Une histoire d'école - De la rue Madame à Maximilien-Vox

Une histoire d ’école De la rue Madame à Maximilien-Vox

Une histoire d ’école De la rue Madame à Maximilien-Vox

LED L’EncreDélivre 50 rue de Malte 75011 Paris lencredelivre@gmail.com Association Loi 1901-10-11-2018

ISBN : 979-10-91921-11-4

Sommaire

Un modèle d’architecture scolaire républicaine par Anouk Desbordes de Ribaucourt.............................16 L’école de la rue Madame par Martine Alin............................................................38 Quelques repères.........................................................45 Souvenirs d’école rencontre avec Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arr. ........49

Comment en suis-je arrivée là ?! par Nelly Houzé ...........................................................114 Comprendre pourquoi ! par Samuel Guilmard....................................................116 Au passé, au présent et au futur… par Ludovic Marazzato .................................................124

Les élèves des métiers du livre par Michel Richard .......................................................52

Une étape dans la vie par Kethevane Rialland ................................................129

Un heureux hasard par Henri Bordier..........................................................56

Des livres et des objets.................................................130

À partir d’une photo, les noms, les souvenirs ressurgissent rencontre avec Jean Mauvais ........................................60

Dessin ; Arts graphiques ; Arts appliqués ; Design........134

Un coup d’œil dans le rétroviseur… par Francis Freisz ..........................................................64 Des souvenirs devant la porte… rencontre avec Robert Soubre ......................................66

La grande époque des tests d’aptitude par Anouk Desbordes de Ribaucourt.............................136 Les belles années passées à la rue Madame rencontre avec Christian Jegou et Claude Leboul ..........142

Une vie, un lycée… par Michel Azard ..........................................................68

Mémoire d’un ancien élève par Yvan Burgot ............................................................148

La « divine proportion » par Pierre François .......................................................70

La rue Madame, pour moi, c’est génétique ! par Anouk Desbordes de Ribaucourt ............................154

L’amicale des anciens élèves de l’école du livre par Michel Richard .......................................................74 À la santé du confrère… Hymne typographique qui s’entonne le verre à la main....................................81 Des noms et des visages par Michel Richard .......................................................82 Les manifestations........................................................90 Année 1987 par Gisèle Ménard ........................................................94 Un lycée, un nom par Alain Bouaziz .........................................................98 Maximilien Vox né Samuel William Théodore Monod............................100 Les portes ouvertes ......................................................102 Souvenirs… Souvenirs ! par Brigitte Redon.........................................................110 L’imprimerie au féminin par Lydie Tronchet ........................................................112

Une enveloppe… par Jean Teulé ...............................................................158 Speedy Graphito rencontre avec Olivier Rizzo ........................................160 Mascarades ..................................................................162 Rencontre avec des artistes .........................................164 Captivée, capturée ? par Valérie Milette ........................................................166 Un parcours professionnel accompli rencontre avec Romain Vinadelle .................................170 Une grande famille rencontre avec Alyssa Jos .............................................172 Les voyages pédagogiques ...........................................176 Remerciements ............................................................182

Certains lieux sont chargés d’histoire Phrase banale et pourtant…

Je franchissais le seuil de la porte du lycée Maximilien-Vox pour la première fois, en septembre 2006.

Je circulais dans les murs d’une école primaire créée en 1887, devenue au fil des années et au gré des réformes, un lycée polyvalent doté d’une filière professionnelle du livre et d’une filière technologique des arts graphiques. Des murs témoins des évènements qui avaient participé à la construction de son histoire. Un bâtiment marqué par les traces des nombreuses modifications qu’il avait connues.

J’ai été proviseur au lycée Maximilien-Vox de 2006 à 2015 et, à l’occasion des portes ouvertes, j’ai souvent rencontré des professeurs à la retraite ou d’anciens élèves qui parlaient avec nostalgie, voire avec beaucoup d’émotion, de l’école de « la rue Madame ».

Ces rencontres ont éveillé ma curiosité et c’est ainsi que, peu à peu, l’envie de remonter aux origines de cette « école » est née. Je me suis mise en quête de documents photographiques, de textes, dans les archives de l’établissement mais aussi de la ville de Paris. J’ai pu retrouver quelques éléments sur l’histoire du lycée.

Façade du lycée Maximilien-Vox

Tout naturellement, l’idée de composer un livret qui regrouperait toutes ces informations m’est venue à l’esprit. Cela me semblait facile à mettre en œuvre puisque le lycée possédait un plateau pour la mise en page,

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un atelier d’impression et surtout plusieurs collègues très motivés pour s’associer à ce projet.

C’est ainsi qu’au fil de soirées et de moments très conviviaux, nous nous sommes retrouvés pour écrire à plusieurs voix, à plusieurs mains, cette histoire. Chacun a fait appel à ses souvenirs, à ses connaissances ; des témoins ont accepté de nous rencontrer, de nous faire part de leurs souvenirs. Nous nous sommes plongés vingt, trente ou quarante ans en arrière, voire plus.

Nous avons mis en commun toute notre énergie, notre détermination et nos compétences pour aboutir au livre que vous avez entre les mains.

Cet ouvrage n’a pas vocation à être exhaustif, ni à être une monographie historique. Ce n’est pas un travail d’historien. Cependant, nous avons toujours eu le souci de la vérité et du respect des personnes. Nous avons essayé de remonter le temps sur un peu plus d’un siècle pour mieux connaître l’école et son évolution, inscrire des moments décisifs, transmettre la mémoire des lieux, la mémoire des personnes au travers des nombreux témoignages ou anecdotes que nous avons pu collecter.

Cet ouvrage est le fruit d’un projet collectif, d’un travail d’équipe, sincère, désintéressé, enthousiaste, dont la motivation principale était de laisser un témoignage de l’héritage dont nous sommes aujourd’hui dépositaires.

Lire le passé permet de mieux construire l’avenir.

Martine Alin

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Scanner ce QR code pour passer une journĂŠ e au 5 rue Madame en 19 86

Quelques repères - 1886 : projet de translation de l’école primaire de garçons et de l’école

professionnelle de dessin de la rue du Vieux-Colombier sur le terrain rue Madame, adopté le 16 avril 1886.

- 7 juin 1886 : autorisation de bâtir l’école primaire de garçons et l’école professionnelle de dessin pour jeunes filles.

Le bâtiment sera construit par l’architecte Jean-Henri Errard aux 3 et 5 rue Madame1.

- 8 janvier 1887 : inauguration de l’école 5 rue Madame.

- 1901 : école primaire de garçons qui comprend 6 classes et 238 élèves2.

- 1906 : il existe un cours de composition décorative par M. Grasset,

artiste peintre.

- Le 24 avril 1922 : pour éviter la pénurie d’ouvriers qualifiés, ouver-

ture avec le concours de la ville de Paris et des syndicats des industries du livre, d’un cours de préapprentissage.

- Cours dans lesquels les enfants, pendant la dernière année de la scolarité, continuant le matin l’enseignement général, recevront l’après-midi les débuts de l’enseignement technique d’une profession, soit compositeur, graveur, lithographe, papetier ou relieur.

- Cours de préapprentissage de reliure pour des enfants de 13 à 14 ans.

- 1924 : seuls les ateliers corporatifs de typographie et de reliure fonc-

tionnent (en octobre 1924).

L’atelier corporatif du syndicat des imprimeurs lithographes et celui des instruments et appareils de l’art médical et chirurgical fonctionneront à partir du 1er octobre 1924. Le manque absolu de candidats n’a pas permis l’ouverture de l’atelier du syndicat des papetiers.

Les enfants sont reçus à partir de 12 ans. Ils doivent posséder autant que possible le certificat d’études. Les cours durent une année scolaire et sont gratuits. L’apprenti entre en deuxième année d’apprentissage chez un patron.

- 1928 : ateliers-écoles : atelier-école de la chambre de commerce, imprimerie, lithographie (Bulletin du 25 avril 1928).

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1- Dictionnaire par noms d’architectes des constructions élevées à Paris aux XIXe et XXe siècles.

2- Encyclopédie de la ville de Paris

- 1930 : section de photogravure (création en 1929, ouverture en janvier 1930). Les enfants peuvent être inscrits après le certificat d’études primaires pendant une année.

Les spécialités enseignées rue Madame : typographie, lithographie et photogravure.

- 1932 : école de préapprentissage de la chambre de commerce (section lithographie).

- 1934 : les ateliers-écoles sont déplacés au 245 de l’avenue Gambetta.

- 1936 : ouverture d’une classe de préapprentissage et aménagement d’un atelier de reliure et de cartonnage. (Bulletin 14 juillet 1936) - De 1935 à 1947 : cours normaux de dessin pour instituteurs et institutrices (Bulletins de la ville de Paris )

- 1942 : la ville de Paris décide l’ouverture d’un cours complémentaire industriel du livre afin de faire face aux besoins de la profession.

- 1944 : Journal officiel du 1er juin 1944 : arrêté du 19 mai 1944, création au cours complémentaire de garçons d’une section industrielle.

- 1951 : cours complémentaire industriel du livre (CCIL).

L’école comprend 4 ateliers : composition typographique, impression typographique, reliure et dorure.

- Demande d’autorisation de construire 2 bâtiments. Le premier au rez de-chaussée et le deuxième à deux étages (Bulletin officiel de la ville de Paris du 23 juin 1951). Directeur M. Gay. - 1953 à 1975 : l’école primaire comprend 10 classes (300 élèves).

- 1954 : début de la construction des nouveaux ateliers, les cours de l’enseignement professionnel sont transférés au 19 rue Madame, dans les locaux prêtés par la mairie.

3- Enregistrement de M. Jean Mauvais (élève de 1955 à 1959 et professeur de 1971 à 1973)

- 1955 : 36 élèves sont inscrits pour le collège : 15 compositeurs typographes, 8 imprimeurs, 8 relieurs et les autres doreurs3.

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- 1956 : le cours complémentaire devient collège industriel.

- 1962 : collège d’enseignement industriel du livre (CEIL).

Les travaux ne sont toujours pas terminés en 1962.

Les cours de l’enseignement professionnel ont toujours lieu dans les locaux de la mairie. « Après 4 années d’interruption, les travaux reprennent et devraient bientôt être terminés » (Bulletin officiel de la ville de Paris du 28 décembre 1962).

- 1963 : le cours de dessin de la rue Saint-Benoît s’installe rue Madame et fusionne avec le collège du livre. M. Sauvestre est nommé directeur à l’occasion du départ en retraite de M. Mallet.

Au fil des ans, le collège du livre devient le collège du Livre et des Arts graphiques.

- 1963 : le 3e étage brûle en juin. Des bâtiments neufs sont construits pour remplacer les vieux ateliers du Livre. Grande nouveauté, on recrute des filles au dessin.

L’effectif du collège (300 élèves) est jugé trop faible et il échappe de peu à l’éclatement suivi d’intégration dans d’autres établissements plus importants.

- 1964 : retour des cours de l’enseignement professionnel vers le 5 rue Madame (Cf. article Michel Azard).

- 1970 : M. Sauvestre disparaît. M. Florentin lui succède. L’école prend un nouveau départ. Le collège se professionnalise (nouvelles machines).

Peu à peu, le collège prend de l’extension au détriment de l’école primaire. En 1975, il reste seulement 5 classes primaires. Au début des années 1980, les dernières classes primaires sont transférées au 42 rue Madame.

- 1984 : Mme Ménard remplace M. Florentin qui prend sa retraite.

- 1987 : l’établissement est officiellement baptisé « Lycée du Livre et des Arts graphiques Maximilien-Vox ». Un effectif de 245 élèves dont 92 filles.

- 1991 : les sections reliure et dorure quittent le 5 rue Madame pour le lycée Tolbiac.

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Les industries graphiques

1940-1980

Les élèves des métiers du livre par Michel Richard

Derniers compositeurs typographes promotion 1984 avec Michel Richard et Pierre Martin

Élèves compositeurs clavistes promotion 1989 avec Michel Richard

Les premiers élèves, recrutés en 1942, étaient issus en grande majorité du 6e arrondissement. La zone géographique s’élargit petit à petit à l’ensemble de Paris, puis aux communes de la proche banlieue qui constituaient le département de la Seine, et enfin à la région parisienne, sous condition de compensations financières versées par les communes d’origine à la ville de Paris.

L’admission se faisait en fin de scolarité obligatoire (14 ans alors), après obtention du certificat d’études primaires (CEP). Un concours permettait de sélectionner les candi­dats, concours comprenant la plupart des matières enseignées en primaire, notamment du français, des mathématiques et deux épreuves de dessin (dessin d’imagination et dessin à vue), réalisées à la gouache. L’épreuve de français comportait plusieurs parties, dont une dictée d’une page et demie, renfermant de nombreuses difficultés. Et notée avec le barème alors en vigueur pour toutes les dictées, faciles ou non : cinq fautes = zéro ! Cette épreuve permet­tait de sélectionner les futurs compositeurs typographes, qui devaient posséder une orthographe irréprochable.

Dans les années 1950, trente à trente-cinq élèves étaient admis en première année (environ la moitié en composition, un tiers en impression et le reste en reliure et dorure), la répartition par spécialité se faisant selon les vœux émis à l’inscription et le classement au concours. Beaucoup de candidats choisissaient la composition typographique et le groupe était vite constitué. Il pouvait arriver que des élèves non admis dans cette discipline se voient proposer, en fonction des places disponibles, d’intégrer l’école en impression ou en reliure­et dorure. Certains ont donc fait carrière dans un métier qu’ils n’avaient pas envisagé 52

ANCIENS ÉLÈVES, NOUVEAUX PROFESSEURS

au départ. D’autres démissionnaient en fin de première année. Ajoutées parfois à celles relevant d’une mauvaise orientation, ces défections stabilisaient chaque promotion autour de vingt-cinq élèves à partir de la deuxième année.

Ce problème, ainsi que le nombre de candidats au concours de plus en plus important (jusqu’à plusieurs centaines), incita à la création, au début des années 1960, de classes prépa­ratoires dans le cadre de l’établissement.

Les jeunes ayant échoué au concours recevaient donc un soutien important dans les principales matières et des stages dans tous les ateliers leur permettaient de choisir leur futur métier plus sûrement.

Après 1968, la création du collège unique et le passage de la scolarité obligatoire à 16 ans, le recrutement des futurs élèves se fit à partir de la troisième.

Le concours d’entrée fut supprimé et remplacé par des tests d’aptitude : deux épreuves de dessin. L’étude du dossier scolaire de chaque candidat permettait tant bien que mal de dégager ceux qui possédaient les qualités de base souhaitées pour nos métiers. Le directeur et le chef de travaux se chargeaient de cette délicate opération de sélection. Par la suite, ce fut une commission de professeurs tech­niques et de professeurs d’enseignement général qui se chargea de choisir les élèves admis. À la fin des années 1990, le rectorat décida d’imposer les élèves à accueillir dans l’établissement de manière tout à fait technocratique. Le but était de trouver une place pour chaque jeune sortant de troisième et qui serait refusé en lycée classique. Oubliées les compé­tences de base nécessaires et la motivation… Toutes les réformes ne constituent pas un progrès, nous avons pu très vite le constater…

Les élèves admis à l’école suivaient évidemment leur formation professionnelle dans les ateliers correspondant à leur spécialité et étaient 53

Un paragraphe spécial s’impose pour parler des nombreux anciens élèves qui se sont orientés, après quelques années d’industrie, vers le professorat, guidés sans doute en cela par le souvenir heureux de leur passage au 5 de la rue Madame. Il y a ceux qui ont effectué l’essentiel de leur carrière d’enseignant dans leur ancienne école, comme Georges Orschel (promotion 1949), Christian Provino (1949), Michel Richard (1960), Pierre Martin (1963), Alain Bats (1965), Brigitte Redon (1982). D’autres y ont seulement fait un bref passage, avant de rejoindre d’autres établissements ou d’autres fonctions, comme Jean Mauvais (1959), Francis Freisz (1966), Alain Lepillet (1967), Nicole Grandjean (1979), Jean-François Bonnal (1981), Delphine Jeanneau (1984). Enfin, il y a encore ceux qui ont œuvré dans d’autres lycées professionnels, comme Jacques Guilhot (1945), Philippe Richard (1959), Jacques Vayr (1959), François Rabasse (1960), Éric Espejo (1982)… Tous ces anciens élèves ont permis d’assurer le renom du lycée du livre et des arts graphiques, devenu lycée Maximilien-Vox. Et l’histoire n’est pas finie, puisqu’au début du xxie siècle, des jeunes prenaient le relais, comme Ludovic Marazzato, Gilles Ceuneau et Samuel Guilmard (1997)…

Des portes ouvertes

Scanner ce QR code pour vous dÊcouvrir l’atelier de productions graphiques pendant les portes ouvertes 2014

Des portes ouvertes

Des portes ouvertes

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Machine et Bidule, élèves de BTS en pleine réalisation de leur projet de fin d’étude

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Dessin, Arts graphiques, Arts appliquĂŠs

1960 - 2000

La grande époque des tests d’aptitude

par Anouk Desbordes de Ribaucourt Combien de générations d’élèves ont-elles pu rêver d’entrer dans notre école de la rue Madame devenu par la suite le lycée Maximilien-Vox ?

Je me le suis toujours demandée… car en rêver était facile, mais encore fallait-il pouvoir en franchir la porte.

Pour cela, il fallait passer par une étape décisive : celle des « tests d’aptitude », spécifiques d’ailleurs à chaque école d’art à l’époque, entre les années 1960 et les années 2000.

Ainsi, et pour avoir eu notre lycée comme seconde famille pendant plus de trente-cinq ans, j’ai pu voir, chaque année au mois de mai, des centaines de candidats convoqués pour présenter ces incontournables tests, qui avaient pour but de déterminer le potentiel, les qualités d’observation et les capacités graphiques de certains et ceci à partir de plusieurs épreuves de dessin et autres demandes à honorer en temps limité. Chaque année aussi, et en alternance, les professeurs de dessin devaient ainsi créer de nouveaux sujets, bien entendu propres aux formations que dispensait notre établissement.

Planche graphique

Si Vox accueillait, entre autre, trois classes de 25 élèves sur trois niveaux (de la Seconde à la Terminale) en BT DM option Arts graphiques (Brevet de technicien Dessinateur maquettiste) soit neuf classes en tout, cela ne faisait finalement qu’un recrutement annuel de 75 candidats pour l’entrée en Seconde, alors même que chaque année, plus de 300 postulants s’inscrivaient aux tests en espérant intégrer cette section !

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Le taux de réussite tournait donc immuablement autour des 25 %, ce qui fait peu…

Le rituel de cette journée particulière, entièrement dévolue aux tests d’aptitude, se déroulait toujours courant mai, et il est resté quasiment le même au fil des décennies, aussi loin que puissent remonter mes souvenirs, bien que parmi les souvenirs en question, il y en ait un en particulier qui m’ait marquée, ainsi que le lendemain et ce pour des raisons peu habituelles.

Le jour « J » du vendredi 7 mai 1993 8 h 00 : ce matin-là, les candidats sont tous rassemblés dans la cour de Vox et attendent en silence, chargés de tout leur attirail de dessin, l’appel du numéro correspondant à leur nom.

Dans les années 1990, notre surveillant général Robert Bagès, dit « Le petit Robert », supervise le tout. On ne disait pas encore CPE (conseiller principal d’éducation) à l’époque.

Il tient dans ses mains une liasse de papiers qui sont autant de listes qu’il va y avoir de salles occupées par les candidats, c’est-à-dire toutes les salles du 2e et 3e étage, plus notre grand préau. À chaque liste correspond un nombre variable de noms, qui correspond lui-même à un numéro de salle précis, ainsi qu’à un professeur de l’établissement qui doit prendre en charge les candidats, les accompagner dans la salle dont il sera responsable et qu’il doit gérer pendant toute cette journée. Notre lycée, tous les ans et le jour de ces fameux tests, est plein comme un œuf ! Quant aux élèves que nous y avons d’habitude, ils sont bien sûr très heureux de se trouver libérés de leurs cours habituels, cela va sans dire.

Lors de cet appel de la cour, les profs que nous sommes attendent dans le couloir à l’intérieur, derrière Robert et face à ces ados, dont on peut examiner à loisir les visages tendus, le regard anxieux et en même temps plein d’espoir. Ils sont debout, portant maladroitement un carton à dessin tout neuf, mais aussi un gros sac contenant tout le matériel qui peut leur être utile au long de cette journée marathon.

Celle-ci va être en effet très longue, car ces jeunes candidats ne le savent pas encore, mais ils vont enchaîner cette année six épreuves, toutes en temps limité, et faisant appel à ces qualités essentielles que nous recherchons et qui permettent d’accomplir des études de dessinateur-maquettiste.

L’époque est exigeante et entrer à Vox se mérite. Aucun d’entre eux ne rechigne alors devant l’effort. L’égalité pour l’accès à des études se fait par la sélection des capacités et des évaluations objectives. Bref, une autre époque…

9 h 00 : je suis au 3e étage dans une salle avec les 25 candidats que je me suis en quelque sorte appropriés pour la journée. Ils sont toujours aussi anxieux et silencieux, sagement assis, me fixant d’un air inquiet.

Robert et le staff du secrétariat nous ont apporté les enveloppes de kraft beige au format A4 estampillés Ville de Paris en lettres anglaises, et 137

Les tests d’aptitude 1993

contenant les sujets des épreuves du matin, soigneusement numérotées selon l’ordre à suivre.

Justement ce matin-là, quatre épreuves successives s’enchaînent, avec un timing précis, car il y a forcément une pause prévue vers midi. Deux épreuves de 45 minutes chacune pour commencer : « Organisation de surface » puis « Créativité », suivies d’une épreuve de 30 minutes concernant la « Compréhension », que bien souvent le professeur de mathématiques élabore avec nous, les profs de dessin.

Et puis nous terminons par un test de 5 minutes intitulé « Vision dans l’espace », qui est là encore une donnée essentielle dans les capacités d’observation et de compréhension pour ce que nous appelons avec une amicale dérision « les dessineux ».

Cela dit, et au bout du compte, cette matinée passe très vite, entre la distribution de chaque sujet, le travail des candidats, le ramassage des travaux, la vérification du nombre remis, etc. Tout ceci aura cependant pris plus de deux heures et demie.

Sujet de l’année 1993

12 h 00 : c’est la pause, enfin ! Les candidats laissent leurs affaires dans les salles et doivent maintenant aller dans la cour ou à l’extérieur de l’établissement pour manger un morceau. La plupart ont apporté leurs propres victuailles pour pique-niquer, mais certains retrouvent à l’extérieur un parent attentif et protecteur avec lequel ils vont déjeuner dans l’un des petits bistrots qui pullulent aux alentours.

De petits groupes se forment, commencent à se parler un peu, à voix basse la plupart du temps. Certains se reconnaissent, ils se sont déjà vus auparavant au collège. Par ci par là, on allume une cigarette pour se donner une contenance. On fait connaissance, et surtout, on échange sur ce que l’on a affronté le matin, en se demandant ce que ces adultes qui nous surveillent peuvent bien nous réserver pour l’après-midi…

Nous, les profs, pendant ce temps-là, nous échangeons aussi, mais ailleurs, et même sur autre chose, car nous allons vite nous restaurer chez Jacques, qui tient la petite brasserie-tabac à l’angle de la rue du Vieux-Colombier et de la rue Bonaparte. Jacques, qui est un patron joyeux et bienveillant, toujours prêt à rire et dont l’épouse Marinette, véritable femme-orchestre, veille avec autorité au travail en cuisine ainsi qu’au service et à la caisse.

13 h 15 : nous voici revenus à Vox. Il y a foule bien sûr devant la porte, et nous sentons les regards pesants de tous ces jeunes, filles et garçons, qui attendent et aimeraient bien savoir quel sort on leur réserve. C’est touchant, comme tous les ans. Et, à chaque fois, je repense à ma propre adolescence, à ce temps tout à la fois détesté et béni, où les pensées désordonnées foisonnent, avec des doutes terribles qui vous assaillent, alternant avec des moments d’euphorie qui vous donnent ce sentiment de quasi immortalité et d’importance séductrice, unique et éphémère.

Nous regagnons tous nos postes respectifs, recevons les deux dernières enveloppes kraft des sujets des deux dernières épreuves, chacune de 138

30 minutes, et réservées l’une à juger de la « Sensibilité à la couleur », et la seconde au dessin d’observation.

Une fois le premier sujet distribué, du haut de mon estrade, j’observe ces visages penchés sur le texte et le document qui ont été remis à chacun. Les candidats sortent avec application et sérieux de leurs cabas la fameuse gouache en tubes (la peinture à l’acrylique ne se pratique pas du tout dans les écoles d’art à l’époque), ainsi que palette, pinceaux, chiffon et gobelet. Je m’étonne toujours avec amusement de ce respect total venant de leur part en ce qui concerne la liste du matériel à apporter pour ce jour « J ». Cette liste, que nous leur fournissons lors de leur inscription, sera bien la seule — et je le sais déjà par expérience — qu’ils respecteront. Par la suite, et au fil des mois, quand ils seront élèves à Vox, le sérieux qui consiste à ne pas oublier d’apporter le dit matériel pour tel cours ou tel autre aura quelque peu disparu dans des cerveaux qui fonctionnent en mode ardoise magique…

Dans chaque salle du 3e étage, il y a un poste d’eau. Par contre et au 2e étage seulement, il n’y en a qu’un seul, au bout du couloir. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours vu, lors de la journée des tests, de grands brocs remplis d’eau préparés par les dames de service dans chaque salle du 2e étage, mis à disposition des candidats.

Assise derrière mon bureau de bois et dans ce silence bien particulier dû à la concentration, je les regarde, l’un après l’autre. Quel calme et quelle application ! De temps en temps, certains jettent un regard en coulisse sur le travail en cours des voisins, juste pour voir et peut-être essayer de se rassurer un peu…

En 1993, cela fait déjà vingt-huit ans que je connais cet établissement, et j’y enseigne déjà depuis treize ans. Alors ici, dans ma salle, y aura-t-il quelques heureux élus à la rentrée de septembre ? Mystère.

Il commence à faire chaud, sous les grandes verrières du 3e étage et côté cour, en cet après-midi de mai. On ne peut pas non plus tirer les rideaux car les candidats doivent avoir la lumière la plus naturelle possible. Fin de la première épreuve et verrières ouvertes pour aérer un peu.

Une dernière épreuve odorante…

La dernière épreuve de la journée n’a pas été prévue à la fin par hasard, car elle va réserver des surprises immédiates, puis à très moyen terme si je puis dire.

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Une recherche graphique sur la sardine

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Éditions lycée Vox 5 rue Madame 75006 Paris

ISBN 979-10-91921-11-4

9 791091 921114 Prix : 25 €

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