W-Fenec Mag#2

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EDITO Le W-Fenec a bientôt 15 ans... Putain 15 ans... Et si on existe, c’est en partie grâce à Mass Hysteria ! Un peu d’histoire (c’est mon job en même temps) te permettra de mieux comprendre notre attachement à ce groupe, un attachement qui va au-delà de la musique... Avant que le W-Fenec n’existe, je ne suis qu’un surfeur lambda qui, fin 1997, découvre les pages personnelles de Pooly et notamment quelques unes consacrées à NIN ou Dolly. Ni une ni deux, j’engage la conversation via mail avec cet étudiant qui partage les mêmes goûts que moi et là, c’est le drame. Il ne connaît pas Mass Hysteria. Je sors alors mon plus beau clavier pour tenter de lui expliquer tout le bonheur que j’ai d’écouter Le bien-être et la paix. Ce fameux texte devient une des premières chroniques de ce qu’il est bon d’appeler un webzine. Le W-Fenec était né. Par la suite, leur label de l’époque (Yelen -on pense à toi Pat-) fut un des premiers à nous faire confiance et au fil des concerts et des interviews, on a suivi au plus près la vie de ce groupe qui lui aussi nous a toujours fait confiance. Après notre galop d’essai que fut notre premier numéro (réussi si on en croit tes retours), sur des bases solides car déjà existantes (la review de Dour), il a fallu se lancer dans le grand bain avec un magazine au contenu 100% exclusif et l’actualité nous a bien aidés car comment passer à côté de Mass Hysteria alors que vient de sortir leur nouvel album ? Bonne lecture. Oli - team W-Fenec

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WE NEE


Rédaction : Anthony, Aurelio, Cactus, Oli, Pooly, Ted, Charlotte, Erwan, Gui Maquette : Keipoth Photos : Couverture et visuels Mass Hysteria: Juha Arvid Helminen Photos Mass Hysteria groupe : Eric Canto

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SOMMAIRE

SOMMAIRE 04 > Mass hysterie : Interview 08 > L’armée des ombres 11 > Les disques du mois Gojira Hangman’s Chair Kickback Katatonia The Sunwashed Avenue Velooo Devil Sold His Soul Numbers Poliça Switchblade Propagandhi Bagheera WovenHand When Icarus Falls Ufomammut Old man gloom Aoria ASIDEFROMADAY Collapse Under The Empire Abraham Forest Pooky Klone Meshuggah

ED YOU 38 > Concours The Prestige 39 > Il y a 10 ans 40 > En bref 46 > On était passé à coté 50 > Dans l’ombre 52 > Test psycho

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INTERVIEW

MASS HYSTERIA INTERVIEW SANS OMBRE Quelques jours après la sortie de leur nouvel album, Mass Hysteria a bien voulu suivre le track-listing de L’armée des ombres et répondre à quelques questions... C’est Yann qui s’y colle pour l’essentiel, laissant à Mouss l’occasion de s’expliquer sur le titre de l’album.

Positif à bloc Ce sont les trois mots qui définissent le mieux Mass Hysteria depuis ses débuts, et pourtant tout n'est pas rose, d'où vient cette force, cet optimisme ? C'est peut-être pour cela que nous sommes toujours là ! On essaie de toujours aller de l'avant, au lieu de se dire que c'est plus dur de faire

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de la musique aujourd'hui, on se dit qu'on a tellement de chance de faire ça !!! Et puis c'est la phrase de Mouss depuis le début c'est vrai, et ça fait vraiment plaisir que ce soit enfin le titre d'un morceau !

L'homme s'entête C'est le premier titre sorti sur le net, c'est impensable de promou-

voir un album sans lâcher un morceau sur le web avant la sortie ? C'est vrai que maintenant c'est mieux si les gens entendent un peu de musique avant la sortie de l'album, c'est obligatoire pour le promouvoir !! Ca a été simple de choisir ce titre ? Il fallait sortir un titre pour le sampler de Rock Hard et sincèrement


au moment ou on nous l'a demandé, c'etait le seul qui était fini donc voilà il s'est imposé de lui même.

Commedia dell'inferno C'est le titre qui utilise "L'armée des ombres" dans ses paroles, ça fait écho aux "spectres", aux "sombres personnages" ou aux "mercenaires sans visage" et pas forcément aux résistants auxquels on pense si on suit la référence. Pourquoi ce choix pour le titre de l'album ? Mouss : C'est une guerre silencieuse, pour l'instant, avec deux bords, deux armées. Je pense que Mass a choisi son camp, sans aucun doute même ! Nous n'avons pas voulu ni choisi de rentrer en résistance, c'est la folie des hommes... et notamment es élites gouvernantes qui sont à la solde de puissants lobbies financiers multimilliardaires qui nous y pousse ! Au départ, c'est le titre d'un roman de Kessel sur la Résistance, la pochette va un peu dans ce sens, c'est pas dangereux de jouer sur le double sens ? Mouss : Ce que je veux dire par ce double sens c'est que ce soit les résistants ou les mercenaires sans visage, que ce soit d'un côté comme de l'autre, ils sont tous persuadés d'être dans le vrai. Ma vérité est évidemment du côté résistant mais chacun avance masqué. C'est un titre qui au permier abord honore la Résistance ? Mais à quoi ? Tu as pas mal de choses dans la ligne de mire... Y compris cette armée des ombres menaçantes et pas tout à fait résistante...

Mouss : Le titre honore LA Résistance Française, notre Histoire en est riche. La révolution de 1789, LA Commune de Paris 1871, L'armée des ombres 1939/45, mai 68 etc... Il semble qu'une fois par siècle nous devons nous soulever pour ne pas sombrer. Il se peut que notre tour soit pour bientot... ?

Même si j'explose C'est le premier clip de l'album, c'est en noir et blanc, c'est très sombre, très glauque et donc pas très "positif à bloc"... C'est dur d'avoir une telle dualité dans l'image du groupe ? La pochette de Contraddiction, une petite fille avec les yeux revulsés c'était en 1999 et ce n'était pas tres positif non plus ! Nous mettons l'esthétisme avant tout, je suis un passionné de photo et c'est toujours très excitant de travailler sur une pochette car il faut que le visuel soit le plus beau et le plus fort possible et peu importe l'image qu'il s'en degage !!! Pourquoi avoir choisi Alistair Legrand ? Vous aviez vu le clip qu'il a fait pour Mark Lanegan Band ? C'est évidemment en voyant le clip de Lanegan que nous avons demandé à notre management de contacter Alistair Legrand, et franchement je ne regrette pas, le clip est magnifique, Mouss évoque des choses plutot dures dans ce moceau, et c'est le morceau que l'on avait decider de cliper dès le début, peut-être que le prochain sera "Positif à bloc"...

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INTERVIEW

L'Esprit du temps Dans le son, les ambiances, l'album sonne comme le petit frère de Failles, c'est rare pour Mass de faire deux albums "qui se ressemblent", les titres ont été composés à quel moment ? Durant la tournée de Failles j'ai accumulé presque 600 riffs et après nous avons fait le tri, rien n'est calculé. A l'époque on nous avait reproché de nous être trop éloignés de Contraddiction avec De cercle en cercle, là, nous avions certainement envie d'une trilogie Duquesne (notre producteur) cohérente et bien compacte. Nous verrons pour le prochain... Tout doit disparaître "La vie continue sans nous", la fin de Mass Hysteria a-t-elle été évoquée avec le départ de Stephan ? Comment s'est passé ce nouveau changement de line-up ? Non la fin de de Mass n'a jamais été évoquée. Je ne souhaite pas m'étaler sur le depart de Stephan, mais c'était necessaire, et pour continuer nous avons fait comme toujours avec Mass, nous avons fonctionné à l'humain, nous avons cherché autour de nous et imaginé qui serait capable de prendre la suite et surtout avec qui on s'entendrait bien en tournée, et nous n'avons passé qu'un seul coup de fil !!! Et le changement de label ? Pour ce qui est de la maison de disque, il y avait certain désaccord avec At(h)ome dans la façon de travailler le groupe et Verycords a frappé à notre porte et nous avons foncé. Je respecte les personnes qui gèrent At(h) ome mais on n'a juste pas la même façon de voir les choses, il nous ont relevé d'une période difficile mais là ça ne collait plus ! Et sincerement avec Verycords

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nous sommes vraiment contents !

Sérum barbare Encore un titre qui matraque pas mal, c'est dur de se renouveler en restant dans le même style ? C'est un titre ou les machine font beaucoup, le riff est très basique, quoique j'adore la musicalité de ce riff. C 'est juste 3 notes mais c'est bien construit et puis il envoie grave en live et c'est dans cet esprit que tout l'album a été fait ! Vous avez beaucoup de "déchets" qui ne sont pas gar-

et parfois un peu complexes à suivre, vous en discutez ensemble quand ils proposent les paroles ? J'adore la façon d'ecrire de Mouss, c'est très philosophique et dans beaucoup de cas chacun peut interpréter le texte à sa façon et ça je trouve ça mortel, les paroles sur cet album sont vraiment réussies ! Vous discutez des thèmes abordés ? Oui on peut donner des directives à Mouss si on a envie. Que tel ou tel thème soit abordé mais après il fait à sa sauce ! Vous vous donnez des limites ? Des limites ? non aucune.

Pulsion Sur ce titre est d'autres, les samples ont une place assez importante, qui les a géré sur ce nouvel album ? Un ami de l'ombre...

dés après les jams en répét ? Beaucoup de déchets... oui il y en a mais nous évitons de trop nous retourner, nous n'en sommes pas encore à aller chercher des vieux morceaux pour faire un album ! Dans L'armée des ombres nous étions partis pour peut-être faire un double album donc effectivement il y a des morceaux qui sont restés de coté, mais à chaque fois on se dit : "on va faire mieux".

Raison close Mouss adore détourner des références pour écrire, les textes de ce titre sont très poétiques

Vertige des mondes A l'image de ce titre, il y a assez peu de mélodies sur l'album, ça s'est fait naturellement ou au moment de choisir le tracklisting, vous avez mis de côté des morceaux comme "La valse des pantins" ? Non nous n'avons pas mis de coté "La valse des pantins", tout a été fait très vite car nous étions en retard, si tu veux que je sois franc, je n'aurais pas mis ces deux titres-là en bonus, mais la tracklist est sortie comme ça du mastering et voilà nous ne pouvions plus changer. C'est marrant car un des titres que les gens préfèrent est en bonus, c'est plutot original ! Et pour la mélodie non ce n'est pas calculé, on voulait un truc live, la musique était violente, Mouss s'est posé dessus et voilà ! La valse des pantins/Soyez vousmême Offrir des titres bonus et un DVD avec


INTERVIEW

En novembre vous jouerez à la Réunion, c'est une date qui vous coûte de l'argent ? Tu sais après 18 ans de tournée, nous avons tous des familles, je pense que si un déplacement de Mass Hysteria devait nous couter de l'argent, je ne pense pas que l'on irait... Ce n'est pas que nous ne sommes plus passionnés bien au contraire, c'est plutot que nous n'en n'avons pas les moyens ! Pour finir, que peut-on souhaiter à Mass Hysteria ? Souhaitez nous plein de monde aux concerts et nous serons les plus ravis ! Merci Merci Oli

Merci à Yann, Mouss et aux Mass Hysteria, merci aussi à Alexis (Gandhi's Revenge) et Sabrina (Verycords).

Oli

l'album, c'est la seule solution pour continuer à vendre des disques ? C'est toujours bien d'avoir un truc un peu attractif dans une version digipack collector, il y a tant de groupes qui se foutent de la gueule des gens en leur foutant un live pourri ou je ne sais quoi, là on a voulu faire les choses bien, mais je ne pense pas que ça fasse vendre

plus de disques aujourd hui, pour répondre à ta question on fonctionne simplement et avec ce qu'on a envie de donner au public ! Les "tickets Or", s'en est une autre ? Les tickets Or c'est une façon comme une autre de faire plaisir aux gens qui écoutent Mass, c'est pas avec un ticket or que nous allons élargir le public.. il y en a 2 en tout...

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LES DISQUES DU MOIS

MASS HYSTERIA L’armée des ombres (Verycords)

Après un Failles qui n’en avait pas, Mass Hysteria revient sur un nouveau label et avec un nouveau bassiste... mais ces changementsnesemblentpasavoirprofondémentchangerlegroupe,noncequifaitqueMasschangeunpeu,c’estsurtout le climat économico-politique mondial. L’ambiance n’est plus à la fête et aux simples slogans pour protéger notre environnement, il faut désormais s’attacher à sauver ce qui reste de bon en l’homme, histoire de pouvoir continuer à y croire...

Exit la samba de la «Furia», les rythmes dansants ou les quelques douces mélodies qui arrondissaient les angles saillants, bienvenue à un Mass Hysteria sombre, plus métal et industriel que jamais. Marqués par les guerres, les attentats et les vicissitudes de quelques puissants («L’homme s’entête», «Commedia dell’inferno», «Sérum barbare»), Mouss et les siens continuent de contempler un monde en feu et à sang et de s’insurger avec leurs armes. L’armée des ombres laisse donc peu de place aux mélodies, Moustapha est davantage dans la revendication et l’exhortation et tente de suivre les cadences imposés par les rythmes et les riffs matraqués par ses comparses. Dans cette masse sombre de sons qui nous assaillent ressortent des samples extrêmement travaillés, en

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petites touches ou par nappes, ils sont toujours choisis avec soin et d’une qualité rare. Ils tiennent de nouveau un rôle important dans les compositions et sur cet opus prennent même le pas sur la basse qui en étant plus proche des guitares se fond davantage dans le décor. Les lignes de Vincent sont plus discrètes que celles de Stephan mais il n’était que fraîchement intégré au groupe au moment de terminer les compositions, gageons qu’il s’affirmera davantage par la suite et apportera son empreinte personnelle. La fusion entre des samples omniprésents, une musique dense et des textes acérés n’est pas sans parfois me rappeler un de mes albums de références des années 90’ : Utopia de No One Is Innocent, c’est surtout le cas sur «Commedia dell’inferno» ou la gradation de l’intensité et le discours me renvoie aux


LES DISQUES DU MOIS

doux souvenirs de «Ce que nous savons»/»Inside». Mass Hysteria a beau faire face à L’armée des ombres, il n’en oublie pas sa philosophie première qui tient en trois mots : «Positif à bloc». Taillé pour la scène, l’album fera des étincelles en live et c’est pour répondre à cette «Pulsion» que les Hystériques nous demandent d’être nous-mêmes, d’aimer la vie et de s’accrocher. Des idées que l’on connaît déjà mais dont on ne se lasse pas, surtout qu’elles passent ici parfois avec grâce. Les textes sont en effet, pour la plupart, assez réfléchis et très bien écrits, Mouss se délecte toujours de faire s’entrechoquer les références jouant autant avec la l i tt é r atu r e classique (Lamartine, Carroll, Nietzsche, Kessel...) qu’avec la sous-culture culte (XFiles, Aldous Huxley), mettant face à face les technologies les plus modernes et un des écrits les plus anciens (Apple face à la Génèse dans «Commedia dell’inferno» qui voit ensuite s’affronter les idéologies communistes et capitalistes avec Jacques Séguéla dans la peau du chantre de la réussite personnelle). Quand le clin d’oeil n’est pas directement inscrit dans les textes, il l’est dans la dédicace, «L’esprit du temps» est ainsi associé à Edgar Morin (sociologue) et Stéphane Hessel (auteur d’Indignez-vous !). Mouss s’amuse avec les références et se joue de la langue française, faisant sonner «braise» de façon à entendre «Breizh», nous déroutant avec le titre oxymorique «Sérum barbare» et écrivant même un texte assez complexe mais d’une poésie rare : «Raison close». Les interprétations

sont multiples (faut-il prendre «Amour» comme un fleuve ?) mais il nous forcément nous incliner face à la beauté de quelques idées comme celle-ci «Dans le coeur c’est un naufrage, fermez l’aorte à clé». Outre les deux titres bonus, le superbe digipak à l’artwork si inquiétant offre également un DVD où l’on retrouve un documentaire signé Julien Metternich (qui avait déjà bossé sur le DVD Live). Le groupe répond à pas mal de questions et les réponses sont entrecoupées d’images essentiellement captées en live. Mass Hysteria revient sur son histoire depuis Failles et donc sur la r enc ontr e avec MetallicA, le Sonisphere et son incroyable « P 4 » joué au coeur d’un énorme circle pit, les «vacances» à Nouméa et les 3 concerts donnés en Nouvelle-Calédonie, l’arrivée de Vince, le travail en studio avec Fred, cette fameuse déclinaison d’images qui servent de pochette et bien sûr cette armée des ombres... Cet album n’est pas un cri sans écho, c’est un album mûrement réfléchi, un album explosif et corrosif qui montre combien Mass Hysteria est marqué par le monde qui l’entoure et ne restera jamais immobile. Oli

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LES DISQUES DU MOIS

GOJIRA

L’enfant sauvage (Roadrunner) un peu le groupe qui est attaché à son tranquille SudOuest et qui se laisse apprivoiser et sait s’acclimater loin de chez lui et de ses habitudes tout en conservant une part de «sauvagerie», ici ses créations musicales...

Gojira jouant désormais dans la cour des grands, le groupe a pris son temps (4 ans déjà depuis The way of all flesh !) pour sortir ce nouvel album qu’ils ont enregistré à New York avec Josh Wilbur (certainement conseillé par Randy Blythe de Lamb of God). Et L’Enfant sauvage répond à notre question «le groupe peut-il encore progresser ?», il apporte en effet la réponse sur un plan technique : celui de la production... Sans dénigrer le travail réalisé sur les albums précédents par Joe lui-même, Logan Mader ou Laurent Etxemendi car c’était plutôt très réussi, là, on est entré dans une autre dimension. Puissance, précision, raffinement, clarté, le résultat est bluffant, les effets sur les instruments et le chant sont d’une propreté et d’une efficacité diaboliques («Liquid fire», «Pain is a master»...). Si Gojira la joue à l’américaine, ils n’oublient pas qu’ils sont Français et placent leur french touch bien en évidence en choisissant un titre faisant référence à un des films culte de François Truffaut et mettant également au premier plan un de leurs thèmes favoris : le choc entre l’homme et la nature. Avec pour illustrer cette idée, encore un magnifique artwork (toujours signé Joe himself) mettant l’enfant nature au milieu d’une grande ville. L’Enfant sauvage à la découverte du monde, c’est aussi

Parce que côté compositions, Gojira récite ses gammes et dès «Explosia», on est en terrain connu : décrassage de fûts, séries de glissades sur les cordes, chant pesant et surplombant des riffs plombés, pas grand chose de nouveau pour les fans de la première heure bien habitués au style mais encore une fois une maîtrise impeccable et un sens de la construction ravageur, en témoignent les quelques titres qui sortent du lot et me hérissent les poils («L’enfant sauvage», «Liquid fire», «The gift of guilt»), autant de titres qui risquent de faire des ravages lors des prochains concerts. Au milieu des coups de boutoir, le quatuor relâche de temps à autres la pression, sur quelques passages plus aériens évidemment (l’imposante outro de «Mouth of Kala», la délicate ouverture de «Pain is a master») mais aussi le temps de «The wild healer» (une promenade pour guitares qui fait office d’interlude) et «Born in winter» (titre à la fois plus granuleux et adipeux). L’ensemble donne un album très équilibré qui transpire le sens de l’architecture de ses concepteurs. Si le son gigantesque devrait terminer de conquérir le nouveau terrain de jeu (les Etats-Unis, antichambre du reste du monde non francophone), on se dit une fois de plus que Gojira aura bien du mal à faire encore mieux dans le futur... Mais le groupe a démontré qu’il avait de la ressource alors ne nous inquiétons pas et profitons de ce qu’ils nous offrent pour le moment, à savoir un album aux qualités innombrables qui n’a peut-être comme seul défaut que d’être trop facilement identifiable comme l’oeuvre de Gojira mais n’est-ce pas là une qualité des très grands ? Oli

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HANGMAN’S CHAIR Hope​/​/​/​Dope​/​/​/​Rope (Bones Brigade)

fil noir de vies où se succèdent les moments d’espoirs, d’illuminations et d’abattements, à l’issue étouffante et rarement sereine.

Le ciel de Paris semble toujours aussi sombre et déprimant aux yeux des Hangman’s Chair. Après avoir essayé de purger le malaise par la fuite (leur précédent LP Leaving Paris) puis par la thérapie de groupe (le split avec Drawers sorti il y a quelques mois), les Parisiens sortent un nouveau manifeste plein d’un spleen étouffant et fataliste mais par instant lumineux : Hope//Dope//Rope. La pochette de l’album annonce les couleurs avec son liseré bleu blanc rouge entourant une vue de Pigalle et de sa faune. Le groupe est resté fidèle à Jull à qui l’on doit un certain nombre des artworks du combo et qui a su parfaitement retranscrire l’ambiance de ce nouvel opus. Pas de singeries à l’américaine ou de substitution de culture ici, la musique est référencée US mais l’imagerie et les thèmes développés restent éminemment personnels mettant le groupe à part d’une bonne myriade de formations hexagonales interchangeables et sans goût. Les Parisiens puisent leur inspiration dans la noirceur de leur ville, de leurs vies, dans leur culture et leur fascination pour les artistes maudits et dérangeants magnifiant les aspects les plus noirs de l’existence pour essayer d’en sortir plus fort. Hope//Dope//Rope semble tracer le

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La musique sombre et lancinante du groupe transmet admirablement ce parti pris et ces émotions sans jamais tomber dans la mièvrerie ou la farce caricaturale et sachant par moment accordée quelques plages d’un répit salvateur («December»). La voix de Cub comme tendue à la jonction de ses camarades trace superbement son chemin au milieu d’un maelstrom instrumental alternant les purs moments de doom («The saddest call») et de longs arpèges évocateurs («Alley’s end»), le tout scandé par les pérégrinations d’une batterie lente et sinueuse comme une déambulation nocturne. Atténuant, amplifiant ou se fondant au contraire par nappe dans l’ensemble, cette voix par moment tragique, reste le fil directeur de chaque composition sans en atténuer la force brute. Les quelques extraits de chansons, films et autres discours disséminés le long des 7 plages participent pleinement à l’ambiance qui suinte de la platine une fois le disque lancé, parachevant un travail déjà plus que convaincant de ce côté là. Hangman’s Chair a encore frappé fort avec cet album intègre, personnel, par moment salvateur mais plongé jusqu’au cou dans le marasme et les obsessions de ses créateurs. Erwan


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KICKBACK

Et le diable rit avec nous (GSR Music) tions sur «It’s burning hell» au downbeat contagieux et dégoulinant; ou encore sur un «Mind of a lunatic» surréaliste et fantomatique, une présence spectrale maléfique. Contrepoint aux bites molles du précédent album, les vers qui rampe rappelle la médiocrité humaine sur cet enregistrement. Sans faire dans la dentelle, Kickback évite l’écueil d’être ennuyant, alternant passages et ambiances, avec le même objectif en tête, une préoccupation mono-maniaque. Encore un album d’une noirceur effrayante, d’une noirceur imprégnée jusqu’au cœur, avec un memento mori pour seul objectif final. Pooly

Kickback l’a annoncé sur l’opus précédent, No surrender. C’est donc avec naturel qu’ils remettent le couvert sur Et le diable rit avec nous. La même musique noire, vile et incendiaire coule à flôts. Imaginez un filon de pétrôle brute qui file entre vos doigts, collant, opaque, volatile, à l’odeur nauséabonde et au potentiel hautement explosif; non, imaginez plutôt une bile noire, pestifère et infectieuse, un crachat de fin du monde, un mollard de haine contagieuse. Kickback c’est tout ça à la fois, une perspective pessimiste et une musique qui reflète ces sentiments violents. Kickback détruit le décor avec «Sorption», guitares agonisantes, chants écorchés à vifs, celà s’emballe très vite, et l’explosion souffle tout sur son passage. Et le diable rit avec nous ressemble par bien des aspects à No surrender, même production homogène, même cancer musical, et se détache également, notamment sur le travail de composition, avec des guitares qui s’aventurent beaucoup plus, qui prennent soin de construire l’ambiance sonore et le malaise mélodique comme sur «Mind of a lunatic», ou «Cavalcare la tigre», ou avec une batterie qui jette quelques bouts de gras sur «Weltanschauung» ou sur «Sorption». Kickback se donne corps et âmes sur des titres comme «Stained I», tout en revenant avec de nouvelles infec-

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KATATONIA

Dead end kings (Peaceville records) gen au poste de chanteuse au sein de The Gathering) vient ainsi ajouter son chant à celui de Jonas Renkse tandis que des passages inattendus complètent la richesse de l’ensemble. Refusant la linéarité, du piano, violon et quelques samples s’incrustent toujours avec finesse dans l’ensemble. Ne craignez rien, Katatonia n’est pas Apocalyptica et les singularités d’ambiance ne sont toujours que de passage pour ne pas briser la rythmique rock et expérimentale du groupe. La preuve sur «Buildings» notamment, où l’introduction façon metal symphonique ne dure qu’un temps avant que le vocaliste de la formation suédoise ne débute une complainte renforcée par des instruments nerveux et saturés.

Message à caractère informatif : dans ce neuvième album des suédois de Katatonia, l’auditeur ne se farcira jamais de notes nébuleuses et ariennes avant d’être attaqué au plus profond de son âme. Mais sur «The parting», le chant de Jonas Renkse décroche les cieux dans les trois premières secondes, sans longueur, à la manière des deux prédécesseurs de Dead end kings qui ne donnaient déjà plus la belle part à la souffrance fantomatique caractéristique d’un black metal mélancolique. De composition rock et frénétique il est ici question et ce nouvel album confirme la direction prise par le groupe depuis The great cold distance en 2006. Leurs inspirations lyriques d’antan auraient-elles disparu ? Que l’on se rassure. La production est impeccable et les structures toujours aussi inspirées. Le morceau «Hypnone» nous transporte aux sons de la guitare et du piano avec ferveur bien que le groupe prenne de plus en plus de distance avec leur doom originel. Jamais linéaire, la force des morceaux réside dans une rupture constante de la monotonie. Jouant à la fois sur des structures classiques comme le refrain et les couplets, des instants soudains viennent s’ajouter à la structure globale. Dans «The one You’re looking for is not here» Silje Wergeland (la remplaçante d’Anneke Van Giesber-

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Pourtant, tandis que l’album défile, des morceaux rappellent les premiers amours torturés du groupe avec des rythmiques moins rapides : «Ambitions», «Undo You». Jusqu’ici Katatonia balance entre ses nouvelles muses et ses anciens amours, mais le tout est intéressant et habilement composé. Rien à redire car à l’écoute de tous ces morceaux, on ressent la patte du groupe. Sur les trois derniers morceaux par contre. avec «Lethean» et «First prayer» un fouillis rock prend son tour de piste et ce n’est qu’à coups de solos énervés et de poussées vocales inhabituelles que les minutes défilent. «Dead Letters» rattrape quelques instants l’impression d’un album expédié sur ces trois morceaux avec des envolées intéressantes et des arpèges dynamiques, mais nous ne sommes pas passés loin de rester sur une déception. Néanmoins, ce Dead end kings est un bon album. Recherché et puissant comme on pouvait l’attendre d’un Katatonia. Charlotte


LES DISQUES DU MOIS

THE SUNWASHED AVENUES Blue dolphin (Dirty & weird music) forme de bombasses punk-hardcore chaotique, tombe pile-poil pour en témoigner. Seule la piste qui conclue Blue dolphin («The last passenger to the west») rebute les oreilles, une ballade accoustique avec des effets de voix assez moches lorgnant vers d’un Archive du pauvre. Le groupe semble toutefois s’émanciper, en proposant une nouvelle mue grâce à des influences plus mouvantes qu’il n’y paraît au premier abord. Excellent cru, encore une fois ! Cactus

Parce qu’on tortille jamais du cul quand il s’agit d’un super groupe, les deux premiers méfaits de The Sunwashed Avenues étaient de sacrées claques noise hybride-rock à mettre à leur actif. Oui, c’est un groupe sous influences. Oui, ils sont traumatisés par Mike Patton. Mais quand c’est bon, c’est bon, point. Les voici de retour avec un EP intitulé Blue dolphin et un artwork qui pourra faire flipper (humour, drôle, non ?) les afficionados des pochettes au W-Fenec. Toujours est-il que dès le premier titre, c’est sous le signe du gros son maousse que se place cette nouvelle offrande avec un riff taillé King Size digne des Deftones et des gueulantes en mode «je suis très très colère car je suis déception». Excellent premier titre. La deuxième et la troisièmes piste confirment également tout le bien que l’on pense de ce groupe et une direction peut-être un poil plus calibrée que sur les précédentes prods’. Certaines parties se font plus mélodieuses, le propos moins agressif qu’à l’accoutumée et le chant navigue entre le chuchoté et l’aérien. The Sunwashed Avenues lisse un peu plus sa propension au chaos pour dériver positivement vers un tout assez séduisant. Le groupe n’est néanmoins pas tombé totalement du coté obscure de la force, la quatrième salve («In subatlantic torrents the human turds disturb») en

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LES DISQUES DU MOIS

VELOOO

Même pas mal (A tant rêver du roi)

Bien loin du « trop » AngloSaxon, c’est désormais de tradition que choisir un patronyme à la touche Française. Ça l’est en tout cas pour le chapitre MathRock/NoiseRock des 10 dernières années et il faut avouer que cet alternatif à de la classe, comme un contrepied qui transpire l’émancipation des standards. Vélooo c’est un trio, de l’école souterraine, aux larges influences (Noise/MathRock/Hardcore/NoWave), formé à Pau en 2004. C’est main dans la main avec le label « A Tant Rêver Du Roi » qu’ils sortent aujourd’hui leur premier Album : « Même pas mal ». La suite donnée au premier Ep paru en 2008. On n’est pas véritablement dépaysé par l’objet, et les titres, ces codes « détachés » à mi chemin entre l’humour un rien désabusé et le « on ne cherche pas à vendre », nous rappellent de suite Chevreuil ou Pneu (Tachycardie, Moustache en cuir, Véniverge ou Mamitraillette). Un nom marrant et une imagerie graphique ne suffisant pas à convaincre je me suis, et avant toute écoute, fait la réflexion suivante : J’ai toujours trouvé qu’il était compliqué de se réclamer du Math rock. À l’instar d’ambiances suggérées par certains styles où l’on peut se faire l’escroc plutôt rapidement, l’état du terme mathématique implique une sorte de processus cartésien : un peu comme une équation, le résultat est bon ou pas, on est dans le vrai ou dans le faux. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, aujourd’hui c’est un peu la foire de

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ce côté : le math rock se résume pour certain à la seule utilisation abusive du Tapping. Ceci dit, le terme Noise, bien en vogue aussi, n’échappe pas à l’utilisation facile et massive : Il est plus compliqué de faire du bruit un vecteur d’énergie et de valeurs que ce que l’on imagine. Considérations mises à part, comment se situe notre trio ? Vélooo c’est instrumental et garage, un discours franc du collier à tendance matheuse emporté par une énergie fougueuse. Énergie qui cependant, à cause d’une production qui étouffe et manque de muscle, bride ce que j’imagine être « les puissantes envies et folles incartades » désirées par le groupe. Question contenu le groupe n’échappe malheureusement pas, à mon avis, au syndrome (généralement instrumental) de la « boîte à Riff ». Même si les expérimentations ne sont pas poussées au point de couper tout dialogue avec l’auditeur, on s’y perd. Le propos du groupe n’est pas assez synthétisé et même après plusieurs écoutes, subsiste un effet zapping. Résultat : le dénouement d’un titre occulte systématiquement son commencement. Aucune idée n’est véritablement en dessous de l’autre, et l’ensemble très bien exécuté n’est pas véritablement marqué par autre chose que l’envie d’avancer contre vents et marées. L’album, finalement très autiste, ne laisse selon moi pas de porte d’entrée valable pour qui voudrait découvrir Vélooo. Anthony


LES DISQUES DU MOIS

DEVIL SOLD HIS SOUL Empire of light (Small town records)

glais, mais heureusement le groupe sait (la plupart du temps) quand relancer les hostilités. L’expérimental et l’innovation c’est bien les gars, ai-je envie de leur dire, mais tâchez de ne pas trop vous éloigner de votre muse originelle, la rage de la composition sombre et brutale qui me fait tant aimer le groupe toulousain Battle of Britain memorial. Niveau qualité de son, la prod’ est de son côté impeccable et le mixage assuré par un as du milieu «hard» : Alan Douches (Converge, Mastodon, Dillinger escape plan...).

Les britanniques de Devil sold his soul sont de retour avec un Empire Of light qui se révèle majestueux. Plus aérien encore que ses prédécesseurs, ce nouvel album respire bien, mais peut-être trop justement. Heureusement Ed Gibbs continue de hurler à tout va. Sans faute, il nous délivre toujours avec rage son chant screamo, mais de plus en plus proprement, alors qu’au loin s’éloigne la référence immédiate à Envy ou Cult of luna. Moins brouillon, il s’élève au dessus du classique hurlement bestial pour nous faire planer à 10 000 pieds, sans malmenage excessif cette fois. Oui, dès le premier morceau, «No remorse, no regrets», la fureur d’antan semble plus modérée et les compositions plus transcendantales que jamais.

Quand on écoute DSHS, on s’attend davantage à prendre une claque réveil matin, or on en vient à apprécier la douceur de «Salvation lies within» et le chant léger du préposé au micro, quitte à ce que cela rapproche dangeureusement le groupe à des références du mouvement post-rock comme Explosions in the sky ou encore Sigur Rós... Doit-on vraiment tout ça à l’humeur optimiste du groupe ? Espérons qu’ils puissent être heureux et féroces à la fois, car l’ancien DSHS me manque quelque part, même si des morceaux comme «Time of pressure», «Crusader», ou encore «End of days» (qui achève l’album) me rappellent toutefois la saveur la plus viscérale et intense du groupe. Charlotte

Il faut dire qu’avec Empire of light, le groupe s’éloigne des rivages torturés pour embrasser une philosophie plus positive. Au niveau des paroles, on parle de volonté et de persévérance face à des situations difficiles. Tout rejoint l’idée de se relever après avoir été mis par terre, de continuer à avancer. Avec «A new legacy» ou «It rains down», Devil sold his soul dépasse le simple cadre du screamo progressif. Beaucoup de chant clair, un surplus de chœurs, des airs de post-rock qui se déploient («The waves and the seas»), voici la nouvelle recette des an-

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NUMBERS NOT NAMES What’s the price ? (Ici d’ailleurs)

Numbers Not Names est le dernier projet en date initié par le label Ici d’ailleurs (basé à Nancy) et plus particulièrement par Stéphane Grégoire (le grand patron) : Il a eu une nouvelle fois l’envie de réunir des musiciens d’horizons divers et variés dans le but avoué de prouver au monde de la musique nommée «Consensus» que la prise de risque, la tentative, l’expérimentation fonctionne encore très bien. Une nouvelle fois, car il n’y a ici rien d’inédit pour le label qui avait déjà éprouvé par le passé ce concept avec le projet Hommage Immortal Coil (qui réunissait deja entre autre Yaël Naim, Chapelier Fou, Yann Tiersen...). What’s the price ? remporte son pari : l’équipe, le quartet, est lourd et à l’écoute bien soudé. Il est composé de Alexei «Crescent Moon» Casselle (Kill The Vultures), Jean-Michel Pires et Chris Cole à la batterie (The Married Monk / ManyFingers) et Oktopus à la production (Dälek). Le résultat sonne comme une masse, en ébullition, mouvante, organique au fil des titres. Si on pouvait se permettre un parallèle (lointain) je pencherai pour celui de l’italo disco... et plus précisément à l’image de Farah (Italians do it Better) : le tempo est lent, les têtes se balancent, les épaules s’entrechoquent dans une ambiance de Club ruiné post-apocalyptique. Le flow, distinct, flâneur mais incisif ne fait pas dans la

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démonstration et la performance «accélérée». La ténébreuse mécanique des titre évoque Dalek (surement pas par hasard) mais aussi la robotique de Reverse Enginerring. Les beats martèlent dans un climat industriel, bruististe au final plus psychotrope que -délique. Malgré tout, il me semble que le groupe, dans sa formation «All star» aurait pu se jouer de son état et pourquoi pas paradoxer plus son propos à l’image de l’excellent titre éponyme «What’s the price ?», le seul, selon moi, véritablement dans cet état «Clair/Obscur». Sisi, on peut se permettre ça : si la cohérence est évidente dans cet LP, l’aboutissement et le recul d’un groupe réside peut être dans la liberté de ce dernier à faire fluctuer son univers. Un peu comme une vérité, dangereuse condition, le groupe essouffle par sa réponse unique. L’information dense et unidirectionnelle brouille les pistes et ne clarifie pas assez le discours. Sans remettre une seule fois le contenu en cause, qui envoie sévère, je peux bien vous l’avouer : me saisir du contenu du disque n’est pas encore une affaire réglée. Chaque cuillerée que vous ingérerez de ce premier LP What’s the price ? sera de qualité, mais la digestion ne sera pas forcement évidente et immédiate. Anthony


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POLICA

Give you the ghost (Pias)

Il aura fallu à peine un an pour que Poliça, combo indieelectro-rock de Minneapolis (USA), fasse le buzz avec un seul album en poche. La formation se fonde en 2011, suite à la participation de Channy Leaneagh, qui venait tout juste de quitter Roma Di Luna, à Relayted, dernier album du collectif indie-rock Gayngs, formation orchestrée par Ryan Olson. Ce dernier souhaite collaborer de manière plus durable avec la miss. La fusion des deux talents se complétant de manière presque naturelle, le duo sort alors son premier album, Give you the ghost, fin avril 2012. Par la suite, Ryan & Channy engagent un bassiste et deux batteurs pour assurer la tournée passant par de nombreux festivals dont celui de Dour. Les critiques ne se laissent pas attendre et non des moindres : Justin Vernon de Bon Iver, très proche du duo (Il fait partie des membres de Gayngs au même titre que Mike Noyce, crédité sur deux titres de Give you the ghost), les qualifie de «meilleur groupe jamais entendu», Prince s’est invité en loucedé à l’un de leurs shows à Minneapolis, même le sieur Jay-Z ne tarit pas d’éloges à leur égard. Le succès de cette aventure démarre sur les chapeaux de roue. Est-ce mérité ? Il y a des sensations que l’on ne peut refouler. Des émotions qui s’installent et qui ne vous quittent plus.

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Ce fut le cas à Dour cette année lors du passage de Poliça sur la scène de La Petite Maison Dans La Prairie. Voilà un bel exemple de ce genre de groupe, complètement inconnu au bataillon, qui va en 40 minutes vous faire comprendre pourquoi vous avez foutu les pieds dans ce festival ouvert sérieusement (j’insiste sur ce dernier mot) aux belles découvertes. Quelques temps plus tard, après avoir vibré intensément sur le set de la formation de Minneapolis, vous récupérez l’album et là, rebelote, vous reprenez une bonne claque comme il faut. Pour provoquer tout ça, Poliça a compris qu’il fallait mettre ses atouts en place. Guidé par une voix féminine merveilleuse et touchante, celle de Channy Leaneagh (quelque part entre Dolores O’Riordan, Sinead O’Connor et Karin Dreijer Andersson), bien aidée d’ailleurs par une réverbération opulente, des delays parfois immodérés et de l’auto-tune, la musique des américains joue la carte d’une dream-pop froide matinée d’électro dont les rythmes sont remarquablement bien ficelés, hors de la norme pop classique. Chaque titre de Give you the ghost est un don indescriptible, une succession de bijoux qui s’enchainent sans tergiversation avec une facilité déconcertante. Quand l’aérienne «Amongster» nous ouvre les portes du paradis, «Violent games» nous plonge dans un univers tortueux où les percussions tribales se lâchent. Quand «Form» dévoile sa part de mélancolie, «Fist, teeth, money» entrevoit la lumière grâce à son rythme chaloupé et ses petites harmonies parsemées ici et là. Quand le rythme dub de «See my mother» nous entraîne, «Wandering star» n’est pas loin de nous filer le cafard. Protéiforme, la musique de Poliça reste toutefois sobre dans l’approche, le groupe ne cherche pas midi à quatorze heure pour balancer ses tubes qui reconnaissons-le tombent par moment dans le convenu. Cela n’enlève en rien à la vénusté qui s’en dégage et à l’impression de tenir là l’une des plus belles révélations pop de l’année. Et ce n’est pas les «people» cités plus haut qui le démentiront. Ted


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SWITCHBLADE Switchblade (Denovali Records)

forme de psychédélisme noir à l’épaisseur presque dérangeante. Car le deuxième acte de l’album, s’il allège un peu son propos en termes de puissance de décibels, va encore plus loin dans la «descente» au cœur des tréfonds de l’œuvre des nordiques.

Symphonie des enfers, une véritable immersion dans les catacombes entourant le cœur du Royaume d’Hadès, le nouvel album des uédois de Switchblade est, de manière assez prévisible, une visite privée au cœur des profondeurs ténébreuses d’un monde musical heavy/doom/sludge confinant peu à peu, lentement mais inexorablement, à l’aliénation auditive. La «faute» en incombe notamment à ce premier mouvement (l’album en compte trois) qui, de part sa mécanique rythmique redoutable, surplombée par un riffing tellurique, emmène l’auditeur vers des contrées inhospitalières, territoires de désolation émotionnelle où l’humanité se révèle comme étant en déliquescence.

Quelques discrètes et lointaines lueurs laissant fugitivement entrevoir un horizon éclairci ? Cela ne dure guère et le troisième et ultime mouvement de l’album s’en remet rapidement et plus sûrement à ses fondamentaux (post ?)-heavy/doom/sludge, cette fois aussi aride que les steppes de Sibérie un hiver particulièrement rude avant que de nouveau, l’implacable machinerie scandinave n’entre une dernière fois en action. Avec pour résultat un distillat sonore promenant son groove pachydermique le long des immensités de la toundra avant de s’offrir un dernier climax sur lequel il éructe une haine brute, nihiliste et viscérale, marquée à l’encre noire et saturant l’atmosphère jusqu’à l’asphyxie. Extrême. Aurelio

Malgré sa lenteur extrême, cette lourdeur de procession doom en forme de messe noire du sludge, Switchblade réussit à capter l’attention, là où tant d’autres composeraient une partition dont les effets se révèleraient inexistant. Conviant à son office quelques invités de marque en les personnes de Per Wiberg (ex-Opeth, exSpiritual Beggars), Jonas Renkse aka Lord Seth (ancien membre et fondateur de Katatonia) ou The Cuckoo de Terra Tenebrosa, le groupe densifie par la même occasion son approche stylistique en même temps qu’il repense son écriture, conférant ainsi à son album une

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PROPAGANDHI Failed states (Epitaph)

de l’excellent «Note to self» ou du survolté «Devil’s creek» en passant par le très (très) énervé «Rattan cane» (en live, ça doit gentiment dégoupiller dans les premiers rangs). On se surprend parfois à voir les Propagandhi œuvrer sur un registre aussi viril, pour mieux replonger quelques instants plus tard dans leurs jeunes années avec du pur punk-rock des familles lestés par quelques bordées de heavy metal qui tronçonne («Hadron collision», «Cognitive suicide», «Dark matters»).

Actifs depuis près de vingt-six années, les canadiens de Propagandhi, longtemps piliers de l’écurie punk Fat Wreck Chords (Against Me!, Strike Anywhere, Rise Against, Strung Out, Teenage Bottlerocket...) reviennent sous les feux de la rampe trois ans après leur dernier album (resté un peu confidentiel), avec un sixième opus pour lequel ils sont entre-temps passés sous la bannière d’Epitaph, le label fondé par Brett Gurewitz, le guitariste de Bad Religion, qui varie depuis quelques années les plaisirs, des plus hardcore et métalliques (Converge, Every Time I Die, Parkway Drive, The Ghost Inside), aux plus power-pop, rock et non-violents (Hot Water Music, Motion City Soundtrack, Weezer...). L’expérience aidant, l’écriture a changé (l’époque aussi), et les natifs de Winnipeg savent mieux que jamais distiller leur énergie de manière à obtenir l’album qu’ils recherchent, à savoir un cocktail assez incendiaire d’exstreet punk métallisé et de power-rock mélodique gorgée de fougue assez juvénile, preuve qu’ils n’ont rien perdu (ou si peu) de la sève punk qui coulait dans leurs veines au début de leur histoire commune. Les puristes diront que tout cela a bien (trop) changé, mais en même temps, faire et refaire six fois le même album, quel intérêt ? Surtout quand on sait balancer des titres du calibre

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Punk (rock) dans l’âme, Propagandhi ne change pas réellement dans les intentions, expédiant les torpilles («Status update», «Things I like») pour mieux museler la concurrence comme la critique dès lors qu’il s’agit pour eux de varier un peu les plaisirs sonores, avec au choix un «Unscripted moment» excellemment bien troussé. Et tant pis ça ne plait pas ou plus au pseudo-vrais (DieHard)core Punk de la préhistoire, ceux-là même qui suçaient encore leur pouce quand les Propagandhi envoient déjà la sauce. En attendant, «Lotus gait» expédie bruyamment son quota de décibels syndical sans ciller et les gaziers finissent le travail sur l’excellent climax de ce Failed states («Duplicate Keys Icaro (An Interim Report) «), en s’offrant un dernier tour de piste plutôt bien ficelé. Une belle conclusion pour un album presque meilleur qu’attendu. Parce que non, ces mecs-là ne sont pas (encore) trop vieux pour ces conneries. Aurelio


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WOVENHAND The laughing stalk (Glitterhouse)

C’est avec une tige qui se marre que David Eugene Edwards continue sa route et cette fois-ci, il prend un chemin qui l’éloigne un peu de ses habituelles ritournelles indie-folk, indie étant alors aussi proche d’indépendant que d’indien... Et alors que ses célèbres incantations shamaniques faisaient souvent la part belle aux percussions et aux sonorités acoustiques de quelques instruments à corde venus de l’Ouest américain, sur ce nouvel opus, c’est sa guitare qu’il met à l’honneur. Et pas seulement car le bonhomme y a branché ses pédales de distorsions et nous régale de sons électriques et électrisants. Que ses pressions fassent décoller la saturation pour propulser le sagement rock «In the temple» vers les cieux, qu’elles la ramènent au niveau du sol pour faire ramper les riffs de «Coup stick» ou qu’elles permettent de remplir l’atmosphère de «Glistening black». De par la présence de ces sons distordus Wovenhand livre un album très dense et très rock où les illuminations religieuses sont plus que discrètes, on remarque juste les «Gloire à Dieu» (les «Alleluia» donc) du pourtant endiablé «King o king» dont le rythme très marqué, les riffs inspirés, les petits cris et les sons graves en font un des morceaux les plus accrocheurs de l’opus, un des plus «classiques» également car très proches des codes amenés par

Wovenhand. «The laughing stalk» et dans une moindre mesure «Long horn» sont eux aussi bien dans la veine de ce que nous a proposé David Eugene par le passé, ils n’ont pourtant pas le même impact que «King o king». Au coeur de The laughing stalk, on se fait surprendre par un «Closer» parsemé de bidouillages assez particuliers, aux amateurs de ce titre, je ne saurais que conseiller la découverte (éventuelle) de Nic-U dont les ambiances lugubres sont assez similaires. «Maize» remet l’auditeur en selle avec davantage de calme et de sérénité grâce à quelques lumineuses notes de piano venant contraster une ambiance relativement ténébreuse. Rarement à la fête et enjoué, l’ancien frontman de Sixteen Horsepower semble même très revanchard sur «As wool» où aux sons gras, il ajoute un ton assez vindicatif. Après avoir fait montre de son immense délicatesse avec l’album Live at Roepan, Wovenhand délivre une offrande très rock’n’roll qui risque de fort de dynamiser ses prochains concerts sans qu’ils ne perdent pour autant toute leur magie. Oli

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BAGHEERA Drift (Hungry ghosts productions)

appelle un vrai feeling en matière de metal malin et fun. Du genre à ne pas se prendre à la tête et à balancer de bonnes doses de cool jusqu’à faire de jolis ravages dans la tuyauterie («Catch yourself», «Ossified»).

Comme ça, sans prévenir ni avoir sorti la moindre démo ou un EP histoire de se faire la main avant de passer en grande section métallique, Bagheera livre avec Drift un premier album studio paru chez Hungry Ghosts Productions (Camion, June Deville.), soit une valeur sûre en matière de musique amplifiée tout droit débarquée de chez nos voisins suisses. Et comme souvent avec ces gens là, soit ça cogne dur, soit ça envoie du groove par palettes, on s’attend à prendre cher. Bon en fait, avec Bagheera, c’est ni l’un, ni l’autre mais les deux en même temps. Tant qu’à faire, autant ne pas se payer le voyage pour rien hein... En l’espace d’une première bordée de titres, («Cliff»,»Ad hoc»,»Drone»), les helvètes développent un talent certain pour aiguiser une griffe musicale oscillant constamment entre groove-metal, hardcore burné et rock’n’roll bien velu histoire de faire de leur Drift quelque chose qui soit à la fois puissant et très frais. Léger aussi mais en même temps musculeux, véloce et taillé pour s’offrir quelques belles sauteries viriles en live (le single burné qu’est «Rough»). Mélodies éraillées, grosse présence dès lors qu’il s’agit d’expédier du décibel dans les enceintes, une solidité instrumentale à toute épreuve et ce groove particulièrement addictif. Bagheera a ce qu’on

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Quelques plans death-metal, beuglements barbares à l’appui («80 years to learn nothing»), un retour aux fondamentaux métalliques (mais rock aussi) sur l’éponyme «Drift», Bagheera n’invente rien et ne semble pas s’en inquiéter. A raison, car l’intérêt de cet album est ailleurs. Dans son efficacité mais également par les impulsions électriques qu’il déclenche lors de l’écoute d’un «Eins Zwei Dei» au final très classe mais auparavant plutôt hargneux, ou d’un «Torchlight» particulièrement vindicatif. Parce que tout ça, cela reste du metal bien groovy certes, mais suffisamment solide et bruyant pour se faire remarquer au sein d’une scène musicale décidément excitante. Et ici de surcroît avec une coolitude plus qu’affirmée et de bons riffs de bûcherons qui font du bien par où ça passe. Alors fatalement, au WFenec, on valide. Aurelio



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WHEN ICARUS FALLS Aegan (Headstrong music)

d’une finesse rare («Acheron / Eumenides»). On préfère prévenir, ce groupe-là a tout d’un (très) grand et va le prouver au cours de cet album.

3 années se sont écoulées depuis la bombe qu’était l’EP Over the frozen seas, sorti chez l’excellent Get a Life ! Records qui renaît d’ailleurs de ces cendres après avoir quasiment disparu de la cartographie des labels européens pendant deux années. Mais là n’est pas le sujet puisque c’est en fait via Headstrong Music (Hathors, Houston Swing Engine, Songs of Neptune, Monkey3, Yverdoom.) que When Icarus Falls (dé)livre aujourd’hui son premier album long-format avec l’attendu Aegan. Un manifeste post-hardcore que les lausannois emmènent sur des sillons émotionnels d’une intensité littéralement étourdissante. Intro au clavier discrètement, délicatement majestueuse, «A step further» annonce une Apocalypse imminente, un chaos sonore à venir et un véritable tsunami qui va retourner les enceintes comme le reste en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Et c’est effectivement ce qu’il se passe lorsque les suisses libèrent leur créature musicale dans tout ce qui fait sa bestialité crue, sa férocité animale et ses instincts les plus barbares. Mais pas que, car dans la violence épidermique qui jaillit au détour des lignes de chants et autres riffs cautérisant des plaies émotionnelles béantes, When Icarus Falls fait montre d’une maestria folle (l’éponyme «Aegan») comme d’une sensibilité à fleur de peau mais également

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La frappe de batterie, monstrueuse, rythme les déchaînements post-hardcore à l’extrême, cadençant l’ensemble musical des suisses avec une précision chirurgicale et les instrumentations parachèvent le travail. Lourd, puissant, dévastateur, le postcore des WIF n’a jamais été aussi abrasif («Asphodel Meadows Part. I») et si la griffe est aisément reconnaissable, de part sa myriade d’influences (que ce soit ASIDEFROMADAY, Cult of Luna, Mono, Unfold ou The Ocean, sans oublier Isis et Sigur Ros), il n’y a rien à redire, le résultat est toujours aussi épique qu’éblouissant (un «What We know thus far (An inner journey)» absolument dantesque). Et là, c’est avant de lâcher le bijou qu’est «Tears of Daedalus» sur la platine, un titre qui ferait presque passer le My Own Private Alaska le plus douloureusement brisé pour une pop-song lumineuse de part sa fragilité déchirante et sa pudeur tout en retenue dévastée. On est sous le choc, bouleversé, par cet avant-dernier titre, qu’il faut se remettre afin d’affronter l’ultime choc thermique signé When Icarus Falls. que l’on prend comme prévu en pleine face. «Hadès», c’est son nom, est là encore un monument de douleur viscérale concluant en apothéose cet Aegan emballé dans un élégant digisleeve qui n’enlève évidemment rien au plaisir du mélomane collectionneur, conscient d’avoir entre les mains un disque de (très) grande classe. Aurelio


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UFOMAMMUT Oro: opus alter(Neurot recordings)

attendait de lui. Voire même un peu plus, portant son concept vers les extrêmes en laissant monter lentement mais inexorablement une pression sonore devenue au fil des minutes quasi asphyxiante. Jusqu’à aboutir à «Sulphurdew», titre-somme et morceau-fleuve à lui tout seul au cours duquel, les italiens laissent le libre cours absolu à leurs appétences créatives, douze minutes et dix-neuf secondes durant. On s’en doutait, le résultat est à la hauteur du défi proposé, notamment en termes de maîtrise formelle. Et si parfois, on regrettera d’avoir l’impression de se retrouver face à un exercice de style dévoilant une maestria sidérante, Ufomammut se garde bien d’oublier de créer, d’inventer.

Les meilleurs diptyques étant fatalement en deux parties, voici donc la suite et la fin de l’ambitieux projet Oro signé des brillants italiens d’Ufomammut, avec cet Opus alter sensé compléter et boucler la boucle initiée il y a quelques mois par Oro : Opus primum. Et dans ce registre là, pas de suspens puisque les nouveaux poulains de l’écurie Neurot Recordings maîtrisent comme à leur habitude le sujet sludge/post-doom psychédélique et métallique à l’excellence atypique qui a fait leur marque de fabrique depuis pas mal d’années maintenant.

Pour ainsi conclure de la plus belle des manières (le bien nommé «Sublime») un diptyque massif et diaboliquement envoûtant dont l’épilogue («Deityrant») n’est finalement que l’ultime chapitre d’une odyssée musicale qui emmène progressivement l’auditeur aux confins du HARD. Avec sa bénédiction et la nôtre. Conclusion : la classe absolue made in Neurot Recordings, malgré quelques très légers moments d’égarement en chemin. La marque des grands ? Aurelio

Une longue transe à travers les confins du post-doom / hardcore / sludge, l’inaugural «Oroborus» fait tout de suite replonger l’auditeur dans l’univers âpre, prégnant, oppressif de la formation italienne. Les riffs sont tout aussi lourds qu’à l’accoutumée, les petites textures psychédéliques discrètement omniprésentes et l’ensemble est toujours gagné par un sentiment d’amplitude pesante. Une forme d’oscillation (post)métallique emmenant l’auditeur à s’immerger dans un magma sonore inextricable et aliénant. Faisant l’éloge d’une lenteur presque maladive («Luxon»), tout en ménageant ses effets avec le sens aigu d’un minimalisme de façade derrière lequel se dissimulent des myriades de détails et nuances, Ufomammut ne fait rien moins que ce l’on

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OLD MAN GLOOM No (Hydrahead)

avec un sentiment d’accomplissement total, ce premier vrai morceau de l’album ne cherche pas à cogner pour cogner mais plutôt à poignarder l’auditeur de manière à lui laisser des traces indélébiles. Engeance diabolique d’un album nihiliste et misanthrope (d’où le No du titre ?) ce premier morceau, comme ses successeurs, refuse de manière catégorique la simple notion de concession. Quitte à provoquer de sérieux dommages collatéraux.

Ils sont (enfin) de retour. Huit ans après leur dernier méfait studio, les Old Man Gloom reviennent aux affaires par le biais d’Hydrahead (Isis, Jesu, Pelican, Torche.), avec cet alliage de sludge/doom de plomb et de posthardcore en acier trempé ici identifié sous le patronyme de No. Là autant dire qu’on en prend plein les écoutilles parce qu’en une petite huitaine d’années écoulées, les membres du groupe - pour rappel il y a ici du Cave In, Converge, Doomriders, Isis, Zozobra - ont emmagasiné tout ce qu’il fallait comme background artistique pour livrer un disque à la fois brutalement acerbe et sauvage, frontalement violent, insidieusement aliénant. Choc thermique assuré. Une violence crue, viscérale qui suinte par tous les pores des sept pièces qui font suite à l’inaugurale et ténébreuse intro qu’est «Grand inversion», Old Man Gloom ne se sera caché que quelques deux minutes et vingt-quatre secondes d’une mise en place énigmatique et ambiancée, patiente mais déjà sournoisement annonciatrice d’un chaos imminent. Le calme (relatif) avant une première poussée de tension qui conduit à l’explosion de rage brute survenant lors de «Common species». Débordant de haine et de sauvagerie lourde, de cette bestialité massive qui ébrèche les tympans

Des cicatrices émotionnelles le meurtrissant dans sa chair et un déferlement qui se poursuit avec un court, mais intense, «Regain / rejoin» à la bestialité maîtrisée. omniprésente. Un condensé de ce que le groupe a de plus violent en lui et qui exsude sur des compositions de la trempe d’un «To carry the flame» brutal au groove rock vaporisé par un tsunami post-sludge-doom-hardcore thermonucléaire («The forking path»). On pense avoir tout vu, tout entendu, tout subi. et c’est alors qu’Old Man Gloom décide de laisser l’auditeur, pourtant exsangue, mariner dans un bain d’acide bruitiste se reposant aux confins du drone/ambient, avant de lui faire subir une véritable séance de trépanation auditive avec «Shadowed hands». Le coup de bluff ultime et le pire, c’est qu’il remet ça quelques instants plus tard avec «Rats». Carnassier, OMG dévore alors goulument la platine et aliène son auditoire jusqu’à le perdre sur un «Crescent» crépusculaire mais subrepticement inquiétant, puis de tout lâcher sur un «Shuddering Earth» monstrueux de puissance déflagratrice. Rien à redire, cet Old Man Gloom-là porte en lui quelque chose de viscéral et définitif, sorte de solution ultime aux turpitudes d’un genre trop souvent galvaudé par les temps qui courent. Mais ça, c’était avant. avant que les grands mamamushis de la catégorie ne reviennent remettre les choses en place, histoire de redéfinir les règles jeu. Rien de moins. Rien que ça. Aurelio

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AORIA

The constant (version studio) des arrangements virevoltant délicieusement dans la stratosphère pour mieux instiller le trouble chez l’auditeur et le faire doucement succomber aux charmes de The constant.

Aoria, c’est l’histoire de 3 musiciens accomplis désireux de faire autre chose que ce qu’ils composent et interprètent d’ordinaire au sein de leurs formations respectives (soit A Swarm of the Sun et Kausal pour l’un, Katatonia et October Tide pour les deux autres). Des horizons métalliques souvent explorés et donc une volonté de rompre avec le quotidien pour proposer une musique rock alternatif organique flirtant néanmoins par instants avec les contours d’un post-metal euphorisant, happé par quelques crescendo éruptifs de (très) grande classe. Une énième merveille musicale venue du froid en somme. Six morceaux d’une beauté troublante faisant l’ascenseur émotionnel et qui, de l’inaugural «A slow moving storm» au vibrant «An overhelming calm» fait passer l’auditeur par tous les états. Entre une introduction puissamment évocatrice et un final en forme de mise à nu à fleur de peau, sans jamais aucune fausse pudeur mais plutôt une recherche de l’émotion pure, Aoria compose des mélodies tantôt fascinantes, tantôt plus déchirantes, toujours envoûtantes quoiqu’il fasse. Quoiqu’il touche, le trio le transforme en pépite. Notamment sur ce «The black heart» porté par une mélancolie feutrée à la Radiohead, un chant délicatement haut perché et

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Une constance justement dans l’élégance mélodique scintillante, des harmonies finement ciselées afin de brosser des panoramas musicaux aussi ténébreux qu’enfiévrés («Assassination») pour lesquels le trio développe des compositions raffinées, surplombées par une production signée par le groupe himself et d’un mixage + mastering derrière lesquels on retrouve la touche Magnus Lindberg (Cult of Luna, Khoma...). En clair, Aoria a clairement soigné son album et c’est aussi cette exigence de qualité absolue que l’on retrouve jusque dans le visuel et le packaging du produit fini qui fait aussi tout l’intérêt de The constant, un album qui en l’espace de quelques morceaux de haute volée, fait voyager l’auditeur à travers la beauté glacée de «The bleeder» ou «You really gave It all, didn’t You?». Et toujours ce même raffinement nacré éclaboussant chaque mesure, chaque nouvelle ligne sur la partition... En un mot comme en cent : sublime. Aurelio


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ASIDEFROMADAY Chasing shadows (Divison records)

lancé, une sorte de bulldozer post-rock/hardcore métallique crachant des torrents de lave en fusion («Death, ruins & corpses»), semant ainsi enfer et désolation sur son passage.

ASIDEFROMADAY, fine fleur de la bouillonnante scène bisontine et plus globalement post-metal / hardcore hexagonale, donne enfin une suite à son excellent et déjà bien massif Manufactured landscape. Comme son prédécesseur, c’est par le biais du sémillant Division Records, qui n’en finit plus d’enquiller les sorties de grande classe (Dirge, Kehlvin, Process of Guilt, Unfold rien que pour ces derniers mois) que l’entité franc-comtoise livre sa nouvelle hydre créature musicale. Un disque de postmetal/hardcore/rock/sludge/progressif à l’incandescence sauvage, à la densité plus que palpable et surtout d’une puissance émotionnelle suffocante. Post-metal, post-hardcore, un peu aérien, souvent tellurique, «Process of static movement» lance les hostilités et kärcherise d’entrée de jeu les enceintes. Hurlements ravageurs, textures instrumentales lorgnant vers un (post)rock que viennent dynamiter des plans hardcore et des développements plus riches que la normale de par leurs structures évolutives, ASIDEFROMADAY refuse de se cloisonner à une seule et unique approche de composition. Le groupe décide de ne pas donner une simple suite au pourtant très recommandable Manufactured landscape pour «avancer» créativement parlant. D’une densité hors-norme, Chasing ghosts est ainsi, une fois

Lourd, magmatique, faisant vibrer le sismographe intérieur de l’auditeur afin de l’ensevelir sous des kilotonnes de riffs charbonneux («Through the eye of the beholder»), le groupe distille sa rage brute, l’agrémentant de quelques effets de styles bien sentis histoire de la rendre en plus virulente, acerbe, et d’imprimer de fait une dynamique particulièrement soutenue, afin de rendre l’ensemble tout aussi inaltérable que charnu («Black sun»). ASIDEFROMADAY sonne paradoxalement très rock, cela peut sembler curieux mais en fait pas tant que ça, parce qu’on parle d’un rock massif à la lourdeur postmétallique incommensurable dont à la puissance déflagratrice titanesque évoque tour à tour Breach, Neurosis ou Old Man Gloom. Surtout lorsqu’il s’agit de tout lâcher sur un «Endless prophecy» dévastateur et quasi apocalyptique pour préparer le terrain puis laisser la place à un cathartique épilogue éponyme évoquant quant à lui ce que sera une hybridation des genres mélangeants Botch, Russian Circles et Zozobra. Classe. Et quand le silence revient, enveloppant les ruines encore fumantes d’un champ de bataille ayant servi de théâtre à un affrontement de décibels déchainant les éléments, on ne peut se dire qu’une seule chose : à savoir que comme à son habitude, ASIDEFROMADAY a frappé très fort. En-core. Aurelio

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LES DISQUES DU MOIS

COLLAPSE UNDER THE EMPIRE Fragement of a prayer (Final tune) schéma post-rock traditionnel (les très réussis «In the cold» et «18 Seconds»).

Il se sera écoulé moins d’un an entre la sortie du très classe Shoulder & giants et ce Fragments of a prayer, disons le tout de suite, à la beauté ineffable. Un nouvel opus signé Collapse Under the Empire, le duo ambient/ post-rock allemand qui soutient aisément la comparaison avec ses glorieux contemporains britanniques de Mogwai, islandais de Sigur Ros, américains d’Explosions in the Sky ou japonais de Mono et une petite merveille du genre. La marque des plus grands donc, une fois de plus confirmée par ce que recèle ce recueil de dix titres classieuse et élégants, portés par une écriture très fine et une intensité émotionnelle rare. L’éponyme «Fragments of a prayer» ouvre majestueusement le bal et «Breaking the light» lui emboite le pas de danse jusqu’à l’emporter dans un étourdissant tango post-rock délicatement enveloppé de mélodies instrumentales scintillantes. La formule est implacablement maîtrisée, voire plus encore, mais le duo sait pertinemment que l’appliquer de manière systématique, peu importe son talent, reviendrait à verser dans la redite. Et ça, les Collapse Under the Empire n’en veulent pas, alors ils varient les mouvements en insistant sur la dynamique rythmique pour densifier un peu plus des compositions qui gagnent alors en ampleur, en corps et de fait, en attractivité alors que le binôme sort peu à peu du

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Particulièrement cinégénique, la musique des allemands et les dix morceaux composant Fragments of a prayer résonnent comme autant de bandes-sons idéales de métrages n’existant pas (encore) et c’est après ces quatre premiers titres déjà euphorisants que Collapse Under the Empire lâche un «Closer» parfaitement éblouissant du début à la fin. Se libérant cette fois complètement d’un carcan post-rock définitivement trop étroit pour lui, le duo sublime son écriture, qui entre orchestrations du plus bel effet, confusions électroniques recherchées, progressions épiques («Distance», «The beyond»), un sens aigu de la dramaturgie musicale et de la mise en scène musicale («Opening sky», «When the day fades away»), fait de ce nouvel album un bijou (magnifique «The great silence») du genre confirmant par la même occasion que Collapse Under the Empire n’a pas tout d’un grand, il l’est déjà. Aurelio



LES DISQUES DU MOIS

ABRAHAM

The serpent, the prophet & the whore(Pelagic records) en même temps mystique. Le tout en usant à loisir d’un cocktail sonore particulièrement robuste et bien détonnant que l’on qualifiera de post-hardcore speedé, mâtiné de relents grind/punk bien charnus (en témoigne le salement violent et néanmoins épileptique «Start with a heartbeat»). En matière de hard qui déracine un chêne centenaire, les suisses savent y faire et le prouvent («Man the serpent» trempé dans un noisecore acide) avant de partir en vrille sur un «The great dismemberment» dément de par sa folie décharnée comme sa frénésie rythmique acharnée.

On va calmer tout de suite les excités du détonateur ayant raté deux/trois visites chez leur barbier syndicaliste préféré (donc comme chacun sait gréviste invétéré), ce n’est pas parce qu’il est fait mention d’un prophète et d’une prostituée dans le titre et dans le contenu du deuxième album d’Abraham (putain on avait oublié le nom du groupe en plus) que cela doit embraser les deux tiers d’une région du monde. En plus, il n’y a pas dessin d’illustration faisant polémique. Non mais on dit ça parce qu’en plus, les suisses n’y sont pour rien. Ils cherchaient un titre et un concept pour leur album, flânaient sur un marché ou une brocante quelconque et sont tombés un peu par hasard sur un bouquin d’un certain J.G Rawls leur inspirant ce The serpent, the prophet and the whore. Oui le titre on sait. Le papelard en question a pour titre The chronoception (tu ne sais pas ce que c’est ? tant mieux nous non plus à vrai dire) et parle d’un type sans nom tombé un beau jour du ciel pour se retrouver à devoir ramper à travers les plus bas recoins et tréfonds inhospitaliers de ce monde. S’il n’est pas à proprement parler une réelle adaptation musicale du roman, l’album en est une sorte de métaphore, lui offrant d’explorer ainsi l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus sombre, violent, désespéré et

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Si l’on parlait plus haut de l’hyper-susceptibilité de certains dès que l’on aborde la thématique d’un prophète, Abraham met les pieds et les cojones dans le plat sur des titres comme «New king, dark prophet» ou «This is not a dead man, yet» pour lesquels il tranche franchement dans le lard avant de jouer la carte de la lapidation rythmique de premier choix et de balancer les restes aux cochons (oui on a osé.) sur le très cru et sanguinaire «Carcasses». On arrête là les analogies douteuses avant de se prendre une Fatwa sur la tête et on repart s’offrir une petite descente aux enfers, le regard brouillé par des vapeurs d’acide et l’atmosphère littéralement asphyxiante d’un «The chymical fiancé» vicieux et erratique, mais étrangement hypnotisant avec son climax final à la férocité barbare équarrissant les tympans au cran d’arrêt. Un ultime assaut ? Le groupe prépare le terrain avant de se lâcher une dernière fois avec «Dawn»... et ainsi faire définitivement succomber l’auditeur aux charmes vénéneux d’un disque redoutable, au titre génialement polémique par les temps qui courent. Abraham est grand. Aurelio


LES DISQUES DU MOIS

FOREST POOKY

Every key hole has an eye to be seen through (Production 386) configurations différentes (salle, bar, salon, mariage), avec toujours une rafale dans la gueule à chaque fois que l’homme pousse son organe précieux.

Il y a parfois des artistes qui font vibrer. Non pas parce que le son est trop fort et que ça fait trembler la table basse dans le salon. Non, je ne parle pas d’eux. Je te parle des vibrations du cœur, qui te mettent le cerveau sans dessus dessous, qui te font frissonner. Des gars avec qui il se passe un truc, là, tout de suite. J’ai écouté beaucoup de choses dans ma vie, j’ai vu des concerts par dizaines (centaines), mais la magie de la musique fait que j’arrive encore à m’émouvoir pour ces types qui vivent leur truc à fond et qui transmettent ce truc inexplicable.

Alors voilà, Every key hole has an eye to be seen through, qui succède à un premier 3 titres précurseur de qualité, est un premier album autoproduit et réalisé grâce à une souscription ayant permis à Forest Pooky de réaliser ce petit bijou de folk pop. Je ne vais pas vous faire le détail de chaque titre, aucun intérêt, que dire de plus que les morceaux sont tout simplement beaux. Tristres, gais, courts, longs, rythmés, posés, mais toujours, oui, toujours beaux. Quelques batteries bien senties et des percussions accompagnent parfois les guitares pour donner quelques couleurs, mais l’essentiel est là : des mélodies à tout bout de « chant », des guitares touchantes, on mélange le tout délicatement et on obtient l’album parfait pour chaque occasion de la vie. L’homme sera en tournée dans toute la France cet automne, checkez les dates sur son site : le barbu ne sera jamais loin de chez vous. Et si vous le croisez, dites lui que « Soul Dealer » me file la larme à l’œil. Il se foutra peut être de ma gueule, mais qu’importe, les ARTISTES me font vibrer je vous dis. Gui

Forest Pooky fait partie de ces ARTISTES avec des lettres majuscules. Connu pour les pérégrinations au sein des cultissimes The Pookies, des débiles Sons of Buddha, des maléfiques The Black Zombie Procession et des malicieux Annita Babyface and the Tasty Poneys, Gwenolé, quatrième d’une belle fratrie, développe depuis quelques années un set solo, piochant essentiellement dans des influences folk et punk outre atlantique. Une guitare, une voix. Un jeu de six cordes complètement décomplexé, sans prise de tête mais non sans intérêt, de jolies mélodies et des arpèges astucieuses entremêlées d’accords bien sentis. Mais il y a aussi cette voix. Impressionnante. J’ai eu l’occasion de voir l’individu dans des

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LES DISQUES DU MOIS

KLONE

The dreamer’s hideway (Klonosphere) over»). Car sous des devants plutôt dociles, la bête peut surgir et rugir, Yann passant d’un chant harmonieux à un autre plus hargneux avec une grande facilité (et toujours cette impression que Tool et Maynard James Keenan sont la principale référence du style). Variant les ambiances, étendant le spectre des sons, jouant sur les tons, les Poitevins nous tiennent en haleine tout au long de cette petite heure passée en leur compagnie, le seul petit couac, c’est ce «Stratum» qui divise l’opus en deux, c’est un interlude électronique qui n’apporte pas grand chose musicalement et qui fait trop retomber la pression, son seul avantage est de nous faire capter rapidement les premières notes de l’excellent «Walking on clouds» (seul titre qui dépasse les six minutes alors qu’on connaît l’amour de Klone pour les titres tentaculaires). Avec The dreamer’s hideaway, c’est (pour le moment) une trilogie de haute volée que Klone achève après All seeing eye en 2008 et Black days en 2010. Les trois albums sont dans la même veine, dans les mêmes sons et les mêmes ambiances avec certainement un progrès entre les deux premiers et une impression de grande proximité entre les deux derniers, on en oublierait presque que déjà deux ans se sont écoulés depuis Black days ! Si tu as apprécié le précédent, tu ne refléchiras pas avant de te jeter sur The dreamer’s hideaway où l’on retrouve tout ce qui fait la force de Klone. L’une des principales, c’est celle du combo à nous emmener dans son univers jusqu’à être piégé au coeur du titre (tout en ayant l’audace de nous prévenir avec l’explicite «Siren’s song») ! Pour ce faire Klone utilise ses riffs et des petites notes qu’on suit irrésistiblement («Rocket smoke», «Rising»), un chant mélodieux envoûtant («Walking on clouds», «At the end of the bridge») ou même son arme absolue qu’est le saxophone («The dreamer’s hideaway»). Dans tous les cas, le résultat est le même, on est fait prisonnier au sein d’une composition qui de petite douceur a pu se transformer en monstre dévorant nos oreilles («The worst is

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A contrario d’un Icare moderne, plus ou moins mis en scène au travers de l’artwork, Klone se rapproche un peu plus des cieux mais ne se brûle pas les ailes restant toujours dans l’atmosphère pour éviter l’asphyxie. Oli


LES DISQUES DU MOIS

MESHUGGAH Koloss (Nuclear Blast)

en se réservant quelques moments de joyeux concassage ès riffs bien saignants, dopés par un groove absolument monstrueux («Marrow»).

A l’heure de choisir un nom pour leur septième album (en vingt-trois années de carrière), les suédois de Meshuggah ont opté pour l’évidence, du genre qui caractériserait le groupe en un seul mot. On dira que ça compense au moins un choix graphique pas franchement heureux question artwork. Mais en même temps, le groupe n’est pas spécialement réputé pour son look visuel mais plutôt pour autre chose. Que l’on ne décrit plus vraiment à l’heure qu’il est et que l’on prend plutôt directement dans les écoutilles. Du très gros son matérialisé par une production en béton armé et des compositions à la technicité de pointe. Limite révolutionnaire. Normal.

Lourds, puissants, sauvages («Behind the sun»), les Suédois dévorent goulument la platine CD avec un «The hurt that finds you first» castrateur et libèrent des torrents discontinus de riffs véritablement déments. Un déluge de mitraille et de décibels consciencieusement pulvérisés dans les enceintes, les vikings ont encore faim et lâchent alors «Break those bones whose sinews gave it motion» dans les conduits : un modèle de virtuosité technique et de puissance déflagratrice dans la plus pure tradition de ce que les natifs d’Umeå, leur ville natale, savent propulser dans les enceintes depuis plus de deux décennies («Swarm», «Demiurge»). Tout en hargne brute et maîtrise asphyxiante histoire de faire de ce Koloss là une machine de guerre sans concession ni demi-mesure qui trouve son épilogue tout en douceur avec «The last vigil». Les dieux sont de retour. Kolossal. Aurelio

On ne va pas se cacher, rayon prod’, ce Koloss est absolument titanesque. Et là encore, le mot est faible. Les titres s’enchaînent sans coup férir, le groupe soumet l’auditeur à un feu nourri et d’»I am Colossus» à «Do not look down» en passant par «The demon’s name is surveillance», l’entreprise de démolition suédoise fait de jolis dégâts dans la tuyauterie. Techniquement implacable, irréprochable d’un strict point de vue créatif, Meshuggah est plus en forme que jamais, quasiment au sommet de son art et conçoit des compos maîtrisant toujours aussi brillamment l’art de la polyrythmie tout

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CONCOURS

THE PRESTIGE

Si tu veux frimer en société avec un truc un peu classe, The Prestige est pour toi. Si tu veux envoyer aussi du bois avec du bon gros hardcore/rock aux effluves punk qui déboisent,The Prestige est pour toi. Si tu veux du gros son qui tamponne mais une ballade bien foutue au milieu, alors The Prestige est aussi pour toi. Et comme en plus on te propose de gagner un exemplaire de l'album, n'hésite pas et jette toi dans la gueule du loup pour rafler ta copie du Black mouths par The Prestige. Souviens-toi... The Prestige, c'est bon, c'est rentré ? >> click moi là dessus bien fort <<

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IL Y A 10 ANS

NOSTROMO Ecce lex (Overcome records)

Il y a 10 ans, les compils estampillées néo-métal déboulaient en masse (Nu Ko, French Core 2, Boukan 2…) et signifiaient quelque part la fin de ce mouvement déjà « trop récupéré ». Il y a 10 ans, un jeune groupe sortait un premier EP pris très au sérieux dans nos colonnes, la suite des aventures d’Exsonvaldes après Someday if I want to, tu la connais certainement. Il y a 10 ans, Pearl Jam sortait Riot act dans la quasi indifférence, et même s’il est bon, cet album ne laissera pas beaucoup de traces… Il y a 10 ans, le super groupe Audioslave rythmait notre automne à coups de gros riffs. Il y a 10 ans, un groupe suisse s’apprêtait à entrer dans la légende : Nostromo. Avant de nous livrer un Ecce lex somptueux, le combo avait déjà calmé pas mal de monde en 98 avec Argue (sorti chez Snuff Records, la maison de Knut et Fragment pour ne citer qu’eux) puis avait remis ça en 2000 avec Eyesore (sorti via Mosh Bart et distribué par l’emblématique et regretté Overcome Records). En 2002, le groupe sort l’artillerie encore plus lourde en faisant confiance à Miesko de Nasum pour enregistrer son album en Suède. Retour sur cette claque qu’il fait toujours un bien fou de se prendre.

Ecce lex, littéralement «Voici la loi», en l’occurence c’est celle de Nostromo et je ne pense pas que nombreux seront ceux à tenter de s’y opposer (même durant 16 secondes). Les douze titres de l’album sont une démonstration de ce que peut être un très bon album de métal qui arrache tout sur son passage. Le son (limite larsen) monte doucement, une gratte lâche des riffs sourds et la machine est lancée, «Rude awakening», le réveil n’est pas si dure, techniciens hors pair, les Suisses balancent tout ce qu’ils ont dans le ventre, la voix est un peu en retrait mais ne prend pas trop le temps de souffler, toujours écorchée vive, elle assaille autant que les rythmiques de feu et les fringuants accords flinguants. Nostromo sait alourdir et densifier l’atmosphère mais se laisse également emporté par des envolées qui tourbillonnent autour de nos oreilles telles celles de «Stillborn prophet» ou de l’incroyable «Sunset Motel». Si Nostromo est aussi intéressant dans sa brutalité c’est que le groupe sait aussi écrire des mélodies, mais si lors de ces envolées dont on vient de parler elles se cachent plus ou moins derrière une cascade de riffs enragés, elles apparaissent au grand jour, sans honte, lors d’autres titres comme l’instrumental acoustique «End’s Eve» et l’intro du superbe «Turned black». Nostromo ne fait cependant toujours pas dans la pop mielleuse et les Napalm Death restent un de leurs groupes fétiches, «Pull the pin» et d’autres titres sont là pour le rappeler à ceux qui auraient pu oublier ! Ecce lex se termine par une nouvelle reprise, après Napalm Death sur Eyesore, c’est Blockheads et son «Unwillingly and slow» qui est Nostromisé. Le disque s’achève dans une nouvelle montée de son fracassante et c’est terminé, le calme plat. Le silence ne m’a jamais semblé aussi pesant qu’après l’écoute de cet album. Un peu moins de deux ans plus tard, une autre bombe explosera : Hysteron-Proteron, une surprenante bombe ... acoustique qui mettra à genoux les amateurs de technique et de compositions travaillées. Ce sera le dernier fait d’armes du groupe qui les rendra en mai 2005. Oli

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EN BREF NOSWAD

LOGGERHEADS

GATHERER

From dust till dawn

Homemade

(Autoproduction)

(Autoproduction)

So be it (Red tape records)

Découverts par Rémiii en 2004 avec leur premier maxi, les NoSwad hésitaient alors entre un métal lorgnant vers Aqme et un autre plus rock tourné vers Stereotypical Working Class. Presque 10 ans, un album et un EP plus tard, le groupe a changé de line-up mais également de style, lâchant progressivement ses premiers émois néo pour se tourner (tels les Doggystyle/Headcharger) vers un stoner burné qui fleure bon le désert de la frontière mexicaine. Moins frappadingue que l’ambiance qui règne au Titty Twister, ce nouvel album sait mesurer les rythmes pour se la jouer cool (et émouvant sur «Suspended in time») ou les accélérer pour foutre (des) la pêche(s) (le dépoussiérant «Surprise me»). A la variété des rythmes s’ajoutent des riffs serpentants et un chant qui fédère par ses mélodies accrocheuses qui parfois en font peut-être un peu trop («Stick to the ground» finissant par être lassant). Avec l’arrivée de son chanteur Vincent chez AqMe, NoSwad est un peu plus entré dans lumière, avec cet album nocturne, ils ont de quoi y rester quelques temps.

Originaires de Colombiès, les quatre Loggerheads sévissent sur la planète punk rock depuis dix piges et sortent cet année un EP 4 titres au nom bien choisi de Homemadeet à l’artwork soignée. Réalisé à la maison et autoproduit de A à Z, ce disque me laisse un sentiment que je pourrais qualifier de mitigé. Mitigé car le disque regorge de bonnes idées, même si l’influence un peu trop marqué des illustres UMFM, Burning Heads ou Pennywise est quasi omniprésente. Il n’empêche que les riffs sont intéressants, l’ensemble tient la route même si je ne suis pas fan du chant (mais dans ce genre de punk rock mélodique, ça passe ou ça casse). Jusque là, tout va bien. Mais le groupe est pénalisé par une production trop faible (ce timbre de caisse claire les gars !), des sons de guitares pas forcément judicieux, et j’ai la désagréable impression que parfois, les breaks sont un peu bancals. Vraiment dommage, car abstraction faite du son et de certains passages, l’ensemble n’est pas inintéressant, loin de là. Avec une prod plus fournie, je suis convaincu que le prochain effort sera pleinement concluant.

Oli

Cave In, Glassjaw, Klaxons et NIN sont cités lorsqu’il s’agit d’évoquer le cas Gatherer, ce groupe de rock alternatif originaire de Nouvelle-Zélande et qui a le très grand intérêt de proposer une mixture de qualité à l’originalité réelle, conséquence directe d’influences avouées (voir plus haut) et effectivement avérées. Dépositaire d’un rock organique multi-facettes, le groupe distille des compositions changeantes et insaisissables s’offrant ainsi un grand huit stylistique doublé d’une véritable tornade émotionnelle faisant passer l’auditeur par tous les états. Entre rock indé, pop chorale et metal alternatif à la densité palpable, les néo-zélandais font preuve d’une réelle maturité d’écriture et d’un savoir-faire éprouvé. Pour un premier album et une fournée de pépites parmi lesquelles on ressortira du lot les «Building house», «Thrives», «Regular frontier» et autres «Sinister», les kiwis de chez Gatherer délivrent une constellation de titres oscillant entre intensité viscérale, mélodies hantées, complexité rythmique, souffle électronique et orchestrations rock, pour un résultat électrique d’une fougue créative pour le moins flagrante.

Gui Aurelio

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EN BREF

CADILLAC

STINKING LIZAVETA

PILOT TO GUNNER

Cold sweat (Metal district)

7th dimension

Guilty guilty

(Exile on mainstream)

(Artic rodeo recordings)

S’il y a un bien un membre de l’équipe qui n’est pas spécialiste de ce genre de groupe, c’est bien moi. Il n’empêche que Cold Sweat, premier album de Cadillac sorti il y a quelques mois, m’en a mis une bien belle dans la gueule ! Dans un esprit proche de BBÄ, Biohazard et Sick Of It All entre autres, le metal hardcore saupoudré de rock ‘n’ roll de Cadillac est tout simplement imparable. Rien n’est laissé au hasard, chaque coup porté a pour but de faire mal. Je dois être masochiste car ça fait vraiment du bien de prendre des uppercuts francs et directs ! Basse éprouvante, guitares lourdes et incisives, batterie carnassière et voix à la limite de la rupture, les compos sont d’une rare intelligence et sont servies par une production démoniaque. Le groupe amène l’auditeur vers des contrées sulfureuses sans jamais perdre le cap et en maintenant une pression constante. Jamais le quintet ne lâche l’affaire, et l’ensemble est d’une qualité indéniable. Cadillac n’a pas fait les choses à moitié pour un 1er album, de l’artwork au mix, et même si la cover de Turbonegroa peut faire discuter dans les chaumières, je valide ce disque à 666 % .

Après un disque (le précédent) carrément excellent, le groupe le moins sexy de la terre avec le nom le moins sexy de la terre (bis) revient avec une pochette profondément dégueulasse. Bon en même temps, ils ont le mérite de rester cohérent dans l’attitude. Dès le premier titre, on retrouve un feeling profondément 70’s classic rock/blues que ce soit dans attaques et dans la guitare qui se la joue bavarde. Reste qu’au bout de quelques titres, cette propension à s’étaler dans le rock dégoulinant et branleur de manches est vraiment usante. J’adhère moyen. Donc c’est surtout à conseiller si tu arrives encore à écouter Made in Japan de Deep Purple en entier (et là tu es courageux). Pour du gras efficace (et pas cher), penche-toi plutôt sur Karma To Burn et son excellent Wild wonderful purgatory injustement affublé d’un avis mitigé par mon collègue (The) AureliO.

Troisième album en quatorze ans pour ce groupe new-yorkais méconnu de ce côté-ci de l’Atlantique, Guilty guilty est une collection de 12 chansons indie-rock/post-punk aux mélodies toniques («L.A», «High command», «We die today»), lignes de guitares sobrement fuselées et arrangements élégants («If we make it back east», «Estate that’s real»), le tout surplombé de quelques poussées de fièvre électrique («Execution stylist») et d’une grappe de singles en puissance (le très bon «All the lights», le plus subtil «Cardiac event planner»), histoire de faire ça classe. Encore un joli coup signé Arctic Rodeo Recordings, le plus américain des labels européens, qui après Far, Matt Pryor, Retisonic ou les projets de Walter Schreifels, confirme ses jolies prédispositions dès lorsqu’il s’agit de ramener à la surface des groupes un peu oubliés par un milieu musical qui ne succombe plus qu’aux modes éphémères. Pilot to Gunner est de ceux-là, sans l’ombre d’un doute.

David

David

Gui

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EN BREF INMATE

GOOD MORNING BLEEDING CITY

MASTERVOICE

Free at last (GravitOn)

Complete omnivore (En veux tu? En v’là!)

Instrument/transition (Kicking records)

Heureusement qu’on ne se fie pas aux pochettes pour écouter les disques car Inmate n’aurait eu aucune chance... Sauf de remporter le trophée du pire artwork de l’année (et encore « art » est de trop tant les fautes de goût sont criantes). Passer à côté de ces slovènes aurait été dommageable car cet album mixe différents éléments métalliques avec pas mal de réussite. Un solo heavy par ici, un riff gras et lourd par-là, un chant clair et mélodieux céans, une voix gutturale làbas, le groupe varie les plaisirs et envoie la sauce tout au long de la douzaine de titres qu’il nous sert. Et comme les diverses influences sont bien amalgamées, l’ensemble s’écoute avec facilité (parfois un peu trop jugeront certains) et file la banane. Pas de révolution à l’horizon mais une autre preuve (avec LastDayHere dont le chanteur fait une apparition sur un morceau) de la vitalité de la scène adriatique signée GratvitOn (jeune label sans frontière).

G.M.B.C aka Good Morning Bleeding City est une entité post-mathcore parisienne active depuis pas mal d’années maintenant mais restée un peu trop confidentielle jusqu’à ce jour, la faute à une comm’ sans doute un peu «light» alors que le groupe méritait assurément un autre sort. En tous cas, avec Complete omnivore, cela va changer. Hardcore math-punk-core si l’on mélange joyeusement les étiquettes avant de les coller dans le dos du groupe à la va-vite, sa musique est de celles que l’on écoute lorsque l’on cherche un exutoire salvateur. Une sorte de cri primal expulsant les tourments du quotidien, les fantômes du passé et les angoisses du futur pour se libérer de poids définitivement étouffants. Dans ce registre, G.M.B.C délivre ici un cocktail particulièrement concis et hargneux de ce qu’il sait faire, la fièvre au corps, la rage dans la peau et les riffs aux aguets. Hard mais jouissif.

Après Avalanche, un premier album où on demandait à Mastervoice, duo basse/batterie/voix de son état, de faire preuve d’un peu plus d’identité, le groupe revient avec un EP, par le biais de deux labels hexagonaux de grande qualité, qui fleure bon le désir d’évoluer... Avec un titre comme Instrument - transition et une pochette ou un cube en 3D se dessine progressivement, on ne voit pas ce que le groupe peut sous-entendre d’autres... Et finalement, l’évolution est sensible mais reste tout de même très appréciable : le groupe semble élargir son spectre en durcissant le ton mais aussi en explorant des trajectoires nettement plus pop. «Instrument», le titre de la 5e piste, est d’ailleurs une des petits réussites de cet album : Mastervoice joue avec la tension et ses nouvelles palettes pour finalement exploser en un joli crescendo ou le batteur malmène ses baguettes avec brio. Instrument - transition se révèle être donc une bonne (re)prise de contact. D’autant plus que le groupe a toujours son p’tit quelque chose pour écrire de chouettes morceaux. Toujours très plaisant.

Aurelio

Oli David

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EN BREF

TREPALIUM

WODOSN/THE EARLY GRAVE

DRIVE WITH A DEAD GIRL

H.N.P (Klonosphere)

Split 7’’ (Indessence records)

Hotel California’s (Autoproduction)

Formation phare (du moins en théorie) de la scène death hexagonale, Trepalium avait jusqu’alors toujours (à tort ?) échappé à une chronique dans nos pages. Mais comme il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, c’est à l’heure de son 4e album que le groupe vient tambouriner un peu plus fort à la fenêtre, imposant de fait un décryptage de son dernier-né, H.N.P. Un disque de metal technique pur qui s’évite les poncifs du bourrinage alpha/beta/gamma intempestif pour se trouver un propos cohérent et plutôt bien ficelé. Pilier du collectif/label Klonosphere (Klone, Jenx, MoDM..), le groupe livre ici un condensé de death groovy, puissant et parfaitement cohérent («Let the clown rise»). Des morceaux d’une belle efficacité (auxquels on adjoint une très solide reprise de Pantera («I’m broken»)), au final, ça s’écoute sans déplaisir, ça reste propre, net et sans bavure, quoiqu’un peu fade tout de même sur la durée.

Cool, un split 7’’. En plus d’aimer ce format, quand le skeud réunit deux groupes de qualité, que demande le peuple ? Pour ce coup là, ça sera west coast vs east moutain, Rouen la chaude contre Epinal la sublime. A ma gauche, Woodson, power trio influencé par le punk des années 90 et la valeureuse scène française (Seven Hate, Second Rate) qui ne fait pas dans la demi mesure. Les mélodies sont au rendez-vous des deux titres proposés. La hargne mélangée à la mélancolie des guitares et un chant prenant font mouche à tous les coups, une bien belle découverte pour le passionné de power pop-punk que je suis. Le temps de retourner la belle galette bleue que je retrouve mes marques avec les excellents The Early Grave. Quel plaisir de retrouver le quatuor pour deux nouveaux titres («Footprints», un morceau high energy avec tout ce qu’il faut pour craquer et «Burden» un deuxième titre plus posé, plus mélodique mais non dénué d’intérêt, loin de là). Premier enregistrement pour le nouveau lineup, ça bourre, aucune faute de goût, je me répète peut être, mais il va falloir compter avec ces gaziers. 300 skeuds dispo dans toutes les bonnes distros.

Sixième effort pour le groupe lillois Drive With A Dead Girl, après une jolie incartade pour Jean et Alexia avec Drown A Fish. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le groupe continue d’exploiter le terreau de Fives, leur méfait précédent, une noise aride influencée par Sonic Youth et la scène sadcore (Chokebore, Low, Codeine). On retrouve quasiment les mêmes ingrédients : des mélodies cryogénisées, un chant cristallin en mode «suicide toi avec tes lacets de converse», des stridences latentes et une dynamique qui s’emballe rarement. Mais vraiment rarement malgré quelques coups de sangs comme sur «Dodoma» et «Animals», la troisième et quatrième piste. Reste qu’on se prend, encore une fois, rapidement à leur petit jeu et que les compositions s’enfilent comme des perles. Mention spécial pour «Hay», un petit bijou.

Aurelio

David

Gui

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EN BREF BERRI TXARRAK

UN DOLOR

BÄRLIN

Haria (GravitOn)

Banco

Bärlin

(Kicking records)

(Autoproduction)

C’est le septième album du combo basque et toujours fier de l’être qui évolue en trio depuis maintenant quelques années et a encore connu un changement de line-up (un nouveau batteur). Et s’ils ont fait confiance à deux pointures de la production métal (Ross Robinson et Alan Douches !), ce nouvel album est assez enjoué, serait-ce la faute à l’idiome ? Ou alors c’est parce que ça envoie une rythmique punk («Guda»), de la petite mélodie bien sentie (un peu partout !), du riff bien rock’n’roll («Harra») et qu’au final, le côté métal passe soit surtout dans certains sons soit complètement à la trappe («Lehortzen»). Et même si on sent un groupe engagé et pas forcément ultra optimiste dans ses textes (leur nom signifie «Mauvaises nouvelles»), ils arrivent à nous donner le sourire et à nous filer la patate grâce à leur sens du rythme et à leurs sonorités chantantes. Avec Haria, Berri Txarrak devrait donc continuer de s’ouvrir des portes.

Il m’arrive parfois d’être long à la détente. Si bien que la prod’ que je vous présente aujourd’hui dorm ait malheureusement sur mon énorme pile de disques à chroniquer. Mais mieux vaut tard que jamais pour vous présenter le quatre titres des Poitevins de Un Dolor. Le quatuor de 20 ans d’âge présente chez nos amis de Kicking Records un EP pas piqué des hannetons. Quatre titres de pur rock ‘n’ roll. Vous connaissez la formule gagnante n’est-ce pas ? Basse omniprésente, batterie bien en place, guitares tranchantes et rageuses, le tout agrémenté de voices inquiétantes. Alchimie parfaite entre riffs accrocheurs et breacks imparables. Pas de tendresse ni de volupté, mais plutôt des ambiances tantôt lourdes et pesantes, tantôt rapides et fulgurantes. La noirceur est omniprésente à l’écoute de Banco, une noirceur qui n’altère en rien le plaisir d’écouter ce disque qui mixe une production impeccable et un esprit 80’s. Les gars d’Un Dolor en connaissent un rayon, pas de faute de goût dans cet EP de bonne qualité. Juste un défaut : 4 titres, c’est trop court quand c’est trop bon.

Bärlin est un trio lillois (Clément, Laurent, Simon + Jonanathan en guest) qui traine ses guêtres depuis un paquet de temps dans la scène nordiste et cela se ressent dans cet album qui inspire une longue gestation et une digestion des influences sur le long terme. Ce groupe est suffisamment vieux pour avoir un myspace, c’est dire le boulot qu’il y a derrière. Dès le premier titre, on pense à Morphine (comme un de leurs titres d’ailleurs...) via une atmosphère jazzy feutrée, une voix caressante imprégnée émotionnellement et s’il faut les relier à un groupe hexagonal, les Trunks semble assez proche dans l’esprit et les colorations métissées. Les titres suivants confirmeront le bien que l’on pense d’eux, les arrangements soignés et la qualité du songwriting y sont pour beaucoup. Il y a encore quelques menues imperfections mais c’est un album carrément marquant que l’on a là. A conseiller aux fans de The Cinematic Orchestra, Morphine et consorts. Des groupes avec une identité de fer sous un costard de velours en somme.

Oli

Gui 44

Cactus


EN BREF

MAX & LAURA BRAUN

AMERICAN DOG

ZDRI

Telltale

Poison smile

ZDRI

(Arctic Rodeo Recordings)

(Bad reputation)

(Autoproduction)

Telltale par le duo allemand Max & Laura Braun, dont c’est ici le premier album, est un recueil de folk-songs aux délicates mélopées pop et atmosphères country évoquant les traditions musicales de l’Amérique lointaine. Pas étonnant donc de voir la première création de ces deux frères et sœurs voir le jour par le biais du plus américain des labels européens, Arctic Rodeo Recordings (Kevin Devine, Matt Pryor, Walter Schreifels). Plus surprenante par contre est la découverte de l’intégralité de son contenu, à la fois classieux et élégant, certes pas toujours aussi inspiré qu’on le voudrait mais constamment d’un raffinement exquis. Des pépites délicieusement ciselées («Hat».), d’autres morceaux clairement en deçà de ce que le duo peut composer («The telegraphist», «Building my ship»), mais un équilibre rétabli avec ces petits moments de grâce que le duo sait mettre au monde, («The harbour»), Telltale se laisse déguster non sans un certain plaisir.

On ne pas tout connaître. Ça serait prétentieux et surtout extrêmement chiant. Alors oui, je le confesse, avant de recevoir un exemplaire promo de Poison Smile, je n’avais, si ma mémoire ne me joue pas des tours, jamais entendu parler de American Dog. Heavy rock ‘n’ roll burné à souhait, sorte de croisement bâtard entre un Motörhead et un Nashville Pussy, American Dog n’en est pas à son coup d’essai et même si le band n’a rien inventé, les 11 cartouches de ce Poison Smile tirées à bout portant font mouche à chaque fois. Beau tir groupé pour un disque qui s’écoutent sans réfléchir mais qui a le mérite de puiser sa force dans les valeurs fortes et incontournables du rock ‘n’ roll fier et crasseux : riffs efficaces et répétitifs, rythmique de plomb, voix rugueuse, tubes en puissance, solis rageurs et bonne humeur générale. C’est solide, bien en place, et sans faute de goût. Et quand le groupe pousse même le vice à reprendre un standard des Cramps pour clôturer l’album, que demander de plus ? Bah un nouveau disque pardi !

Digipak en carton recyclé, sérigraphie imitation vinyle : l’entrée dans l’univers de ZDRI est plutôt agréable, les premières notes sont quant à elles déconcertantes puisqu’elles nous envoient dans les années 60 à coup de boogie. Ce n’est qu’un clin d’œil car le gros son du trio qui cherche un chanteur (ou une chanteuse) se met en place en gardant l’énergie du swing. Groovy, funky et même métallique, l’ambiance des trois compositions (forcément instrumentales) peut changer rapidement grâce à des transitions habiles et un joli travail sur les sonorités et les rythmes. Le groupe fourmille d’idées et comme il y a de la place, guitare, basse et batterie trouvent aisément leurs moments pour exprimer leur potentiel. Et si jamais personne ne venait prendre leur micro, les ZDRI pourront toujours faire une carrière à la Yawning Man ! Si tu te sens l’âme de prendre ce fameux micro et de rejoindre les trois gaillards, n’hésite surtout pas à les contacter via leur page FaceBook.

Aurelio Gui

Oli

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ON ÉTAIT PASSÉ À CÔTÉ

KARKWA Les chemins de verres (*)

ment due à l’intimité entretenue tout le long du disque. Comme une chute, on quitte petit à petit le lumineux pour s’engouffrer dans un bleu profond et éthéré. Si les marches folk («Le pryromane», «L’acouphène», «Les chemins de verre»), qui ne sont pas sans rappeler Arcade Fire ne vous séduisent pas, patientez et vous tomberez sur des titres ambiancés comme peut l’envisager Sigur Ros («Dors dans mon sang») et d’autres comme soufflés par une grâce similaire à celle de Get well Soon («28 jours»). Alors, c’est en paix avec moi même que je peux vous le dire : on est passé à coté d’un sacré truc. Anthony

Voila déjà deux ans qu’est sorti cet album de Karkwa, le 4ème et dernier en date. Deux ans de négligence où l’album a filé entre les doigts experts de bon nombre de chroniqueurs français. À tort ou a raison ? Le groupe a pourtant remporté en 2010, avec cet album, le célèbre Polaris Prize canadien, l’équivalent du Mercury Prize anglais. Alors même si ce genre de Palmarès ne me fera pas leur dégrafer le pantalon, leurs premières parties pour Arcade Fire leur attribue une belle bouteille et une place sûrement pas due au hasard. Alors oui, Karkwa est une formation (déjà vieille de 12 ans) francophone et ces dernières n’ont pas trop la côte sur nos terres, une sorte de culture française qui a tendance à «variétiser» tous ceux qui s’essaient à la composition avec la langue de Molière. Moi le premier, et si je suis honnête, je dois bien avouer que la première écoute n’a pas été fulgurante. J’avais un vague souvenir de leur prestation aux Eurockéennes qui ne m’avait pas convaincue, aussi, s’il avait fallu laisser cet album aux oubliettes je l’aurais fait sans peine. Seulement voilà, j’ai écouté et ré-écouté. Je me suis décomplexé, laissant de coté bon nombres de clichés idiot pour me pencher uniquement sur le fond, le contenu, le propos. Et cette production que je trouvais lisse, bien coiffée, française s’est petit à petit transformé en un compagnon de tous les jours. Proximité sûre-

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ON ÉTAIT PASSÉ À CÔTÉ

LAST MINUTE TO JAFFNA Volume 1 (ConSouling Sounds)

VI»), le quintet LMTJ démontre qu’il sait parfaitement tout faire, en témoigne les quelques passages plus apaisés et raffinés de ce second titré pré-cité. Un (court) interlude ambient fantômatique plus tard («Chapter VIII») et voici qu’après cette césure scindant l’album en deux, le groupe peut de nouveau s’offrir une nouvelle vingtaine de minutes de musique, réparties sur deux autres chapitres («Chapter V» et «Chapter XI»), au cours desquels Last Minute to Jaffna va laisser entrevoir d’autres facettes de sa musique. Une tendance à l’indie-rock racé mais sous tension pour le premier nommé (avant une nouvelle explosion de corrosion émotionnelle sur son final), une collusion inter-genres pour le cinquième et ultime titre de Volume I, comme la synthèse définitive de ce dont sont capables ces cinq italiens, à savoir beaucoup de belles choses en matière de hard mais pas que... Il y a parfois des sorties de disques un peu maudites dans le petit monde des musiques hard & indé. De celles dont, à cause de la crise systémique qui ravage l’industrie (mais également parfois le paysage indépendant), on n’entend parler un temps avant de les voir échapper mystérieusement par les «mauvaises» grâces d’une communication multi-labels rencontrant certaines limites, à savoir que c’est finalement quatre ans après la sortie dudit disque que le média reçoit l’objet, entretemps devenu un objet de désir quasi collector. Last Minute to Jaffna et son Volume I paru en 2008, en faisant suite à un EP ayant lui vu le jour en 2006 est de ceux-là. Alors même que le groupe turinois a depuis mis la touche finale à un deuxième album ainsi qu’à un EP acoustique, son premier opus long-format débarque, enfin serait-on tenté de dire, dans ces pages. On aura failli attendre.

Aurelio

Mais parce que la patience est la plus grande des prières, les piémontais en cinq actes que l’attente n’était pas veine et que l’art délicat du mélange des genres est quelque chose qu’ils maîtrisent comme peu de monde. D’un post-screamo/hardcore/rock aride mais ténébreux, voire sépulcral («Chapter X»), à un post-metal(core) plus dense parce que frondeur et survolté («Chapter

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ON ÉTAIT PASSÉ À CÔTÉ

HATORS

Hators (Headstrong Music) secret», lequel, à la manière d’un Queens of the Stone Age a tout compris à l’art de concilier rock dur et stonerpop fuselé(e) pour accoucher d’une véritable bombe du genre (et accessoirement d’un tube en puissance). Et comme, dans cette hybridation stylistique du rock protéiforme, les Hathors maîtrisent et excellent («Hula rock», «Delusion (Mobile terror»), on est rapidement verrouillé sur la bestiole sans pouvoir réellement la lâcher du regard.

Ayant connu les joies d’une distribution, dans un premier temps exclusivement suisse et donc un peu confidentielle malgré l’extrême richesse de la scène locale (ça reste un petit pays tout de même), le power-trio Hathors explose doucement mais sûrement sur le vieux continent jusqu’à atteindre les rivages de l’hexagone par le biais d’un deal passé avec l’écurie Headstrong Music, déjà largement remarquée dans nos pages avec ses prods’ récentes (Song of Neptune, Yverdoom, When Icarus Falls). Sorti au printemps 2011, le premier album des helvètes parvient finalement jusqu’au terrier du mag’ aux longues oreilles une grosse année plus tard pour déballer un excitant et hautement électrique cocktail de stoner-punk burné, mâtiné de grunge et de heavy-rock bien senti. 10 balles dans le chargeur et des titres qui viennent détonner dans les enceintes à la manière de cet «Hony shit» inaugural et survolté qui vient prendre d’assaut la platine histoire de marquer son terrain de la plus belle des manières. A coups de riffs de bûcherons, de mélodies rugueuses et de rythmiques percutantes, avant de jouer la carte d’un rock grunge moins rapide, plus old-school et classieux sur un «Pretty kill» qui a néanmoins un peu de mal à surnager à cause de ce qui l’a précédé. mais aussi de ce qui suit, à savoir «Keeping

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Et même lorsqu’il s’agit de livrer une ballade, en l’occurrence «Because it hurts», les suisses ne s’en sortent pas si mal, évitant l’écueil de la mièvrerie ordinaire tout en maîtrisant leur songwriting, sans toutefois casser quelques briques métaphoriques sur leur passage. Sans doute la faute, d’un talent trop évident lorsqu’il s’agit pour eux d’envoyer dans les conduits des titres éraillés et abrasifs («Walking on a thin line» par exemple) avec une mention spéciale à ce qui est peut-être LE meilleur morceau de ce disque : «Sega boy». Racé, frondeur et volubile, il fait oublier la déception du bien trop inoffensif «Plastic toy», cela dit déjà compensé par l’autre petite promenade de l’album qu’est l’élégante «Lonely road», laquelle dévoile également au passage un sens du raffinement qui n’avait été alors que vaguement entrevu jusqu’alors. En même temps, il fallait pour les Hathors justifier leur étiquette stoner-punk [vs] rock grunge que tout le monde s’empressera de leurs apposer à la simple écoute des premiers titres. Des bombes à fragmentation électriques, des morceaux plus calmes, un ou deux semi-ratés et un joli potentiel, la scène Rock helvétique s’est trouvé un nouveau client qu’il va falloir surveiller du coin de l’œil à l’avenir. Aurelio


ON ÉTAIT PASSÉ À CÔTÉ

MONKEY3

Beyond the black sky (Headstrong Music) peine voilées).

Dans un monde «parfait», Beyond the black sky serait parvenu de lui-même jusqu’à la tanière du W-Fenec, sans trop qu’on ait à en faire. Mais le petit monde du business de la musique étant ce qu’il est, avec les plaisirs aléatoires de la communication/promotion dites «professionnelle» qu’il implique, ce ne fut (évidemment.) pas le cas, ceci expliquant par conséquent que le troisième album des suisses ne soit chroniqué dans ces pages qu’un an et demi après sa sortie officielle chez Stickman Records/Season of Mist. La séance de rattrapage s’imposait donc d’elle-même.

On a souvent l’habitude de dire que le troisième album d’un groupe est celui de la maturité. Adage ou cliché ? Monkey3 s’en fout et répond par des compositions instrumentales, emmenant avec lui l’auditeur sur des hauteurs psychédéliques bien perchées (un assez court «Tuco the ugly»), pour par la suite le faire redescendre sur un terre et un sol bien rocailleux, l’accompagnant dans une traversée solaire du Grand Canyon avec «K.I» avec une virée sur un «Motorcycle broer» groovy, nappée de ce psychédélisme latent qui fait la marque de fabrique du stoner-rock des suisses. Entre old-school 70’s sous acide et rock post-moderne («Gate 57»), les Monkey3 poursuivent, avec Beyond the black sky, un peu plus leurs pérégrinations musicales en forme de voyages space rock interstellaires en territoires stoner («Through the desert») aussi puissants qu’envoûtants. Classe, évidemment. Aurelio

Et force est de constater que dès le «Camhell» inaugural, les suisses n’ont absolument rien perdu de ce qui faisait l’objet de fascination de leur psycho-stoner enfumé et atypique. Une transe hypnotique qui emmène l’auditeur naviguer entre 70’s et 90’s, au beau milieu de jams narcotiques entrecroisés avec un riffing stoner bien cadenassé, qui poursuit son cheminement intérieur sur un «One zero zero one» complètement habité par les dieux du (stoner) rock psychédélique. Foncièrement heavy mais également mélodique, Monkey3 évolue en (a)pesanteur, baladant sa nonchalance feinte mêlée de puissance avérée pour tisser une toile électrique piégeant magnifiquement l’auditeur au cœur de l’intense et sublime «Black maiden» (aux fausses influences à

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. V O 2 N 1 9 0 2 U D ER DÉC. ZAR AU 1 A H T AL

NB O ND V U O Y S O TR TH E N I K STU C AP H O N E SUÉ O J I L C GAR ANT ERO R E H Y É LÉ P P H E B U R G S R E D S K R L R O D O E! D I E! M A I DIE! D M BAR DOS DPZ R O KI D B ELEVATO N TUS K A KI KI NS I NE ERENVTI L’HAPAX T E F I LASOMONT PLAC S I NA I ES AD I N B

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LE NAUTILYS COMINES / LES ARCADES FACHES THUMESNIL / MAISON FOLIE MOULINS LILLE MAISON FOLIE WAZEMMES LILLE / MAISON FOLIE BEAULIEU LOMME LA CONDITION PUBLIQUE ROUBAIX / LA FERME D’EN HAUT VILLENEUVE D’ASCQ

WWW.TOURDECHAUFFE.FR 51


DANS L’OMBRE

ALEXIS SEVENIER The Arrs, Mass Hysteria, Dysfunctional by Choice Alexis Sevenier Ionatos était débrouillard, il était aussi lighteux, il est aujourd’hui manager alors qu’il est encore jeune. D’un naturel blagueur, il ne rate pas une occasion de balancer une private joke tout en gardant son sérieux. Découverte du lascar dans la lumière...

Quel est ton métier ? Manager d’artistes.

Quelle est ta formation ? J’ai créé ma structure pendant ma dernière année de lycée et à part cette envie d’évoluer dans le milieu musical je n’avais pas vraiment d’envies particulières. Les formations proposées ne correspondaient pas à mon idée, alors floue, de ce que je voulais faire, j’ai donc passé un entretien dans une grande école de commerce et heureusement pour moi la partie écrite était basée sur le téléchargement musical illégal. J’ai donc commencé à suivre des cours de marketing, j’ai appris à faire de belles présentations powerpoint etc... et 3 mois après le début de l’année scolaire je suis parti en plein milieu d’un cours dirigé par un vieux professeur qui avait bossé sur les barres chocolatées Mars je crois... Je suis alors parti en tournée en tant qu’ingé light. Je voulais avoir plus de temps pour Gandhi’s Revenge et surtout ne jamais rien avoir en commun avec les personnes que j’avais rencontré pendant ces 3 mois !

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Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ? A la base j’ai créé une structure qui devait assurer la promotion d’artistes par le biais de la vente de merchandising. En parallelle je partais en tournée pour apprendre le métier d’ingé lumière. Petit à petit la partie vente de merch a totalement disparue et Gandhi’s Revenge est devenu «label». Les guillemets sont importants car j’avais envie de produire et sortir des albums, en assurer la promotion etc... mais je travaillais seul sur cette structure. La première sortie c’était le premier album de Dysfunctional By Choice en 2007. Un album génial distribué par Season of Mist et Dirty8, nous avons réussi à avoir énormément de presse et une belle sortie européenne via Drakkar et Sony... A ce moment-là le manager de Dysby est parti et je suis devenu manager un peu malgré moi, même si j’accomplissais déjà pas mal de taches liées au management sur cette sortie. Je continuais à faire des lumières à cette époque, notamment pour The Arrs. Le groupe n’avait plus de manager et ils étaient en pleine sortie d’album. Du coup, sur une date, ils m’ont proposé le management du groupe et j’ai refusé car j’avais envie de rester à cette place de technicien avec eux. La sortie de leur album se rapprochait et il y avait apparemment pas mal de problèmes,


Ca rapporte ? Ca dépend des périodes mais vu la difficulté de certains groupes et artistes ou certaines structures ou personnes travaillant dans ce milieu je pense être un privilégié oui.

coeur pour cette musique au point d’avoir voulu en faire mon métier.

Ton coup de coeur musical du moment ? Death Grips - ExMilitary ! Et l’album de Lana Del Rey... J’ai un peu honte mais il est extrêmement bien produit et il n’y a que des tubes. Et sans grand risque je vais également mettre le prochain album de Neurosis que je n’ai pas encore écouté...

DANS L’OMBRE

Une anecdote sympa à nous raconter ? Il y en a tant. Grâce à mon métier j’ai pu rencontrer et parfois même travailler avec des artistes que je respecte énormément. J’ai pu voyager, rire et ça quasi tous les jours.

DANS L’OMBRE

ils m’ont alors encore proposé le poste, cette fois de manière assez officielle et solennelle et j’ai accepté. Je continuais toujours et encore les lumières, à cette époque je travaillais avec des groupes comme Cult of Luna, Dälek, The Arrs, The Ocean, Housebound, X-Vision et plus tard avec les Plastiscines, Anoraak, No One Is Innocent... J’avais de nombreuses fois croisé certains membres de Mass Hysteria, dans des bars, des soirées, et notamment Yann. Un soir dans un bar... encore une fois... on parlait de The Arrs avec Yann et il me lance, selon moi un peu sans réfléchir : «bon mec et quand est ce que tu t’occupes de nous ?». Sur le coup je ne l’ai pas pris sérieusement mais j’ai commencé à y penser. Quand je l’ai croisé quelques semaines plus tard nous sommes allés discuter et je lui ai fait part de mon envie de travailler le groupe et il m’a répondu quelque chose comme «Super on se voit avec les autres !». Nous nous sommes vus avec les Mass et la collaboration dure depuis bientôt 3 ans. Je suis ensuite tombé sur un artiste vraiment à part selon moi, Grems. Je suis tombé amoureux du projet, du mec, de la musique, c’est pour moi un OVNI en France. J’ai envoyé un E-mail à la seule adresse dispo et il m’a répondu le soir même. Nous nous sommes vus une semaine plus tard et avons commencé à travailler ensemble. Aujourd’hui le management me prend 100% de mon temps... Je continue à travailler avec Dysby, Mass Hysteria et Grems. Je continue à faire les lumières des groupes que j’aime mais je ne considère plus ce métier comme étant le mien.

Es-tu accro au web ? Oui. Un peu trop... J’ai deja posté des photos de bouffe sur Instagram par exemple. Il y a tellement à tirer d’internet.. Par contre on ne se rend pas compte à quel point on se fait bouffer. C’est un peu flippant. A part le rock, tu as d’autres passions ? J’aime la musique en général. J’ai une grande passion pour les photos de bouffe sur Instagram, à part ca pas grand chose. Tu t’imagines dans 15 ans ? Pas vraiment. J’espère juste ne pas finir dans un bureau de maison de disque à m’occuper d’artistes sans saveurs, à établir des stratégies de sortie en sachant très bien qu’ils n’existeront pas 3 ans plus tard.

Oli

Comment es-tu entré dans le monde du rock ? Un peu comme tout le monde je pense, je ne m’en souviens plus très bien. Des découvertes musicales, des rencontres, un coup de

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BONUX

TEST PSYCHO Quizz : j’ai du goût ou pas du tout ou je suis un petit coquin ? Réponds à ces questions et compte tes points !

A. Je décide de faire un don à un membre du W-Fenec (Oli), je lui envoie : 0 - Une sucette en plastique Super bus 0 - Une dédicace d’Evanescence 2 - La première édition CD d'Aenima de Tool B. Je dois convaincre un pote que hip-hop et rock, ça peut le faire : 0 - Je lui fais écouter "Face à la mer" de Calogero 2 - DJ Spooky vs Dave Lombardo 2 - Je lui prête un album de Dälek C. Hey, je me materais bien un petit DVD... : 0. Ce sera The Making of Meteora de Linkin Park 1. «Au plus profond de dedans toi» avec Katsuni 2. Ce sera «15.597_making noises» de Sleeppers

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D. J'ai trop hâte de courir acheter : 0. Le nouvel album de Muse 1. Du papier toilette 2. Le nouvel album de Neurosis E. Si j'écoute du rock velu ? 0. Bien sûr, j'ai toute la discographie de Bon Jovi 1. J’ai un Best-of d’Eros Ramazoti 2. J'ai tous les skeuds où apparaît Nasty Samy F. Un concert ce soir ? 0 - Trop frais il y a The Gossip. 0 - Lana Del Rey on en parle à la télévision 2 - Gronibar pour bien finir le WE G. Mon chanteur / ma chanteuse mort(e) préféré(e) ? 0 - Withney Houston 1 - Scott McKenzie 2 - Jeff Buckley

Si tu as un score de zéro, ce n'est pas en hommage aux Smashing Pumpkins (encore que...) mais parce qu'il faut que tu relises attentivement ce mag. Si tu as 2 points sur la question (C) et (D) humm...toi tu vas encore te faire vriller la coquillette ce soir petit coquin. Attention à ne pas te faire surprendre par tes parents ou ta femme. (ou ton patron si tu lis ce magazine au boulot). Si tu as un score supérieur à 20, bravo, tu nous fait honneur, mais c’est aussi que tu as coché plusieurs réponses. (humm...petit coquin).


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