compte parmi les personnages féminins dont le caractère a fini par façonner et imposer un archétype de la femme fatale. Séductrice, fascinante et dangereuse, Carmen inspire des dizaines d’adaptations cinématographiques et picturales et occupe une place désormais implacable dans la culture populaire. Au milieu de ces multiples représentations, son origine a tendance à disparaître. Dans ce beau livre savant, où l’iconographie d’époque permet au lecteur de revivre visuellement la création de l’opéra de Georges Bizet en 1875, Hervé Lacombe ouvre un chemin vers la Carmen originelle. Il décrit combien l’imaginaire des Français, à cette période, se peuple d’images hispanisantes. Le tableau d’une Andalousie flamboyante et effervescente s’inscrit sur leur rétine et alimente leur orientalisme. Dans ce contexte, Carmen vient concentrer les regards, cristalliser cette vision d’une Espagne farouche. Au-delà de la polémique suscitée par une femme émancipée qui joue de ses charmes, le retentissement de Carmen tient au fait qu’elle incarne, par essence, le mystère de l’altérité.
Professeur à l’université Rennes 2 et musicologue, Hervé Lacombe est spécialiste de l’opéra français. Il a écrit une dizaine d’ouvrages, notamment Les Voies de l’opéra français au xixe siècle (Fayard, 1997), pour lequel il a reçu le prix Bernier de l’Académie des beaux-arts (1997), le prix des Muses et le prix Eugène Carrière de l’Académie française (1998). Il a également écrit une biographie de Georges Bizet et un ouvrage sur la Habanera de Carmen, tous deux publiés chez Fayard.
AUX SOURCES D’UNE ICÔNE FÉMININE
Repères
Points forts
• Une riche iconographie (100 images) qui contient tout à la fois des maquettes de décors et de costumes d’époque, des photographies de la première cantatrice, des croquis de Paul Renoir saisissant sur le vif les personnages sur scène, des dessins de presse, etc.
• Une bibliographie exhaustive sur la réception de la Carmen de Bizet.
• Actes Sud a toujours mesuré l’importance de revenir aux sources : en 1986, Hubert Nyssen publiait la nouvelle de Prosper Mérimée, Carmen, qui a inspiré Georges Bizet pour l’écriture de son livret d’opéra. Et en 2000 et 2004, Actes Sud-Papiers publie ce dernier, accompagné d’un CD.
Actualités
• 150e anniversaire de la création de la Carmen de Bizet en 2025.
• Carmen est l’opéra le plus représenté dans le monde.
• Carmen sera jouée à l’Opéra Royal de Versailles du 14 au 22 janvier 2025.
Mots clés
• Musique / opéra / ballet / Carmen / mise en scène / imaginaire / populaire / Andalousie / femme / désir
n’aurait pu transmettre toute l’intensité de cette comédie mêlée de tragédie et répondre au souhait de Bizet de renouveler le genre de l’opéra-comique. Pour que les couleurs de l’Espagne et le mouvement de la vie parvinssent à transformer la scène réputée bourgeoise de l’Opéra-Comique, on sollicitât, davantage qu’on ne le faisait ordinairement, les chanteurs, les décorateurs et les costumiers. Bien que procédant de la tradition, la mise en scène fut ainsi traversée d’idées novatrices –des femmes fumant la cigarette, une héroïne se déhanchant et jouant du regard autant que de la voix, un homme tuant sur scène son ancienne maîtresse… Carmen fit donc événement aussi par son spectacle, au sens où l’entend, au xixe siècle, Arthur Pougin, quand il en donne une définition en se fondant sur sa forme superlative :
[…] c’est le côté extérieur, plastique, pittoresque, de la représentation, c’est la richesse, la splendeur, la complication de la mise en scène, c’est la beauté des décors et des costumes, le personnel nombreux, les danses brillantes, les évolutions hardies, les marches pompeuses, tout ce qui, enfin, concourt surtout au plaisir des yeux et à l’éblouissement .
Plaisir des yeux et éblouissement : nous approchons du cœur de notre propos, qui est de reconstituer les contours de ce spectacle, d’en dévoiler les dimensions collectives, matérielles et performatives, tout en cherchant à comprendre, en amont, les conditions de son élaboration, en aval, l’effet qu’il produisit dans le Paris des années 1870. C’est donc une véritable enquête qu’il nous faut mener, en partant de sources inconnues ou très incomplètement exploitées, en suivant la fabrique de l’œuvre dans son lieu de création et en resituant ce projet artistique dans son contexte. Ce faisant, nous aborderons le spectacle-Carmen comme miroir de concentration de l’imaginaire hispanique de son temps,
d’une actualité parfois brûlante. Que l’on songe à ce que l’on y découvre : la tauromachie, l’altérité, symbolisée par la bohémienne, l’expression du désir féminin, ou encore le féminicide, que l’auteur de l’affiche de la création a justement choisi de montrer (ill. 1) tant il faisait sensation et contrevenait aux usages de l’Opéra-Comique.
Mais c’est encore trop peu dire. Pour comprendre l’origine de Carmen et la résonance de sa création en 1875, il importe de ne pas se cantonner au monde du théâtre lyrique, afin de situer l’œuvre dans une histoire plus large, celle des arts. Selon ce point de vue, l’héroïne de Bizet n’est pas une figure isolée ; elle se nourrit de productions et d’expériences menées dans divers domaines – littérature, théâtre, peinture, sculpture –, elle participe d’une tradition de représentation de l’Espagne tout en bénéficiant de l’avancée des idées et en s’inscrivant dans une série de scandales, qui touchent le réalisme et la représentation des femmes. Plusieurs commentateurs de l’époque de la création établirent des comparaisons, qui nous mettent sur la piste de ce qui était alors considéré comme l’école moderne, portée par le désir de donner à voir la vie et non son idéalisation. Nous puiserons chez des peintres de la modernité, comme Manet, qui capte des scènes espagnoles saisissantes et expose le corps scandaleux avec L’Olympia ou d’autres plus académiques, qui donnent la teinte générale de l’époque ; nous emprunterons des exemples à certains artistes profondément marqués par le moment romantique, à ceux qui ont fait le voyage en Espagne, ou qui en ont rêvé. Remarquons à propos des “modernes” qu’il en va d’une génération d’artistes et d’une conjonction entre les arts. Manet est né en 1832, Paul Cézanne et Alfred Sisley en 1839, Claude Monet en 1840, Berthe Morisot en 1841… Bizet,
1. Carmen, affiche de la création par Prudent Leray, 1875.
2. Page de titre illustrée d’Une nuit d’Espagne d’Ed. Degranges, [1873].
né en 1838, et ses camarades musiciens, dont certains se réunissaient au sein de la toute nouvelle Société nationale de musique2 contribuèrent à ce tournant décisif de l’histoire des arts en France qui se dessinait dans les années 1870. Comme Bizet chamboulait l’Opéra-Comique et donnait voix à une héroïne d’un nouveau type, Manet et d’autres artistes bouleversaient le Salon et apprenaient à voir différemment. Carmen fut créé au moment où émergeait l’impressionnisme . Nous ne voulons pas dire que l’un fut influencé par l’autre, mais qu’il soufflait dans le monde des arts un besoin de renouveau et qu’il si faisait de plus en plus entendre un appel à la liberté d’expression.
Cette histoire de Carmen en images se veut une immersion dans la culture visuelle de son temps4. La société parisienne du xix siècle était animée d’une
3. Page de titre illustrée des Échos d›Espagne [1872].
véritable pulsion scopique. Le monde pouvait sembler “un inépuisable réservoir d’images et de tableaux pour l’œil5”, ce que Baudelaire, dans un de ses Salons, formulait ainsi :
Tout l’univers visible n’est qu’un magasin d’images et de signes auxquels l’imagination donnera une place et une valeur relative ; c’est une espèce de pâture que l’imagination doit digérer et transformer6
Les Parisiens étaient enveloppés par un foisonnement de productions de diverses natures : peintures, statues, diorama, spectacles en tout genre, mais aussi affiches, photographies, bibelots, presse et livres illustrés. Le remarquable essor de l’estampe, sous toutes ses
formes, amplifia le phénomène que nous évoquons et constitua, selon Baudelaire toujours, “cet immense dictionnaire de la vie moderne disséminé dans les bibliothèques, dans les cartons des amateurs et derrière les vitres des plus vulgaires boutiques ”. Associons-y enfin les partitions illustrées, réductions d’ouvrages lyriques, arrangements en tout genre, musique pour piano (ill. 2) ou mélodies, comme le recueil d’airs espagnols (ill. 3) dont Bizet possédait un exemplaire dans sa bibliothèque. L’image faisait partie intégrante du commerce de la musique depuis longtemps et particulièrement des produits dérivés de l’opéra8 Choudens, éditeur de Bizet, fit entrer Carmen, à son tour, dans ce réseau de diffusion d’images. Ainsi le toréador, la bohémienne, la posada, le cirque, les danses espagnoles, que les auteurs de Carmen réunirent dans le spectacle monté à l’Opéra-Comique, s’inscrivirent dans cette culture visuelle en perpétuel reconfiguration, avant d’en faire partie et de la marquer de leur emprunte.
Dans cet ensemble très disparate, il faut accorder une place particulière à l’institution du Salon9 qui voulait donner le la en matière de Beaux-Arts et qui offrait un panorama impressionnant de peintures, sculptures, architectures, gravures et lithographies, recensées dans un livret publié à l’occasion. Pour être sujette à de nombreuses critiques, touchant notamment les modalités du choix des œuvres exposées, cette manifestation n’en demeurait pas moins un événement culturel considérable, qui traversa le siècle. Depuis
1855, elle se déroulait au palais de l’Industrie, situé le long des Champs-Élysées. Toute la presse, y compris les revues musicales, s’en faisait l’écho dans de longues séries d’articles, dont certaines étaient écrites par de grandes plumes : Mérimée, Stendhal, Gautier, Baudelaire, Champfleury, Zola ou Banville. Excepté des moments de désaffectation de la part du public à la fin des années 1860, un grand nombre de Parisiens s’y rendaient, souvent caricaturés par Cham et Daumier, mais aussi peints par des artistes fascinés par la mise en abîme du regard et des œuvres (ill. 4). Les musiciens n’échappaient pas à ce passage obligé. Lors de son séjour à la Villa Médicis à Rome, Bizet put fréquenter
4. Camille Cabaillot-Lassalle, Le Salon de 1874, 1874.
des architectes, des graveurs, des sculpteurs et particulièrement des peintres10 dont certains devinrent des amis. De même suivait-il l’actualité lyrique et dramatique, sortant très fréquemment le soir pour assister à des premières, d’Ambroise Thomas de Giuseppe Verdi et de Jules Massenet, de Ludovic Halévy, d’Alexandre Dumas fils ou de Victorien Sardou....
Les peintres-décorateurs puisait dans la culture visuelle, qu’ils contribuaient à enrichir, pour imaginer un spectacle, tandis que le public pouvait superposer aux décors et costumes qu’il découvrait sur scène le souvenir de ce fond commun d’images. Et ce d’autant plus que “l’action scénique se confondait régulièrement avec la peinture lorsque les artistes en scène « faisaient tableau » c’est-à-dire s’immobilisaient dans une pose expressive11”. La culture visuelle trouvait une source ou un prolongement dans la presse, le roman, la poésie, les guides de voyage. Elle était indissociable de ces formes littéraires, conditionnées par les lieux communs, les préjugés et les mentalités et où dominait bien souvent la subjectivité des auteurs et les pré-pensés du temps.
“Le récit, constate Andreas Wetzel, refait le monde à l’image de la culture qui en commande la production et l’offre à sa consommation12.” Si notre sujet n’est pas l’Espagne littéraire, celle de Mérimée ou de Hugo par exemple, il importe de rappeler que le foisonnement d’images que nous venons d’évoquer se doublait d’un foisonnement de textes où fleurissaient des descriptions et des scènes qui nourrissaient l’imaginaire collectif. Le voyage en Espagne devint un genre en soi13 ; celui de Théophile Gautier (1811-1872) un best-seller, publié dans la presse à partir de 1840, en volume dès 1843, puis régulièrement réédité, notamment en 1870, 1873 et 1875, au moment où la nouvelle de Mérimée devenait un opéra-comique. C’est aussi dans cet ensemble que les créateurs de Carmen purent puiser pour imaginer les scènes et les tableaux de leur ouvrage. Parmi les nombreux auteurs que nous convoquerons, Gautier, maître glorieux et juge impeccable selon Banville14,
nous servira de témoin privilégié, tant il réunit sous sa plume les mille facettes de cette culture, établie avant que Bizet ne décide de composer Carmen. Critique de spectacle parmi les plus influents, chantre de l’Espagne, commentateur admiré du Salon, Gautier fut aussi un passionné de danse15.
La culture visuelle se doublait de la connaissance des codes et des traditions de représentations propres à chaque art et à chaque lieu. En arrivant à l’Opéra-Comique, le public avait à l’esprit les ouvrages donnés dans cette institution qui, rappelons-le, jouait tous les jours et irriguait très largement le répertoire des théâtres de province16 Son horizon d’attente ne touchait pas seulement le livret et la musique, mais aussi les décors, les costumes, le jeu des acteurs-chanteurs et la mise en scène. La culture hispanique des Parisiens de 1870 se subdivisait donc en sous-ensembles, délimités par des conventions et des habitudes : l’Espagne du drame romantique, celle de l’opéra-comique, celle visible au Salon, etc. Le spectacle de Carmen créa la surprise et l’enchantement, car ce n’était plus l’Espagne stéréotypés et très affadie de l’Opéra-Comique que le public découvrait, mais une Espagne plus colorée, plus réaliste, plus vibrante, comme si différentes expressions artistiques avaient convergé dans cette représentation pour en amplifier l’effet. Homme de lettres, historien, critique dramatique et critique d’art, collectionneur aussi17 sensible à Zurbarán et à Goya, Paul de SaintVictor (1825-1881) trouva les mots pour en transmettre l’impression profonde :
Une louve dans la bergerie ! c’est à peu près l’effet que produit la Carmen de Mérimée, lancée sur les planches de l’Opéra-Comique. Quel contraste fait à l’Espagne anodine de M. de Saint-Georges avec ses alcades débonnaires, ses contrebandiers galants et ses amoureux bien élevés, cette Andalousie âpre et fauve, peuplée de gitanes et de trabucaires, où l’amour Prélude un spectacle d’art
donne des coups de soleil, où la jalousie donne des coups de couteau18 !
Carmen attira l’attention pour plusieurs raisons. L’Opéra, où tous les ténors étaient enrhumés, fut obligé de faire relâche. “Tout l’intérêt des huit derniers jours, pouvait écrire un chroniqueur, est donc concentré sur la première représentation de Carmen au théâtre de l’Opéra-Comique19.” Les librettistes, auteurs à succès, faisaient leurs premières armes sur la scène de la salle Favart. Considéré comme l’une des figures dominantes de la nouvelle génération de compositeurs désireux de s’affranchir des conventions et de renouveler le langage lyrique, Bizet était l’objet de toutes les attentions, de la part des détracteurs de cette “Jeune école”, comme de celle de ses partisans. Alors que les créations à l’Opéra-Comique étaient devenues plutôt rares, Carmen offrait, avec ses quatre actes, un spectacle aux dimensions exceptionnelles. La familiarité que l’on a aujourd’hui avec la partition nous empêche de saisir le tourbillon de sensations, de sons et d’images que représenta son exécution et sa mise en scène. Sa musique put sembler compliquée autant que finement ouvragée ; les nombreux numéros chantés et les entractes symphoniques saturèrent même l’espace mental de certains critiques. “L’opéra tout entier, confessait l’un d’entre eux, danse en notes de feu sous nos yeux20.” Le compositeur ne fut pas seul dans la bataille. Il put compter sur des collaborateurs de premier ordre et d’abord sur le directeur, Camile Du Locle (1832-1903).
Faire de l’opéra un spectacle d’art était l’une de ses préoccupations21 Il souhaitait renouveler l’institution dont il avait la charge et défendait le compositeur et ses jeunes confrères, comme Camille Saint-Saëns (18351921), Ernest Guiraud (1837-1892) et Jules Massenet (1842-1912). En 1872, il s’était impliqué personnellement pour faire de Djamileh, premier ouvrage de Bizet créé à l’Opéra-Comique, un tableau exotique raffiné (ill. 5). Il courait lui-même à la recherche d’étoffes, de meubles
ou de costumes, poussé par un amour de l’exactitude qui étonna le librettiste, Louis Gallet (1835-1898)22
Tandis que le public découvrait au lever de rideau le décor réalisé dans le goût hispano-mauresque, Du Locle avait imaginé faire passer l’héroïne dans sa frissonnante parure de sequins d’or, muette comme une apparition, déposant un baiser sur la main de son amant endormi avant de disparaître. L’interprète, Aline Prelly (1840-1905), réputée pour sa beauté, provoqua un murmure d’admiration dans la salle (ill. 6) Hélas, il n’en alla pas de même dès qu’elle se mit à chanter. En 1874, sur la même scène, Charles Lenepveu (18401910) avait fait appel à son ami, le peintre CarolusDuran (1837-1917), que Bizet devait connaître23 pour lui demander de réaliser un tableau, principal accessoire de l’intrigue de son opéra-comique, Le Florentin. Les spectateurs purent admirer une toile de deux mètres de hauteur représentant un Hébé debout sur un aigle en plein vol (ill. 7) que Pierre-Auguste Lamy (1827-1883) ne manqua pas d’intégrer à l’affiche de la création24 C’est selon cette perspective d’un théâtre lyrique artiste, offrant au public une composition visuelle exceptionnelle, que l’ouvrage de Bizet doit être resitué. “Dans Carmen releva un chroniqueur du Figaro les costumes des dragons sont tout bonnement de Detaille. Quand on pense que le moindre croquis du jeune peintre déjà célèbre vaut des prix fous, on est bien forcé de reconnaître que M. Du Locle fait royalement les choses25.” Fait exceptionnel, trop souvent passé sous silence, plusieurs artistes de renoms insufflèrent à la mise en scène de 1875 une vérité, une fébrilité et un chatoiement dont les pages qui suivent voudraient donner l’idée la plus exacte. Outre le jeune Édouard Detaille (1848-1912), maître de la peinture militaire, Georges Clairin (18431919), peintre orientaliste, prêta lui aussi son concours ; il dessina les costumes de Carmen. D’autres artistes contribuèrent à faire de cette création un événement et perçurent la puissance esthétique de l’œuvre. Une chanteuse, Célestine Galli-Marié (1837-1905), créatrice
7. Carolus-Duran, Hébé 1874.
du rôle-titre, ressentit la première, la nature du personnage de Carmen, qu’elle contribua à façonner. Un poète, Théodore de Banville (1823-1891), comprit, mieux que tout autre critique, ce qui venait de se jouer dans ce théâtre au public d’habitués attaché aux conventions. Ennemi de la forme édulcorée et larmoyante du romantisme, il s’enthousiasma pour “l’audacieuse tentative des insurgés26”. Fait peut-être sans précédent, un jeune artiste, Paul Renouard (1845-1924), réalisa une sorte de reportage dessiné exécuté durant la représentation. Dix-huit de ses dessins illustrèrent un article paru dans L’Art le 9 mai 1875. À cette occasion, le rédacteur crut bon d’attirer l’attention du lecteur : “Ces croquis
présentent un intérêt artistique tout particulier, par suite du soin que prend M. Du Locle, en directeur intelligent, de s’adresser à l’élite de nos peintres, pour leur demander de dessiner les costumes des ouvrages nouveaux qu’il monte27.” Le dessin hachuré de Renouard, particulièrement vivant, nous donne à voir Bizet et ses librettistes (ill. 8) mais aussi et surtout, comme nous le constaterons, les principaux personnages dans un de leurs costumes et quatre scènes saisies sur le vif, correspondant aux décors des quatre actes. Partons à la recherche de cette flamboyante Carmen, telle qu’elle apparut en 1875. Tout d’abord, en passant par le théâtre où elle est née, à la fois institution
Prélude
6. Portrait de Mme Prelly en Djamileh, [1872].
5. Page de titre illustrée de Djamileh de Bizet, 1872.
8. Portraits de Bizet, Halévy et Meilhac par Paul Renouard, 1875.
(l’Opéra-Comique) et bâtiment (la deuxième salle Favart), véritable machine de production et de création, dont les particularités, les rouages, les équipes administratives, techniques et artistiques ont façonné l’œuvre. C’est bien là que tout s’est passé ; c’est là que le livret et la partition sont devenus spectacle.
À L’OPÉRA-COMIQUE
La deuxième salle Favart
Après avoir occupé différents théâtres (dont les salles Favart 1, Feydeau, Ventadour, de la Bourse), l’Opéra-Comique s’est installé salle Favart 2 à partir de 1840. Suite à l’incendie de la première salle portant ce nom, survenue dans la nuit du 14 au 15 janvier 1838, une seconde salle Favart a été construite par l’architecte Théodore Charpentier (1797-1867) sur le même emplacement, place des Italiens, renommée place Boieldieu en 1852. Cette salle allait à son tour être détruite par un incendie, le 25 mai 1887, et remplacée par une troisième salle Favart, inaugurée en 1898, toujours en activité28
Très peu de documents nous permettent d’avoir une idée précise de la deuxième salle Favart, celle que Bizet a connu. En plus de quelques rares estampes représentant la façade ou l’intérieur de la salle (ill. 9) une photographie prise en 1880 depuis la rue de Marivaux donne un peu plus de réalité au lieu (ill. 10) La véranda en fer fut ajoutée pour agrandir le foyer du public lors des travaux menés en 1879 sous la direction de l’architecte Alphonse Crépinet (1826-1892). Ces travaux, de grandes envergures, touchèrent aussi la structure intérieure et la décoration du théâtre, qui était devenu le domaine de la poussière et de la vétusté29. En 1840, l’intérieur de la salle était en forme de lyre assez arrondie et contenait 1500 places (en 1875, la jauge était de 1800 places) ; la scène mesurait 17 m de large sur 15 m de profondeur30 L’acoustique de la salle fut loin
ISRAEL GALVÁN, DANSER LE SILENCE
Une anthropologie historique de la danse flamenca [Nouvelle édition]
Corinne Frayssinet Savy
Avec Israel Galván, la danse flamenca s’engage sur le terrain de la performance conçue comme processus expérimental. Elle devient une “proposition”, une “création en acte”. Depuis 1998, avec le spectacle ¡Mira! Los zapatos rojos, le solo s’impose à Israel Galván comme une nécessité d’être devant l’héritage flamenco qu’il porte en lui. Il le ramène au fondement éthique du flamenco, una forma de ser, autrement dit un mode d’être. Défiant toute posture artistique, il s’agit d’une mise en jeu de soi à travers le geste vocal ou dansé. À l’écoute de cette pratique, Israel Galván réévalue la danse flamenca dans sa conception de numéro, élaborée à l’époque des cafés cantantes (cafés-concerts), encore présente aujourd’hui dans le cuadro flamenco (spectacle à numéros chantés, dansés et instrumentaux). Ses spectacles marquent résolument un avant et un après dans l’évolution de la création chorégraphique flamenca.
Israel Galván de los Reyes, prix national de Danse 2005, est né Séville en 1973 de parents danseurs. Son père tenait une académie à Séville et l’a initié à la danse dès sa petite enfance. En 1992, il se joint à la Compañia Andaluza de Danza dirigée par Mario Maya. Dès 1998, il s’engage dans ses propres créations. Commence alors pour lui une trajectoire peu commune qui, en peu de temps, se matérialise par l’obtention des prix les plus importants du flamenco et de la danse, dont le Premio Nacional de Danza du ministère de la Culture espagnol. Il est artiste associé au Théâtre de la Ville, à Paris.
Repères
NOUVELLE ÉDITION REVUE ET AUGMENTÉE
Points forts
• Première édition vendue 1 800 exemplaires.
• Mise à jour : ajout d’un chapitre sur les quinze dernières années, corrections et annexes (liste des créations, bibliographie sur la danse flamenca).
Actualité
• Présence de Israel Galván au festival Flamenco de Nîmes en janvier 2025.
Mots clés
• Danse / chorégraphe / flamenco / musique / Espagne
musicales fortes, Israel Galván, bailaor, Fernando Terremoto, cantaor, Alfredo Lagos, tocaor, solistes à tour de rôle. Centrée sur le chant et la guitare, la danse intervient régulièrement sous forme de propositions sans jamais mettre en scène ses entrées et ses sorties. Les ruptures esthétiques sont fondées ici sur la présence et l’eff acement. Le procédé de proposition établi par Israel Galván apporte également une conception différente de la structure chorégraphique flamenca habituelle qui alterne passages dansés accompagnés par le chant, et escobilla, passage tout en percussions de pieds. Il prend le parti de resserrer au plus près les phases dansées avec chant et les phases dansées sans chant.
A la fin du XIXe siècle, les cafés cantantes ont essaimé dans toute l’Andalousie ainsi que dans les grandes villes espagnoles Madrid, Barcelone, Bilbao… Les attractions se sont diversifiées à nouveau, sur le modèle du théâtre de variété. Une part importante est accordée à un nouveau genre, le cuplé*. Parallèlement, le répertoire de danses flamencas, trop réduit, s’est élargi à de nouveaux styles comme le garrotín et la farruca, créés par le danseur Faíco avec la complicité du guitariste flamenco Ramón Montoya, ou encore à d’autres styles comme la guajira et la bulería. José Otero constate à l’époque : “Aujourd’hui, c’est la mode de mettre la danse sur tous les chants flamencos.” (Navarro et Pablo, 2005 : 85.) Les cafés cantantes existent jusqu’en 1936, puis ils cèdent peu à peu la place aux théâtres, mieux adaptés à l’évolution de la danse flamenca.
En entrant au théâtre, la danse flamenca se mesure à un autre espace scénique et à un autre public. Sa technique évolue notamment avec de nouvelles figures, les déplacements rapides, les sauts, l’extériorisation du braceo / mouvements des bras propres au flamenco. C’est une invitation à laisser libre cours à l’imagination chorégraphique. Le théâtre et le ballet deviennent source d’inspiration portant l’esthétique
Danse soliste et danse en solo
abstraite de la danse flamenca vers une théâtralité et une forme d’expression narrative.
Cette expérience inédite est initiée avec la première version de El Amor brujo composée par Manuel de Falla et présentée en 1915 au théâtre Lara de Madrid. Il s’agit d’une Gitanerie / Gitanería en un acte et deux tableaux ; la chanteuse danseuse flamenca renommée Pastora Imperio, spécialiste également du cuplé andalou, la chanson andalouse flamenquisée, interprète le personnage central de Candelas. Manuel de Falla écrit cette œuvre comme un romance, poème épique narratif, selon les propres mots de Pastora Imperio, car elle doit danser, mais aussi chanter et réciter. (Alvarez Caballero 1998 : 184.) Ici la guitare s’est substituée à un orchestre réunissant quinze instrumentistes. Mais c’est la seconde version de El Amor brujo, une suite de concerts, qui consacre dès 1916 le compositeur. En 1925, deux nouveaux interprètes, Antonia Mercé “La Argentina” et Vicente Escudero, reprennent respectivement les rôles principaux de Candelas et Carmelo. Cette version pour grand orchestre avec mezzo-soprano dans son interprétation dansée inaugure un genre nouveau, le ballet flamenco. Antonia Mercé “La Argentina”, forte de ses compétences de chorégraphe, et de sa double formation de danseuse classique espagnole / bailarina et de danseuse flamenca / bailaora, collabore étroitement avec Manuel de Falla pendant quatre ans à la réalisation de ce projet.
El Amor brujo introduit un nouveau mode d’accompagnement musical, joué par l’orchestre. Le piano tient aussi ce rôle, comme en témoigne, en 1926, la tournée européenne d’Antonia Mercé “La Argentina” avec le pianiste compositeur Joaquín Nin. El Amor brujo signe encore une autre influence, celle de l’ouverture du spectacle flamenco à la musique écrite européenne, elle-même curieuse des audaces sonores et harmoniques du flamenco. Les Ballets Russes confortent en 1919 cet engouement pour le ballet d’inspiration espagnole avec Le Tricorne, chorégraphié par
Léonide Massine sur une musique de Manuel de Falla avec les décors et costumes réalisés par Pablo Picasso. En 1920, les Ballets Suédois en donnent une autre interprétation avec Iberia, chorégraphié par Jean Börlin, sur trois pièces de l’œuvre éponyme d’Isaac Albéniz, orchestrée par Désiré Emile Inghelbrecht, avec les costumes et décors de Théophile Alexandre Steinlen. Dans cette même décennie des années 1920, Antonia Mercé “La Argentina”, auréolée d’une réputation internationale, présente un spectacle au Théâtre Femina à Paris du 18 juin au 12 juillet 1928 avec ses “Ballets Espagnols”, première compagnie de danse espagnole qu’elle dirige. Elle pose le premier jalon concernant l’histoire du ballet espagnol et par conséquent du ballet flamenco. Il existe cependant un précédent en 1924, avec Vicente Escudero au théâtre Fortuny à Paris.
Antonia Mercé “La Argentina” chorégraphie et interprète des pièces de compositeurs espagnols pour l’essentiel modernes. Dans ses prog rammes, elle propose parfois quelques danses flamencas, tangos, alegrías, farruca, garrotín, soleares… Pour sa part, Vicente Escudero codifie une stylistique de la danse flamenca, et l’applique à l’interprétation d’œuvres espagnoles, initiant “l’art de la chorégraphie flamenca”. (Martínez de la Peña 1970 : 37.)
Leur contemporaine Encarnación López “La Argentinita” développe dans sa propre compagnie de danse des scènes mixtes de chants et danses flamencas, de chansons populaires anciennes. Sa sœur, Pilar López, élargit le répertoire de musique nationale espagnole à des œuvres étrangères d’inspiration espagnole. Elle contribue à l’interprétation dansée de chants flamencos dédiés jusque-là à l’écoute. Les compagnies se multiplient dès lors pour répondre à la forte demande du public, friand de répertoires variés.
Israel Galván réévalue cet héritage musical issu du contact du flamenco avec les univers du théâtre et du ballet.
Il multiplie, dans ses créations, les références musicales variées du moment qu’elles servent une narration resserrée
à un argument plus proche d’une idée que des ressorts d’une intrigue, du moment qu’elles apportent une énergie, une dimension poétique complémentaire au flamenco.
C’est le cas depuis le premier spectacle qu’il chorégraphie et danse, ¡ Mira ! Los zapatos rojos (1998) ; aux côtés de la soleá trianera “El día del terremoto”, interprétée par Pepe de la Matrona, et du fandango de Huelva, transposé au xylophone, se trouvent entre autres España d’Erik Satie, Petrouchka d’Igor Stravinsky, ou encore Ole de John Coltrane. (Navarro 2006 : 289.) Depuis dix ans, Israel Galván s’essaie à plaisir à cette polysémie musicale atteignant une grande subtilité dans El Final de este estado de cosas, redux, à travers l’articulation de différents registres musicaux. La diversité stylistique flamenca se manifeste dans le choix des artistes. Inés Bacán apporte le flamenco familial. Juan José Amador représente la tradition vocale sévillane aguerrie à la scène, éprise d’imagination mélodique. Bobote témoigne de la richesse inouïe du compás*, servie par son sens subtil de l’ellipse. José Carrasco la traduit par la palette sonore de ses percussions. Son jeu atteint une virtuosité étourdissante lorsqu’il utilise le cercueil comme cajón*. Le son rugueux du violon d’Eloisa Sánchez, dans son interprétation des verdiales de Malaga, participe de cette diversité musicale. L’adaptation d’un thème de Jean-Sébastien Bach par Alfredo Lagos, les arrangements d’une danse populaire basque par Proyecto Lorca5, les compositions de Pedro G. Romero6 en sont d’autres facettes.
Par cette conception polystylistique, la musique devient un personnage à part entière, elle forme ce duo qui semble si cher à Israel Galván. Elle tient lieu de fil conducteur, de nœuds dramatiques. Elle lui permet de libérer le spectacle flamenco de toute structure à numéro ou de toute construction narrative en tableaux successifs. Avec Israel Galván, le spectacle se construit comme une composition organisée en phases, écrin idéal à la danse soliste.
Danse soliste et danse en solo
Danser seul
La danse flamenca est fondée sur l’expression soliste. Dans le flamenco familial, l’intervention brève est prisée, particulièrement dans la bulería ; elle comprend trois parties : l’attaque, la llamada*, ou appel signalant un changement, et la sortie de l’espace de danse situé à l’intérieur du cercle formé par l’assistance participant par le chant et les palmas. Dans le flamenco professionnel, la danse, devenue une discipline à part entière, comporte une structure de base en plusieurs parties : l’entrée en scène, dite la - salida ; les - letras*, partie de la danse exécutée sur le chant ; la - falseta*, partie de la danse exécutée sur l’accompagnement guitaristique privilégiant ici les variations mélodiques instrumentales dites falsetas ; dans la danse / baile por alegrías, la guitare se tait, il s’agit alors du silencio / le silence ; le - zapateado ou l’escobilla, développement de plusieurs séries de zapateados ; le - remate, partie finale ou coda de la danse.
A partir de cette structure relativement ouverte, le danseur flamenco élabore un montage de figures et de pas, afin de mettre en valeur ses qualités d’interprète, ses combinaisons personnelles, plus rarement ses propres inventions, voire parfois sa capacité à improviser. Le ballet flamenco fait évoluer ce processus de montage vers celui de la chorégraphie. La danse soliste devient un des modes d’expression au côté du duo, du trio et du corps de ballet. Le ballet flamenco met un terme à toute interaction entre danse et musique, fondement du langage flamenco, en créant une hiérarchie. La musique sert la danse, à l’image du toque / jeu instrumental guitaristique pour le chant flamenco professionnel. Cet état des choses s’inscrit au fil du temps dans la performance de la danse flamenca, de plus en plus complexe techniquement. Aujourd’hui Israel Galván le rompt en restaurant un dialogue entre danse et
Elijah Wald DYLAN ÉLECTRIQUE
Newport 1965, du folk au rock, histoire
d’un coup d’état
Traduit de l’anglais (États−Unis) par Emilien Bernard Rouge
LE LIVRE
2 janvier 2025
11 × 17 cm
384 pages 9,80 €
ISBN :
Le 25 juillet 1965, lorsqu’il grimpe sur la scène du festival de Newport, Bob Dylan est encore pour bon nombre de ses fans un chanteur de folk songs dans la tradition de ses aînés, Pete Seeger en tête. Armé d’une Fender Stratocaster, entouré d’un groupe lourdement amplifié (où l’on retrouve Michæl Bloomfield et Al Kooper), le jeune homme va secouer, sur l’air de « Maggie Farm » ou de « Like A Rolling Stone », un public de puristes. Rien ne sera plus comme avant. Alors que l’opposition à la guerre du Vietnam fait rage, que des émeutes sont sur le point d’éclater à Watts, et que San Francisco vit ses premiers acid tests, ce concert très électrique de Dylan à Newport marque la fin du folk boom, l’arrivée d’un rock mature, chargé de gravité et de poésie, le triomphe de la contre-culture, et le sacre d’un artiste unique en son genre.
L’AUTEUR
Dans ce livre extrêmement documenté, Elijah Wald retrace les premières années de la carrière de Dylan, émaillée de quelques uns de ses plus grands titres (« Blowing’ In The Wind », « A Hard Rain’s gonna Fall », « Girl From The North Country », « Don’t Think Twice... »), raconte en détails le véritable coup d’état de Newport, qui allait à jamais changer la face du rock, et le replace dans un contexte politique, culturel et historique où... « les temps étaient en train de changer ».
«Le zeitgeist crépitait autour de lui comme de l’électricité. C’était mon héros existentiel, le Rimbaud dégingandé du rock […], portant des lunettes de soleil à la Phil Spector et une auréole de cheveux, exsudant l’ironie. »
Marianne Faithfull
Écrivain, mais aussi musicien, Elijah Wald est l’auteur de nombreux ouvrages importants sur la musique populaire américaine, (dont un formidable ouvrage sur le Delta blues de Robert Johnson), et un expert du folk revival.
Un autre de ses ouvrages, The Mayor of MacDouglas Street, a été adapté en 2013 au cinéma par les frères Cœn, sous le titre Inside Llewyn Davis..
POINTS FORTS
• Un artiste légendaire, prix Nobel de littérature 2016.
• Un livre très documenté le Dylan des Sixties et sur un épisode crucial de sa carrière, de l’histoire du rock, et même de l’histoire de la contre-culture toute entière.
PRESSE
• « Un gros travail d’érudition, plein de finesse. Un des meilleurs livres de musique que j’ai lu. » The Gardian
• « Une vieille histoire vue avec des yeux neufs. » The New York Times
• « Une contribution majeure à l’histoire de la musique moderne. » Booklist
ACTUALITÉ
• Sortie très attendue le 29 janvier 2025 de Un parfait inconnu, du réalisateur James Mangold (Copland, Walk The Line ), avec Timothée Chalamet, tiré de Dylan Électrique d’Elijah Wald.
• Sortie d’une superbe compilation hommage à Dylan sur le prestigieux label Bear Family.
• 24 x 30 cm
• 208 pages
• 120 illustrations
• 40 €
• Relié avec jaquette
• ISBN FR 978-94-6230393-5
Directeurs d’ouvrage : Patrizia Cavazzini, Pierre Curie et Maria Cristina Terzaghi
Artemisia Gentileschi
Une artiste libre
Le Personnalité au destin hors norme, Artemisia Gentileschi (1593-v. 1656) est l’une des rares artistes femmes de l’époque moderne ayant pu vivre de sa peinture, grâce à une renommée internationale. Née à Rome, cette protagoniste de la peinture caravagesque était tout particulièrement célébrée pour ses figures d’héroïnes et ses portraits. Ce catalogue, conçu pour accompagner l’exposition que le Musée Jacquemart-André consacre à sa carrière et à son œuvre, met en valeur aussi bien l’originalité d’Artemisia que ses relations avec ses contemporains, tels que son père Orazio, également peintre, ou le français Simon Vouet. Les textes offrent une perspective renouvelée sur la biographie d’Artemisia Gentileschi, en explorant notamment ses rapports avec l’héritage artistique paternel et son statut de femme peintre. En s’appuyant sur l’analyse de ses œuvres majeures et sur des attributions récentes, ils soulignent l’importance de son rôle dans l’histoire de l’art italien du XVIIe siècle.
Les chapitres : Mirabile pitoresse. Quelques contemporaines d’Artemisia / Les metamorphoses d'Artemisia / Ajouts à la vie et à l’œuvre d’Artemisia Gentileschi / Analyse compatée des techniques d'Artemisia et Orazio Gentileschi / Les Gentileschi : le succès Européen
Père et fille / Les Gentileschi et Caravage / À Florence / Les portraits / Mythes et saints / Eros et Thanatos
Exposition au Musée Jacquemart André, Paris, 14 février – 29 juin 2025
* Couverture non définitive
Fonds Mercator S.A.
Rue du Midi 2 - 1000 Bruxelles (Belgique) Tél. +32 (0)2 5482535 / Fax +32 (0)2 5021618 pv@fondsmercator.be
Artemisia Gentileschi
Une artiste libre
Ouvrage publié à l’occasion de l’exposition au Musée Jacquemart‑André du 14 février au 29 juin 2025
cat. 36 [détail]
LA CONSÉCRATION INTERNATIONALE
À Venise, Artemisia eut l’occasion de reprendre contact avec ses frères, qui entre-temps s’étaient installés à Londres avec leur père à la cour de Charles Ier Stuart et avaient été envoyés acheter des tableaux pour le souverain28. Nous ne savons pas avec certitude quelles œuvres l’artiste réalisa à cette époque, mais il est très probable qu’il figure notamment parmi elles Esther et Assuérus du Metropolitan Museum de New York (cat. 4). La « pittora » reçut également l’importante commande d’un Hercule et Omphale destiné à Philippe IV, qui sera exposé à Madrid29 en guise de pendant d’Ulysse reconnaissant Achille (déguisé en femme) parmi les filles de Lycomède, attribué à Rubens et à Van Dyck, un tableau qui appartenait depuis
longtemps à la couronne espagnole (Madrid, Musée du Prado)30. Acheté à Venise en 1628, celui d’Artemisia fut inscrit dans les inventaires espagnols en 1636, mais cinq ans plus tard il avait déjà été remplacé par Hercule et Antée de Rubens (en collaboration avec Jordaens) et l’on perdit alors la trace de cette toile. En revanche, l’œuvre éponyme (fig. 19), correctement attribuée à l’artiste, qu’on découvrit au palais Sursock de Beyrouth après la terrible explosion de 2020, provient assurément de Naples puisqu’elle appartenait à Maria Teresa Serra di Cassano, qu’Alfred Bey Sursock épousa à Naples en 1920 et avec qui il s’installa ensuite au Liban. On peut l’identifier à « un tableau de 8 et 9 palmes, au cadre sculpté et doré, où figure Hercule, de la main d’Arthemisia Gentilesca », répertorié à Naples dans le palais de
FIG.18 Giovanni Lanfranco, Venere addormentata e Cupido Galleria Fondantico
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Qui oditam enimi, sumquodit eatem. Gent ullacea rumque evelest, occaborum estior sam cus.
Ignime ad eos escimin venturepe core eatibus doloratem. Laut preiciendiae con non cum qui qui dis porerum cupta voluptaspis eles alis quatibus eos diam, audae. Odicat utate di adio excea verchilique et modis imus volo int lam ipiendunt omnisite cor simi, amus sequi acerae doluptatem nistias alit enis dit ea por sit, teceaquamus et quas es solor sernat.
Ribus dolore porum es nat aut di custota temquo cusam qui inullaut o cillum aut omnimai ossimin rest quodi dic tet accus, nis ante dolupid emodit dis dolupta tinciis serum rest, im ea corepror
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Tiat quis ium, nienditis sed utem que od unt earcipici dolenitiis aperro qui iusdam, sitium repe verunt fuga. Ut volor as alique nusdae conseruptae cones ent hic tem sit inulparchil molorrovidus apedit, nulpa voluptatiat explicaborro quo quatur?
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BIBLIOGRAFIA
Arnauld Brejon de Lavergnée, Nathalie Volle, Seicento: le siècle de Caravage dans les collections françaises 1988; Giuseppe Porzio, A new Cleopatra in Porzio, Terzaghi, Artemisia Gentileschi. Cleopatra, 2014; Maria Cristina Terzaghi, Notes on Artemisia in London, in Porzio, Terzaghi, Artemisia Gentileschi. Cleopatra 2014; Maria Cristina Terzaghi, Artemisia Gentileschi a Londra, in Artemisia Gentileschi e il suo tempo (catalogo della mostra) 2016(a); Artemisia Gentileschi e il suo tempo (catalogo della mostra) 2016(b) (scheda di Terzaghi); Gianni Papi, Cleopatra, da Artemisia Gentileschi a Bartolomeo Cavarozzi in G. Papi, Senza più attendere a studio e insegnamenti, 2018.
Portraits des Bentveughels
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BIBLIOGRAFIA
Arnauld Brejon de Lavergnée, Nathalie Volle, Seicento: le siècle de Caravage dans les collections françaises 1988; Giuseppe Porzio, A new Cleopatra, in Porzio, Terzaghi, Artemisia Gentileschi. Cleopatra 2014; Maria Cristina Terzaghi, Notes on Artemisia in London, in Porzio, Terzaghi, Artemisia Gentileschi. Cleopatra 2014; Maria Cristina Terzaghi, Artemisia Gentileschi a Londra, in Artemisia Gentileschi e il suo tempo (catalogo della mostra) 2016(a); Artemisia Gentileschi e il suo tempo (catalogo della mostra) 2016(b) (scheda di Terzaghi); Gianni Papi, Cleopatra, da Artemisia Gentileschi a Bartolomeo Cavarozzi in G. Papi, Senza più attendere a studio e insegnamenti 2018.
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Ignime ad eos escimin venturepe core eatibus doloratem. Laut preiciendiae con non cum qui qui dis porerum cupta voluptaspis eles alis quatibus eos diam, audae. Odicat utate di adio excea verchilique et modis imus volo int lam ipiendunt omnisite cor simi, amus sequi acerae doluptatem nistias alit enis dit ea por sit, teceaquamus et quas es solor sernat.
Ribus dolore porum es nat aut di custota temquo cusam qui inullaut o cillum aut omnimai ossimin rest quodi dic tet accus, nis ante dolupid emodit dis dolupta tinciis serum rest, im ea corepror
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Arum erem voloreperum nobis eum, consectet ullabor sequiatem et il ist vitatur rem qui tes et reperion consectet occum fuga. On escita volupta tusanti officia pe quo mos mi, inullesto quam et laceatur? Tiat quis ium, nienditis sed utem que od unt earcipici dolenitiis aperro qui iusdam harit aut o c temporruptat eossus. — VINCENZO STANZIOLA
BIBLIOGRAFIA
Arnauld Brejon de Lavergnée, Nathalie Volle, Seicento: le siècle de Caravage dans les collections françaises 1988; Giuseppe Porzio, A new Cleopatra in Porzio, Terzaghi, Artemisia Gentileschi. Cleopatra 2014; Maria Cristina Terzaghi, Notes on Artemisia in London, in Porzio, Terzaghi, Artemisia Gentileschi. Cleopatra, 2014; Maria Cristina Terzaghi, Artemisia Gentileschi a Londra, in Artemisia Gentileschi e il suo tempo (catalogo della mostra) 2016(a); Artemisia Gentileschi e il suo tempo (catalogo della mostra) 2016(b) (scheda di Terzaghi); Gianni Papi, Cleopatra, da Artemisia Gentileschi a Bartolomeo Cavarozzi in G. Papi, Senza più attendere a studio e insegnamenti 2018.
Ouvrage dirigé par Sophie Bajard. 12 février 2025 15,5 × 23,5 cm 256 pages 22,00 €
Julie VERLAINE LES HÉRITIÈRES DE L’ART ABSTRAIT
Sonia Delaunay, Nina Kandinsky, Nelly van Doesburg et les autres
« Rien n’est moins indiqué pour un peintre que d’être la femme, puis la veuve, d’un peintre et, qui pis est, d’un grand peintre » (Sonia Delaunay).
LE LIVRE
Dans le Paris de l’après-guerre à la fin des années 1970, elles forment un petit groupe soudé, quoique parfois rival. Sonia Delaunay, Nina Kandinsky, Lily Klee, Nelly van Doesburg, Jeanne Kosnick-Kloss ont en commun de se retrouver veuves et héritières d’artistes dits abstraits (Robert Delaunay, Vassili Kandinsky, Paul Klee, Theo van Dœsburg, Otto Freundlich).
À partir d’archives inédites rassemblant leurs correspondance et écrits intimes, Julie Verlaine
L’AUTRICE
fait revivre leurs combats pour survivre, leur rôle primordial dans la transmission de l’œuvre de leurs époux à travers expositions et ventes aux musées et collectionneurs internationaux, leurs liens étroits avec le marché de l’art avant-gardiste (la mécène Peggy Guggenheim ou la galeriste Denise René) et leur volonté de s’émanciper comme artistes à part entière. À travers ce difficile parcours de l’ombre à la lumière, elle redonne à ces femmes résilientes la place qui leur est due.
POINTS FORTS
• Une thématique forte et attractive : l’invisibilisation des femmes. Les musées n’ont fait que tardivement une place à ces gardiennes de la mémoire qui ne s’appartiennent plus et qui créaient pourtant déjà aux côtés de leurs compagnons.
• Une histoire originale, au plus près de l’intimité de ces battantes, à travers leurs autobiographies, journaux intimes, correspondance amicale ou professionnelle, livres de ménage, etc.
• Beaux portraits de femmes puissantes et libres, toutes nées à l’étranger, qui ont connu l’exil et parfois ont dû fuir le nazisme parce que juives, la plupart sans enfants. Autour d’elles gravitent des collectionneuses (Peggy Guggenheim, Rose Fried) ou galeristes (Denise René, Dina Vierny) audacieuses qui ont marqué le XXe siècle.
• Un récit vivant et incarné, qui devrait séduire les amateurs d’art et d’émancipation féminine.
ACTUALITÉ
• Magistrales rétrospectives récentes à succès consacrées aux artistes des XXe-XXIe siècles : Sonia Delaunay, Niki de Saint Phalle, Georgia O’Keeffe, Frida Kahlo... Elles font l’abstraction a réuni au Centre Pompidou en 2021 plus de 100 artistes et 500 œuvres du monde entier.
QUELQUES CHIFFRES
Professeure d’histoire contemporaine à l’université de Tours, Julie Verlaine (née en 1979) est connue pour ses travaux et son action en faveur de l’histoire des femmes : ancienne présidente de l’association Mnémosyne, elle a été chargée d’accompagner la création du futur musée des féminismes à Angers en 2027. Elle se passionne pour la question du genre en art, les mécanismes du marché de l’art (Daniel Templon, une histoire d’art contemporain, Flammarion, 2016) et des collections publiques et privées (Femmes collectionneuses d’art et mécènes, de 1880 à nos jours, Hazan, 2014).
• Laure Adler, Les femmes artistes sont dangereuses (Flammarion, 2017) : 40 000 Gfk.
Sebastião Salgado
[Nouvelle édition]
Photographies de Sebastião Salgado Introduction de Christian Caujolle
Sebastião Salgado n’a cessé de montrer sa foi en l’homme, une solidarité sans faille ni mièvrerie devant la douleur, une compétence dans l’analyse des situations extrêmes, une farouche énergie, enfin, pour affirmer ce qu’il est, un photographe humaniste. L’ampleur de chacun de ses travaux, véritables inventaires de la condition humaine contemporaine de la famine, l’homme au travail où l’exode, suffisent à faire sa réputation et justifient tous les prix qu’il a reçus. Sebastião Salgado est né le 8 février 1944 à Aimorés, au Brésil. Économiste de formation, il commence sa carrière de photographe à Paris en 1973 et travaille successivement avec les agences Sygma, Gamma et Magnum Photos jusqu’en 1994. Il fonde, avec Lélia Wanick Salgado, l’agence de presse Amazonas images, qui est exclusivement vouée à son travail photographique. Au-delà des expositions itinérantes, ses projets ont été pour la plupart publiés, par exemple Genesis (2004) et Amazônia (2021).
Né en 1953, Christian Caujolle est critique d’art, journaliste, photographe et directeur artistique du Château d’Eau (Toulouse). Ancien responsable de la photographie à Libération, il est l’un des fondateurs de l’Agence VU’ et a été directeur artistique de la galerie du même nom. Il est notamment l’auteur des introductions des “Photo Poche” Anders Petersen et Tendance floue.
Repères
Points forts
• Nouvelle édition d'un titre déjà vendu à ce jour à 20 500 exemplaires.
Actualité
• Collection MEP : Deauville, Les Franciscaines, printemps 2025.
• Genesis : Villa Tamaris, La Seyne sur Mer, octobre 2025-janvier 2026.
• Bruxelles : Belgique, Tour et Taxis, avril à septembre 2025.
• De nombreuses expositions dans le monde : Lisbonne, Cologne, Barcelone, Bologne, Brésil.
Mots clés
• Photographe humaniste / foi en l’homme / condition humaine / famine / l’homme au travail / exode
62 Construction du canal du Rajasthan, Inde, 1990.
44 Mine d’or de Serra Pelada, Brésil, 1986.
39 Mine de charbon à Dhanbad, Inde, 1989.
38 Mine de charbon à Dhanbad, Inde, 1989.
7 Région de Chimborazo, Équateur, 1982.
5 Les jeux des enfants du Nord-Est brésilien durant la grande sécheresse du début des années 1980, Brésil, 1983.
2 Au cours de la cérémonie d’enterrement d’un enfant au Sertão de la Paraíba, Brésil, 1980.
21 Protégés par leurs couvertures du vent et du froid du matin, ces réfugiés attendent au camp de Korem, Éthiopie, 1984.
[Nouvelle édition avec 39 nouvelles photographies]
Photographies de Paolo Roversi
Introduction de Chiara Bardelli Nonino
Paolo Roversi
Paolo Roversi (né en 1947) développe depuis plus de cinquante ans une œuvre hantée par la fragilité de toute forme de beauté et par la délicatesse que requiert sa conception de l’élégance. S’il est devenu, avec son installation en France, en 1973, un véritable Italien de Paris, son rendu subtil des couleurs et une stylisation du dépouillement l’ont rapidement et durablement imposé sur la scène internationale. Au fil des années, Paolo Roversi cherche son propre langage photographique, accueillant les hasards et les accidents comme des opportunités de se réinventer. En 1980, il découvre le film Polaroid associé à une chambre grand format ; cette rencontre, qu’il assimile à un “véritable coup de foudre”, lui ouvre de nouveaux champs de recherche et renouvelle sa relation avec le modèle photographié.
Chiara Bardelli Nonino est titulaire d’une maîtrise en philosophie et a écrit un mémoire sur la photographie post-mortem. Elle est rédactrice en chef de la section “Photographie” de Vogue Italia et de L’Uomo Vogue, et commissaire du festival Photo Vogue. Elle a organisé l’exposition monographique “Paolo Roversi – Studio Luce’’ et réalisé le livre éponyme (Stromboli, 2020).
Repères
Points forts
• Nouvelle édition avec 39 nouvelles photographies.
• Certaines de ses créations au Polaroid, notamment ses nus, appartiennent aujourd’hui à l’histoire de la photographie.
• Dans la brève autobiographie qu’il a rédigée pour ce Photo Poche, Paolo Roversi précise : “Quand je regarde en arrière, je ne vois qu’un journal intime écrit jour après jour, photo après photo, avec beaucoup d’amour et de passion.”
Mots clés
• Photographe de mode / polaroïd / noir et blanc / couleur / studio