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Tonnoma
Tonnoma a vingt-six ans et vit à Barga, commune rurale du Burkina Faso. Mariée à dix-neuf ans à un homme de quinze ans son aîné, elle est mère de trois enfants, qui ont tous moins de dix ans1. Elle vit avec sa famille dans une grande concession, où d’autres familles sont également établies. La mosaïque de peuplement de ce vaste lieu est formée de plusieurs ménages qui possèdent leurs propres normes, valeurs et traditions sociales. Dans cet environnement, la vie quotidienne de chacun se déroule, riche en faits, comportements et expériences vécues. Les photos P.1, P.2 et P.3 montrent des cours d’un village du Burkina Faso.
Tonnoma ne sait ni lire ni écrire, comme la plupart des autres femmes de la commune (84 %), mais ses deux aînés fréquentent l’école. Comme la plupart des filles burkinabé, elle a quitté l’école primaire à l’âge de onze ans. Son mari Rawidi n’a reçu aucune éducation scolaire. Il consacre ses journées aux activités agricoles pour nourrir sa famille (Photo P4). Dans cette province, l’autosuffisance alimentaire dépend complètement de la pluviométrie. Lorsque le climat est favorable, il vend ses excédents agricoles et reçoit assez d’argent pour satisfaire aux besoins de sa femme, de ses enfants et des autres membres de sa famille. Cependant, ses revenus sont irréguliers et insuffisants pour couvrir les besoins du ménage, dans les moments défavorables.
Avant qu’elle ne participe au programme des THIMO du projet d’emploi et de développement des compétences des jeunes (PEJDC), Tonnoma exécutait uniquement ses travaux ménagers journaliers et ne possédait aucun revenu propre. Elle avait toujours dépendu de son mari pour tous ses besoins, y compris les soins de santé des enfants. Les moyens financiers étant limités, lorsqu’un membre de la famille tombait malade, il était fait recours à l’automédication si Rawidi n’avait pas l’argent nécessaire
PHOTO P1
Cour familiale et meules dans un village du Burkina Faso
Source : © Ollivier Girard / CIFOR. Utilisé avec la permission d’Ollivier Girard / CIFOR ; autorisation supplémentaire requise pour la réutilisation.
PHOTO P2
Une cour dans le village de Tonnoma

Source : © SCIAN W. Noël Pierre / Projet de filet de sécurité sociale - Burkina Faso. Utilisé avec l’autorisation de SCIAN W. Noël Pierre / Social Safety Net Project – Burkina Faso ; autorisation supplémentaire requise pour la réutilisation.
PHOTO P3
à l’achat des médicaments, ou bien était absent. Deux bénéficiaires du PEJDC pilent du maïs dans C’est ainsi que Tonnoma avait perdu un bébé de deux l’enceinte du village ans faute de pouvoir le soigner parce que son mari était en voyage2 . Tonnoma et les femmes de la concession entretiennent un petit champ que les hommes leur ont permis d’exploiter pour leurs propres besoins. En saison, elles y cultivent le petit mil, le sorgho rouge et l’arachide qui sont les principales cultures vivrières qui réussissent le mieux dans la zone. Ce lopin de terre est censé leur procurer des revenus par la vente des récoltes à la fin de l’unique saison pluvieuse annuelle, qui s’étale de mai ou juin à août ou septembre. Le peu d’argent ainsi gagné doit permettre aux femmes d’acheter des vêtements pour leurs enfants et Source : © SCIAN W. Noël Pierre / Projet de filet de sécurité sociale - Burkina pour elles-mêmes, de faire des réserves de condiments Faso. Utilisé avec l’autorisation de SCIAN W. Noël Pierre / Projet de filet de sécurité sociale – Burkina Faso ; autorisation supplémentaire requise pour la et de mettre un peu d’argent de côté pour d’autres réutilisation. dépenses imprévues ou urgentes, telles que les soins de santé. Et cette économie doit durer au moins un an, c’est-à-dire jusqu’aux récoltes suivantes, car il faut PHOTO P4 Agriculture familiale : déterrer des pommes de terre avec une houe en bois, Burkina Faso tenir compte des caprices de dame nature dans cette région à faible pluviométrie. Dès le début de la saison des pluies, l’environnement de leur commune se transforme et se pare de plusieurs tons de vert. Du vert foncé au vert tendre et au vert olive, les couleurs se mélangent aux teintes ocre de la terre. Une telle symphonie de couleurs permet difficilement d’imaginer le dénuement et la dureté des sols qui s’ensuivent dès l’apparition de la saison sèche. Des nuages de poussière couvrent souvent la région lorsque souffle l’harmattan3, et le sol ferrugineux prend alors un ton brunrouge. Seules les plantes épineuses continuent de pointer leurs dards au soleil. Les vastes frondaisons désertent les rares arbres feuillus devenus soudain d’inutiles bouquets de tiges étoilées. Ils n’offrent plus aucun ombrage apaisant à ceux qui fuient la chaleur Source : © Ollivier Girard / CIFOR. Utilisé avec la permission d’Ollivier Girard / omniprésente. CIFOR ; autorisation supplémentaire requise pour la réutilisation. Parfois, une petite basse-cour vient compléter l’ensemble des biens domestiques. La famille de Tonnoma possède dix poulets et une petite chèvre qui donnera naissance à des petits et produira un peu de lait en temps voulu. En réalité, ce micro-élevage domestique n’est pas destiné à améliorer la qualité des repas. C’est une sorte d’épargne vivante qui sera vendue rapidement au marché en cas d’urgence ou d’imprévu. Cependant, la nourriture n’est pas abondante et suffisamment diversifiée pour les besoins nutritionnels de chacun4. En conséquence, les enfants sont d’apparence chétive et paraissent bien plus jeunes qu’ils ne le sont (de trois ans en moyenne).


NOTES
1. Les statistiques décrivant Tonnoma et sa famille se réfèrent à une jeune femme pauvre (âgée de 16 à 35 ans) vivant en milieu rural au Burkina Faso ; elles sont basées sur la plus récente enquête sur les ménages disponible (l’Enquête multisectorielle continue - EmC 2014 ; ensemble de données téléchargé à partir de https://microdata.worldbank.org/index .php/catalog/2538). 2. Entretiens individuels avec des femmes membres de la brigade DX47, DX49 et DX61. 3. Vent d’harmattan : un vent saisonnier sec et poussiéreux qui souffle du nord du désert du
Sahara vers la côte ouest-africaine de novembre à janvier. 4. Entretiens individuels avec des femmes membres des brigades DX56, DX57 et DX59.