LE SOIR : Chalut !

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Le Soir Vendredi 22 mars 2013

Philippe Berthet a fait du Chat le nouveau pape de la bande dessinée.

POLÉMIQUES

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+ RÉGIONS

Le making of de la surprise faite à Philippe Geluck

© AFP

P. 20&21

La France au Mali a-t-elle tiré les leçons de l’Irak ?

l'humeur DAVID COPPI

MODRIKAMEN DU « PEUPLE » À « L’AURORE » ?

Alors qu’on vient de marquer le dixième anniversaire de l’intervention militaire américaine en Irak, la France annonce le début du retrait de ses troupes au Mali pour fin avril. Peut-on comparer les deux opérations ? Paris a-t-il retenu les leçons de l’échec de Washington ?

Pascal Boniface

André Dumoulin

« La différence, c’est la légalité de l’intervention »

« On met en place une “Françafrique” revue et corrigée »

Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques, à Paris.

La France a-t-elle retenu les leçons de l’échec de l’aventure militaire américaine en Irak ? Elle en a d’autant plus tiré les leçons que, comme la Belgique d’ailleurs, elle était opposée à cette intervention américaine en Irak. Et qu’aujourd’hui, tous ceux qui l’ont soutenue en nous disant que c’était la seule façon d’établir la démocratie, qu’il y avait des armes de destructions massives, tous ceux qui ont donné des leçons de morale à ceux qui se sont opposés à la guerre en laissant entendre qu’ils étaient les soutiens à la dictature, etc., tous ceux-là, on ne les entend plus. Mais en 2003, l’opposition de la France ou de la Belgique à la guerre d’Irak n’était pas une opposition en tant que telle au recours à la force dans les relations internationales, puisque nos deux pays avaient participé à la guerre du Golf de 1990 – parce qu’il y avait un mandat de l’ONU. La différence entre l’intervention américaine en Irak et l’intervention française au Mali, c’est la légalité internationale et la légitimité. Si une leçon est à tirer, c’est plutôt par rapport à l’Afghanistan. En Afghanistan, une guerre légale et légitime s’est transformée en une perception d’occupation militaire. Dans l’affaire malienne, l’intervention française s’est faite dans l’urgence tout en ayant un caractère légal répétons-le : même la Russie l’a approuvée au Conseil de sécurité des Nations unies. Certains laissent entendre que l’on risque de connaître une sorte d’Afghanistan en Afrique, mais c’est plutôt si on

avait laissé les djihadistes prendre Bamako qu’on aurait connu ce scénario. Aller les déloger une fois qu’ils auraient occupé la capitale et l’ensemble du pays aurait été beaucoup plus problématique. Reste que, après la victoire militaire éclair, vient le temps des attentats. Ce qui rappelle des choses… On a réglé la situation d’urgence, mais dire que la situation aussi bien stratégique que politique au Mali est réglée serait illusoire. On ne peut pas dire que les forces djihadistes ont été totalement vaincues. Par ailleurs, la France a des otages dans cette région. Le problème, c’est la reconstruction politique du Mali. La France insiste auprès des Maliens pour que la réconciliation soit la plus complète possible mais elle ne peut pas être partout. C’est le grand enjeu : s’il n’y a pas une réconciliation entre les Maliens, les problèmes resurgiront. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé que le retrait des troupes françaises du Mali débuterait à partir de la fin du mois d’avril. N’est-ce pas trop tôt ? C’est la quadrature du cercle : si on reste trop longtemps on est accusé de néocolonialisme, si on part trop vite, on est accusé de ne pas avoir terminé le travail… Je n’ai pas les éléments pour prendre position définitivement. Disons que pour l’instant, la France a dit ce qu’elle fait et a fait ce qu’elle a dit. C’est déjà quelque chose. ■ Propos recueillis par W. B.

Attaché à l’Institut royal supérieur de Défense, chargé de cours à l’ULg

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé que le retrait des troupes françaises du Mali débuterait à partir de la fin du mois d’avril. N’est-ce pas trop tôt ? C’est un coup de poker. La France, et plus particulièrement la nouvelle politique élyséenne, est en train de développer une « Françafrique » (terme utilisé pour qualifier l’action néocoloniale prêtée à la France qui ferait de l’Afrique sa « chasse gardée », NDLR) revue et corrigée. Avec l’idée que l’on peut intervenir lorsqu’on perçoit qu’il faut tuer dans l’œuf des déstabilisations qui auraient des effets importants sur toute la région et y compris en Europe. C’est la politique française mise en avant. Coup de poker parce que le régime lui-même est assez instable – il y a des rivalités entre des unités des forces armées maliennes – et parce qu’il y a aussi le caractère complètement incontrôlable de ce qui peut arriver dans ce type de guerre asymétrique, où ce qui est dormant peut se réveiller, y compris dans la capitale. Par ailleurs, la présence européenne qui va se mettre en place est relativement faible par rapport à l’intensité du pays. Même si les Français seront toujours là quelque part, en termes de présence résiduelle ou de bases qui se trouvent dans la zone sahélienne, cela n’aboutira pas nécessairement à ce que la zone complètement stabilisée. Il faut travailler sur le temps long et dans ce domaine, la vision européenne, qui est une vision globaliste et pluridimensionnelle est la moins mauvaise. C’est-à-dire qu’il faut travailler sur

la sécurité, sur le développement, sur le renforcement de l’État de droit, sur la démocratie et sur le contrôle démocratique des forces armées. En dehors de leur caractère légal ou illégal, peut-on comparer l’intervention française au Mali et l’intervention américaine en Irak ? Je ne compare jamais les guerres. L’Irak, ce n’est pas le Mali. Ainsi, en Irak, il y avait de grandes communautés et on a eu le tort de ne pas utiliser les sunnites pour reconstruire. On est dans des champs, dans des zones différentes, mais il y a toujours cette idée de la déstabilisation, des intégrismes et du djihad. Ce qui est clair c’est que, qu’il s’agisse du Mali, de l’Irak ou de l’Afghanistan, vous ne pouvez pas stabiliser durablement une région si vous ne modifiez pas les politiques internes, les politiques économiques, les politiques de développement. Dans ce cadre-là, les Européens ont un côté messianique : c’est comme si on voulait faire passer les préambules sur les grandes valeurs de l’Union lorsqu’on intervient à l’extérieur… C’est à la fois noble et positif, mais cela peut aussi être mal perçu. Mais – et c’est un peu une tarte à la crème de le dire – l’avenir, c’est aux Maliens eux-mêmes. Et on voit que de l’intérieur, ce pays a été miné par les rivalités… Il est donc très difficile de déterminer ce que l’avenir va nous réserver. ■ Propos recueillis par WILLIAM BOURTON

P. 12 NOS INFORMATIONS ) G

© BELGA

Il a chanté un peu vite. Comme en politique du reste où, trois ans après sa fondation, il peine à installer son Parti populaire à la droite de la droite, voire à la droite de la N-VA, dont il dit partager la volonté de dynamiter le pays. Passons. Il a chanté un peu vite, disions-nous. En l’occurrence, c’est de son entreprise dans la presse qu’il s’agit. De ses vues sur le Peuple. Vues et davantage puisque, on le sait, Mischaël Modrikamen s’est emparé il y a deux ans du titre historique du mouvement socialiste (Le Peuple fut le quotidien du POB, le Parti ouvrier belge), laissé libre incroyablement sur le marché des marques et, deux ans plus tard donc, se prétend en mesure de publier une édition en ligne, le 26 mars, libérale et droitière comme son Parti populaire. Sauf que ce n’est pas (encore) gagné. Opérant au nom d’anciens responsables et rédacteurs du quotidien disparu en 1998, l’Association des journalistes professionnels (plus exactement : son avocat, Bernard Mouffe) s’apprête à s’opposer au plan judiciaire à la mainmise de l’exavocat Fortis, cela après qu’une procédure administrative eut été recalée en cour d’appel à Bruxelles. Cet arrêt, dont Mischaël Modrikamen se prévaut pour annoncer le lancement de son Peuple à lui, n’est qu’une étape. Il lui faudra se défendre devant le tribunal de première instance ou le tribunal de commerce. Au bas mot, appel compris, un chemin de trois ans. Les recours ne sont pas suspensifs. Mais ils font peser une « épée de Damoclès » sur l’entreprise, Modrikamen n’étant pas sûr d’avoir gain de cause, et de ne pas devoir fermer boutique à la fin – pour autant qu’il l’ouvre jamais. On lui conseillerait presque de lancer L’Aurore au lieu du Peuple, titre prestigieux de la droite conservatrice française. Ce serait plus cohérent idéologiquement. Notre petit doigt nous dit qu’il y a pensé. 17


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