Wolvendael mag n° 586 Février 2013

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Une volonté, un appétit de vivre qui laissent pantois: le Français Philippe Croizon, amputé des quatre membres après une électrocution, avait déjà été le premier à traverser la Manche et à relier les cinq continents par les détroits. A Nemo 33, la piscine uccloise la plus profonde du monde, il a ajouté un nouveau record à son palmarès.

Avec Philippe Croizon, Nemo 33 a battu les records de l’amitié John Beernaerts, “Monsieur Nemo 33”, tenait particulièrement à rendre hommage au courage et à la volonté extraordinaires de Philippe Croizon, dont la passion, avant son accident, était la plongée autonome. Encore que le mot “accident” soit ridiculement faible pour décrire la tragédie qui a frappé cet homme sportif qui, un jour, est monté sur le toit de sa maison pour arranger son antenne de télévision. L’antenne a touché une ligne à haute tension. Foudroyé par une décharge de vingt mille volts, atrocement brûlé et amputé des quatre membres, condamné à une existence végétative, M. Croizon a contre toute attente décidé de vivre. Un courage extraordinaire l’a mené, après des années de combat, à se lancer dans une aventure que peu de sportifs valides oseraient tenter. La traversée de la Manche à la nage, d’abord, réussie après deux ans de préparation intensive, grâce à des palmes spécialement conçues pour des prothèses adaptées à ses moignons de jambes. La

liaison entre les cinq continents par les détroits, ensuite... Un étonnant film, “Nager au-delà des frontières”, en a été tiré. Philippe Croizon lui-même a écrit ou plutôt, dicté deux livres, “J’ai décidé de vivre” et “J’ai traversé la Manche à la nage”.

Mille ans de vie, sept cents ans de plongée

Honneurs et distinctions ont évidemment couronné ce sportif hors du commun, capable de conjurer le sort jusqu’à réussir l’impossible. Mais il n’est pas du genre à se contenter des lauriers. Aussi a-t-il été ravi de se livrer à Uccle à une expérience nouvelle pour lui, la plongée à moins 33 mètres dans l’eau de la piscine la plus profonde du monde. John Beernaerts avait bien fait les choses, en invitant en même temps que Philippe Croizon d’autres passionnés, des papys plongeurs, dont un octogénaire et un nonagénaire. Ils totalisaient mille ans de vie, dont sept cents ans de plongée

et un total de 33.000 plongées. Un chiffre qui, tiens, évoque le nom de la piscine et aussi, le célèbre “Dites 33” des médecins auscultant les poumons. Ici, les poumons de toute la “palanquée” étaient évidemment bons pour le service: la plongée est un sport accessible à tous, en condition physique normale. Mais il faut bien sûr être techniquement compétent et, surtout, éviter de plonger seul. Toute la base de l’apprentissage de la plongée est d’ailleurs basée sur le principe du “buddy system”, la plongée accompagnée d’un alter ego où chacun surveille l’autre et peut lui venir en aide le cas échéant. C’est ce principe-là même qui a permis à Philippe Croizon de plonger au plus profond de son rêve, puisqu’un autre plongeur était là pour lui permettre de vider son masque en lui pinçant le nez, sous l’eau. Avec ses moignons, il est incapable de le faire. “C’était énorme, un grand moment de bonheur!”, a-t-il dit en émergeant à la surface, entre ses amis. Comme on le comprend. S.P.

A Uccle et nulle part ailleurs


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