LE SOIR : Chalut !

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Le Soir Vendredi 22 mars 2013

Philippe Geluck en personne a flashé sur ce dessin de la jeune étudiante de l’Ecole de recherche graphique, Sara Elalouf.

18 FORUM aujourd'hui

le livre

« La spécificité du sport doit être reconnue »

Qui va payer pour le budget ?

Bernard Demonty répond à vos questions. Adressez-les dès 10 heures sur le site www.lesoir.be

Avocat au barreau de Bruxelles, Louis Derwa publie « Le droit du sport », premier état des lieux sérieux du domaine depuis longtemps ENTRETIEN our écrire un livre sur le droit du sport, l’idéal c’est d’être à la fois spécialiste du droit et spécialiste du sport. Ça tombe bien, Louis Derwa connaît les deux domaines sur le bout des doigts. Avocat au barreau de Bruxelles et chargé de cours à l’Ephec, il a pratiqué le sport depuis son enfance avant de devenir dirigeant sportif, notamment à Tubize, et de conseiller différents sportifs de haut niveau comme Enzo Scifo, Kristof Vliegen et la famille Borlée. Fort de ses expériences et désireux de dresser un état des lieux du sport en Belgique, il vient de publier « Le droit du sport ».

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Pourquoi avoir écrit un tel livre ? Parce que… rien n’existait en la matière. En tout cas depuis plusieurs années. Or le sport prend une place de plus en plus grande dans la société. Il suffit de lire les journaux : hors des pages strictement sportives, on parle de sport via les paris truqués, le dopage, le sponsoring, les droits télévisés, etc. C’est donc un sujet plus important qu’il n’y paraît. Il me semblait intéressant de faire le point et de regrouper tous les aspects dans un même livre. Ça m’a pris du temps – quasi deux ans – car en Belgique, les sources sont plutôt rares et très disséminées. Je suis toujours étonné du peu d’écrits, et du peu de rapports des Fédérations accessibles au public, de l’absence d’étude, etc., alors que le sport participe à l’éducation, à la santé et constitue un secteur économique à part entière. Tout cela fut donc compliqué, mais passionnant et mon livre se veut avant tout un état des lieux de l’organisation générale du sport belge et des questions juridiques qui s’y rapportent. Votre approche est originale, vous n’êtes pas parti des différents domaines du droit, mais des différents acteurs (sportifs, entraîneurs, méde-

cins, médias et même… spectateurs). Pourquoi ? D’une part parce que cette approche rendait l’ouvrage plus accessible et moins monotone, ensuite parce que ces différents acteurs ont des statuts particuliers. Quel est le statut d’un arbitre, d’un médecin du sport, d’un agent ou même des syndicats ? Leur rôle dans le sport a terriblement évolué en quelques années tout comme celui des médias. Il n’y a plus aucun match de foot de haut niveau dont l’heure du coup d’envoi ne soit pas décidé par une télévision. Evidemment, cela rendait mon travail plus compliqué car dans chaque cas, on brasse différents domaines du droit (droit du travail, droit social, droit pénal, fiscalité, etc.) et, cerise sur le gâteau, en Belgique, le sport est une matière politique communautarisée, mais dont certaines compétences sont restées fédérales (droit du travail, infrastructures, etc.). Si l’on y ajoute les règlements sportifs édictés par les fédérations, cela rend la réglementation sportive très compliquée. Souvent, les voix du monde sportif s’élèvent pour réclamer un retour à la fédéralisation du sport. Qu’en pensez-vous ? On ne peut pas s’opposer à l’évolution politique du pays. Elle touche tous les pans de la société, il n’y a pas de raison que le sport échappe à la règle mais ce qui est sûr, c’est que la superposition des règlements et niveaux de pouvoir, d’une part, et la dispersion des moyens de l’autre, compliquent l’évolution du sport belge et provoquent, à mon sens, une gabegie au nouveau des moyens. Quand on se rend compte que le record du monde junior du pentathlon de Nafissatou Thiam ne sera pas homologué à la suite d’un imbroglio autour des tests antidopage entre Ligue francophone, Ligue flamande et la Fédération internationale, on doit conclure à un échec.

Etes-vous de ceux qui plaident pour un droit spécifique du sport ? Comme le monde médical ou de la construction, le monde du sport a ses spécificités. Je plaide pour des études ou un master spécial en sport pour former les futurs dirigeants dont, étrangement, on s’occupe peu alors qu’ils ambitionnent de gérer des choses complexes. Je plaide pour un Tribunal du sport avec des pouvoirs élargis comme c’est le cas pour le commerce ou le travail, la mise sur pied de la récente Cour belge d’arbitrage pour le sport étant un pas dans cette direction. Le sport est un monde très spécifique où la loi et les réglementations sportives s’entrecroisent et les calendriers demandent des décisions rapides pour ne pas perturber les compétitions. Je plaide aussi pour une meilleure représentation des sportifs dans les organes directeurs.

Louis Derwa

Louis Derwa est né le 5 juin 1964. Avocat, juge suppléant au tribunal de commerce de Bruxelles, chargé de cours à l’Ephec, il est aussi membrearbitre à la Cour belge d’arbitrage pour le sport. Joueur de foot (White Star, Tilleur, Olympic de Charleroi, Liedekerke, Scup Jette, Braine-l’Alleud et équipe nationale universitaire), il est ensuite devenu président du Rcs Brainois durant 6 ans puis manager général de l’AFC Tubize (dont l’année en Division 1).

Après deux ans de travail, quelles sont vos conclusions ? Ma vision n’a pas changé. Nous sommes un pays de sport-loisir mais pas de sport de compétition. On ne comprend pas ce que l’on peut tirer des exploits de Justine Hénin. La gouvernance des fédérations doit s’améliorer et la gestion du haut niveau également. A quelques exceptions près, les fédérations sportives doivent se moderniser car elles vivent trop, actuellement, sur leurs acquis et n’anticipent pas assez les événements. Trop souvent encore, elles manquent de transparence. Elles devraient sortir des rapports annuels publics d’autant qu’une partie de leurs subsides provient du contribuable. ■ Propos recueillis par CHRISTOPHE BERTI

Le droit du sport Organisation, acteurs et dérives LOUIS DERWA, 99,68 euros (en ligne) Edition Kluwer

© BRUNO D’ALIMONTE

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