HELLFEST THE PRODIGY STEVEN WILSON COAL CHAMBER BERRI TXARRAK HOBOKEN DIVISION MARS RED SKY THERAPY? BRAINSUCKER BENISTY
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COUV
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EDITO Encore un édito qui tourne autour de l’argent. Désolé. Mais ces derniers temps, on entend beaucoup de trucs et on est nous-mêmes confrontés à des situations qui n’existaient pas il y a 10 ans... Après les groupes qui payent pour avoir des interviews et des chroniques, les chroniqueurs qui exigent des digipaks, voilà quelques autres mésaventures cachées du monde du rock, mais d’un autre côté, celui de certains organisateurs de festival. Un monde qui va mal si on en croit les majors mais qu’on pensait à l’abri au vu de l’énergie dépensée par les indépendants alternatifs pour le faire vivre parce que le zicos de base vit avant tout pour sa musique avant de devoir vivre de sa musique. Bref, est revenu à nos longues oreilles une petite histoire qui témoigne des petits problèmes de 2015, certainement liés à cette crise du disque... Un petit festival local, sans aucune autre ambition que de faire jouer des groupes locaux et de monter une scène pour passer une voire deux agréables journées, voilà pour le décor. Les groupes du coin envoient leurs démos et y jouent bénévolement, c’est souvent le cas, quand tu veux te faire un nom, tu joues, même gratos, sur une belle affiche, c’est toujours sympa. Sauf que pour ce cas-là (on ne met pas de nom sur ce festival car ils sont plusieurs à faire la même chose à travers l’hexagone), le groupe ramène son matos, a le droit à son sandwich et sa bière et uniquement à trois invitations. Admettons que les mecs soient cinq (la formation quasi minimale avec basse, batterie, guitare, chant et le pote qui fait roadie/ingé son-lumières/chargé du merch), ça signifie que leurs copines peuvent tirer au sort pour savoir lesquelles devront payer l’entrée... ou plus certainement «ne pas venir boire des coups» parce qu’elles ne seront pas nombreuses à payer pour ce genre de concert «par principe». Bref, hey, toi l’organisateur rapiat, sache qu’une règle non écrite du monde du rock offre au moins une invit’ par tête de pipe ! Et bien souvent, c’est même «hey les gars, pas plus de 10 noms sur votre liste, hein...». Parce que si les «invités» viennent gratos, ils boiront un coup de plus à ton bar alors que s’ils devaient payer l’entrée, ils ne viendraient pas ! En tout cas, pas dans un festoche où leurs potes jouent gratos entre 16h15 et 16h45 ! Donc à moins de vouloir te faire une mauvaise pub’ dans le milieu ou réduire les motivations des jeunes groupes, c’est contre productif à mort. Et personne viendra t’aider le jour où ton festoche déposera le bilan. Plus directement, on se voit de plus en plus proposer des «pass press» payants, et pour certains, plus chers que des entrées classiques... Et là, c’est plus pour les gros festivals, alors que ce système s’applique aux gars qui ont des cartes de presse et vont écrire 10 lignes de travers dans la presse quotidienne régionale parce que c’est leur boulot (et donc leur employeur) qui paye, pourquoi pas. Mais pour nous qui sommes uniquement un mag digital gratuit qui est construit de A à Z par des passionnés qui ont touché 0 centime en bientôt 20 ans de service, ça fait mal. On devrait assurer la promo du festival par un live-report (et c’est du boulot, demande un peu à Gui de Champi combien d’heures ça lui a pris la superbe review du Hellfest !) et payer pour ça ? Autant faire le festoche (oui, on est fan de musique avant tout) en tant que simple festivalier et ne rien faire ensuite... Parce que le rock, c’est une histoire de passion, en faire ou en parler, dans tous les cas, c’est un peu pour soi et souvent à destination des autres, qu’ils soient 10 ou 10.000, on ne choisit pas forcément mais on doit le faire avec la même force. Et c’est tellement dommage de perdre de l’énergie avec des soucis qui sont peanuts pour les organisateurs d’événements... Oli
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SOMMAIRE 4 HELLFEST 32 THE PRODIGY 33 STEVEN WILSON 36 GLOWSUN 37 COAL CHAMBER 39 BERRI TXARRAK 44 NI 45 X SYNDICATE 47 HOBOKEN DIVISION 53 ROSETTA 56 MARS RED SKY 65 THERAPY? 66 BRAINSUCKER 70 EN BREF 78 BENISTY 80 AARON 82 DEATH CAB FOR CUTIE 84 IL Y A 10 ANS 85 CONCOURS 86 DANS L’OMBRE 87 NEXT 3
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HELLFEST 2015 La grande appréhension au moment de commencer la review d’un festival comme le Hellfest n’est pas la page blanche. Car il y a énormément de choses à dire à propos de cette édition 2015. Non. C’est justement le contraire. La grande appréhension, c’est de savoir si je ne vais pas oublier quelque chose, un concert (ou un bout de concert) auquel j’ai (ou ma dream team) assisté, et surtout si je vais pouvoir m’arrêter, car ce compte-rendu se destine une nouvelle fois à être... gigantesque.
Mais commençons par le commencement. Il faut poser les bases. Comme d’habitude, je décolle de Nancy le jeudi via un TGV qui m’emmène à Nantes en 4 heures. Mon binôme de cette année, c’est Jérémie, dont tu as pu lire quelques proses dans nos pages à propos de Super modern world des Burning Heads. Nous avons des goûts assez similaires, ce qui nous permettra d’assister ensemble à une grande majorité de concerts et de confronter en live nos points de vue. Je dispose également d’une équipe sur place, composée notamment d’un photographe, l’éminent Christian Ravel dont tu peux apprécier les superbes photos depuis deux ans. Côté chroniqueurs, Benjamin (déjà à mes côtés en 2013) et Bir de l’excellent Wallabirzine combleront nos lacunes quand nous ne serons pas forcément au bon endroit au bon moment. Bref, le décor est planté, l’organisation est faite de bouts de chandelle à base de système de poulies, et c’est frais comme des gardons que nous attaquons cette dixième édition du Hellfest qui ne manquera pas de nous époustoufler, une fois encore.
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Car il faut dire que l’organisation n’a pas fait les choses à moitié cette année. Aménagements spectaculaires sur le site, tant en matière de décoration que d’aspects pratiques, améliorations pour le confort des festivaliers (dont le nombre est sensiblement inférieur à l’an passé, ce qui n’est pas une mauvaise chose quand on se rappelle qu’il était difficile d’accéder aux scènes quand les têtes d’affiche envoyaient le bois sur les MainStage), multiplication des points d’eau et des urinoirs, mise en place d’un système de paiement Cashless destiné à fluidifier l’accès aux bars et à la vente des crédits. Sans parler des écrans géants devant les scènes Altar, Temple (aujourd’hui dissociées) et Valley. Bref, tout est fait pour que le festivalier passe du bon temps dans les meilleures conditions possibles, ce qui n’est pas un luxe quand on sait que les journées commencent à 10h30 et se terminent 15h30 plus tard. Je ne pourrai pas te parler du camping, du Metal Corner et du Club réservé aux membres du fanclub, car nous étions logés dans un charmant endroit propice au repos et aux cascades en
> VENDREDI 19 JUIN Jérémie et moi-même ne tardons pas à récupérer les bracelets nous permettant, en plus d’accéder au site et d’éviter les files d’attente de l’entrée principale, de se ressourcer à l’espace VIP (beaucoup plus calme à 11 heures qu’à 2 heures du matin) et à l’espace presse. Mais point de mondanités, nous sommes en avance pour assister au premier accord de guitare qui résonnera sous la tente de la Valley. Ah oui, autant te le préciser tout de suite, nous passerons très peu de temps (comme d’habitude) sous les tentes Altar et Temple destinées à accueillir les musiques extrêmes, même si quelques curiosités nous ferons nous arrêter à ces endroits maléfiques. C’est principalement (et presque exclusivement) Bir à qui il reviendra l’honneur et le privilège de te narrer les douces mélodies satanistes et caverneuses des groupes se produisant sous ces tentes. Mais reprenons le fil conducteur de cette journée qui, je te rappelle, ne fait que débuter. Nous décidons de prendre une première rasade de Glowsun pour habituer nos petites oreilles aux musiques dites amplifiées qui risquent de prendre cher pendant ce weekend. Le groupe lillois, qui profite de l’occasion pour saluer les nordistes, a la lourde tâche d’ouvrir le festival sous des sonorités psyché et stoner. Le groupe fait le boulot, mais je ne suis pas vraiment emballé par la prestation. Alors on quitte relativement rapidement la Valley. De son coté, Bir a débuté le raout de Lucifer avec Necrowretch donnant un large aperçu de son excellent dernier album With serpent courge. Le trio déclouait la pestilence sonique en un set rageur malgré un son brouillon. Malgré tout, Necrowretch honore sa stature et demeure désormais un élément essentiel et primordial au son caractéristique du death old school dans la lignée de Possessed et de Massacra, et je m’en félicitais et ondulais devant la félicité putride pendant la droiture de leur prestation. Les concerts de début de journée se succédant à une cadence très rapide (les sets durent trente minutes), nous avançons d’un pas soutenu vers la Warzone, scène punk hardcore du festival, une nouvelle fois en plein air et dont l’accès causera (une nouvelle fois) quelques désagréments à des festivaliers qui ne pour-
ront y accéder. Mais à 11 heures en ce vendredi, la voie est libre et j’ai le plaisir d’assister au concert de Lion’s Law, véritable révélation de la scène Oï française. Sur les bons conseils de Thomas, batteur émérite des Burning Heads et membre fondateur des « Lions », nous avons décidé de prendre une bonne décharge de Oï envoyée par un groupe qui n’en finit pas de gravir les échelons d’un courant musical qui dispose d’une fan base loyale et dévouée. L’avant dernier album A day will come, est une belle réussite, et la réputation de groupe de scène n’est pas usurpée. La formation parisienne, qui démarre de fort belle manière les hostilités sur la scène de la Warzone, n’affiche aucune retenue, et la bonne humeur régnant sur scène se propage comme une trainée de poudre dans l’assistance. Les solos de guitare (on croirait qu’ils sont joués à un doigt) sont un peu limites, mais l’ensemble est énergique, et après avoir envoyé « For my clan », les Lions tirent leur révérence sous les acclamations du public.
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tout genre. Le beau temps étant de la partie (le soleil tape mais se révèle moins caniculaire que l’an passé), tout est réuni pour passer un bon festival. Et à la fin de ce long reportage, tu vas une nouvelle fois te mordre les doigts d’avoir raté cette édition.
Sous la Valley, The Midnight Ghost Train n’a jamais déraillé son heavy blues puisque les Texans promulguaient à leur brasier sonique la chaleur de son aura devant un public déjà cuit. Aucun garde barrière n’a pu empêcher l’onde fantomatique de leur blues venir fendre les crânes de la scène Valley comme du bois sec. Au même moment, sous la Altar, et agitant avec malice une transe mystique à leur black death psyché, le band Bölzer a abusé de ce philtre de magie noire à un public cloquant sous le joug ardent de la combustion de leur titres tortueux. Le duo assénait une vérité inaliénable dans la rotation de ces boucles rythmiques carnassières, venant lécher de leurs flammes les esprits du public pour les amener diable sait où ! Après avoir pris nos repères du côté de l’espace VIP et avoir testé nos cartes Cashless qui fonctionnent parfaitement (ce qui n’a pas été le cas pour le tout le monde, bien que globalement, le système ait plutôt bien fonctionné pour une première), on refile du côté de la Valley pour le concert de Samsara Blues Experiment. Le cocktail explosif « psyché - drogues - morceaux à rallonge amplis orange - solo desert rock » fait son petit effet à l’heure du déjeuner (ou de l’apéro, ça dépend). Le chant est envoûtant et très agréable, mais le décalage orgasmique n’aura malheureusement pas lieu. Le moment restera toutefois plaisant, à défaut d’être inoubliable. Bir est presque de mon avis : sur disque il faut avouer que Samsara Blues Experiment, c’est chiant et mou. Sur scène c’est reposant. Le band déploie un matelas
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bluesy stoner à l’épaisseur consistante, permettant aux êtres lunaires de rêver avec sérénité la tête dans la constellation de Samsara pour des nuits étoilés de rêves bleus. Au point que le set en devient une drogue douce au psychédélisme apaisant. Jérémie et moi, véritables adorateurs de rock à l’état brut, nous rendons ensuite du côté des MainStages pour se prendre une bonne dose de rock ‘n’ roll à l’ancienne avec les Anglais de Quireboys. Comme nous sommes un peu en avance, nous prenons en pleine face le thrash
hardcore new school de Sylosis qui balance la purée sans retenue aucune sur la MainStage 2. Et même si le frontman arbore un sublime tee-shirt Pink Floyd, les gars ne sont pas là pour chinoiser, et c’est plutôt des uppercuts façon Mike Tyson mélangés à des solos dévastateurs que nous délivre le groupe tout droit venu de Grande Bretagne. Bon, on est vendredi, on est encore indulgents, et même si ce n’est pas ma tasse de thé, j’accorde le bénéfice du doute à ce groupe. Finalement, c’est pas mal de jouer à 13h le premier jour ! Mais revenons à nos moutons et à la première sensation de la journée nous concernant. On ne va pas se le cacher, j’ai tout de suite coché ce groupe sur mon running order sans en avoir écouté une seule note. Il faut
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dire que Quireboys a compté dans ses rangs un dénommé Ginger qui, après s’être fait virer, ira former ce qu’on appellera les Wildhearts. Bon, c’est bon, tu as pigé ? Les ramifications aidant, je ne pourrai donc pas être déçu à l’écoute de ce groupe (surtout après les insupportables qui ont envoyé quelques minutes avant). Et le contraste est bien là : six anglais d’un âge certain, entièrement dévoués à la cause du rock ‘n’ roll, balancent avec une facilité déconcertante un classic rock entrainant et sympathique, mais surtout qui sonne de feu de Dieu. Bordel, c’est pas compliqué !! Une intro, un couplet, un refrain
qui tue, un solo, et hop, te voilà le roi du monde ! Bien évidemment, les refrains font mouche à chaque fois, comme les Anglais en ont le secret, et même si la voix du chanteur, Jack Sparrow des temps modernes, est un peu rincée, ça déménage, le batteur ultra dynamique aidant, avec un basse batterie complètement en place et les guitares probablement les moins saturées du weekend. Un peu de douceur dans ce monde de métalleux assoiffés d’arbalètes à pointes et autres bracelets de force, ça ne fait pas de mal, hein ? De grosses mélodies, du bon formatage dans les structures, genre « fm », mais le tout super bien exécuté. Les gens avaient l’air d’accrocher, beaucoup d’anciens scandant même les lyrics à fond les ballons. Un excellent moment comme il y en aura d’autres au Hellfest. Bravo !!!
Aussitôt après Quireboys, ce sont les We Are Harlot qui foulent les planches de l’autre MainStage dans un tout autre style. Place au hard rock avec une pincée de heavy metal. Pied de micro à la Aerosmith, voix à la Aerosmith, micro casque pour le batteur au look digne d’un mélange de Vince Neil et Tommy Lee (ouais, je te rassure, c’est étrange). C’est classique, relativement efficace, mais finalement rapidement agaçant. La bonne excuse pour filer, nos nouveaux amis s’appellent Truckfighters sous la Valley. Vite, fuyons, euh. courrons !! Voilà un band qui m’avait vraiment branché il y a deux ans. L’ami Jérémie est un peu sceptique mais finalement assez curieux de voir ce groupe dont tout le monde parle. Et autant être clair, direct et concis, ce concert a fait pschiiit. Car la sauce n’a pas vraiment pris. Son brouillon, grosse énergie du guitariste sur scène, mais l’ensemble ne s’est finalement pas révélé vraiment enthousiasmant. C’est pourtant le genre de groupe que j’aime en live, mais là, ce n’était pas vraiment ça. Bon, bah tant pis. Bir est au même moment sous la tente des méchants, quoique.Shape Of Despair a fait le lit d’une ode au funeral doom, et en ni une ni deux la lourdeur soporifique de leur musique mortuaire faisait reposer les âmes en feu du Hellfest. En fait, en creusant un peu le sujet, le terme atmosphérique qui pourrait correspondre à leur élévation passionnelle pour le trou d’une sépulture s’avère bien trop léger pour eux. Je pense en outre que ce groupe a forcément de la parenté avec le marchand de sable, plus qu’avec le fossoyeur Pierre Tombale en tout cas. On file en direction de la Warzone pour assister au
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Bir est trop jeune pour apprécier les vieux de la vieille, alors il n’a pas manqué de se pointer à la Warzone pour se chauffer les oreilles : Twitching Tongues a soudé avec le fer encore chaud du HxC acariâtre des 90’s le métaux lourd d’un set sensitif et pleinement rageur. Combustion incluse, sensation garantie longue durée.
concert de Defeater. Charmant comme non, n’est-ce pas ? Je n’en attendais pas grand chose, et finalement, ce combo hardcore melo tout droit venu de Boston m’a fait le plus grand bien. Je ne suis pas un grand connaisseur et aficionado de cette scène un peu poussive pour moi, mais le son mastoc fera la différence. Le hardcore envoyé sur Telecaster est sombre et lourd, un hardcore exécuté avec rage et passion. Le frontman vit son concert à fond, et son attitude est vraiment impressionnante. Les mélodies sont saisissantes et poignantes, et ce concert sera vraiment percutant. Belle découverte donc.
Au même moment, Bir est devant la Mainstage1 (dingue !!!) pour Armored Saint : la venue de ce groupe culte de heavy métal ricain des 80’s, avait suscité en moi un émoi nostalgique suffisant pour faire fondre dans la masse des gens de mon espèce toute l’époque de l’acier trempé d’un heavy épique pour en forger la lame de fond envers un culte inaliénable. Mais avec l’aplomb de la tour de Pise, le groupe s’est avancé jusqu’à nous pour nous proposer timidement le souffle de Belzébuth sans pour autant discourir sur sa féconde malice musicale. Le chanteur John Bush (ex-Anthrax) a fait le job de part sa présence scénique, et le groupe a fait un show très professionnel permettant de mettre en avant le suc hard rock de leur dernier album sans saveur. Bref, on s’est fait chier. Du coup, Bir a enchaîné sous la Valley avec Orchid. Amplificateur orange, cheveux long et barbe épaisse tel fut le triptyque visuel du groupe. Pour la musique, c’était Black Sabbath comme vision nocturne et Led Zep pour le psy-
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chédélisme 70’s. Un set de revival heavy rock, constellant ce doom 2.0 que les nouveaux adeptes du chanvre hippie apprécient dans leur quête du bien-être intérieur. Si c’était passéiste, cela n’en restait pas moins très bien interprété, avec de quoi faire revivre une époque à tous ceux qui n’avaient pas eu la possibilité de la vivre. On s’accorde une petite pause pour reposer les oreilles et recharger les batteries autour d’une boisson fraîche, et on en profite pour prendre quelques rasades de Billy Idol. Le festival a beaucoup communiqué sur la venue de cette légende vivante, et il est ainsi étonnant de retrouver le pionnier du punk rock à l’heure du goûter. Mais qu’importe. C’est donc sous un soleil de plomb (mais moins agressif que l’an passé) que le Britannique envoie ses classiques sans broncher, comme « Dancing with myself » ou « Rebel yell ». La justesse du chant n’est pas la qualité première du bonhomme cet aprèsmidi, mais pour le reste, l’orchestre assure au maximum. Les connaisseurs ont vraiment apprécié, et le retour aux affaires de l’ami Billy en France a été une réussite. La chaleur accablante de ce vendredi saint permettait de se mettre dans le bon mood pour la venue de Melechesh sur la scène Temple. Leur death oriental possédé par des thèmes mésopotamiens et sumériens accomplissaient le Graal d’entendre des sourates maléfiques sur des arabesques hébraïques morbides. Cette litanie des offices deathaliques n’avait pas d’équivalence en terme de persécution, leur groove était imparable, leur set éblouissant comme mille et une nuits d’occultisme. Bir a de nouveau fréquenté les hautes sphères des scènes insupportables. Connaître la Vérité totale dans le craquement malsain du death métal de Dying Fetus entre cassures puissantes et mélodies sous-jacentes avaient de quoi perturber les mâles. Car c’était un condensé de haine mortuaire capable d’asservir son public à l’état d’eunuque. Au même moment, il était temps pour Jérémie et votre serviteur de retourner sous la Valley pour le show de High on Fire. À peine le premier morceau envoyé que mon camarade me souffle à l’oreille : « Enfin de la guitare !! » Tu m’étonnes ! Pour le coup, on est servi, et qu’on évoque le son, les lights ou le groupe lui-même, un point commun : ça BOURRE !!! High on Fire, c’est le mix explosif de stoner, de thrash et de violence. Tu vois le tableau, n’est-ce pas ? La puissance du groupe est phénoménale, je suis scotché par la prestation des musiciens qui ne font pas semblant en envoyant des
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uppercuts à tout bout de champ à base d’une batterie motörheadienne, d’une basse massive et percutante, et de guitares grasses et lourdes. La bande de Lemmy a enfanté d’immondes rejetons, et High on Fire est l’un de ses plus beau ba(s)tards. Cardiaques s’abstenir, on tient là l’un des grands moments du festival. Ni plus, ni moins ! Jérémie n’est pas vraiment de mon avis, lui qui a trouvé le son dégueulasse. Pour avoir vu le groupe en live à Nancy il y a dix piges, il n’a reconnu que le look horrible des musiciens, géants barbus mal peignés. motörhead, parlons-en. Un de mes groupes préférés est à l’affiche du premier jour du festival, et malgré, une nouvelle fois, l’heure précoce dans cette journée (peut-être demandée justement par le groupe ?), je ne rechigne pas à le revoir sur scène. Mais après mûre réflexion, estce bien raisonnable ? Compte tenu de la prestation poussive à laquelle j’ai assisté à Colmar l’an passé, j’ai vraiment pensé, en quittant la Foire Aux Vins, que c’était la dernière fois que j’assistais à un concert de motörhead. Et puis non, ils sont encore et toujours sur la route. J’aime à penser que Lemmy est un passionné et qu’il donnera sa vie au rock, je crains d’être déçu, d’autant plus qu’il y a encore quelques jours, le groupe a donné une prestation désastreuse dans un festival suisse ou allemand (oui, enfin, c’est presque pareil). En attendant, on patiente devant la fin du concert de Sodom, les rois du thrash metal allemand. Remplaçant Anthrax quasiment au pied levé (d’ailleurs la copine de Scott Yann se pavane du côté du VIP avec un joli tee-shirt de son groupe Motor Sister, qui n’est autre que l’excellent cover band de Mother Superior, avec dans les rangs Jim Wilson, guitariste de. Mother Superior !), le groupe teuton délivre une prestation en mode rouleau compresseur, avec de la vitesse et de la violence. Même si je préfère Kreator (qui avait tout défoncé il y a deux ans au même endroit), Sodom a le mérite d’être ultra en place, avec des guitares incisives croisant un basse-batterie renversant. Qu’on aime ou pas, on ne reste pas indifférent devant ce déferlement de riffs ! Et voici donc le temps de retrouver Lemmy and Co. Beaucoup de festivaliers, fans de la première heure, amateurs de rock ‘n’ roll et jeunes imberbes en mal de sensations fortes se sont massés dans la MainStage pour assister au show du trio britannique. La setlist que va dérouler motörhead est invariable de festival en festival, et c’est l’énorme « Shoot you in the back » qui ouvre le bal après que Lemmy ait lancé son classique « We’re motörhead. ». S’ensuit « Damage case », « Stay clean » et « Metropolis » joué à un tempo réduit. Mais la for-
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mation va lâcher les chiens méchants avec un énorme « Over the top ». Fatigué ou pas, Lemmy Kilmister en impose par son charisme, et même si l’homme a tendance à trembler quand il boit sa bouteille de San Pelegrino (tout fout le camp !), c’est quand même bon de voir sur scène une légende qui a posé les bases du speed rock. Après le traditionnel solo de Phil Campbell, le groupe enchaîne encore quelques classiques (dont le fabuleux « Lost woman blues » issu du non moins excellent Aftershock) avant l’époustouflant solo de batterie de Mikkey Dee qui en impose en plein milieu de « Doctor rock ». La fin approche, le groupe balance un « Ace of spades » laborieux et un « Overkill » dévastateur et tire sa révé-
Bir a préféré ne pas se faire de mal et traîner du côté de la Warzone. Les Belges de Oathbreaker ont remplacé le combo Trap Them, et c’était tant mieux. Leur HxC irascible à la Converge cajolait une amertume sonore aussi sèche qu’avec les nerfs à vif. Cela dénotait tout particulièrement sur la scène de la Warzone beaucoup plus sensible à l’alternance HxC/Punk du lieu. Le contraste entre fureur et quiétude de leurs atmosphères versatiles amenait morbidité dérangeante et oppressante. Si nous n’avons pu voir le visage de la chanteuse avec sa tignasse devant, sa prestation vocale, tout comme son attitude aphasique, auront pourtant apporté à sa prestation une valeur ajoutée de mystère, amplifiant l’impression ahurissante d’avoir assisté à un set unique. Quoi de neuf sous la tente Altar ? Bon sang, Bloodbath est encore arrivé couvert d’hémoglobine pour nous impacter avec son Swedish Death des familles. Ce fut un set ultra concis, percutant, renouant avec l’univers glauque et morbide de la discographie du groupe où chaque note suinte la mort. A chaque titre c’était de plus en plus étouffant, comme une forge dans les poumons, cicatrisant une brûlure calorifique d’une émotion dont on aura du mal à éteindre l’incendiaire.
rence sous les acclamations du public. Bilan ? Le groupe a certes perdu de sa superbe en matière de tempo et de rage, mais ça reste toutefois un band excitant et surtout l’une des dernières formations en activité qui ont posé les bases de la musique que l’on aime tous, et rien que pour ça, motörhead mérite notre respect.
Le soleil a décidé de nous laisser respirer en ce début de soirée, histoire de reprendre des forces pour mieux recogner le lendemain, et c’est d’un pas léger que je rejoins la Valley pour le concert d’Envy. Envoutant, chiant, hurlant, fais ton choix camarade. Les puristes auront certainement pris une bonne baffe devant la petite heure de concert du groupe japonais. Pour ma part, j’ai assisté au concert peinard, allongé dans l’herbe et finalement, cette position stratégique s’est révélée idéale pour que j’apprécie les morceaux aux longues intro précédant des explosions électriques percutantes et parfois émouvantes. Les rois de l’émocore ont ravi un public nombreux sous la Valley, et même si j’ai préféré l’intensité du concert de Defeater, Envy a fait sensation au Hellfest. Jérémie, en fin limier de l’emo screamo en tout genre, a lui aussi son avis sur la question : j’ai vu le groupe il y a 10 ans dans un club nancéien et je dois dire que j’avais trouvé ça bien plus cool. L’album sorti en 2001, All the footprints you’ve ever left and the fear expecting ahead, m’avait
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bien plu de par son originalité (chant en japonais, quelques touches hardcore.) mais j’avoue qu’après celui-ci, j’ai lâché complètement le truc. J’ai tout de même reconnu un ou deux morceaux de cet opus, bien exécutés au demeurant. Pour le reste, c’était dans la même veine. Ça fait toujours plaisir de (re)voir en concert des mecs complètement intègres, qui continuent de jouer leur zic avec leurs tripes en y croyant toujours. Je suis resté sur cette impression, avant de filer avec mes potes qui m’attendaient sagement 50 mètres plus loin, pour d’autres aventures sonores. Car oui, c’est une habitude en ce vendredi, on bouge nos popotins directement vers la Warzone pour prendre une respiration punk rock bien méritée. Peter and the Test Tube Babies est dans la place, et à peine sur scène, le groupe pose les bases de l’ambiance qui découlera de ce show rafraichissant et enthousiasmant « Sur le pont d’Avigon, alouette, alouette » s’amuse à chanter en français dans le texte le bassiste, visiblement content de sa bonne blague. Peter and the Test Tube Babies, c’est juste le condensé d’un groupe punk rock dans la tradition ‘77 avec un son et des chansons qui n’ont pas vieilli. Les gars sont détendus, mais je pense qu’il ne serait pas bon d’aller chercher la bagarre, si tu vois ce que je veux dire. Le groupe, précurseur de ce que sera le mouvement musical Oï (notamment par l’intermédiaire de l’ultra dynamique « Banned from the pubs »), a plus d’un tour dans son sac pour mettre le public dans sa poche. Le batteur s’envoie des grands verres de rouge entre les morceaux, ça ricane sur scène et ça balance des brûlots qui trottent directement dans la tête, à base d’hymnes à boire et d’humour totalement british. Un excellent moment ! Bir n’est pas venu à Clisson pour enfiler des perles, et en bon connaisseur de crapuleries en tout genre, il est parfois dans les mauvais coups : Je vous l’annonce avec foi, Craddle Of Filth n’est pas le mal absolu, c’est juste un train fantôme dont on vient de refaire les peintures. Pourtant depuis le temps que ce groupe se fait cracher à la gueule, leur conviction en leur art fut une sentence. Le groupe a démontré son extase du pseudo-savoir pérenne, chantre de l’ésotérisme de la Hammer et du théisme douceâtre sur fond noir lugubre et tellurique à glacer le sang. Dani Filth a enfoncé le crucifix du romantisme comme art mortuaire jusqu’au fondement de sa prestance. Le concert s’est éteint comme une bougie, la mémoire de ce désir de communion s’effaça, et il ne
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restait plus alors que la violence du manque à l’état brut. On décide d’aller prendre l’apéro pendant Alice Cooper mais on ne perdra pas une miette de la prestation visuelle du fantasque et théâtral américain. Côté visuel,
bien sûr, ça assure un maximum avec trois guitares dont une nana complètement déchaînée, un bassiste sortant tout droit d’un film d’horreur et un batteur démonstratif. Le décorum est de la partie, les artifices également (lancer de dollars, camisole, pyrotechnie, guillotine, infirmière morbide, bref, tout l’attirail du champion). Visuellement, même en plein jour, c’est parfait. À tel point qu’on en oublierait presque la musique. Presque, car le classic rock d’Alice Cooper fait mouche devant un parterre de fans conquis. Le grand Alice ne ménage pas ses efforts et délivre un concert énergique, pour le plus grand plaisir des festivaliers présents en masse devant la MainStage. Le jour commence à tomber sur Clisson, et j’ai du mal à traîner mon acolyte sous la Valley pour le show de Mastodon. Il faut dire que Jérémie craint d’assister à un concert d’un groupe qui, à ses débuts, partait un peu dans tous les sens. J’arrive à le convaincre d’aller mater un ou deux morceaux, et finalement, j’aurai du mal à retenir l’enthousiasme de mon camarade à la fin du concert du génial groupe américain. Nous avons
Nous retrouvons un peu de lucidité pour rejoindre la Warzone et les excellents Cock Sparrer. Encore une fois, un groupe anglais formé dans les années 70’ (1972 plus exactement) avec un son puissant. La folie du concert de Mastodon n’aidant pas, on est forcément moins indulgent quand les musiciens ne sont pas forcément « carrés » ou que les voix ne sont pas toujours justes, mais les morceaux à trois accords barrés et le « poum tchack - poum poum tckack » de la batterie suffisent amplement à notre bonheur. Chaque titre envoyé par les Cock Sparrer (putain, 1972) est un hymne à la fête et le public l’a bien compris. Pour synthétiser, c’est du Toy Dolls core. C’est simpliste mais ça a le mérite d’être net et sans bavure. Et quand l’accent typiquement anglais se mêle à tout ça, on ne peut être que ravi ! Le Hellfest, c’est six scènes et six ambiances. Et ça se vérifie à merveille quand, en quittant le punk joyeux des Cock Sparrer, on avance de quelques dizaines de mètres et on prend en pleine face le heavy metal clouté et cuiré de Judas Priest. J’aime beaucoup l’album Painkiller, mais le groupe ne m’a jamais plus excité que ça. Alors je regarde d’un œil distrait la prestation du groupe pendant que nous nous faisons accoster par une demoiselle nous payant des bières et des clopes menthol sans qu’on ait compris quoi que ce soit. Finalement, ça fait passer le temps, et j’en retiens un concert qui ne m’a pas fait rêver, exception faite du morceau « Painkiller » envoyé avec une violence certaine. Bisous Rob et merci. Le bon Bir était également dans les parages et son avis est toujours bon à prendre : Les pépés de Judas Priest ont ressorti les clous, le cuir, et l’audace de leur heavy saillant since 1968 tout de même. Mais voilà, si Rob Halford est encore capable d’enculer quiconque avec son retour vocal, la bécane chromée de Judas pointe des hymnes indubitables mais aussi un essoufflement typique de cette génération qui souhaite mourir sur scène comme Herbert Léonard.
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ainsi assisté à la deuxième moitié du concert, et nous regrettons amèrement de ne pas avoir vu l’intégralité du groupe de Chicago. Car en plus du mur de son et des lights absolument sensationnelles, c’est la qualité technique des musiciens qui est à souligner. Les voix sont impeccables (ce qui n’est pas toujours le cas), l’exécution des titres est impressionnante, et la surpuissance du combo est tout simplement irréelle. La moitié du set que nous avons entendue (et vue) est tout simplement irréprochable, et pour ma part, Mastodon, c’est comme le bon vin : ça s’affine en vieillissant. Au contraire de leur look de merde. Mais qu’importe ! Chapeau bas !
Bir n’est pas en reste, et bien que le soleil soit couché depuis un bon bout de temps, il préfère s’abriter sous les tente Altar et Temple, et ce pour la bonne cause ! La précision chirurgicale de Meshuggah n’aura pas surpris les fans de bistouris sonique tant leur concert fut Kolossal. Au point de ne pas être ressorti indemne des boucles rythmiques au groove terrassant et aux formules corrosives poussées à leur paroxysme par les Suédois. Tout de suite après, la fusion jazz métal indus de Shinning a permis de finir en beauté cette première journée. Décuplant leur sens des mélodies à la plastique irréprochable, les Norvégiens ont jugulé à l’ensemble de leur concert une électrisation aliénante, ultime de bout en bout avec l’apport de nouveaux titres catchy et parfaits. Ce fut un set rageur à en hurler la témérité éclatante et la pleine puissance le restant de la nuit. Les affreux guignols de Slipknot vont prendre possession de la MainStage 2, et il faut trouver n’importe quel subterfuge pour s’éviter un calvaire superflu après une grosse journée de concerts. On ne change pas une équipe qui gagne, alors on se précipite (enfin on traîne des pieds, fatigue aidant) à la Warzone pour le concert des Dead Kennedys. Évidemment, point de Jello Biaffra mais une formation culte qui vaut le coup d’œil. Pour ne rien te cacher, ça sera vite fait car le groupe est un peu trop à l’ancienne à notre goût. Musicalement, ça ne joue pas forcément ensemble. Soit. Mais les gars sont surbourrés sur scène. OK. Les gars, vous nous excuserez, à 11H30 du matin, on aurait certainement rigolé, mais à 1 plombe du mat, c’est beaucoup moins drôle. On écourte la plaisanterie de mauvais goût, et pour la double peine, on passe obligatoirement devant Slipknot. Mais je me demande, à cette heure tardive, qui étaient les vrais clowns. On va se réfugier du côté du VIP, on sirote un bon verre bien frais et on plie les gaules avec Christian. Le temps de débriefer et de rigoler un bon coup qu’on retrouve notre lit douillet pour une nuit bien méritée. Et surtout pour recharger les batteries pour le samedi qui s’annonce gargantuesque !!!
> SAMEDI 20 JUIN La journée s’annonce parfaite : une programmation exceptionnelle, un ciel bleu au rendez-vous et de la bonne humeur au sein de notre équipe. Sauf qu’une mauvaise chute dans un escalier de bon matin viendra quelque peu
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entamer mon enthousiasme pour le reste du week-end. Quelques éraflures et bleus plus tard, nous démarrons doucement la journée avec Butcher Babies sur la MainStage. Groupe de metal core sans intérêt, hormis deux chanteuses pulpeuses aux cheveux rouges et bleus, la formation balance une musique violente que je trouve digne de désintérêt. À la rigueur, les prépubères avides de voyeurisme en tout genre pourraient baver devant la plastique avantageuse des chanteuses/hurleuses, mais il est midi et nos fameux prépubères n’ont pas encore cuvé les deux whisky coca ingurgités la veille sur le camping, alors. Mais avant ça, Bir a déjà attaqué la journée à la fraîche. Tu peux prendre ta respiration, car il n’y aura pas de temps mort : - du djent comme ptit dej avec les frenchies de Deep In Hate, j’ai dit oui. Le groupe a remonté les cerveaux de traviole du public engourdi façon crabcore. C’était frais, énergique, et les danseurs de la fosse étaient en mode compétition de Krav Maga à la fin. - la lourdeur musicale du combo Machete devant un public égaré dans cette vallée infernale fut aussi tellurique que légataire de ce stoner doom envers la scène NOLA : lourd, percussif, bilieux, terrassant. - la torture sonore que le groupe Cock Ball And Torture a infligé à mon camarade mérite un séjour longue durée dans une unité de soin palliatif pour un set linéaire de grind, normal quoi ! - sur la Mainstage 1, les transalpins de Giuda ont amené leur glam/pub rock’n’roll avec le sens racé de l’élégance italienne, claquant sans interruption des titres catchy au mérite d’une attitude modeste. La simplicité était ici au diapason d’un éclat naturel par une dose de rock’n’roll qui a fait bouger du cul, lever les bras et afficher des sourires en résonance à cette musique binaire, mais Ô combien jouissive. - sous la Valley, en seulement trois titres, Elder et son
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mélange de doom/stoner/grungy a jointé une attitude réservée pour un concert sans fioriture, sans panache, pas inabouti. Groupe attendu comme le messie, groupe vénéré par le gratin journalistique, et bien chou blanc même si la mauvaise foi était indubitable pour l’invisibilité du trio. Pour finir j’ajouterais même que le règne de la frustration que chérisse tant les mélomanes de ce groupe, resserre le nœud coulant de leur masochisme aiguë à cette musique en trompe l’œil et bourre-couillon. - Der Weig Einer Freiheit, c’est du post-death et rien qu’avec le nom du groupe tu as des poussées d’urticaire géantes. Alors c’est comme du post-rock mais avec du death, du black, bref un truc de progressiste à la science infuse. Donc possédant diverses atmosphères et contrastes à la faculté versatile, avec mention passable. Passant du tube à essai au microscope je peux vous annoncer que c’était aussi déstabilisant que pénible. Retour au présent. Tu connais mon amour pour le death et le black metal. Tu connais également mon attachement aux scènes Altar et Temple. Donc tu auras vite déduit que ne suis pas attiré tel un aimant par ces lugubres endroits où se côtoient des groupes trop extrêmes pour ma petite personne. Mais en scrutant attentivement
le running order, je me suis promis d’aller assister au concert d’un groupe rien que pour son nom : Prostitute Disfigurement ! Oh putain, je voyais déjà le backdrop malsain, avec des filles de meurs légères sur scène en train de se faire défigurer par une horde de barbares. J’en salivais d’avance. Mais (mal)heureusement, j’ai été déçu. Point de sacrilège sur scène, pas de vulves pendues aux guitares, «juste» un groupe de grind qui balance la sauce sans se poser de question. Contrarié (ou rassuré), je ne resterai pas la moitié du premier morceau. Dur retour à la réalité. Sous la Valley, les vêpres soniques de Monarch nous plongèrent dans les limbes de la magie noire la plus fantomatique, déposant ses parures de chandeliers dans un décor spectral. Leur set a apporté en début d’aprèsmidi aux noctambules la vision nocturne du chat, grisée par l’ivresse d’une multitude d’émotions capiteuses, au venin le plus noir. L’envoûtement était d’une pureté absolu même si certains festivaliers méconnaissaient la fragrance capiteuse des Bayonnais et avaient du mal à être ensorceler de prime abord, la distance s’est réduite pour une fin de set où l’obsession de ré-entendre le charme de Monarch suscitait des vocations.
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Cinquante minutes plus tard au même endroit, Bir éprouvait la même satisfaction au milieu de ses semblables à trouver que le doom psychédélique de The Wounded Kings était bien interprété mais tourna en rond, mais autour de quoi ? De cela, il en cherche encore le secret... Avant le début d’une série de concerts qui vont sublimer notre journée, nous prenons encore une salve de metalcore moderne et assez lourd. Motionless in White est aussi froid sur scène que sa musique est ennuyante. Les relents électro font penser à Marilyn Manson (qui se produira sur la même scène 12 heures plus tard), et on « subit » tant bien que mal ce groupe de Pennsylvanie. Hey les gars, ne restez pas trop au soleil, le maquillage va fondre ! Mais l’attente valait le coup, car voilà l’un des grands moments du festival qui se profile sur la MainStage 1. Avec The Answer, quatuor anglais/irlandais, je sais pertinemment qu’on va se régaler, et l’entrée des musiciens aurait fait pâlir mon ami Matgaz : à peine monté sur scène, le guitariste balance un solo du feu de Dieu ! Oh putain, on y est, nous voilà récompensés de notre amour pour la musique qu’on appelle le rock ‘n’ roll. Car The Answer n’est ni plus ni moins qu’un groupe de rock ‘n’ roll comme je les aime : son de guitare chaud et surpuissant, attitude positive, gros basse-batterie, entre un AC/DC mid tempo et un Led Zep au niveau de la voix. Bref, tu as capté le délire : hard rock bluesy, en mode cheveux longs bien peignés, chemises bien repassées et futal « pattes d’eph’ » sur bottines bien cirées !!! Bref, 70’s style ! On se régale pendant les quarante petites minutes de concert envoyées par de bons musiciens passionnés et passionnants. Le chanteur use et abuse du frontstage pendant que le guitariste enchaîne les riffs tous aussi inspirés les uns que les autres. À tel point que le voca-
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liste ira terminer son tour de chant dans le public. Des super morceaux, bien construits, un set homogène, une attitude plus que parfaite, bref un super gig. Applaudissements soutenus et mérités pour un très bon moment passé en compagnie d’un groupe qui n’a pas inventé l’eau chaude mais qui fait transpirer un style chaleureux et impeccable !! Bravooooo !!! Le soleil tape, et avant d’enchaîner quelques concerts sans interruption, on s’autorise une pause bien méritée (et accessoirement un break pour reposer mon dos en mauvaise forme). Il est environ 15 heures quand nous reprenons place devant la MainStage 1 pour accueillir le Grand Ace Freley, oui, Ace le magnifique, guitariste originel de Kiss et tricoteur de manche hors pair. Le backing band a été recruté dans les bas fonds de New York, les zicos ayant de vrais looks de loubards ou d’acteurs de films d’épouvante. Les gars sont rincés, mais envoient le rock comme jamais. Ace fait le boulot sans en faire des caisses, laissant le soin à son compère six cordiste d’asséner des riffs percutants pendant que Monseigneur balance des chorus tout droit venus de l’espace. Parlons-en tiens ! Space invader, dernier opus du groupe, est à l’honneur du show, et le travail des chœurs est vraiment bien fait. Et même si Ace ne dispose pas des artifices de Kiss (loin de là !), l’explosion d’un de ses micros de guitare avec une fumée en sortant sans interruption jusqu’à la fin du concert fait son petit effet ! Encore une belle leçon de rock ‘n’ roll par un monstre sacré du genre ! On assiste à la fin du concert Ace Freley devant la MainStage 2, car il va s’y dérouler un concert que j’attends depuis plus de dix ans. Car depuis ce jour d’automne 2004 où Velvet Revolver s’est produit au Bataclan, je suis tombé follement amoureux de Backyard Babies, groupe ouvrant ce soir-là. Si tu ne connais pas ce band à la réputation de bête de scène, je te conseille fortement l’album Live live in Paris qui est une succession de tubes et de fureur. La reformation du groupe suédois est pour moi un petit évènement, et je me réjouis d’avance de la puissance sonore qui va découler de ce concert. Backdrop tête de mort, disposition des amplis en mode « bancal », tout s’annonce pour le mieux dans le meilleur des mondes. Après un « Welcome to the jungle » balancé dans la sono, le quatuor se pointe avec la rage au ventre sur le son de l’énorme « Th1rte3n or nothing » tiré de son nouvel album à paraître cet été. Jérémie s’inquiète du « petit » son sortant de la façade, mais je le rassure en lui expliquant que ça permet au sondier de faire son mix tranquille et qu’il montera les potards sur
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les prochains titres. Ni vu, ni connu. Sauf que ça n’arrivera jamais, et Backyard Babies jouera (volontairement ?) à moyen volume. J’ai du mal à capter le pourquoi du comment, mais c’est comme ça. Dregen a pris un coup de vieux et semble quelque peu agacé par le son sur scène, mais le groupe assure à fond en balançant ses tubes tels que « Highlights », « The clash » et l’énorme « Brand new hate » sans omettre d’envoyer le génial « Star war » coécrit avec Ginger Wildheart. Ce groupe est tout juste génial, et Fab Justin(e) / Ultra Vomit qui nous a rejoints pour assister au concert ne me contredira pas. Seulement, j’ai bien l’impression que le groupe n’attire pas les foules, et c’est bien dommage, car Backyard Babies a donné une belle leçon de rock ‘n’ roll, encore et encore. Et alors que le groupe a quitté la scène, il s’empresse de revenir pour un rappel improvisé et ainsi balancer un très bon « Minus celsius » tout en puissance. Pas d’artifice, juste une bande de gars ayant beaucoup écouté Guns N’ Roses et motörhead et qui transpirent le rock. Tout ce que j’aime ! Pendant ce temps, Bir squatte sous la Valley pour le concert ASG : je m’attendais à prendre la sauce d’ASG comme un tsunami thaïlandais et bizarrement, ça a fait pschitt. Le rendu sur scène n’est pas du tout identique à la saturation démentielle qui siège sur leur disque. Le combo a fait un set poussif, de professionnel de la profession et se contenta uniquement de cette conscience étant dans cette posture idéale dont bénéficie l’accueil tout acquis à leur cause du public de la Valley. Retour aux Mainstages. Le concert achevé, ça enchaîne direct du côté de l’autre MainStage, et trop occupé à voir et écouter Backyard Babies, je n’ai pas pris conscience qu’Airbourne allait envoyer juste après. Conséquences : le sondier du groupe a inversé la tendance et mixe ultra fort le quatuor australien, et il est impossible d’obtenir une place correcte pour assister au concert, une marée humaine venant de se former devant et aux alentours de la MainStage 1. Il faut dire que Airbourne est un groupe de scène, et chaque concert est une performance ainsi qu’une expérience dont on ne sort pas indifférent. Cela fait plus de deux ans que le groupe écume tournée sur tournée depuis la sortie de Black dog barking, et « l’habitué » des concerts du groupe australien ne sera pas perdu aujourd’hui : grosse présence du guitariste chanteur, gimmicks identiques (canette de bières) et riffs bastons. C’est juste énorme, si, bien entendu, on n’est pas trop regardant sur l’originalité du style. Sauf qu’une fois n’est pas coutume, le groupe va subir les désagréments d’une panne de courant dont il ne se rend pas immédiatement compte. J’en connais quelques uns qui ont
Pendant ce temps, il se passe d’autres choses sur le festival. Heureusement que Bir a une bonne mémoire ! Le death’n’ roll de Desultory à la Entombed style a saturé de son pouvoir assujettissant une musique irrépressible et charmeuse à s’infliger des sévices corporels tellement ce fut parfait. Puis, sous la tente Temple, c’est le drame : mais merde à la fin, quelqu’un va-t-il pouvoir m’expliquer cette mode pour la pagan elfique musique tel que le groupe Finntroll l’a copieusement interprété tel un Patrick Sébastien des bois ? Attends, c’était noir de monde, les gens jubilaient au son du biniou, le pit était en fête comme au temps d’Astérix, what the fuck ? Ce groupe est aussi subtil qu’un Jean Marie Bigard au stade de France, et le comble, c’est qu’il souhaite nous faire croire qu’il est cool !
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dû transpirer en attendant que les enceintes recrachent du rock. Le groupe semble s’en amuser, et même si la plaisanterie s’éternise, le groupe ne se refroidit pas et une fois le jus revenu, c’est reparti comme en 40 et ça enchaîne les tubes à foison. Outre l’aspect musical, je reste pantois devant une telle énergie déployée à chaque concert par les quatre membres du groupe. Une machine de guerre qui mérite le respect.
Après la folie Airbourne, nous prenons un peu de recul et cherchons une part d’ombre pour nous reposer un peu avant les deux prochains concerts que nous ne voulons louper sous aucun prétexte, le tout en élaborant un plan d’attaque aussi infaillible qu’efficace. Nous profitons du gazon clissonnais pendant que les filles de L7 délivrent un set honorable. Bir en parle de fort belle manière : la
reformation des chipies de L7 je l’ai prise avec bonheur, tant ce groupe a eu un impact décisif à ma construction culturelle. Pour ce fait, on a autant d’espérances que de craintes à les revoir après une telle pause. Mais avec leur bordélique set les Américaines m’ont baignées dans les 90’s avec la saveur d’en émettre la résurgence idéale. Enchaînant à bâton rompu leurs tubes dans la centrifugeuse d’un rock bien gras, heavy, épais, avec la folie d’envoyer la purée de manière bien plus musqué que la plupart des groupes de barbus siégeant en se tapant le torse dans leur garçonnière. Les femelles étaient aussi majestueuses que dans mes souvenirs, un poil à côté aussi mais cela faisait indéniablement partie du charme de leur capharnaüm musical, et c’était vraiment génial. Pendant le concert des filles de L7, je suis interpellé par
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la dégaine de deux blacks tout droit sortis de Farmington, quartier imaginaire de Los Angeles inventé par le créateur de The Shield. Les deux individus (un homme et une femme) haranguent la foule en montrant une pile de casquettes. Je repère le manège et décide d’aller voir ce qui se passe. Il s’avère que le couple propose à la vente sauvage des casquettes brodées de Body Count. Quel merdier ! Fuck the system, même en jouant dans un festival, le groupe use des réseaux parallèles pour dealer son matos ! Nos esprits se connectent, et Jérémie a bien compris que nos réputations de gangsta vosgiens prendront encore plus de crédibilité en portant fièrement ces couvre chefs qui, bonus, nous protègerons du soleil. Teuil Teuil 88 n’a qu’à bien se tenir ! On dégaine nos biftons et nous voilà les rois du monde. Cette casquette nous rend immédiatement plus crédibles au milieu de ces affreux tatoués aux vestes à patches délavées et aux barbes dégueulasses imbibées de bière. Merde, je vous avais dit que cette squette-ca rendait fou ! Mais reprenons nos esprits, car il va falloir se préparer à se prendre une grande claque dans la gueule par celui qui, à lui seul, justifie de traverser la France d’Est en Ouest. Je veux bien sûr parler de Slash. Accompagné de ses fidèles compagnons Myles Kennedy et ses conspirateurs, le six-cordiste de légende va fouler pour la troisième fois la scène du Hellfest, et j’en salive d’avance. Je ne vais pas te faire le coup à chaque fois et te rappeler que ce mec a bercé mon adolescence et que je voue une véritable passion à ce type au parcours quasi sansfaute, mais j’ai toujours les poils qui s’hérissent quand le guitariste chapeauté balance son premier accord. En tournée européenne pour défendre l’excellent World on fire (chroniqué dans un précédent numéro de ton zine fétiche), le groupe présente une setlist type de festival, et comme j’ai déjà feuné sur les Internets, tel un renard du désert, quelques prestations du groupe en festival, je connais déjà la set list par cœur. Le groupe débute le concert avec l’excellent « You’re a lie » et enchaîne direct avec « Nightrain », cover des Guns ‘N’ Roses dont il reprendra quatre titres. Car même avec deux albums au compteur, Slash, arborant fièrement un tee-shirt motörhead, contente sa fan base fidèle et les nostalgiques du groupe américain ayant affolé les compteurs à la fin des années 80. Et ça fonctionne, car des premiers rangs jusqu’à la console de son (et même au-delà), le public chante à tue-tête les refrains pendant que Jérémie et moi gagnons facilement un concours de air guitar improvisé. À tel point qu’un festivalier me demande pourquoi je ne suis pas au premier rang, ayant parfaitement saisi la passion qui m’enivre. Oui j’en fais beau-
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coup, mais même si Myles Kennedy n’est pas le chanteur accompagnant Slash que je préfère (Scott Weiland période Velvet Revolver raflant sans conteste la mise), le bonhomme sait tenir son public et reste un frontman sincère et généreux. Slash, lunettes de soleil vissées sur le nez, est en grande forme, et se permet quelques facéties comme ses petits pas de canard sur « Back from Cali », pendant que Todd Kerns assure parfaitement les chœurs tout en jouant de la basse et que le guitariste rythmique fait le boulot quand on l’entend dans le mix (c’est à dire pendant les solos de Slash). Petite faute de goût cependant, cette guitare double manche acoustique/électrique complètement interdite par le comité du bon goût pendant « Anastasia ». Mais c’est bien vite pardonné. Eh oui, je sais être indulgent. Bref, un set sans surprise pour les aficionados, un concert mêlant nouveautés et nostalgie et une usine à tubes pendant soixante petites minutes. Cinquante-huit pour nous car, je te le rappelle, nous sommes stratégiquement organisés, et nous sacrifions la fin de l’époustouflant « Paradise city » (là où l’herbe est verte et les filles sont jolies) pour rejoindre au pas de course la Warzone où débutera dans vingt-sept minutes un autre concert très attendu.
ne rechigne pas devant un gros « Cop killer » joué avec rage, et alors que les gendarmes se promènent non loin de là. Juste parfait. « Thank you Hellfest, we love you ! ». Ouais, nous aussi, Ice, nous aussi. Concert baston de Body Count qui a fait forte impression pour ceux qui ont eu la chance d’être présents. Ou plutôt ceux qui sont été assez malins pour délaisser les groupes de métol pour prendre une leçon de violence urbaine. Car Body Count fait bien plus peur que dix Slipknot ou vingt Cradle of Filth.
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Je suis précis dans les horaires, car si nous avions pris notre temps, nous n’aurions certainement pas réussi à pénétrer dans l’enceinte de la scène dédiée au punk et au hardcore. Car ça se bouscule au portillon pour ne pas rater LE concert évènement de cette journée qui sera l’un, si ce n’est LE meilleur concert de ce festival. Body Count is in the house motherfucka ! Un autre sbire du staff tente de refourguer ses casquettes et nous retrouvons Benjamin Donuts pour la grand-messe gangsta de la journée. Ce soir, la Warzone portera parfaitement bien son nom. Le public est électrique, tout est prêt pour se prendre une bonne rafale de rap hardcore dans la tronche, et nombreux sont ceux qui n’arriveront pas à assister au concert qui aurait mérité une MainStage (mais d’autres artistes ayant été booké sur les grandes scènes en même temps, le festival n’aura malheureusement pas pu offrir cette opportunité au groupe et au public). Le groupe déboule sur scène sur fond de coups de flingues et de sirènes de police, le ton est donné, et le maître mot de ce concert sera VIOLENCE. Violence dans la musique, violence dans les propos, violence dans le pit, et si nous étions armés de calibres, Ouest France aurait pu titrer sur un carnage au Hellfest. La puissance dégagée par le groupe est tout simplement bluffante, Ice T (que nous surnommons entre nous Thé Glacé) n’est décidément pas en mode « New York Unité Spéciale » mais plutôt en version « LA bitchin’ motherfucking bitch ». Les gars ne font pas semblant, un rejeton du Grand Ice (après le Grand Ace, je me suis pas foulé, je sais) se fait buter par son père sur scène sur fond de grosse caisse imitant à la perfection une rafale de balles, le frontman rend hommage à une jeune fille au premier rang en lui assurant qu’elle peut dorénavant l’appeler Tonton Ice T. Ha ha, la gamine peut dorénavant se promener n’importe où sans embuche, elle est protégée par le gang de LA ! Entre deux missiles hardcore, Ice T explique à son auditoire qu’il a changé de nom et qu’il faut dorénavant l’appeler Ice Motherfuckin’ T bitcha ». Ok chef, pas de problème. Le dernier opus de Body Count est malheureusement peu représenté dans la setlist, mais le terrifiant « Talk shit, get shot » (tout un programme) est exécuté à un tempo moins soutenu que sur le disque, et est propice à un wall of death généreusement suivi. Le basse-batterie tabasse, les guitares sont tranchantes et le groupe, qui termine son tour européen de 21 dates en 21 jours, fait une énorme impression et remporte tous les suffrages. Bonne surprise, Body Count envoie un violent « Disorder », titre ayant fait l’objet d’une collaboration avec Slayer pour la BO de Judgment night dans les 90, et bien que l’on puisse déplorer l’absence de « Born bead » pour achever le concert (et le public !), on
On se remet doucement de la claque infligée par le gang de LA, et en checkant le running order, une sueur froide envahit mon corps qui n’avait décidément pas besoin de ça : Orange Goblin vient de démarrer son concert sous la Valley. Je t’avais dit que la journée du samedi était très chargée, et je suis encore dans le trip du concert de Body Count quand je traîne mes camarades au groupe de stoner rock anglais. J’ai découvert trois ans plus tôt ce groupe sous cette même Valley, et j’avais été agréablement surpris par ce groupe qui développe une belle énergie. Et même si l’eau a coulé sous les ponts (c’est à dire un nouvel album intitulé Back from the abyss après un excellent live reprenant notamment des extraits du concert du Hellfest 2013 et dans lequel on aperçoit notre ami photographe Christian Ravel !), la prestation pour ce cru 2015 est d’une constance implacable : setlist impeccable, son de démolisseur, gros charisme du chanteur qui va chercher ses spectateurs, grosse envie du groupe qui est ravi de se produire une nouvelle fois à Clisson, guitariste inspiré et basse-batterie en mode rouleau compresseur. La Valley, pleine à craquer, vit une nouvelle fois un grand moment et le public ne s’est pas trompé en accueillant chaleureusement un groupe authentique amoureux des riffs gras et percutants. Une bête de scène sans cornes mais avec plusieurs cordes à son arc magique. La machine Faith No More est en action sur la MainStage mais nous délaissons la bande de Patton pour se prendre une raclée au concert de Madball. Passer après Body Count n’est pas chose facile, et Jérémie craignait de trouver Madball un poil en dessous. Eh bien, pas du tout, Madball a lui aussi tout défoncé. En mode grand survêt’, il est temps de prendre du New York HardCore à fond dans la tronche. Et si tu ne veux pas avoir mal partout, mieux vaut se reculer un peu du pit. Autant j’adore le HxC, j’ai grandi avec, autant je déteste tous ces bas du front hyper violents qui dansent comme des champions de kick boxing ! Et moi, ça tombe bien, même si j’ai le crâne rasé par défaut, je ne porte pas de marcel et ne
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joue pas les gros bras ! Donc mieux vaut que je me recule pour apprécier. Mention spéciale pour l’intro de leur dernier album paru en 2014 : Hardcore lives, qui, sur disque ou en live, défonce ! Les gars n’ont pas envie de rire, et dans un délire complètement différent de Body Count, nous prenons littéralement une grosse leçon de violence et d’énergie. Le concert se termine, et pendant que nous quittons la Warzone, nous profitons du ciel étoilé pour un splendide feu d’artifice. Pendant près de vingt-cinq minutes, les artificiers de Jacques Couturier Organisation offrent aux festivaliers un spectacle haut en couleur sur fond de bande son de Queen, AC/DC et Slayer. Les concerts font place nette à ce très beau spectacle, si bien, qu’il est impossible de circuler pour rejoindre le VIP. Un vrai bordel pour circuler mais un réel plaisir pour les yeux. Magnifique cadeau pour fêter dignement les dix ans d’existence du festival. Si bien que les producteurs de Scorpions, groupe qui prendra le relais, seront vexés de ne pas avoir été prévenus du gigantisme de ce feux d’artifice, le groupe déployant son propre spectacle de pyrotechnie en fin de show, et tu te doutes bien qu’ils passeront pour des petits bras après celui développé 90 minutes plus tôt. De peur de se faire piquer par ces vilaines bêtes, nous délaissons Scorpions pour profiter du VIP qui commence à se remplir de poseurs en tout genre, et ma casquette de Body Count ne peut malheureusement rien contre ce défilé de zombies imbibés de bières. DJ Mike Rock va prendre possession des platines pour un mix rock métal, et nous préférons rejoindre la Valley pour la fin du set de Triggerfinger. Benjamin a pensé beaucoup de bien de ce groupe de stoner en costume proche de Queens of The Stone Age, et je regrette un peu de ne pas avoir vu plus de titres de ce concert. Les groupes qui font peur semblent attirer Bir qui n’en loupe pas une miette (mais comment fait-il ?) : - la musique ultra datée et sa mise en son d’un autre temps ont apporté au japonais de Coffins le lustre d’Obituary mais avec moins d’envergure. Le groupe a pourtant fait office d’arc boutant pour sa façon de se donner à fond dans la démonstration de leur condensé de death, doté d’une beauté macabre et malsaine très attirante. - à une époque, Mayhem faisait claquer le dentier des pieuses grenouilles de bénitiers, aujourd’hui la musique extrême est passée par une mutation génétique que la surenchère de sa violence ne semble plus attirer les nouvelles générations. Pourtant les cimetières regorgent de ces groupes vampiriques dont l’étalage hor-
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rifique tient le siège d’une arrogance perdue à la théâtralité surannée, dont je me délecte avec saveur de leur outrage. Dernier bastion de Norvège, la légende a donné raison à Mayhem tant les démons chantants ont bravé les hymnes infernaux sur le charnier crépusculaire. Si la jeunesse s’était rassasiée avec Finntroll, les sages assouvissaient leur pulsions macabres dans l’amphithéâtre obséquieux du black enivrant de Mayhem. La messe était dite, ainsi soit-il pour des siècles et des siècles. - la Tampa bay style d’Obituary a prouvé une fois de plus de sa libre interprétation des thèmes de décomposition tissulaire narrant l’édifice death imputrescible et de son mausolée musical. Autant vous signifier que le set fut gigantesque, témoin d’un trip rationnel, sans esbroufe, techniquement lumineux, implacablement jouissif pour qui aime le death lourd, épais, tendu, au groove tenace, tel que les légendaires Obituary en apposent le sceau depuis pfiouuuuuuuuuu... Bir poussera même le vice à se taper (enfin, façon de parler !) Marilyn Manson : délivrant l’attitude d’un pétomane, le provocateur Marilyn Manson a compris lors de son désastreux précédent passage en terre clissonaise qu’il fallait apporter un peu plus que sa présence pour contenter l’exception culturelle des Français. Pour ce fait, le grand dadais à l’œil torve a prouvé qu’il avait le talent d’une loutre si on le comparait à l’immensité scénique d’Alice Cooper. Le côté dérangé de l’empereur des ténèbres aura pu contenter ces fans de la première heure en transit de purgatoire, tel des raéliens attendant leur vaisseau spatial. Pour le reste du public l’attente fut longue d’atteindre cette part de schizophrénie que l’on nous a annoncée à l’époque pour nous vendre le psychopathe Marilyn Manson. D’ailleurs on attend toujours c’est dire. Le détestable Marilyn Manson a gagné avec son exagération, car on le hait, centré sur lui-même la discussion tournait autour de sa personne, seul véritable centre d’intérêt, mais il continue de fasciner jusqu’à sa prochaine extinction. De notre côté, et plutôt que de se farcir le mauvais Marylin, nous préférons sans hésitation aller à la rencontre des précurseurs du black metal dans son idéologie. Venom est de retour en France après une longue absence, et le trio maléfique va délivrer en pleine nuit un set dévastateur. Le visuel fait de pentagrammes est minimaliste mais clairement évocateur, et ce power trio, entre un motörhead de la grande époque et un Judas Priest inspiré, fait mouche. Le groupe qui a in-
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venté le heavy metal version « méchanceté » et look de barbares. Quelle prestance de Cronos, vieux loup dégarni qui surbourrine autant sur sa basse que dans sa manière de chanter. Gros, gros niveau également du batteur et du guitariste. En tout cas, malgré la fatigue, j’ai vraiment réussi à apprécier, comme quoi la musique a vraiment un côté « magique ». Tu es rincé, tu as les oreilles qui saignent, des ampoules plein les pieds, des coups de soleil qui te font souffrir, trop d’alcool dans le sang, bref, une seule envie : aller te coucher. Et tu passes faire un tour au gig de Venom et là, tu ressens un truc qui te rebooste et te file la patate tellement c’est bien exécuté. Du coup, tu te prends pour un viking, tu as envie de faire la guerre et de boire des liqueurs dans des grandes cornes ! Merci les gars, j’ai passé un bon moment en votre compagnie ! Respect aux pionniers, Vain Dieu !
Pendant ce temps, Benjamin n’a pas eu assez de NYHC dans la che-tron et s’est offert un petit plaisir avec Biohazard. La Warzone est blindée, et le groupe est en pleine forme, en proposant un show percutant à base de son énorme. Les trois zicos sur le front de scène sautent partout, et Billy, le guitariste chanteur, ne tient pas en place. Et même si les gars courent d’un bout de la scène à l’autre, c’est hyper en place. Le public est à bloc, et une partie de l’assistance ne se fait pas prier quand le groupe invite quelques gugus à faire du stage diving. Sauf que les gars n’ont pas réussi à maîtriser la quantité de fans qui préféreront rester sur stage et slammer entre eux ! Le groupe n’est pas perturbé, mais le gars de la sécurité chargé de gérer le bordel va vite lâcher prise. À la fin du morceau, personne ne descend, et Billy, à la limite de l’énervement suite à la situation qu’il a créée de toute pièce, tente de ruser en proposant un circle pit devant la
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scène. Sauf que les fans présents sur la scène n’ont pas coopéré. Il a fallu quelques minutes et un dégorgement du plateau pour que le concert reprenne de plus belle. Un groupe hyper en place musicalement, mais à qui on ne confiera pas les animations de son mariage ! Ce deuxième jour a tenu toutes ses promesses, et nous sommes complètement rincés en rejoignant notre camp de base de luxe. Rincés, mais satisfaits d’avoir pu assister à de nombreux concerts de grande qualité dans un environnement propice et une affluence massive mais disciplinée et bon enfant.
> DIMANCHE 21 JUIN 2015 Dernier jour de festival, et même si la fatigue commence à se faire sentir, nous partons motivés comme jamais vers Clisson (hard) Rock City. Comme un fait exprès, la programmation du dimanche est un peu plus light en ce qui concerne nos goûts. Ce qui va nous permettre d’aller flâner un peu et de rechercher de belles découvertes au gré de nos pérégrinations Hellfestiennes. Sur les conseils de Christian et de notre ami Dick Early Grave, nous prenons place devant la MainStage 2 pour le concert de Iron Reagan. Rien que le nom me plaît. Ce groupe, comptant dans ses rangs des membres de Mu-
nicipal Waste, Cannabis Corpse et Darkest Hour, compte bien foutre le bordel à 10h30 devant un auditoire plus que clairsemé. Mais les gars, qui sont en tournée européenne, n’en ont rien à branler et vont faire leur truc à l’ancienne. « C’est cool de jouer ici ce soir, enfin, ce matin ! ». Le ton est donné, le fun se marie à merveille avec le thrash metal envoyé à mille à l’heure et couplé à des riffs rock ‘n’ roll. Concert à la fraîche, dernier jour, autant dire qu’il fallait se motiver pour les voir avec la fatigue et les hémorragies successives de nos oreilles ! Et Jérémie n’a pas regretté d’avoir mis son réveil : gros son, attitude coolos, fast and furious, le coté beauf et voitures de sport en moins ! Guitares pointues, morceaux courts et rapides, bref, un régal. Idem, un groupe à voir en salle, je ne les louperai pas ceux-là, même si je dois me taper des bornes. En tout cas, le côté « revival » du style, je m’en branle. Je sais que les coiffeurs du rock sont revenus à la mode, mais si c’est bien fait, et c’est le cas, j’approuve à 100%... Pour les gratteux en herbe (et même les confirmés) qui veulent bosser du Iron Reagan, vous allez saigner du poignet, ça speeeeeeeeeeeeeed !!! Au même moment, sous la Valley, les Français de Witchtroat Serpent ont psalmodié leur instruction Electric Wizardienne devant une affluence restreinte, ce qui ne les a nullement empêché de suspendre une lourdeur
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apoplectique à leur doom incantatoire, aussi malsain que boueux. Hawk Eyes prend le relais sur la MainStage voisine dans un tout autre genre. Le groupe anglais (dont le chanteur arbore fièrement un magnifique tee-shirt Therapy?) mélange les codes en proposant un mix de rock et de stoner, avec une pointe de hardcore dans la voix. Clairement, ça riffe dans tous les sens mais les voix ne sont pas toujours en place dans les refrains. Mais on s’en contentera ! Du côté de la Warzone, Bir s’est régalé ! Gros choc énergétique avec les Franciliens de Birds In Row et leur bourrasque scremo. Le trio s’est donné à 200 % et il était très appréciable d’entendre, de voir cette passion viscérale sur scène encore vierge de tout égocentrisme professionnel. Le groupe a démontré sa spontanéité scénique tout aussi explosive que leur musique émotionnelle dont l’impulsivité nous a sauté au cœur. Sous la temple, un quatuor de glam s’est présenté sous le nom de Tribulation et a joué la déférence que l’on doit aux maîtres des catacombes, en conférant à cet instant précis la beauté sombre d’un rite de magie noire. Oui je le redis à toute fin, mais le dernier album de Tribulation le bien nommé The Children of the Night leur profère une esthétique de death black progressiste que la prometteuse attente suscitée s’est confirmée avec un set concluant l’audace formelle de découvrir un groupe fortement séduisant. Plutôt que d’entendre mon copain Jérémie se moquer de Eths, on préfère aller se désaltérer et en profiter pour faire le tour de Hell City Square que nous découvrons pour la première fois du week-end. Comment est-ce possible ? Et bien tout simplement car nos accès Presse nous permettent d’accéder au site par la voie technique et du coup, nous n’avons pas encore profité des réjouissances extra Hellfest. C’est donc chose faite et nous faisons le tour des « stands/boutiques » Gibson, Marshall, Doc Marten’s et autres. C’est convivial et ça permet de faire un break qui est appréciable. C’est là également qu’est délocalisé pour la deuxième année consécutive (à mon grand regret, il faut bien le dire) l’Extrem Market, endroit surprenant et passionnant où le festivalier peut aussi bien acheter toutes sortes de disques et de frin-
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gues, que des cornes pour boire du lait (ou de la bière) et même du matos de batterie et de guitare. Il y a de quoi trouver son bonheur, mais il est conseillé de venir en tout début de journée ou pendant une grosse tête d’affiche, car ça se bouscule pas mal à l’intérieur. Je tombe sur un recueil de dessins agrémentés de textes sous forme de review des trois dernières éditions du festival, que je vous recommande (Welcome to Hell(fest) aux Éditions du Blouson Noir), et nous profitons de l’ombre pour récupérer un peu d’énergie avant d’enchaîner à nouveau les concerts. Nous retrouvons la MainStage 1 pour le concert de Red Fang. J’avais beaucoup apprécié leur concert d’il y a
deux ans sous la Valley, et les programmateurs ont offert la grande scène à ce quatuor qui, selon moi, la mérite amplement. Le stoner rock pachydermique fait son petit (ou son gros) effet, et même s’il ne se passe rien de bien folichon sur scène, le groupe enflamme littéralement une assistance déjà cramée par un soleil de plomb. Bon, Jérémie n’est pas vraiment d’accord avec moi : Pffffffff fffffffffffffffffffffff, définitivement, je ne comprends pas ce groupe. Ni toute l’agitation autour. J’ai plein de potes qui se branlent sur Red Fang, je ne capte pas pourquoi autant d’excitation... Mais comme je voulais me faire ma propre idée, je suis quand même allé voir. Je connais mal leur discographie, je sais juste qu’ils ont trois albums au compteur pour en revanche une dizaine de vidéo clips. Ca résume ce que j’en pense. Sur scène, des bons riffs de temps à autre, il faut l’avouer, mais des morceaux hyper chiants dans l’ensemble, enfin de mon point de vue. Red Fang ? RED FUMISTERIE plutôt !!!!
Pendant ce temps, OFF! envoie du côté de la Warzone, et on ne se fait pas prier pour aller écouter un peu de punk rock. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Malheureusement, nous ne verrons que la fin du concert, mais j’ai tout de suite capté le délire : quatre accords de punk rock enchainés sans artifice. La base. Et finalement, c’est tout ce qu’il faut dans ce festival où les solos de 666 notes sont légions. Par une curiosité non feinte, Bir est allé assister au set de Ne Obliviscaris, sa méconnaissance de ce sousOpeth de troisième division ne l’a pas convaincu de la possibilité équanime d’acheter un de leur album, tant la pénibilité d’ouïr de quelque chose d’appréciable s’est fait jour. L’apport d’un violon n’étant pas étranger à ce malaise. Tout de suite après, le trio néerlandais de Carach Angren a manifesté son dévolu scénique par des réflexes autoritaires qui consiste à souhaiter que leur vision soit majoritaire, de manière à l’imposer par le simulacre au plus grand nombre. Leur black symphonique a pu juguler son intransigeance tout comme son apport féerique, Tolkienisant l’assemblée de cette ostentation passionnelle pour les anneaux, et de telle sorte que je ne pourrais jamais faire des noces avec eux. De notre côté, nous regagnons la Valley assez clairsemée en ce début d’après-midi pour retrouver Russian Circle. Il est bon d’assister à un concert abrité du soleil, et même si le post rock et le post hardcore ne font pas partie de mes styles de prédilection, la lourdeur de la
basse et la surpuissance de la guitare auront un effet assez bénéfique sur ma petite personne. Au milieu de cette déflagration sonore, les passages arpégés et mélodieux font de Russian Circle un groupe hypnotique et captivant. Le public arrive au compte-goutte au fil du concert, et le trio de Chicago recevra une belle ovation à la fin de son set. Une ovation bien méritée.
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Bir n’aime pas la mode. Du coup, plutôt que se farcir la dernière sensation rock, il a préféré se rappeler à ses vieux souvenirs : les anciens de Sup ont réussi avec franchise à ressortir la funèbre découverte du corps morose d’une musique froide typée eighties entre Type O Negative et Gojira. Si la présence scénique est très limitée pour ces grands timides, leur musique envoûtante fait la part des choses même si il s’avère difficile d’accès en pleine journée, dans un festival, pour apporter toute la pleine caractéristique des atmosphères glacées du groupe nordiste. Le groupe de black Khold, quant à lui, a fait fondre sa musique avec le son caverneux typique du sauvage. Capitaine Caverne aurait déboulé à ce moment-là en gueulant son crie guerrier que je n’aurais pas été surpris, tellement c’était primitif.
Nous laissons passer le concert de Snot sous la Warzone pour rester du côté de la Valley et profiter du calme relatif du changement de plateau et discuter avec Benjamin que nous avons retrouvé, ainsi que l’ami Bir. Pendant ce temps-là, Weedeater s’installe et fait son linechek. Hum, ça s’annonce bien fumeux, cette histoire. Sauf qu’en fait, on va se prendre une claque monumentale. Aussi bien musicalement que visuellement. Au niveau du son, je dirais : sludge gras et épais. Ok, tu as capté le délire ? Ce n’est pourtant pas compliqué, comme on dit dans l’Est, ça surbourre. Pas étonnant vu la lourdeur et la surpuissance du bordel. Le chant connoté black métal passe étonnamment bien avec ce style, et l’ensemble est atomique. La basse est hyper forte, et la guitare est inaudible tellement le son est travaillé dans le bas. Ca ronfle à la place de crier. Tout le contraire d’un bon vieux AC/DC quoi ! Mais le résultat est hyper impressionnant quand même, ça groove au taquet car les tempos sont lents et ça joue vraiment au fond du temps. Du coté visuel, la formule du trio américain détonne autant qu’elle étonne : guitariste et bassiste de face (jusque-là, ok) et batteur de profil, au même niveau que ses compères et tournant le dos au bassiste chanteur/hurleur. Bon, là, ça change. Sauf que ledit batteur assure à lui seul le spectacle : en plus des roulements de baguettes à tout va (jusque-là, ok-bis), il tape son charleston avec... le pied ! Des grands high kicks dans la ferraille quoi ! Ouf ! Sur scène, ça ne rigole pas. Le bassiste à l’air complètement cramé (Christian nous le confirmera en nous racontant quelques anecdotes croustillantes à son sujet) et clairement, on est là pour s’en prendre plein la tronche. Et c’est tant mieux. Et bien que ce soit la même formule à chaque morceau, on passe un excellent moment, tout comme un public tout aussi conquis que bluffé. Bravo les gars ! Le post punk de Grave Pleasures (ancien Beastmilk) n’était pas du tout en place, sans fluidité en début de concert. Le groupe créant la surprise de jouer sur la scène où les black métalleux exhalent leur office suprême, la stupéfaction dissipera le doute pour que les Finlandais s’épanouissent et apposent à leur Joy Division spirit l’exubérance indispensable à leur post punk.
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On passe du côté de MainStage 2 pour s’apercevoir que même sans Garry Holt (embauché à plein temps chez Slayer), Exodus balance toujours un thrash métal brillant et efficace. On ne verra que la fin du set, mais c’est suffisant pour s’assurer que ça fonctionne toujours. Et c’est tant mieux. On joue ensuite à pile ou face pour savoir si on va voir les Ramoneurs de Menhirs (heureusement, la pièce de monnaie est truquée, et on s’évite une leçon de biniou) qui affichent ultra complet, et on va traîner du côté du VIP. On squatte deux transats laissés à disposition par le bus Gibson en dégustant une glace, mais une préposée du fameux bus Gibson nous demande, un peu confuse, de laisser les transats libres car une interview va être réalisée à cet endroit. Pas de problème ma belle, on te fait place nette et on va manger notre dessert debout. Sauf que la moutarde nous monte au nez quand on réalise qu’on a laissé nos précieuses places pour que le mauvais Didier Wampas pose son fessier au frais. On en profite pour glisser à la nana de Gibson que c’est un comble de laisser nos places à un mec qui joue sur de mauvaises Squier à 200 balles. PARVENU ! Après ce bon moment de rigolade, on rejoint de nouveau la Valley pour le concert de Eyehategod. Tout le monde (ou presque) connaît le quintet de la Nouvelle Orléans, sauf moi. Enfin de nom. C’est déjà pas mal non ? Et puis merde, on ne peut pas tout connaître ! Bref, pardon, je
m’égare. Ça démarre au quart de tour à base de crossover slugde/hardcore gras et malsain. Et ça enchaîne sans sourciller sur le même rythme pendant 50 minutes. Les riffs plombés et largement inspirés de Black Sabbath se conjuguent avec brio au chant hardcore de Mike IX William. (Encore un) très bon moment passé sous la Valley. Pile à la même heure, l’événementielle venue de Nuclear
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Assault a suscité plus d’enthousiasme que de désolation dès l’apparition de ce fantôme que l’on croyait défunt. Il faut dire que ce second couteau du thrash des 80’s a fortement couvert de sa renommée post mortem, au point de revenir nous faire son chant du cygne. Couillardise, sincérité, pour un set de branleur qui a fait briller un thrash oldschool pour les nostalgiques d’une jeunesse lointaine. Le pit était grisonnant, le combo jouant sans artefact, parfois à côté des pompes mais qu’importe, c’est fait Nuclear Assault a joué pour nous son dernier numéro de trapèze hurlant, sa clownerie punk thrashy, c’était comme on l’avait imaginé bordélique à souhait. On utilise la même pièce de monnaie que tout à l’heure pour savoir si on ira placer des pétards dans les pieds de Didier Wampas, et le sort nous épargne ce mauvais moment. Christian me dira qu’il a passé un bon moment à ce concert. Soit. Nos amis ne sont pas parfaits. Du coup, je vais taper le brin de causette avec mon copain Xavier, émérite fondateur du webzine E-zic que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Si tu es curieux, tu trouveras sur Wikipédia un article qui décrit comment le W-Fenec écrasait déjà la concurrence à l’époque, et a enterré bien malgré lui cet excellent webzine qui traitait de la scène française. Bon, il est possible que tu ne retrouves pas cet article en ligne, mais sache que c’est vrai. Demande à Oli ou à Pooly (mais pas à Xavier). Je quitte mon ancien confrère qui ne manquerait Cavalera Conspiracy pour rien au monde (quand je te dis que les amis ne sont jamais parfaits) et je rejoins les frangins volants près de la Valley où Life of Agony s’apprête à délivrer un concert énergique et inspiré. Mais pendant que le groupe s’installe, on ne peut pas échapper à Alestorm qui délivre une prestation qui restera à coup sûr dans les annales du festival, tellement le groupe a fait forte impression devant un public aussi nombreux que conquis. Bon, il faut dire que le groupe écossais joue du « pirate metal ». Ah si si, je te jure. Le « pirate metal » est, selon Jérémie, le mix parfait de JeanMichel Jarre et de Venom. Le chant guttural mixé à la musique de druide (et une guitare clavier complètement dégueulasse) remporte un franc succès auprès des festivaliers qui exultent devant l’un des plus gros succès du festival. En mode magiciens d’Oz, les musiciens font un carton total. Et nous, pendant ce temps-là, on se marre ! Bir, lui, n’a pas envie de rigoler : et voilà que cela recommence à s’agiter dans la forêt de Brocéliande chère au hardos d’ADX, car Alestorm est dans la place. Sauf que nous sortons des bois pour flotter avec les Ecossais et leur septentrionale musicalité festive de corsaire. Cette
Mais retour aux choses sérieuses. J’aurais pu te parler moi-même de la prestation de Life of Agony, mais Jérémie le fera mieux que moi : merci mon Dieu de m’avoir permis de voir au moins une fois dans ma vie Life of Agony. J’ai adoré ce groupe, je l’adore toujours. Certains de leurs albums ont beaucoup tourné dans mes platines. Tout une époque, celle de Nirvana, Therapy?, Baby Chaos. .. entre autres. LOA, c’est le groupe de Monsieur Caputo, très, très bon vocaliste aux mélodies imparables. Ou plutôt devrais-je dire Madame Caputo car le mec n’est plus un mec. En effet, quelques opérations chirurgicales sont passées par là. C’est à Mina Caputo qu’il faut dorénavant s’adresser. Très féminine sur scène, mais toujours le même timbre de voix plutôt « masculin » quand même. Chacun son délire comme on dit !!! Moi je n’ai pas trouvé ça dérangeant puisque ça chante toujours aussi bien. D’autres un peu plus « réac’ » voir « extrême » m’ont quand même sorti en parlant de cette transformation : « comme le chanteur de Against Me! : caprice de star !!! » Humour ou pas ? Chacun son seuil de tolérance, ma foi. Hey mon pote, tu ne voterais pas un peu trop à droite toi ? Life of Agony, c’est aussi le groupe du batteur Sal Abruscato, qui officiait dans le temps dans Type of Negative et qui a récemment monté son propre groupe au sein duquel il est devenu guitariste chanteur : A Pale Horse Named Death, dans le même délire qu’Alice In Chains. Mais revenons à nos moutons et plus précisément à leur prestation, pour moi la meilleure du weekend juste après Body Count. Beaucoup de morceaux du 1er album, River runs red, sorti en 1993, et pas mal de celui de 1997 avec lequel ils ont explosé : Soul searching sun, et seulement un titre du dernier opus datant 2005 : Broken valley. Seule déception de ce concert car j’adore ce disque. En même temps ils ont joué LE tube de cet album : « Love to let you down » mon morceau préféré du groupe ! Petite anecdote : en plein milieu du concert, Mina Caputo est descendue dans le public, a piqué une banderole à un fan où il était inscrit dans un anglais peu conventionnel mais tout de même compréhensible
« merci Life of Agony, 22 ans que j’attendais de vous voir. ». Grand moment, l’écriteau est brandi sur scène, et Madame a du finir son morceau assez émue. Globalement, le son était juste parfait, énooooooooooorme son de gratte (un seul guitariste : Joey Zampella, sorte de monstre du NYHC qui n’oublie pas les mélodies), basse /batt puissant, et le chant hyper juste. Bref j’ai surkiffé ! Un saut dans l’espace-temps, ce concert. Public clairsemé forcément, en 2015. Mais que des mecs comme moi au premier rang, complètement passionnés par ce putain de bon groupe. Back to the 90’s, ma décade définitivement préféré du rock n roll.
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musique inodore a le paradoxe de puer tant elle prive tout flair musical à échoir dans la puanteur de son insipidité. Néanmoins ma critique réactionnaire prévaut par son incompréhension, ce qui n’était pas du tout le cas pour la jeunesse qui se reconnaît dans ce sens de la communion et de la fête, fuyant la musique trop sombre, atrabilaire, extrême, pour se lover dans la bringue tant l’époque pessimiste, permissive, la prive de ce genre de sensation au quotidien. J’en comprends la teneur fédératrice mais tout de même, merde, Alestorm les gars, faut pas exagérer !
Bir s’attendait à une boucherie, et le set de Cannibal Corpse fut un abattoir. Paupiettes de riffs, tripes rythmiques contre les murs, marécage de sang vocal, aucune désinvolture scénique, le band était arrivé pour ouvrir le corps d’une musique où les viscères y tiennent lieux de souffrance et de jouissance horrifique. Maintenant reste la question essentielle : Le temps d’incubation pour tout digérer ? On rejoint d’un pas soutenu la Warzone pendant qu’Epica « brocélise » le public des Mainstages, et on arrive au début du set d’Exploited. Merde alors, encore une légende du punk rock au Hellfest. Le quatuor est énervé et résigné, et balance des brûlots rapides, sales, sauvages et agressifs. La crête rouge de Wattie Buchan fait son petit effet, et les solos de guitare flirtent avec le métal. Perso, j’ai vite fait le tour du bordel, mais le pit s’en est donné à cœur joie. Profite bien de ces quelques lignes qui vont suivre, car c’est peut-être la dernière fois que tu entendras du bien de Epica dans ces pages : Epica? Maaaaaaaais ce n’est pas ce groupe qui a chanté à l’Eurovision pour le compte de l’Estonie en 2010 ? Ah non c’était Lordi pour la Fin-
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lande en 2006 ducon. Et bien il aurait pu, je lui file 8 points. Car contre toute attente, si le symphonique m’horripile, Epica de par son imposante stature professionnalise, son intégrité, la brillance de sa sincérité m’a indubitablement satisfait. Je passe outre la musique mais je reconnais bien volontiers avoir été surpris de manière positive par leur set, d’ailleurs je pense que le groupe était lui aussi étonné par la ferveur du public. J’y vois aussi la fin du week-end, et au public le soin de finir en beauté en profitant jusqu’à plus soif de chaque seconde restante. Le soleil a du taper sur le crâne de Bir : certains esprit troublés racontent que la silhouette noire de Lucifer a été vue en train de danser le moonwalk diabolique pendant le culte de Samael et sa teknö industrielle, faisant bouger les corps des enceintes pour un concert où Satan était teufeur. Je passe l’épisode Limp Bizkit que j’ai vu au Sonisphère il y a deux ans et qui m’avait fait forte impression, pour rejoindre la Valley pour le concert de Saint Vitus que j’ai vu ici même il y a trois ans et qui m’avait fait... forte impression. Mais alors, pourquoi Saint Vitus et pas Limp Bizkit ? Mais je t’en pose des questions, moi ? Bref, plutôt que de m’énerver, je préfère me relaxer en te parlant de la prestation du groupe de doom californien. Comme à l’accoutumée, la guitare et la basse sont grasses à souhait, la batterie est lourde et le chant hypnotique et mélodique se mêle à merveille au rythme mid tempo démoniaque. L’imagerie black métal de la typographie du groupe tranche singulièrement avec le look hippie du charismatique guitariste Dave Chandler, qui est enchanté de fouler une nouvelle fois les planches du Hell-
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fest, à tel point qu’il ne manque pas de couper la parole au chanteur quand ce dernier intervient entre les morceaux. Quelques riffs punk rock agrémentent l’ensemble, et on s’étonne d’entendre le groupe qui peine à être synchro sur un morceau. Le batteur n’utilise pas de pratos et joue au même niveau que les autres musiciens. Les passages rapides offrent de belles respirations dans ce méandre de lourdeur. Le groupe pioche dans toute sa discographie et fait passer aux festivaliers un agréable moment. Le concert se termine sur un solo de guitare bruyant et pesant que Chandler termine dans le public, fier et heureux de son effet. Y a pas à dire, cette scène de la Valley ruissèle de groupes aussi talentueux les uns que les autres. Rise Against ayant annulé à la dernière minute, et les organisateurs n’ayant pas pu pallier cette défection, NOFX voit son horaire avancé de deux heures pour clôturer les festivités sous la Warzone. Le groupe, qui avait joué devant énormément de monde au même endroit il y a deux ans, est bien décidé à foutre un bordel sans nom en ce dimanche soir, et même si on est bien rincés, on ne manquera pas ce concert qui s’annonçait. .. bah on ne sait pas, car le groupe n’est pas ce qu’on pourrait appeler une formation constante. Aussi, je redoute d’assister à un show pénible, mais il en sera tout autrement ! Jérémie en parle mieux que moi : la première fois que j’ai vu NOFX, c’était il y a 21 ans, ça ne me rajeunit pas. J’ai donc adopté l’attitude d’un gamin de 15 ans, l’âge que j’avais à l’époque. Air guitar, sauts de cabri, et refrains scandés à voix haute ! Voilà à quoi j’ai joué pendant le set du meilleur groupe de punk rock version Californie ! Avec NOFX, c’est tout ou rien. Pour les avoir vus plein de fois, soit ça joue, soit ça raconte (trop) de(s) conneries sur fond d’alcool. Là, ça a joué grave ! Superbe setlist : énor-
A l’autre bout du festival (ou presque), Bir a été sublimé : le sang et les larmes couleront encore après le set de Triptykon. Orfèvre suisse de la nuit froide et de la pluviométrie dark, le groupe a craché une vérité sur cène comme l’on va à confesse. Le goût de cette vieille chose musicale est rassurant. Elle prolonge le temps d’une saveur nostalgique à jamais éternelle, car son souffle juvénile nous annonce que la vie d’avant n’est pas finie, qu’elle ne fait que nous poursuivre avec ses fantômes, avec lesquels nous nous sommes édifiés, sans jamais oublier l’émerveillement de notre rire de gosse. On passe à côté de Korn sans que cela ne nous fasse ni chaud ni froid pour rejoindre la scène Altar (oui oui !) pour le concert de Arch Enemy. C’est pas vraiment moi qui ai choisi ce dernier concert, mais plutôt mon camarade Jérémie : « Quoi ? Mais tu es complètement chaud mec, tu veux aller voir Arch Enemy ? Voilà ce que je me suis pris dans les gencives lorsque j’ai émis l’éventualité d’aller voir ce groupe ! Et bien cher ami, allez bien vous faire mettre, oui je vais aller le voir ce putain de groupe !!! Question piquante, réponse adaptée !!! Fort heureusement, les boutades sont fréquentes entre potes et tout cela n’était que du second degré. Mais pourquoi aller voir Arch Enemy ? Plusieurs raisons à cela, et notamment parce que : - J’adore le guitariste Mike Amott (Carcass, Spiritual Beggars que j’adore) - Ça joue grave, c’est ultra mélodique et oui, j’aime ça ! - J’ai écouté le dernier album, je me suis surpris à l’apprécier. - Et ça joue dans ma petite ville à la rentrée, je voulais voir si j’irai, réponse : Oui ! Bon, mon pote Jérémie a raison, ça joue vraiment bien. Et même si l’un des intérêts premiers du groupe est sa chanteuse aux cheveux bleus qui hurle plus fort que moi, les musiciens qui envoient la sauce derrière sont
tout simplement monstrueux ! Ce n’est clairement pas ma tasse de thé, mais un peu de violence et de guitares pointues, ça fait parfois du bien par où ça passe.
HELLFEST 2015
mément de vieux morceaux de Punk in drublic, album paru en 1994 et qui reste quand même l’album le plus tubesque à ce jour du quatuor ricain. Franchement, finir le Hellfest avec NOFX, c’est comme tomber sur le caramel au fond d’un Flambi, ça s’apprécie ! Faut dire qu’il a raison Jérémie : le boulot des voix est réalisé à la perfection, les riffs sont exécutés sans couac et les blagues plus ou moins drôles fusent (je vous passe les blagues sur les noirs qui sont peu présents sur le festival, et je ne vais pas m’étendre sur le fait que le groupe demande à la sécurité d’être cool avec les slammers, car eux aussi dans le groupe, il sont gays). Bref, un très bon moment que je ne suis pas près d’oublier.
Pour une fois, c’est nous qui étions du côté des méchants, pendant que Bir saluait comme il se doit celui qui a pris un abonnement pour le festival : Superjoint Ritual a fumé un public cannabique dont le frontman Anselmo a filouté (philouté) par sa très grosse présence. Leur hardcore sludge de sudiste a conformément appesanti un pit tiraillé de fatigue physique mais tenant encore à satisfaire un groupe de cet acabit. Car Phil Anselmo est présent au Hellfest tous les ans, garant de cette générosité souvent too much qu’est ce passionné. Le groupe n’a pas joué les figurants, délestant le poids de son efficacité par l’apport musqué d’une lourdeur et d’une puissance ahurissante. Pour terminer le festival, Bir n’a pas fait semblant. In Extremo fut extrême jusqu’au bout de la nuit, avec le son de cornemuse, harpe, xylophone et autres instruments datant de l’ère légendaire des Nibelungen. Les Allemands ont enivré le jeune public avec leur métal folklorique, c’était le must de l’innovation 2.0 en ce retour aux valeurs du passé. Je quitte le Hellfest, the most eclectic and specialized extrem festival in the world ! Sur du biniou !?! Voilà. Et pendant que Nightwish termine les réjouissances sur la MainStage 2, nous tirons notre révérence en hallucinant une dernière fois sur les décors qui s’illuminent (et s’enflamment) une fois la nuit tombée. Le bilan est vite fait : beaucoup de fatigue et de chaleur, mais énormément de concerts de grande qualité dans une infrastructure complètement délirante. Car oui, c’est ça le Hellfest : du bon son dans un environnement saisissant. Il est maintenant venu le temps des mercis et autres bisous en tout genre. Alors merci et bisous en tout genre à Christian et Émilie Ravel, Jérémie et Benjamin, extra méga merci à Bir, salutation distinguées et plus si affinités à Olivier Ducruix, Scam, Kem, Delphine, Roger, Fabienne, Olivier Replica et toute l’équipe presse, Vincent Tsunami, Fab Justin(e), Raph et David, Xav’ E Zic, Pierre et la team Vosges, et bien sûr à ma chère et tendre Tiff pour la relecture et tout le reste. Photos : Christian Ravel Gui de Champi Photos : Christian Ravel / christianravelphotography
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LES DISQUES DU MOMENT
THE PRODIGY
The day is my enemy (Take Me To The Hospital / Cooking Vinyl) rappeler que le groupe n’est pas mort à l’heure où l’on parle actuellement de sa séparation. Pourtant, The day is my enemy sonnerait presque comme une sorte de best-of de sa carrière, car il chevauche autant l’électro tapageuse (le titre éponyme donc, mais également «Rok-weiler») que racoleuse (la dispensable «Rhythm bomb» avec Flux Pavillon en invité), tout en faisant un clin d’œil à ses racines (la très 90’s «Destroy» et l’orpheline rythmique à la distortion oppressante «Beyond the deathray») ou à sa période big-beat («Rebel radio», «Get your fight on»). Avec 14 titres, The Prodigy a plus de chance de s’exposer au mauvais goût, et ça ne loupe pas avec des compos telles que «Invicible sun», un espèce de faux hymne qui pose une ambiance lente et barbante, ou la drum & bass monotone de «Roadblox» qui semble se perdre en chemin (alors que la D&B est pourtant mon rayon). On le sait tous, les gars de The Prodigy ne sont pas des foudres de guerre quand il s’agit d’enchainer les albums. C’est peut-être un mal pour un bien... Quoique, depuis The fat of the land, les gars de Braintree n’ont pas été exempts de tout reproche malgré leur lot de tubes, que ce soit avec Always outnumbered, never outgunned considéré plutôt comme un album solo de Liam Howlett dans lequel l’âme de The Prodigy s’était quelque peu envolée - ou avec Invaders must die, un album légèrement en dent de scie qui profitait alors, par moment, de la vague «bass music» d’une électro branchouille pour attraper les oreilles d’un «grand» public abonné aux dancefloors. En 2015, après six ans d’attente, The day is my enemy débarque dans les bacs avec un starter répondant au nom de «Nasty», single addictif et hautement corrosif, qui annonçait la couleur : et si The Prodigy nous sortait là son meilleur album depuis le légendaire The fat of the land ? Autrefois patron de la hard dance sauce punk, The Prodigy se révèle être un sérieux chef d’orchestre expert en basses fréquences agressives qui liquéfie les tympans, spécialement sur l’introductive «The day is my enemy» avec Martina Topley-Bird en guest. Une entrée en matière qui met de suite les pendules à l’heure pour
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Après une heure d’écoute écoulée, la bande d’Howlett ne nous surprend pas (plus ?) vraiment dans sa volonté de rester sagement sur son territoire artistique, de ne jamais sortir des cordes. L’opinion des gens sur The Prodigy semble se faire à travers des titres ou de vieux LP qui sont de véritables coups de maître certes, mais je comprends également ceux qui reprochent au groupe d’avoir du mal à oublier son passé ou de ne pas se réinventer. C’est sur des petits détails concrets que l’on s’en rend vraiment compte, comme sur «Get your fight on» qui reprend le même sample de cloches de Pepe Deluxe déjà présent sur «Take me to the hospital», au même titre que «Colours» utilisait le rythme de «Memphis bells». Et ce ne sont là que des exemples... Au final, de ce disque, on retiendra sa production écrasante, sa force rythmique, ses mélodies sauvages et sa conception menée davantage comme un groupe de rock (confirmé sur scène) qu’un simple truc de MAOiste sans chanteur. On leur excusera tout le reste - même cet artwork pas inspiré du tout - parce que c’est The Prodigy, quand même. Ted
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STEVEN WILSON Hand. Cannot. Erase. (Kscope)
nostalgie des matins calmes, de petits riens qui font que la vie est belle quand on est bien entouré («Perfect life», «Routine»). Lui s’est s’entouré puisqu’outre ses musciens «habituels», il a convié le phrasé de Katherine Jenkins (une très jolie chanteuse galloise qui touche autant au classique qu’à la pop) et la douceur éthérée de Ninet Tayeb (une pop star israélienne qui prend notamment part au plus épique et tortueux morceau prog de l’album : «Ancestral»).
Prend-t-il des vacances ? Travail en studio (il adore remixer et remasteriser de vieux albums mais est aussi producteur), travail en groupe (si Porcupine Tree est en pause depuis quelques années, il a monté Storm Corrosion avec Mikael Akerfeldt d’Opeth et est toujours actif dans divers projets) et bien sûr carrière solo, Steven Wilson a sorti cette année son quatrième album solo depuis Insurgentes 2009 ! Donc non, il ne prend pas de vacances. Et non seulement, c’est un bosseur acharné (pas une seule seconde de ses productions ne sont laissées au hasard) mais en plus, le gars a de bonnes idées à ne plus savoir qu’en faire... Parce que la quantité, c’est très bien mais quand en plus il y a la qualité, on ne peut que s’interroger, tant de talent pour un seul homme, estce bien raisonnable ? Hand. Cannot. Erase., la main ne peut effacer ... l’amour, celui qu’on a pour ses proches, sa famille, c’est le thème de cet opus qui semble très intime, encore plus personnel que les précédents. Un amour indélébile mais qui peut disparaître pour certaines personnes telle Joyce Carol Vincent, une anglaise décédée à 38 ans et dont on a retrouvé le corps chez elle, dans son lit, près de 3 ans après sa mort (d’où «3 years older»). Aux sentiments et au temps qui passe, Steven Wilson ajoute une sorte de
L’ensemble est pop-prog-rock avec quelques minimes incursions métalliques («Home invasion») et de belles plages ouatées («Transience»). Parfois alambiqués, les titres oscillent entre le travail solo de Roger Waters (période Amused to death) et celui de son ex-compagnon de jeu David Gilmour (dont le style de solo de guitare en a marqué plus d’un). Avec un tas d’idées, un tas d’instruments (méllotron, orgue Hammond, banjo, piano, flute, saxophone...), un tas d’ambiances, Steven Wilson réussit un amalgame où tout s’écoute avec une certaine facilité malgré le fourmillement de sons et la complexité de l’assemblage et là encore, il en faut du talent pour réussir un tel exploit... En bonus, une version «grand son» de l’album sur DVD (DTS 5.1, stereo LPCM...) où chaque titre est accompagnée d’images (dans la veine de celles du magnifique livret, à savoir dessins d’enfants, photographies de grande classe et travaux dans le genre de ceux qu’il a réalisé pour le sublime artwork), des photos prises en studio et un documentaire sur l’enregistrement au Air Studio de Londres, durant un peu moins de 30 minutes, on est au coeur du processus de fabrication de l’album avec Steven Wilson himself, dommage que ce soit réservé aux anglophones... Oli
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4 PUBs à placer : Tribute to Burning Heads The Rebel Assholes JIMI Tournée ZAPRUDER
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PITBULLS IN THE NURSERY Equanimity (Klonosphere) fois douces («Rule the plight» où les plaisirs sont variés et rappellent en cela la science de (dé)composition de Gojira), toujours enlevées et bien amenées. Parce que le grand talent de Pitbulls in the Nursery, c’est de trouver du liant à des passages assez différents les uns des autres, on peut passer d’une guitare acoustique à une basse nerveuse à un rush vocal en quelques secondes («Your dream’s not mine») sans que cela ne sonne ni téléphoné, ni abrupt, un vrai tour de force qui font de certains morceaux assez «progressifs» des titres purement métal qui charmeront ceux qui n’aiment pourtant pas les circonvolutions prises de tête.
Pitbulls in the Nursery est de retour dans les bacs ! Depuis son album Lunatic sorti en février 2006 puis le départ de son chanteur fondateur en 2007, le groupe était un peu dans le brouillard, répétant un temps avec Céd (Supertanker) puis trouvant en Tersim (début 2011) celui qui tiendrait le micro de cette nouvelle étape de la vie du groupe. S’ensuivent des concerts (avec Loudblast, Benighted, Trepalium, Eths, 7 Weeks...) et beaucoup de boulot jusqu’à l’enregistrement d’Equanimity au Dark Wizard Studio par François (leur bassiste) en 2014. L’album est ensuite masterisé par Alan Douches puis délivré par Klonosphère en mai 2015.
Concevoir le métal comme le fait Pitbulls in the Nursery est certainement plus facile en 2015 qu’il y a 10 ans, en effet les Porcupine Tree (Fear of a blank planet), Gojira (From Mars to Sirius) et autres Opeth (Ghost reveries) ont cartonné avec des albums complexes et ont réclamé aux auditeurs une attention particulière pour profiter de toutes les subtilités. Aujourd’hui, on savoure donc plus aisément ces titres qu’on aurait jugé «expérimentaux» ou «pour les intellos» à une époque où il fallait être simple (voire simpliste) et se concentrer sur le rythme et la puissance avant de réfléchir. Pitbulls in the Nursery combine tout avec dextérité et classe. Chapeau bas ! Oli
Equanimity, non, ce n’est pas un néologisme qui claque, c’est bien une notion qui existe et que je la découvre grâce à Pitbulls in the Nursery, c’est le fait de ne pas ressentir d’émotions, d’être complètement dans une bulle où rien ne nous touche, que ce soit en positif ou en négatif. Une sorte de neutralité affective totale qui permet d’accepter le réel et prendre les meilleures décisions. Un truc qui est davantage un objectif spirituel qu’un passe-temps mais le concept est intéressant. Difficile pour autant de rester équanime à l’écoute de l’album qui regorge de bonnes trouvailles et qui nous fait vivre différentes sensations, parfois brutales («Insiders»), par-
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LES DISQUES DU MOMENT
GLOWSUN
Beyond the wall of time (Napalm Records) du style à bénéficier d’une prod aussi tankesque et même franchement metal. Metal certes mais qui a le bon goût de laisser dégueuler la fuzz, la wah, les crash et tutti quanti sans jamais les brider. Le meilleur des deux mondes en somme. Quand on fait des voyages spatio-temporels on peut naturellement se permettre ce genre de grand écart. Et le grand écart se fait à tous les niveaux, ne serait-ce qu’à celui des mélodies et des riffs qui allient à la perfection les chevauchées épiques viriles et les ambiances enfumées des années 70 et tout ça sans que jamais cela ne sonne kitsch, convenu, ou lourd (dans le mauvais sens du terme.)
Un nouvel album de Glowsun, justement il était temps (promis ce sera la seule métaphore temporelle foireuse de la chronique). Le trio français s’était imposé comme l’une des formations stoner hexagonales à suivre coûte que coûte avec Eternal season en 2012. Beyond the wall of time donnera raison à ceux qui en ont fait l’effort tant la claque administrée est décisive et lourde. Plus heavy que jamais, le trio lillois s’évertue clairement à jouer avec nos nerfs (un peu comme le fait parfois le temps d’ailleurs). Les morceaux de cet album ont pour principe de nous anesthésier dans des ambiances sombres et poisseuses avant de soudainement tout faire péter avec des riffs méchamment catchys et tendus. Parfois en tirant vers le progressif et en prenant son temps (9 minutes pour le morceau d’introduction) et parfois en nous rentrant avec urgence dans la tronche («Against the clock» et sa ligne de chant sporadique), toujours avec force et martialité. Si Glowsun reste un groupe de Down Tempo pur et dur, il n’a pas hésité cette fois à appuyer un peu sur la pédale de temps à autre, donnant une violence supplémentaire à des compos qui n’en demandaient pas tant. Le groove est lui aussi plus que jamais de la partie avec quelques plans de batteries absolument implacables. Bref, on en prend vraiment plein la tronche. Il faut dire que Glowsun est une des rares formations
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Un autre grand écart, et probablement le plus fort, c’est que malgré l’aspect totalement roboratif de cet album (dire qu’on y trouvera à boire et à manger est un doux euphémisme) et la durée de certains de ces morceaux, Beyond the wall of time est un album qui sait s’arrêter à temps pour nous insuffler une envie de ‘’reviens-y’’ alors qu’on devrait tout simplement être harassé après une écoute aussi intense et captivante. Glowsun n’a pas fondamentalement changé sa ligne de conduite mais l’a clairement poussé à l’extrême pour nous offrir un très grand cru. Plus de concision, plus de patate, plus de plans géniaux, plus de Glowsun. Bref, cet été en France le soleil ne sera pas seul à tabasser tout ce qui sue. Elie
LES DISQUES DU MOMENT
COAL CHAMBER Rivals (Napalm Records)
les transitions et en apportant des petits trucs qui n’ont l’air de rien mais qui font la différence. Alors certes, les guitares et les rythmiques sont toujours là pour bien plomber l’atmosphère et faire en sorte que ça tombe tout droit sur le crâne («Light in the shadows», «Another nail in the coffin», «Wait») et dans l’ensemble tout sonne toujours très simple mais on n’a pas trop ce goût de néo-métal où tout était assez brut et dépouillé. Aujourd’hui, les sons sont toujours habillés, les silences inexistants, les distorsions aussi étudiées que les saturations, les interludes («Orion» et «Dumpster dive») bien placées et l’opus bien équilibré.
En 2003, Coal Chamber se sépare, ses membres ne se supportent plus, auteurs de 3 albums en 5 ans et ayant profité de la vague néo-métal pour imposer un son ultra lourd et des riffs hachés, les ricains ressemblent alors à une météorite qui aurait brillé un temps avant de s’écraser... Mais c’était sans compter sur la suite puisque dans la dizaine d’années qui suivent, Devildriver (groupe monté par Dez Fafara) occupe le terrain et bon nombre de jeunes combos ne cachent pas leur admiration pour Coal Chamber.
Véritable exercice de thérapie de groupe ? Rivals remet en tout cas les compteurs à zéro et Coal Chamber en selle pour quelques années car on a l’impression que le groupe est content de revenir aux affaires et a besoin de continuer de s’exprimer comme il le faisait par le passé, même quand il invite Al Jourgensen (Ministry) qui se fonde dans le moule pour «Suffer in silence». Les époques sont différentes mais si l’envie et le plaisir sont les mêmes, pourquoi se priver ? Oli
En 2012, le groupe annonce son retour en live et la sauce prend tellement bien qu’ils retournent en studio (avec Mark Lewis qui a bossé avec Devildriver mais aussi God Forbid, Eyeless, August Burns Red, The Black Dahlia Murder...) pour livrer Rivals au printemps 2015. Et en quelques secondes on oublie que plus de 10 ans ont passé depuis Dark days puisqu’on retrouve immédiatement la touche Coal Chamber et tout ce qui a donné au groupe son identité. En 2015, la musique de Coal Chamber est-elle toujours d’actualité ? Et bien oui, car si le combo a conservé toute sa noirceur et ce style de chant reconnaissable entre tous, il a largement modernisé son riffing en arrangeant
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LES DISQUES DU MOMENT
THE POP GROUP Citizen zombie (Freak R us)
On citera par exemple « Mad truth », mix de Foals, The Rapture et !!!, avec toujours cet improbable mélange, propre au groupe, entre une voix emplie de distorsion, bordélique, rarement musicale et ce groove implacable. On pense également souvent au Mike Patton époque Mr Bungle (« St outrageous »), mais attention à ne pas se tromper : tout ce petit monde a bien été biberonné au post-punk « original » des années 80. C’est d’ailleurs là qu’on mesure l’influence du groupe sur ses suiveurs.
Groupe culte de la scène anglaise post-punk eighties, The Pop Group n’aura pourtant existé que 3 petites années entre 1978 et 1981, le temps de livrer tout juste deux albums officiels (Y en 1979, For how much longer do we tolerate mass murder? en 1980) et une poignée de singles. Explosant en vol, comme beaucoup de formations de l’époque, les membres passeront 30 ans sans jouer ensemble mais gagneront le statut de groupe culte. Revenus sur scène en 2011 The Pop Group annonce dans la foulée la sortie d’une nouveau disque, ce qui est chose faite aujourd’hui avec leur dernier LP Citizen zombie. Tour à tour épiques (« Nowhere girl »), instables et perturbants (« Shadow child », « Box 9 »), ou incantatoires, les Anglais nous reviennent comme ils nous ont quitté - voire meilleurs - toujours peu enclins aux concessions en tout genre; même s’ils nous offrent malgré tout quelques repères mélodiques. La mauvaise nouvelle c’est que ce nouvel enregistrement restera inécoutable (trop bruyant, trop foutraque) pour une grande partie des adeptes des musiques rock au sens large. La bonne nouvelle c’est que la musique de The Pop Group traverse plutôt bien les décennies, et se veut même par moment étonnamment moderne.
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Alors certes, l’impact d’un tel album est forcément moindre, 30 ans après. Mais The Pop Group vient nous rappeler l’essence du post-punk : funk désenchanté et halluciné, expérimentations en pagaille, non-séduction et jusqu’au-boutisme. Un album solide mais évidemment très référencé, à ne pas mettre entre toutes les oreilles donc ! Antonin
LES DISQUES DU MOMENT
BERRI TXARRAK Denbora da poligrafo bakarra (Only in dreams)
Txarrak cette fois-ci. Le son des instrus très métal n’est pas franchement raccord avec un chant très punk que le mixage a du mal à fondre dans l’ensemble («Ordaina»). Certes, quand ça devient plus mélodieux, ça fonctionne très bien («Zimelkor») mais au final, c’est l’EP que je prends le moins de plaisir à écouter.
Comme souvent quand un groupe fête son anniversaire, c’est l’auditeur qui reçoit un cadeau... Le 20 novembre dernier, les Berri Txarrak sortaient donc un triple album pour fêter leurs 20 ans, un ensemble de 20 titres répartis sur 3 CDs qui célèbrent à la fois leurs parcours et leurs aspirations mais aussi le temps qui passe. Denbora da poligrafo bakarra peut en effet se traduire par «Seul le temps apporte la vérité», les jolies horloges gravées sur les CDs présentés dans un magnifique digipak rappellent que l’heure tourne et s’ils sont présentés dans l’ordre chronologique d’enregistrement, on peut écouter les disques comme on veut en fonction de ses goûts car les trois offrandes sont assez différentes puisque marquées par les influences du groupe et du producteur responsable du son de chaque galette. Le premier CD est certainement le moins bon, en tout cas, c’est mon avis. Entre l’explosion et l’immaculée blancheur de l’image retro qui sert de décor au packaging, on est du côté rouge vif et nuages de cendres puisque c’est Ross Robinson à la prod (et encore Alan Douches au mastering). Déjà derrière les manettes pour Haria, le légendaire découvreur de sensations fortes des années 90 (Korn, At the Drive-In, Glassjaw, Slipknot ...) ne réussit pas autant à capter l’essence même de Berri
Le deuxième EP est résolument rock. Ricky Falkner n’est pas que membre de Standstill (entre autres), il est aussi producteur à ses heures et après une introduction instrumentale («Aditu bihurtuak»), il dévoile une facette très claire du combo («Bigarren itzala») qui laisse alors parler la rythmique (avec une grosse basse parfois plus présente que la batterie comme sur «Lemak, aingurak»). Le choix de prod’ a forcément orienté la composition et le tri réalisé par le trio avant de parcourir la planète pour enregistrer, du fait, on se retrouve avec quelques morceaux très (trop ?) cools («Bele erraldoia», «26 segundotan») et si c’est assez sympathique de les écouter dans ce registre, c’est avec la suite qu’on s’éclate le plus. Le meilleur pour la fin ? En tout cas, c’est avec le troisième skeud que l’on se rapproche le plus de l’idée qu’on se fait de Berri Txarrak, un groupe punk touche à tout qui défend des causes et mouille le maillot. Les titres sont plus équilibrés sur cet EP enregistré par Bill Stevenson, batteur des Descendents mais aussi responsable du son du The black market de Rise Against ou de l’éponyme de NOFX. Excellent de bout en bout, les six pièces donnent dans le punk rock direct et soigné avec de vrais moments de grâce comme «Hemen sukaldarien herrian». Bref, rien que pour ce tiers de l’opus, il faut écouter Denbora da poligrafo bakarra ! Oli
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INTERVIEW TEXTE
INTERVIEW> BERRI TXARRAK Gorka Urbizu est l’un des membres fondateurs de Berri Txarrak, c’est aussi son chanteur et celui qui répond à ces quelques questions posées à l’occasion de la sortie de leur triple album fêtant 20 ans de carrière...
20 ans, c’est une longue histoire avec quelques modifications de line-up, la formule trio, c’est finalement le bon équilibre ? Je pense que oui... On a commencé à quatre et on a joué comme ça pendant 10 ans. Quand notre guitariste a quitté le groupe, on est de fait devenu un trio, on l’est resté. Ca te force à être plus fin avec les arrangements et quand tout fonctionne, je pense que c’est la formation la plus solide et la plus cool pour faire du rock. D’où est venue l’idée de ce triple album ? C’étaient les 20 ans de Berri Txarrak et on voulait faire un truc spécial... Pas sortir un live ou un best of comme font beaucoup de groupes qui doivent fêter leur anniversaire. Du coup, on s’est dit que ce serait bien d’écrire 20 nouveaux titres et de le faire dans 3 endroits différents puisque notre musique est influencée par plusieurs styles. L’idée de base c’était de montrer 3 approches différentes de la musique rock par un seul et même groupe. L’artwork est très beau, MiraRuido est très créatif, pourquoi ce choix spécifique ? C’est une belle coïncidence. On était à Los Angeles, on bossait avec Ross Robinson et on avait commencé à
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chercher des artistes sur le web pour avoir des idées pour le nouvel album. Parmi beaucoup d’autres à travers le monde, on a trouvé ce mec puis on a découvert qu’il était de Vitoria-Gasteiz ! C’est un grand artiste, il a travaillé avec des magazines américains comme Squire, mais ici, personne ne le connaît. On lui a envoyé un email et tout s’est bien passé. Son message visuel et nos textes sur cet album sont très proches. 3 producteurs, 3 studios, c’est beaucoup de travail et d’investissement, vous ne vous êtes jamais dit «c’est trop» ? Bien sûr on l’a pensé... Mais une fois qu’on a commencé à écrire et enregistrer les EPs, tout est devenu si simple... En fait, c’était plutôt amusant, écrire un premier EP, aller en Californie, l’enregistrer, revenir au local de répét’ pour écrire le suivant, partir l’enregistrer à Madrid, revenir... L’année a été très chargée mais on est très content de cet album. Je vous sens plus amateur de concert que de studio, vous prenez autant de plaisir à être enfermés ? En fait, on aime les deux. Enregistrer est toujours magique parce que tu vois tes titres grandir et devenir quelque chose de différent de ce qu’ils étaient à l’ori-
gine. Mais comme tous les groupes de rock, on préfère les concerts.
Je trouve le résultat inégal avec un premier EP moins réussi et un troisième excellent, vous pouvez me faire changer d’avis ? On n’est pas franchement un groupe très technique, on aime les imperfections, on s’intéresse juste à l’ambiance et l’émotion que dégage un titre, bien plus en tout cas qu’au son en particulier ou à la performance pure. La philosophie de Ross Robinson est la même, alors oui, tu peux trouver des erreurs de-ci de-là, mais on apprécie l’atmosphère et la rage qui s’en dégage. Le troisième EP, c’est juste des titres de deux minutes, c’est comme ça que doit être le punk rock, non ? (rires) Pour moi, le 3ème est celui qui ressemble plus à l’image que j’ai de Berri Txarrak, quelle est l’image que vous voudriez qu’on retienne de vous ? Tout ce qui est sur ce triple album, c’est du Berri Txarrak.
INTERVIEW TEXTE
3 producteurs, 3 personnalités, est-ce qu’ils imposent leur ambiance dans le studio ou celle créée par Berri Txarrak l’emporte ? D’habitude, on écrit sans réfléchir à savoir de quel style doit être le morceau, cette fois-ci, c’était différent. On savait quel producteur travaillerait les titres et on voulait un son différent pour chaque EP alors on a écrit ces titres dans le but de faire 3 disques vraiment différents. Je ne dirais pas que les titres ont beaucoup changé en studio, ils ont juste évolué en fonction de notre ouverture d’esprit et du boulot remarquable de chaque producteur.
Je veux dire qu’on aime le métal, on aime le hardcore, on aime le punk mais on aime aussi les bonnes chansons pop, on a toujours écrit des mélodies super accrocheuses. On est là pour les sensations procurées par la musique, le reste, on s’en fout. Ces dernières années, on parle moins du pays basque comme une région d’attentats et plus pour sa culture, les terroristes ont fait du mal à votre région ? Le pays basque a toujours eu une importante scène rock et dans le même temps, il y a beaucoup de préjugés sur notre région, j’encourage donc les gens à découvrir les groupes basques, je suis quasi sûr qu’ils vont faire de belles découvertes. Au passage, je le rappelle, toutes nos paroles sont traduites sur notre site web berritxarrak.net... Vous jouerez bientôt en France lors du festival Epipapu, c’est tout ? Pour le moment, il y a juste ça mais on va revenir, c’est certain, on prépare une tournée pour la fin 2015. Il y a des groupes français que vous appréciez ? On adore les Burning Heads, Birds In Row, Not Scientists, Gojira, Valley, Daft Punk, Yuksek, Phoenix... Dans 20 ans, vous ferez quoi ? J’espère qu’on écrira et jouera toujours de la musique. Merci Gorka et Berri Txarrak, merci Claire chez Purple Sage PR et merci Tiff pour l’aide sur la traduction. Oli
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LES DISQUES DU MOMENT
DOCTOR ZAIUS Out of the cage (Autoproduction)
Si le chant de Mista S est très varié et porte le groupe, Doctor Zaius a invité Guillaume (Mnemic, One-Way Mirror) sur «One day» et le mariage des timbres comme des ambiances permet au morceau d’avoir encore plus de force que les autres... De même qu’»I feel alive» qui se voit pourtant cadencé par le flow hardcore de Lord Nelson (Stuck Mojo), le titre s’en trouve aisément identifiable au milieu des autres où les variations de ton ou de rythme sont des caractéristiques récurrentes. Ces guests de qualité, le gros son, le soin apporté à l’artwork, l’envie d’en découdre (Are you ready for this ? Let’s go pour entamer le brutal et non moins excellent «Get out of my life»), les Bordelais n’y sont pas allés de main morte pour ce deuxième album qui va forcément leur faire passer un cap.
Doctor Zaius, c’est quatre Girondins (Mista S, MatX, Seb et Matt) qui donnent dans le métal depuis quelques années et ont sorti un premier album intitulé Minister of hate en 2011. Ils ont tourné dans le Sud-Ouest (avec Sidilarsen, Manimal, Simplixity) avant de rebosser très sérieusement sur ce nouvel opus. Out of the cage continue de présenter un gorille (mais musicalement ça n’a rien à voir avec Gorillaz, Monkypolis ou Shaka Ponk qui eux aussi aiment les singes) qui se serait évadé et à l’écoute, il est un peu énervé...
Avec une grosse technique qui fait mal quand les temps s’accélèrent, le Doctor Zaius frappe et blesse plus qu’il ne soigne mais c’est plutôt bon d’avoir mal dans ces cas-là. Ce qui est encore plus encourageant, c’est que ce jeune groupe qui est déjà très bon a encore une marge de progression, Out of the cage est donc plein de promesses. Oli
Même très énervé sur ce début d’opus qui après une minuscule «intro» un peu ordurière nous met une paire de gifles, la voix un peu cassée s’apparente à celle de Corey Taylor, alors quand le combo pousse les gaz à fond et tranche dans le très gras, c’est Slipknot qui s’impose comme référence. Et alors que je ne suis pas spécialement fan du bal masqué, là, ça passe assez bien. Et pire que ça (pour moi), ça passe mieux que les parties plus cool qui arrivent par la suite, le chant clair étant moins bien tenu ou en tout cas moins convaincant que sa version agressive (avec un contraste flagrant sur «I am nothing»).
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NI
Les insurgés de Romilly (Dur et Doux / Atypeek Music)
A la mi-février 2015, Ni lance un petit teaser de trente secondes nous annonçant l’arrivée, après deux EP prometteurs (dont le premier chroniqué sur nos pages), de son premier album répondant au nom de Les insurgés de Romilly. Si vous cherchez l’explication de ce titre, une histoire à base d’étrons et de (c)anal vous est contée à la fin de «Butor». Voici donc un long format qui, au vu de ce que le groupe a démontré précédemment en terme de folie instrumentale, risque de faire mal. Très mal même. Ni une, ni deux, j’enfourne la galette à l’artwork très soigné, un collage surréaliste intitulé «Une nuit sans cauchemar» issu de l’imaginaire loufoque de l’artiste Jacques Déal, complètement raccord avec le math-rock instrumental et excentrique du quatuor. «La musique est de retour» nous annonce t-on en guise d’introduction par le biais d’un petit échantillon de l’héritage de la chanson française... il sera difficile de réchapper à ces quasi trois quart d’heure de musique tortueuse. Vous êtes prévenu. Présent dans une niche musicale créative qui commence à s’imposer franchement dans notre hexagone (avec Poil, Le Singe Blanc, Ultrazook, Papaye, Kouma pour ne citer qu’eux), Ni assume pleinement son rock foutraque et indomptable dans lequel se répondent gui-
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tares et basse avec des soubresauts vocaux (coucou Le Singe Blanc et Poil), le tout arbitré par une batterie survitaminée. Les gars de Bourg-en Bresse conservent indéniablement leur forte identité se situant aux confins d’un jazz-core à la Zu où chaque structure se métamorphose et traverse d’autres terrains artistiques qui peuvent tout aussi bien être celui du métal(-core), du prog voire de la noise rock. A ce titre, l’insaisissable «Cuistre» symbolise assez bien cette description. L’architecture musicale des huit compositions du quatuor est si frappante de technicité et d’originalité qu’elle risque de mettre à mal le cerveau de petits jeunes en mal de sensations auditives (je leur conseille d’écouter «Butor» à ce sujet). De la plus courte à la plus étendue des notes de guitare, du son le plus rond au slap tranchant de la basse, de l’onomatopée au cri le plus féroce, ou que la cadence soit véloce ou somnolente, Les insurgés de Romilly abasourdit et ne peut laisser indifférent. Et ce n’est pas «Torfesor», le dernier morceau labyrinthique du disque dans lequel viennent s’immiscer des chœurscris assurés, entre autres, par les 3 membres de Poil et la ravissante Jessica Martin Maresco (ICSIS, Pili Coït, Meï Teï Sho), qui viendra contredire tout ça. A l’image de formations experi(mentales), telles que les Américains de Yowie que je vous recommande vivement de découvrir, c’est très souvent pour le meilleur ou pour le pire. Car comme toute musique étourdissante, celle de Ni est à double tranchant : soit l’on y trouve son plaisir en se laissant transporter dans ce monde curieux qui peut à terme devenir pour certains pathologiquement addictif, soit au contraire, c’est totalement rédhibitoire. A vous de voir (et d’écouter surtout). Ted
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X SYNDICATE Dead or alive (Autoproduction)
Dead or alive avec Francis Caste et remonter inlassablement sur les planches...
X Syndicate est une institution... Le pendant made in France de L7, un groupe de donzelles qui encadrent un batteur (Alex) indéboulonnable. Sur le devant de la scène, Bigoude envoie son chant rauque sur une musique punk-métal à l’ancienne, ces deux-là ont dépassé les 20 ans de carrière et malgré cela ne sortent officiellement que leur deuxième galette avec Dead or alive... Les premières années ont été marquées par de nombreux gros concerts, le bouche à oreille voulant envoyer X Syndicate chauffer tous les publics (et ceux de Motörhead, Helmet, Slayer, Fishbone... en particulier) à peine armé d’un 10 titres démo qui porte bien son nom : 4 friends (1998). Le buzz du Baise-moi de Despentes permet au groupe de se faire davantage connaître et d’enregistrer un premier vrai album (Up your kilt en 2001). Des concerts, des reprises, des rencontres, voilà comment résumer les années suivantes jusque 2005 (le meilleur résumé étant encore le split live avec Spermicide) et puis stop. Ou encore puisque 3 ans plus tard, le combo reprend du service et va jouer sur d’autres continents (Afrique, Asie, Amérique) mais cette vie n’est pas aisée et trouver les bonnes personnes n’est pas toujours évident. Lady Bittersweet (ex-Sparkling Bombs, Marie (Migeira, My Own [k]nowhere) aux guitares et Angie (à la basse) complètent le duo originel pour enregistrer
Punk, Hard Rock, Métal, on retrouve un peu de tout sur cet album, le temps passe, certains membres aussi mais l’essence-même d’X Syndicate reste la même, il faut dire que le métronome massue de service et la hurleuse de frontwoman ont pris de la bouteille mais pas une ride en terme d’énergie. Au contraire, avec les années, le groupe sait fait bien travailler son son pour offrir sur disque quelque chose de très proche de leur patate en live en gardant l’esprit de la musique «dans ta face» des années 90, avec ce je ne sais quoi d’accroche mélodique à la L7 (référence obligatoire) mais aussi plein de trucs qui ravivent la mémoire comme cette intro de «Friends to foes» aux sonorités du tout premier The Offspring (tu peux aller écouter «Jennifer lost the war» si tu ne me crois pas) ou ces plans métal/hard («Behaviant», «2 seconds lower»...). Pour X Syndicate, la base, c’est quand même le punk avec un chant scandé (et pourquoi pas des choeurs comme sur «Trashvision») et ce qu’il faut d’harmonies pour jouer dans la classe des Emoglam et éviter une férocité hardcore défendue par d’autres (Walls of Jericho par exemple). Sans trop se prendre au sérieux (encore qu’il existe cette interlude «03.22.12»), mettant de la déconne dans des textes toujours en anglais («Six pack», «Texass angel»), le quintet balance toujours un rock high énergy et semble bien reparti pour 20 ans. Au moins. Oli
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COURTNEY BARNETT Sometimes I sit and think, and sometimes I just sit (Milk! Records)
ments subtils donnant souvent quelques refrains bien agréables - à défaut de fournir des titres très intéressants musicalement (« Pedestrian at best » ou « Dead fox » rentreront certainement en rotation sur pas mal de radios). Heureusement la jeune femme sait calmer le jeu et c’est là que sa voix fragile et ses compositions élégantes prennent tout leur sens ; c’est d’ailleurs ainsi qu’elle choisit de clôturer cet album, passant, en deux titres (« Kim’s caravan », « Boxing day blues») d’un garage frontal à des ballades aventureuses et rêveuses. Un album qui tire sa force de sa non-prétention. À écouter avec un peu d’attention tout de même, et pourquoi pas à voir en live, un exercice où l’australienne semble clairement bien se défendre. Jeune australienne autodidacte de 26 ans originaire de Sydney, Courtney Barnett (auteur-compositeur-chanteuse-guitariste), nous livre, après deux EPs remarqués, son premier long format, Sometimes I sit and think, and sometimes I just sit, publié sur propre label, Milk! Records. Onze titres à la cool, directs, bruts, en terrain connu bien souvent, et dont il n’y a pas forcément grand chose à dire en terme de sonorités ou de production (un joyeux mélange des Pixies, Libertines et Dire Straits). Non, ce qui distingue clairement le travail de Courtney Barnett de la plupart des artistes indie c’est surtout ses textes. Beaucoup de texte et un sacré débit, à l’image de ses titres à rallonge (le paradis pour tout chroniqueur en manque de caractères) : « An illustration of loneliness (sleepless in New-York) » ou « Nobody really cares if you don’t go to the party » notamment. Alors forcément, de par la grande importance laissée aux histoires qu’elle raconte on a typiquement affaire à un album qui parlera davantage aux anglo-saxons et aux parfaits bilingues qu’à ceux qui n’écoutent la musique que d’une oreille. Rien n’est cependant perdu pour qui passe un peu à côté de son écriture, les arrange-
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Antonin
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HOBOKEN DIVISION Arts & crafts (Les Disques de la Face Cachée)
le son de forges en action, ce sont des forges fantomatiques, mortes et froides invoquées par les supplications de Marie et les slides telluriques de son acolyte. Malgré cette sensation d’assister à une séance vaudou dans une usine désaffectée de la Lorraine post-industrielle, Arts & crafts, probablement là aussi grâce au chant de Marie, possède une force intimiste, apaisante et douce amère comme la fin d’une histoire sans lendemain. Cette ambiance doit aussi beaucoup à ces superbes mélodies tissées par le duo et enveloppées d’instruments additionnels tout aussi étranges que rassurants.
Le blues à deux, c’est mieux. Quatre ans que Marie et Mathieu font du bruit comme cinq. Après un EP en 2012 et de nombreux concerts, il était temps pour le duo nancéien de sortir son premier album. La qualité vient à celui qui sait attendre. On a l’habitude de dire d’un album qu’il ne déçoit pas. Arts & crafts, lui, surprend. En délaissant les sons radiophoniques pour plonger dans une fosse industrielle en fusion, Hoboken Division s’assume désormais pleinement comme un groupe garage. La prod fangeuse - même si elle empêche parfois Marie de s’approprier toute la place qui lui est due -, plonge les chansons du groupe dans un écrin de chaleur aussi gluant qu’envoûtant, leur conférant la magie du mystère et du non-dit. Malgré ce brouillard sonique le duo surnage comme un poisson dans le noir et touche à tout. Il nous entraîne vers des abysses psychédéliques («Desertion») tout en laissant percer de froides lumières depuis la surface pour ne pas nous étouffer avant la fin («Everything’s fine»).
Autant dire qu’on ne sait jamais trop où l’on va mettre les pieds, l’ensemble étant soigneusement varié et imprévisible. Arts & crafts déclenche chez sa victime une explosion d’émotions et de souvenirs contradictoires avec une inquiétante simplicité. Plus dangereux encore, cette expérience, aussi étrange soit-elle, nous rappelle sans cesse à elle pour nous dévoiler une autre partie de ce qu’elle tenait encore caché jusqu’alors, et ce, semblet-il, jusqu’à l’infini. Hoboken Division s’offre avec Arts & crafts le pouvoir de proposer un phénomène qui peut toucher tout le monde tout en étant sombre et étrange et sans que l’on puisse pour autant l’attraper ou même l’identifier. Une musique toute aussi triste que sublime qui tiens indéniablement du blues mais qui a eu la bonne idée de s’offrir les armes d’un rock psychédélique essentiel et incontournable. Et surtout, une musique 100 % authentique. Elie
Mais pour se frayer un chemin dans cette soupe primordiale il faut des outils tranchants. Les imposantes boîtes-à-rythmes qui constituent les fondations de cet album s’en chargent. Si elles produisent effectivement
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INTERVIEW>HOBOKEN DIVISION Quelques jours avant leur mini-tournée aux cotés des Sud-Africains de Medicine Boys, nous rencontrons Marie et Mathieu, les deux têtes pensantes d’Hoboken Division. Autour de quelques pintes nous parlerons de Philippe Manœuvre, Inspecteur Cluzo ou encore Françis Cabrel. Mais nous nous intéresserons surtout à Arts & crafts, le premier album du duo garage/blues. Vous tournez pas mal en ce moment. Comment est l’accueil du public ? Mathieu : Ça dépend. Là on était parti en Espagne au tout début de la tournée. C’était vraiment cool, les gens ne nous connaissaient pas, ils découvraient et ils étaient vraiment à fond. Marie : En général tout l’Ouest ça fonctionne vachement bien. Par contre le Sud-Est c’est super compliqué. Tu sens qu’ils n’écoutent pas la même musique, ils sont moins ouverts pendant les concerts. Mathieu : Le pire qu’on ait fait c’était à Genève où les gens étaient assis devant nous en mode cabaret. C’est parfois difficile de rentrer dedans mais sinon l’accueil du public a été cool en général, on a vendu pas mal de CDs. C’est même la tournée où on a vendu le plus de disques. Sur votre nouvel album il y a beaucoup d’instruments différents. Comment vous faites pour retranscrire ça à deux sur scène ? Marie : On ne retranscrit pas tout. Par exemple sur «Late night riot» y a de la Tempura, une espèce de drone indien, et ça on peut pas le faire en live parce que Mathieu a une Tempura électrique qui ne marche que sur une note. Je ne peux pas le faire en direct il y aurait des changements de notes super dégueulasses. Donc ça on
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l’a samplé mais on essaye de limiter ça ne sert à rien d’en faire trop. Mathieu : Pour «Sugar daddy» par exemple le riff de basse est enregistré. Il me soutient et ça me permet de faire des solos dessus. Tu joues pas de la basse sur scène, Marie ? Marie : Si mais «Sugar daddy» elle est trop complexe pour que je puisse chanter en même temps. [rires] Et en plus on l’a détunée pour qu’elle soit vraiment très très grave. Ça serait jouable mais je préfère tout mettre dans le chant. Mathieu : Sinon, les parties pianos elles n’y sont pas, mais je les refais à la guitare. Marie : Bref, on réarrange pour que ça sonne sur scène. Mathieu : On voulait présenter autre chose que ce qu’on fait en live justement. Pour montrer ce qu’on sait faire, montrer plus que le mec à la guitare et la nana au chant en mettant en avant les autres facettes d’Hoboken Divison. Marie : Et surtout pour se faire plaisir ! La formule du duo revient à la mode. Faire de la musique à deux c’est différent ? Marie : Je dirais que c’est à la fois plus simple et plus
Quand on compare Arts & crafts avec votre EP, la première chose qui saute aux oreilles, c’est le son. Vous avez fait des choix de productions super radicaux et crades. Pourquoi ? Mathieu : On avait enregistré l’EP à Liverdun, et l’ingé son, Laurent, qui est super d’ailleurs, était vachement porté sur le tube radio. Mais comme on a eu pas mal de casse avec nos boites à rythmes sur scène on s’est dit qu’on voulait enregistrer l’album en live. On a été à Toulouse chez un mec qu’on avait rencontré en tournant il y a deux ans [NDLR: Lo Spider au studio Swampland]. Et lui était justement dans cette approche live, one shot. Marie : Un type vachement garage en fait. Avec lui on était là pour faire de la musique, du rock, pas un truc propret. Et en fait ça faisait déjà un moment qu’on voulait salir notre son. Et puis à force de tourner on s’est rendu compte que ce qu’il y avait sur l’EP ne correspondait pas forcément aux émotions qu’on voulait exprimer sur scène. Nous on voulait jouer du garage quoi ! Quelque chose de beaucoup plus suintant et dégueulasse. Du coup l’album ressemble logiquement à ce qu’on a fait sur scène au cour de ces deux dernières années. C’est vraiment le live qui a influencé cet album. Et plus ça va plus j’ai envie qu’on soit classé dans la case ‘’garage’’ plutôt que dans la case ‘’blues’’ parce que c’est ce qui ressort le plus en concert. Philippe Manœuvre a récemment parlé de la naissance d’un nouveau bastion du Rock à Nancy et dans l’Est de la France en vous citant. Alors, la Lorraine, terre de blues ou pas ? Mathieu : Moi je dirais que oui. Quand on va jouer sur Paris par exemple on est vraiment pris pour des péquenauds du Kentucky quoi. [rires] Quand je suis arrivé en Lorraine on appelait ça le Texas Lorrain. Mais ce qui me chiffonne c’est qu’on est vraiment pris pour des cons
quoi. Enfin pas des cons, mais plutôt comme si ici il n’y avait que du chômage, des usines désaffectées... Marie : C’est pour ça que dès que tu fais de la musique un peu rock ils vont directement mettre ça sur le dos d’une enfance malheureuse. [rires] Y a un coté un peu cliché comme ça. Après je sais pas à quel point ton environnement peut influencer ta musique. Mathieu : Je pense qu’il y a des sonorités marquantes, en fait. Quand on passait les boites à rythmes dans les amplis, ça sonnait comme une forge ! Mais pour en revenir à ce que je disais, moi je trouve qu’on est quand même super bien lotis en Lorraine, on a plein de groupes, rien qu’ici à Nancy. Et le problème c’est que c’est pas assez mis en avant au niveau national. Marie : Et du coup c’est très bien que Manœuvre en parle. Si ça engage d’autres journalistes à venir mettre le nez dans ce qui se fait ici, juste jeter une oreille, c’est toujours ça de gagné. Mathieu : Ne serait-ce qu’ouvrir les mails quand ça vient de Nancy ou de Metz. Il y avait la scène Dub à Lyon, la scène Electro-Rock à Rennes, et là ça serait cool que l’Est soit reconnu comme une nouvelle scène à part entière. Nous on le sait, mais les gens en dehors la Lorraine, non.
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compliqué. C’est plus simple pour l’organisation, pour tourner etc. Par contre quand il y a un désaccord c’est vrai qu’il n’y a personne pour trancher. Et ça peut durer des mois, ça peut se terminer dans le sang. [rires] Mathieu : Mais c’est intéressant parce que dans un groupe de 3/4 musiciens il y en a toujours un qui va se mettre un peu en retrait de la vie du groupe. Des fois ni Marie ni moi ne lâchons un morceau et on est obligés de trouver des compromis, et ça donne parfois des trucs auxquels on aurait pas pensé tous les deux. Dans chaque groupe tu as un moteur et soit les autres se laissent vivre, soit ils mettent la main à la pate, et c’est dans ce cas là que le groupe avance bien. Et avec Marie on était dans cette optique là dès le départ.
Vous pensez comme lui que l’émergence d’un groupe rock fédérateur comme les Stones est encore possible aujourd’hui ? Marie : Moi ma théorie c’est que si tu veux réussir à avoir une vraie carrière qui dure, il ne faut surtout pas avoir un buzz ou exploser. A chaque fois qu’un groupe sort du lot, deux ans après tu n’en entends plus parler. Mathieu : C’est le problème des médias actuels. Ils produisent des artistes kleenex. Les gens veulent de la nouveauté, donc on leur sert de la nouveauté systématiquement. Ils ne ressortent plus les vieux trucs du placard. A part quelques dinosaures comme Francis Cabrel à la limite. Enfin j’ai pas écouté son dernier album il y a sûrement des trucs très bien dessus ! [rires] Marie : Il vaut mieux rester dans ton truc, gagner ta vie dignement. Si tu as un peu de chance et que t’arrives à passer à la radio et que tu peux te faire un peu de thunes, tant mieux. Mais faire ton passage au Grand Journal et avoir ton gros buzz, ça ne mène à rien. Mathieu : La musique c’est déjà en soit un produit de consommation. Et les musiciens le sont devenus aussi. Tu le passes à la télé, ensuite tu passes au prochain et ainsi de suite. On a perdu le sens du musicien troubadour qui doit jouer, jouer et jouer. Marie : Le dernier exemple que j’ai en tête c’est Lescop. Un type qui d’un coup à sorti un tube électro-pop comme
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tout le monde adore en ce moment. Et tout le monde le balançait partout. Un vrai matraquage. Et le type s’est dit qu’il avait gagné le jackpot. Il était encensé par tout le monde, les Inrocks étaient au taquet. Il était programmé partout mais il ne remplissait pas les salles, les gens n’aimaient pas spécialement. Du coup ils l’ont tué. Ce modèle-là, c’est de la merde, il ne faut surtout pas rentrer dedans. Mathieu : Même si on est au 21ème siècle il faut garder le modèle à l’ancienne. Les Stones, mine de rien, quand ils tournaient dans les années 60, ils faisaient 250 concerts par an, pas plus. Est-ce qu’internet, tout en participant à l’hystérie médiatique, n’est pas un peu en train de nous ramener vers ces modèles là justement ? Marie : On est pas tant en train de revenir à un vieux modèle que d’en créer un nouveau. Que ce soit les consommateurs ou les musiciens. Et on y est obligés. On voit comment les anciens groupes ont fait et on sait qu’on ne peut pas le refaire. Je ne pense pas qu’il y aura encore des Stones, enfin en France il n’y en a jamais eu de toute façon [rires]. Et à la limite on s’en fout, tant que les gens sont intéressés et qu’ils vont aux concerts. Mathieu : Tant qu’ils sont curieux en fait, et c’est ça qui est grave. Les médias ne rendent plus les gens curieux. On leur met le truc dans le bec, ils avalent et ils attendent la prochaine bouchée. Ils consomment. Et recevoir le plébiscite de quelqu’un comme Philippe Manœuvre ça fait quoi ? Marie : Ça fait plaisir évidemment ! Parce que ça veut dire que ça a été dans les oreilles de personnes un poil plus influentes. Donc c’est cool qu’il ait écouté, qu’il ait apprécié et qu’il en parle. Ça fait d’autant plus plaisir qu’il nous englobe dans un phénomène Lorrain. Mais moi ça me fait bizarre aussi parce que je me dis que notre musique elle n’a pas changé du jour au lendemain mais on était juste à une poignée de main trop loin de lui pour qu’il nous capte. Du coup tout d’un coup c’est génial alors qu’avant tout le monde s’en foutait. En fait il manquait juste un lien pour l’atteindre. Bon on l’a eu et c’est cool. Pourvu que ça dure et on verra ce que ça donne. Mathieu : Mais c’est vrai qu’au bout de quatre ans où tu rames, où tu cherches des concerts, où tu galères à
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te faire payer etc. Ben ça fait plaisir. Beaucoup même. [rires] Mais quand on avait fait la promo de l’EP, on avait envoyé le morceau à une trentaine de radio. Sur le listing on a pris 25 vents. Et quand y a eu la chronique de Rock’n’Folk sur l’EP une des radios nous a rappelé en nous disant qu’elle était intéressée pour diffuser le clip, parce qu’elle nous avait vu dans RnF. Et c’était l’une
des radios qui nous avait mis un vent à l’époque. Ça fait quand même un peu mal au cœur. Mais mine de rien RnF c’est un des derniers gros magazine musical à s’intéresser aux auto-prods et à se dire que ce n’est pas parce que c’est petit et pas connu que c’est pas intéressant. Vous revendiquez l’aspect indépendant de votre musique. C’est quoi être musicien indépendant, pour vous ? Mathieu : Déjà il faut appeler un chat un chat. Nous on fait de la musiqué indé parce qu’on est des musiciens indépendants. Mais y en a qui se disent indépendants pour ramener un public cool alors qu’ils font des promos à coup de milliers d’euros. Marie : Les groupes indés comme Fauve... [rires] Pour moi t’es indépendant quand tu t’occupes toi même de tout les aspects de ton boulot. Après à partir de quand t’es plus indépendant ? Nous on a un attaché de presse par exemple. Alors est-ce qu’on l’est encore ? A partir du moment où on récupère de l’argent sur les Cds qu’on vend je me dis que oui. [rires] Mathieu : On reste indépendants mais ça nous permet d’avoir plus de temps pour organiser de vrais tournées. Parce qu’on peut pas faire la promo et le booking à la fois, sinon tu ne fais plus de musique. Il y a un an je fai-
Y a un avenir pour ça en France ? Marie : C’est le seul. Il n’y a qu’en faisant ça que tu peux éviter le buzz qui va te griller. Tant que tu as le contrôle tu peux gérer. Nous ça fait 4 ans qu’on tourne, on peut le faire tout seul, on a notre réseau on peut le réactiver au moins une fois par an et découvrir de nouveaux endroits. Mathieu : Par exemple : Instant promo pour les Medecine Boys [rires]. On a un peu le même parcours qu’eux, mais ils viennent d’Afrique du Sud, on les a rencontrés en allant là-bas. Si on avait été chez une major, jamais elle ne nous aurait laissé partir jouer en Afrique du Sud, c’est pas rentable ! [rires] Et du coup dans ce systèmelà ce genre de rencontre c’est juste impossible. Et pourtant c’est des gens qui vont jouer et écouter la même musique que toi, mais à l’autre bout de la planète. Marie : Et qui se bougent aussi. Là ils ont booké une tournée européenne tout seul, ils ont payé leur visa de leur propre poche etc. Et c’est la preuve qu’en restant indépendant tu peux tout faire. Tu peux pas le faire à une échelle Stade de France, mais finalement on en a rien à faire. C’est pas ça la musique. On pourrait croire que y a un plafond infranchissable mais si tu regardes Inspecteur Cluzo, il y a pas plus indé qu’eux et pourtant ils font des tournées mondiales, ils sont super connus au Japon, en Afrique du Sud, ils bookent d’autres groupes en même temps. Ils n’ont jamais vendu leur veste à personne et ils ont une longue carrière derrière eux. Mathieu : C’est la dernière alternative si tu veux pas faire de la musique comme un produit marketing. Marie : Après ça dépend des contrats tu peut aussi trouver des labels indés qui vont être à 100% derrière toi et qui te laisseront ta liberté. Nous on ne désespère pas d’en trouver un qui pourra nous libérer de pas mal de
poids de travail. Mathieu : Notre boulot ce n’est pas de vendre un morceau, c’est de transmettre des émotions. Des émotions que tu ressens toi-même quand tu es en train de jouer. Tu n’achètes pas un CD pour ressentir la satisfaction d’avoir acheter un truc neuf comme quand tu achètes des fringues !
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textemaximum une heure de gratte par jour parce que je sais passais la journée sur l’ordi à envoyer des mails. Pour faire avancer le groupe, je ne faisais plus de musique, c’est paradoxal. Marie : Tant que tu mamailles toi-même, même avec de l’aide extérieure, et que t’investis ton propre argent, bref, tant que tu prends en charge tout les aspects de ta vie de musicien, alors tu es un indépendant. Mathieu : Quand tu va dormir chez l’habitant, que tu es en contact direct avec ceux qui t’accueillent dans le bar et que tu discutes avec eux... Les grosses machines soitdisant indépendantes tout ce qu’elles voient c’est le bus, la salle et l’hôtel. Musicalement ou humainement même c’est enrichissant de garder le contact, ça te permet de prendre du recul en écoutant l’expérience des autres. Tu rencontres des gens qui se bougent.
Pour la sortie de l’album vous avez mis les petits plats dans les grands, notamment avec un superbe artwork. C’est une imagerie qui est assez éloignée de ce que vous aviez montré jusqu’ici. Vous pouvez nous raconter l’histoire de cet artwork ? Mathieu : On a sorti l’album sur le label ‘’Les Disques de la Face Cachée’’ de Florian et Méderic à Metz. Méderic nous a mis en contact avec Jean-Luc Navette qui est tatoueur et qui commençait à avoir une très bonne réputation quand on a sorti l’album. On a vu certains de ses travaux et on est tombé raide dingue de ce gars-là. Donc on l’a contacté mais il nous a répondu qu’il n’avait pas beaucoup de temps pour nous et qu’il ne nous ferait qu’un petit truc rapide. [rires] Il voulait donc le plus d’indications possibles. Marie : A savoir un médaillon avec deux têtes de mort et des lettres dans des panneaux un peu rockab’. C’est tout ce qu’on lui a dit, le reste, ça vient de lui. Et apparemment il avait pas le temps [rires]. Mathieu : Et quand on l’a reçu on a fait « Wow ! ». On a même pas fait de retouches dessus. On a dit « Ok, on prend, c’est cool ! » [rires]. Et ça colle avec l’image qu’on avait d’Hoboken Division. Marie : On est pas peu fier du bordel. [rires] Faut préciser que c’est un travail d’équipe : Jean-Luc Navette a fait l’artwork, Nicolas Moog s’est occupé des lettrages et Julien Louvet a fais toute la mise en page et le design global. A vous le mot de la fin... Mathieu : Dans l’Est il n’y a pas qu’Hoboken Division, il y a aussi Dirty Work Of Soul Brothers, Dead Stereo Boots, La Bite Et Le Couteau. il y a plein de bonnes choses. Nous on aime bien rappeler qu’on fait partie d’une grande bande de copains. Il y a les Blondstone aussi qui vont tourner en Belgique bientôt. Bref, soyez curieux, les petits groupes ne font pas des trucs inintéressants. Merci aux Hoboken de nous avoir accordé du temps, et surtout d’avoir payé plus de coup qu’il ne fallait à votre serviteur. Elie
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LES DISQUES DU MOMENT
NADINE SHAH Fast food (Apollo Records)
sans coup férir lui donne un son magistral en mettant en valeur les arrangements instrumentaux, d’une part, et d’autre part la substantifique moelle de cette œuvre c’est à dire la voix profonde et merveilleuse de Nadine. Et ce n’est pas la relation amoureuse, thème principal de ce disque, qui allait inhiber toute velléité émotionnelle, bien au contraire. La chanteuse séduit donc par une voix grave et pénétrante dont le ton régulièrement éperdu nous galvanise sur des mélodies touchantes. Ce nouvel album de Nadine Shah, navigue dans un rock perspicace et élégiaque, qui se veut être bien plus personnel que son prédécesseur. Et celui-là ne serait clairement pas le même sans le travail abouti et minutieux des guitares, qu’elles soient acoustiques ou électriques, et des divers rythmes et percussions qui se mettent au service de l’ambiance erratique du disque. Britannique d’origine pakistanaise et norvégienne, la chanteuse et musicienne Nadine Shah débute sa vie d’artiste par le jazz avant de se tourner en solo vers le rock au début des années 2010. Très souvent comparée à PJ Harvey mais également à Nick Cave depuis la sortie de son premier album Love your dud and mad en 2013, la native de Whitburn a le privilège d’ouvrir pour Bat For Lashes et Depeche Mode. Un coup de boost plus que bienvenue pour mettre en lumière sa musique emplie de chagrins et de désillusions illustrés par des textes souvent autobiographiques (son premier album était inspiré grandement par le suicide de deux amis proches). L’ayant découverte, la styliste Vivienne Westwood lui offre en 2014 la possibilité de jouer sur le défilé de sa collection Red Label. Après une apparition sur deux titres de Shedding skin, le nouvel opus du chanteur Ghostpoet, elle délivre le 6 avril, Fast food, un deuxième album sorti sur le label qui l’accompagne depuis ses débuts, j’ai nommé Apollo Records (Cloud Boat, Boozoo Bajou, Eskmo). Enregistré à Londres au studio The Pool à l’aide du guitariste Nick Webb et du bassiste d’I Am Kloot Peter Jobson, et produit de nouveau par Ben Hillier (Depeche Mode, Blur), Fast food bénéficie d’une équipe technique qui
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Fast food, comme son nom ne l’indique pas, ne se consomme pas comme un burger dégoulinant de graisse avalé en deux-deux. Au contraire, il met du temps à s’installer, tel un album subtil composé de plages éthérées qui se révèlent aux fils des écoutes, même si certains titres sont plus immédiats que d’autres («Fast food», «Fool», «The gin one»). Un disque totalement à l’image d’une suite de témoignages déroutant de la vie trépidante d’une musicienne qui, on l’espère, n’a pas fini de nous surprendre. Ted
LES DISQUES DU MOMENT
ROSETTA
Quintessential ephemera (Golden Antenna)
En 2013, les Rosetta ont tenu à sortir leur quatrième album The anaesthete de façon complètement indépendante l’offrant en téléchargement à son public qui pouvait payer ce qu’il voulait pour l’obtenir. Un joli geste mais qui les a coupé d’une partie de la «promo», dont nous, qui chroniquons des disques et pas des fichiers numériques...
quand on écoute Quintessential ephemera, car c’est évidemment un tout, une oeuvre globale, complète, massive et difficilement sécable, hors de question de penser n’écouter qu’un seul titre... Rosetta exige qu’on se plonge corps et âme dans ses constructions, son post hard-core est relativement sombre et les introductions lentes et calmes (le terrain de jeu favori de Cult of Luna) sont ici réduites au minimum («Untitled III») pour laisser plus de place à une hargne viscérale aussi brute que brutale («Untitled V»). C’est tout de même quand les Américains jouent davantage sur les contrastes et étendent le spectre des sonorités avec des notes de guitares limpides et un chant clair sur une rythmique sourde («Untitled I») qu’ils sont les plus performants et les plus passionnants. Comme je les aime aussi en instrumental moins abrasif et plus «post rock» («Nothing in the guise of something»), le groupe arrive à me plaire qu’elle que soit l’ambiance qu’il décide de créer... Quintessential ephemera serait donc un nouveau sans faute ? A toi de me déjuger... Oli
Quintessential ephemera est toujours «autoproduit» par le groupe mais sort en Europe via Golden Antenna (Kerretta, City of Ships, Tephra, Phantom Winter, ...) et arrive donc dans nos oreilles sous la forme d’un joli digipak à l’artwork tout à fait dans l’ère du temps même si relativement enjoué (ce gris clair et surtout ce vert !) par rapport aux ambiances musicales et à la moyenne du genre... Dernière remarque inutile (ou pas), alors qu’on était habitué à des noms de morceaux assez réfléchis, ici, c’est «démerde-toi» avec une série de 7 plages «Untitled» et juste pour t’empêcher de dire dans les soirées hipsters «j’aime assez la septième, l’apport d’Erik Osheim est bluffant», ils ont foutu «After the funeral», une intro instrumentale toute cool avant d’envoyer le train des «non intitulées» du coup la fameuse «Untitled VII» se retrouve en huitième position... Toutes ces considérations ne font que de peu de poids
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LES DISQUES DU MOMENT
DAVID LUND Ever (Depot 214 Records)
Yorke par exemple. Sauf que, contrairement aux albums solo de l’anglais, la force de Ever est sa relative intemporalité : batterie, basse, guitares, cordes et cuivres ; on trouve assez peu d’éléments trop datés, de synthés ou de boîte à rythmes. Vue la longueur des chansons, forcément, et c’est humain, on décroche un peu vers « Head on the pillow » ou « Fruit », des titres pourtant plus nerveux mais un poil durs à digérer.
David Lund (David Christophe de son vrai nom) est un auteur-compositeur multi-intrumentiste originaire de Belgique (Bruxelles plus exactement), qu’on a pu apercevoir dans diverses formations aux univers très différents depuis le début des années 2000 (NOX et Audiograd notamment). C’est au hasard de performances solo que lui vient l’idée d’un disque plus personnel et épuré ; c’est ici que Ever débarque. Seul au chant et à la plupart des instruments, le musicien s’est tout de même entouré de quelques unes de ses vieilles connaissances pour enregistrer ce disque (Elie Rabinovitch à la batterie, Catherine Graindorge aux violons), mais clairement, priorité est laissée à la voix et aux guitares. De fait, la production, bien que très bonne, sait s’effacer discrètement derrière le songwriting. On sent vite le gros travail effectué sur les harmonies (« Fiction »), les ambiances entre deux eaux (« You are ») et les montées en tension. L’étonnante reprise très réussie de Sade (« Is it a crime ») ne détonne d’ailleurs pas au milieu de tous ses titres denses et réfléchis. Une démarche si réussie qu’on ne pense que rarement à d’autres artistes, bien que certains passages plus lyriques peuvent évoquer de manière très brève Thom
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Même si globalement l’album reste sur ses rails durant ces 10 pistes, il se fait cependant plus crépusculaire vers la fin (on pense même beaucoup à l’album Pygmalion de Slowdive sur le titre final). Ever est long (60 minutes tout de même) mais on ne s’y perd jamais vraiment, signe que malgré une apparente homogénéité des titres, les compositions sont là, et bien là. Si on devait émettre un petit bémol, il concernerait la pochette, pas forcément au niveau de son contenu... Sans effets de style, tricherie ou surenchère, ce premier album solo de David Lund est un disque en tout point admirable, personnel et passionné. Un niveau de maîtrise qui n’augure que du bon pour la suite. Antonin
LES DISQUES DU MOMENT
THE CNK
Paris brûle-t-il ? (Dooweet Record)
Si tu ne connais pas encore The CNK, sache qu’il n’est pas évident de les définir, et le premier groupe qui me vient à l’esprit pour t’aider, c’est Laibach. Pas spécialement pour leur musique (encore que...) mais surtout parce que The CNK a le même goût pour ce qui est dérangeant et plus particulièrement des moments de l’histoire de l’humanité dont personne n’est fier (encore que certains à droite de la droite...). Le groupe se fait connaître pour ses compositions martiales et ses accoutrements militaires. L’un de ses membres les plus importants est Hreidmarr (chanteur) qui a également fait les beaux jours d’Anorexia Nervosa et a donc jonglé avec les deux groupes. Depuis 2002 et Ultraviolence über alles, le groupe a connu des moments de repos et de travail avec entre autres L’Hymne à la joie (2007) et Révisionnisme (un album de reprise en 2012 après l’arrivée de Zoé von Herrschaft, à la basse) et sort ce DVD dans l’indifférence des médias bien pensants qui sont pourtant scandalisés par Marilyn Manson ou Rammstein, comme quoi recopier des âneries venues de l’étranger c’est plus facile que d’en écrire... Le 1er mars 2013, The CNK était donc sur la scène parisienne du Divan du Monde pour un concert chaud bouillant, un live capté par plusieurs caméras qui nous
permet deux ans plus tard de (re)vivre le show avec une très belle image, un son impeccable et un montage aux petits oignons. Techniquement, c’est du lourd mais les fans savent que le groupe ne laisse jamais rien au hasard... Le concert fait la part belle aux différentes productions du combo avec ce qu’il faut de reprises parues sur Révisionnisme : «Blood is thicker than water» d’Impaled Nazarene, «I am the black wizards» d’Emperor, le «Sabotage» des Beastie Boys pour conclure la première partie ou «Gadd ist gott» leur mix de Garry Glitter pour lancer le rappel, pas de Guns N’ Roses ou de Rammstein mais on ne peut pas tout avoir ! Le reste, c’est forcément leurs morceaux et ça attaque fort avec «Dinner is ready», le groupe, en uniforme, joue devant un écran géant où seront envoyées des messages, souvent ironiques, comme ce «Applause» en fin de concert... La température monte rapidement, les vestes tombent, les titres s’enchaînent et après «Bunkermoon kahos 3», on a un petit temps mort, on ne le sait pas encore, mais on doit en profiter car ça va chauffer juste après avec l’hymne «Cosa Nostra Klub» où deux charmantes demoiselles viennent déposer des pétales de roses sur les premiers rangs, elles sont «habillées» en «djellaba résille» et font leur petit effet... Moins sexy mais également invités à fouler la scène, on retrouve plus tard Pills de Prime Sinister (en costard) pour gratter un peu sur «Kommando 96» et Swan de Blackrain (torse nu) pour reprendre «Too fast for love» de Mötley Crüe. Outre le très beau digipak, The CNK a également soigné les bonus avec le clip live de «Sabotage» , la version live de la reprise de «You spin me round (Like a record)» de Dead or Alive filmée en 2014 au Petit Bain (à Paris) et pour terminer le clip de «Street fight at the end of the world» où, fatalement, ça bastonne sévèrement aussi bien visuellement que musicalement. Bref, The CNK n’a pas fait les choses à moitié avec ce DVD, indispensable pour les provinciaux qui n’ont pas souvent l’occasion de les voir sur scène... Oli
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INTERVIEW TEXTE
INTERVIEW>MARS RED SKY Si on ajoute les errances du label, notre retard et le planning ultra chargé des Mars Red Sky, tu as une interview qui arrive bien après la période chaude pour le groupe mais alors qu’il est en pleine tournée, il a toujours des choses à dire... et des conneries à balancer.
Des études sérieuses démontrent que le ciel de Mars aurait une teinte bleutée, vous pensez à changer de nom ? Mat : Non mais je pensais justement à changer de batterie pour en avoir une bleue transparente. Et surtout la guitare de Julien est bleue alors c’est bon, on peut continuer. Jimmy : La guitare de Julien est verte comme une coccinelle ! Vous auriez aimer jouer dans les seventies ? Mat : Non, on est bien là en 2015, tu trouves pas ? Jimmy : Pour ma part, j’ai déjà joué dans les années 70, j’ai joué au «Télécran» par exemple quand j’avais 4 ou 5 ans notamment, je vous conseille... Doom, sludge, psychédélique, stoner, quel adjectif préférez-vous entendre ? Mat : Il y a pas si longtemps, je ne connaissais guère l’existence de ces styles / adjectifs, et j’avoue ne pas encore maîtriser totalement leur signification alors je préfère parler de «Heavy Rock Psychedelic», celui-là, je vois à peu près ce que ça veut dire. Jimmy : Oui c’est ce qu’on dit avec le groupe «Heavy Rock Psychedelic».
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Vous êtes plutôt fans de John Garcia ou Josh Homme ? Mat : Ni l’un, ni l’autre, en ce qui me concerne. Demande nous plutôt si on est plutôt Simon ou Garfunkel, ou plus Robert que Redford pendant que t’y es ! Il y a beaucoup de groupes stoners en France mais peu ont autant de succès que vous, comment vous l’expliquez ? Mat : Tu te trompes, pas mal de groupes français dit stoner ou affiliés roulent leur bosse tout comme nous le faisons, chacun à sa manière : Glowsun, 7 Weeks, Loading Data, Datcha Mandala, Libido Fuzz, Space Fisters... Parmi ces groupes, vous vous sentez plus proches de certains ? Mat : Glowsun sont des bons potes, on a l’occasion de jouer ensemble régulièrement, Datcha Mandala et Libido Fuzz sont de Bordeaux, donc on se connaît bien, on s’apprécie beaucoup, on les a d’ailleurs invité sur scène avec nous pour un concert spécial pour célébrer nos cinq ans d’existence. Vous êtes du genre à ne pas refuser une date, il n’y a pas de lassitude à être sur la route ? Jimmy : Effectivement, nous jouons beaucoup, on doit
Vous faites quoi durant les trajets ? Mat : Pendant les trajets, ces derniers temps on écoute des sketchs de Lafesse, on a trouvé l’intégral des canulars téléphoniques, c’est vraiment dément ! Puis aussi Jimmy bosse sur son ordi, Julien dort ou lit, Geoffrey Pierre et moi conduisons à tour de rôle, puis on parle entre nous de la vie ! Ah, et quand on arrive en ville, Jimmy sort la tête par la fenêtre et aboie sur les passants. Faire de nombreuses dates, c’est indispensable à la survie d’un groupe ? Mat : Non pas à la survie mais à la vie tout court. Je veux dire par là qu’un groupe comme le nôtre et comme pas mal d’autres dans le monde, se doit d’être sur la route, c’est là que les choses se passent, qu’on rencontre des gens et qu’on imagine d’autres projets... Si un groupe ne tourne pas, il n’existe pas. Vous jouez aussi pas mal à l’étranger, un pays vous a mieux reçu que les autres ? Mat : Sur notre dernière tournée, les dates en Pologne étaient particulièrement chaleureuses. Vous avez joué aussi bien avec Detroit qu’avec Year Of No Light, les publics sont différents, vous avez une préférence ? Mat : C’est deux choses très différentes, puisque les dates avec Year Of No Light étaient des plateaux ce qui veut dire qu’il y a un public commun. Des gens viennent plus pour YONL ou plus pour nous ou pour les deux groupes, c’est le but d’un plateau. Ce qui n’était pas du tout le cas avec Détroit. Là on était en ouverture, une demi heure de set et ciao. Donc à la fois c’est grisant de jouer devant 2000 personnes dans un cirque d’hiver à Amiens, ou dans une Cigale pleine à Paris, mais même si les gens sont très contents sur le moment, on peut être sûr qu’ils nous auront oublié une fois rentrés chez eux. Ce qui n’est pas le cas des 400 personnes venues à Lyon par exemple pour voir YONL et MRS. Pour répondre à ta question je préfère jouer devant des gens venus nous écouter même s’ils sont moins nombreux, mais cela dit on prend beaucoup de plaisir à jouer en ouverture de plus gros groupes que nous devant un public différent mais heureusement, nous ne faisons pas que ça. Sinon on devient un groupe de 1ère partie, ce que nous ne sommes pas et ne voulons pas être. Vous avez d’ailleurs sorti un split avec les YONL,
d’autres choses du genre sont prévues ? Mat : Oui, on a quelques idées, dans nos têtes mais rien à annoncer pour le moment. Jimmy : Perso, mes idées sont plutôt dans mon chu...
INTERVIEW TEXTE
faire dans les 80 dates par an minimum mais pour le moment on ne se lasse pas, vu qu’on tourne beaucoup à l’étranger, on voit du pays...
Vous êtes allé à Rio pour enregistrer avec Gabriel Zander, pourquoi ce choix ? Mat : C’est pas du tout un choix ! Julien : Ca a été un heureux hasard... Nous étions coincés à Rio pour cause de problème de visas avec les USA où nous devions initialement enregistrer l’album. Et la date des vols abordables pour rentrer chez nous nous laissait une semaine à rester sur place. Durant ces quelques jours nous avons cherché un studio, nous disant que quitte à être bloqués là-bas pour une semaine, autant en profiter pour essayer d’enregistrer quelques titres. Felipe notre tourneur Brésilien, qui nous hébergeait a finalement trouvé un lieu, un studio dans Rio, Superfuzz, chez Gabriel Zander. Il était disponible, on s’est donc mis au travail et nous nous sommes retrouvés à enregistrer quasiment l’intégralité de l’album que nous avions prévu de réaliser à Palm Spring, avec Harper Hug. On a été directement sur la même longueur d’onde, le studio de Gabriel est assez petit mais il a une façon de travailler bien à lui, on a pu enregistrer toutes les bases des morceaux live, puis rajouter tous les overdubs de basses, quelques rectifications, tous les rajouts de guitares, les solos... Il a fait un travail admirable avec un enthousiasme très communicatif, on était vraiment à fond durant ces quatre jours. Je n’ai eu le temps d’enregistrer les chants que sur «Circles». On est parti du studio au petit matin, juste à temps pour aller prendre notre avion et rentrer chez nous. J’ai ensuite enregistré les voix pour les autres titres chez moi, dans mon studio. On ne savait pas encore qui allait mixer tout ça. On avait pensé à Harper qui aurait du produire l’album mais ses essais, à l’exception du live de «Arcadia» qui sera sur la face B du 7» à venir, «Hovering satellites», n’étaient pas vraiment satisfaisant. Après plusieurs essais, il s’est avéré que Gabriel était le plus à même de faire le boulot, connaissant bien les morceaux et les ayant enregistrés et peaufinés avec nous. On a échangé par mail pour les détails de mix, il avait très peu de temps mais il a fait un super boulot encore une fois. La rencontre avec Gabriel a été une chance incroyable, on l’appelle d’ailleurs l’Ange Gabriel, l’homme qui nous a sauvé la mise et avec qui on a réalisé un album dont on est au final très fiers. Gabriel Zander a assez peu d’expérience comme producteur, le risque était calculé ?
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INTERVIEW TEXTE
Mat : Attention, tu confonds avoir un nom et avoir de l’expérience ! Il est vrai que quand tu as un nom tu as de l’expérience, c’est logique, par contre c’est parce qu’on te connaît pas, que t’as pas déjà quelques bornes au compteur. Gabriel enregistre beaucoup de groupes au Brésil dans son studio, il va parfois aux USA bosser quand on l’appelle. Le problème est que le marché au Brésil est encore moins développé qu’en France, donc les groupes ont du mal à émerger et leurs productions restent très confidentielles, ce qui n’a rien à voir avec la notion de qualité. C’est ce que nous expliquait Gabriel quand on l’a rencontré et c’est aussi pour ça qu’il était très heureux de nous enregistrer car notre album allait au moins sortir sur un label et le groupe allait tourner. On est tellement content de son boulot qu’il va produire notre prochain album, mais cette fois c’est lui qui vient chez nous ! Oui, l’album n’est pas sorti il y a si longtemps que ça et on vous annonce déjà bientôt en studio... Mat : Le nouveau disque est sorti en avril 2014, donc il y a 1 an. Là on est en train de travailler, de composer les morceaux d’un nouvel album. Pas de date de sortie pour le moment, mais on sera sûrement en studio cet été. Il a donné son avis artistiquement, fait modifier des compositions ? Mat : Non car on avait déjà les morceaux bien en main puisqu’on les jouait sur scène pendant la tournée en Amérique du sud. Par contre, son mix est assez typé je trouve.
mettez dedans ? Jimmy : A la base, les vidéos étaient destinées à être projetées pendant les concerts, on le fait toujours d’ailleurs, ce ne sont pas de «véritables clips» sauf le dernier que nous venons de sortir qui a été réalisé par Seb Antoine pour le titre «The light beyond». Avec toutes ces vidéos, plus de la moitié des titres sont en ligne, pourquoi acheter l’album ? Mat : Tu veux dire tous les titres sont en ligne ! En tout cas c’est le cas pour le premier album. On est en 2015, si tu veux l’album gratuitement, tu prends ta mule et tu le charges sur ton disque dur, ensuite tu le mets sur ta clé et tu l’écoutes en faisant ton footing ou tes courses. Nous on fait mieux, on le met en ligne mais en plus t’as des images. C’est beau, non ? Non, c’est une histoire de public, les gens qui achètent nos disques ont la culture du disque, et on le voit au merch’ pendant les concerts. Donc je ne vois pas d’inconvénient à mettre les titres en ligne, au contraire ça circule et la musique se partage, c’est ça à la base ! Une édition vinyle en différentes couleurs est prévue, vous pourriez ne pas sortir de CDs ? Mat : Il y a je crois du vinyle orange, du noir et peut être du rouge ou du transparent ! On s’en fout ! Le CD est sorti ainsi que le numérique. Merci à Mat’, Julien et Jimmy pour leur disponibilité et leur sympathie. Oli
L’autre changement important depuis le premier album, c’est le recrutement de Matgaz, comment ça c’est fait ? Mat : Je suis arrivé dans le groupe il y a 3 ans en 2012. Un matin, j’ai eu un coup de fil de Julien que je connaissais déjà, m’indiquant que Benoit le batteur de son groupe Mars Red Sky, avait décidé de quitter le navire. Je ne connaissais pas le groupe. Je connaissais Julien pour ses groupes Calc, Pull et aussi son premier album solo que j’apprécie beaucoup. Quand il m’a décrit le truc, ça avait l’air excitant. J’ai écouté et l’ai rappelé en lui disant que j’en étais. Je pouvais pas rejoindre le groupe tout de suite car j’avais des projets en cours, mais on s’est vu tous les trois une fois à Bordeaux et on s’est dit qu’on commençait les dates au mois de mai 2012. Ce qu’on a fait et nous y voilà. Les clips de «Circles», «Join the race» ou «Hovering satellites» correspondent à l’image qu’on se fait de votre musique, comment vous décidez de ce que vous
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INTERVIEW TEXTE
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LES DISQUES DU MOMENT
VADIM VERNAY It will be dark when we get there (La Mais°n)
mélanges instrumentaux subtiles que Bjork a apporté durant toute sa vie d’artiste. Pourtant loin de l’univers de l’islandaise, le boss du label La Mais°n (Eleanor Shine, Azerti, Paradox) préfère rappeler son attachement à la scène trip-hop de Bristol où sévissent notamment Tricky ou Portishead à qui il est comparé de temps à autre. Batteur de free jazz à ses débuts, il en ressort quelques airs (les cuivres de «Bring me chaos» ou la batterie de «Wolfriver») dans son travail sur les ambiances feutrées qui occupent majestueusement ce disque («A lost letter» et «Song for light» en sont de bons exemples).
Auparavant auteur d’une électro typée IDM et boostée de samples passés sous filtres, Vadim Vernay a depuis rangé certaines de ses machines pour prendre le costume de songwriter. Non pas en tant que folkeux ou indie-rockeur, non, l’homme au catogan se consacre toujours à cette musique dont les éléments sont autant électroniques qu’analogiques, restant aux confins d’une pop sombre et onirique. Né d’un crowdfunding, son troisième album It will be dark when we get there s’est fait attendre : huit ans après Myosotis durant lesquels l’Amiénois a perfectionné son art à travers diverses expérimentations pour le théâtre et la danse, Vadim Vernay sort une œuvre influencée par Sparklehorse et Alain Bashung. Ambiance joyeuse garantie... En référence à un extrait de «The sound and the fury» du romancier et novelliste américain William Faulkner, It will be dark when we get there déploie treize titres graves qui, pour faire un parallèle avec le livre précité, peuvent s’assimiler à un monologue intérieur. Une voix hante le disque de bout en bout, doucereuse et fragile, chantée timidement voire parlée par moment, elle s’affiche et ne recule devant rien. Des mots co-écrits avec Aurélie Noël et Audrey Bastard qui se confrontent à un univers froid mais lumineux serti de bijoux sonores à l’instar des
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Il aura fallu quatre ans de compositions et d’enregistrement à Vadim Vernay pour accoucher de son troisième album. Un perfectionnisme indéniable qui vaut clairement la peine d’être écouté si, et seulement si, on s’en donne car les premières écoutes sont pour le moins troublantes voire repoussantes. Tout le contraire d’une création pré-machée et formatée, It will be dark when we get there porte terriblement bien son nom et, dans un esprit jusqu’au-boutiste, nous plonge dans une atmosphère intimiste dans laquelle on ne se sent jamais vraiment à l’aise car lugubre. Et comme on a tous un petit côté sado en soi, on y dégage finalement pas mal de plaisir en l’écoutant. Ted
LES DISQUES DU MOMENT
LONELY THE BRAVE The day’s war - Victory edition (Hassle Records)
of the light» et «Call of horses». Ils ont également capté leur interprétation de deux reprises : le superbe «Streets of Philadelphia» de Bruce Springsteen et le non moins éblouissant «All is full of love» de Bjork. Dans les deux cas, le combo arrive à poser sa patte sur des chansons qui ont une identité forte en conservant leurs forces. Un travail de grande classe surtout que le live ne permet pas trop les retouches... Si les comptes sont bons, restent donc un autre tiers de plages, celles qui sont vraiment inédites, «Control», «Oceana», «River, river» et «Science» sont dans la lignée des compositions présentes sur The day’s war et on ne sait pas trop si ces titres ont été écartés au moment de l’enregistrement précédent ou s’ils ont été écrits ensuite, toujours est-il que la plupart sont déjà joués en live.
Moins d’un an après la sortie (remarquée) de son premier album The day’s war, Lonely the Brave le réédite en version double digipak luxueux avec comme surnom clin d’oeil «Victory edition». Artwork dans la continuité de la première sortie, premier disque identique, le «bonus» et l’intérêt de cette réédition réside dans la deuxième rondelle qui envoie, ni plus, ni moins que 12 «inédits». Pour un groupe aussi jeune, ça semble incroyable, mais si on y regarde de plus près, pas tant que ça car parmi ces titres dits «inédits», il n’y a vraiment que quatre nouveautés. En effet, le groupe a retravaillé des compositions déjà existantes avec d’autres angles d’attaques, que ce soient les guitares, les arrangements ou les constructions de «Backroads», «Black saucers», «Deserter» ou «Islands», chacun de ces morceaux étant proposés en version «Redux», à toi de voir si tu préfères cette version ou celle que tu connais déjà. Oui, parce que si tu achètes ce double album, on peut imaginer que tu es déjà bien fan des Anglais... Sinon l’intérêt est assez limité... Et si jamais tu aimes disséquer les morceaux dans des versions différentes, tu n’en as pas terminé car le groupe est passé aux Angel Studios (comme Goldfrapp ou The XX avant eux) pour enregistrer quatre titres en live (les vidéos sont disponibles sur le net) dont «Trick
Au final, il y a trois solutions... Soit tu découvres l’emorock de Lonely the Brave avec la mise en avant de The day’s war - Victory edition (ou leurs concerts en France du mois d’avril) et alors autant se procurer ce double album (vendu pour le prix d’un simple). Soit tu es déjà fan et, une fois l’objet acquis, tu pourras plus facilement prêter la première version à un pote (chacun sait qu’un grand nombre de bons CDs «prêtés» ne reviennent jamais jusqu’à leur propriétaire...). Soit tu t’en fous un peu et je me demande pourquoi tu as lu jusque là... Oli
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LES DISQUES DU MOMENT
EIGHTY-TWELVE Everyone is wrong (Autoproduction)
moi-même je l’ai été en 1995 et je ne connaissais pas forcément tous les groupes qui avaient cartonné en 1975...), bref, pour faire simple, il faut une ligne de chant accrocheuse, une guitare distordue dont on a l’impression que le son n’est pas bien réglé (alors que si, justement) et une rythmique ultra carrée pour porter le tout et faire en sorte que la mayonnaise prenne en quelques secondes. Après, on peut varier les tempos, les émotions, créer des «blancs», des espaces pour les instruments, jouer avec la relance vers un refrain fédérateur ou terminer le morceau option grunge dans un déluge de férailleries.
On ne sait pas grand chose du trio Eighty-Twelve... Eric (chant et guitare), Daniel (basse) et Sébastien (batterie) ont été bercés au son des années 90 et depuis 2012, ils retranscrivent à leur sauce ces émotions d’un temps passé mais jamais démodé. Ils sortent depuis Lausanne un premier album au début de l’année 2014 qui s’intitule Everyone is wrong avant de le presser en vinyle en 2015 et de continuer à composer entre deux concerts (électrique comme acoustique)... 8 titres, 4 pour chaque face du vinyle (ou du CD qui ressemble à un vinyle mais alors il ne faut pas le retourner), une seule atmosphère : celle des college radio US ! Candeur pop dans le chant, guitares saturées mais mélodiques, rythmiques qui touchent au coeur, le trio suisse a beaucoup appris de tous ces groupes qui fleurent bon l’été, les potes et la bière fraîche. Le groupe cite sans rougir Nada Surf, Dinosaur Jr et Weezer au rayon des maîtres à penser et ils ont raison ! Pour la route et pour élargir le champ des possibles, j’ajoute dans la balance Radish, Local H et Eels et comme ça, tu sais à quoi t’attendre...
Coup de vieux ou cure de jouvence, bonne question pour un bientôt quadra comme moi à qui ce genre d’albums fait remonter tout un tas de souvenirs nostalgiques. En tout cas, c’est un réel plaisir d’écouter une musique qui me parle et quelque part me ressemble. Oli
Et si tu ne situes toujours pas (oui, ça fait déjà plus de 20 ans que ces groupes sont sortis et tous n’ont pas traversé les époques et même, tu as le droit d’être jeune,
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LES DISQUES DU MOMENT
ANAKRONIC ELECTRO ORKESTRA Spoken machine (Jumu / L’Autre Distribution)
Le groupe toulousain Anakronic Electro Orkestra s’est fait remarquer depuis ses débuts en 2007 en mélangeant avec adresse le klezmer, une musique juive originaire de l’Europe de l’Est, à l’électro. Invitant à ses côtés pour quelques titres le clarinettiste américain David Krakauer, soit l’un des plus fervents représentants du renouveau Klezmer à l’international, la formation instrumentale fondée autour de Mikaël Charry a su s’attirer par la suite de bonnes âmes musicales dans son projet. Citons Mangu et DJ Socalled en 2009 avec le titre «Original» sur la compilation The yiddish part puis Frederika, Lisa Gutkin et Leib Glantz sur son deuxième album Noise in sepher en 2013. Le 2 mars 2015, le quatuor récidive sur un nouvel album avec l’arrivée d’une rappeuse de New-York dans le rôle vocal principal, inédit pour un groupe qui jusque là se contentait d’invitations pour certains titres ayant besoin d’une touche de chant, ou tout simplement d’échantillons vocaux trafiqués. Conseillé par Krakauer, Anakronic Electro Orkestra recrute donc Taron Benson (Phoenix And The Shadow) pour ce Spoken machine qui troque le klezmer pour du hip-hop tout en gardant l’électro-rock comme toile de fond. Le groupe se rebaptise Anakronic pour l’occasion.
On ne peut pas reprocher à la formation toulousaine de ne pas avoir l’ambition de faire bouger les foules. Dès les premières notes de «Wild medesin», titre accompagné d’un rap tranchant et impeccable, tout comme l’est également la rythmique, on sent que l’univers de Spoken machine, fait de grooves imparables, est déjà posé. Pourtant, il regorge également de parties plus ambiancées comme l’électronisée «Ouverture», une plage sonore faisant office d’entracte, ou bien de fractions complètement sombres comme les deux parties de «Sound level» au sein desquelles opère le guitariste Marc Ribot (John Zorn, Tom Waits, Alain Bashung). C’est sur la base d’un hip-hop frondeur, du moins dans le ton, que cet album n’hésite pas à mélanger les saveurs pour servir un public se reconnaissant autant dans l’électro (parfois le dubstep) que dans le rock fusion. Les douze titres rythmiquement ajustés sont autant de modernité que de clins d’œil au old-school (le basse/batterie de «Just us» évoque un petit côté Cypress Hill) et prouve tout l’intérêt du groupe pour un genre qu’il a longtemps voulu mettre en avant sur ses disques, et qui attendait surement les bons partenaires pour le faire. Et sur ce point-là, il a plutôt assuré. Car Taron n’est pas la seule à se démener puisqu’elle est accompagnée de valeurs sûres ou en devenir du hiphop underground actuel, soit Pigeon John et ADDAM sur «All out» et Rello Young Botch Greenlee sur «Sound level I». Un travail d’équipe mis en œuvre à la fois à Toulouse et à New-York avec un staff d’ingé-son reconnu, que sont Marc Urselli (John Zorn, Lou Reed) et Richard Huredia (Eminem, Dr Dre, Cypress Hill au mixage et la paire Chris Gehringer (Wu-Tang Clan, Rihanna) / Brian Gardner (OutKast, Snoop Dogg au mastering. Et pour couronner le tout, Anakronic Electro Orkestra s’est payé un artwork de bon goût, tout de rouge vêtu, signé l’excellent Jouch, le guitariste de Naive, d’Agora Fidelio et de Phantom Status. Quand vous mettez tous les atouts de votre côté, le résultat ne peut être qu’optimal. Dans la forme en tout cas. Pour le fond, c’est à vous de juger. Ted
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LES DISQUES DU MOMENT
THERAPY? Disquiet (Amazing Records Co.)
Ceci étant dit, Disquiet offre quelques tubes en puissance qu’on se délecte déjà d’entendre en live (Therapy? est un des meilleurs groupes de rock en live, même si tu ne les connais pas trop, ne les rate pas !). J’ai déjà dit un mot de ce «Still hurts» à l’arrière-goût de «Knives» qui nous met tout de suite dans l’ambiance, dans la même veine, «Idiot cousin» joue avec bonheur sur les peaux, les effets et met la gomme quand il faut, «Insecurity» sonne rock’n’roll old school, «Vulgar display of powder» assure le clin d’oeil aux cousins métalleux... On a donc un paquet de très bons morceaux et on sent que les lascars prennent toujours autant de plaisir, d’ailleurs «Deathstimate» étire ses riffs comme si le groupe ne voulait jamais finir par reposer les instruments... Oli «Still hurts», premier titre du nouvel opus de Therapy? et première énorme bastos qui aurait eu sa place sur Troublegum, comme souvent ces dernières années, on a l’impression que la bande d’Andy Cairns est capable de rééditer l’exploit et de sortir l’album parfait qui marquera une génération durablement... Et puis, après plusieurs écoutes, force est de constater que si l’album est très bon, il comporte quelques faiblesses qui vont le classer aux côtés des autres (nombreux) bons disques des Irlandais (la plupart de ceux sortis depuis Semi-detached). Parce que si Disquiet a tout ce qui fait qu’on aime (voire qu’on adore ici) Therapy? avec cette batterie sèche et ces guitares bien crades qui tranchent dans le gras pour faire croire que la voix d’Andy est douce, et donc que l’ensemble est plus que correct pour du rock burné de 2015, il y a ces quelques petits passages où on reste froid comme ce «Fall behind» et sa mélodie aplatie ou «Helpless still lost» qui n’arrive pas à sortir de l’ornière qu’il se crée en répétant ses gimmicks. Ou alors c’est que je suis trop exigeant avec ce groupe qui m’a tenu compagnie dans les années 90 et dont je ne me suis pas encore lassé de ses Troublegum et Infernal love.
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INTERVIEW TEXTE
JUSTE UNE MISE AU POINT : BRAINSUCKER Le chroniqueur ne connaît toujours pas les conditions de la sortie d’un album, parfois le groupe lit la chronique et se dit qu’avec un peu plus d’explications, les choses prennent leur sens... On a donc décidé de permettre à ceux qui le veulent d’éclaircir quelques points... Ici, c’est Brainsucker qui voulait expliquer davantage la sortie de son EP...
Vous n’aviez pas pu l’enregistrer avant de sortir le live avec Shimstrumental ? Disons que chronologiquement, ça ne se tenait pas. Nous avons toujours eu le défaut d’être un peu lents à faire toute chose et nous avons tous, outre notre travail, beaucoup d’activités extra Brainsucker. Le concert a eu lieu en mai 2013. Nous avions donc composé les deux nouveaux titres «Horse» et «Lullaby» en vue de les soumettre aux Allemands pour qu’ils puissent y apporter éventuellement des parties. Cela ne s’est finalement pas fait et nous les avons joués seuls en ouverture du concert. Nous avons ensuite travaillé à la sortie du DVD live, ce qui nous a pris un bon moment vu que celle-ci n’a eu lieu qu’à l’hiver 2014. Entre temps, Matthias, notre guitariste se préparait une année sabbatique au cours de laquelle il devait partir faire le tour du monde en vélo avec sa compagne et son gamin de 3 ans. Son départ était prévu et a eu lieu en mai 2014... Nous nous sommes donc retrouvés début janvier 2014 avec ces deux morceaux jamais enregistrés en studio ainsi qu’avec «Song for a weeding», composé entre temps, sur les bras à ne pas trop savoir quoi en faire. De plus, l’avenir du groupe était un peu flou car rendu incertain par l’absence de Matthias pendant un an. Nous ne savions absolument pas dans quel état d’esprit il serait à
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son retour, si le groupe reprendrait, si nous passerions tous à autre chose. Aurait-il envie de reprendre la musique ou bien préférerait-il partir faire de la culture bio dans un trou paumé quelque part dans le vaste monde ? Nous avons donc voulu «finir» le boulot pour parer à toute éventualité et coucher sur disque la totalité de nos compositions. Ainsi, au retour de Matt, soit nous avions fini le groupe sans être frustrés par des titres jamais sortis, soit nous repartions à zéro. Nous avons enregistré très rapidement en un mois les trois titres qui nous semblaient assez homogènes pour figurer sur un EP et Matt a mixé le tout très rapidement également, en parallèle de ses préparatifs. Voilà en une bien longue réponse, les raisons pour lesquelles cet EP semble un peu vite fait. C’est parce que de fait, c’est le cas ! Nous en sommes néanmoins très satisfaits, il s’agit à notre goût des trois morceaux les plus aboutis que nous ayons sortis à ce jour. Maintenant, à chacun de voir ! Vous n’aviez pas d’idées pour son titre ? Ça a toujours été compliqué pour nous les titres ! Nous sommes un groupe instrumental, donc par définition on n’a pas grand-chose à dire ! En général, soit on met une phrase qui ne veut rien
INTERVIEW TEXTE
dire et qui nous fait marrer : «Bravery of a horse facing death» est tiré d’une couverture du magazine «Le Nouveau Détective» qui me font personnellement péter un câble à chaque fois que je croise un kiosque ! Sinon, Magalie, la bassiste nous sort de sa tête malade de petites phrases obscures un peu dépressives et findumondesques qui conviennent assez bien à notre état d’esprit général genre On décore le bunker en regardant les étoiles. Pour ce titre-ci, on a voulu changer un peu et faire simple même si pas très original. En gros : troisième disque de Brainsucker + trois titres + vendu trois euros = EP - III. Pas plus compliqué que ça ! Et puis graphiquement, EP - III c’était plutôt joli, Magalie a pas mal travaillé sur le visuel de l’EP qui reste dans la fenêtre un peu déprimée/suicidaire comme à notre habitude, du coup l’ensemble nous semblait cool en l’état. Le groupe est en stand-by ou vous avez des trucs de prévu ? Eh bien Matthias est revenu. Il a manifestement toujours envie de faire de la musique donc c’est cool ! On continue. Nous avons déjà refait un concert et on va se remettre au boulot pour composer du neuf, histoire de voir où on en est et comment nous avons évolué pendant ce break d’un an. Nous sommes les premiers pétris d’espoir de ressortir des choses pas trop inintéressantes ! Disons que nous regardons l’avenir remplis de curiosité. La collaboration avec Shimstrumental est terminée ? Jusqu’à nouvel ordre oui. Le travail à distance est quelque chose d’assez compliqué et tout le processus ayant mené au DVD live nous a laissé sur les genoux ! Ce projet nous a néanmoins portés pendant presque 3 ans et il a donné des résultats inespérés ! On s’est vraiment super bien entendus avec les allemands. Tout le monde a joué le jeu à fond et au final, il n’y a pas à rougir du travail accompli. De leur côté, ils ont déjà relancé de nouveaux projets, et nous du notre, on se sent plus dans l’envie de voir ce qu’on pourra donner tous les quatre. Maintenant, on ne ferme aucune porte... Merci aux Brainsucker d’avoir éclairé nos lanternes et bonne continuation !!! Oli
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LA MERDE DU MOMENT
MUSE
Drones (Warner Bros.)
«Il» n’est pas de retour, on l’a juste sorti de sa retraite pour un petit plaisir sado-masochiste... Et avoue que si tu n’as pas écouté l’album et que tu ne prévois pas de le faire, tu vas lire cet article !
A la base, un drone, c’est le truc le plus putassier du monde. Parce que bon, faut quand même reconnaître que c’est quand même l’histoire d’un mec, sagement planqué bien au chaud dans son bureau, parfois même dans son salon avec son chat qui ronronne à côté, en train de tripoter son joystick (rassure-toi, ça ne va pas devenir salace) pour éliminer une cible. Et une fois sur deux, le mec salope le travail en tapant à côté jusqu’à faire une brouette de victimes innocentes qui, a priori, n’avaient strictement rien demandées. Et bien Muse, c’est pareil. Mais en musique. Enfin en musique, ça c’est eux qui le disent, parce que j’ai vérifié après écoute (ou supplice, je sors le dico des synonymes, on va en avoir besoin), ce genre de truc figure normalement sur la liste des actes de guerre interdits par la convention de Genève. A part ça, j’avais pensé vous livrer un dépeçage de la bestiole à la main et sans anesthésie donc morceau par morceau. Mais il aurait fallu écouter l’album en entier plus de deux fois et je m’excuse mais même en étant entraîné à subir les pires sévices auditifs, là, il y a une limite à ce qui est humainement acceptable. Si encore on était payés, mais même pas !
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Déjà l’écouter 2 fois, j’aimerais t’y voir toi. Parce qu’honnêtement j’aurais préféré cent coups de fouet par un débile de l’état islamique. Mais parce qu’il faut quand même en parler, on va dire que ce nouveau Muse est un peu à la musique ce que Desigual est à la fringue. Postulat de base : ton dernier-né vomi sur un t-shirt, c’est du Desigual. Le petit fait la même chose dans un enregistreur 8 pistes => Muse. Tu trouves ça méchant et/ou gratuit, dis-toi bien que ça l’est clairement. Mais que quand tu débutes un album par un truc aussi racoleur et porté par des claviers dégueulasses que «Dead inside», tu mérites de prendre. Et cher. Problème, dans cette histoire, le pire, c’est que ce morceau inaugural est loin d’être le plus mauvais de l’album, même qu’il contient certains passages tout à fait audibles. Surtout si on est sourd certes mais quand même. Par contre, on va tout de suite être très clair, le Bellamy (aka le mec qui passe son temps à geindre dans un micro sur l’album) est fourbe. Parce qu’honnêtement ce que lui et ses co-conspirateurs nous font avec le morceau suivant, soit «Psycho», est parfaitement abject. Non pas qu’ils nous aient fait croire jusque-là en l’hypothèse d’un miracle et d’un album de bonne facture (faut
LA MERDE DU MOMENT
pas déconner quand même), mais à ce niveau de barbarie artistique, ça va vraiment loin. Parce que ce n’est pas juste mauvais et d’un goût douteux, c’est même parfaitement dégueulasse et une torture à subir jusqu’au bout. Alors comme en plus les textes ont l’air d’avoir été écrits lors d’un clash avec One Direction option mièvrerie preado («Mercy»), le résultat flirte avec la boucherie sans nom. Et on a quand même un peu envie de l’achever le père Matthew là et sa pop grand-guignolesque vaguement prog’ et synthétique. Pourtant il y a curieusement deux/trois trucs à sauver dans Drones, enfin plutôt deux que trois mais on m’a demandé d’être gentil pour éviter un procès : oui, vu que les articles positifs se monnaient désormais, le milieu de la musique n’est plus vraiment habitué à l’intégrité rédactionnelle et évidemment à ce qu’un idiot sorte la sulfateuse. Quelques passages instrumentaux dans «Reapers» par exemple puis sinon... euh... bah en fait non c’est tout, même en fouillant bien. Car au final, on remarque une vraie constante dans Drones : l’ensemble est au mieux faiblard («The handler»), lourd et pompier («JFK»+»Defector») ; au pire c’est une daube sidérale. Zéro gramme de finesse dans le bouzin, aucune classe ni raffinement (le pénible «Revolt», l’ignoble «Aftermath» qui atteint des sommets inégalés de grandiloquence guimauve crasse) mais ça encore c’est avant l’ultime piste de l’album, l’infâme et éponyme Drones. Là, le groupe fait encore pire que ce dont on le savait capable mais à ce moment-là de l’album, parce qu’à un moment, ça suffit les conneries, je suis allé chercher une pelle pour enterrer les corps. (The) Aurelio
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EN BREF NAÏVE
LE PEUPLE DE L’HERBE
OMRADE
Altra
Secret stachella
Edari
(Persistent Room)
(Verycords)
(My Kingdom Music)
Naïve a su imposer sa marque, son identité, tant graphique (avec encore un superbe artwork) que musicale, leur mélange si particulier de plein de choses qu’on aime (du trip hop au métal, le spectre est large) a fait son chemin et si on raté quelques étapes (promis, ce n’est pas de notre faute), on reprend le train en marche avec ce wagon appelé Altra. Si tu ne fais que les découvrir, «Elevate/Levitate» te mettra rapidement dans le bain avec ces riffs tranchants, ces pauses délicates et ce chant clair qui pose des ambiances ouatées en profitant de la chaleur d’une rythmique organique. Comme les titres sont assez longs et leurs constructions assez élaborées, Naïve mérite le qualificatif de «prog» mais contrairement à la pensée commune, un prog absolument pas ennuyeux et dans lequel on ne se sent jamais perdu même quand les riffs les plus saturés sont accompagnés d’électronique. En terme de sensations, j’ai parfois les poils qui se hérissent comme sur ce «Monument size» digne du Filter du monstrueux Title of record, c’est donc juste fabuleux. Tout ce qu’il touche, ce trio le change en or, alors merci à eux de nous en faire profiter.
Trois mois après Next level, un septième album mi-figue mi-raisin, Le Peuple de L’Herbe enchaîne avec un mini-LP. Ceux qui suivent les Lyonnais savent que ces derniers ont exploré progressivement et par intermittence d’autres terrains musicaux, disons plus «mainstream», plus populaire, et ont laissé le nu-jazz, le dub et l’électro hybride sombre au placard. Sachant cela, il n’est pas étonnant de découvrir la diversité que propose cette galette de huit titres composés de quatre chansons originales et quatre remix/lives extraits des deux précédents albums démontrant la machine scénique qu’est cette formation. Le groupe s’est associé avec les MCs du collectif sud-africains Cape Town Effects pour «Yini bo» et «Stier groente», titres chantés dans la langue locale, pour des performances hiphop volontairement variées montrant ainsi le point de confluence des deux cultures. «Velociraptorous» marque son empreinte au fer rouge avec une basse déroutante et des sons rétro-futuristes parsemés. Enfin, l’électro-funk de «Et la fête continue» est dans la totale continuité de Next level et reste la moins marquante du LP. Avec ce dernier, Le Peuple de L’Herbe remonte le niveau et continue à braver les frontières musicales en multipliant les collaborations. Que le spectacle continue.
Omrade est un duo de métalleux qui ont voulu créer une musique différente. Ne se limitant à aucun style, il va chercher ce qui lui plaît autant dans l’indus (une sorte de version pop et lugubre de NIN) que de l’ambient avec des tonnes de parties électro. Disséquer chaque titre peut prendre beaucoup de temps et permettrait d’aligner quasi toutes les influences musicales possibles et d’arriver à des descriptions aussi étrange que «jazz cuivré mélancolique». Christophe (chanteur et guitariste, à l’oeuvre dans Mur par exemple) et Jean-Philippe (batteur d’Idensity) laissent une grande place aux instruments et se laissent leur instinct balancer quelques passages plus sombres et métalliques (quand même). Entre musique de film (soit obscur soit homérique) et délires dignes d’un Mike Patton (plutôt celui de Fantomas), Omrade arrive à composer un album qui s’écoute et qui intrigue, un opus qui sent bon le travail ciselé sans cesse remis sur l’ouvrage avant de le figer sur disque. Forcément dans la masse d’idées, tu en trouveras certaines moins inspirées (ces gémissements sur «Aben dor»), certaines plus réussies (le chant féminin qui vient trancher avec le reste sur «Satellite and narrow») mais dans tous les cas, tu devrais de quoi t’alimenter les oreilles et le cerveau.
Oli
Ted
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Oli
EN BREF
ORAKLE
SCALPER
MANYFINGERS
Eclats
The emperor’s clothes
The spectacular nowhere
(Apathia Records)
(Jarring Effects)
(Ici d’Ailleurs)
Formé en 1994, Orakle s’est fait connaître il y a une quinzaine d’années mais depuis 2008 et Tourments & perdition, ce groupe aux multiples influences avait quelque peu disparu de la circulation. C’est avec Eclats qu’il refait parler de lui et, en quelque sorte, remet les compteurs à zéro. En quelque sorte seulement car ce qui fait l’essence même du groupe est toujours là, à savoir un métal complètement ouvert assez exigeant et des textes en français. Certains diront alternatif, d’autres expérimental, on ne simplifiera pas avec l’adjectif «progressif» pour qualifier le ton de cette nouvelle galette servie dans un digipak de grande classe (il est vrai que les sculptures de Robert Le Lagadec méritent une telle mise en valeur). Si à l’oreille, rien ne semble écorcher, il est tout de même peu aisé d’accrocher immédiatement à la musique des Franciliens qui cassent de nombreux codes et mélangent toutes les énergies du métal pour créer leur univers et plus que les styles que l’on retrouve par petites touches (du black par ci, du heavy par là...), ce qu’on retient après l’écoute, ce sont des sentiments comme le dégoût, la frustration, l’incompréhension, la révolte...
Après Lunatics, un EP digital de 4 titres sorti au mois de mars chez JFX Lab, et un clip mettant merveilleusement bien en scène l’univers sombre du bonhomme, Scalper enchaine le mois suivant avec un LP (vinyle + CD) sorti à l’occasion du Disquaire Day. Son nom : The emperor’s clothes. Son contenu : du rap contestataire à la sauce plus triphop hypnotique qu’hip-hop trap-grimemachin. Immédiatement, l’écoute nous ramène aux belles heures de Massive Attack, tant la voix caverneuse et le flow de Nad font penser à ceux de Tricky et 3D. Et puis il y a cette musique ombragée, cet espèce de dark hip-hop aux rythmes très souvent pesants et cycliques pour accompagner la poésie caustique scandée par Scalper, une musique qui puise ses sonorités d’un peu partout : la trompette à sourdine pour «Puppets», la guitare pour «Perfect fix», le tabla pour «My blood your blood», la piano pour «Illusionary atmospheres» ou le violon sur la dernière piste éponyme. L’exaltation de l’artiste l’amène aussi à tenter des interventions vocales féminines totalement réussies sur ses titres, comme le chant français sur «Perfume» ou les chœurs de «Lullaby». C’est un peu pour toutes ces raisons qu’on aime The emperor’s clothes avec ses 10 titres inspirés qui passent comme une lettre à La Poste...
Manyfingers est le projet «solo» de Chris Cole, multi-instrumentiste de Bristol qui sert autant le cinéma, la télé que des tonnes de groupes pour qui il travaille plus souvent que pour luimême. Depuis 2005, date de son deuxième album, il n’a d’ailleurs sorti qu’un split EP avec Matt Elliott (en 2012). Estampillable néo-folk, le gaillard touche à tout enquille les compositions délicates armé de son piano, de sa guitare et de nombreuses autres sonorités qu’il trouve un peu partout (la liste des instrus doit être assez longue) et prête parfois sa plume à des amis (David Callahan ex-Moonshake, The Wolfhounds ou Ida Alfstad). Même si le ton n’est pas franchement guilleret, il évite les ambiances trop sombres (va les chercher chez Nic-U si t’en veux) préférant la clarté et un certain dépouillement où seules quelques cymbales ou de petits éléments rythmiques viennent chatouiller les oreilles. The spectacular nowhere est une sorte de résumé des talents de Chris Cole puisque ces titres mélangent ambiances de «musique de fond» et petites mélodies vocales assez agréables.
Oli
Oli
Ted
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EN BREF ABRAXAS
LE A
PROGNATHE
Totem
Pale echo (Autoproduction)
Revelation flesh
Le A, c’est trois filles et un mec. Ca pourrait paraître tout juste charmant pour certains, sauf que ce groupe bordelais dispose de sérieux atouts dans sa besace. Je ne parle pas (que) des nanas, vous l’aurez compris, mais bel et bien de leur musique qui a le chic pour nous prendre par la main et nous transporter vers de lointaines contrées. Du rock atmosphérique qui, dès «Deus» et son entrée en matière calme à la Isis, montre qu’il sait alterner délicatesse et envolées de guitares et de synthés («Say no evil»). Le chant a ce petit quelque chose d’angélique voire de fragile dont on raffole ici à la rédac’ et c’est presque rageant de ne pas trouver de faille à Pale echo. Allez, si, peut-être le sempiternelle problème d’accent anglais chez les Français qui ont souvent honte de chanter dans leur langue natale et qui, sous prétexte de leur «culture musicale» anglophone, s’impose une langue étrangère. Sauf que là encore, le groupe nous prend à contrepied avec l’immense «Louise» et son chant impeccable en français. En somme, Pale echo est un EP dont les mélodies envoutantes et les soubresauts rythmiques montre la gracieuse générosité du groupe à mener son auditoire vers une totale introspection.
Après avoir sorti un album avec A Very Old Ghost Behind The Farm, le duo Prognathe (accompagné du Père Hector sur 5 titres) enchaîne avec «son» nouvel opus, une livraison d’une dizaine de titres compactés sous le nom Revelation flesh. Et si l’artwork (surtout le dos du CD) laisse un peu à désirer (même pour leur démo donnée pour jouer dans un bar, certains font mieux), les morceaux sont eux d’une sacrée qualité. Ca tabasse autant que faire se peut et ça ne le fait pas qu’avec les armes du black ou du death puisque les Toulousains vont chercher leur second souffle dans le sludge ou quelques instantanés doom (la septième piste est une petite merveille). Les différents chants, tous plus agressifs et malsains les uns que les autres se battent pour la place et donnent l’impression qu’on fait face à une horde de métalleux assoiffés de violence gratuite alors qu’ils ne sont tout au plus que trois à nous défoncer la tronche... Avec un peu plus de boulot sur la prod’ et l’emballage, Revelation flesh aurait pu faire bien plus mal encore et s’imposer comme un album incontournable pour tout amateur de métal extrêmement sauvage, mais l’énorme potentiel est là.
(Autoproduction)
Après un premier album en 2012, le quatuor parisien Abraxas sort un EP 5 titres intitulé Totem aux couleurs tout à fait raccord avec leur esprit ésotérico-mystique. Musicalement, c’est un peu moins spirituel et beaucoup plus charnel car leur électro-pop provoque l’irrésistible besoin de danser, quitte à être ridicule quand on est aussi bon danseur que moi. A l’écoute de leurs pépites ultra travaillées, une expression résume tout «avoir le diable au corps», Abraxas est comme possédé par le démon de la bougeotte et provoque des démangeaisons contre lesquelles on ne peut rien. Petite mélodie, grand coup de funk, sampling pointu, basse bondissante, son psyché, le groupe use de tous les artifices pour parvenir à ses fins et réussit son coup immédiatement. Car si leur musique est chiadée, réfléchie, arrangée, ciselée dans les moindres détails, elle est aussi d’une redoutable efficacité, bref, cet EP est une petite bombe et à part certains dessins dans le livret (d’un style «particulier»), il n’y a pas grand chose à redire et on préfère réécouter. Et danser. Oli
(Peccata Mundi Records)
Oli Ted
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EN BREF
UNDOBAR
YEALLOW
SHUFFLE
Dark & rusty
Homebred
Upon the hill
(Autoproduction)
(Try&Dye Records)
(M & O Music)
Après deux EPs (en 2011 puis 2013), le duo Undobar sort son premier album et épate la galerie avec un folk réfléchi, dépouillé, prenant et électrique. Avec comme credo l’utilisation des percus, des guitares et de leurs voix, Fred et Derrick (ex- Cross Damage) créé un univers accrocheur et charmant, chacun de leur titre touche à sa façon et semble parfait dans les moindres détails. Et si sur certaines intonations, on sent bien que le groupe est plus français qu’américain («A ghost in the channel»), on leur pardonne pour les fois où l’on retrouve quelque chose de David Eugene Edwards (16 Horsepower, WovenHand) dans des morceaux qui s’illuminent et nous hérissent les poils («Where art thou ?» par exemple). Sur leur base folk americana, le duo place des parties guitares aux distorsions très chaudes du plus bel effet et sortent ainsi du lot dans un rayon «folk» largement visité... Au jeu des tiroirs musicaux, on s’autorise (même pas peur) à parler de stoner-folk à l’écoute des très beaux «Sunrise» et «Fuck». Si tu juges que l’été n’est pas assez «cool et chaud», tu peux enfourner «Dark & rusty» dans ta platine, tu gagneras quelques degrés et installeras une ambiance des plus agréables.
Je ne m’étais même pas mis à l’idée de chroniquer ce groupe strasbourgeois de brit-rock formé en 2010. Et puis je me suis dit : «Putain, un groupe français qui a une page Wikipedia au contenu élogieux (comprendre «louche»), qui s’est fait repérer aux States, qui a joué dans des clubs assez mythiques, qui fait masteriser son dernier disque chez Jay Franco au Sterling Soung mais qui à l’heure actuelle cherche toujours un label...». Étonné, les collègues me convainquent d’en parler, Homebred se lance et, je vais être franc, c’est la douche froide. Yeallow est une formation qui se donne les moyens sans arriver totalement à ses fins, malgré un bon niveau technique sans fard, sa musique reste, quant à elle, sans relief avec une prise de risque minime dans l’intention. Imaginez une base musicale inspirée par The Strokes avec une humeur changeante, tantôt dansante et tantôt posée, avec un chant particulièrement monotone qui pourrait être apparenté à un feu-Michael Hutchence (INXS) fatigué. Pas joli-joli dit comme ça, on sent à l’écoute que le quatuor a plus le besoin vital de faire de la musique ensemble que de composer de bonnes et de singulières chansons rock qui percutent les esprits. Dommage, car leur motivation semble être bel et bien présente.
Bel artwork, beau son (signé Arnaud Bascuñana (Deportivo, Luke, No One Is Innocent...), distribution quasi mondiale, le premier album de Shuffle ne passera pas inaperçu et prouve qu’un groupe monté en 2009 et qui n’a sorti qu’un EP peut aller loin avec une campagne de crowdfunding. Depuis le slow langoureux à l’américaine jusqu’au (néo)métal (chant rappé par moments et gros slaps de basse dans ta face) en passant par de la power pop à l’anglaise (les mélodies douces ou tranchantes), le post rock (pour la piste instrumentale) et bien sûr du rock (les rythmiques, les effets, les riffs...), les dix titres d’Upon the hill donneront du fil à retordre à ceux qui veulent enfermer les groupes dans des tiroirs mais quelles que soient leurs influences, tous s’adoptent très rapidement. Si l’on excepte ce petit (et satané) accent qui trahit les origines du groupe, on peut voir Shuffle comme un rejeton d’une musique transfrontalière des années 90, comme si les Red Hot Chili Peppers avaient élargi leur propos au lieu de prendre leur virage mielleux. Et si la modernité c’était de partir un peu dans tous les sens et de plaire quand même ? Oli
Oli Ted
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EN BREF 74
LAST AVENUE
HIGH TONE
HERRSCHAFT
Integration protocol
Ghost track
Time and dust
(Tinplho Records)
(Jarring Effects)
(Autoproduction)
Quintet orléanais formé en 2009, Last Avenue sort, à peine un après Analog 1.1, son deuxième album intitulé Integration protocol. Mixé et masterisé par Christian Carvin (Curtiss, Caedes, Psykup, The Black Zombie Procession...), l’opus allie sons électro et grosses guitares pour un indus assez souriant («This is personal») tout en étant bien brutal («Wait»). Last Avenue aime en effet le «métal» même si le groupe se revendique avant tout «rock». Le combo a d’ailleurs durci le propos par rapport à sa galette précédente et, assumant davantage sa puissance, semble moins vouloir remplir les stades avec des mélodies et des loops un peu faciles. Avec les effets sur le chant, on pense à Fear Factory («Wireless ghost») alors que dans le son et l’importance laissée aux machines et à l’envie d’embraser le public, la référence est plus fluorescente (Punish Yourself) même si ce n’est que lors de fugaces moments («The factory»). Pour terminer, on peut s’interroger sur l’intérêt de la présence des deux guitaristes venus poser leurs solos (Roman de The Tria sur «Reverse» et Devy de The Mars Chronicles sur «Spying from the future»), non pas que leurs parties ne soient pas bonnes mais parce que la musique de Last Avenue n’a pas spécialement besoin de ce genre de passages pour marquer les esprits. Oli
C’est lors des sessions d’Ekphrön qu’est apparue la base sonore de cet EP. Pas assez mature à l’époque, le groupe a repris cette matière première pour la travailler et en délivrer quatre titres absolument fascinants. La révélation débute par un «Ghost tape» totalement psyché serti de sonorités tout droit venues des années 70, une ambiance pesante et progressive qui nous plonge dans le dédale. Un soupçon de lumière apparaît sur «Mercy», le rap d’Oddateee fait surface, insidieusement glaçant et frontal, il suit la vague sonore spectrale proposée par High Tone faite de bidouillages, d’effets, de nappes et de scratchs. Les Lyonnais sont déjà au top qu’ils enchaînent sur «All this things», soit un dub ombragé où s’expriment des synthés éparpillant leurs effluves 80’s. La formation termine son œuvre par un saisissant remix de «72’ turned off», titre paru sur Ekphrön. Intitulé «72 returned», ce morceau ajoute un esprit profondément cafardeux avec des guitares abrasives se fondant dans un espace aérien où volent en éclats les sons de claviers pendant que des chœurs féminins flottent brièvement dans ce capharnaüm sévèrement organisé. Même en mode EP et 18 ans après sa formation, High Tone arrive encore à nous surprendre par sa volonté de repousser chaque fois ses limites. D’une classe folle ! Ted
Actif depuis 2004, le trio Herrschaft emmené par Zoé (également dans The CNK) alterne EPs, LPs, compilations et travaux multiples dont ce Time and dust qui révèle et leurs talents de «remixeur» comme celui de «remixé». Couvrant les 10 ans de vie du groupe, la grosse quinzaine de morceaux sont en effet soit remixés par Herrschaft (comme le «Dis iz why I’m hot de Die Antwoord ou des morceaux des copains de Dexy Corp_, Porn ou The CNK pour ne citer qu’eux) soit des compos signées Herrschaft remixés par des potes (les mêmes mais aussi d’autres comme Tamtrum ou SyStr). Et ce qui, sur le papier ressemble à une grosse partouze électro-métal, accouche au final d’un vrai album très homogène. Une unité de sonorités mais pas forcément d’ambiances puisqu’on a des titres assez calmes («Uber alles» remixé par Zus) et d’autres bien métal («I am the one» remixé par Arsch Dolls) avec tout le spectre électro-cyber-EBM pour ce qui est des touches apportées par les machines (le même «I am the one» remixé par SyStr est bien plus technoïde)... Parce que oui, certains titres apparaissent en double («Human soul», «Chaostructure», «Valiant»...) et permettent de mieux juger du travail réalisé par les bidouilleurs. En conclusion, Time and dust est un très beau cadeau d’anniversaire pour les 10 ans d’Herrschaft. Oli
EN BREF
SIDEBURN
WILD DAWN
FROM THE HUMAN UNIVERSE
Evil or divine
Bloody Jane’s Shore
Human to human
(Metalville)
(Autoproduction)
(Autoproduction)
Depuis The newborn sun (paru en 2007), les Sideburn ont sorti deux albums chez Transubstans Records (The demon dance en 2010 puis IV monument en 2012) dont la France n’est certainement pas une cible puisqu’ils ne sont jamais arrivés chez nous... Signés chez Metalville pour ce nouvel effort Evil or divine (clin d’oeil au live de Dio), on retrouve donc nos Suédois fans de stoner à la cool qui envoient du chaud depuis leur pays froid. Et malgré le «trou d’air» pour nos oreilles, Sideburn ne semble pas avoir changé, jouant toujours sur les rythmes et la saturation pour varier des morceaux qui sonnent toujours bien sans cependant jamais toucher au génie. Car si tout est très bien exécuté, si les sons sont très travaillés, les ambiances bien ciselées, les enchaînements un poil trop calibrés et l’ensemble font qu’on a un très bon album de stoner mais pas non plus un truc qui va marquer l’histoire du genre ou même du groupe. Et dans un style où nombreux sont ceux qui tirent leur épingle du jeu avec une identité et des idées fortes, c’est rédhibitoire. Même avec un très beau digipak...
Certains groupes arrivent à digérer leurs influences pour en faire quelque chose de personnel. D’autres non. Si encore les références étaient variées. Mais on en compte ici en tout et pour tout deux : Metallica et Guns n’ Roses... bon allez trois, il y a Slash aussi. On écoute donc une fois de plus avec perplexité des jeunes qui s’évertuent à jouer comme des vieux. Pas qu’on déteste le heavy à papa, d’ailleurs la musique de Wild Dawn est tout à fait bien exécutée, et à leur décharge on peut même écouter cet EP comme une version réussie des médiocres Load et Reload des Californiens cités plus haut (si si ! Il y a même les ‘’yeah’’ de James Hetfield à la fin de chaque phrase !). Mais franchement, cette mixture FM/ Huile de moteur qui se revendique ‘’stoner’’ on en a définitivement trop soupé. Vous pourrez toujours mettre des chemises à carreaux, jouer les bûcherons velus, prendre la pose en faisant le solo de guitare ou même faire un superbe effort sur le visu (+1 pour l’artwork quand même) qu’on y croira toujours pas. Ceci dit, pour les vrais rednecks, les trois titres acoustiques à la fin de l’EP sauveront les meubles.
Quand deux zicos reconnus de la scène toulousaine se rejoignent sur le même projet, il ne faut pas longtemps pour que ça ressemble à quelque chose... S’il commence à composer seul en février 2014, Wilfried (qui a oeuvré dans Leiden et s’offre ici une sorte de prolongement à ses aspirations personnelles) accueille à bras ouverts Benjamin (Sidilarsen) en septembre et en quelques mois ils enregistrent et sortent ce premier EP en avril 2015. S’il n’a pas prévu de jouer en live, le duo s’éclate en studio et ressemble à un vrai groupe quand on l’écoute car aucun instrument n’est mis de côté, au contraire, ils sont même mis en valeur sur la quatrième piste avec une version sans chant et écourtée du titre éponyme. From the Human Universe se présente comme un projet électro dark métal mais on peut aussi l’entendre comme un groupe de prog rock, d’ailleurs il ne cache pas son admiration pour Pink Floyd et on imagine que King Crimson leur plaît également. Tu l’auras compris, les ambiances sont proéminentes et le clavier est davantage mis en avant que les guitares, avec un chant peu mélodieux et bourré d’effets, on se retrouve avec un groupe qui semble sorti du passé et qui aurait un peu trop biberonné au Type O Negative, dommage car avec les idées instrumentales, il y avait certainement mieux à faire. Oli
Oli Elie
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EN BREF KEHLVIN / FLESHWORLD
T.T.TWISTERZ
SAPIENS SAPIENS
To deny everything that’s mundane
It’s a beautiful world
Beastymachines
(Division Recods, Unquiet Records)
(Autoproduction)
(Autoproduction)
Après l’énorme révélation Moanaa dans le dernier mag, c’est cette foisci au tour de Fleshworld de se signaler au rayon post-hardcore polonais ! Pas aussi percutant que les auteurs de Descent (la faute peut-être à une production un peu sourde qui écrase des riffs déjà bien lourds), Fleshworld joue sur les schémas classiques du genre, alternant passages éthérés et d’autres etouffant dans de longues compositions aux variations de tempos réfléchies. Ce groupe méconnu s’offre à nous en mode sandwich avec Kehlvin pour un split vinyle très classe où les Suisses jouent 3 des 5 plages mais au final moins longtemps que les Polonais... Eux aussi ne bénéficient pas d’une prod à la hauteur de leurs créations, le mixage et le choix de sons est toujours sujet à débat, je pense qu’il y avait mieux à faire dans le traitement du chant comme des guitares car on perd un peu en puissance («Fistful of coins»), d’un autre côté, ça met en valeur Fleshworld dont les sons clairs font du bien («Wrecking constructs»). En plus d’être un bel objet, To deny everything that’s mundane permet de mettre du Kehlvin frais dans ses oreilles (trois ans nous séparent de The orchard of forking paths) et de découvrir un énième groupe de post-HardCore qui vaut le détour...
Qui aurait pu croire que derrière cette morne pochette et ce patronyme à coucher dehors se cachait un groupe aux dents longues et acérées ? Avec It’s a beautiful world, le power trio lyonnais nous offre un album efficace et généreux (une bonne heure de musique) dont la première écoute est une injection immédiate de plaisir. T.T. Twisterz à les pieds ancrés dans les 90’s et façonne une musique aux forts accents US tout aussi mélodique et fine que velue, faite maison. Difficile d’y accoler une étiquette stylistique tant la formation jongle habilement entre grunge, punk et heavy, une chose est sûre on a affaire à de sacrés riffeurs qui savent ajouter à cela des refrains super catchys. Pour ne rien gâcher on découvre même d’excellents textes bien revendicatifs et biens écrits qui donnent un peu plus de profondeur à la musique du groupe (‘’Wrong’’). Bref, voilà une petite autoprod qui va bien, avec un mix tout à fait honorable et une musique absolument jouissive et qui doit faire du bien en live. Par contre les gars, faites un effort sur le visu, parce que la brush photoshop ‘’fumée de cigarettes’’ c’est vraiment cheap.
Coup de cœur du festival Terres Du Son en 2014, le duo d’électro hip-hop funky tourangeau Sapiens Sapiens a délivré en début d’année son 3ème EP intitulé Beastymachines. Auto-qualifié de «Cheap organ electro», ces artistes férus de beats énergiques et de curiosités sonores issues de leurs machines vintage, nous font le plaisir de nous ouvrir leur univers aux sonorités hautes en couleurs et enclines à la bonne humeur. L’intro scratchée par Kevin Rabiller nous amène vers un abstract hip-hop que l’on connaît très bien dans l’hexagone (Wax Tailor, Hugo Kant, Algorythmik, Chinese Man) suivi dans la foulée d’un «Beasty machines» éclatant au sein duquel les extraits vocaux rappés s’entrechoquent sur un rythme groovy et efficace. Sapiens Sapiens passe en mode funky sur «Alcoholics in da place» où les bpm s’envolent pour une invitation sur le dancefloor puis redescendent légèrement sur «Girl vs silly boys», un titre qui révèle un penchant G-Funk avec sa voix à la Roger Troutman. Surprenant, mais pas déplaisant. Idem pour le dernier morceau «Camping hippie girls» avec ce clin d’œil au circuit bending (l’art de sortir des sons bizarres en bricolant des vieux instruments électroniques voire des jouets de faible tension électrique en les court-circuitant) façon disco punk. Un disque idoine en cette période estivale. Ted
Oli
76
Elie
EN BREF
L’OEUF
BOAR
PHANTOM WINTER
Parvin
Veneficae
Cvlt
(Autoproduction)
(Lost Pilgrims records)
(Golden Antenna Records)
Après avoir mis deux titres gratos sur son bandcamp en 2013, L’Oeuf a récidivé, postant deux nouvelles compositions pour les oreilles du monde sans rien demander en échange... Bien que très occupés par leurs différents groupes (plus ou moins actifs), Thomas (Bison Bisou, Maxima Pirata...) et Nicolas (White Loose Woman, Green Vaughan, Persian Rabbit...) ont trouvé le temps, d’écrire, d’enregistrer et de produire «comme des pros» les 10 minutes léchées de ce Parvin. Le premier morceau éponyme laisse transpirer les aspiration orientales du duo avec un texte qui sert d’intro à un titre rock qui varie les tempos pour nous enlacer telle une Shiva dont on ne pourrait s’extraire quand le ton furieux se met en branle. Là, où certains auraient fait 3 plages, on n’en a eu qu’une. La seconde, «Wooden men» entre plus vite dans le vif du sujet, plaintive, elle semble avoir subi les assauts de la précédente et tente de s’en remettre. Sans réussite... Plus «simple» et monotone que «Parvin», le morceau souffre de la comparaison parce que l’autre est tout simplement excellent... Et, faut-il le répéter, tu peux l’écouter tout de suite et le télécharger gratuitement...
Quatuor finlandais fondé à Oulu en 2009, Boar a livré une petite poignée de splits et d’EPS depuis ses débuts et choisi le printemps 2015 pour franchir le pas de l’album avec Veneficae. Un format album, mais tout juste 6 titres, et une musique lourde, à la croisée du doom, du stoner ou de la noise. Des compositions qui n’ont pas à rougir face aux légendes du style mais qui ont cependant parfois du mal à s’en détacher, surtout lorsque que l’on n’est pas un spécialiste du genre (pardon). L’entrée du disque est sans équivoque et très vite arrive la première claque (« Witch woman »). « Trees » et ses guitares claires viennent ensuite nuancer le propos à mi-parcours après 4 (forcément) longs titres majoritairement instrumentaux, où une voix judicieusement enterrée fait cependant quelques apparitions possédées. Pas forcément toujours très en place, les deux guitaristes délivrent un final tout en lourdeur sur « Wolf lord » et offrent avec Veneficae tout ce que l’on peut attendre d’un album sombre, massif et évocateur.
Omega Massif a été l’un des fleurons du doom-sludge-post-hardcore allemand pendant dix ans et puis STOP. Tristesse. Et très rapidement espoir quand deux de ses architectes (notamment Andreas au chant et à la guitare) annoncent la création d’un autre groupe, forcément prolongement du précédent : Phantom Winter. Et ce nouveau combo n’a pas chômé puisque depuis avril on a dans les feuilles leur premier opus : Cvlt. Cinq titres mais pas un en dessous des 6’55», du gros, du gras, du lourd, du doom, du sludge, du post-hardcore (mais moins), Phantom Winter ne décevra pas les amateurs d’Omega Massif ou de musique distordue, lente et abrasive en règle générale (Amen Ra, ça te dit quelque chose ?). Le chant est au diapason des guitares, lugubre et oppressant, il nous asphyxie en anglais (et pour le «message», tu passeras par le digipak, sinon, bon courage), ne relâchant jamais la pression... Contrairement au rythme qui, lui, sait se calmer pour donner de la lumière à l’ensemble («Finster wald») ou au contraire pour éterniser la souffrance («Svffer», oui les gars aiment mettre des V à la place des U comme les romains). Epiques mais pas grandiloquents, enlevés bien plombés, les morceaux de Cvlt sont plus que prometteurs puisqu’ils nous font oublier (déjà) qu’Omega Massif n’est plus... Oli
Oli
Antonin
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INTERVIEW TEXTE
INTERVI OU : BENISTY Penelope circus étant un des albums qui m’a le plus touché ces derniers mois, ile me paraissait évident de mieux faire connaître le travail de Jonathan Bénisty, cette «intervi ou» est l’occasion de découvrir un peu mieux le musicien comme la personne.
Fatals Picards ou Démago ? J’étais dans ces deux groupes il y a dix ans, ça fait un bail maintenant. J’ai vécu des moments mémorables avec les deux. C’était une période très intense. Bien entendu, je ne peux pas choisir, on ne choisit pas quelle part de son histoire est la plus importante. Abdominal ou Les variations de l’éther ? Sans hésiter, Les variations de l’éther. Toute l’histoire de cet album a été magique. J’ai presque l’impression d’en avoir été plus le témoin que l’acteur. Et puis Les variations de l’éther, ça n’est pas seulement de la musique, ce sont aussi des tableaux et une pièce de théâtre. C’est un projet collectif et pluridisciplinaire. J’ai adoré faire partie de cette aventure. Penelope Cruz ou Babylon Circus ? Euh... Télémaque ou Ptoligorthès ? Il n’y a pas de Ptoligorthès dans Ulysse 31 alors je dirais Télémaque. Ou alors Nono le petit robot. Guitare ou piano ? Basse. La basse est mon instrument ! Ca parle au bide
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avant de parler aux oreilles et ça fait bouger les pieds. EELV ou Greenpeace ? Green Lantern, parce que lui il peut vraiment sauver le monde. Plus sérieusement, les deux sont des organes de pouvoir. Evidemment, une telle réponse mérite plus de développement. EELV est un parti politique, ils ont donc tout mon mépris et je m’en méfie comme de la peste. Ceux qui veulent le pouvoir sont à fuir ou à combattre, point. Pour Greenpeace, c’est plus compliqué, je les ai soutenus pendant des années et ils ont objectivement fait avancer la société dans le bon sens sur de nombreux points. Et les militants Greenpeace que j’ai rencontrés sont des gens sincères et habités. Mais comme beaucoup d’associations «multinationales», Greenpeace n’est plus du tout un contre-pouvoir mais bel et bien une des composantes du pouvoir. Ils participent au spectacle. On peut dire que Total et Greenpeace sont les deux faces d’une même pièce. Développement ou environnement ? C’est vraiment compliqué de répondre à une telle question : ce sont des mots-valises, on peut leur faire dire ce que l’on veut. En outre, je ne suis pas un artiste engagé : mes chansons ne servent pas un message politique.
Pourtant, les deux chansons disent finalement la même chose. «No way out» est peut-être plus directe, plus «premier degré», on se la prend plus en pleine gueule je crois.
Penelopecircus.com ou Page Facebook ? Le .com, bien sûr, je suis très méfiant vis à vis de Facebook et je ne suis pas le genre d’artiste qui fait buzzer sur les réseaux sociaux. Ma musique ne s’y prête pas et je suis incompétent en terme de communication. Alors pour me découvrir, mieux vaut faire un petit effort et venir chez moi : vous serez bien reçus !
Baudelaire ou Apollinaire ? Apollinaire, parce que c’était un précurseur du surréalisme. Mais je suis personnellement plus touché par les poèmes de Baudelaire. Non, tous les choix dans la vie ne sont pas logiques.
La Fièvre ou Ma Benz ? La Fièvre. J’ai beaucoup écouté l’album Paris sous les bombes d’NTM à l’époque. Grosse claque. C’est probablement mon album de rap français préféré. En anglais ou en français ? Les deux ! Ce ne sont pas les mêmes sonorités, et ce n’est pas la même manière de penser la musique. La chanson populaire française est d’abord de la «chanson à texte», héritée de l’histoire des chansonniers et des ménestrels qui étaient avant tout des conteurs. La musique pop anglaise, ce sont d’abord des mélodies. Les Anglais ne pensent pas l’écriture de la même manière que nous : les mots sont de la musique. Dans la chanson française, les mots sont de la poésie ou racontent une histoire. C’est très différent comme approche et j’aime explorer les deux mondes.
INTERVIEW TEXTE
Rat des villes ou rat des champs ? Né rat des villes je suis maintenant rat des champs. J’ai vécu toute ma vie à Paris et en banlieue et depuis un an je suis à la campagne. Bilan : je reste à la campagne !
Péniche El Alamein ou la maison ? Encore une question difficile ! On est bien sur le bateau, il y a toujours de la musique et les tauliers sont de vieux amis. Mais on est bien à la maison aussi... Et puis j’habite loin maintenant. Concert live ou montages vidéos ? Live, live, live ! Merci à Jonathan Bénisty ! Photo : Johann Fournier Oli
Archive ou Ez3kiel ? Archive, même si j’aime beaucoup Ez3kiel qui s’avère en plus être un des meilleurs concerts que j’ai vu ces dernières années. J’ai un profond respect pour leur travail. Ils innovent, mélangent les arts et les médiums, tout en proposant une musique de grande qualité : ils font de l’art populaire exigeant et ambitieux. Et puis l’exposition des mécaniques poétiques, c’est vraiment la classe... Alors pourquoi Archive ? Parce que «Again», «Take my head», «You make me feel»... Pink Floyd ou King Crimson ? Quelle question ! Pink Floyd pour toujours. Et puis les Beatles aussi. «Tout n’est pas si mal» ou «No way out» ? «No way out». Ce sont un peu les deux chansons opposées de l’album : «Tout n’est pas si mal» est une chanson majeure et entraînante en français, «No way out» est une chanson mineure et lancinante en anglais.
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TEXTE LIVE
LIVE>AARON Après sa série de concerts acoustiques et la sortie de Waves from the road, Aaron a fait une pause... Et si le temps nous a semblé long, pour eux aussi puisqu’une fois enregistrés, ils n’ont pas pu attendre pour nous faire profiter de leurs nouveaux titres et ont décidé de faire une mini-tournée quelques mois avant la sortie de We cut the night (en septembre) et quelques jours après leur apparition «surprise» au Printemps de Bourges (le groupe y a joué sous le nom «Blouson Noir»), la première date a lieu au Grand Mix de Tourcoing, il fallait donc y être. La salle a affiché complet en 3 jours, signe (s’il en fallait) que le public n’a pas oublié Aaron qui a déjà maintes fois charmé les Lillois (au Sébastopol comme à l’Aeronef). Une salle sold out, c’est du pain béni pour un groupe de première partie... Comment les Camp Claude se sont retrouvés à ouvrir sur quatre dates, c’est la question qu’on se pose après (et pendant) cette soirée et à part le critère financier, on ne voit aucune raison de les avoir choisis. Ce groupe est un trio composé d’un mec derrière une machine à faire des rythmes qu’il a dû racheter aux Inconnus après leur tube «Isabelle a les yeux bleus» (et il n’a pas cru bon de changer les programmes), un guitariste neurasthénique qui semble avoir appris à jouer dans l’après-midi et d’une chanteuse qui a une voix correcte (quand on enlève les effets) mais qui elle aussi a raté le virage des années 90 et est restée bloquée quelque part en 1986. La «musique» est un mélange de petites notes de guitare, de sonorités froides et d’un chant «j’en fais des tonnes pour rien». Au final, aucune émotion, aucune passion et si le public reste sympa, il discute et blablate tout de même pas mal, il faut dire que rien ne va chez Camp Claude à qui il faudrait non seulement un directeur artistique mais aussi un styliste, un coiffeur, un chorégraphe... C’est une calamité mais
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surveille bien les Inrocks, je suis sûr qu’un de leurs stagiaires trouvera «un certain charme retro-cold wave lié à un dépouillement de l’âme et de sens» à ce trio qui rejoindra bien vite Smoking Smoking sur la liste de ceux qui ont connu leur apogée en ouvrant pour Aaron. Soucis avec la liste «presse» à l’entrée de la salle, première partie catastrophique, interdiction de prendre des photos à cause d’un système de laser (un gadget vu leur utilisation), Aaron va attaquer son set avec un bel handicap car je ne suis pas dans les meilleures dispositions pour apprécier le concert... Et pourtant, même en commençant avec trois titres issus de leur album à venir et en imposant ce son gavé d’électroniques et de basse, le duo (quatuor sur scène) a réussi à ensorceler, une nouvelle fois, son monde. C’est en douceur avec «Magnetic» que Simon et Olivier attaque le show, histoire de prendre leurs marques et la température. Une température plutôt bonne qui monte de plusieurs crans avec «Blouson noir», si l’écoute de ce «single» ne m’a pas immédiatement convaincu, là, en live, ça fonctionne et ces sons popularisés par Kavinsky transmettent de bonnes vibrations. «Onassis», lui aussi déjà dévoilé, montre que les présents sont des fans qui ne
Me voilà donc converti au nouveau son du duo, j’en arrive même à facilement intégrer que je n’entendrais plus forcément «Angel dust», «Mister K.» ou «Endless song» en live, à me dire que «War flag» ou «Birds in the storm» vont être vraiment pas mal quand ils seront revisités dans les mois à venir, bref, c’est un retour réussi pour nos Artificial Animals Riding On Neverland qui, après
ture particulière à ces morceaux que l’on connaît. C’est avec «U-turn» que les différences s’imposent, même s’ils ne sont que deux à l’interpréter, le tube n’a rien à voir avec sa version piano ou ses variantes à la guitare, c’en est presque un «nouveau» morceau. Mais tu peux être rassuré, Aaron n’a pas tout changé, tu peux toujours chuchoter avec eux sur «Seeds of gold», sautiller sur «Ludlow» et danser jusqu’à tomber avec «Rise». Des inédits, celui qui m’a le plus marqué c’est «We cut the night» au moins aussi électro que rock, il a mis le feu au Grand Mix et a conclu de fort belle manière la première partie du set. Le premier rappel a permis à Olivier de jouer un peu plus de guitare et après trois titres de se demander pourquoi c’était passé si vite ? De nouveau rappelé, Aaron est revenu pour rejouer «Blouson noir» avant de saluer...
avoir renoué avec leur public de fidèles, devrait encore élargir leur cercle de fans à l’automne et certainement enflammer les plus grands festivals l’été prochain.
TEXTE LIVE
ratent rien et vivent déjà ce concert comme s’ils ne découvraient pas ces titres. C’est avec «Blow» qu’on se rend compte que si Aaron joue forcément encore de «vieux» morceaux, ces derniers ont été retravaillés et assez largement modifiés pour se fondre dans le moule et prendre la couleur de We cut the night, notons alors le travail de Léonie aux percussions qui offre une relec-
Setlist : Magnetic, Blouson noir, Onassis, Blow, Seeds of gold, Ludlow, Ride on, U-turn, Arm your eyes, We cut the night / Rise, Little love, Leftovers / Blouson noir Merci à Eric, bisous à Sab. Photos à l’arrache : Oli Oli
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TEXTE LIVE
LIVE> DEATH CAB FOR CUTIE Il s’en est fallu de peu pour ne pas vous relater la venue récente (NDR : le 25 juin) de Death Cab For Cutie au Bataclan. Autant avant, tout était carré avec les labels, tu savais à peu près au grand max une semaine avant si tu étais accrédité ou pas, autant maintenant, ça se joue à l’heure, voire sur place. Depuis le mois de mai, pas de nouvelle du label jusqu’à cet e-mail la veille du concert m’informant que «faute de place», je ne serai pas accrédité. Je précise que le show n’était pas complet du tout, en partie la faute a un prix pas donné du tout, voire délirant de nos jours (tiens, un exemple, pour celui qui veut voir les Melvins au Bataclan en septembre, ca lui coûtera pas loin de 50 balles en balcon et 40 en fosse). Bref, heureusement, le tourneur a fait le boulot, finalement j’en suis et je le remercie.
Je précise que je suis, d’une manière générale, fan du groupe depuis de très nombreuses années - en gros depuis The photo album) - sans l’être forcément avec tous les titres qu’il a sortis d’ailleurs. Et aussi bizarre que cela puisse paraître, c’est la première fois que je vois la bande de Ben Gibbard à l’œuvre sur une scène, la faute à des occasions précédentes ratées. Je me dis que bien que leur dernier album Kintsugi ne soit pas LA sortie de l’année (sa découverte fut pour ma part un peu décevante) et que le départ de Chris Walla m’ait carrément fait chier, ça doit valoir quand même le coup de ressen-
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tir la puissance des morceaux phares de Death Cab For Cutie sur scène. Surtout que ce soir-là est spécial pour moi car je suis exceptionnellement accompagné de mon frère, lui-même fan inconditionnel du groupe depuis longtemps. L’occasion était donc parfaite. Les Écossais de We Were Promised Jetpacks ouvrent la soirée par une combinaison indie-power-pop-post-rock ma foi très sympathique, assez énergique pour se déhancher et bouger la tête, assez aérien pour se laisser emporter par moment sur certains titres qui s’étirent.
Comme ils le font souvent en général, les Américains parviennent à élaborer des setlists équilibrant assez bien leur discographie, sans mettre forcément l’accent sur leur dernier né, tout en puisant dans ce qu’ils ont fait de mieux sur chaque album. Kintsugi est représente un tiers du show, passant pour le coup bien mieux en live qu’en studio, même si «Little wanderer» reste néanmoins tout aussi mauvaise dans un cas comme dans l’autre. Le groupe sait contenter son public avec ses hits («Cath.», «Crooked teeth», «You are a tourist», «Soul meets body», «The new year»), sait le surprendre en trouvant un moment pour placer «President of what ?», l’un de ses premiers morceaux sorti en 1998 sur Something about airplanes, et puis il sait surtout embellir ses morceaux, leur faire prendre une autre dimension sur les planches. C’est le cas de «Doors unlocked and open» par exemple, qui se révèle puissante par sa rythmique et atmosphérique par ses envolées de guitares quand tout se met en branle. Dans un registre plus intimiste, «I will follow you into the dark», fut l’un des moments les plus touchants du show, les comparses de Ben le laissant jouer seul face au public en mode acoustique. On pourrait dire tout autant la même chose pour ce somptueux final que nous offre les Américains avec «Transatlanticism». La classe.
Setlist : No room in frame, Crooked teeth, Photobooth Black sun, Doors unlocked and open, The ghosts of Beverly Drive, Little wanderer, President of what?, You’ve haunted me all my life, What Sarah said, I will follow you into the dark, I will possess your heart, You are a tourist Cath., Soul meets body / El dorado, The new year , Transatlanticism
TEXTE LIVE
Pas pour très longtemps car le groupe clôt sa prestation assez vite, assez aussi pour donner l’envie d’y jeter une oreille sur disque malgré un chant qui peine à arriver correctement au premier rang où nous sommes. Un comble ! Et c’est sensiblement la même chose lorsque le trio Death Cab For Cutie débarque sur scène accompagné d’un nouveau guitariste et d’un claviériste (destiné uniquement au live ?) pour livrer le premier titre de son nouvel album «No room in frame».
Merci à Laure d’Alias Ted
Malgré le départ de Walla et ces quelques soucis sonores, Death Cab For Cutie reste sur scène une énorme machine indie-pop à la mécanique très bien huilée. Une heure et demi de show qui auraient mérité une salle blindée de gens, qui ont surement préféré se retrouver sur le festival gratos de Oui FM à quelques pas du Bataclan, sur la place de la République, pour écouter Bikini Machine, Mina Tindle, Les Innocents et Cali. Chacun ses goûts, après tout.
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IL Y A 10 ANS
IL Y A 10 ANS : FIRECRACKERS She demon (Un Dimanche) sueur non épongée, du public qui vient là gratos et évite les coups de manche des guitares comme à la parade... Le rock vivant, pas un putain de truc légendaire ! Un rock réel, un rock qui naît en 2005 sans avoir rien à foutre de ce qu’il sera dans 40 ans, un rock qui n’a pas non plus peur de sortir des «vieux solos» («Burning the disaster»), qui filtre sa voix sans honte sur un blues («Devil doll blues»), qui envoie le bois en se souciant des mélodies («She demon»)...
L’été 2005 était marqué par la sortie d’un énième album studio des Rolling Stones, légende vivante du rock qui écrit des albums pour pouvoir payer l’entretien du yacht (plutôt que de la piscine ?) et faire le tour du monde gratos et y délivrer quelques concerts hors du temps et de l’ordinaire... La presse non spécialisée et une certaine presse spécialisée se dépense donc en articles et dossiers sans compter, on rabache aux moutons telle ou telle histoire de rencontre, le nombre de semi-remorques qui promènent leur scène et on monte en épingle le titre «brulôt anti-Bush», autant de diversions qui montrent que les légendes sont toujours là et évitent de parler frontalement d’album assez mauvais... Quel rapport avec les Firecrackers ? Aucun. Si ce c’est que des putains de groupes de rock n roll, ça existe encore !!! Des groupes comme ça, il en existe plein mais trop peu en parlent, mettez-les à l’affiche comme les Stones et le rock «mort et enterré» paraîtra lui aussi plus en forme que jamais... Et pas seulement dans les supermarchés et sur papier glacé, les Stones ont fait beaucoup mais ce ne sont pas des survivants, ils sont déconnectés du monde réel, celui des arrière-salle, des amplis posés entre deux tables, des line-checks en direct, du bassiste qui réclame une bière au patron entre deux titres, de la
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Stoner ? Rock ? Speed Blues ? Là encore, on et ils s’en tapent, les Firecrackers sont là pour les riffs (et les gonzesses ?), tout feu tout flamme, ils existent grâce au passé mais jouent dans le présent là où certains jouent du passé pour exister dans le présent. Il est là l’album du mois et 10 ans après on en reparle... Même si le groupe après avoir livré une belle bataille et quelques autres excellent disques s’est séparé pour se réincarner en Jose & the Wastemen parce que cette flamme,elle, ne s’éteint pas facilement. Oli
CADEAUX
CONCOURS BERRI TXARRAK Berri Txarrak est un groupe généreux. Si tu les as déjà vus en live, tu sais qu’ils se donnent sans compter... Si tu as lu le mag en entier, tu sais qu’ils ont sorti un triple CD pour leur anniversaire... Tu vas être heureux d’apprendre que le trio offre 5 digipaks (au total ça fait donc 15 CDs !) pour ceux qui ne les connaissent pas encore tout à fait (oui, parce que si tu les connais, tu as forcément déjà ton exemplaire de Denbora da poligrafo bakarra. Alors, si tu veux te faire plaisir avec ces 3 disques aux ambiances variées, entre rock, punk et métal, réponds bien à cette question et attends septembre et le tirage au sort pour savoir si tu as gagné... Mais si tu veux un conseil, va te le procurer sans attendre et si tu gagnes, tu pourras faire un beau cadeau. Comme ceux que font Berri Txarrak... http://www.w-fenec.org/concours/index,247.html
BLACK RAINBOWS Les Italiens de Black Rainbows nous ont livré Hawkdope énormissime qui les place parmi les leaders du stoner en Europe, rien que ça... Si on les savait talentueux, ils étaient jusque-là victimes de leurs illustres influences (Kyuss ou Fu Manchu), cet album explose cette analyse et permet aux Black Rainbows de se forger leur image personnelle. On te propose de t’en rendre compte par toi-même en gagnant 5 exemplaires de cet album ! Alors, n’hésite pas une seconde et fonce sur la page de ce concours ! http://www.w-fenec.org/concours/index,248.html
ABRAHMA Heavy rock ou rock heavy ? Si tu aimes ça, tu aimes Abrahma et leur dernier chef d’œuvre Reflections in the bowel of a bird t’a comblé ! Si tu ne connais pas trop, on t’offre l’occasion de repartir avec un ds 2 albums mis en jeu pour ce concours ! L’artwork est superbe, pour en profiter pleinement, rien de tel que l’édition vinyle et pourquoi pas l’édition limitée numérotée à la main ? Il en reste quelques uns donc n’hésite pas trop longtemps... Pour gagner la version CD (et c’est déjà pas mal), il faut bien répondre à cette (facile) question et espérer être tiré au sort lors de la fin du concours (soit en septembre, à la sortie du mag #20). Bonne chance ! http://www.w-fenec.org/concours/index,249.html 85
DANSTEXTE L’OMBRE
DANS L’OMBRE : ROGER WESSIER Quand tu es dans la mailing list de Roger, tu reçois des mails à n’importe quelle heure pour assurer la promo de groupes que tu ne connais pas toujours, ils ont sorti un clip,sont dispos en interview ou veulent simplement te faire écouter leur musique, le gars et son équipe sont tout le temps là sans que toi tu ne le connaisses...
Quelle est ta formation ? J’ai tout appris sur le tas pour les métiers de la musique, je n’ai qu’un BEP Commerce en fait... Quel est ton métier ? Je suis attaché de presse mais aussi régisseur de spectacles. Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ? En tant qu’attaché de presse, je dois faire parler au maximum d’un artiste, d’un événement, caler des interviews etc... Quand je fais régisseur de spectacles, je dois préparer la venue d’un artiste dans une salle, faire le relais entre la salle, l’artiste et l’organisateur. Ca rapporte ? Après des tas d’années, un peu... Mais je ne fais ces métiers que par passion et il a fallu être patient... Comment es-tu entré dans le monde du rock ? En apprenant un instrument puis en intégrant des groupes... Puis en faisant le contact pour mes groupes pour trouver des concerts et puis petit à petit pour en arriver à ce que je fais aujourd’hui...
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Une anecdote sympa à nous raconter ? Oui un aftershow avec Motorhead à Lyon, ma voiture était en panne pour ramener Lemmy & Mikkey Dee, un bon pote m’a dépanné mais il avait une vieille R8. Imagine le voyage avec Lemmy à l’intérieur, fallait voir... il était bien plié par l’alcool et par la voiture (rires). Ton coup de coeur musical du moment ? Killus que j’ai vu en concert devant Avatar en novembre, un show d’enfer et un album fantastique. Es-tu accro au web ? Pour mon boulot oui, après j’ai besoin de ma télé pour décompresser vu que je passe des heures et des heures devant l’ordi... A part le rock, tu as d’autres passions ? L’histoire, j’adore découvrir ce qui s’est passé dans le passé. Tu t’imagines dans 15 ans ? Ben avec 15 ans de plus ! Et je serai peut-être à la retraite, ça reste à voir (rires).
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