ECRITURES EVOLUTIVES

Page 347

ÉCRITURES ÉVOLUTIVES roman devint « nouveau », il y a déjà longtemps … Nos propres compétences en méta - sémiotique sont sans doute dépassées et très insuffisantes… Ajoutons que dans Pratiques sémiotiques les écritures formelles ont disparu et qu'on ne trouve que des variations sur le système des axes intensité / extenséité. (p 136). Qu'on le veuille ou non, la théorie sémiotique, en proposant la grammaire narrative, avait apporté un outil original et très opérationnel, or la théorie évolue dans une direction qui ne se situe pas dans l'axe ni l'esprit de cette grammaire. LES SCIENCES ? DU LANGAGE L'évolution que nous venons de stigmatiser s'explique par l'importance accordée au pathos, et plus particulièrement au « pathémique » par les sémioticiens dans les années 1980-90. La présence de l'entrée « pathémique » dans le tome II (1986) du dictionnaire de Greimas et Courtés, est significative de cette évolution de la sémiotique car cette entrée ne figure pas dans le tome I (1979). À la différence du rôle thématique, lié au faire, le rôle pathémique - appelé, lui aussi, à faire partie de l'acteur - concerne l'être du sujet, son « état ». Rappelons que l'acteur est défini dans le tome I comme « une unité lexicale, de type nominale, qui, inscrite dans le discours, est susceptible de recevoir, au moment de sa manifestation, des investissements de syntaxe narrative et de sémantique discursive. » Après l'avoir différencié de l'actant, l'acteur est défini comme « un lieu de convergence et d'investissement des deux composants syntaxique et sémantique. » On différencie enfin le sujet de l'énonciation, actant implicite présupposé par l'énoncé, de l'acteur de l'énonciation comme par exemple Baudelaire qui se définit par la totalité de ses discours.1 Autre signe de l'évolution de la sémiotique dans un sens qui, de notre point de vue, l'éloigne de son statut scientifique initialement visé, ces remarques de J. Fontanille dans Pratiques sémiotiques déjà cité : Si, par exemple, on s'interroge sur la distinction entre « sciences du langage » et « arts du langage », la linguistique étant le parangon des premières, et la rhétorique, celui des seconds, on butte immédiatement (i) sur le fait que le parfum de désuétude qui accompagne la deuxième expression interdit de la mettre sur le même plan que la première, et (ii) sur le fait que les disciplines qui relèvent des arts « arts du langage », comme la rhétorique, tendaient récemment à se faire passer elles aussi pour des « sciences du langage », avec quelques accommodements.2

Cette hypocrisie simulatrice de la rhétorique avait complètement échappé au béotien que nous sommes, car nous n'avions pas pensé établir une hiérarchie entre les sciences et les arts, les situant banalement dans le champ culturel dont la sémiotique elle-même fait partie. J. Fontanille fait cependant remarquer que Greimas a pris la précaution de ne jamais poser la sémiotique comme une « science » à proprement parler, et l'expression qui revient le plus souvent est celle de « projet scientifique » ; qui plus est, ce « projet » est clairement situé dans une pratique, individuelle, comme « projet de vie », ou collective, comme visée propre à l'ensemble des membres associés à un programme de recherches inscrit dans une discipline intellectuelle.3 1 2 3

Greimas & Courtés, Sémiotique Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Tome I, p. 7-8. Op. cit. p. 217-218. ibid. p. 223

346


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.