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Répondre à l’appel à l’aide de Beyrouth

SOLIDARITÉ Répondre à l’appel à l’aide de Beyrouth

4 août, 18 heures. La ville de Beyrouth est secouée par une violente explosion. Le port est entièrement détruit. La ville est dévastée et de nombreuses personnes sont portées disparues. La France décide alors d’envoyer 12 sapeurs-pompiers franciliens sur place. À sa tête, David Œillet, adjudant-chef à la caserne de pompiers de Plaisir, que nous avons rencontré.

Quand êtes-vous parti à Beyrouth ? Le 24 août dernier, après l’explosion du port de Beyrouth, à la demande du directeur général de la sécurité civile et de la gestion de crises, et en accord avec le ministère des Affaires étrangères, deux

SDIS78 © unités de Secours en Milieux Périlleux (Grimp) ont été envoyées au Liban. Nous étions deux Yvelinois, le sergent-chef Thomas Leroy (caserne de Versailles) et moi. Les unités Grimp interviennent là où les moyens traditionnels des sapeurs-pompiers et les moyens aériens ne peuvent pas le faire. Beaucoup d’interventions de grande hauteur, avec des techniques spécifiques que ce soit dans l’évacuation des victimes ou les opérations diverses.

Quelle a été votre mission ?

La sécurisation dans le milieu urbain. Tout ce qui pouvait être dangereux devait être dégagé. Ensuite, nous avons remis en service l’hélisurface de l’hôpital Saint-Georges de Beyrouth pour que l’armée libanaise puisse poser son hélicoptère et se rapprocher au plus près du site de l’explosion.

Quelle était l’ambiance dans le cœur de la ville dévastée ?

Les Libanais sont des gens résilients. Ils disent : « Beyrouth a été couché sept fois, mais Beyrouth s’est relevé sept fois. » Et pour l’avoir vécu, on comprend pourquoi. Malgré le drame qu’ils ont connu, ils gardaient le sourire. Ils nous ont accueillis avec enthousiasme. Ils avaient besoin d’extérioriser, de montrer ce qu’ils avaient vu, à travers des vidéos, des photos. Ils voulaient partager ce moment car ils avaient perdu de la famille, des collègues, des camarades.

Comment étaient les conditions sur place ?

Le centre de secours qui nous a accueillis a été souffl é par la catastrophe et il ne restait que l’ossature de l’immeuble. Leur équipe a perdu dix frères d’armes. Nous n’avons pas dormi à l’hôtel, mais par terre, dans la remise, au milieu des gravats et engins détériorés par les événements. Il y avait la chaleur, l’humidité, le bruit… Mais tout ça on le savait déjà en partant.

Vous étiez préparés à vivre ça ?

Chez les pompiers, on se prépare à vivre de telles opérations. Nous sommes entraînés à vivre ces phénomènes catastrophes. Nous sommes prêts physiquement, mentalement. J’avais ordonné à mon détachement trois choses : la cohésion, la bienveillance et surtout la sécurité.

La collaboration avec les sapeurs-pompiers libanais s’est-elle bien passée ?

Nous avons été accueillis à bras ouverts. Les trois premiers jours, nous n’avions pas encore notre matériel collectif et nous ne pouvions pas débuter la mission. Mais en voyant l’ampleur des dégâts, on a voulu aider. On a participé au quotidien de leur caserne. On a fait du bricolage, on a remis en service un camion de pompier. Mais surtout, on a fait de la formation. Le Grimp est une unité qu’ils n’ont pas au Liban. En nous voyant arriver avec des compétences très spécifi ques, les Libanais ont rapidement eu envie de découvrir notre façon de travailler.

Pour venir en aide à Beyrouth, les Départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines se sont mobilisés. Une aide de 200 000 € a été versée à l’association ACTED, une ONG française de solidarité internationale. Cette somme permettra ainsi de mener des actions articulées pour répondre aux besoins d’urgence des Libanais. Au total, quatre axes sont prioritaires dans l’action menée sur place par ACTED : le logement des populations déplacées, l’accès aux biens nécessaires pour vivre, la remise en place des commodités comme l’eau courante et l’électricité, ainsi qu’assurer la santé et la protection des populations. L’ONG est présente au Liban depuis 2006. Sa connaissance des lieux et des institutions est donc importante et permet une meilleure coordination sur le terrain. Après l’explosion ce sont 250 000 à 300 000 personnes qui se retrouvent sans logement en raison de l’ampleur des dégâts dans le centre-ville.

La collaboration entre les deux pays ne date pas d’aujourd’hui…

En effet, des formations ont déjà été partagées à plusieurs reprises. D’ailleurs, un des pompiers libanais décédés sur place était déjà venu à la caserne de Plaisir pour participer à une formation il y a quelques années.

Qu’est-ce qui vous a marqué personnellement ?

J’ai eu la chance, si on peut dire, d’aller sur le site où tout a démarré, là où a eu lieu l’explosion. J’étais avec le chef de corps des pompiers de Beyrouth, celui qui a perdu ses dix soldats du feu. C’était un moment… Disons, qu’il y avait beaucoup d’émotion parce qu’il raconte l’histoire. On ne peut qu’écouter. Je n’ai même pas eu envie de poser de questions tellement ce qui s’est passé est horrible. Dans la caserne, il n’y avait pas vraiment de soucis pour échanger. Mais à l’endroit du drame, aucun son ne sortait de nos bouches.

Vous avez offert un casque aux familles des victimes…

Au début, on a fait beaucoup de cérémonies. Le cardinal du Liban et le gouverneur de Beyrouth sont venus nous rencontrer. Mais le moment le plus poignant, c’est la rencontre avec les familles de deux pompiers décédés en service. Nous avions pris des casques et nous les avons offerts à ces familles. Chez nous, le casque est un symbole fort : il nous garde en vie. On a voulu par-

UNE AIDE DE 200 000 € tager ce symbole avec eux. Nous sommes restés longtemps avec eux. Il n’y avait pas de barrière de la langue, c’était très fort.

Propos recueillis par Nicolas Théodet

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