100ans de paysage - Zacharie CHAUVET

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La vallée du Valentin DU TOURISME PRESTIGIEUX À LA RECHERCHE DE LA RURALITÉ 100 ans de paysage

Zacharie Chauvet



REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier mon tuteur de mémoire, Bernard Davasse, pour le temps qu’il m’a consacré et les conseils qu’il a su me donner pour mener à bien ce travail. Je voudrais de même exprimer ma reconnaissance à Dominique Henry et Emmanuel Heaulmé, enseignants également, qui m’ont été d’une grande aide lors des entretiens concernant l’avancement du mémoire. Je souhaite aussi remercier toutes les personnes qui ont pu me transmettre des informations précieuses et enrichissantes pour l’écriture de ce travail: Régis Carrère, Roger Casabonne-Angla, Titouan Thuilliez, Gema Arripe et Stéphane Courtié pour m’avoir reçu à la mairie d’Eaux-Bonnes. Merci aussi à Raymond Haget de m’avoir accueilli chez lui et raconté de nombreuses anecdotes sur la vie de la vallée du temps de sa jeunesse. Je voudrais de même exprimer ma gratitude à mes camarades de classe qui ont su m’apporter leurs points de vue et leur aide sur ce travail. Je remercie enfin mes parents ainsi que ma compagne pour leur regard extérieur et leur soutien.


SOMMAIRE INTRODUCTION

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I) LA VALLÉE DU VALENTIN, UN PAYSAGE MONTAGNARD

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1- Le paysage du bassin de Laruns ................................................................................................... 13 1-1 Un fond de vallée dynamique ............................................................................................ 14 1-2 Quartiers des granges: entre déprise et reconquête .................................................. 16 1-3 Des bourgs denses qui s’étalent ......................................................................................... 19 1-4 Le centre d’une vallée touristique ...................................................................................... 22 2- La séquence encaissée de la vallée du Valentin ....................................................................24 2-1 Eaux-Bonnes, ville thermale ................................................................................................... 25 2-2 Aas, un village emblématique sous pression ....................................................................27 2-3 Une vallée soumise au risque .............................................................................................. 29 2-4 L’hydroélectricité ...................................................................................................................... 31 3- La haute-montagne: du cirque de Gourette au col d’Aubisque ....................................... 32 3-1 Gourette, une station de ski en pleine estive .................................................................. 33 3-2 Le col d’Aubisque, une estive touristique ......................................................................... 36 4- Synthèse .................................................................................................................................................... 38 II) ÉVOLUTION DE LA VALLÉE DU VALENTIN DEPUIS LE XIXÈME

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1- XIXème sicèle: la cohabitation de l’agro-pastoralisme et d’un tourisme prestigieux 42 1-1 Le pastoralisme, une organisation sociale et spatio-temporelle millénaire .............42 1-2 L’âge d’or de l’agro-pastoralisme ...................................................................................... 44 1-3 Du climatisme Palois au thermalisme ................................................................................... 47 2- L’entre-deux guerres: une vallée qui se modernise ................................................................. 50 2-1 Les chemins de fer du Midi ................................................................................................... 50 2-1 L’exploitation de la houille blanche ................................................................................... 51 2-2 Le ski, une nouvelle pratique qui va bouleverser ce paysage montagnard ......... 52 3-Le tourisme de masse des années 1960 dans une vallée agro-pastorale en évolution...................................................................................................................................................... 54 3-1 La spécialisation dans l’herbe et le déclin de la société pastorale .......................54 3-2 Un développement brutal de la station de Gourette ................................................. 60 4- 1980-2010, un nouvel élan pour la vallée ................................................................................ 61 4-1 Un regain d’intérêt pour le pastoralisme .......................................................................... 61 4-2 Gourette fait peau neuve .................................................................................................... 63 4-3 Rachat des granges ossaloises .......................................................................................... 65 5- Synthèse .................................................................................................................................................... 66


III) PROSPECTIVES - L’ÉVOLUTION DU PASTORALISME ET DU TOURISME DANS LE VALENTIN

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1- Le redynamisme du pastoralisme ................................................................................................... 72 1-1 Le redynamisme de la filiaire ovine ossaloise ................................................................ 72 1-2 Un redéploiement sur les zones intermédiaires .............................................................. 72 1-3 Les conditions pour le redéploiement .............................................................................. 72 1-4 Vocations des zones intermédiaires ................................................................................. 72 1-5 Paysage de la zone intermédiaire en 2020 .................................................................. 74 2-La

gentrification par le tourisme ..................................................................................................... 76 2-1 Gourette, station privilégiée ............................................................................................... 76 2-2 Eaux-Bonnes s’associe à Gourette pour se redynamiser ............................................ 76 2-3 Les granges foraines de la vallée .................................................................................... 76 2-4 Le pastoralisme vitrine .......................................................................................................... 76

CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

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INTRODUCTION

Le mémoire «Cent ans de paysage» est un travail personnel de recherche et d’étude visant à mettre en exergue ce qui construit la matérialité du complexe socio-économique qu’est le paysage. A travers l’observation, l’enquête et la recherche, le paysage choisi devra faire l’objet d’une lecture fine et être replacé sur un axe histoire-prospective. En effet, il s’agit d’analyser les dynamiques paysagères du territoire et d’imaginer par la suite des scénarios d’avenir tendanciels. Il s’agit aussi, au travers de ce présent document, de construire une base de connaissance du paysage, lequel pourra faire l’objet de médiation et autour duquel la discussion sur l’avenir de ce dernier pourra se fonder. Le territoire que j’ai choisi d’étudier au travers de ce mémoire, je l’avais déjà fréquenté pour y avoir travaillé à plusieurs reprises, notamment dans le réaménagement du centre bourg de Laruns. J’étais fasciné par ces reliefs titanesques qui m’entouraient et par la quiétude qui régnait dans le paysage ossalois. Si pour moi les paysages de montagne s’apparentaient à la manifestation à la fois splendide et terrifiante de la nature dans laquelle une poignée d’homme s’étaient installés, j’étais loin de savoir à quel point cette dernière avait été exploitée et fa-

çonnée par l’homme et ce depuis des siècles. C’est à l’École Nationale Supérieur d’Architecture et du Paysage de Bordeaux que j’ai pu au travers d’un voyage d’étude et des enseignements, découvrir la complexité du paysage pyrénéen. Le relief de cette chaine montagneuse datant du tertiaire s’est formée il y a environ 40 millions d’années lors de la rencontre entre la plaque ibérique et la plaque eurasienne. Ces montagnes, qualifiées de jeunes, forment un ruban escarpé d’environ 430km de long entre le golf de Gascogne à l’ouest et le golf du Lion à l’est. La chaine forme aujourd’hui la frontière physique et administrative entre la France et l’Espagne en son coeur où de nombreux pics dépassent les 3000m d’altitude (3404m pour le Pic d’Aneto, point culminant situé en Espagne). Une succession de vallées nord-sud érodées par l’action glaciaire trouve alors place tout le long des Pyrénées. Les fortes précipitations venant de l’océan Atlantique viennent s’écraser contre le rempart formé par la chaine des Pyrénées et offrent ainsi à ses vallées une végétation luxuriante, une herbe d’un vert prononcé et une multitude de cours d’eau dévalant leurs reliefs montagnards. 5


Bayonne

La vallée d’Ossau est la plus orientale des vallées du département des Pyrénées-Atlantiques (64) et de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes..

Pau Tarbes

ESP AG N

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0

20km 40km 60km

N

Ainsi, la vallée d’Ossau s’oriente selon ce même modèle nord-sud. Depuis le col du Pourtalet au sud (frontière franco-espagnole), elle vient trouver son terme avec la moraine frontale du glacier ossalois formant le bassin d’Arudy, 35 km plus au nord. Célèbre pour son fromage, ses paysages pastoraux, son pic du Midi d’Ossau visible depuis Pau, mais aussi pour Gourette, l’un des plus grands domaines skiables des Pyrénées, la vallée bénéficie d’un fort rayonnement touristique. Dans ce mémoire, mon travail portera plus précisément sur le cas de la petite vallée glaciaire du Valentin, du cirque de Gourette et du col d’Aubisque à la confluence du Valentin et du Gave d’Ossau dans le bassin de Laruns, porte du Haut-Ossau.

Arudy

Laruns

35 km

Pic du Midi d’Ossau u ld t o C tale r Pou

N Limites de la communauté de communes de la vallée d’Ossau, regroupant les anciens cantons de Arudy et Laruns (soit 17 communes).

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Louvie-Soubiron

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Col d’Aubisque

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Eaux-Bonnes

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Gourette Cartographie du territoire étudié 0

1km

2km

3km

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Le bassin de Laruns formé par le surcreusement du glacier en amont du verrou glaciaire de Geteu, constitue une étape obligatoire avant l’accès à la Haute vallée d’Ossau, que l’on suive le Valentin ou le Gave d’Ossau par les gorges du Hourat. C’est un paysage de fond de vallée pastorale ouvert, où Laruns et ses 1187 habitants s’étend progressivement. Bordant ce fond de vallée, quelques villages groupés trouvent leur place en bas de versant, souvent proches du cône de déjection d’un cours d’eau. Ils jouxtent aux quartiers des granges (ou bordes) constituant une multitudes de petites bâtisses bien souvent situées sur les replats glaciaires faits de prés enclos par des murets de pierres sèches et de bocages. On trouve ainsi ces granges jusqu’à environ 1200m d’altitude, notamment au-dessus de Aas sur la Montagne Verte. La vallée encaissée du Valentin se caractérise par un profil asymétrique avec une ombrée (versant exposé nord) constituée d’un vaste

boisement et une soulane (versant exposé sud) relativement ouverte sur sa partie supérieure. Ce versant est flanqué de granges et de prés de fauche jusqu’à hauteur d’Eaux-Bonnes, ville thermale remarquable par son architecture. Plus à l’est, l’occupation bâtie de la soulane laisse alors place aux estives, grandes étendues enherbées, pacagées par le bétail durant les beaux jours. Le Valentin prend source dans le cirque de Gourette. Cette admirable formation géomorphologique en amphithéâtre, faite de pics et de roches affleurantes, tient en son coeur la station de ski de Gourette et son architecture des années 1960. Cette vallée secondaire à la vallée d’Ossau présente donc diverses formes d’aménagement inscrites dans l’espace et dans le temps, renvoyant au tourisme et à l’activité agro-sylvo-pastorale. On peut ainsi identifier ces deux facteurs comme étant les principaux moteurs de l’évolution des paysages de la vallée du Valentin, bien qu’accompagnés d’autres 7


UNE VALLÉE GLACIAIRE

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5 3

2 4 1

1-Fond de vallée (enrichi par la moraine de fond) 2-Verrou glaciaire (rétrécissement de la largeur de la vallée dû à des roches plus dures) 3-Ombilic glaciaire de Laruns (élargissement et surcreusement de la vallée en amont du verrou) 4-Épaulement glaciaire (replat formé par le glacier et les moraines latérales) 5-Gorges du Hourat (divisée en vallée de Soussouéou, Broussette et Bious en amont) 6-Vallée du Valentin (vers Gourette)

Vallée en U (auge) (vallée aux versants abrupts et au fond plat, affectée par l’action du glacier) Vallée en V (vallée érodée par la pluie et les cours d’eau, parfois dissymétrique, comme celle du Valentin)

éléments comme la gestion du risque ou encore l’exploitation de la houille blanche. Mon travail portera ainsi sur la caractérisation et l’analyse de ces facteurs de l’évolution des paysages de la vallée du Valentin. J’en viendrais ainsi à me demander comment le pastoralisme et l’activité séculaire qu’est le tourisme cohabitent dans la vallée du Valentin, quels impacts ils ont sur le paysage et comment ils tendent à évoluer. Pour la mise en œuvre de ce document, mon investigation aura donc dans un premier temps pris la forme d’une analyse de terrain par arpentage, suivie dans un second temps de recherches historiques et documentaires. Tout au long de mon étude j’ai tâché de me référer à des habitants et acteurs de ce paysage qui ont eu la bonté mais aussi le plaisir de m’offrir leurs connaissances et leurs points de vue sur certaines problématiques. Ils ont ainsi confirmé ou infirmé certaines de mes observations de terrain. J’ai enfin nourri mes notes et analyses d’illustrations personnelles, de cartographies et photographies de l’existant et du passé, me permettant de comprendre, synthétiser et mieux communiquer ce paysage. Mon étude se déclinera donc en trois parties. La première correspondra à une analyse de terrain étoffée par la documentation et consistera en la caractérisation des paysages de ce territoire et ses dynamiques. J’enrichirai, dans une seconde partie, cette étude par une rétrospective qui me permettra de mieux comprendre les formes actuelles et la façon dont elles sont susceptibles d’évoluer. Ce chapitre se déclinera en quatre époques que j’ai jugées les plus pertinentes quand à l’évolution de la vallée: le XIXème siècle, l’entre-deux guerres, les années des trentes glorieuses et les évolutions plus récentes des années 1980 à 2010. J’essaierai enfin, dans une dernière partie, grâce aux analyses et connaissances que j’aurai accumulées mais aussi aux nouvelles modalités législatives de gestion du territoire, de chercher à comprendre comment la vallée serait susceptible de se développer et ainsi de proposer un scénario tendanciel de son évolution. 8


9


10


I

LE TERRITOIRE ÉTAGÉ LA VALLÉE DU VALENTIN, UN PAYSAGE MONTAGNARD Le territoire que je vais explorer est donc fortement marqué par le relief glaciaire. Laruns trouve sa place dans l’ombilic glaciaire, zone évasée de confluence des glaciers. On trouve ensuite la vallée encaissée (dite en V) creusée par le Valentin, où s’est installé le village thermal des Eaux-Bonnes. Cette vallée s’élargit par la suite en amont pour former le cirque de Gourette, paysage remarquable de haute-montagne où a trouvé sa place la station de ski du même nom. Surplombant ce site classé, on trouve enfin le col d’Aubisque, étape importante du tour de France et surtout estive de qualité pour les bergers d’Ossau. Alors même que les activités comme le pastoralisme ou le tourisme sont transversales à la vallée, elles ont trouvé leur base et ont dû s’adapter mais aussi profiter de cet étagement particulier. On trouve alors des pratiques inhérentes à chacun de ces espaces formant des paysages bien distincts. J’ai donc choisi d’adopter une lecture axée sur ce séquençage et de décomposer ce territoire en trois entités: le bassin de Laruns, la séquence encaissée de la vallée du Valentin, pour finir par la haute-montagne du Cirque de Gourette et du col d’Aubisque.

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Gourette 3 Col d’Aubisque

Vallée principale par les gorges du Hourat

2 Eaux-Bonnes

1 Laruns N Vers Arudy et la plaine

Découpage du territoire étudié en 3 entités:

1- Le bassin de Laruns 2- La séquence encaissée de la vallée du Valentin 3- La Haute montagne du cirque de Gourette au col d’Aubisque

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1- LE PAYSAGE DU BASSIN DE LARUNS

Section encaissée de la vallée du Valentin

Quartier de Béost à Assouste; enfrichement ponctuel assez important, anciennes prairies plantées ou bâties

Conduite forcées alimentant la centrale hydroélectrique du Hourat

Bois d’Assouste (hêtraie)

Cinq Monts; estives et ancienne ardoisière

Laruns

Quartier des granges en ombrée enfrichement fort et rachat de nombreuses granges pour l’habitat secondaire

Laruns (1200 hbts) s’étalant le long des axes routiers.

Béost; illage ramassé positionné sur en bas de versant

Quartier des granges de Laruns; bien maintenu malgré une descente des boisements en amont

Bloc Diagramme du Bassin de Laruns

N

Fond de vallée; bocage à larges mailles, utilisation optimale

13


1-1 UN FOND DE VALLÉE DYNAMIQUE

Photographie du fond de vallée pacagé en décembre

Le fond de vallée correspond dans le bassin de Laruns à la surface plane ou au relief peu prononcé de la vallée et dont l’altitude est comprise entre 500 et 700m. Espace d’hivernage pour le bétail de décembre à mars, cet espace est couvert de prés verdoyants. Ceux-ci sont fauchés mécaniquement deux fois par an et fumés grâce aux déjections animales. On parle de la fenaison pour la première coupe qui se fait au début de l’épiaison (premières inflorescences d’été). Puis les coupes suivantes sont les regains, souvent de meilleur qualité, ils servent au fourrage. Le fond de vallée est traversé dans le sens de la vallée par plusieurs axes forts que sont l’ancienne ligne de chemin de fer, la D934 surplombant le Gave d’Ossau ondulant. Ce dernier est perceptible de toutes parts par la saligue, frange rivulaire arborée plus ou moins épaisse selon les endroits. Le parcellaire y est relativement hétérogène. On y trouve de minuscules parcelles de moins de 200m2 souvent proches des villages ou sur les premiers reliefs tandis que certaines se rapprochent de l’hectare. Ainsi, en fonction de

Parcellaire large du fond de vallée ponctué de quelques jeunes frênes et saligue en arrière-plan

leur taille mais aussi de leur emplacement, on distingue différentes typologies de limites parcellaires allant de la simple clôture en bois et fil de fer au muret de pierre sèche planté (voir schémas page suivante).

14


1

2

Murets de soutènement en pierres sèches créant des terrasses sur les premiers reliefs

3

Murets construits par l’épierrement des parcelles proches des villages avec sujets plus anciens de frênes, noisetiers (envahi parfois de ronciers)

Clôture plantée de jeunes frênes parfois émondés

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Simple clôture autour des grandes parcelles proche du Gave.

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Laruns N

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Vue aérienne du fond de vallée 1/10000

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1-2 QUARTIERS DES GRANGES: ENTRE DÉPRISE ET RECONQUÊTE

Quartier des granges et son bocage au-dessus de Assouste au milieu d’une hêtraie.

Les quartiers des granges ou étage intermédiaire, situé entre 700 et 1000m d’altitude, correspondent à la zone occupée par les troupeaux d’avril à novembre (sauf période d’estives). Cet espace correspond donc aux premiers reliefs au-dessus du fond de vallée et généralement à l’épaulement glaciaire, replat formé par les moraines latérales du glacier. Ces moraines sont en fait les matériaux tractés et broyés par le glaciers et leurs dépôts constituent des sols plus riches, propices à la culture de l’herbe. Parfois directement au contact des villages, les granges

Une des granges de la vallée, encastrée dans le relief pour se protéger des avalanches

sont disséminées par centaines au milieu de petites parcelles en terrasses. Dans les quartiers des granges, sous les traces encore visibles des terrasses construites pour une meilleur accessibilité, on constate que les parcelles les plus abruptes ou le plus reculées sont enfrichées tandis que les replats sont généralement encore pâturés, fauchés et amendés.

Bocage du quartier des granges de Laruns, bien entretenu. Prés fumés et plantations de frênes pour le fourrage.

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Béost

Bagès

Laruns

0

1km

2km

3km

N

Parallèlement à cette déprise, certaines parcelles semblent être reconquises par un débroussaillage mécanique ou par écobuage. Dans le vallon du Canceigt, l’ombrée de la Montagne Verte est totalement recouverte de ces granges et peu desservie par les voies carrossables. Dans cet espace d’environ 3km2, très nombreuses sont les parcelles enfrichées, les ronciers envahissant les abords de granges abandonnées et les limites d’espaces boisés s’épaississant et gagnant sur des parcelles timidement entretenues. Le paysage formé est alors très fermé et peu convoité des promeneurs. En revanche certaines granges, choisies la plupart du temps pour leur emplacement en belvédère, font ici l’objet de rénovations pour l’habitat secondaire.

Opération de reconquête pour le fourrage par débroussaillage mécanique.

Phénomène récurrent de réaménagement des granges ossaloises. Débroussaillage d’un sous-bois et coupe du bois de chauffage pour la remise en herbe a posteriori.

Grange abandonnée gagnée par les ronciers.

Photographie du quartier des granges au-dessus de Béost témoignant de l’enfrichement.

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Coupe est-ouest du fond de vallée et des deux versants opposés

Friche avancée des espaces les plus reculés

Boisements, enfrichements d’une ancienne zone intermédiaire Quartier des granges de Laruns encore bien entretenu avec haies et murets de pierres

Étage intermédiaire entre Bagès et Béost, partiellement enfriché

Laruns en fond de vallée Gave d’Ossau bordé de la Saligue, amincie par l’utilisation forte du fond de vallée

1200m

1000m 500m

N

1/25000ème

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1-43LE CENTRE D’UNE VALLÉE 1-3 DES BOURGS DENSES QUI TOURISTIQUE S’ÉTALENT

Pon

Laruns

Lotissement 1990’

Mitage fin du XXème quartier des granges

Panoramique sur le bassin de Laruns - Bourg ancien (en rouge) et dynamique d’étalement

Les villages du bassin de Laruns possèdent un cœur dense et sont presque tous positionnés sur les pentes proches d’un cours d’eau ou de son cône de déjection (sauf Pon, village-rue implanté perpendiculairement entre deux gaves). Les rues des bourgs sont étroites et les façades sur mur gouttereau donnent à voir des ouvertures restreintes dans ces constructions aux murs épais faits de roches brutes diverses et de galets du gave maçonnés. On ne peut que remarquer, contrastant avec ces bâtisses massives, la finesse du travail des pièces de marbre qui ornent ces façades. Les linteaux en ellipse ou en anse de panier, les chaînage d’angle ou encore quelques escaliers sont en effet polis, bouchardés et magnifiquement sculptés dans le marbre gris d’Arudy ou le blanc éclatant de Louvie-Soubiron. On peut de même parfois connaître en observant, le nom du constructeur, du commanditaire mais aussi la date, nous permettant de nous rendre compte du faste du XIXème et du grand nombre de constructions quasi-bourgeoises associés à cette période. On relève aussi un certain patrimoine civil (en particulier à Laruns) ou l’utilisation de marbre n’est guère modeste (lavoirs, fontaines, halles...). Ce patrimoine et la beauté de la montagne ont ainsi attiré de nombreux citadins venus faire construire, notamment durant la seconde partie du XXème siècle. On trouve ainsi des extensions des bourgs durant les années 1970

1

2 1-Maison villageoise haute du XVIIIème aux ouvertures étroites 2- maison à cour avant et séchoir du XIXème, période d’or de la vallée.

sur la proche périphérie de ces derniers, mais aussi le long des cours d’eau et dans les quartiers des granges de façon clairsemée. Des pavillons des années 1990 trouvent de même leur place le long de certains axes (sud de Laruns) mais aussi sous la forme de lotissements (nord de Laruns).

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Bagès

4

1 Béost

Laruns 2 3

5 Pon

0

250m

500m

750m

N

Bourg ancien

Assouste

3-Mitage des années 1970 dans le quartier des granges pour bénéficier de la vue sur le fond de vallée.

1-Centre-bourg ancien de Béost. Un habitat dense, fonctionnel pour l’élevage, mais aisé.

4- Lotissement de la fin des années 1990 à l’écart de Laruns, positionné sur un relief en surplomb par rapport à la départementale et au supermarché.

2-Centre-bourg ancien et dense de Laruns. Place du village et ses bâtisses du XIXème témoignant de la richesse de Laruns à cette époque.

5-Constructions durant la seconde partie du XXème siècle le long du Gave, cours d’eau à risque de par la violence de ses crues.

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Bloc schématique Béost - implantation des villages en vallée d’Ossau

Quartier des granges en amont

Villlage groupé en pente pour: -limiter l’emprise sur les surfaces à potentiel agricole -permettre l’entraide et la sécurité lors des hivers rigoureux -garder un retrait par rapport au gave d’Ossau

Cône de déjection d’un cours d’eau (Canceigt) pour l’accès à l’eau potable

Replat à proximité pour permettre une culture vivrière et des prairies accueillant les bêtes en hiver

Gave d’Ossau en fond de vallée

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1-4 1-4LE LECENTRE CENTRED’UNE D’UNEVALLÉE VALLÉETOURISTIQUE TOURISTIQUE

L’un des chemins de randonnée sur la Montagne Verte au départ de Béost dans le fond de vallée permettant par un sentier pastoral d’obtenir de grandes panoramiques.

Le Bassin de Laruns est la porte du Haut-Ossau, la dernière étape avant d’entamer son périple vers les paysages d’estives, les pics et arêtes acérés de la haute montagne ossaloise, si appréciée des touristes. C’est aussi par cet ombilic glaciaire que passent les curistes des stations des Eaux-Bonnes et EauxChaudes et les milliers de touristes se rendant dans les stations de ski de Gourette dans la vallée du Valentin, ainsi que celle d’Artouste en suivant la vallée principale vers l’Espagne. Profitant de l’attrait de la vallée d’Ossau, de nombreux campings se sont implantés dans le fond de vallée dans le cadre d’un programme de tourisme social durant les années 1970. Aujourd’hui au nombre de 8 dans le bassin de Laruns, plusieurs sont situés en zone à risques (inondations par le Gave d’Ossau). Un réseau important de chemins de randonnée balisés se croisent dans le fond de vallée pour desservir la Vallée d’Ossau mais aussi les vallées voisines (Aspe et Ouzom). Ces derniers

empruntant bien souvent d’anciens sentiers pastoraux ou forestiers permettant ainsi de découvrir le patrimoine naturel, architectural et culturel, notamment pastoral, de la vallée . En effet le pastoralisme semble être aujourd’hui très lié au tourisme itinérant. Par «l’entretien de la montagne», les éleveurs permettent la conservation d’un paysage ouvert aux multiples points de vue tandis que les promeneurs s’adonnent de plus en plus au tourisme vert. On retrouve ainsi quelques points de vente de produits locaux dans les fermes mais aussi à Laruns, participant à l’attrait touristique et à l’économie valléenne. L’AOP Ossau-Iraty, qu’elle soit adoptée ou non par les éleveurs, participe à l’attrait et à l’imaginaire des touristes vis à vis de la vallée.

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Aas Col d’Aubisque

Laruns Eaux Bonnes

Gourette

Principaux espaces d’attrait du territoire étudié et aménagements liés au tourisme

0

1km

2km

3km Principaux pôles d’attraction touristique

N

Camping à Laruns

GR10 et Chemins de randonnée

Camping de Geteu

55% des emplois de la vallée sont liés au tourisme 900 000 nuitées par an sont prises en vallée d’Ossau

Source: Journal de la CC Vallée d’Ossau

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2- SEQUENCE ENCAISSÉE DE LA VALLÉE DU VALENTIN Bloc Diagramme de la séquence encaissée de la vallée du Valentin Bois d’Assouste sur versants abrupts

Boisement de résineux par-avalanche

Quartier des granges de Aas

Station thermale vieillissante du XIXème d’Eaux Bonnes

Estive tardive de la Montagne Verte

Massif du Gourzy

1500m

1200m

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N

Quartier des granges au-dessus de Assouste sur replat glaciaire

Village-rue: Aas sur un épaulement glaciaire Terrasse de Aas, fortement enfrichée

Route thermale reliant Laruns à Eaux-Bonnes et plantée d’arbres remarquables

Boisement remontant progressivement

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2-1 2-1 EAUX-BONNES, EAUX-BONNES,VILLE VILLETHERMALE THERMALE

Vue de la station thermale encaissée dans la vallée du Valentiin

Route thermale du XIXème reliant Laruns à Argelès, plantée sous Napoléon III d’arbres aujourd’hui majestueux.

Depuis le bassin de Laruns, une route cernée d’arbres majestueux se dessine et vient pénétrer la vallée encaissée du Valentin. Il s’agit de la route thermale, aménagée et plantée au XIXème, elle rejoint la station thermale des Eaux-Bonnes pour ensuite franchir le col d’Aubisque et traverser les Pyrénées. Eaux-Bonnes, ville thermale, est nichée sur un petit plateau au creux de la vallée encaissée du Valentin. La station est aussi située à la confluence avec la Sourde prenant sa source dans le vallon du Ger. Son architecture du XIXème propose des bâtiments élevés aux multiples ouvertures. Au centre du village notamment, une série des façades majestueuses allant d’un casino à plusieurs hôtels ou appartements luxueux, forment une longue place où se tient le Jardin Darralde. On trouve, entre la station et la hêtraie qui la surplombe, deux promenades remarquables par les points de vue qu’elles offrent autant que par les arbres qui les bordent. Ce sont la Promenade de l’Impératrice et la Promenade Horizontale transformant presque la montagne en un décor de peinture romantique. On trouve le long de ces promenades des gloriettes, en particulier celle de la Butte au trésor, montrant

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Facades XIXème aux Eaux-Bonnes. Nombreux bâtiments privés et gardés en mauvais état, diminuant le potentiel d’accueil de la station.

le désir de mettre la motagne en spectacle. Malgré ses airs de noblesse et de richesse, la station semble fonctionner au ralenti. Les rues sont peu fréquentées une grande partie de l’année, et moins de 10% du bâti résidentiel est permanent. De plus, de nombreux logements semblent être aujourd’hui abandonnés. On pourrait alors penser que la station est morte, en particulier en hiver où les rues sont effectivement désertes. Et pourtant, la commune semble s’engager dans de nouvelles opérations de logements touristiques ainsi que dans la construction d’un nouveau centre thermoludique à l’architecture résolument moderne à la place des anciens thermes du second empire. Tableau des logements secondaires et structures d’accueil (source: INSEE)

Résidences Secondaires 2007 Laruns Béost Eaux-Bonnes

Chantier du nouveau complexe thermoludique

Résidences Secondaires 2012

Hébergement collectif

Hôtels

Campings

52,1 %

53,2 %

1

6

6

40 %

48,1 %

0

0

1

88,2 %

91,4 %

3

6

2

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2-2 2-2 AAS, AAS,UN UNVILLAGE VILLAGEEMBLÉMATIQUE EMBLÉMATIQUESOUS SOUSPRESSION PRESSION

Vue sur Aas depuis la butte-gloriette d’Eaux-Bonnes, aperçu du bassin de Laruns entre les reliefs.

Aas, niché sur un la soulane de la Montagne Verte et faisant face au massif du Gourzy est un petit village traditionnel ossalois d’une centaine d’habitants. Le bourg est connu pour les siffleurs d’Aas, des bergers qui, pour communiquer à distance en haute montagne, utilisaient un langage sifflé. À mi-pente, le village se situe entre le fond de vallée encaissée boisé du Valentin et l’estive tardive de la Montagne Verte. Construit densément en longueur le long d’une route longeant le relief, Aas semble faire l’objet d’une pression foncière en particulier à l’est ou plusieurs maisons se sont construites entre le centre bourg et son quartier des granges. Le grand espace de prés en terrasses au sud du villages semble s’amincir sous la déprise pour ne plus représenter qu’un ruban de prai- Dynamique d’enfrichement et nouveau bâti autour de ries encore bien entretenues. Les parcelles les Aas plus basses, proches du Valentin, sont en effet Enfrichement abandonnées et sont aujourd’hui couvertes de boisements. En amont du village, une bande Logement construit récemment boisée protège le village des avalanches, fréquentes sur ce versant exposé au soleil. Un boisement pare-avalanches constitué de résineux, jusqu’à hauteur d’Eaux-Bonnes, par son quartier a de même été planté plus en altitude sur cette de granges, nombreuses, et dont les parcelles semblent être bien maintenues. estive. A l’est, le village est donc succédé 27


Coupe est-ouest de la vallée encaissée du Valentin et des deux versants opposés à hauteur d’Aas

Vers le cirque de Gourette Montagne Verte en Ombrée, largement enfrichée Aas sur un replat glaciaire

1600m

1147m

712m Hêtraie dense sur le versant ombrée, impropre à la culture Eaux-Bonnes Estive tardive de la Montagne Verte en Soulane

N

Terrasse de Aas, recouverte peu à peu par la friche

1/25000ème

28


2-3 2-3 UNE UNEVALLÉE VALLÉESOUMISE SOUMISEAU AURISQUE RISQUE

Érosion sur la route des Eaux-Bonnes

La vallée du Valentin, comme toutes les vallées montagneuses, est un territoire soumis au risque. Du fait d’un relief accentué, de fortes précipitations, mais aussi de certaines pratiques anthropiques, érosion, coulées de boue, avalanches, éboulements, incendies (se déclenchant plutôt sur des terrains peu entretenus) et crues dévastatrices altèrent fréquemment le paysage. Il n’est pas rare alors d’observer des espaces ébranlés par ces facteurs dans la vallée du Valentin. Autour de la station des Eaux Bonnes, on peut notamment voir, sur la promenade de l’impératrice, la cicatrice récente d’un glissement de terrain mais aussi d’une forte érosion dans une combe plus en aval ayant arraché la totalité du bas-côté de la route menant à la station. Si ces évènements sont le plus souvent liés aux facteurs naturels, on peut tout de même noter que l’intervention humaine peut les favoriser. Pour l’entretien de la forêt et la conservation d’espaces ouverts, la coupe à blanc peut parfois réduire le pouvoir de soutènement de la terre et provoquer un glissement de terrain (ce qui s’était déjà produit par le passé sur la promenade Gramont au-dessus des EauxBonnes). L’entretien parfois limité des murets de soutènement le long des chemins peut aussi parfois mener à la fragilisation de ces derniers en favorisant sa rupture et un éventuel éboulement.

Marque d’un éboulement récent au dessus de la promenade de l’impératrice à Eaux-Bonnes

N

ly

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Vers Eaux-B on

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le V ale

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Glissement de terrain important de 1982 en amont d’Eaux-Bonnes.

29


Montagne Verte

Aas

Pare-feu

Boisements de feuillus (châtaigniers, cerisiers Sainte-Lucie, poiriers, pommiers, chênes sessiles

Piste d’accès pompiers

Boisements de résineux et claies en bois pare-avalanches

L’un des évènements les plus marquants du siècle dernier (1982) fut sans doute le glissement de terrain qui eut lieu sur la Soulane de la vallée en amont des Eaux-Bonnes. En effet à l’observation de cartes ou photographies aériennes, on ne peut passer à côté de cette énorme masse de pierre (5 millions de m3) ayant dévalé la pente de la Montagne Verte près de la confluence du Cély et du Valentin. Outre la fracture provoquée dans le paysage aujourd’hui (bien qu’en partie recouverte d’herbe et de friches) et la déviation du lit du Cely, l’événement a nécessité l’aménagement d’une déviation de la route de Gourette autrefois dans le fond de vallée, déplacée au pied de l’ombrée de la vallée. Pour prévenir ses évènements, on trouve dans le paysage des formations particulières, des éléments liés au combat contre le risque. Dans ce cadre, le service RTM (Service de Restauration des Terrains en Montagne), souvent mandaté par les collectivités locales, réalise des travaux parfois très importants dans la vallée. On trouve ainsi des talwegs souvent plantés de résineux (pins à crochets et pins sylvestres

la plupart du temps). Les résineux ont en effet une croissance rapide et sont bien adaptés aux sols peu profonds, altérés par l’érosion et abrupts. Les aménagements au-dessus du village d’Aas (cité plus haut) sont aussi l’exemple de ces politiques RTM marquant le paysage. Le village, soumis aux avalanches, se développant sur la soulane de la Montagne Verte (peu boisée et très ensoleillée) a dû faire l’objet d’un plan d’aménagement du service RTM pour une meilleur sécurité. Un boisement de pins à crochets et de pins sylvestres a donc été planté, accompagné de claies en bois (dispositifs pare-avalanches). Cet espace fait de même l’objet d’écobuages contrôlés permettant de maintenir en état l’estive contre l’enfrichement mais aussi d’obtenir une herbe de meilleure qualité. Pour parer d’éventuels dégâts liés à ces feux pastoraux, l’ONF a aménagé la Montagne Verte avec la création d’un pare-feu , piste d’accès pour les pompiers, réservoir d’eau (citerne).

30


2-4 L’HYDROÉLECTRICITÉ

Co n du duite Hou f rat orcée

tin en Va l

La montagne est un territoire propice à l’exploitation de la l’énergie hydraulique. La force des gaves et autres torrents dévalant les pentes prononcées forment en effet une puissance que les chemins de fer du Midi puis EDF et la SHEM continuent à exploiter. La vallée du Valentin n’est pas la plus exploitée de ce point de vue. En effet, en vallée d’Ossau, c’est dans la section entre le col du Pourtalet à Laruns que l’on retrouve le plus d’aménagements liés à la houille blanche avec le barrage du lac de Fabrège remarquable par sa taille. Il n’empêche que de petites installations ponctuent cette vallée encaissée et participent à la particularité de son paysage. On trouve ainsi en amont et en aval d’Eaux-Bonnes, en fond de vallée, deux retenues d’eau destinée à être turbinée ainsi que plusieurs petites stations hydroélectriques le long du gave du Valentin. On trouve aussi, plus ou moins noyé dans la végétation, un réseau de conduites forcées, conduites hydrauliques amenant l’eau sous pression vers des stations en aval. (Notons l’impact visuel des conduites forcées dans le bassin de Gave Laruns, amenant d ’Oss au l’eau vers la station du Laruns Hourat).

Conduite forcée le long de la route d’Eaux-Bonnes

le

Barrage d’Espalungue en fond de vallée encaissée

Barrage d’Iscoo

Eaux-Bonnes

Barrage d’Espalungue

Petite usine ou autre aménagement hydroélectrique N

Ouvrages hydroélectriques le long du gave du Valentin 31


3- LA HAUTE-MONTAGNE :DU CIRQUE DE GOURETTE AU COL D’AUBISQUE

Bloc Diagramme du cirque de Gourette Station de ski de Gourette (1400m) et son architecture des années 1960-70

Pare-avalanches plantations et dispositifs construits

Estive de Gourette cotê pistes (Eaux Bonnes)

Estive La Bareille (Béost)

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r mb

O

Sou

lan

e Boisement morcelé par les pistes de ski aménagées mais protégeant la station

Route du col d’Aubisque Grand parking et télécabines reliant à Gourette Village de vacances (50 chalets)

N

32


3-1 GOURETTE, UNE STATION DE SKI EN PLEINE ESTIVE

Vue du cirque classé de Gourette et de la station de ski en plein coeur de ce dernier

Le gave du Valentin prend sa source dans une formation géomorphologique en amphithéâtre grandiose appelée cirque de Gourette. C’est ici que le glacier naissait avant de creuser la vallée du vallée du Valentin et rejoindre l’ombilic glaciaire du bassin de Laruns. Le cirque est donc entouré de divers pics et arêtes sommitales (sommet culminant: Pic de Ger-2613m) et possède en son sein, au pied des roches affleurantes et des pierriers de vastes étendues enherbées. La station de ski de Gourette, au centre du cirque, est entourée de boisements la protégeant des avalanches. Ceux-ci sont morcelés sur la partie la plus au sud du cirque, traversés de toutes parts par les pistes de ski de la station. Les pelouses d’altitude du cirque de Gourette sont pacagés en été par les bêtes venues du fond de vallée ou des vallées étrangères. Ce sont les estives, divisées en plusieurs unités pastorales, ouvertes lors de la devête. On y trouve ainsi quelques cabanes d’estives où dormiront les bergers. L’ensemble formé de la cabane du terrain pacagé qui lui est associé

Cabane de berger (Cujala: cabane + Unité pastorale bornée par des pierres gravées)

Une route unique pour la station

33


Station de ski de Gourette et ses bâtiments imposants des années 60-70 dans un cirque classé.

(borné par des pierres gravées), accompagnée pour les plus modernes d’un enclos et d’un parc à traire forme la Cujala. La lactation des bêtes se terminant globalement en août, les cabanes disposent aussi d’un saloir permettant l’affinement du fromage sur place. À 1400m d’altitude, la station de ski occupe une place importante dans le paysage du cirque avec son implantation dense mais massive. Les bâtiments, datant en grande partie des années 1960-70 proposent une vue panoramique sur le cirque mais sont visibles de toutes parts. La station semble en revanche en pleine modernisation. De nouveaux logements, plus confortables, des espaces publics renouvelés ainsi que des services modernisés comme un office du tourisme et un réseau de remontées mécaniques ont fait dernièrement leur apparition dans le cirque. Ces remontées mécaniques s’étendent ainsi vers la partie sud du cirque en ombrée moins propice aux avalanches que

la soulane et offrent un vaste domaine skiable aux dénivelés variables. Dans cet espace, rares sont les lacs d’altitude mais deux grandes retenues d’eaux destinées à alimenter les canons à neige se distinguent dans ce paysage montagneux. En contrebas de la station, dans le début de la section encaissée de la vallée du Valentin, on trouve le plateau de Ley, entièrement aménagé en parking relié à la station par un grand téléphérique. La station bénéficie ainsi d’une offre de stationnement plus importante et plus sécuritaire notamment lors des forts enneigements. Le plateau possède de même un camping et est surplombé par les chalets d’Ossau: 50 chalets individuels ou mitoyens formant un village touristique totalement artificiel niché à mi-pente sur la soulane de la vallée.

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Parking du col d’Aubisque accueillant de nombreux touristes en été Boisements de protection et pare-avalanches sur la soulane Parking du plateau de Ley Télécabine reliant le parking à la station

Station de ski (commerces et hébergements principalement) boisements de protection pare-avalanches découpé par le domaine skiable de Gourette Unique route d’accès à la station, marquant la dissymétrie du relief (soulane très ouverte et pâturée, ombrée couverte de boisements)

Le front bâti de la station

Réserves d’eau pour les canons à neige

N Vue aérienne de la station de Gourette (source: Géoportail)

Plateau de Ley. Aujourdhui, un parking relais de la station relié par un téléphérique à celle-ci

Avec 320 000 entrées durant la saison 2012-2013, Gourette est la 7ème station des Pyrénées par sa fréquentation.

35


3-2 LE COL D’AUBISQUE, UNE ESTIVE TOURISTIQUE

Soum de Grum, point culminant de l’estive du col d’Aubisque

Depuis Gourette, une route en lacet s’échappe et remonte les reliefs vers le nord. Elle passe ainsi sous les pare-avalanches surplombants la station de ski puis par l’épingle où se trouve l’Hôtel des Crêtes Blanches offrant l’une des plus belles vues que l’on puisse avoir sur le cirque. Plus l’altitude augmente, plus le paysage s’ouvre pour enfin découvrir un paysage de landes et de gazons d’altitude ponctués de petits buissons ras comme le rhododendron ou le myrtillier. Les estives du col d’Aubisque sont marquées du passage des nombreux animaux qui viennent y pacager l’été. En effet ces gazons d’altitude sont ici striés de nombreuses sentes dessinées parallèlement au relief correspondant au piétinement des troupeaux. Hormis quelques roches affleurantes sur le Soum de Grum et les arrêtes sommitales qui le suivent, le relief est ici peu escarpé, propice à l’activité pastorale mais aussi au tourisme. En effet les reliefs de cet espace, assez doux pour des reliefs montagnards, mais donnant à voire de larges panoramiques, sont très appréciés des touristes désireux de la haute montagne accessible. Ainsi, la route du col mène à un grand parking positionné directement sur le col d’Aubisque et accompagné d’un bar restaurant.

Écobuage pratiqué fréquemment en vallée d’Ossau pour supprimer le Touyat ou les jeunes friches et enrichir le sol

Depuis ce parking partent plusieurs sentiers menant aux petits sommets et crêtes du secteur. On peut y observer la vallée du Canceigt, la vallée du Valentin et le cirque de Gourette mais aussi la vallée de L’Ouzom, voisine de l’Ossau. Ce col est aussi connu pour l’étape importante du tour de France qu’il constitue et attire à cette occasion des centaines de personnes venant assister à l’ascension. 36


Un paysage de landes rases, entretenues par les bêtes parcourant ces estives. On distingue d’ailleurs de nombreuses stries dessinées sur le relief à cause du passage répété des animaux.

Bloc Diagramme du col d’Aubisque

N

Soum de Grum 1870m

Estive de Puchéoux (Béost)

Col d’Aubisque grand parking et bar-restaurant

Pare-avalanches plantations de résineux

Hôtel des Crêtes Blanches avec large panorama sur le Cirque de Gourette

1910: première ascension du col d’Aubisque pour le tour de France 37


4- SYNTHÈSE

Aujourd’hui, l’occupation dans la vallée est assez hétérogène, dans le temps comme dans l’espace. De ce fait les espaces sont gérés de manière différentes. Ainsi, le bassin de Laruns est l’espace le plus dynamique, que ce soit par l’occupation et l’activité habitante comme que par la manifestation spatiale d’un pastoralisme relativement dynamique. Aussi, la haute montagne (cirque de Gourette et secteur du col d’Aubisque) est caractérisée par la cohabitation d’une activité touristique intense (sports d’hiver, randonnée) et d’une fréquentation soutenue des ovins et bovins pour la production laitière. Mais entre ces deux espaces les activités et les espaces semblent plus fragiles. En effet, dès les premiers reliefs du bassin de Laruns mais aussi sur les flancs de la Montagne Verte, les espaces intermédiaires sont instables. On trouve alors des prairies abandonnées, tandis que d’autres sont exploitées intensivement pour les plus accessibles ou d’une manière plus extensive pour d’autres. Des opérations de débroussaillage semblent prouver un regain d’intérêt pour cet espace. L’état des granges foraines est aussi très variable: en activité, en ruine, ou réaménagées pour l’habitat secondaire. Ces espaces sont pourtant forts d’une identité remarquable et d’un potentiel touristique et herbager évident. La station d’Eaux-Bonnes, sortant d’une période visiblement difficile semble, elle, opter pour une modernisation et une nouvelle vie à son riche patrimoine bâti. Il semble alors nécessaire de procéder à une rétrospective de la vallée et d’analyser dans l’histoire les deux moteurs de l’évolution de ses paysages que sont le pastoralisme et le tourisme. Cette démarche permettra en effet de comprendre comment l’activité pastorale s’est développée pour trouver sa forme actuelle mais aussi comment le tourisme s’est positionné dans l’espace valléen et selon quelles modalités.

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Station de ski à l’architecture des années 1960-70 se modernisant Station thermale vieillissante mais qui semble vouloir redynamiser l’activité

Fond de vallée exploité intensivement et extension de Laruns

Gourette 3 Col d’Aubisque

2 Eaux-Bonnes

Estives exploitées et touristiques

1 Laruns

N

Montagne verte sujette à la déprise, à l’abandon des granges foraines mais parallèlement à la reconquêtes de prairies et l’évolution du patrimoine bâti vers un autre statut.

1- Le bassin de Laruns (bloc descriptif et synthétique p.13) 2- La séquence encaissée de la vallée du Valentin (bloc descriptif et synthétique p.24) 3- La Haute montagne du cirque de Gourette au col d’Aubisque (bloc descriptif et synthétique p.32 et 37)

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40


II ÉVOLUTION DU PAYSAGE DE LA VALLÉE DEPUIS LE XIXÈME SIÈCLE Nous avons donc pu constater que ce territoire était principalement caractérisé dans sa matérialité par le tourisme et l’activité pastorale. Cette seconde partie abordera donc l’évolution de ces deux moteurs des paysages du Valentin en commençant par l’époque du XIXème siècle durant laquelle un tourisme préstigieux (thermalisme et pyrénéisme) trouvait sa place dans une vallée où un système agro-sylvo-pastoral occupait intensivement les lieux. La période de l’émergence d’infrastructures et de la pratique inovante du ski durant l’entre deux guerres sera ensuite abordée pour parler a postériori de son développement massif dans les années 60 ainsi que de la spécialisation dans l’herbe et des effets de la modernisation du monde agricole. Enfin, la période des années 1990 à nos jours sera évoquée pour mettre en lumière le regain d’intéret pour le pastoralisme après une période difficile et l’évolution récente du tourisme se partageant entre l’affirmation des sports d’hiver et d’un développement progressif de l’agro-tourisme.

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1- XIXÈME SIÈCLE: LA COHABITATION DE L’AGRO-PASTORALISME ET D’UN TOURISME PRÉSTIGIEUX 1-1 LE PASTORALISME, UNE ORGANISATION SOCIALE ET SPATIO-TEMPORELLE MILLÉNAIRE Été

ES

A

NC

UM

1500m Estives tardives

ESTIVES DE BASSES MONTAGNE

H

S AN

TR

ESTIVES

1000m

Avril à Novembre

QUARTIER DES GRANGES 700m Décembre à Mars

FOND DE VALLÉE

Bloc diagramme de l’étagement du système pastoral

500m

Unités pastorales SIG IPHB - février 2011

L’activité pastorale est à la source de l’existence de la société montagnarde Ossaloise. En effet les nombreux vestiges et sites archéologiques ont démontré que les premiers défrichements et la mise en place du système des pâturages étagés remontait au Chalcolithique (âge de cuivre) soit il y a presque 6000 ans (début de la protohistoire). Aujourd’hui, le pastoralisme reste une activité majeure de la vallée et a largement façonné le paysage à travers les âges. L’élevage en montagne est basé sur un système transhumant extensif. Il y a donc dans la vallée toute une dimension spatiale basée sur l’étagement ainsi qu’une dimension temporelle dictant notamment les périodes de transhumances des cheptels. Ces deux dimensions, très liées, sont régies par un ensemble de règles, souvent très anciennes, permettant un fonctionnement organisé de l’activité et 42


Louvie-Soubiron Bagès Laruns

Béost Aas

d’ O

ss au

Col d’Aubisque

G av e

Eaux-Bonnes

Le Va le

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Eaux-Chaudes

1km

2km

3km

Gourette

4km

N

Propriété privée en fond de vallée et quartier des granges

évitant toute concurrence ou litiges entre les éleveurs de la vallée. Ainsi, contrairement au système de propriété standard où la plupart des terres appartiennent à des exploitants, la plus grande partie du territoire ossalois est «partagé». Les propriétés privées sont, en vallée d’Ossau, située en fond de vallée ainsi que dans les quartiers des granges un peu plus en altitude. Au delà, la montagne peut être communale, indivise (appartement à plusieurs communes) ou encore syndicale (gérée par la Jurade jusqu’en 1837 puis par le Syndicat d’Ossau jusqu’en 1853 et enfin par la Commission syndicale du Haut-Ossau aujourd’hui encore). D’un point de vue temporel, les tranhumances sont régies par la devète (montée des troupeaux), le berger transhumant doit s’acquitter de la baccade. Il s’agit d’une taxe de droit à l’herbe. La baccade est calcu-

Cartographie des types de propriétés de la vallée du Valentin Montagne «partagée»

-Montagne communale -Montagne indivise -Montagne syndicale

lée par tête de gros bétail (vache, jument,...) et équivaut à10 brebis. Cette dernière est fixée par les communes et le syndicat. La Bacade permet entre autre d’éviter le sur-pâturage mais aussi d’évaluer l’évolution du cheptel et contrôler le bétail étranger à la vallée. À la fin du printemps la devète de la basse montagne ouvre les premières transhumances et permet à l’herbe de la haute montagne de se remettre de l’hiver. Mi-juillet, c’est la devète d’été, les basses montagnes sont fermées au pâturage jusqu’à miaoût. Dans les alpages, les limites des Cujalas sont contrôlé par les «bédallers» ou par le garde-champêtre.

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1-2 L’ÂGE D’OR DE L’AGRO-PASTORALISME sage de bocage aux mailles beaucoup plus larges qu’en fond de vallée. les prairies sont clôturées par des haies de jonc piquetées d’arbres comme le chêne, le hêtre ou le noisetier. Les cultures, en fond de vallée mais aussi plus haut dans la vallée (plateau de Aas) sont alors très diversifiées et présentes das une mosaïque de parcelles situées sur les espaces les moins pentus quand c’est possible. On cultive donc l’herbe, près des villages (pour pouvoir faire rentrer les bêtes si besoin) et sur les pentes plus raides. A cela s’ajoute la culture du trèfle et de la luzerne pour le fourrage. On fauche ces parcelles en juillet et en septembre pour le regain. On trouve aussi du lin, de l’orge, du blé, du seigle, Dans le fond de vallée le parcellaire est très des pommes de terre et quelques parcelles de morcelé et les exploitations sont petites du fait haricots. Mais la culture la plus répandue à ce de la superficie élevée des terres communales moment là est celle du maïs. Le labour réalisé en mars permet d’obtenir la récolte au mois partagées pour l’activité pastorale. Contrairement aux quartiers des granges, l’ha- d’octobre. Les grains constituent l’alimentation de base des ossalois mais peuvent aussi nourbitat est très groupé dans le fond de vallée. Les parcelles sont souvent entourée d’un mur de rir la volaille. Le reste de la plante est utilisée pierres sèches ou parfois maçonnées, construit pour le fourrage en règle générale. Bien que avec les pierres retirées de la parcelle. Un por- le sol de la vallée soit peu généreux et n’offre que des récoltes médiocres, elles suffisent bien tail en fer vient souvent refermer la parcelle. Les quartiers des granges présentent un pay- souvent à la subsistance de la famille. Au XIXème siècle, le paysage de la vallée est occupé par une société agro-sylvo-pastorale très dynamique. C’est durant cette période que la population atteint son maximum en vallée d’Ossau avec environ 17000 habitants en 1866. Durant la seconde moitié du XIXème, le poids démographique est tel que les granges deviennent un habitat permanent. Les surfaces de forêts sont à cette époque bien moins importantes qu’aujourd’hui. En effet depuis le XVIIème siècle (sous l’influence du cardinal de Richelieu), on les exploite massivement pour la marine royale grâce à une dizaine de scieries fonctionnant à l’énergie hydraulique des torrents de la vallée.

Carte d’État-Major mi-XIXème donnant à voir la polyculture du fond de vallée et sur les replats glaciaires près des villages (jaune), ainsi que la faible surface de forêt par rapport à nos jours (vert).

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Fond de vallée au XIXème siècle

Ombrée de la Montagne Verte exploitée, présentant un paysage de bocage

Moulins le long du gave alimentés par la culture de céréale valléenne

Laruns, bourgade de fond de vallée avant le développement du thermalisme

Massif des Cinq-Monts (autrefois Saint-Mont) paysage ouvert ponctué de granges

Béost, entouré d’une couronne de prés puis des cultures vivrières

Polyculture du fond de vallée, parcellaire petit, multiples propriétaires

Soulane de la vallée du Valentin au niveau de Aas au XIXème siècle Grange de la Montagne Verte

Granges diffuses (habitat permanent au mi-XIXème)

Replat en polyculture

Vergers (assez rare) Le Valentin, encaissé dans la vallée Soulane de la Montagne Verte, avalancheuse

Village groupé de Aas

Potagers

Ruban boisé sur relief trop abrupt pour la culture

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Gravure Victor Petit XIXème siècle, retouchée et démontrant l’ouverture de ce paysage grâce à l’occupation massive de l’agro-pastoralisme dans la vallée

Certains se contentent même d’une parcelle de moins d’un hectare où seuls quelques légumes sont cultivés (proche des villages). Alors que de mars à octobre, la vallée bouillonne entre les travaux des champs bien souvent effectués par les femmes et les travaux pastoraux plutôt par les hommes, l’hiver est une période bien plus calme. L’activité se résume alors à la confection de fromages mixtes (brebis-vache), la vente de lait, l’épandage du fumier dans les prés, l’entretien des haies, mais les travaux dans les champs sont très limités. Durant cette période, la plupart des bergers, malgré les fonds familiaux ou les droits sur le fond communal ne trouvaient pas assez d’herbe et de fourrage pour leur troupeaux. Ils partaient alors faire pacager leurs bêtes dans la plaine, où le climat, plus doux, le permettait. Certains remontaient jusque dans des prés dans les Landes ou autour de Bordeaux. En échange de cela ils laissaient aux propriétaires du fumier, quelques agneaux et du fromage. Cette période un peu triste pour le fond de vallée s’arrêtait en mars avec les beaux jours quand il était temps de passer la charrue dans les champs et que les troupeaux trouvaient leur place dans les prés avant de partir dans les quartiers des granges.

La dynamique d’émigration faisait déjà partie des modes de vie. La plupart du temps, le cadet de la famille émigrait pour effectuer des travaux agricoles (bien souvent en Espagne) et rapporter un peu d’argent à la famille. Mais les paysages de la vallée d’Ossau étaient alors quasi-saturés et l’agriculture et l’élevage ne suffisaient plus pour assurer la subsistance de certains. De fortes vagues d’émigration eurent alors lieu vers la plaine, les Etats Unis, mais surtout vers la république d’Argentine pour y effectuer le métier de pasteur, notamment entre 1890 et 1900.

Le cirque de Gourette au XIXème, une estive entretenue par les troupeaux et déjà fréquentée intensément en été par les touristes d’Eaux-Bonnes.

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1-3 DU CLIMATISME PALOIS AU THERMALISME

Affiches anciennes faisant la promotion du climat de Pau ainsi que de la station thermale des Eaux-Bonnes (Source: Librairie Auprès De Pyrène)

Progressivement, et avec le courant du Romantisme, la montagne s’ouvre et perd son image négative pour devenir un espace sublime et attrayant grâce à sa beauté naturelle et sauvage autant que par l’harmonie et le calme qui y règne. On parle en premier lieu du climatisme Palois: les aristocrates de France mais aussi de nombreux britanniques (tradition du Grand Tour d’Europe) viennent profiter du climat local et de la beauté de la chaine des Pyrénées que la « Promenade des Anglais » en belvédère donnait à voir au sud de Pau. Les scientifiques et notamment Théophile de Bordeau, médecin et philosophe du vitalisme, recommandent l’air des sommets ainsi que le thermalisme pour les bienfaits qu’ils apportent au corps et les paysages pour le bien de l’esprit. Pour les beaux jours, les stations thermales des Pyrénées comme celle des Eaux-Bonnes viennent alors vite compléter l’attraction hivernale de Pau. L’ère industrielle va apporter une nouvelle clientèle aisée de bourgeois qui va accroître la fréquentation de la ville d’eau. L’accès à la station des Eaux-Bonnes ainsi que l’accueil préoccupe les élus face à cette clientèle en augmentation. La station doit alors s’adapter et revoir son urbanisation, alors encore rustique voire vétuste.

Huile sur toile (1820) et gravure de Victor Petit 30 ans après, montrant l’évolution rapide des Eaux-Bonnes.

De 1837 à la fin du XIXème on aménage donc ce hameau devenant une station thermale d’envergure. De nouveaux thermes imposants sont bâtis grâce à l’aide du département et les façades sont terminées en 1855 dans un style influencé par le classicisme. L’impératrice Eugénie aura une grande influence dans l’aménagement de la station et permettra ainsi la construction d’une grande église de marbre et un important casino. Elle soutiendra de même la création de la Promenade Horizontale et de la Promenade de l’impératrice, adossées aux massifs du Gourzy et de Montcouges, plantées d’arbres nobles et ponctuées de gloriettes ou 47


Illustration d’après gravures et récits du XIXème. La montagne, un tableau grandeur nature observé depuis la butte au trésor. En contre-bas, la station des Eaux-Bonnes. Au dessus, Aas sur la Montagne Verte, bien plus exploitée qu’aujourd’hui.

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autres points de vue remarquables sur la station ou le paysage du Valentin. Toutes ces constructions, notamment les façades des Eaux-Bonnes mais aussi de nombreux hôtels ou bâtisses de plus riches agriculteurs villageois, sont édifiées tout ou en partie de marbre gris clair. Ces constructions multiples vont donc provoquer une forte croissance des entreprises du bâtiment et de l’exploitation des matériaux. Cette période profitera donc énormément à Arudy et ses carrières, situées aux portes de la vallée d’Ossau mais aussi à Louvie-Soubiron pour son marbre blanc que certains considèrent comme plus qualitatif encore que celui de Carrare. L’ardoisière des CinqMonts profitera aussi de cette époque mais fermera dans les années 1960 en laissant une emprunte visible de toutes parts dans les reliefs surplombants Laruns.

La Promenade Horizontale au dessus des Eaux-Bonnes et du Valentin, prend l’allure d’une allée de parc au milieu d’un décor de montagne.

Laruns devient alors un lieu stratégique et devient porte du Haut-Ossau, relais des stations des Eaux-Bonnes et Eaux-Chaudes. Le petit village se transforme, fait construire de nombreux hôtels et se développer un système de transport plus moderne de diligences qui nécessitera parallèlement une amélioration du système routier vers la haute montagne: la Route Thermale des Pyrénées est ouverte en 1859 sous l’influence de Napoléon III. Elle traverse toute la vallée d’Ossau de Arudy au col d’Aubisque pour la relier aux vallées voisines et au reste de la chaine montagneuse. L’agriculture profite de même de cette situation car ce sont les exploitants du bassin de Laruns qui alimentent la station des Eaux-Bonnes en pain, lait, volailles, beurre, fromages, mais aussi des nombreux fruits qui poussent dans les jardins.

L’immensité de la montagne représentée dans une gravure de Victor Petit vers 1850. On y voit la butte gloriette adjacent la Promenade de l’impératrice et surplombant les thermes des Eaux Bonnes.

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2- L’ENTRE-DEUX GUERRES, UNE VALLÉE QUI SE MODERNISE 2-1 LES CHEMINS DE FER DU MIDI

Navettes pour les stations thermale de la vallée devant la gare ferroviaire de Laruns (source: Delcampe.fr)

La seconde partie du XIXème est donc une période de forte activité dans la vallée et voit de nombreux flux de population, qu’ils soient émigrants (pour l’emploi) ou immigrants (tourisme). La demande de l’aménagement d’une desserte par les chemins de fer émane alors de la vallée pour l’utilité publique et le projet est présenté en 1878 à la chambre des députés. Les arguments économiques sont de poids. Les produits ligneux, le marbre, les minerais, le fromage et les bêtes qui partent en exportation appuient donc cette demande. La station des EauxBonnes accueillant quelques 8000 touristes par an et défavorisée par rapport aux stations thermales des vallées voisines déjà desservies par le train, ajoute encore un poids dans la balance. Le chantier est donc rapidement

engagé et on inaugure la ligne Buzy-Laruns en 1883. Cette nouvelle avancée dans la vallée démocratise le tourisme thermale des EauxBonnes et permet aux Chemins de Fer du Midi une première «industrialisation» du tourisme (nombreuses campagnes de publicité menées par la société pour le tourisme Ossalois). En 1929, L’usine du Hourat, de Miègebat et d’Artouste permettent l’électrification de la ligne. On émet même l’éventualité de mettre en place un tramway électrique au départ de Laruns et desservant la station des Eaux-Bonnes. Mais cet aménagement ne voit jamais le jour probablement à cause d’une baisse progressive de la fréquentation de la station.

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2-2 L’EXPLOITATION DE LA HOUILLE BLANCHE

Illustration d’un journal montrant la nouvelle usine du Hourat dans un paysage agro-pastoral(source: Delcampe.fr)

En 1914 la compagnie des chemins de fer du midi développe un grand programme d’aménagement hydroélectrique pour électrifier le réseau de chemin de fer régional jusqu’à Bordeaux. La vallée d’Ossau fait ainsi partie de ces vallées pyrénéennes devant s’habituer à l’arrivée de cette nouvelle technologie, et des aménagements qui y sont liés. Apès une étude en 1917 sur la faisabilité des installations en vallée d’Ossau, on voit alors rapidement se construire usines, conduites forcées ainsi que les mastodontes de béton que sont les barrages hydroélectriques. On met alors en service l’usine du Hourat dans le bassin de Laruns, alimentée par l’eau sous pression de conduites forcées dévalant plus de 200m de pente sur la

montagne. Les avis sur ces aménagements sont très divergents. Nombreux sont les habitants qui voient par ces nouvelles constructions une défiguration de la montagne mais aussi la mise à mal des cours d’eau de la vallée. D’autres y voient un atout économique certain. En effet, l’installation des centrales hydroélectriques permis à des communes de bénéficier de ressources permettant entre autres d’acheter des maisons destinées à la location saisonnière. Ces aménagements se font de même en contrepartie d’une fourniture gratuite ou très peu chère en électricité des foyers mais aussi du réseau public. Dans la partie encaissée de la vallée du Valentin, les aménagements sont bien plus légers et tardifs que dans la section principale de la vallée d’Ossau. Malgré le classement de la vallée du Valentin en 1959, on construit l’usine d’Eaux-Bonnes en 1967, l’usine d’Espalungue en 1969 et l’usine d’Assouste en 1978. Ces trois usines et les retenues d’eau associées sont de petite envergure. Effectivement, le débit du Gave du Valentin représente moins d’intérêt que le Gave d’Ossau, alimenté par de nombreux affluents et possédant un bassin versant bien plus vaste.

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2-3 LE SKI, UNE NOUVELLE PRATIQUE QUI VA BOULEVERSER CE PAYSAGE MONTAGNARD

Station de ski de Gourette en 1937 (Source: Delcampe) Henry Sallenave est la première personne à skier en 1903 les pentes de la vallée d’Ossau (plateau du Bénou), il organise en 1908 le concours international de ski de Pau-Eaux Bonnes. En 1930 La route qui mène à Gourette est goudronnée et les premiers pare-avalanches sont mis en place pour protéger la station au centre du cirque. Les premiers touristes sont moqués et font l’objet d’hostilité. Les ossalois voient mal la terre qui les nourrit partagée avec des étrangers à la vallée qui considèrent celle-ci comme un grand terrain de jeux. Les gens du cru s’élèvent aussi contre cette activité qui viendrait selon eux perturber leurs traditions. En effet la station vient priver les bergers et leurs troupeaux d’une partie de leurs zones d’estives essentielles au système pastoral, pilier de l’identité Ossaloise. Le Touring Club de France et le Club Alpin Français joueront un rôle important dans la promotion et la sensibilisation du tourisme hivernal et ce, même auprès des populations locales. En plus des arguments hygiénistes et pratiques, le désenclavement et le développement économique des vallées (notamment du-

rant la période sédentaire hivernale) est un argument de poids pour les locaux qui l’ont déjà compris au vu de ce qu’Eaux Bonnes avait apporté à la vallée d’Ossau. Le développement de l’équipement et des installations touristiques de Gourette émane préférablement d’initiatives financières locales et se fait ici en concertation avec les acteurs locaux. Ces derniers refusent ainsi dans un premier temps l’installation d’édifices ou de téléphériques, quitte à mettre de coté la modernité. Rapidement, les pouvoirs publics interviennent pour favoriser la modernisation et la compétitivité des stations françaises en accordant des prêts à taux avantageux qui viendront apporter une forte contribution sur les paysages occupés par les stations de ski. Ces efforts sont mieux perçus par les acteurs locaux que les investissements extérieur car ils y voient un geste d’aménagement du territoire et de développement local. Le classement du cirque de Gourette en 1937 dispense les aménagements d’intérêt pastoral de la demande d’autorisation de travaux tout en accompagnant l’urbanisation et la 52


qualité architecturale des nouvelles constructions. Mais les membres de la commission des sites semblent très laxistes sur l’expansion de la station de Gourette et recommande seulement une « intégration paysagère » des installations sans formaliser de directives précises. Les élus des Eaux Bonnes demandent le déclassement des zones urbanisées de la station vers la fin des années 1950 pour favoriser le

développement de la commune. Les dérives architecturales se font alors nombreuses (soutenues par les élus locaux). La commission des sites ne peut qu’essayer de freiner le phénomène en instaurant un second périmètre classé aux Eaux Bonnes pour éviter l’implantation abusive dans la vallée du Valentin et dans la station thermale et conserver ainsi son identité (1959).

Cirque de Gourette après 1937

Sécurisation de la route du col et de celle de Gourette contre les avalanches en Soulane

Station de ski de Gourette, se limitant alors à quelques bâtiments

Le Valentin Route de Gourette goudronnée en 1930

Plateau de Ley, estive, pratique du ski et petit camping

Estive partagée entre les troupeaux l’été et les skieurs l’hiver

Boisement protégeant la station de ski contre la neige stockée dans les couloirs avalancheux

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3- LE TOURISME DE MASSE DES ANNÉES 1960 DANS UNE VALLÉE AGRO-PASTORALE EN ÉVOLUTION 3-1 LA SPÉCIALISATION DANS L’HERBE ET LE DÉCLIN DE LA SOCIÉTÉ RURALE Au milieu du XXème siècle, la taille moyenne des exploitations reste petite, car à la faible superficie des terres communales vient s’ajouter la problématique des nombreux emplois secondaires offerts par Laruns et le tourisme. La moyenne de la taille des parcelles avoisine les 0,4 ha dans une forme allongée quand le relief s’accentue. Dans la vallée, les exploitations représentent en moyenne 5ha (18ha dans les autres vallées des Pyrénées-Atlantiques). Les prairies proches des villages devaient être entretenues pour les troupeaux ne partant pas en transhumance en plaine. Béost, en revanche, possède à ce moment-là encore de nombreuses grandes exploitations et a su maintenir une structure encore solide et prospère sans dépendance extérieure. Aux Eaux Bonnes les exploitants sont moins nombreux mais les parcelles plus vastes.

En Ossau le faire-valoir direct (exploitation par le propriétaire) est bien plus présent que le fermage avec plus de 75% de la SAU. Les éleveurs les plus âgés louent bien souvent une partie de leurs terres aux 25% restant qui sont souvent d’autres propriétaires plus jeunes cherchant à augmenter leur production. Le métayage, lui, a complètement disparu. Dans les quartiers des granges, les prés sont plus larges qu’en fond de vallée et sont parfois encore exploités à la main car non accessibles aux moto-faucheuses. Une bonne partie des troupeaux reste dans les étables des quartiers des granges en hiver où est entreposé le fourrage récolté des deux fauches estivales. Au printemps et en automne, le berger vit souvent dans les granges auprès du troupeau

Illustration d’après écrits et cartographies d’après-guerre. remontée de la terre vers le haut des parcelles sur le dos d’une mulle avant le semis du maïs. Transhumance vers les estives de basse-montagne

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Illustration d’après écrits et cartographies d’après-guerre. Travail de la terre encore réalisé à la main. Montée des brebis vers le quartier des granges par un chemin rocailleux.

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Une vallée qui s’ouvre à un système extra-valléen (1946-75) Après la guerre de 39-45, la France connaît un essor économique important et un changement radical des modes de vie. Les jeunes hommes, de retour de la guerre, (quand ils reviennent) cédent à la tentation de la vie de la plaine, moins ardue. Les jeunes femmes, aspirant à une vie plus confortable, laissent, de même, derrière elles la dure vie de montagne. Durant cette même période, la blé est devenu une culture qui ne présente plus guère d’intérêt car elle était trop peu rentable. La diversité des cultures vivrières baisse ainsi rapidement et une spécialisation dans l’herbe devient de plus en plus évidente. Souvent on achète aussi le fourrage de la plaine, plus rentable (notamment le maïs hybride de la plaine de Nay). Avec l’apparition des CUMA (Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole) fin 1945, le matériel agricole de la vallée se modernise peu à peu et réduit la difficulté du travail. Dès la fin de la première guerre mondiale, les grandes routes de la plaine sont bitumées. Mais après la seconde guerre on améliore les réseaux routiers de la vallée, notamment dans les années 1960 avec l’arrivée du tourisme de masse initié par la modernisation de Gourette. A partir de 1956, on renouvelle ou construit des cabanes de bergers pour améliorer les conditions des bergers transhumants.

Nombre de bovins

Avec ces nouvelles routes bitumées en plaine, les grandes transhumances deviennent de plus en plus compliquées. Elles se réalisent alors en train, la Compagnie des chemins de fer du Midi offrant des réductions sur les tarifs pour les bergers. Mais en plaine, les landes utilisées par les bergers transhumant l’hiver sont défrichées et se transforment progressivement en labours. De plus, le fumier (laissé autrefois par ces troupeaux) est abandonné pour l’utilisation des engrais chimiques. Cette pratique disparaît donc peu à peu. En hiver toutes les bêtes sont donc maintenant dans les granges en fond de vallée, on les fait pacager si possible pour éviter d’épuiser le fourrage. L’attrait de la plaine provoque peu à peu la désertification de la montagne entraînant l’enfrichement de nombreuses prairies, de terres jadis cultivées et le vieillissement de la population. Malgré un cadre de vie qui s’améliore progressivement, la période des années 1970 représente une baisse du nombre de berger de 4 à 6% chaque année. On trouve aussi un grand nombre de bergers qui, quand ils ne sont pas partis, complètent leurs salaires par les revenus de l’industrie, et de plus en plus par ceux du tourisme saisonnier. Le nombre de troupeaux étrangers augmente parallèlement pour atteindre près de 45% des têtes en 1970. Cela permet de continuer d’entretenir les estives et contribue à l’économie de la vallée. Nombre d’ovins

Nombre d'équidés 28000

4000

21000

3000

14000

2000

7000

1000

0 1880

Le contre-coup de la modernité

1910

1940

1970

0 1880

1910

1940

1970

Baisse des cheptels (chiffres de la vallée d’Ossau) enclenchée depuis les premières migrations du XIXème, puis accentuée durant les deux guerres, et maintenue après la seconde guerre mondiale.

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L’ouverture de la vallée et l’amélioration des systèmes de transport facilitent les importations. La farine est maintenant directement achetée en plaine où la culture du blé est plus adaptée ce qui entraîne la fermeture de nombreux moulins. Cela provoque aussi une diminution de la production de fourrage, acheté maintenant en Espagne, en Aquitaine ou dans la Crau. Dans les année 1970, un tiers des bergers nourrissent de même leurs bêtes aux granules ou autres produits, plus rentables. Le fourrage de la vallée devient alors moins indispensable. Avec la modernisation des accès à la haute-montagne, les transhumances se

font en véhicule et les exploitants abandonnent progressivement les granges et leurs parcelles les plus isolées. De plus, les parcelles les plus en pente sont souvent trop petites pour être exploitées mécaniquement. Les buis, les ronciers, les taillis, les noisetiers, les bouleaux font alors leur apparition et envahissent les espaces jadis entretenus quotidiennement par le pacage des bêtes. Ainsi dans les années 1970, la moitié des granges sont abandonnées et les prés se contentent du pacage des bêtes et ne sont plus fauchés.

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Enfrichement de l’étage intermédiaire

A partir des années 1960, la ville de Pau fait construire une vaste zone d’activité commerciale proche de son aéroport. Or, la Commission syndicale du Haut-Ossau est propriétaire depuis quelques siècles d’un vaste terrain dans ce secteur appelé Pont-Long. Cet espace était jusqu’à présent loué aux bergers ossalois durant les transhumances de l’hiver dans la plaine ou à des agriculteurs palois. Aujourd’hui ces terres sont donc louées pour la culture du maïs, mais aussi à l’armée et aux investisseurs qui sont venus implanter leurs magasins dans la zone commerciale. Toutes ces locations génèrent des retombées d’argent importantes pour le CSHO (85% de leurs revenus) et donc pour l’économie de la vallée. La structure investit alors dans de nombreuses améliorations pour la conditions de vie des bergers en haute montagne (cabanes modernisées, héliportages (transport de matériaux, de marchandises, de vivres,...)).

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La mutation des zones intermédiaires Dans les années 1970, certains des exploitants, au lieu de laisser leurs parcelles en zone intermédiaire s’enfricher, optent pour la plantation d’abres. On trouve alors encore aujourd’hui, plusieurs parcelles reculées des routes principales, où dans la friche, on sélectionne les chênes pour les entretenir en futaie, ou encore des parcelles plantées de résineux alignés. Ces exploitants s’assurent ainsi par la vente du bois, un capital supplémentaire pour leur retraite, une exonération partielle de leurs impôts, étant propriétaire d’un boisement, ou encore la construction d’un héritage. Certains optent en revanche pour la vente du terrain en tant que terrain à bâtir ce qui permet la construction de nombreuses maisons isolées en zones intermédiaires. Le pastoralisme décline malgré son soutien Le Parc National des Pyrénées est créé le 23 mars 1967. Son objectif dans un premier temps est de protéger la faune et la flore locale mais aussi de la valoriser. Les aménagements dans la zone périphérique du parc sont coordonnées par le PNP. Il s’engage et souhaite soutenir l’activité de la vallée (industrielle et rurale). Il génère une opposition au début pour être ac-

cepté progressivement en générant de l’emploi, en attirant des touristes et en aménageant le territoire (chantiers, sentiers, ...). Le parc est en effet un bon support publicitaire pour la vallée, valorisant et promouvant son image. Alors que l’on pourrait penser que celui-ci paraît comme un bon moyen de soutenir le pastoralisme, ce dernier survit à ce moment en réalité par les salaires complémentaires de l’industrie et du tourisme. Dans la pensée des bergers, leur activité est désuète. Ils se sentent dépassés par une activité touristique grandissante et moderne. Ce phénomène accentue les migrations qui s’étaient déjà enclenchées depuis la fin du XIXème. L’état ne s’aperçoit que très tard de la désertification d’une région entière et accorde des subventions pour l’aménagement des zones de montagne et l’encouragement du maintien d’une activité indispensable à l’entretien de la montagne. En effet, sur la fin des 30 glorieuses on reconnaît l’intérêt du pastoralisme pour son rôle dans la formation et l’entretien du paysage, participant grandement au tourisme et à l’activité économique valléenne. Les exploitations se modernisent lentement malgré ces aides, notamment avec la loi pastorale de 1972 et les opérations d’amélioration des condition en estives.

Ancienne prairie plantée de pins dans les années 60-70 au dessus de Assouste le long de la route thermale et ses résineux remarquables (mélèzes, séquoias, épicéas).

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Fond de vallée entre 1960 et 1970

Progression du bois d’Assouste et épaississement des haies du quartier des granges

Diminution des terres de labour en fond de vallée

Granges de Laruns encore utilisées

Progression des boisements sur les pentes

Forte déprise sur l’ombrée de la montagne verte et abandon des granges Chemin de fer en activité

Soulane de la vallée du Valentin au niveau de Aas entre 1960 et 1970

Granges diffuses quelques abandons Valentin aménagé par les ouvrages hydroélectriques

Friches sur les parcelles reculées ou abandonnées par des exploitants émigrants

baisse de la polyculture au profit de l’herbe Boisement en expansion

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3-2 UN DÉVELOPPEMENT BRUTAL DE GOURETTE L’acquisition démocratisée de l’automobile dans les années 1960, le rachat de la station de Gourette en 1962 par le conseil général des Pyrénées Atlantiques et gérée par le biais de l’EPSA (Établissement Public des Stations d’Altitude) permet une évolution brutale du complexe, disposant de bien plus de moyens financiers que les acteurs locaux. On ferma en 1971 la ligne de chemins de fer entre Arudy et Laruns. L’automobile ayant largement remplacé ce genre de transport. Cette période correspond aussi à la 3ème semaine de congé (1955) et à la 4ème rapidement après (1962). Cette opération vise donc à satisfaire une nouvelle vague de touristes (plus modestes qu’auparavant) qui ont maintenant l’occasion de prendre des vacances en hiver. On développe ainsi un tourisme dit «social» en semaine à Gourette mais aussi à Laruns (colonies et villages de vacances) pour éviter un afflux trop important uniquement sur le weekend. De décembre à avril, l’attraction de Gourette est très forte et les touristes submergent le cirque. On compte une capacité de 5500 lits dans la station en 1970. Les hôtels sont aussi complets en été durant les mois de juillet et août (attraction d’une clientèle régulière à Eaux-Bonnes et du paysage valorisé par le parc).

Le col d’Aubisque devient un lieu sur-fréquenté en été et l’afflux des touristes et leur voiture «dégrade les estives». En revanche, le printemps et l’automne sont des périodes creuses pour le tourisme ossalois. Les Ossalois sont employés dans les commerces, les remontées mécaniques ou les hôtels. Plusieurs habitants travaillant initialement dans l’élevage quittent leur travail pour un emploi, même saisonnier à Gourette car les conditions sont moins dures malgré des salaires relativement bas. Cet afflux vers l’emploi offert par le tourisme n’encourage pas les agriculteurs à moderniser leur exploitation.

Le col d’Aubisque, pris d’assaut par les touristes dans les années 1960.

Un paysage qui mute avec des logements neufs pour le tourisme social après l’acquisition de la station par le conseil général. Surplombant la station, on peut tout de même observer des chalets, signe que la station souhaite conserver aussi une clientèle plus aisée. (source: Delcampe.fr)

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4- 1980-2010, UN NOUVEL ÉLAN POUR LA VALLÉE 4-1 UNE REGAIN D’INTÉRÊT POUR LE PASTORALISME Dans les années 1970, des aides entrent sont instaurées pour soutenir l’activité pastorale. Ces aides visent souvent à maintenir la fréquentation des estives. Dans les années 1980, on commence à s’attacher à l’importance de la gestion des zones intermédiaires en terme d’attractivité et des risques potentiels de leur enfrichement (risques naturels). Mais ces espaces ne sont réellement pris en compte qu’à partir des années 1990 avec l’arrivée des mesures agro-environnementales et l’abandon de la logique productiviste de l’après-guerre. Le deuxième pilier de la PAC mais aussi la convention européenne du paysage mettent en avant le rôle de l’élevage dans la gestion de la montagne. On souhaite alors limiter l’enfrichement du paysage et la qualité environnementale qu’apporte le pastoralisme à ces zones intermédiaires est reconnue. Puis les politiques continuent d’évoluer dans le sens du maintien et de l’encouragement de l’élevage extensif (PMSEE, PHAE puis ICHN via la PAC) et des zones intermédiaires (CTE préconisant une autonomie en fourrage et l’abandon de l’ensilage). Toutes ces lois mettent en avant la multifonctionnalité de l’agriculture (paysage notamment) et non plus uniquement sa production. Quelques parcelles enfrichées commencent alors à être ré-ouvertes dans la vallée et certains chemins d’accès sont élargis pour pouvoir permettre le passage de petits engins ou des camions. On continue tout de même à planter des résineux jusqu’en 2000. En effet, face au manque d’arbres résineux en France (depuis l’aprèsguerre) et dans un souci de rentabilité des

parcelles abandonnées, le Fond Forestier National encourage et subventionne la plantation de ces arbres jusqu’à l’année suivant la tempête de 1999 provoquant l’écroulement des prix du bois. De même, l’AOC Ossau-Iraty (aujourd’hui AOP) créée en 1980, a joué un rôle dans la reconnaissance des produits de la vallée et donc du maintien de l’économie pastorale locale. Après une campagne de publicité massive entre 1990 et 1992, le fromage se fait une nouvelle image auprès d’un public très large et relance ses ventes (non sans référence à l’image du berger traditionnel malgré un nombre dérisoire de producteurs fermiers dans l’appellation). On met aussi en place la « Route du fromage Ossau-Iraty » de Saint Jean de Luz au Pays-Basque à la haute vallée d’Ossau, un parcours de 200km jalonné, conduisant les touristes vers des points de vente, de dégustation ainsi que des lieux identitaires de la pratique pastorale. Un diplôme de niveau IV de berger-transhumant est obtenu en 1998 au niveau régional. Accompagné par des aides à l’installation des jeunes agriculteurs, quelques nouveaux bergers viennent rajeunir la population des bergers dans la vallée et ainsi permettre une reprise possible des exploitations.

L’AOC n’a pu exister que par l’augmentation des volumes de production en lien avec une production industrielle pour être rentable. Et contrairement à l’image qu’elle se donne, l’AOC ne comprend qu’environ 5% de producteurs fermiers même si ces derniers profitent des retombées économiques.

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Différentes typologies de parcelles d’une zone intermédiaire près de Assouste

Parcelles débroussaillées récemment

murets couverts de ronciers

Résineux plantés peu avant 2000

Parcelles amendées et fauchées (car plus accessible aux engins)

Pré devenu jardin privé (+/- 1970)

Friches avancées de bouleaux

Ronciers sur les limites de la parcelle

Opération de débroussaillage

pour la reconquête des parcelles enfrichées dans les zones intermédiaires (entre Béost et Aas)

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4-2 GOURETTE FAIT PEAU NEUVE En 2000, la station est vieillissante et n’est plus adaptée aux attentes du XXIème (confort, modernité etc). Un plan de modernisation massif est alors lancé si bien qu’en 2004, le chantier est le plus important de France et devrait augmenter de 60% son domaine skiable. Deux vastes réserves d’eau, ne passant pas inaperçues dans le paysage, sont aménagées au dessus de la station pour alimenter les canons à neige de la station. De nouvelles remontées mécaniques sont aussi créées et sillonnent la partie sud du cirque de Gourette Avant ces changements, la majorité des vacanciers venaient se garer à l’intérieur même de la station qui ne pouvait plus supporter la charge de tout ce stationnement. Le plateau de Ley, qui accueillait déjà un camping et un parking payant, fit à nouveau l’objet d’un aménagement important avec un parking plus grand pouvant accueillir jusqu’à 400 voitures. On construit ou rénove aussi l’hébergement de la station. Mais Gourette possède encore un grand nombre de bâtiments des années 1960 à 1970 qui vieillissent mal. La tendance est de recouvrir ces bâtiments pour des matériaux plus

nobles et avec une meilleur intégration dans ce paysage. Mais, les bâtiments appartenant à des investisseurs privés, la décision de rénovation n’appartient qu’à eux, malgré une grande volonté de la commune Eaux-Bonnes-Gourette d’accélérer cette dynamique d’intégration de la station au cœur du cirque. Aujourd’hui, par manque de financement ainsi que par le périmètre NATURA 2000 qui nécessite des démarches particulières pour l’aménagement, l’évolution de la station a fortement ralenti. De même, à cause du changement climatique, l’enneigement fluctue fortement d’une année à l’autre. On peut alors observer des années où de fortes accumulations de neige viennent mettre en danger les usagers et les équipements de la station (destruction d’un téléphérique pare-avalanches en 2014 malgré les systèmes de pare-avalanchess) et des années ou l’enneigement est si faible qu’il affecte gravement son économie ( enneigement trop faible et trop tardif en 2015, provoquant un retard d’ouverture d’un mois).

1950

1964

2000

2005

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«Champs de sports» du plateau de Ley et son petit camping avant 1960 (source: Delcampe.fr)

Parking du plateau de Ley, finalisé en 2006

Aménagement du parking sur le plateau de Ley

Évolution de la station de ski après le chantier de 2004

Rénovation très ponctuelle et construction de logements

Réaménagement des pistes et construction de nouveaux téléphériques

Aménagement de réservoirs pour les canons à neige

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4-3 RACHAT DES GRANGES OSSALOISES Le rachat des granges est un phénomène qui débute doucement dans les années 1960. La situation s’accélère dans les années 1970 quand un grand nombre de personnes souhaite «un retour à la terre» quitte à accepter la vétusté des granges ossaloises. En plus de voir une population étrangère à la vallée investir ses terres, les éleveurs sont insatisfaits par les problèmes fonciers que cela pose. En effets, ces nouveaux propriétaires, pour la plupart absent une grande partie de l’année, ne favorisent pas les améliorations de structures foncières par remembrement de la SAFER déjà peu efficaces à cause de la petitesse et le foncier peu élevé des parcelles. Puis le phénomène se calme entre les années 1995 et 2000 pour à nouveau s’accentuer.

Aujourd’hui la clientèle est plus aisée. Ce sont notamment des ingénieurs provenant souvent de la région parisienne se déplaçant à la recherche «d’air pur». Mais depuis un ou deux ans, le marché s’effondre. En effet la quasi totalité de ces granges nécessite d’être mise aux normes et on peut compter entre 120 et 130 granges ossaloises qui aujourd’hui, devraient faire l’objet de rénovation et de travaux conséquents pour être habitables aux yeux de la législation. Les reglementations et les dossiers à mettre en place sont lourds et il est nécessaire de passer parla commission des sites et l’ABF pour cela. La clientèle se fait alors de moins en moins nombreuse, découragée par toutes ces procédures et surtout par le prix des réhabilitations de bâti ancien. Panneau solaire (pas d’installation électrique auparavant)

Nouvelles ouvertures (granges peu lumineuses)

Végétation ornementale

Surface disponible en moins pour le fourrage (jardin privé)

Grange réaménagée (au dessus de Bagès)

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5- SYNTHÈSE CONTEXTE n

XIXÈME SIÈCLE

Pression démographique élevée Exode forte en fin de siècle n Modèle agro-sylvo-pastoral n Auto-suffisance n Tourisme prestigieux et volonté de découvrir la beauté naturelle de la montagne n Pastoralisme vu comme dégradant les paysages n

Paysage ouvert

Etages intermédiaires très exlpoités

Baisse de la polyculture Développement du tourisme de masse Promotion de la vallée par le PNP n Démocratisation des moyens de transport n Révolution agricole: adaptation à un système extra-valléen n Spécialisation dans l’herbe n Départ des éleveurs vers la plaine n Pastoralisme vu comme une pratique archaïque n Aides pour le soutien du pastoralisme innopérantes n

Réseau de randonnées

Déprise importantes (quartier des granges)

1990-2010

Progression des boisements n Politiques de soutien de l’élevage extensif n Reconnaissance progressive de l’intérêt écologique et paysager des zones intermédiaires n Bergers peu nombreux n Intérêt pour l’authenticité de la campagne et ses produits n Promotion d’un terroir n Projet de relance du thermalisme n Station de Gourette vieillissante

Polyculture

Quelques remembrements Progression des boisements sur les pentes

1950-80

n

Villages groupés

reconquête zonne intermédiaire

Étalement de Laruns

Étalement de Laruns

Friches et granges abandonnées

Bassin de Laruns 66


Granges habitées Estive Boisements en zones escarpées

Reboisements RTM

Prairies et potagers Polyculture

Fréquentation par les touristes fortunés

Estive

Baisse de la polyculture Abandon de granges Progression des boisements

Reboisements pare-avalanchess

Station de ski

Enfrichement partiel barrage hydroélectrique

Pression foncière

Camping de Ley

Aménagement d’un grand parking

Modernisation de la station mais logements vieillissants Morcellement du boisement par les pistes

Boisement pare-avalanches Enfrichement

Étage intermédiaire (exemple de Aas)

Cirque de Gourette 67


1937 - Bassin de Laruns (Source: Delcampe.fr)

2015 - Bassin de Laruns

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1923 - Aas (Source: Delcampe.fr)

2015 - Aas

1950 - Aas (Source: Géoportail.fr)

2015 - Aas (Source: Géoportail.fr)

D’après ces carto et photo-comparaisons, nous évaluons bien la dynamique d’enfrichement qui opère Le long du Valentin. Les zones intermédiaires sont les plus touchées et ces espaces constituent un fort enjeu de nos jours. Ils sont en effets soumis à la pression foncière, aux risques naturels, à la déprise, à la perte de valeur biologique mais aussi au questionnement de leur rôle vis à vis du tourisme. 69


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III

PROSPECTIVES L’ÉVOLUTION DU PASTORALISME ET DU TOURISME DANS LE VALENTIN Depuis l’après guerre, la société économique ainsi que les politiques de la PAC plongent les producteurs de la vallée dans un monde libéral dans lequel ils ne représentent que des fournisseurs pour l’industrie de transformation. Nombreux sont les éleveurs qui déposent le bilan ou qui migrent pour trouver un emploi plus rémunérateur. Quand ils n’ont pas les moyens de rentrer dans un système pastoral proche de l’industriel, les éleveurs sont soutenus par des politiques agricoles qui modifient leurs pratiques. Même l’Appellation Ossau-Iraty, malgré plus de 90% d’adhérents industriels, doit fortement faire baisser ses prix pour rester concurrentiel sur le marché français et européen. Ce fonctionnement économique agricole transforme peu à peu la montagne en un lieu de «nature», de patrimoine et de tourisme, plaçant la profession de berger transhumant comme une pratique archaïque. Certains éleveurs optent tant bien que mal plus récemment pour l’alternative du fermier. Cette solution, non pas des plus aisée à mener à bien, se trouve aujourd’hui soutenue par l’implantation progressive de l’agro-tourisme dans les terroirs comme celui de la vallée du Valentin. En effet, les français développent un attrait pour les paysages identitaires et les productions qui y sont associées à l’inverse des territoires banalisés par l’agriculture moderne dont l’image se dégrade fortement. Aujourd’hui et de plus en plus, les français se sensibilisent à la qualité de leurs aliments, aux conditions dans lesquels ils sont confectionnés ainsi qu’aux bénéfices locaux de la consommation de proximité.

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1- LE REDYNAMISME DU PASTORALISME

1-1 Le redynamisme de la filière ovine ossaloise: Encouragé progressivement par une hausse d’intérêt pour le fermier et le terroir associé, la filière ovine ossaloise devrait doucement se relever. Les bilans de l’IPHB sont optimistes. Les UGB transhumantes sont en hausse (10% depuis 1990) ainsi que le nombre d’exploitations malgré une «durabilité sociale fragile» (organisation du travail et main d’oeuvre). De plus, les MAEC (Mesures Agro-Environnementales et Climatiques) permettent des indemnités sur les les systèmes herbagers et pastoraux mettant en avant une gestion des ressources valorisant le paysage pastoral. De même, l’AOP Ossau-Iraty souhaite dans son cahier des charges à partir de 2018, supprimer l’apport d’ensilage en période de traite et développer l’utilisation de fourrage provenant de l’aire de répartition, ce qui devrait encourager la reprise de certaines parcelles directement par les éleveurs à cause de la forte hausse du prix du fourrage. Pour ce qui est du fermier, son développement devrait s’opérer en lien avec des structures types SCA (Sociétés Coopératives Agricoles) en particulier pour la promotion et la vente de son produit ou de types CUMA pour la mise en commun de matériel, de l’organisation et de la main d’œuvre. Les exploitations fermières devront de toutes évidences sortir de leur dynamique individualiste pour garantir leur avenir. Une initiative a d’ailleurs permis aujourd’hui le développement d’une marque de fromage fermier, le «Pé Descaous», développé par maintenant une trentaine de d’éleveurs (d’Aspe et d’Ossau en majorité). Son cahier des charges préconise l’utilisation de fourrage local, de la transhumance et interdit l’utilisation d’ensilage en toutes périodes.

1-2 Un redéploiement sur les zones intermédiaires Nous l’avons bien vu précédemment, l’une des problématiques les plus fortes dans la vallée est l’avenir des zones intermédiaires. En effet c’est dans cet espace que l’enfrichement se fait le plus fortement ressentir. Mais c’est aussi une zone où la pression foncière est élevée, que ce soit sur du terrain à bâtir (moins aujourd’hui) ou sur la reprise des anciennes granges pastorales pour l’habitat secondaire. En effet, de nombreuses personnes sont venues s’installer sur ces espaces (Béost, Bagès, Aas,...) Pour profiter du cadre de vie mais aussi de la vue sur la vallée. Ces nouvelles politiques, l’augmentation progressive des exploitations, des fermiers, et le durcissement du cahier des charges de l’AOP devraient ainsi provoquer une évolution de ces espaces. 1-3 Les conditions pour un redéploiement: Les espaces intermédiaires de la vallée du Valentin sont des propriétés morcelées et les usages qui s’y opèrent sont aussi nombreux. Quand ils n’ignorent pas l’existence de ce foncier, leurs propriétaires ne les exploitant pas procèdent souvent au bail verbal mais le fermage ne s’applique pas (volonté de conserver un lien identitaire avec le territoire et maîtrise en cas de plus-value économique). Il sera probablement nécessaire de réaliser, sur ces espaces au foncier complexe, un diagnostic de propriété et d’usages. Cela permettra par la suite à l’AFP (Association Foncière Pastorale) de répondre à cette problématique et d’envisager des opérations de regroupement parcellaires. 1-4 Vocations des zones intermédiaires: -Location aux jeunes éleveurs en priorité pour pérenniser l’activité -Vocation forestière (en évitant l’enrésinement ou la monospécificité) -Aide à l’entretien des propriétaires -Contrat entre propriétaire et éleveur pour la fauche ou la pâture sur la parcelle privée

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Exemple de la zone intermédiaire à l’est de Laruns et autour de Aas Eaux-Bonnes Aas Laruns

N 2015

2020

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1-5 Paysage de la zone intermédiaire en 2020 Coupe-feu entretenu Fauche des lisières en basse estive permettant des écobuages plus sécuritaires

Gestion de l’ancienne friche créant un boisement pare-avalanches

2020

Vers Eaux-Bonnes et Gourette

4

3 2 1

Fermeture par les boisements autour d’une grange rachetée pour habitat secondaire

1

Pastoralisme «façade» aux entrées de bourg (voir p. 79)

Vers Laruns

Lisières redessinées en bord de parcelles reconquises

2020

2015

>10m

6m Taille de la largeur des haies négligées. Les MAEC prévoient des aides pour les haies dont l’épaisseur est inférieure à 10m

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2

2015

Parcelles enfrichées et grange foraine abandonnée proche d’une route

2015

2020

Grange rachetée et jardin privé (habitat secondaire)

Arbres de la friche conservés pour la limite de parcellaire Redéfinition des parcelles

2020

3

Parcelles les moins enfrichées reconquises Parcelles enfrichées (stades d’avancement différents), haies épaisses, et grange foraine abandonnée.

4

2015

Parcelles enfirchées, foncier complexe, haies épaisses.

Gestion de la friche en futaie

2020

Gestion de l’épaisseur de la haie

Regroupement parcelaire pour une meilleure lisibilité et accessibilité

Conservation des arbres sur les limites de parcelles

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2- LA GENTRIFICATION PAR LE TOURISME 2-1 Gourette, station privilégiée Avec l’évolution du climat, des contraintes environnementales risquent de se poser à la station de Gourette. Avec la hausse des températures dans la région, l’enneigement des Pyrénées serait globalement réduit mais grâce aux précipitations tractées par l’océan, la vallée d’Ossau devrait (avec celles du Barétous et d’Aspe) totaliser la plus longue période d’enneigement des Pyrénées (source: modèles CROCUS et SAFRAN de Météo France). Les skieurs peuvent disposer maintenant d’informations sur l’enneigement par internet et leur permettre de choisir leur station en fonction de cela et de moins en moins pour une question

d’habitude. La fréquentation des stations sera donc certainement de plus en plus fluctuante mais Gourette pourrait bien faire partie des stations pyrénéennes les plus durables et les plus attractives. Inutile de citer le principe de l’offre et de la demande pour comprendre que cet élément permettra à Gourette d’augmenter nettement ses prix et faire évoluer progressivement sa clientèle. Cette clientèle plus aisée serait probablement demandeuse d’une qualité de logement plus élevée ce qui permettrait à la station d’accélérer la rénovation (par le biais des investisseurs privés) des logements vieillissants et mal intégrés.

2030

«La station est vieillissante au niveau du logement. Lorsqu’il y a le budget pour, on recouvre avec des matériaux modernes, plus nobles. La mairie d’Eaux-Bonnes (Gourette est un quartier d’Eaux-Bonnes) talonne les propriétaires de ces bâtiments pour leur embellissement.» (Gema Arripe - élue des Eaux-Bonnes) Aménagement des espaces publics et des façades des bâtiments existants dans un souci d’intégration et pour l’accueil d’une clientèle plus aisée.

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2-2 Eaux-Bonnes s’associe à Gourette pour se redynamiser

Eaux-Bonnes souhaite de même profiter de son patrimoine bâti remarquable (mais vacant) pour offrir de nouvelles possibilités d’hébergement dans la vallée. Si la commune trouve les investisseurs, il se pourrait bien que la station retrouve son panache d’antan.

Les répercutions de ce changement climatique ainsi que le nouveau projet thermal d’EauxBonnes devrait former une certaine complémentarité entre les deux stations. En effet, la station thermale, face à une chute importante du thermalisme, souhaite diversifier son offre avec le thermoludisme et venir compléter l’offre de Gourette (voir schémas).

RANDONNÉE AGRO-TOURISME

Schémas de la complémentarité de la station thermale dans le tourisme valléen

Complémentarité

4 à 5 mois hiver SAISON DE SKI

6 mois été

5 mois hiver THERMOLUDISME

Complémentarité

5 mois été THERMALISME

MAINTENANCE 2017

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2-3 Les granges foraines de la vallée: Les terrains à construire sont aujourd’hui très rares en vallée d’Ossau. Un terrain qui, il y a 3 ans, demandait entre 50 et 60€ du m2 est aujourd’hui coté à plus de 100€ par m2. Il est donc probable que la construction diminue fortement dans les années à venir. Les professionnels penchent en revanche pour un autre scénario. La rénovation des anciennes granges étant très onéreuse, il est probable que les personnes voulant s’installer aujourd’hui achètent les granges et leur terrain pour construire jouxtant directement à la bâtisse ancienne.

(source: Pyrénées Ossau Immobilier). Mais avec la demande en logement secondaire qui augmenterait probablement dans ce sénario d’évolution ainsi que les agriculteurs qui réinvestissent les granges et l’étage intermédiaire, les prix monteraient en flèche et seul une catégorie de personne pourrait investir dans ces granges. On observerait alors effectivement une population de plus en plus aisée investir la vallée.

2017

Une des possibilité d’avenir des granges foraines en vallée du Valentin.

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Le pastoralisme «vitrine» Si le nombre d’éleveurs fermiers venait à augmenter, il va de soi que leur pratique ne pourrait, au début en tous cas, se contenter des subventions offertes par les nouvelles mesures agro-environnementales. Entraînés par le train de l’agro-tourisme, les éleveurs s’adapteraient à la demande de la clientèle désireuse de découvrir les paysages identitaires et leurs productions. Pour consolider leur situation, une véritable promotion du produit se mettrait en place et le paysage deviendrait à nouveau l’objet du tourisme (cf.

Pyrénéisme), mais dans sa dimension pastorale cette fois-ci. Chambres d’hôtes et gîtes trouveraient leur place dans la vallée. On assisterait de même à une sorte de muséification du pastoralisme en certains points clés (entrées de villages notamment) ou des visites à la ferme seraient organisées pour la satisfaction des touristes et l’achat de quelques fromages à ramener des vacances. Victime de son succès, le pastoralisme ossalois ne pourrait-il pas y perdre de son authenticité?

2020

«Visitez une ferme authentique!» Un pastoralisme à touristes aux entrées de village pour la promotion du produit..

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CONCLUSION

Pendant des millénaires la vallée du Valentin, comme toute la vallée d’Ossau, a été une terre de ressources où un système agro-sylvo-pastoral gérait le paysage d’une façon optimale et équilibrée. Au XIXème, l’arrivée d’une forme de tourisme, d’abord élitiste, a enclenché un phénomène qui a entraîné le changement irrévocable de la vallée: l’attrait pour la montagne. Sous divers regards, de la facination pour la nature jusqu’au goût pour les sensations fortes que procure la montagne, les formes liées à la pratique touristique se multiplient dans la vallée du Valentin. Parallèlement, le pastoralisme a dû faire face aux épreuves qui se sont succédées, faisant passer de plus en plus le métier de berger transhumant comme une pratique archaïque. Aujourd’hui, le pastoralisme est relativement marginal dans son apport à l’économie, étouffé par la puissance du tourisme. Il est en revanche central par son rôle social et culturel et contribue largement au maintien d’un paysage montagnard authentique relié à «un imaginaire collectif magnifié» (Dominique Bachelart). La Vallée du Valentin, passant d’un paysage ressource à un paysage touristique est alors en phase de devenir un paysage dont la ressource pastorale forme le nouveau pilier touristique. Entre le regain d’intérêt pour le pastoralisme, les politiques agricoles mieux adaptée à l’activité et ce phénomène agro-touristique grandissant, on ne peut mieux espérer pour le pastoralisme traditionnel et l’entretien du paysage ossalois. Mais qu’il continue à vivre des subventions de la PAC dans un système semi-industriel ou bien qu’il profite de la manne de l’agro-tourisme, le pastoralisme comme le paysage de la vallée sont voués à changer.

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BIBLIOGRAPHIE DOCUMENTS RELATIFS AU PAYSAGE CONTEMPORAIN Les différentes pratiques mises en place par les éleveurs du bassin d’Arudy et leurs effets sur les paysages, Marlène Gaspé, ENSAP Bordeaux, 2014 Travail étudiant 100ans de paysage sur le n

bassin d’Arudy, en vallée d’Ossau

La politique des «sites naturels» classés dans les Pyrénées : rétrospective des applications et enjeux contemporains, Johan Milian, cybergeo.revues, 2007 Document abordant l’évolution de la n

station de Gourette aux vues des politiques de protection du site n

Ossau pastoral, JP Dugène, Cairn Édition, 2002

Livre complet, très descriptif, sur le fonctionnement

du pastoralisme en vallée d’Ossau n

Atlas des paysages en Pyrénées-Atlantiques, Morel Delaigue Paysagistes, 2003

Clés de lec-

tures pour le paysage de la vallée et des Pyrénées en général n

L’habitat Traditionnel en Aspe/Ossau, CAUE 64,

Description et illustrations de l’habitat rural de la

vallée n

La morphologie de la vallée d’Ossau, Hassan Awad, Persée, 1939

Description approfondie de

la morphologie et de la géologie de la vallée glaciaire d’Ossau n

www.insee.fr

Chiffres sur le tourisme, l’habitat et la population de la vallée

DOCUMENTS RELATIFS À L’HISTOIRE DU PAYSAGE n

L’ours et les Brebis, Etienne Lamazou, Editions Cairn, 2012

n

Une vallée pyrénéenne: la vallée d’Ossau, Fernand Butel, Hachette livre, 1894

Roman décrivant le paysage des pyrénées sur la première moitiée du XXème siècle. Aborde aussi les transhumances vers la plaine Description de

la vallée d’Ossau au XIXème siècle assez approfondie sur la question de la polyculture

La vie rurale en Haut-Ossau - Bernard Hourcade, Société des sciences lettres & arts de Pau, 1970 Description du paysage ossalois des années 1960-70 et des problématiques de l’époque. n

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Ecologie de la vallée d’Ossau, Bernard Hourcade, CNRS Edition, 1978

n

Le rail en Béarn 1838 - 1918, Jean Louis Maffre, Editions Cairn, 2012

Idem Histoire de l’arrivée du

train et ses répercutions dans la vallée d’Ossau

La Vallée d’Ossau au 19ème siècle, Françoise Fabre-Barrère, Edition MonHélios, 2015 Livre parlant presque uniquement du thermalisme et du développement des villages au XIXème. Grand nombre de gravures et autres illustrations parlant du paysage de l’époque.

n

82


n

Clément LACAMOIRE, Gérard Clos-Scot, Editions Cairn, 2014

Livre sur l’industrie et le marbre

d’Arudy n

Delcampe.fr

n

cauhape.bernard.free.fr

n

Musée d’Arudy (Maison d’Ossau)

Site de vente de de cartes postales anciennes Blog d’un passioné de la vallée d’Ossau, très riche en informations Exposition sur le pastoralisme et sur la vie en Ossau autrefois

DOCUMENTS RELATIFS AUX ENJEUX DU PAYSAGE n

Pyrénées à la croisée des climats, Santiago Mendieta, Edition Privat, 2011

Livre parlant de

l’impact du changement climatique dans les Pyrénées n

Actes du séminaire « Zones intermédiaires », ACAP 2010, 2009

Document abordant les enjeux

des zones intermédiaires dans les Pyrénées n

Un projet pour le Haut-Béarn 2007-2013 IPHB, 2007

Projet de l’IPHB et bilan du pastoralisme

Berger transhumant en formation: pour une tradition d’avenir, Dominique Bachelart, Editions L’Harmattan, 2002 Livre parlant des enjeux dans le métier de berger mais aussi des problématiques du n

pastoralisme du siècle dernier n

IPHB.free.fr

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agreste.agriculture.gouv.fr

site internet de l’Institution Patrimoniale du Haut Béarn, nombreux documents à télécharger site de statistiques agricoles

CARTOGRAPHIE n

Géoportail.fr

n

Francetopo.fr

n

Openstreetmap.fr

n

Carte IGN Laruns, Gourette col d’Aubisque : vallée d’Ossau -2010- IGN

PERSONNES RESSOURCE Stephane Courtié - maire Eaux-Bonnes et éleveur n Régis Carrère - éleveur n Roger Casabonne Angla - éleveur n Agent immobilier - Gérant de Pyrénées Ossau Immobilier n Titouan Thuilliez - saisonnier station de Gourette n Raymond Haget - Habitant et ancien propriétaire Ardoisière Haget n Gema Arripe - Gérante magasin Gourette et membre de conseil municipal de Gourette-EauxBonnes n

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Le mémoire «Cent ans de paysage» est un travail personnel de recherche et d’étude visant à mettre en exergue ce qui construit la matérialité du complexe socio-économique qu’est le paysage. Le paysage développé dans ce mémoire est une petite vallée glaciaire située en vallée d’Ossau dans les Pyrénées. Ce travail présentera ainsi la vallée du Valentin dans ses formes paysagères et par la suite les analysera à travers l’histoire par une rétrospective. Enfin, il proposera des pistes d’évolution tendentielle s’appuyant sur les dynamiques paysagères actuelles.

Mémoire personnel de fin de second cycle Formation Diplôme d’État de Paysagiste

2015-2016


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