Viabilité du modèle économique de la solution énergétique d’un écoquartier.

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MEMOI REDERECHERCHE DSAAr c hi t e c t ur ee tmaî t r i s ed' ouvr agear c hi t e c t ur al ee tur bai ne: f or mul at i ondel ac ommandee tc ondui t edepr oj e t

Vi abi l i t édumodè l eé c onomi quedel as o l ut i on é ne r gé t i qued’ uné c oquar t i e r . Ét udedec a sdeSa i nt Vi nc e nt de Pa ul , uné c o qua r t i e rr é uni f i a ntc o ns t r uc t i o ne tr é ha bi l i t a t i o n.

Pr é s e nt épa r:

Vl adys l avANI SKI V Di r e c t e ur s demé mo i r e:

Mme .Jani neGALI ANO M.Di mi t r iTOUBANOS M.LoupCALOSCI JUIN 2021


DSA Architecture et maîtrise d'ouvrage architecturale et urbaine : formulation de la commande et conduite de projet

Viabilité du modèle économique de la solution énergétique d’un écoquartier. Étude de cas de Saint-Vincent-de-Paul, un écoquartier réunifiant construction et réhabilitation.

Mémoire de recherche élaboré et soutenu par Vladyslav ANISKIV sous la direction de Mme. Janine GALIANO, M. Dimitri TOUBANOS et M. Loup CALOSCI

Année universitaire 2020 - 2021


Remerciements Ce travail est l’aboutissement d’un parcours que je n’aurais jamais pu réaliser seul. Le mérite d’un mémoire appartient certes à l’auteur, mais également à l'équipe qui l’encadre. Premièrement, je tiens à adresser mes sincères remerciements à mes encadrants Mme. Janine GALIANO, M. Dimitri TOUBANOS et M. Loup CALOSCI pour leurs précieux conseils, leur critique constructive et leur support, sans oublier Mme. Christine BELMONTE, la responsable du DSA Maîtrise d’ouvrage pour ses nombreux encouragements.

Je tiens également à exprimer mon énorme gratitude à M. Jean-Denis ESPINAS et Mme. Flavia PERTUSO pour le partage de leur savoir, leur confiance en moi et leur soutien. Je remercie aussi tous mes interlocuteurs avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger lors des entretiens effectués et qui ont pris le temps de répondre à toutes mes interrogations en toute amabilité.

Finalement, j’adresse mes plus sincères remerciements à ma chère famille et à tous mes amis car c’est grâce à leur écoute, leur bienveillance et leur confiance en moi que j’ai pu continuer de persévérer et surpasser toutes les contraintes et difficultés.

Merci du fond du cœur à vous tous !

Vladyslav


Sommaire Remerciements Introduction Problématique Hypothèses Méthodologie

Chapitre I : Importance de la question énergétique dans un projet d’écoquartier : production énergétique comme facteur révélateur de la ville durable 1 - L’écoquartier comme espace de production de la ville durable 1.1 - Du concept du « développement durable » à la « ville durable » 1.2 - Écoquartier : étymologie et définitions 1.3 - Dimension économique comme levier de la pérennité d’un projet 1.4 - Autonomie énergétique : fondement d’un projet d'écoquartier 2 - Le contexte du projet énergétique d’un écoquartier : interface entre la source d’énergie et le projet urbain 2.1 - Critères de choix de la source énergétique 2.2 - Critères de choix de la technologie de production énergétique 2.3 - Différents modes de desserte de l'énergie et leur incidence sur le modèle économique du projet énergétique 3 - Comparaison des performances énergétiques entre les bâtiments neufs et réhabilités 3.1- Empreinte carbone de la phase de la réalisation d’un bâtiment (construction et réhabilitation) 3.2 - Empreinte carbone de la phase d’exploitation d’un bâtiment : différence de performance énergétique entre les bâtiments neufs et réhabilités 3.3 - Incidence de la consommation énergétique sur les arbitrages concernant la production d'énergie 4 - Analyse des différents coûts du projet énergétique d’un quartier 4.1 - Portage de différents coûts d'investissement d’un projet énergétique 4.2 - Différence des coûts de l'énergie de chaque mode de production énergétique 4.3- Montage opérationnel d’un projet énergétique : facteur de partage des coûts d’investissement


5 - Approche en coût global : garant de la pérennité du projet énergétique d’un écoquartier 5.1 - Le coût global d'un aménagement urbain 5.2 - Niveaux d'intégration du coût global 5.3 - Les composants du coût global 5.4 - Différentes manières d'évaluation en coût global 5.5 - Les horizons des différents acteurs d’un projet d'écoquartier 5.6 - Coopération des acteurs : facteur de la pérennité d’un projet d'écoquartier 5.7 - Évaluation de différents impacts du projet énergétique d'un écoquartier Synthèse

Chapitre II : Étude du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul, Paris XIVème 1 - Présentation du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 1.1 - Contexte de la création de la ZAC de Saint-Vincent-de-Paul 1.2 - Enjeux environnementaux du Plan Climat de la ville de Paris 1.3 - Fondement de la solution énergétique retenue pour l'écoquartier de Saint-Vincent-dePaul 1.4 - Critères de choix de la solution énergétique ENP + CPCU 2 - Contexte du projet énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 2.1 - Principes de fonctionnement du système de production énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 2.2 - Performance énergétique des bâtiments de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 2.3 - Mutualisation de la production énergétique à l’échelle du quartier 2.4 - Réseau de chaleur : levier de transition énergétique 3 - Incidence de la nature des bâtiments de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul sur les arbitrages concernant le projet énergétique 3.1 - Hétérogénéité de la nature du bâti de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 3.2 - Différence de performance énergétique entre les bâtiments neufs et réhabilités 3.3 - Effet levier de la performance énergétique des bâtiments sur la production de l'énergie 3.4 - Incidence du programme de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul sur les arbitrages concernant le projet énergétique 4 - Analyse du montage opérationnel du projet énergétique de l’écoquartier de SaintVincent-de-Paul 4.1 - Nature de différents coûts de la solution énergétique ENP + CPCU 4.2 - Les acteurs du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 4.3 - Équation du coût complet de l’énergie 4.4 - Partage des coûts d'investissement entre les différents acteurs 4.5 – Particularité du montage de projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul


5 - Coût global : facteur de viabilité économique du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 5.1 - Les éléments du coût global d’une opération d’aménagement 5.2 - Partage du coût global par l'ensemble des acteurs du projet 5.3 - Coût global : outil d'aide à la décision 5.4 - Incidence des facteurs non techniques sur la performance énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 5.5 - Coopération des acteurs du projet : facilitateur énergétique Synthèse Conclusion générale Limites et ouvertures de l'étude Glossaire Bibliographie Tableau des Acronymes Table de Figures Annexes


Introduction Bien que les villes d’aujourd’hui occupent seulement 3% de la surface terrestre, elles accueillent plus de la moitié de la population mondiale et représentent le lieu de production de la plus grande partie des biens et richesses du monde (Lemale et al, 2015). Cependant, le développement accéléré des villes engendre de nombreuses problématiques et défis relatifs à la pollution, le transport et l’approvisionnement énergétique des espaces urbains (Lemale et al, 2015) ce qui a un impact important sur l’environnement, notamment à cause des émissions des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère terrestre. À L’échelle de la France, 70,4% des émissions des GES provient de la consommation des énergies diverses1, et étant donné que les GES sont l’un des plus importants facteurs du réchauffement climatique, leur maîtrise devient de plus en plus urgente dans le contexte actuel où la situation devient alarmante. Selon le cinquième rapport du GIEC2, le changement climatique aurait «des impacts graves, étendus et irréversibles3», dans le cas où il n’est pas contrôlé. Par conséquent, l’un des défis majeurs de la ville du XXIème siècle consiste à répondre à l’ensemble des enjeux environnementaux tout en préservant les ressources naturelles (ADEME, 2004). De nos jours, la ville est devenue l’un des plus importants cadres d'évolution de différents aspects de la vie de l’homme et représente un lieu propice au développement des trois principes fondamentaux du développement durable, à savoir l’économique, le social et l’environnemental. La prise en compte de tous ces principes donne naissance à la ville durable qui cherche à être pérenne tout en gardant son identité dans le temps (Emelianoff, 2002). Le quartier étant une partie structurante de la ville, les actions apportées à son échelle seraient en mesure de pouvoir transformer l’ensemble de l’espace urbain. Par conséquent, le quartier apparaît comme un terrain favorable pour les diverses expérimentations urbaines telles que le développement de nouveaux modes de construction ou de production énergétique, car son échelle permet de mettre en place de nouvelles pratiques plus aisément qu’à l'échelle de l’ensemble de la ville. Le concept d’écoquartier fait alors son apparition à la fin du XXème siècle en tant que réponse à l’ensemble des enjeux de la ville durable car il serait en mesure d’allier la qualité de l’environnement et l’épanouissement social au développement économique urbain (Souami, 2009). En effet, l’écoquartier a pour but l’appréhension de différents enjeux de la ville durable à l’échelle locale tout en tenant compte de l’échelle globale (Emelianoff, 2002). Pour ce faire, il cherche à développer des approches innovantes en matière de conception architecturale et urbaine ainsi que de l’approvisionnement énergétique de l’ensemble des bâtiments du quartier. Étant donné que le secteur du bâtiment en France représente près de 45% de toutes les énergies consommées ce qui correspond a plus d`un quart des émissions nationales des GES (ADEME, 2004), la question énergétique apparaît comme étant le centre des préoccupations des territoires urbanisés de manière générale et des écoquartiers en particulier en raison des enjeux environnementaux ambitieux qu’ils visent à atteindre (Lemale et al, 2015). La plus grande partie de l’énergie consommée par les bâtiments est relative aux besoins énergétiques de leurs usagers en termes de chauffage, de 1

Service des Données et Études Statistiques (SDES) Le GIEC est un groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, crée en 1988 par les institutions des Nations Unies. Sa principale mission consiste à évaluer l’état des connaissances les plus avancées relatives au changement climatique. 3 5ème rapport du GIEC sur les changements climatiques et leurs évolutions futures. (https://leclimatchange.fr/impact-adaptation-vulnerabilite/) 2

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production d’eau chaude sanitaire (ECS), d’éclairage et de climatisation, qui est repartie sur tout le cycle de vie des bâtiments. Dans le but d’atteindre les objectifs énergétiques à moyen et long termes d’un écoquartier, processus reparti sur trois volets qui sont la sobriété, l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables (Lemale et al, 2015). Les porteurs de projets d’écoquartiers cherchent à mettre en place de nouvelles solutions énergétiques se basant en grande partie sur des énergies renouvelables et/ou de récupération (EnR&R) afin de s’inscrire davantage dans le cadre du respect de l’environnement ce qui s’explique par le fait qu’elles n’émettent pas ou très peu des GES et représentent un moyen de substitution aux énergies fossiles non renouvelables qui deviennent de plus en plus rares de nos jours. De plus, le recours aux EnR&R contribue à la création des emplois à l’échelle locale et permet de mieux maîtriser le prix de la facture énergétique (Lemale et al, 2015). C’est dans le but d’assurer la pérennité de la production d’énergie a l’échelle d’un écoquartier, que les concepteurs se tournent davantage vers des systèmes de production énergétique centralisés à l’échelle du quartier tels que les réseaux de chaleur considérés à leur tour comme un levier de la transition énergétique de la ville qui consiste à la transformation du système de production, de distribution et de consommation d’énergie dans le but de réduire son impact environnemental. En effet, la centralisation de la production d’énergie à l’échelle d’un quartier permet de mutualiser l’ensemble des coûts survenant tant au moment de la réalisation des installations énergétiques que pendant leur exploitation tout au long de la durée de vie du projet. Dans le contexte actuel de crise, la question économique apparait d’autant plus importante lors de la conception d’une solution énergétique. En plus des différents aspects techniques, le modèle économique à adopter pour un projet énergétique fait partie des arbitrages concernant la production d’énergie dans un écoquartier.

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Problématique Le choix de la solution énergétique à adopter pour un écoquartier est conditionné par l’ensemble de facteurs d’ordre social, économique et environnemental tels que la participation citoyenne à la gestion de l’énergie du quartier, les émissions des GES relatives à sa production et le prix de l’énergie pour l’usager final. Étant donné qu’un écoquartier vise à atteindre la pérennité par la prise en considération des trois principes constituants du concept du développement durable, nous estimons que son projet énergétique devrait également s’inscrire dans cette optique de durabilité. Ce faisant, il chercherait à atteindre les enjeux sociétaux, environnementaux et économiques à son propre échelle dans le but de pérenniser l’intégralité de la démarche dans le temps. Par conséquent, la réflexion sur la durabilité de la production énergétique d’un écoquartier nous amène à soulever les interrogations suivantes : -

Comment la question énergétique serait-elle considérée comme facteur révélateur de la ville durable ?

-

Par quels moyens la question énergétique, sous son angle économique, assure-t-elle le développement durable d’un écoquartier ?

-

Quels sont les potentiels leviers de viabilité économique du projet énergétique d’un écoquartier ?

-

Comment la question énergétique pourrait-elle être en mesure d’impacter le développement du projet urbain ?

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Hypothèses La pérennité du projet énergétique d’un écoquartier est associée aux principes du développement urbain durable. C’est ainsi que la viabilité de son modèle économique serait la clé de voûte de la durabilité du projet. Dans le but d’étudier les différents facteurs de viabilité économique d’un projet énergétique, on émet l'hypothèse que l’adaptation au contexte local du quartier serait un facteur de la pérennité de son projet énergétique. Chaque projet urbain a son propre contexte économique, sociétal et environnemental ce qui fait que le projet énergétique de chaque quartier se développe de manière différente. En effet, les choix de la source énergétique, de la technologie de production et du mode de desserte sont en étroite relation avec le contexte du projet urbain, d’où ils n’ont pas les mêmes coûts d’investissement. Notre seconde hypothèse repose sur le fait que dans le cas d’un projet de renouvellement urbain, le choix de préserver les bâtiments existants représente un facteur du contexte urbain qui pourrait également avoir un impact considérable sur les arbitrages concernant la production énergétique du quartier. En effet, les installations énergétiques ne seraient pas développées de la même manière dans les bâtiments neufs et réhabilités, ce qui impliquerait des coûts d’investissement et de gestion différents. Notre troisième hypothèse est fondée sur la viabilité du modèle économique d’un projet énergétique, qui dépendrait du partage de l’ensemble des coûts par ses différents acteurs. Le projet énergétique implique souvent des surcoûts d’investissement en raison des prix élevés des équipements renouvelables. Dans le but de construire un modèle économique viable, il serait important d'élargir la vision de l’ensemble des coûts du projet tout en prenant en considération non seulement les coûts d’investissement mais aussi l’intégralité des coûts susceptibles de survenir tout au long du cycle de vie du projet. Le raisonnement en coût global paraît comme une approche adéquate pour la construction d’un modèle économique viable car elle inclut les différentes temporalités du projet énergétique ce qui permet de répartir l’ensemble des coûts du projet sur la totalité de sa durée de vie et de relativiser ainsi les surcoûts initiaux d'investissement tout en équilibrant les coûts portés par chaque acteur du projet énergétique. Enfin nous émettons l'hypothèse que, dans le but d’optimiser les coûts et la qualité de la production énergétique d’un écoquartier, la question énergétique devrait être associée au processus de la conception du projet urbain en amont de sa réalisation.

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Méthodologie L’objectif de ce mémoire de recherche est l’identification du rôle de la question énergétique dans la conception d’un projet d’écoquartier. Cette étude concerne en particulier l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul qui est un nouveau quartier situé à Paris et qu’on questionne d’un point de vue énergétique. Le choix de cet écoquartier est fait en fonction de ses nombreux enjeux dont le plus important est celui de la neutralité carbone à l’horizon de 2050 prescrit par le Plan Climat4 de la ville de Paris. De plus, cet écoquartier représente une particularité au niveau de la nature de ses bâtiments car il regroupe à la fois construction et réhabilitation. Dans un premier temps, il s’agit de définir toutes les notions théoriques relatives au sujet de la question énergétique dans un écoquartier, ainsi que d’identifier les éléments de démonstration qui vont argumenter la réflexion menée sur la viabilité du modele economique de la solution énergétique conçue à l’échelle d’un écoquartier. Ensuite, une analyse de l’étude de cas de Saint-Vincent-de-Paul sera réalisée tout en tenant compte des éléments de démonstration prédéfinis dans la partie théorique de l’étude. Cette partie se basera sur des informations recueillies sur terrain que ce soit des documents tels que le rapport de faisabilité du projet énergétique ou bien des informations reçues lors des entretiens avec les différents acteurs du projet. Ensuite, il s’agit de mener un travail d’analyse de toutes les données obtenues afin de synthétiser les résultats et de vérifier si les hypothèses émises au début de l’étude pourraient entre confirmées et devenir des thèses. Enfin, un ensemble de conclusions seront faites dans le but de constituer un savoir applicable sur d’autres projets énergétiques, ce qui permettrait aux maîtres d’ouvrage de s’orienter au mieux lors de la conception de nouvelles solutions énergétiques pour les écoquartiers.

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Le Plan Climat Air-Énergie Territorial (PCAET), comme son prédécesseur le PCET, est un outil de planification qui a pour but d'atténuer le changement climatique, de développer les énergies renouvelables et maîtriser la consommation d'énergie. (Source : https://www.actuenvironnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/plan-climat-airenergie.php4)

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Chapitre I : Le projet d’écoquartier au prisme de la question énergétique, facteur révélateur de la ville durable

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1 - L’écoquartier comme espace de production de la ville durable 1.1 - Du concept du « développement durable » à la « ville durable » Depuis la révolution industrielle5, la croissance économique s'est accélérée d'une façon exponentielle en causant une explosion démographique et l'industrialisation progressive des villes. L'urbanisation accélérée et peu contrôlée menée durant ces derniers siècles en est la résultante. C’est ainsi que face à ces évolutions considérables, l'environnement naturel est défié et doit affronter des problématiques telles que le réchauffement climatique, la diminution drastique des ressources naturelles ainsi que la pollution urbaine6. En réponse à ces enjeux, le concept du développement durable7 fait son apparition à la fin des années 1980 ayant pour définition officielle la suivante : « Le développement durable s'efforce de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des générations futures8.» Le concept du développement durable possède un champ d'application très vaste et son application à l'urbanisme donne naissance à la notion de ville durable. En effet, les villes d'aujourd'hui prétendent être de véritables acteurs du développement durable vu qu'elles regroupent l'ensemble des enjeux visés par ce concept à savoir les enjeux sociaux, économiques et environnementaux9. Selon la charte d’Aalborg10, les villes d’aujourd’hui jouent un rôle essentiel dans le changement des habitudes de vie, des modes de consommation et de production ainsi que dans l’évolution des structures environnementales. « La ville durable est un projet, un horizon, en aucun cas une réalité : on peut tendre vers cet horizon [...], mais non réaliser in extenso un développement durable. Une ville durable est simplement une ville qui initie une ou plusieurs dynamiques de développement durable. Elle est d'abord un cadre où prennent sens des projets collectifs11.»

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La révolution industrielle est une période historique allant du XVIIIème au XXème siècle, marquée par la modernisation de nombreux pays. Il y a eu deux périodes pendant la révolution industrielle : la première révolution industrielle qui a eu lieu au Royaume-Uni, de 1750 à 1800, grâce à l'invention de la machine à vapeur et à l'exploitation du charbon, et la deuxième révolution industrielle dans toute l'Europe et au Japon vers la fin du XIXème siècle grâce au pétrole qui a permis le développement de l`automobile ainsi que de la chimie 6 EMELIANOFF, Cyria. «Comment définir une ville durable ?». Villes et développement durable : Des expériences à échanger.30 septembre 2002. [En ligne]. http://deey.free.fr/documents/Documents%20Dev%20durable/Comment%20d%C3%A9finir%20une%20ville%20 durable%20Emelianoff.pdf. [Consulté le 15 Février 2021]. 7Le développement durable (anglais : sustainable development, parfois mal traduit par développement soutenable) est une conception de la croissance économique qui s'inscrit dans une perspective de long terme et qui intègre les contraintes liées à l'environnement et au fonctionnement de la société. 8 Rapport intitulé Our Common Future (Notre avenir à tous) rédigé par Mme Gro Harlem Brundtland lors de la Commission mondiale pour le développement et l'environnement de l'Organisation des Nations Unies. 9 ALLEMAND, Sylvain. Sous la ville durable le génie urbain. Editions Les Carnets de l'info, 2009, 326 pages. 10 La conférence d’Aalborg est l’une des premières initiatives réunissant les villes européennes autour du sujet de la ville durable est la conférence européenne qui a eu lieu à Aalborg au Danemark (1994). Lors de cette conférence, plusieurs villes européennes ont adhéré à la charte d'Aalborg qui est l'un des premiers documents engageant les élus de ces villes à suivre le cap de la ville durable. 11 EMELIANOFF, Cyria. «Comment définir une ville durable ?». Villes et développement durable : Des expériences à échanger.30 septembre 2002. [En ligne]. http://deey.free.fr/documents/Documents%20Dev%20durable/Comment%20d%C3%A9finir%20une%20ville%20 durable%20Emelianoff.pdf. [Consulté le 15 Février 2021].

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Finalement, parmi les nombreuses définitions de la ville durable, on retient celle de Cyria Emelianoff, géographe et maître de conférences à l'Université du Maine, qui propose de la définir en trois temps12. Tout d’abord, c'est une ville capable de se maintenir dans le temps et de garder une identité, ainsi que d’offrir une qualité de vie sans écarts importants. De plus, c’est une ville qui se réapproprie un projet politique et collectif tout en évitant l'obstacle du localisme. « La durabilité dont l'horizon serait seulement local n'a pas de sens en termes de développement durable, caractérisé par le souci des générations présentes et futures, du local au global. Il s'agit en somme de trouver des solutions acceptables pour les deux parties, ou encore de ne pas exporter les coûts du développement urbain sur d'autres populations, générations, ou sur les écosystèmes13. » Ainsi, la durabilité d'une ville implique une prévoyance dans la conception et l'exploitation de la ville contemporaine dans le but de pérenniser ce lieu de vie ainsi que de pouvoir le transmettre aux générations futures. En effet, le duo local-global est l'un des principes de la durabilité d'une ville tout comme le duo présent-futur. Par conséquent, le quartier, étant une composante structurante de la ville, apparaît comme le théâtre d'une pensée et d'une action locale qui se veut durable. C’est dans ce contexte qu’apparaît la notion du quartier durable souvent appelé « écoquartier », qui surgit à la charnière des XXème et XXIème siècles dans les pays d’Europe du Nord ainsi qu’en Allemagne et dont l’objectif est de concrétiser l’ensemble des pensées urbaines durables à son propre échelle tout en ayant des visées globales. 1.2 - « Écoquartier » : étymologie et définitions Le terme «écoquartier» parfois écrit aussi «éco-quartier» est un néologisme14 apparu entre la fin du XXème et le début des XXIème siècles. En effet, ce terme associe le substantif «quartier» au préfixe «éco» qui est une apocope15 de l'adjectif «écologique». Cependant, le fait que cette apocope renvoie également vers l'adjectif «économique», crée une certaine ambiguïté de la définition du mot «écoquartier16». C’est ainsi qu’afin d'éviter cette ambiguïté lexicale, le terme «écoquartier» est souvent remplacé par le terme «quartier durable». Selon Ernst Haeckel, un scientifique Allemand, le préfixe «éco» du terme «écoquartier» désigne l'écologie. Il introduit, en 1866, le concept d'écologie comme un sous-champ de la biologie. Le terme «écologie» est formé de la juxtaposition de deux termes issus du grec ancien. Le premier oikos/οἶκος qui signifie «maison» ou «patrimoine», autrement dit un ensemble d'hommes et de biens rattachés à un lieu d'habitat et de production. Le deuxième logos/λόγος signifiant «étude» ou «réflexion». L'écologie est donc définie comme étant l'ensemble des relations entre les organismes et leur environnement. Néanmoins, l'apocope «éco» est tout

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Ibid Ibid 14 Un néologisme est un mot (nom commun, adjectif, expression) nouveau ou apparu récemment dans une langue (Source : Wikipédia). 15 Une apocope, du grec apokoptein/αποκοπτειν qui veut dire « retrancher », est une modification phonétique qui se caractérise par l'abréviation du mot complet, en gardant uniquement ses premiers phonèmes ou syllabes, (Source : Wikipédia). 16STARQUIT,Olivier. « Les éco-quartiers : une fausse bonne idée ?». Barricade. Octobre 2010. [En ligne]. http://www.barricade.be/sites/default/files/publications/pdf/2010_les_eco-quartiers_une_fausse_bonne_idee.pdf.[ Consulté le 11 Mars 2021]. 13

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aussi légitime pour le mot «écologie» que pour le mot «économie» vu que ce terme est, lui aussi, issu du grec «oikonomía» désignant «économie» et qui se traduit comme «la gestion de oikos». Finalement, un écoquartier est défini comme un lieu de vie et de production pour l'homme, intégrant ainsi les trois piliers du développement durable à savoir, l'économique, le social et l’environnemental. La notion d'écoquartier peut également être associée à celle du quartier durable ce qui permet d'avoir une définition plus exacte et d'éviter toute ambiguïté d'interprétation. En effet, le ministère de l'aménagement et du développement durable définit le projet d'écoquartier et la démarche inhérente à sa réalisation comme suit : « Un écoquartier est un projet d'aménagement urbain visant à intégrer des objectifs de développement durable et réduire son empreinte écologique. Réaliser un écoquartier, c'est fédérer un grand nombre de problématiques sociales, fonctionnelles, économiques, environnementales autour d'un retour aux fondamentaux de l'urbanisme et de l'architecture : mieux vivre avec les ressources localement disponibles et mieux vivre ensemble17. » Finalement, un écoquartier est un quartier qui met en œuvre une démarche de projet qui vise à répondre aux enjeux globaux localement, à sa propre échelle, afin d'améliorer la qualité de vie de ses usagers ainsi que de contribuer à la durabilité de toute la ville. En effet, c’est une unité urbaine qui est conçue avec une démarche environnementale ayant pour objectifs prioritaires l'autonomie énergétique et la diminution d’empreinte environnementale. Par conséquent, il s'agit de construire ou de rénover un quartier tout en prenant en considération un nombre considérable de problématiques sociales, économiques et environnementales.

Figure 1 : Le quartier comme composante structurante de la ville (Source : Auteur)

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PUCA : Plan Urbanisme Construction Architecture

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1.3 - Dimension économique comme levier de la pérennité du projet Un projet d’aménagement urbain durable applique les trois dimensions relatives au concept du développement durable à savoir la dimension sociale, économique et environnementale. Par conséquent, un projet d’écoquartier, en vue de ses engagements durables, s’inscrit dans cette optique en ayant comme objectif le développement de ces trois dimensions à sa propre échelle dans le but d’atteindre l’objectif global de la ville durable. « Une ville durable est d'abord le cadre environnemental d'un territoire où prennent sens des projets collectifs visant à répondre socialement à la question du développement économique et de l'héritage qui sera légué aux générations futures18.» Étant donné que la question de la durabilité implique la notion d’héritage, on peut constater qu’il s’agit bien d’un projet capable de durer dans le temps de façon pérenne19. Or, la pérennité d'un projet est fortement liée à son équilibre économique ce qui semble mettre la dimension économique au centre de la réflexion sur la durabilité d’un projet. En effet, bien que le modèle classique, dit aussi « orthodoxe », du développement durable représente les trois piliers constitutifs de ce concept comme étant indissociables et égaux, son évolution fait apparaître un nouveau modèle qui se construit autour de la dimension économique tout en la considérant comme étant l’élément central d’un projet durable20.

Figure 2 : Modèle classique du développement (Source : Wikipédia)

Figure 3 : Modèle intégré du développement (Source : Urbain design : Green dimensions)

Il s’agit du modèle intégré qui hiérarchise les piliers constituants du développement durable tout en plaçant la dimension économique au cœur du système. En effet, la viabilité d’un projet permet d’assurer sa fonctionnalité et son inclusion sociale dans le but d’être partagé par un grand nombre d’acteurs ce qui lui permet de s’inscrire dans le cadre du respect de l’environnement. Par conséquent, le modèle intégré met l’accent sur l’importance de la OFFNER, Jean-Marc et al. ‘’La ville durable : perspectives françaises et européennes ’’. La Documentation française. N°933 (février 2007), 120 pages. 19 Du latin « perennis » qui désigne « durable ». 20 MOUGHTIN,Cliff et al. Urban Design: Green Dimensions. Architectural Press,2005,272 pages 18

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dimension économique en la considérant comme étant le pilier central du développement durable et comme garant de la pérennité d’un projet. 1.4 - Autonomie énergétique : Enjeu majeur d’un projet d’écoquartier De nos jours, il est devenu problématique de satisfaire les besoins énergétiques croissants dans le monde en tenant compte des risques relatifs au changement climatique. En effet, selon les données nationales21, le secteur du bâtiment représente 45% de la consommation d'énergie finale et 27% des émissions des Gaz à Effet de Serre (GES). Par conséquent, on peut constater que la question énergétique prend une place assez importante dans l’aménagement des zones urbaines et que son empreinte environnementale est à prendre en considération par les maîtres d’ouvrage. L’ensemble des enjeux environnementaux de la transition énergétique engagent le maître d’ouvrage à recourir aux sources alternatives de production énergétique telles que les énergies renouvelables et/ou de récupération (EnR&R) afin d’assurer le chauffage et l’approvisionnement en eau chaude sanitaire de l’ensemble des bâtiments d’un quartier de façon pérenne. Étant donné qu’un écoquartier est une démarche qui vise la durabilité d’un aménagement urbain, la question énergétique apparaît d’autant plus importante voire même constitutive d’un tel projet car la consommation énergétique accompagne le quartier tout au long de son cycle de vie et dépend de ses différents besoins en énergie. De plus, en vue de ses enjeux environnementaux importants, l’écoquartier cherche à produire de l’énergie de façon autonome qui s’inscrit dans le cadre du respect de l’environnement. En effet, l’autonomie énergétique est l’un des enjeux des écoquartiers européens ce qui implique le fait que la question énergétique serait incontournable dans un projet d’écoquartier22.

Figure 4 : Centralité de la question énergétique dans un projet d’écoquartier (Source : Auteur)

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INSEE OUTREQUIN, Philippe et al. Analyse de projets de quartier durable en Europe, Edition La Calade, 2004,190 pages 22

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2 - Le contexte du projet énergétique d’un écoquartier : interface entre la source d’énergie et le projet urbain La ville de Paris vise une neutralité carbone à l'horizon de 205023 ce qui implique une augmentation d'utilisation des énergies renouvelables et/ou de récupération dans la production énergétique au niveau des quartiers parisiens. Par conséquent, la prise en compte de différents facteurs permet aux maîtres d’ouvrage de faire les arbitrages concernant la production de l’énergie à l’échelle d’un quartier. 2.1 - Critères de choix de la source d’énergie Le premier facteur du contexte sur lequel se base la conception du projet énergétique d’un écoquartier est la nature de la source de l’énergie. Pour ce faire, un ensemble d’études préalables est effectué en amont du choix de la solution énergétique à adopter pour le quartier dans le but d'identifier les sources énergétiques potentielles par rapport à un contexte bien précis. L'un de principaux critères de choix de la source est son ancrage local qui permet une relative pérennité de la solution énergétique. En effet, le fait de se baser sur une ressource non délocalisable permet de concevoir un projet énergétique qui vise le long terme. La nappe phréatique d'Albien en est un éminent exemple car c'est l'une des principales sources d’énergie renouvelable locale à Paris, elle couvre une grande partie du bassin parisien et sert de ressource principale pour la production de la géothermie24 de la ville. En plus, l’accessibilité de la source d'EnR&R a une incidence sur les choix de la solution énergétique à mettre en place pour un quartier car elle facilite son exploitation. Finalement, on peut constater que la source d’énergie représente la donnée d'entrée pour le développement d’une réflexion comprenant d’autres facteurs d’ordre technique, économique et environnemental25. 2.2 - Critères de choix de la technologie de production énergétique Le deuxième facteur est la technologie de production à partir de la source d’énergie envisagée. Parmi les différents critères de choix de la technologie de production on peut citer la facilite de son insertion urbaine, son acceptabilité sociale ainsi que le degré de sa maturité technique. La cohérence de la technologie de production avec le contexte de son implantation est l’un de plus importants critères de choix, ce qui fait que certaines sources d’énergie sont éliminées depuis le début des études. Par exemple, dans le cas de la production énergétique à partir du vent qui est une source d’énergie renouvelable et dont la production énergétique se fait par le biais d’éoliennes qui sont difficiles à mettre en place dans un milieu urbain dense, le choix est éliminé au début des études en raison de son incohérence avec le contexte de la ville de Paris. Quant à la sécurité de la technologie de production, elle dépend fortement de son niveau d'innovation. En effet, les technologies expérimentales impliquent certains risques à prendre en considération par les maîtres d’ouvrages en amont de la conception du projet

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https://www.paris.fr/pages/nouveau-plan-climat-500-mesures-pour-la-ville-de-paris-5252 La géothermie est l’exploitation de la chaleur contenue dans les nappes phréatiques situées dans les profondeurs de la terre afin d`en produire de l’énergie thermique et/ou électrique. (Source : http://www.energiesrenouvelables.org/energie_geothermie.asp) 25 MERCIER, Ghislain (octobre 2019). Stratégie Énergétique [conférence]. Les Petites Conférences de SaintVincent-de-Paul, Paris. 24

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énergétique afin de pouvoir maîtriser l’exploitation des équipements de la production d’énergie et de prévoir les potentiels surcoûts relatifs à ce genre de technologies26. 2.3 - Différents modes de desserte de l'énergie et leur incidence sur le modèle économique du projet énergétique Le troisième facteur à prendre en considération pour choisir la solution énergétique à adopter est le mode de desserte d'énergie produite qui peut être soit individuel soit collectif. Dans le cas où l'énergie est produite à l'échelle de l'appartement par le biais d'une chaudière à gaz, il s’agit de la production individuelle à l’échelle du logement. Par contre, si l'énergie est produite à l'échelle de l'immeuble dans une grande chaufferie au pied de celui-ci ou à l'échelle du quartier via le réseau de chaleur qui dessert tous ses bâtiments, on parle d'un mode de production collectif. Il est à noter que ce facteur est l'un des points constituants du modèle économique27 de la solution énergétique envisagée car dans chaque cas de figure l'investisseur est différent. En effet, si l’énergie est produite à l'échelle de l'appartement, c'est le locataire et/ou le propriétaire qui porte les coûts d'investissement alors que si elle est produite à l'échelle du quartier, c'est généralement l'opérateur énergétique qui les porte28.

3 - Comparaison des performances énergétiques entre les bâtiments neufs et réhabilités 3.1 - Empreinte carbone de la phase de la réalisation d’un bâtiment (construction et réhabilitation) Le secteur du bâtiment représente l’un des plus importants postes d’émissions des gaz à effet de serre (GES) en France. Ces émissions sont reparties sur toutes les phases du cycle de vie d’un bâtiment à savoir : la construction et/ou réhabilitation, l’exploitation et la déconstruction29.

Figure 5 : Composition par poste de consommation de l’empreinte carbone de France en 2010 (Source : Conseil général du Développement Durable) 26

Idem «Qui porte quoi ? », Citation de M. Ghislain Mercier, Responsable ville durable et nouveaux services, P&Ma 28 MERCIER, Ghislain (octobre 2019). Stratégie Énergétique [conférence]. Les Petites Conférences de SaintVincent-de-Paul, Paris. 29 https://www.batimentbascarbone.org/carbone-batiment/ 27

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Les émissions des GES d'un bâtiment font l'objet de différentes réflexions portant sur les matériaux de construction, la conception architecturale et la nature du bâti. L’empreinte carbone impose un changement d’approche dans le secteur du bâtiment. Pour ce faire, des réglementations thermiques (RT) successives ont eu lieu afin d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et dont l’objectif est la recherche de la plus basse consommation énergétique fixée à 50 KWh/m2 selon RT 2012. Cependant, de nombreux bâtiments performants d’un point de vue énergétique, ont une empreinte carbone déplorable due en grande partie à l’utilisation des matériaux émissifs et non recyclables pour leur construction et isolation thermique. Dans le but de réduire l’impact carbone du secteur du bâtiment, de nombreux leviers d’action ont été développés tels que l’optimisation de la conception, l’utilisation des matériaux biosourcés et la conservation maximale des bâtiments existants. L’énergie grise30 produite lors des travaux de construction a un impact environnemental qui perdure dans le temps et se résorbe pendant le cycle de vie du bâtiment31. C’est ainsi que le bilan carbone d’un bâtiment neuf est à son maximum au moment de sa construction tandis que dans le cas d’un bâtiment existant, son bilan carbone est généralement neutre au moment du début des travaux de réhabilitation car l’empreinte environnementale due à sa construction a déjà été amortie durant son premier cycle de vie.

Figure 6 : Comparaison entre les bilans carbone d’un bâtiment neuf et réhabilité à l’instant T0 correspondant au début d’une opération d’aménagement (Source : Auteur)

Étant donné que l'empreinte carbone d'un bâtiment diminue dans le temps, on peut constater qu'à l’instant T0 qui correspond au démarrage des travaux d’une opération d’aménagement, il y a une différence de bilans carbone considérable entre les bâtiments existants et ceux qui sont en projet de construction. Par conséquent, la réhabilitation des bâtiments existants d’un quartier représente une ressource potentielle pour la réduction d`impact carbone de l’opération d’aménagement en raison de la neutralité de son bilan carbone ainsi que pour le fait que les travaux de réhabilitation sont moins importants que ceux de la construction. Cependant, l’empreinte carbone d’un bâtiment ne se limite pas à l’étape de la réalisation d’un L’énergie grise est l’ensemble des émissions des GES induites par le processus de fabrication des matériaux de construction, leur transport et stockage ainsi que la mise en œuvre du chantier, le traitement des déchets et leur recyclage en fin de vie du projet (Source : https://www.batimentbascarbone.org/carbone-batiment/ ) 31 Un mètre carré de bâtiment neuf construit, c’est 1,5 tonnes de CO2 émises sur 50 ans (Source : https://www.batimentbascarbone.org/carbone-batiment/ ) 30

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bâtiment, mais elle est évaluée sur l’ensemble des étapes de son cycle de vie, telles que l’exploitation, la rénovation et la déconstruction. 3.2 - Empreinte carbone de la phase d’exploitation d’un bâtiment : différence de performance énergétique entre les bâtiments neufs et réhabilités L’empreinte carbone de la phase d’exploitation d’un bâtiment est considérable et représente 40% de l’ensemble des émissions des gaz à effet de serre (GES) de tout son cycle de vie. Par conséquent, afin de pouvoir maîtriser l’impact carbone de cette phase, plusieurs leviers d’action sont identifiés tels que la réduction des besoins énergétiques du bâtiment, le recours aux énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) et la mutualisation des moyens de la production énergétique32.

Figure 7 : Répartition des émissions du CO2 d’un bâtiment neuf (Source : Résultats du test HQE33)

Les émissions des GES de la phase d’exploitation d’un bâtiment peuvent être directes comme celles liées au chauffage ou indirectes comme les émissions issues de la production de différents matériaux de construction. La consommation énergétique relative au chauffage dépend étroitement du degré d'isolation d’un bâtiment. En effet, dans le cas d'un bâtiment neuf, au regard des techniques de construction actuelles, il est devenu possible de réaliser un ouvrage quasiment étanche grâce à la capacité des maitres d’œuvre d'agir sur la conception architecturale, les modes de construction ainsi et les techniques d'isolation. Tandis que dans le cas d’un bâtiment existant, son caractère architectural ancien contraint fortement les solutions en matière d'isolation. C’est ainsi que lors de la réhabilitation d’un bâtiment, l'isolation est souvent réalisée par l'intérieur ce qui peut être compliqué dans certains cas en raison de la difficulté du traitement des ponts thermiques34. Cependant, malgré toutes les contraintes relatives à l'isolation d'un bâtiment réhabilité, les nouveaux procédés d'isolation permettent d'atteindre des performances énergétiques satisfaisantes mais qui restent en

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https://www.batimentbascarbone.org/carbone-batiment/

Résultats du test HQE, Performance pour l’échantillon 2012-2013, bureaux et logements collectifs. Un pont thermique est une zone de l'enveloppe d'un bâtiment qui présente une variation de résistance thermique. Il s'agit d'un point de la construction où la barrière isolante est rompue à cause du changement de la géométrie de l`enveloppe, de la nature du matériau de construction et/ou de la résistance thermique. (Source : Wikipédia) 33 34

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dessous des performances atteintes par les bâtiments neufs. Pour ce faire, la différence entre ces deux niveaux de performance énergétique est prise en considération par les maîtres d’ouvrage afin de pouvoir gérer l'empreinte carbone de l'ensemble des bâtiments du quartier, notamment dans le cas des quartiers hybrides qui réunissent des bâtiments neufs et réhabilités. La différence de performance énergétique entre les bâtiments neufs et réhabilites est évidente dans le cas du label qui sert de référence pour la construction passive. En effet, le label Passivhaus35 qui est attribué à la construction des bâtiments neufs, possède une variante indépendante pour la réhabilitation des bâtiments dont le nom est EnerPhit36 . Ces deux labels imposent une isolation thermique renforcée de l'enveloppe du bâtiment qui est considérée comme le premier pas vers une maison passive. Ce type de maison consomme un minimum d'énergie à cause du fait qu'elle ne se dissipe pas dans l'air grâce à une enveloppe hermétique renforcée par la suppression des ponts thermiques. Néanmoins, l’obtention de hautes performances énergétiques d’un bâtiment réhabilité demeure plus complexe que dans le cas d’un projet de construction neuve à cause de la difficulté de traitement des ponts thermiques dans le cas des bâtiments existants37. Par conséquent, la labellisation EnerPhit représente une assurance de qualité nécessaire dans le cadre d'une réhabilitation énergétiquement complexe. Les critères de ce label sont très proches de ceux du label Passivhaus mais sont plus adaptables par rapport aux contraintes spécifiques de chaque bâtiment38. 3.3 - Incidence de la consommation énergétique sur les arbitrages concernant la production d'énergie La performance énergétique d'un quartier dépend de la consommation énergétique de l’ensemble de ses bâtiments tout au long de leur cycle de vie. C’est ainsi que le développement de la stratégie énergétique d'un quartier se base sur la modélisation des besoins énergétiques de ses bâtiments. En effet, elle permet de simuler leurs consommations en fonction du mode de la production d'énergie. Afin d'obtenir des résultats proches des performances réelles, le modèle est alimenté par des données de base telles que l'occupation au sol, les surfaces utiles, la typologie des bâtiments, le nombre d'utilisateurs ainsi que d'autres données contextuelles propres à chaque bâtiment. Le modèle énergétique39 permet de faire des simulations en comparant les résultats des performances énergétiques relatives à chaque scénario de production d'énergie. Ensuite, une fois que le bâtiment est mis en service, le modèle énergétique prend en compte les données de la consommation réelle qui servent à le calibrer afin d’avoir des résultats plus précis. Le but de la modélisation est d'évaluer les consommations énergétiques réelles tout en vérifiant si elles ne s'éloignent pas 35

Le label Passivhaus est un label allemand de performance énergétique des bâtiments. Le cahier de charges de ce label comprend des critères tels que la consommation de chauffage qui doit être inférieure à 15 kWh/m2/an ainsi que l'étanchéité de l'enveloppe du bâtiment qui doit être de n50 ≤ 0.6 h-1, ce qui signifie que le bâtiment est assez étanche afin de conserver la chaleur à l'intérieur. (Source : https://www.lamaisonpassive.fr/) 36 Le label EnerPhit est la variante du label Passivhaus conçu afin d'évaluer la performance énergétique des bâtiments réhabilités tout en tenant compte des contraintes spécifiques de chaque bâtiment. En raison d’un nombre de contraintes plus élevées dans les bâtiments réhabilités, ce label est plus souple que celui de Passivhaus, il admet les consommations de chauffage de 25 kWh/m2/an avec une très grande étanchéité à l'air. (Source : https://www.lamaisonpassive.fr/) 37 MERCIER, Ghislain (octobre 2019). Stratégie Énergétique [conférence]. Les Petites Conférences de SaintVincent-de-Paul, Paris. 38 https://www.lamaisonpassive.fr/ 39 MARTY-JOURJON,Victor.(octobre 2019). Stratégie Énergétique [conférence]. Les Petites Conférences de Saint-Vincent-de-Paul, Paris.

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des objectifs fixés pendant la conception ainsi que d’identifier les points sur lesquels on peut agir afin de résoudre des problèmes tels que la régulation des systèmes du chauffage. En effet, dans certains cas de figure, le système du chauffage d’un quartier peut présenter des résultats insatisfaisants pendant les premières années de son exploitation à cause des problèmes de réglage des équipements de la production énergétique, et une fois le réglage est ajusté, la performance énergétique du quartier devient optimale. La modélisation de la consommation énergétique à l'échelle d’un quartier est plus complexe car elle prend en considération les différentes caractéristiques de tous ses bâtiments telles que la surface des planchers, la nature du bâti (construction ou réhabilitation) et la fonction des bâtiments (résidentiel, tertiaire ou commercial). Elle permet également d’identifier les solutions énergétiques dont la consommation est la plus performante dans le temps ce qui permet à son tour de maitriser l’impact carbone de la phase d’exploitation du projet urbain à long terme. En effet, la modélisation des besoins énergétiques d’un quartier fait effet levier sur les arbitrages concernant le mode de la production d’énergie car elle permet d’éliminer les solutions jugées énergivores bien en amont de sa réalisation lors de la phase d’études et d’identifier la solution à adopter pour le quartier après la comparaison de différents scenarios40. Finalement, les arbitrages concernant le projet énergétique d’un quartier dépendent de nombreux facteurs techniques et économiques à prendre en considération afin de faire le choix optimal qui serait capable d’assurer la pérennité de la consommation énergétique du quartier.

4 - Analyse des différents coûts du projet énergétique d’un quartier 4.1 - Portage des différents coûts d'investissement d’un projet énergétique Le projet énergétique diffère selon le contexte d’un quartier. C'est ainsi que chaque technologie de production d’énergie implique un modèle économique qui se traduit par le portage des coûts d’investissement par des acteurs différents. Dans le cas du chauffage individuel qui se fait par le biais de la chaudière à gaz, le coût d'investissement est porté par le locataire et/ou propriétaire du logement. Tandis que dans le cas de la production d’énergie à l'échelle d’un quartier, l’installation des équipements énergétiques est généralement portée par l'opérateur énergétique. En effet, il investit dans la mise en place d’un réseau de chaleur ce qui implique le fait que son bilan financier est déficitaire car contraint par les recettes des abonnés du réseau qui bénéficient d'un tarif fixe et ne sont pas en mesure de porter les surcoûts d'investissement initial. Par conséquent, afin d’équilibrer le bilan financier de l'opérateur énergétique, d’autres acteurs du projet sont invités à prendre part dans les investissements, compte tenu de leur importance, et c'est finalement tout un montage qui fait qu'un projet énergétique puisse voir le jour. En effet, une contribution de la part de l'aménageur peut avoir lieu ainsi que les participations des promoteurs qui financent une partie des investissements liés aux postes de livraison de chaleur (sous-stations) qui sont propres à leurs opérations respectives. La participation des promoteurs dans les investissements implique le suivi de la qualité des ouvrages réalisés, y compris les réglages des équipements

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MARTY-JOURJON,Victor.(octobre 2019). Stratégie Énergétique [conférence]. Les Petites Conférences de Saint-Vincent-de-Paul, Paris.

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énergétiques, qui est assuré grâce au séquestre environnemental41. Finalement, en plus de tous ces acteurs « classiques », d'autres acteurs inédits peuvent participer dans le montage du projet énergétique d’un quartier en portant une partie des investissements. 4.2 - Différence des coûts de l'énergie de chaque mode de production énergétique L'ensemble des coûts d'énergie consommée diffère selon le scénario de la production énergétique. Dans le cas du chauffage individuel, l’usager paye sa facture de gaz qui correspond seulement à la consommation du gaz par la chaudière installée dans son logement. Cependant, dans le cas du raccordement à un réseau de chaleur, la facture énergétique de l’usager contient deux types de frais. Il s’agit des frais variables qui correspondent à la consommation d’énergie et un ensemble de frais fixes qui sont relatifs au développement et à l’entretien du réseau de chaleur. La stratégie énergétique d’un quartier se développe en fonction de ces choix de base qui sont très différents sur leur principe.

Figure 9 : Composition d’une facture énergétique (Source : Kairos Ingénierie)

4.3 - Montage opérationnel du projet énergétique d’un écoquartier : facteur de partage des coûts d’investissement Afin de pouvoir s’inscrire dans le territoire d'une manière pérenne, les écoquartiers ont besoin d'un portage politique appuyé sur le long terme ainsi que d'un partenariat efficace. C'est ainsi qu’un ensemble d’études est réalisé bien en amont de la conception du projet afin de préciser et d'affiner les différents enjeux répondant aux vingt engagements de la charte EcoQuartier. Le projet énergétique d’un écoquartier s’inscrit dans le cadre de ces études qui permettent la présélection de potentielles sources d’énergie et leurs technologies de production. Dans un second temps, le projet énergétique se concrétise via la création des partenariats avec une multitude d’acteurs qui ont une vision partagée du projet depuis les premiers diagnostics 41

Afin d'assurer une bonne performance énergétique des ouvrages, l'aménageur impose une garantie aux promoteurs dont le nom est le séquestre environnemental. Il s’agit d’une somme de l'ordre de 4% du coût des terrains bloqués chez le notaire. Ce levier permet d'assurer non seulement la qualité des ouvrages livrés par le promoteur, mais aussi leur bonne mise en œuvre afin d'atteindre les performances énergétiques énoncées dès la phase d'études. (Source : Les Petites Conférences de Saint-Vincent-de-Paul)

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jusqu’aux études thématiques détaillées. Étant donné que l’enjeu énergie-carbone est au centre des préoccupations de différents acteurs d'un écoquartier, un montage efficace de son projet énergétique semble être le garant de sa pérennité. C’est ainsi que le montage opérationnel est l’un des critères ayant une incidence sur les arbitrages concernant le choix de la solution énergétique à adopter pour un écoquartier. En effet, il permet la résolution des questions organisationnelles et techniques relatives à la complexité de mise en œuvre de certaines technologies de production d’énergie. Par exemple, le raccordement au réseau public de gaz, dans le cas du chauffage individuel, est beaucoup plus simple que la mise en place d'un réseau de chaleur qui est une action particulièrement complexe à réaliser42.

Figure 10 : Les acteurs du projet énergétique de l'écoquartier Clichy-Batignolles, Paris XVIIème (Source : Auteur)

En plus des acteurs habituels, on peut retrouver de nouveaux acteurs qui participent aux financements du projet énergétique d’un écoquartier en raison de l’intérêt commun qu'ils partagent avec le reste des acteurs du projet. C’est ainsi que dans le cas de l'écoquartier de Clichy-Batignolles, les concepteurs ont opté pour la géothermie comme solution énergétique pour le quartier en raison d'existence de la nappe phréatique d'Albien sur le site. Cependant, afin de l'atteindre, il a fallu faire des travaux de forage qui sont extrêmement coûteux, et dont le coût d'investissement s'élève à 12 millions d'euros. Afin de pouvoir réaliser ces travaux, une partie importante des surcoûts d'investissement a été portée par l'Eau de Paris dont l'intérêt consiste à la création d'une réserve d'eau potable à partir de cette nappe phréatique. L'autre partie des surcoûts a été subventionnée par le fond de chaleur géré par l'ADEME qui est un acteur public considérant les réseaux de chaleur comme un levier pour la transition énergétique de la ville. 42

MERCIER, Ghislain (octobre 2019). Stratégie Énergétique [conférence]. Les Petites Conférences de SaintVincent-de-Paul, Paris.

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On peut constater que le montage opérationnel effectué en amont de la réalisation des ouvrages d’un projet énergétique représente l'un des facteurs importants de la réussite du projet car il permet l’appréhension des rapports coût-bénéfice de chaque acteur ce qui mène à la construction d’un modèle économique propre au projet. En plus, il permet d'associer et d’orchestrer les différents acteurs du projet ce qui favorise le partage des surcoûts d’investissement de la solution énergétique d’un écoquartier ainsi que des risques potentiels pouvant accompagner ce genre de projet.

5 - Approche en coût global : garant de la pérennité du projet énergétique d’un écoquartier 5.1 - Le coût global d'un aménagement urbain Un projet d'écoquartier est tout d'abord une opération d'aménagement urbain et donc une opération économique qui cherche à équilibrer les dépenses et les recettes de son bilan financier. Par conséquent, il est important d'anticiper le montage économique des écoquartiers afin de pouvoir réussir leur réalisation ainsi que leur gestion dans le temps43. « Placer un projet d'aménagement urbain, de construction [...] dans la perspective du développement durable conduit à rechercher de la qualité architecturale et/ou paysagère, technique, environnementale et sociale dans le respect de coûts économiques acceptables tout au long de la vie de l'équipement44.» Par conséquent, afin de maîtriser l'aspect économique d'un projet dans le temps il serait pertinent de l'appréhender en coût global qui est une démarche donnant du sens aux projets dans la durée. L'approche en coût global vise principalement à prendre en compte le facteur temps et par conséquent l'incertitude, le risque ainsi que le changement de la décision. « Le coût global se définit de façon triviale par la prise en compte dans un processus de décision, des effets immédiats et futurs ou différés de cette décision45. » La prise en compte de ces différents facteurs devient d'autant plus importante quand les décisions prises modifient l'environnement sur une longue durée comme dans le cas de l'aménagement urbain qui est susceptible de structurer l'espace environnant pour des dizaines, voire même pour des centaines d'années.

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VIAL, Anne et al. Ecoquartiers, quels enseignements? CEREMA,2017, 96 pages GUITTONNEAU, Francis. Une démarche de développement durable pour un projet de transport collectif urbain, in D.Cade et Y.Diab, op.cit. 45 MIQCP. Ouvrages publics & coût global, une approche actuelle pour les constructions publiques. Janvier 2006.[En ligne]. http://www.miqcp.gouv.fr/images/Guides/documentPDF/COUT_GLOBAL_p.1_A_p.100-2.pdf. [consulté le 3 Mars 2021]. 44

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5.2 - Niveaux d'intégration du coût global L'approche en coût global comprend différents niveaux d'intégration des coûts de projet comme le coût global élémentaire, élargi et partagé. En effet, le coût global élémentaire et le coût global élargi incluent essentiellement des coûts relatifs aux investissements ainsi que des coûts initiaux annexes tels que les différents frais financiers et taxes. Ils intègrent également les coûts de construction, d'exploitation, d'entretien et de renouvellement de certains équipements. Le coût global partagé est une autre manière d'évaluer la valeur d'un produit qui prend en compte les coûts futurs. Il permet de s'interroger à propos de l'utilisation des ressources épuisables tout au long de la durée de vie des équipements ainsi que du recyclage des matériaux à posteriori de leur vie. En effet, le coût global partagé intègre les impacts sociaux et environnementaux sous forme des externalités qui sont des traductions en termes monétaires de différents impacts économiques et sociétaux d'un projet. Elles comprennent les impacts indirects du projet comme les dommages générés par les gaz à effet de serre ainsi que les coûts relatifs aux transports qui sont dus à l'éloignement des logements par rapport aux équipements et commerces.

Figure 11 : Différents niveaux d'intégration du coût global (Source : Auteur)

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5.3 - Les composants du coût global Le coût global d'une opération d'aménagement urbain comprend le coût de la réalisation du projet qui est de l'ordre de 25% de son coût global ainsi que le coût relatif au cycle de vie du projet qui peut s'élever jusqu'à 75% de son coût global.

Figure 12 : Répartition des coûts d'une opération d'aménagement urbain (Source : APOGEE)

Par conséquent, l'approche en coût global est une démarche nécessaire qui permet de comparer les différents coûts d'un projet en les ramenant sur une base uniforme ce qui permet d'appréhender l'économie du projet dans son intégralité. L'approche en coût global permet également d'évaluer les effets d'une décision dans le temps grâce à des outils et des méthodes basées sur des indicateurs quantitatifs tels que les coûts d'investissement, de maintenance, d'exploitation, de valeur d'usage ainsi que de valeur patrimoniale. Dans le contexte actuel, le concept du développement durable devient de plus en plus présent ce qui implique que cette démarche, au-delà d'une vocation strictement financière, doit favoriser également l'analyse des projets sous l'angle de leurs conséquences économiques, environnementales et sociétales. 5.4 - Différentes manières d'évaluation en coût global : en amont et en aval du projet L'approche en coût global est un outil d'aide à la décision dans le cas d'évaluation ex-ante qui se fait en amont du projet. Cette méthode consiste à comparer de différentes variantes ce qui sert de guide pour les arbitrages concernant le projet. Tandis que dans le cas d'évaluation expost, elle se fait en aval de la réalisation du projet et se résume à une analyse financière des différents coûts du projet tels que le coût de fonctionnement ou le coût d'entretien. Finalement, le fait de se limiter qu’à la méthode ex-post apparait réducteur en vue du potentiel économique que procure l'évaluation ex-ante qui sert à tracer la silhouette financière du projet bien en amont de sa réalisation.

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5.5 - Les horizons des différents acteurs d’un projet d'écoquartier Un projet d'aménagement engage l'espace urbain pour une durée relativement longue qui peut aller de soixante à deux cents ans. Dans le cas d'un d'écoquartier qui vise à réaliser un aménagement urbain durable, l'approche en coût global est d'autant plus adéquate. « Il est désormais inévitable de raisonner en coût global, surtout sur les projets qui s'inscrivent dans une perspective de développement durable46.»

Figure 13 : Différents horizons relatifs à un projet d'aménagement durable (Source : Auteur)

La démarche en coût global exige la délimitation d’un horizon bien précis pour le projet afin de pouvoir s'y référer en réaliser les objectifs prédéfinis. Pour ce faire, il est nécessaire de comprendre les différents horizons des acteurs du projet. En effet, chaque acteur possède un horizon de temps qui lui est propre ce qui borne l'évaluation du coût global. Il en découle que le coût global est une évaluation des projets sur des horizons plus ou moins limités dont les paramètres essentiels sont la valeur donnée au temps ainsi que les questionnements au sujet de la part qu'on pourrait transmettre aux générations futures sans pour autant handicaper les besoins du présent. Toutefois, les décisions humaines sont marquées par un manque de lisibilité de l'avenir rendant complexe toute méthode d'analyse qui prend en compte le long terme. Bien que les horizons d'un projet d'aménagement urbain dépassent largement la visibilité des décideurs, ils s'inscrivent dans les visées environnementales qui sont de très longues durées allant jusqu'à deux cents ans. Par conséquent, afin de concrétiser certains enjeux climatiques, les horizons sont échelonnés via des objectifs politiques et des échéances comme l’objectif de la neutralité carbone prescrit par le Plan Climat de la ville de Paris qui est prévu d’atteindre en 2050. En effet, ces objectifs sont beaucoup plus proches des horizons des différents acteurs d'un projet d'aménagement urbain ainsi que des durées d'emprunts longs qui sont la base des financements du projet47. 46

DREAL Normandie. Référentiel « Vers des quartiers durables, pistes pour agir ».Mars 2017. [En ligne]. http://www.normandie.developpement-durable.gouv.fr/referentiel-vers-des-quartiers-durables-pistes-a208.html. [Consulté le 20 Décembre 2020] 47 OUTREQUIN, Philippe et al. Mener un projet de construction ou d'aménagement en coût global, Edition le Moniteur, 2018,284 pages

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5.6 - Coopération des acteurs : facteur de la pérennité d’un projet d'écoquartier Étant donné que les ¾ du coût global d'un projet d'aménagement sont répartis sur l'ensemble de son cycle de vie, notamment les coûts d'exploitation, de gestion et de maintenance technique, il semble être judicieux de faire participer les acteurs concernés par ces coûts dès le début du projet afin de définir une stratégie commune. De manière générale, l'aménageur porte les études, le foncier et l’aménagement des espaces publics. Dans le cadre de sa mission, il définit l’ensemble de conditions opérationnelles et objectives à respecter par les autres acteurs du projet. C'est ainsi que dans le but d'anticiper les différents coûts qui surviennent tout au long du cycle de vie du projet, il est important de travailler avec tous les autres acteurs et services afin de s'inspirer de leurs retours d'expérience sur des questions concernant les pratiques et coûts relatifs à leurs métiers respectifs. Ensuite, les avis des différents acteurs sont capitalisés afin de pouvoir établir une vue d'ensemble des coûts du projet et anticiper les risques potentiels. De manière générale, chaque acteur pense à son propre intérêt sans pour autant penser aux intérêts des autres acteurs. Par exemple, l'aménageur ne se soucie pas forcément de la gestion du projet car d'autres services et/ou acteurs en sont chargés tout au long du cycle de vie du projet. Par conséquent, l'approche en coût global vise à synchroniser les intérêts de plusieurs acteurs dans le temps ayant pour seul objectif l'intérêt général du projet. Cependant, afin de pouvoir travailler ensemble de manière transversale, une volonté politique de la part des décideurs serait nécessaire. En effet, les élus en vue de leurs horizons à court terme, ont du mal à se projeter dans le temps long et faire coopérer les différents services afin de réaliser un projet d'aménagement pérenne48. 5.7 - Évaluation de différents impacts du projet énergétique d'un écoquartier L'écoquartier est un projet d'aménagement urbain durable qui vise l'exemplarité de l'ensemble de ses ouvrages, espaces et installations. L'approche en coût global d'un projet d'écoquartier prend en compte les bâtiments et leur gestion, les espaces extérieurs communs, l'approvisionnement énergétique du quartier, les services offerts ainsi que les déplacements. La question énergétique est l'un des sujets importants pour limiter son empreinte carbone ainsi que son incidence considérable sur l'ensemble des coûts d'un projet d'aménagement. En effet, la question énergétique a des incidences non seulement sur le coût global du projet mais aussi sur son impact environnemental. Par conséquent, l'étude des coûts énergétiques est de l'essor du coût global partagé qui intègre l’évaluation des facteurs néfastes pour l'environnement comme les émissions des gaz à effet de serre49.

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Entretien avec M.Philippe Outrequin, docteur en économie, chercheur et directeur de la Calade, un bureau de conseil spécialisé dans le développement durable. 49 Ibid

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Figure 11 : Répartition du coût global d'un bâtiment sur 50 ans (Source : le Moniteur)

Les différentes recherches50 sur le coût global d'un projet d'aménagement visent à intégrer des externalités dans l'ensemble des coûts du projet. Il s'agit de la monétarisation des nuisances en leur donnant des valeurs tutélaires51. En effet, la valeur tutélaire attribuée aux gaz à effet de serre (GES) est une donnée que le pouvoir public avance pour que les maîtres d'ouvrage intègrent dans la réflexion sur les coûts du projet à long terme ce qui leur permet de se questionner sur l'évolution des prix de l'énergie et les valeurs du carbone. Par exemple, la valeur tutélaire du CO2 est une valeur virtuelle qui est prise en compte lors des calculs économiques afin de définir le prix de l'énergie qui est forcément supérieur ce qui permet d'établir une stratégie de consommation énergétique. Par conséquent, une économie d'énergie est hypothétiquement possible en suivant la logique suivante : plus c'est cher et moins on consomme. Dans le cas du coût global élémentaire et du coût global élargi, la prise en compte de différents effets permet d'augmenter la valeur d'usage du bâtiment sans pour autant sortir du modèle économique existant. Néanmoins, le coût global partagé permet de créer de nouveaux modèles économiques par l'implication d'autres acteurs bénéficiaires d'effets positifs du projet dans le but d'améliorer le taux de rentabilité interne (TRI52). C'est ainsi que l'approche en coût global partagé implique des questionnements relatifs aux externalités telles que la carbonisation des bâtiments, les matériaux utilisés (bois, béton…), ainsi que leur consommation énergétique en comparaison avec la consommation réglementée. Par conséquent, l'approche en coût global permet d'associer différents facteurs qui ont des incidences, notamment environnementales, sur le coût global du projet. C'est aussi un moyen efficace pour agréger les différents engagements de la charte et faire dialoguer les intérêts de tous les acteurs du projet dans le but d'élaborer un modèle économique viable qui porte le projet. 50

OUTREQUIN, Philippe et al. Mener un projet de construction ou d'aménagement en coût global, Edition le Moniteur, 2018,284 pages 51 La valeur tutélaire est donné par le pouvoir public à une nuisance quelconque, à ne pas confondre avec une taxe (Source : Wikipédia). 52 Le Taux de Rentabilité Interne (TRI) est un indicateur fiscal utilisé souvent comme outil d'aide à la décision car il permet de mesurer la pertinence d'un projet en prenant tous les flux (achats, ventes, revenus, frais, fiscalité) et les ramène à un rendement annuel (Source : Wikipédia)

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Cependant, l'approche en coût global possède des limites car elle demeure approximative à cause d'un manque de données sur des facteurs mis en perspective d'un temps long allant jusqu'à cinquante, voire cent ans ou plus. Par conséquent, le fait de travailler en coût global implique l'imagination et l'estimation de certaines données qui manquent au moment présent. Il s’agit d’un processus différent de celui que les maîtres d'ouvrage ont l'habitude de pratiquer mais qui est susceptible d'apporter des réponses innovantes aux questionnements actuels.

Synthèse Étant donné que depuis la parution de la loi Grenelle 1 (2009), le code de l'urbanisme stipule que toute opération d'aménagement doit faire l'objet d'une étude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables de la zone d'étude, on peut constater que la question énergétique est devenue incontournable dans les projets d’aménagement urbain. En effet, l’empreinte carbone de la phase d’exploitation d’un projet incite les maîtres d’ouvrage à prendre en considération tous les facteurs ayant une incidence sur les émissions des GES du quartier. La performance énergétique des bâtiments du quartier dépend étroitement de la nature du bâti, de sa fonction ainsi que du mode de production d’énergie. C’est ainsi que dans le but de pérenniser la production d’énergie à l’échelle du quartier, le développement du projet énergétique tient compte des particularités du projet urbain. En plus des données techniques, la dimension économique joue un rôle décisif lors des arbitrages concernant le choix du projet énergétique à adopter pour le quartier. En effet, la pérennité d’un projet énergétique dépend de la viabilité de son modèle économique qui se construit en se basant sur les différents facteurs tels que le contexte du projet, l’accessibilité aux sources d’énergies renouvelables et/ou de récupération et le portage de l’ensemble des coûts du projet par ses différents acteurs dans le temps. Par conséquent, l’approche en cout global semble être un outil de prise de décision permettant de construire le modèle économique du projet énergétique en croisant les différents coûts du projet portés par ses acteurs dans le temps. Finalement, dans le but de vérifier le fait que le cout global est garant de la viabilité du projet énergétique d’un quartier, une étude de la stratégie énergétique développée pour l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul est mise en évidence dans la deuxième partie de cette étude.

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Chapitre II : Étude du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, Paris XIVème

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1 - Présentation du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 1.1 - Contexte de la création de la ZAC de Saint-Vincent-de-Paul L’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul est l’un des projets les plus importants de la mandature 2014-2020 de la ville de Paris ce qui l’emmène à faire de ce projet, situé dans le XIVème arrondissement, un site pilote cristallisant les enjeux de son Plan Climat. Par conséquent, la ZAC de Saint-Vincent-de-Paul a été créée en 2016 et la société publique locale (SPL) Paris & Métropole aménagement (P&Ma) est désignée comme aménageur de cette ZAC. L’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul présente un programme mixte d’une superficie totale de 60 000 mètres carrés et qui est inspiré en grande partie de l'expérience des Grands Voisins53, qui est une phase d’urbanisme transitoire visant à tester différents usages qui ont servi de base pour son élaboration. C’est ainsi que l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul comprend des logements dont une part considérable est dédiée au logement social, des équipements, des commerces, une unité d'hébergement d’urgence pour les plus précaires ainsi que des locaux dédiés à la création et aux activités culturelles et économiques permettant l’ouverture de ce site enclavé sur la ville de Paris.

Figure 12 : Les enjeux vises par le Plan Climat de la ville de Paris à l'horizon de 2050 (Source : Google)

1.1 - Enjeux environnementaux du Plan Climat de la ville de Paris Dans le but de satisfaire les enjeux environnementaux ambitieux de la ville de Paris, P&Ma prévoit un aménagement sobre de cet ancien site hospitalier, privilégiant la préservation de l’esprit du lieu via la réhabilitation d’une grande partie des bâtiments patrimoniaux.

53

Les Grands Voisins est un projet d`urbanisme transitoire réalisé par trois associations coordinatrices qui sont Aurore, Plateau Urbain et Yes we camp. Il avait pour but de développer de nouvelles pratiques urbaines afin de tester et préfigurer le futur programme d’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul. Parmi les différentes pratiques de partage on peut citer l’hébergement des personnes en état de précarité, la Ressourcerie qui est un lieu de partage de vêtements et d`objets ainsi qu`un lieu de détente et de convivialité installe dans l`ancienne lingerie de l’hôpital désaffecté. Cette expérience a pour objet la création d’un lieu inclusif en plein cœur de la ville de Paris.

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“ On peut y voir aussi pour l’écoquartier un site pilote pour une approche différente de la construction avec une optique de conservation et d’économie circulaire, dans une approche plus écologique et durable54.” Les enjeux environnementaux du projet de Saint-Vincent-de-Paul sont particulièrement ambitieux car le Plan Climat de Paris vise l'objectif des trois zéros, à savoir zéro carbone, zéro déchet et zéro rejet. Afin de répondre à ces enjeux, certains engagements ont été développés tels que l’utilisation des matériaux biosourcés pour la construction des bâtiments passifs, la réalisation des réhabilitations thermiques exemplaires ainsi que la production locale des énergies renouvelables. C’est ainsi que l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul prévoit un très haut niveau de performance énergétique tant sur le moyen que le long terme, notamment une neutralité carbone absolue à l’horizon de 2050, ce qui implique le développement progressif du taux de la production des énergies renouvelables d’une manière autonome dans le quartier afin d’atteindre les 100% d’EnR&R et par conséquent un bilan carbone nul. 1.3 - Fondement de la solution énergétique retenue pour l'écoquartier de Saint-Vincentde-Paul L’aménageur (P&Ma) porte l’ambition de la ville de Paris en matière de la neutralité carbone à l'horizon de 2050. Pour ce faire, elle fait recours à une approche innovante pour la production énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul. En effet, la solution énergétique retenue pour ce quartier, est une solution inédite qui consiste à déployer une boucle d’énergie thermique par récupération de la chaleur sur le réseau d’eau non potable (ENP)55 gérée par Eau de Paris56. Cette solution permet de valoriser l'eau de la Seine qui est une source d'énergie de récupération appelée aussi énergie fatale57. De manière générale, le réseau d'ENP utilise l’eau prélevée de la Seine pour le nettoyage des voiries et des caniveaux de la ville ainsi que pour l’arrosage des espaces verts.

Figure 13 : Les sources de la solution énergétique adoptée pour l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul ( (Source : Auteur)

(

Jean-Louis Missika : adjoint à la mairie de Paris, chargé de l'urbanisme, de l’architecture, des projets de Gand Paris. 55 Le réseau d'Eau Non Potable (ENP) est le deuxième réseau d'eau de la ville de Paris après celui d'eau potable. Il est très ancien datant de l’époque Haussmannienne et représente une opportunité pour la ville de Paris car peu de villes en France en possèdent (source : entretien avec Mme Nibal el Alam, directrice de Kairos Ingénierie). 56 Eau de Paris est un service public de la ville de Paris qui gère deux réseaux d'eau indépendants. Le premier étant le réseau d'eau potable qui est distribuée dans les bâtiments de la ville tandis que le deuxième est le réseau d'eau non potable (ENP) qui est utilisé pour l'arrosage des espaces verts et le nettoyage des caniveaux et des voiries de la ville de Paris (Source : Wikipédia). 57 L'énergie fatale ou de récupération est une énergie présente dans certains produits ou processus tels que le fonctionnement de grands data centers qui génèrent de la chaleur qui à priori est dissipée dans l'air et qui peut être récupérée afin d'être valorisée (Source : Wikipédia) 54

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Étant donné que l’eau de Seine a une température moyenne de 14 degrés Celsius dans l’année, elle représente une source d’énergie de récupération potentiellement valorisable. Cette solution énergétique apparaît à l'issue d'un appel à idées innovantes au sujet des questions énergétiques en 2017. Plusieurs acteurs y ont pris part tels que les opérateurs énergétiques qui ont présenté leurs projets respectifs, mais c'est finalement l'Eau de Paris qui a présenté une solution très pertinente se basant sur le fait que le réseau d'ENP de la ville de Paris est un porteur de flux de calories qui peuvent servir tant pour le rafraîchissement que pour le chauffage. Par conséquent, étant donné que le réseau d'ENP, dans le XIVème arrondissement de Paris, passe à proximité de l'entrée du site de Saint-Vincent-de-Paul, le raccordement à ce réseau est une véritable opportunité pour ce quartier. Finalement, l’idée du réseau d’ENP et non seulement inédite mais aussi politiquement acceptable car la ville de Paris veut valoriser son réseau d’eau non potable. 1.2 - Critères de choix de la solution énergétique ENP + CPCU Afin de définir la solution énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, une stratégie énergie-carbone est élaborée en amont du projet. En vue de l'interdépendance de ces deux enjeux, un bilan carbone du cycle de vie complet du quartier a été réalisé. D'une part, il intègre en amont les émissions des GES qui sont induites par l'opération d'aménagement, à savoir la construction et la réhabilitation des bâtiments du site ainsi que de la voirie. D'autre part, il comprend les émissions dues à la consommation énergétique du quartier durant son cycle de vie. Le choix de la solution énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul est fait après l'étude des cinq scénarios comparés selon une grille d'analyse multicritères effectuée sur la durée de vie des installations énergétiques tout en prenant en considération des facteurs tels que les émissions des GES, le mix énergétique et le rapport coût-bénéfice de la solution58.

Figure 14 : Grille d’analyse multicritères : Outil de comparaison de différentes solutions énergétiques (Source : Une autre ville)

58

Entretien avec M. Nicolas Rougé, directeur de l’agence d'AMO Une autre ville

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Figure 15 : Mix énergétique des différents scénarios de production centralisée (Source : Une autre ville)

Le rapport coût-bénéfice est calculé en tant que coût complet intégrant les investissements initiaux, les coûts d’approvisionnement énergétique, d’exploitation-maintenance, de gros entretiens et de renouvellement ainsi que les coûts financiers en rapport avec la durée de vie des installations énergétiques. La solution ENP + CPCU est retenue car jugée la plus performante du fait qu’elle permet de limiter les GES à un moindre coût, de l'ordre de 275 euros par tonne de CO2 économisée dans le cas du scénario post-carbone. Le coût d'investissement de cette solution est abordable car il n’excède que de 25% le coût d’un simple raccordement au chauffage urbain. En plus, cette solution permet d’optimiser l’utilisation des EnR&R locales qui est l’un des enjeux majeurs de la démarche59.

Figure 16 : Le coût complet de la tonne de CO2 économisée par rapport au scénario GAZ RE 2020 en €/TCO2 (Source : Façons de Faire, P&Ma 2)

59

ibid

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2 - Contexte du projet énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 2.1 - Principes de fonctionnement du système de production énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul La solution énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul consiste à produire de l'énergie thermique de manière centralisée à l'échelle du quartier qui, à son tour, est distribuée via des canalisations souterraines à tous les bâtiments du site. Le réseau d'ENP alimente une pompe à chaleur (PAC)60 située dans un local technique à l’entrée du quartier. La PAC récupère les calories contenues dans l’eau du réseau d’ENP, qui est de 14 degrés Celsius en moyenne dans l’année, afin d’augmenter la température de cette eau jusqu'à 70 degrés Celsius. Cette eau assure le chauffage et l'approvisionnement en eau chaude sanitaire (ECS)61 de tous les bâtiments du quartier à 60%, tandis que les 40% restants sont fournis par le réseau de la compagnie parisienne du chauffage urbain (CPCU)62 qui est une source d'appoint pour la solution énergétique, utilisée en cas de dysfonctionnement du système de chauffage principal. La CPCU fournit l'énergie thermique sous forme de vapeur à haute température, son réseau passe sous la voirie à l'entrée de l'écoquartier de Saint-Vincent-dePaul ce qui facilite le raccordement du quartier. Étant donné que l'énergie thermique fournie par la CPCU est constituée à plus de 50% d'énergies renouvelables, on constate que la solution énergétique adoptée pour l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul est constituée à 80% d'EnR&R.

1. 2. 3.

Réseau d’Eau Non Potable (ENP) alimenté depuis l'eau de Seine (14 C) Boucle thermique locale : 60% des besoins énergétiques du quartier Réseau de la CPCU : 40 % de complément énergétique

Figure 17 : Coupe de principe de l’approvisionnement énergétique de la solution ENP + CPCU (Source : Façons de Faire, P&Ma 2)

60

Une Pompe à Chaleur (PAC) est un dispositif qui permet de transférer l'énergie thermique d'un milieu à basse température vers un milieu à haute température. Il permet d'inverser le sens naturel du transfert de l'énergie thermique (source : Wikipédia). 61 Eau Chaude Sanitaire (ECS) est l'eau qui est chauffée par différents systèmes de chauffage et acheminée ensuite vers des points d'utilisation à l'intérieur des bâtiments via un réseau de canalisations (Source : Wikipédia). 62 La Compagnie Parisienne du Chauffage Urbain (CPCU) est une société d'économie mixte qui assure le chauffage urbain de la ville de Paris et de son agglomération par le moyen d'un réseau de vapeur d'eau à haute température. La production de l'énergie se fait dans 9 centrales d'incinération de déchets situés dans l'aire métropolitaine de Paris pour être ensuite distribuée via un long réseau souterrain d'environ 500 km (Source : Wikipédia)

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La solution énergétique retenue pour l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, est basée sur deux réseaux différents, celui d’ENP et de la CPCU qui se trouvent à proximité immédiate du site, sous l’avenue Denfert-Rochereau. Le réseau primaire63 du service public qui passe en dessous de la voirie est géré par la CPCU qui est concessionnaire64 du chauffage urbain de la ville de Paris. En effet, la CPCU est la mieux placée pour assurer la distribution de l'énergie car elle dispose d'un droit préférentiel d'exclusivité de passage des canalisations sous la voirie publique. Par conséquent, le réseau primaire arrive jusqu'au pied de l'immeuble au niveau des postes de livraison d'énergie (sous-stations) où il délivre sa chaleur au réseau secondaire interne de l'immeuble géré par la copropriété qui est abonnée au réseau de chaleur de la CPCU.

Figure 18 : Les différents réseaux et points d’échange de chaleur d’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul ( (Source : Une autre ville, modifié par l’auteur)

63

Le réseau primaire est un réseau de canalisations souterraines qui relient la chaufferie principale aux bâtiments à chauffer. De l’eau à température élevée (entre 70° et 180°) y circule en boucle afin de transmettre sa chaleur aux bâtiments via les sous-stations installées au niveau de chaque immeuble. Le réseau primaire de chauffage urbain de la ville de Paris est géré par la CPCU qui dispose des droits exclusifs de desserte de chaleur inscrits dans son contrat de concession (Source : https://www.elyde.fr/comment-fonctionne-un-reseau-dechaleur-0 ) 64 Représentant commercial qui a obtenu le droit de vente exclusif d'une marque dans une région donnée (Source : https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/concessionnaire/

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En plus d'accessibilité des sources énergétiques, plusieurs autres facteurs ont influencé le choix de cette solution tels que la technologie de production, la quantité des émissions des GES et le rapport coût-bénéfice de chaque acteur tout au long du cycle de vie des installations énergétiques. La technologie de production adoptée pour la solution énergétique (ENP + CPCU) demeure expérimentale, sa mise en place est complexe et demande la maîtrise de plusieurs facteurs techniques. Par conséquent, en vue de l'aspect innovant de cette solution, elle comprend certains risques techniques et économiques car les coûts d'investissement sont importants et s'élèvent à 2 millions d'euros. 2.2 - Performance énergétique des bâtiments de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul Le fait que l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul vise l'objectif de la neutralité carbone à l'horizon de 2050, implique une consommation énergétique sobre qui est possible grâce à des bâtiments performants. Une simulation des besoins énergétiques du quartier durant son cycle de vie est réalisée afin d'étudier différents scénarios de la solution retenue.

Figure 19 : Synthèse des besoins énergétiques de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Une autre ville)

L'analyse des résultats obtenus par les simulations permet de définir les normes applicables aux constructions et à la réhabilitation des bâtiments existants. C’est ainsi qu’en imposant un niveau de référence standard qui correspond au label BEPOS Effinergie 2017 conforme à la réglementation environnementale RE 2020, la performance énergétique du quartier est moyenne. Tandis que dans le cas du niveau de référence post-carbone, les bâtiments du quartier sont construits et réhabilités respectivement selon les labels Passivhaus et EnerPhit ce qui permet d'obtenir une meilleure performance énergétique du quartier. En effet, les simulations faites grâce au modèle énergétique du quartier démontrent que le niveau de référence post-carbone permet de diminuer les émissions des GES de 11% par rapport au niveau de référence standard65.

65

MERCIER, Ghislain (octobre 2019). Stratégie Énergétique [conférence]. Les Petites Conférences de SaintVincent-de-Paul, Paris.

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Figure 20 : Comparaison de la performance énergétique entre les différents niveaux de référence des bâtiments de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : AMOES)

L'estimation des émissions des GES de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul permet non seulement de vérifier la cohérence par rapport au Plan Climat de la ville de Paris, mais aussi d'identifier les potentiels leviers de réduction du volume des GES tels que l'isolation thermique des bâtiments ou le mode de la production de l'énergie. 2.3 - Mutualisation de la production énergétique à l’échelle du quartier Parmi les solutions énergétiques envisagées, il y a eu des solutions centralisées avec une production énergétique mutualisée à l'échelle du quartier, et d'autres décentralisées qui développent des systèmes de production d'énergie en s'adaptant aux spécificités de chaque bâtiment. Ce genre de production paraît d'autant plus adéquat pour l'écoquartier de SaintVincent-de-Paul en raison du fait que c'est un quartier hybride qui réunifie à la fois des bâtiments neufs et réhabilités, en moyennant une péréquation tarifaire entre bâtiments afin de ne pas créer des inégalités devant les charges énergétiques. Cependant, aucune des solutions décentralisées n'a été retenue à cause de leur non rentabilité et c’est finalement une solution centralisée qui est mise en place pour l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul.

Figure 21 : Représentation schématique d’un scénario décentralisé et d’un scénario centralisé (Source : Une autre ville)

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2.4 - Réseau de chaleur : levier de transition énergétique Le système de chauffage développé pour l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul se base sur un réseau de chaleur66 dont le mix énergétique comprend à priori des énergies renouvelables mais aussi des énergies fossiles qui servent d'appoint-secours en cas de dysfonctionnement des équipements renouvelables.

Figure 22 : Composition du mix énergétique de la CPCU (source : CPCU, 2018)

Les réseaux de chaleur sont considérés comme un levier de transition énergétique de la ville en raison de leur résilience et souplesse par rapport à la modification des proportions des énergies renouvelables du mix énergétique mis en place. Ils permettent la mutualisation des coûts de production énergétique ce qui représente une opportunité d’optimisation à long terme67 . En effet, le raccordement au réseau de chaleur permet d'économiser les frais des installations, contrairement au chauffage électrique individuel qui n'est pas flexible et pose obstacle pour le développement des énergies renouvelables en raison des coûts du raccordement au réseau de chaleur. Ce coût est élevé à cause des travaux tels que l'ouverture des tranchées et la pose des canalisations qui sont mis en place afin de pouvoir raccorder un bâtiment. Cependant, dans le cas de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, il s'agit du réaménagement de l'ensemble du quartier y compris les voiries. Par conséquent, le fait que les tranchées sont déjà ouvertes réduit les surcoûts d'investissement initial ce qui représente l'opportunité de ce projet urbain.

Figure 23 : Évolution de la composition du mix énergétique de la CPCU dans le temps (Source : CPCU, 2018) 66

Le réseau de chaleur est un système de chauffage à l'échelle urbaine qui distribue de la chaleur produite dans des chaufferies via un ensemble de canalisations souterraines qui desservent tous les quartiers de la ville, (Source : Wikipédia) 67 Jean-Marc Joncovici, l’économie de demain dans un monde en contraction énergétique.

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L'un des avantages fiscaux des réseaux de chaleur est la réduction de la TVA. En effet, le raccordement à un réseau de chaleur, fait générer une facture énergétique qui comprend une part variable en fonction de la consommation et une part fixe qui correspond à l'abonnement au réseau de chaleur de manière systématique. De manière générale, l'abonnement est soumis à une TVA réduite à 5,5 et à partir du moment où le réseau de chaleur comprend plus de 50% d’énergies renouvelables dans son bouquet énergétique, la partie variable est également soumise à une taxe à valeur ajoutée (TVA) réduite à 5,5 ce qui est le cas de la solution énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul68.

3 - Incidence de la nature des bâtiments de l'écoquartier de Saint-Vincent-dePaul sur les arbitrages concernant le projet énergétique 3.1 - Hétérogénéité de la nature du bâti de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul L'objectif de la neutralité carbone à l'horizon de 2050 s'inscrit dans les grandes orientations nationales de l'État dans la stratégie bas carbone. Afin d'atteindre cet objectif ambitieux du Plan Climat de la ville de Paris, l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul est conçu comme le premier projet urbain en France qui est neutre en carbone et résilient. Pour ce faire, les études réalisées en amont de la conception de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul prennent en compte les différents facteurs susceptibles d’agir sur les émissions des GES tels que la nature des bâtiments du quartier et leur consommation énergétique.

Figure 24 : Conservation des bâtiments existants du site de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Google)

C'est ainsi que dans le but de sauvegarder l'esprit du lieu de ce site historique et de limiter l’empreinte carbone due à la démolition, l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul préserve une grande partie de son patrimoine architectural dont la réhabilitation assure 60 % des surfaces de plancher du quartier.

68

Entretien aven Mme. Nibal el Alam, directrice de Kairos Ingénierie

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Selon Yannick Beltrando69, l’une des premières manières de réduire l’empreinte carbone du projet est le fait d'éviter l’acte de démolition des bâtiments. Il précise que dans certains cas, il est plus pratique et économique de conserver tout ou partie d’un site et/ou bâtiment. Il ajoute également que malgré ce qui semble être évident, le travail sur un site existant offre des opportunités de création beaucoup plus avantageuses. En effet, dans le cas de la construction le cadre juridique est très normé, alors que lors de la réhabilitation d'un bâtiment patrimonial certaines normes peuvent être assouplies70.

Figure 25 : Composition de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul selon la nature du bâti (Source : Site internet de la Mairie de Paris)

Le choix de conservation des bâtiments existants du site de l'écoquartier de Saint-Vincent-dePaul se base sur un principe visant la préservation de plus grands ensembles patrimoniaux, à savoir les bâtiments Pinard, Lelong, Oratoire et Robin. Les autres bâtiments restants sont démolis afin de libérer trois îlots pour la construction de nouveaux bâtiments dont la conception architecturale est sobre et s’inscrit dans l’esprit de ce lieu historique.

Yannick Beltrando est co-fondateur de l’agence Anyoji-Beltrando qui est en charge de la maîtrise d’oeuvre du projet de Saint-Vincent-de-Paul. 70 Yannick Beltrando partage le retour de son expérience sur le projet de la caserne de Reuilly à Paris, XIIème. Il s'agit de la réhabilitation d'une ancienne friche industrielle avec la démolition d'une partie du bâtiment (source : Façons de Faire, P&Ma 2). 69

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3.1 - Différence de performance énergétique entre les bâtiments neufs et réhabilités L'analyse des émissions des GES de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul démontre qu'il y a trois grands facteurs polluants qui sont la consommation énergétique, les travaux de construction et de rénovation ainsi que les transports. C’est ainsi que la maitrise de la consommation énergétique du quartier est un moyen de réduction d’une partie de son impact carbone71.

Figure 26 : Estimation des émissions des GES de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : AMOES72)

L'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul regroupe la construction et la réhabilitation des bâtiments existants. La question de la réhabilitation se pose de manière importante dans le cas de ce projet urbain qui vise à économiser les ressources locales. En effet, la préservation de la majeure partie des bâtiments existants permet de réduire l'empreinte carbone due à la démolition. En plus, le projet ne fait pas une table rase du site afin de construire des bâtiments neufs dont on peut maîtriser tous les paramètres énergétiques, mais s'adapte aux contraintes des bâtiments existants. Bien que la consommation énergétique des bâtiments réhabilités ait atteint un niveau de performance satisfaisant avec le niveau de référence post-carbone des bâtiments, elle demeure en dessous des performances des bâtiments neufs qui ont le même niveau de référence. En effet, la performance énergétique dépend fortement de l'isolation thermique des bâtiments réhabilités qui est beaucoup plus complexe à cause de différentes contraintes qui accompagnent les travaux de réhabilitation.

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MERCIER, Ghislain (octobre 2019). Stratégie Énergétique [conférence]. Les Petites Conférences de SaintVincent-de-Paul, Paris. 72 Bilan Carbone AMOES, Juillet 2018, scénario de référence (appro CPCU, sans PV, performance type RT2020, mode constructif béton).

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3.2 - Effet levier de la performance énergétique des bâtiments sur la production de l'énergie Les données de la consommation énergétique d’un quartier, obtenues par la simulation des besoins énergétiques de ses différents bâtiments ont une incidence sur les arbitrages concernant la production d’énergie. L’étude des performances énergétiques de différents types de bâtiments permet de faire des hypothèses au sujet d’un rapport énergie-carbone optimal qui est pris en compte dans les arbitrages concernant la production énergétique du quartier.

C1 : Consommation des bâtiments réhabilités C2 : Consommation des bâtiments neufs

Figure 27 : Incidence de la consommation de différents types de bâtiments sur la production de l’énergie à l’échelle du quartier (Source : Auteur)

Dans le cas de la production énergétique décentralisée à l’échelle du bâtiment, le projet énergétique est en mesure de prendre en considération toutes les contraintes relatives à l’ouvrage ce qui est pertinent pour le cas des bâtiments réhabilites. En effet, la conception de certains bâtiments existants implique des spécificités de raccordement au réseau de chaleur qui consistent à la prolongation des réseaux de desserte ce qui rajoute des coûts d’investissement supplémentaires. La production énergétique décentralisée parait ainsi plus adéquate car elle s’adapte à la configuration de chaque bâtiment. Cependant, l’approche en coût global du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul permet de mettre en évidence le fait que les solutions décentralisées ne sont pas rentables. En plus du facteur économique, les arbitrages de la production énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul dépendent des facteurs sociétaux et environnementaux ce qui fait que certains scenarios de production énergétique décentralisée ne sont pas acceptables en raison de leur impact carbone élevé et/ou d’autres types de nuisances pour les usagers par exemple la production d’énergie par le biais d’une chaudière à bois car dans ce cas de figure l’approvisionnement de la chaudière de chaque immeuble se fait de façon autonome ce qui augmente l’empreinte carbone due à la transportation du bois par des camions et implique des nuisances de circulation au sein du quartier73.

73

Entretien avec Mme. Nibal el Alam, directrice de Kairos Ingénierie

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Finalement la production énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, se fait de façon centralisée via un système de chauffage mutualisé non seulement en raison de sa rentabilité mais aussi en vue de sa moindre empreinte carbone comparée avec le scénario de production décentralisée74. 3.3 - Incidence du programme de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul sur les arbitrages concernant le projet énergétique Le projet énergétique dépend également de la fonction des bâtiments. En effet, la consommation énergétique diffère d'un bâtiment à l'autre ayant des caractéristiques similaires mais des fonctions différentes. Par exemple, le secteur résidentiel représente près de ⅔ de la consommation énergétique en matière de chauffage, le ⅓ restant est réparti entre le secteur tertiaire, les équipements publics et les commerces75. Dans le cas de l'écoquartier de SaintVincent-de Paul, le secteur résidentiel s’élève à 71,9% de l’ensemble des surfaces du quartier, tandis que les 18,1% restants sont repartis entre les équipements, commerces et activités diverses, ce qui rend sa consommation énergétique potentiellement élevée. Par conséquent, la prise en compte des données de consommation énergétique lors de la programmation du projet urbain est susceptible d’impacter les arbitrages concernant la solution à adopter pour une meilleure performance énergétique de l’ensemble des bâtiments du quartier. Finalement, le dialogue entre les deux niveaux du projet (énergétique et urbain) permet de maitriser l’empreinte carbone de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul en optimisant la performance énergétique de tous ses bâtiments compte tenu de leur différence de la nature de bâti et de programme à condition que le portage économique du projet est en mesure d`assurer la réalisation des évaluations théoriques.

Figure 28 : Répartition des éléments du programme de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Auteur76)

Quartier Saint-Vincent de Paul – Paris 14ème Stratégie de performance et d’efficacité énergétiques, Juillet 2018, Une autre ville. 75 MERCIER, Ghislain (octobre 2019). Stratégie Énergétique [conférence]. Les Petites Conférences de SaintVincent-de-Paul, Paris. 76 Idem 74

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4 - Montage opérationnel du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul 4.1 - Nature de différents coûts de la solution énergétique ENP + CPCU Les investissements relatifs à la production énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul sont d’une forte intensité capitalistique qui s’élève à 2 millions d’euros. Les coûts d’investissement sont repartis sur plusieurs entités : création d’une interface à l’entrée du quartier, raccordement au réseau d’ENP de la ville de Paris, raccordement au réseau de la CPCU, développement du réseau secondaire en dessous des voiries du quartier et création des sous-stations pour chaque immeuble. Dans le but d’avoir un prix de sortie de la chaleur compatible avec celui des autres quartiers à Paris, le maitre d’ouvrage procède à la négociation des participations de chaque acteur du projet afin d’identifier qui porte quoi et avec quels taux de participation. Le montage du projet est une phase importante car elle permet de rééquilibrer le rapport entre les investissements initiaux et le prix de la facture énergétique finale payée par l’usager. Le prix de sortie de la chaleur ne dépend pas forcement de la qualité du projet énergétique ou du fait qu’il a couté très cher à l’investissement, mais plutôt du taux de participation de chaque acteur du projet. En effet, dans le cas où le projet énergétique n’a pas eu de participations aménageur, de droits de raccordement promoteur ou des subventions, tout l’investissement initial se retrouve dans la facture énergétique finale ce qui fait que le prix de chaleur est élevé ce qui influence la pérennité du projet à long terme.

Figure 29 : Structure du coût complet annualisé, électricité comprise (Source : Une autre ville)

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4.2 - Les différents acteurs du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul Dans le but d’avoir un prix de la chaleur compatible avec celui des autres quartiers à Paris, les décideurs procèdent à la négociation avec tous les acteurs du projet afin d’identifier « qui porte quoi » et quel est le taux de participation de chaque acteur. Dans le cas du projet énergétique d’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, les acteurs sont les suivants : - La ville de Paris subventionne le projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul via l’opérateur énergétique (CPCU) ainsi que directement car elle est concessionnaire à la fois de l’aménagement du quartier et de son réseau énergétique. - L’aménageur (P&Ma) est le maître d’ouvrage délégué du projet et gère l’ensemble des surcoûts liés à la construction post-carbone ainsi qu’aux frais de raccordement à la boucle thermique locale. Le bilan de l’aménageur comprend les investissements liés au développement du réseau de desserte de la chaleur qui fait partie de la viabilisation du site. - La Compagnie Parisienne du Chauffage Urbain (CPCU) est le concessionnaire du chauffage urbain de la ville de Paris et l’opérateur énergétique du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul. C’est une SEM77 qui a une logique privée avec seulement 1/3 d’actions publiques. Elle distribue et vend l’énergie thermique à l’ensemble des abonnés de son réseau de chaleur grâce aux droits exclusifs de desserte qui sont inscrits dans son contrat de concession. La CPCU a la vocation de desservir de manière exclusive et privilégiée tous les bâtiments qui sont en mesure de bénéficier du réseau de chaleur. Par conséquent, afin de desservir la chaleur au niveau de la sous-station de chaque immeuble de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, la CPCU réalise des investissements nécessaires à la production de l’énergie et à sa desserte à l’échelle du quartier dans la limite des prestations de son contrat qui lui impose la prise en charge d’une partie considérable des investissements. Cependant, en raison de la forte intensité capitalistique des couts d’investissement, le bilan financier de l’opérateur énergétique risque d’être déficitaire car ses recettes sont plafonnées au tarif unique appliqué à l’ensemble des abonnés de la CPCU qui correspond à la grille tarifaire du réseau de chaleur parisien. - Eau de Paris ne participe pas aux investissements de la production énergétique, elle vend des calories contenues dans son réseau d’ENP en le valorisant. Cependant, le prix de l'eau était amplement discuté car au final ce n'est pas l'eau qu'elle vend mais plutôt les calories contenues de cette eau qui a son tour est restituée refroidie mais intacte de point de vue chimique. Autrement dit, l’eau du réseau d’ENP transporte les calories qui servent à alimenter la pompe à chaleur (PAC) localisée dans l’interface à l’entrée du quartier. Eau de Paris investit seulement dans le renforcement et la mise en forme de son réseau d’ENP et c’est finalement la CPCU qui gère la PAC qui fait chauffer l’eau de la boucle thermique locale.

Société d’Économie Mixte, qui est une société qui comprend des acteurs publics et privés. La SEM permet la prise en compte effective de l’intérêt général dans les objectifs de l'entreprise et la souplesse de la société de droit privé (Source : Wikipédia) 77

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- L'Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) subventionne la solution énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul via les fonds de chaleur qui financent les solutions énergétiques innovantes a base des énergies renouvelables tout en considérant les réseaux de chaleur comme un levier de la transition énergétique de la ville en raison de leur résilience78. Etant donné que l’ADEME soutient le développement des réseaux de chaleur, elle subventionne la solution énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul qui se base sur un mix énergétique constitué de 80 % d’énergies renouvelables. En effet, l’eau du réseau d’ENP qui alimente la boucle d’énergie locale du quartier est une source d’énergie de récupération et l’énergie produite par la CPCU qui sert d’énergie d’appoint pour le quartier, se base sur un mix énergétique constitue à 50% d’énergies renouvelables. Les subventions de l’ADEME de la région Ile-de-France sont conditionnées et nécessitent un dossier détaillé comprenant des études sur les potentielles solutions énergétiques du site. En effet, l’ADEME d’Ile-de-France79 ne subventionne pas la production des énergies renouvelables hors de la biomasse si le maillage par des réseaux existants, l’utilisation des énergies de récupération ou de la géothermie est possible.

Figure 30 : Principe de subvention de la production d’énergie renouvelable de l’ADEME d’Ile-de-France ( (Source : Auteur80)

(

78

Les réseaux de chaleur ont une résilience et souplesse dans la modification des proportions des énergies renouvelables dans le mix énergétique ce qui n'est pas le cas du chauffage électrique qui est considéré comme individuel et non résilient (source : les petites conférences de Saint-Vincent-de-Paul). 79 ADEME de la région Ile-de-France a une position très particulière par rapport aux subventions des énergies renouvelables en raison de la forte urbanisation de cette région. Les subventions de l’ADEME sont conditionnées et nécessitent un dossier complet d’études techniques qui démontrent les opportunités de production énergétique du site (Source : Entretien avec Mme. Nibal et Alam, directrice de Kairos Ingénierie) 80 ibid

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- L'usager final est soit le propriétaire soit le locataire du logement. Il paye la facture énergétique qui contient une part fixe relative à l'abonnement de la CPCU et une part variable proportionnelle à la consommation de l'énergie.

Figure 31 : Différence entre l’abonné du réseau de chaleur et l’usager final (Source : Auteur81)

- La copropriété est l’abonné du réseau de chaleur urbain de la CPCU gère le réseau secondaire qui commence au niveau de la sous-station, elle assure l’ensemble des prestations relatives à l’exploitation du système de chauffage du quartier à l’échelle de l’immeuble telles que l’entretien du réseau et la gestion des équilibrages des installations énergétiques.

Facture énergétique de l’usager calée sur le tarif de la CPCU constante pour tous les scenarios ayant un rapport avec cet opérateur énergétique. Surcoût des maitres d’ouvrage lie à la performance des bâtiments et a l’économie dans les systèmes de production thermique. Déficit annualisé de l’opérateur énergétique du quartier par logement. Il varie entre 106 et 190 euros HT/logement/an selon le cout des infrastructures (réseau, systèmes de production, charges d’exploitation etc.) Figure 32 : Évolution du coût complet annualisé par logement hors électricité (Source : Une autre ville)

81

ibid

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4.3 - Équation du coût complet de l’énergie La question du modèle économique ne se résume pas à celle du coût d’investissement initial, mais consiste à la triple question du besoin énergétique total, du prix de revient en coût complet82 de la production énergétique nécessaire pour couvrir ce besoin et celle du partage de ce prix de revient entre les différents acteurs du projet. Il s’agit d’un choix se basant sur la rentabilité du projet plutôt que sur son coût d’investissement initial. Le coût complet de la production énergétique et la facture de l’usager sont décomposés en plusieurs parties dans le but d’appréhender au mieux les leviers d’équilibrage et d’optimisation des coûts du projet83. Le coût complet de l’énergie se décompose de la manière suivante : P1 : les dépenses annuelles d’achat de combustible et les dépenses annexes84 P2 : les charges d’exploitation, de maintenance, de petit entretien P3 : les provisions pour le gros renouvellement (pièces d’usure à changer durant la vie de l’équipement etc.) P4 : les charges d’amortissement composées des investissements initiaux et des annuités d’emprunts85 Coût complet de l’énergie = P1 + P2 + P3 + P4 Pour l’usager, l’ensemble des charges se répercutent sur sa facture énergétique en deux postes : R1 : part variable qui se rapporte à la facturation d’énergie consommée (prix de l’énergie multiplié par la consommation effective) qui permet à l’opérateur de couvrir les charges de combustible (P1). Elle est calculée à partir d’un prix unitaire en € / MW/h. R2 : part fixe facturée en fonction de la puissance souscrite par l’usager qui permet de couvrir les charges d’exploitation, de maintenance et de gros renouvellement (P2, P3). Elle est calculée à partir d’un prix unitaire en € /KW. Facture énergétique de l’usager = R1 + R2

Prix de revient en cout complet comprend les investissements initiaux + coûts d’approvisionnement énergétique + coûts d’exploitation maintenance + coûts de gros entretien renouvellement + coûts financiers sur la durée de vie de l’installation. (Source : une autre ville) 83 ibid. 84 P1 inclut également P1’ qui représente les dépenses annexes d’énergie sur la durée de vie de l’installation (l’électricité, l’eau, le téléphone …) permettant le fonctionnement du réseau et /ou du système de production, (Source : Une autre ville). 85 L'annuité constante est le remboursement annuel d'un emprunt avec les intérêts par un montant constant, qui est calculé en fonction du taux d'intérêt et de la durée de l'emprunt selon la formule mathématique suivante : Montant de l'emprunt * Taux emprunt / (1-(1+Taux emprunt)^ -Durée en année) Source : Wikipédia 82

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Figure 33 : Composition du modèle économique d’un scénario de type réseau de chaleur (Source : Une autre ville)

4.4 - Partage des coûts d'investissement entre les différents acteurs Les coûts d’investissement de la solution énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul sont importants et s’élèvent à 2 millions d’euros. Par conséquent, les charges sont partagées entre les différents acteurs du projet car l’opérateur énergétique (CPCU) n’est pas en mesure de porter tout seul l’ensemble des investissements. Cependant, il en porte une partie considérable compte tenu des engagements prescrits dans son contrat de concession. Par conséquent, une négociation est engagée avec tous les acteurs du projet afin d’optimiser les coûts d’investissement et les repartir de façon équitable. L’aménageur participe dans L’investissement en portant les coûts liés au développement du réseau de desserte de la chaleur dans le quartier et les promoteurs financent, via les droits de raccordement, une partie des investissements liés aux postes de livraison de chaleur (sous-stations) relatifs à leurs opérations respectives. De plus, le projet énergétique profite d’un ensemble des subventions qui proviennent d’une part de la ville de Paris qui étant concessionnaire de l’aménagement du quartier et de son réseau énergétique, participe à l’investissement et d’autre part de l’ADEME qui soutient le développement des énergies de récupération dans les réseaux de chaleur via les fonds de chaleur. Finalement, Eau de Paris investit dans le renforcement de son réseau d’ENP, nécessaire pour la mise en place de la solution énergétique ENP+CPCU, mais avec des montants qui ne sont pas assez importants.

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4.5 - Particularité du montage de projet énergétique de Saint-Vincent-de-Paul La réalisation d’un projet énergétique dépend de différents paramètres structurels tels que le contexte urbain, les particularités juridiques du territoire concerné ainsi que des différents acteurs et leurs intérêts respectifs. Compte tenu de tous ces paramètres, le montage sert à trouver la configuration optimale de chaque projet afin d’assurer la pérennité de son cycle de vie. Par conséquent, le montage du projet est une phase importante car elle permet d’équilibrer le rapport entre les investissements initiaux et le prix de la facture énergétique finale payée par l’usager. Le prix de sortie de la chaleur ne dépend pas forcement de la qualité du projet énergétique ou du fait qu’il a couté très cher à l’investissement, mais plutôt du taux de participation de chaque acteur du projet. En effet, dans le cas où le projet énergétique n’a pas eu de participations de la part de l’aménageur, de droits de raccordement par le promoteur ou des subventions, tout l’investissement initial se retrouve dans la facture énergétique finale ce qui fait que le prix de chaleur est élevé. Le montage du projet énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul permet le partage des surcoûts d’investissement et les charges d’exploitation par ses différents acteurs. En effet, au-delà des investissements, la prise en compte des différents coûts d’exploitation des équipements énergétiques sur la totalité du cycle de vie du réseau de chaleur permet de déterminer le rapport coût-bénéfice de chaque acteur qui est l’un des principaux éléments constituant le modèle économique du projet énergétique du quartier. Bien que chaque acteur ait son propre intérêt, ils ont pour objectif commun la réalisation d'un projet rentable et pérenne.

Figure 34 : Montage du projet énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Auteur86)

86

Entretien avec M.Nicolas Rougé, directeur de l’agence d’AMO Une autre ville

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Les projets énergétiques des écoquartiers de Clichy-Batignolles et de Saint-Vincent-de-Paul ont les mêmes acteurs (ville de Paris, P&Ma, CPCU, Eau de Paris et l’AMO87), leurs montages de projet sont différents car les limites de prestations des acteurs ne sont pas les mêmes dans les deux cas de figures. Dans le cas de Clichy-Batignolles, Eau de Paris devient un opérateur énergétique, elle gère les installations géothermiques et investit beaucoup dans les installations et les forages, alors que la CPCU s’occupe uniquement de la desserte de l’énergie dans le quartier. Tandis que dans le cas de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, Eau de Paris fournit les calories apportées par son réseau d’ENP et c’est finalement la CPCU qui gère la PAC qui produit de l’énergie de la boucle thermique locale. Eau de Paris vend les calories de l’eau du réseau d’ENP sans pour autant s’engager dans la gestion des équipements de production énergétique du quartier car elle estime que son expérience de l’écoquartier de Clichy-Batignolles n’est pas encore bien maitrisée. Les limites de prestation de chaque acteur représentent un levier juridique important dans la modélisation du montage du projet énergétique. En effet, en changeant l’emplacement de la sous-station du bâtiment, il est possible de jouer sur la limite de prestation de chaque acteur en transmettant la fonction de la desserte de chaleur du réseau secondaire vers un primaire bis par exemple qui sera l’intermédiaire entre les deux réseaux et fera part de la responsabilité de l’opérateur énergétique au lieu de la copropriété. La ville de Paris prévoit la mise en concurrence des acteurs prives en 2024 ce qui risque d’annuler les droits exclusifs de desserte des réseaux de chaleur qui sont accordés actuellement à la CPCU dans le cadre de son contrat de concession. Par conséquent, le montage du projet pourrait être modifié en tenant compte de ces changements juridiques. La coopération entre les différents acteurs du projet énergétique se fait de façon échelonnée tout en les intégrant progressivement dans le dialogue. En premier lieu, la ville de Paris conçoit les grandes lignes du projet en collaboration avec son aménageur (P&Ma) et l’opérateur énergétique (CPCU) qui est le concessionnaire du réseau de chaleur urbain de Paris. Les promoteurs ne sont invités au dialogue qu’une fois le projet commence à prendre forme et cela afin de négocier les détails de leur participation dans les investissements des installations énergétiques relatives à leurs propres îlots par les droits de raccordement qui, en plus, permettent au promoteur de gagner les mètres carrés. En effet, il n’a pas à faire un grand local technique pour l’installation des équipements de la production énergétique de l’immeuble, mais plutôt prévoir un petit local pour la sous-station qui va être réalisée de la part de l’opérateur énergétique (CPCU), ce qui lui permet d’économiser de l’argent. En contrepartie, on lui demande une participation dans l’investissement de la solution énergétique afin de baisser le prix de la sortie de la chaleur. La valeur de la participation du promoteur peut être négociée en fonction des caractéristiques du projet urbain. Par exemple, si le promoteur décide de mettre la sous-station au fond de son îlot, loin de l’artère principale du réseau de chaleur pour des raisons de planification urbaine telles qu’aménagement d’un parking du côté de la voie principale, le raccordement coûtera plus cher et par conséquent il faudrait qu’il prévoit une participation plus importante pour équilibrer ces surcoûts d’investissement. Dans un second temps, la participation du promoteur va être transmise à la charge de l’acquéreur du bien qui va le retrouver dans le prix de l’acquisition ou bien dans le

L’AMO chargé d’études des projets énergétiques des écoquartiers de Clichy-Batignolles et de Saint-Vincentde-Paul est Une autre ville. 87

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prix de son loyer si le propriétaire et un bailleur social. Finalement, l’usager final retrouve le coût du projet énergétique à la fois dans le prix du bien et dans les charges récupérables88.

Figure 35 : Principe de transmission des investissements réalisés par le promoteur (Source : Auteur89)

Les futurs usagers de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul sont invités à participer dans le processus d’exploitation et de gestion du réseau de chaleur du quartier via la création d’une coopérative d’usagers. Cette idée provient de l’expérience des Grands Voisins, qui a eu une influence considérable sur l’élaboration du projet urbain de l’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul, en développant une forte dimension participative à l’échelle du quartier. Le modèle économique de chaque projet énergétique dépend de plusieurs facteurs d’ordre technique, financier et politique. En effet, la différence de configuration de ces facteurs fait que chaque projet est unique. Par conséquent, le modèle économique se construit en tenant compte de tous les paramètres structurant le projet énergétique en se basant sur les grands principes généraux. Le montage d’un projet énergétique est une négociation avec tous les acteurs ayant un intérêt dans la réalisation du projet. Il dépend étroitement de la configuration des territoires du moment. Etant donné que les écoquartiers ont fait leur première apparition en France depuis plus de vingt ans, chaque projet s’est développé en tenant compte des données de son temps ce qui fait qu’entre les projets conçus en 2008 et ceux qui sont en phase de conception aujourd’hui (2020), on a une différence considérable. En effet, la négociation avec les différents acteurs du projet est un processus complexe car elle dépend de leurs intérêts respectifs et de divers enjeux politiques ainsi que de la législation qui est en constante évolution. Par conséquent, le montage de chaque projet est très particulier et dépend étroitement de son contexte urbain, juridique et économique. C’est ainsi que dans une même ville telle que Paris, on peut avoir différents montages en fonction des configurations du territoire en question90. 88

Entretien avec Mme. Nibal el Alam, directrice de Kairos Ingénierie Entretien avec Mme. Nibal el Alam, directrice de Kairos Ingénierie 90 Ibid 89

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5 - Coût global : facteur de viabilité économique du projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul 5.1 - Les éléments du coût global d’une opération d’aménagement Le coût global d’une opération d’aménagement comprend tous les coûts des paramètres techniques tels que l’énergie91 thermique, l’eau, l’électricité et la mobilité ainsi que la dimension carbone de tous ces paramètres, notamment les émissions des GES. Le coût global d’une opération c’est la somme des coûts relatifs à ces paramètres échelonnés dans le temps en tenant compte des durées d’amortissement.

Figure 36 : Différents composants du coût global d’une opération d’aménagement (Source : Auteur92)

Le coût global de la solution énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul se compose de deux parties. La première comprend l’ensemble des coûts d’investissement nécessaires afin de mettre en place les équipements de la production énergétique et le développement du réseau local qui va desservir tout le quartier. La deuxième comprend les charges d’exploitation annuelle du système de chauffage. Il s’agit de la projection d’une partie des coûts d’investissement et des charges d’exploitation sur la facture énergétique annuelle de l’usager final en euros TTC93. La facture énergétique in fine dépend étroitement du modèle économique adopté pour la réalisation de la solution énergétique du quartier. En effet, elle résulte de l’ensemble des participations des acteurs du projet, notamment de la participation de l’aménageur, des droits de raccordement portes par les promoteurs et de différentes subventions publiques. Par conséquent, le raisonnement en coût global permet de connaitre le prix des investissements initiaux et de modéliser la facture énergétique finale en fonction des arbitrages faits par le maitre d’ouvrage. La partie thermique du coût global de l’aménagement d’un quartier contient deux postes principaux qui sont le chauffage et l’Eau Chaude Sanitaire (ECS) (Source : Entretien avec Mme. Nibal et Alam, directrice de Kairos Ingénierie). 92 Ibid 93 Les données de la facture énergétique sont en euros TTC/an car l’usager final ne récupère pas la TVA, Source : ibid. 91

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5.2 - Partage du coût global par l'ensemble des acteurs du projet Le partage des coûts du projet énergétique par l’ensemble de ses acteurs permet d'optimiser les coûts d'investissement ainsi que les charges d'exploitation sur l'ensemble du cycle de vie du réseau de chaleur. Il permet de moduler les frais de raccordement aux réseaux urbains, faire porter une partie de l'investissement par les bilans de l'aménageur et des promoteurs ainsi que de réévaluer le tarif acquitté par l'usager. Par conséquent, le fait de reporter le coût dans le temps permet de ramener les différents coûts du projet à une base comparable ce qui sert à construire un raisonnement équitable en coût global de la solution énergétique tout en sachant que chaque acteur à son propre coût global relatif à un horizon bien précis.

Figure 37 : Rapport entre le coût global du projet énergétique et sa facture annuelle (Source : Auteur94)

L’approche en coût global permet d’identifier la facture énergétique que l’abonné va payer non seulement lors des premières années d’exploitation du réseau de chaleur mais également sur de plus longues durées comme 20 ans et allant jusqu’à la fin de vie du réseau. Il est important de prévoir combien l’abonné va payer dans le temps afin de pouvoir juger la stabilité économique et la pérennité du projet énergétique. De plus, le coût global permet d’étudier les consommations énergétiques et de préciser s’il y a eu des économies en euro ou bien en MW/h.

L'évaluation de la solution énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul selon l'approche en coût global permet d'anticiper les coûts relatifs à son exploitation, entretien et maintenance. Elle donne une visibilité sur les éventuels coûts d'entretien de la PAC tout en associant les services assurant l'entretien de ce type de système en amont de la réalisation 94

Ibid

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des ouvrages nécessaires à la production énergétique. Étant donné que les coûts d'investissement des installations énergétiques renouvelables sont élevés, le long terme représente le meilleur allié contre la relativité des prix. Par conséquent, l'approche en coût global permet de répartir les surcoûts des investissements initiaux dans le temps. 5.3 - Coût global : outil d'aide à la décision L’analyse en coût global est une façon d’identifier le coût réel du projet énergétique ce qui permet de faire la comparaison avec d’autres projets similaires et ensuite de chercher d’éventuels moyens de rééquilibrer le bilan financier du projet. C’est ainsi que l’approche en coût global devient un outil d’aide à la décision dans le sens où elle permet d’avoir une vision d’ensemble sur les différents coûts du projet et en particulier sur la facture énergétique finale de l’usager. En effet, dans le cas où la facture énergétique est jugée élevée, il s’agit de revoir les paramètres structurels du montage du projet afin de pouvoir rééquilibrer le prix de sortie de l’énergie. Par conséquent, les décideurs revoient les montants de participations de différents acteurs du projet ainsi que la valeur des subventions publiques dont il fait l’objet.

Figure 38 : Amortissement du coût d’investissement initial par l’optimisation des différents coûts survenant tout au long de la durée de vie du projet énergétique (Source : Auteur95)

5.4 - Incidence des facteurs non techniques sur la performance énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul La performance énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul dépend de la qualité des installations de production d’énergie et de leur bonne exploitation. Cependant, il y a 95

OUTREQUIN, Philippe et al. Mener un projet de construction ou d'aménagement en coût global, Edition le Moniteur,2018,284 pages

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d’autres facteurs qui influencent cette considération tels que la conception des bâtiments et leur isolation thermique, le taux d’occupation des logements et l’usage d’énergie thermique. Les données dont dispose l’aménageur sur le taux d’occupation96 des bâtiments du quartier, sont en réalité plus élevés en raison des la hausse des prix de logements à Paris ce qui fait que les consommations d’ECS dans les logements sont plus importants. De plus, le caractère renouvelable de l’énergie du quartier donne une fausse idée sur le fait que la consommation énergétique excessive n’a pas d’impact sur l’environnement ce qui incite les usagers à utiliser le chauffage de façon excessive et irresponsable. Par conséquent, la maîtrise de ces facteurs non techniques permet de diminuer la consommation énergétique du quartier. Pour ce faire, un travail de sensibilisation des usagers et mis en place par le gestionnaire du quartier qui joue le rôle du facilitateur énergétique qui s’occupe également du système de production énergétique. Il vérifie la mise en place de toutes les installations et des équilibrages nécessaires pour leur bon fonctionnement97. Étant donné que l’intérêt des acteurs qui sont en amont de l’opération d’aménagement consiste à vendre les logements de l’écoquartier sans pour autant se soucier du cycle de vie du quartier et de la façon dont il va produire et consommer son énergie. C’est ainsi que lors du processus de la commercialisation des logements, les promoteurs vendent l’idée de l’énergie renouvelable du quartier ce qui fait que dans certains cas les usagers finissent par se rendre compte que leurs logements ne sont pas si performants énergétiquement et que la facture leur coute cher. En effet, plusieurs paramètres techniques et humains influencent la consommation énergétique du quartier. Etant donné que l’aménageur et les promoteurs ne suivent pas le cycle de vie du réseau de chaleur, les équipements de production énergétique risquent de ne pas fonctionner de façon optimale. Pour ce faire, la responsabilisation des acteurs est prévue afin de les associer davantage à la vie du système énergétique du quartier surtout durant les premières années de son exploitation. L’aménageur impose aux promoteurs une garantie qui est de l’ordre de 4% du coût des terrains. Il s’agit du séquestre environnemental qui est un levier financier permettant non seulement d’assurer la qualité des installations énergétiques livrées mais aussi leur bonne mise en œuvre dans le but d’atteindre les performances énergétiques énoncées lors de la phase d’études98. 5.5 - Coopération des acteurs du projet : facilitateur énergétique L'une des visées de l'approche en coût global est la coopération transversale entre les différents acteurs du projet énergétique tout au long de son cycle de vie ce qui assure la qualité des prestations et leur rentabilité. Le système de production énergétique nécessite une gestion efficace des équipements car la performance énergétique dépend de multiples réglages techniques. Dans le cas de l'écoquartier de Clichy-Batignolles, la fonction de facilitation énergétique99 est assurée par un gestionnaire du quartier qui veille sur le bon Le taux d’occupation des logements fait l’objet des études sociologiques qui cherchent à mettre en exergue les facteurs susceptibles de l’influencer. L’approximation maximale du taux d’occupation réel des bâtiments permet aux maîtres d’ouvrage d’avoir une meilleure visibilité sur la consommation énergétique des logements (Source : entretien avec Nicolas Rougé), 97 Source : Entretien avec Mme. Nibal et Alam, directrice de Kairos Ingénierie 98 Idem 99 La facilitation énergétique consiste à la capacité de faire le lien entre tous les phénomènes liés à l'énergie. Il s'agit de la production de la chaleur via un réseau de chaleur susceptible de dysfonctionner quand l'eau est trop chaude, des réglages de bâtiments ainsi que des baisses de charges pour les locataires. C'est une sorte de politique publique d'accompagnement à la maîtrise de la demande en énergie. Le facilitateur énergétique représente un trait d'union entre l'opérateur énergétique et l'utilisateur. 96

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fonctionnement des ouvrages techniques afin d'assurer la conformité des performances en comparaison de celles qui étaient modules pendant la conception du projet. Ce nouvel acteur se porte garant des performances énergétiques et environnementales dans le temps100. Afin de définir le rôle du facilitateur énergétique, une association entre la ville de Paris, le consortium, les bailleurs sociaux ainsi que l'opérateur énergétique était créée afin de coopérer de manière transversale et exploiter les données de performances énergétiques des bâtiments du quartier. Dans le cas de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, la question de facilitation énergétique est d'autant plus importante en raison de l'innovation de la solution adoptée (ENP + CPCU) et le risque technologique qu'elle représente. Par conséquent, le gestionnaire de quartier aura pour mission de vérifier le bon fonctionnement du système de chauffage dans le temps. Pour ce faire, il dispose de l'outil de modélisation des performances énergétiques afin de pouvoir comparer les résultats théoriques et réels. Cet outil sert également à identifier les points sur lesquels le facilitateur énergétique doit agir pour maîtriser la performance énergétique du quartier. Au-delà des différentes fonctions du facilitateur énergétique, il faut penser à la place de cet acteur dans le modèle économique de la solution. Finalement, l'approche en coût global permet de faire dialoguer les différents acteurs afin de déterminer la meilleure façon de gérer le système de chauffage d'un quartier et par conséquent d’optimiser les différents coûts d'exploitation. Cette approche permet également de revoir la manière de percevoir un projet d'aménagement en sortant du modèle classique où le rôle de l'aménageur s'arrête à la livraison de projet. C'est ainsi que dans le cas de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, une réflexion a été menée pour appréhender les différentes manières à suivre la vie du projet, faire des constats et s'adapter à ses contraintes réelles. L’identification des missions de facilitation énergétique définit plusieurs acteurs susceptibles d'assurer le rôle de gestionnaire du quartier comme l'opérateur énergétique ou le concessionnaire du chauffage urbain. Mais c'est finalement une société coopérative d'intérêt collectif qui est chargée de la production et la distribution de chaleur ainsi que de la facilitation énergétique d'écoquartier de Saint-Vincentde-Paul. Elle associe les promoteurs immobiliers dès le début de l'opération d'aménagement ainsi que d'autres acteurs comme les bailleurs sociaux et les usagers.

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La figure de facilitateur énergétique est expérimentée pour la première fois dans le cas d'écoquartier de ClichyBatignolles, Paris XVIIème. Dans le cadre du projet expérimental européen CoRDEES, un nouveau métier de gestionnaire du quartier est créé dont le rôle est d'assurer le bon fonctionnement du système de chauffage. Cette opération expérimentale était financée pendant trois ans, son but étant de tester différentes idées et procédés innovants afin de pouvoir les reproduire dans d'autres écoquartiers à l'échelle européenne.

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Synthèse Le projet énergétique de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul s’inscrit dans le contexte de cet ancien site hospitalier qui se trouve dans une zone urbaine très dense desservie par les différents réseaux de la ville de Paris tels que le réseau d’ENP et de la CPCU. En effet, l’intégration par rapport au contexte a permis de mettre en évidence une solution énergétique innovante (ENP + CPCU) qui se base sur les ressources situées à proximité immédiate du site ce qui permet l’ancrage local du projet énergétique. La prise en compte de la différence de la nature des bâtiments de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul a permis de faire le choix d’une solution énergétique centralisée à l’échelle de tout le quartier et dont les coûts d’exploitation sont mutualisés. L’approche en coût global permet l’estimation de l’ensemble des coûts du cycle de vie du projet énergétique (réalisation, exploitation et déconstruction) ce qui permet de mettre en évidence le rapport coût-bénéfice de chaque acteur du projet dans le temps. En effet, ce rapport est l’une des principales données d’entrée pour la construction du modèle économique d’un projet énergétique car il permet d’équilibrer les différentes charges portées par les acteurs principaux du projet tout en associant de nouveau acteurs. Par conséquent, le coût global est considéré comme étant un outil d’aide à la décision car il sert de base pour la conception d’un montage opérationnel économiquement viable. En plus, le coût global prend en considération la dimension carbone du projet énergétique qui est l’un des facteurs les plus importants lors du choix de la solution énergétique à adopter pour l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul en raison des enjeux environnementaux ambitieux de ce projet urbain. En plus de son approche économique, le coût global possède une dimension organisationnelle importante qui vise la coopération entre les différents acteurs du projet énergétique dès la phase d’études dans le but de définir son mode de gestion ce qui optimise les coûts relatifs à son exploitation. Finalement, l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul vise à diminuer son empreinte carbone non seulement par la mise en place d’un système de production énergétique se basant sur les sources d’énergie renouvelables mais aussi par la conservation d’une grande partie de son patrimoine existant et le recours aux niveaux de référence performants lors de la réhabilitation et de la construction de ses bâtiments. L’approche en coût global sert à affiner le modèle économique d’un projet énergétique en tenant compte de son impact environnemental dans le temps. En effet, elle permet l’estimation de tous les coûts de son cycle de vie (réalisation, exploitation et déconstruction) ce qui permet de mettre en évidence le rapport cout-bénéfice de chaque acteur dans le temps. En effet, dans le cas de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul, c’était l’un des principaux critères au moment de la prise de décision en raison des enjeux environnementaux ambitieux de ce quartier. Au-delà de son approche économique, le coût global a une dimension organisationnelle importante qui permet la coopération entre les différents acteurs dans le but de définir le mode de gestion du projet énergétique ce qui optimise les coûts relatifs à son exploitation.

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Conclusion Générale Au terme de ce travail, nous allons procéder dans un premier temps par le rappel de la problématique de l’étude ainsi que de la méthodologie adoptée pour l'élaboration de cette recherche puis dans un second temps, nous reprendrons et synthétiserons les principaux résultats et enseignements tirés de ce travail. Enfin, nous allons conclure avec quelques perspectives et d'éventuelles pistes pour la recherche. Ce mémoire de recherche a permis d'appréhender le sujet de la production énergétique dans un projet d’écoquartier depuis les premières études techniques jusqu’à la faisabilité économique et le montage opérationnel du projet. Le choix d’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul comme cas d’étude était fait en raison de plusieurs facteurs tels que l’enjeu de la neutralité carbone à l’horizon de 2050, la pertinence de la solution énergétique adoptée pour ce quartier, se basant en grande partie sur les EnR&R, ainsi que sur le fait qu’il réunifie construction et réhabilitation. En effet, une partie de cette étude était dédiée a la compréhension de la différence entre les installations de desserte d’énergie dans un bâtiment neuf et réhabilité et son impact sur le cout d`investissement du projet énergétique. La contribution la plus pertinente de cette étude est l’intégration de la notion du cout global applique à un projet énergétique qui est conçu à l’échelle d`un quartier. En effet, l’étude de l`aspect économique du projet énergétique a permis de mettre en évidence l’enchevêtrement des intérêts de différents acteurs du projet. Par conséquent, l’analyse du montage opérationnel du projet énergétique de Saint-Vincent-de-Paul a permis d`identifier les facteurs qui contribuent à la viabilité du modèle économique d’un projet. Pour ce faire, un travail d’investigation sur terrain a été élaboré auprès des acteurs concernés par le projet énergétique de Saint-Vincent-de-Paul afin de recueillir tous les documents et informations nécessaires à la compréhension du montage opérationnel de ce projet. Dans un second temps, l’analyse et l’interprétation schématique de toutes les données obtenues ont permis de présenter de manière synthétique les résultats dans le deuxième chapitre de ce mémoire. Enfin, l’ensemble des résultats obtenus dans le cadre de ce travail de recherche, a permis de comprendre les contraintes auxquelles les maîtres d’ouvrage font face lors de la conception des solutions énergétiques pour les écoquartiers, le processus du montage opérationnel portant le projet énergétique, ainsi que le rôle de la question énergétique dans la durabilité d’un écoquartier et de toute la ville. La durabilité d’un écoquartier dépend de nombreux facteurs à prendre en considération dès la phase d’études en amont de la conception du projet urbain. L’identification de différentes ressources du site et leur exploitation de façon pérenne permet l’ancrage local du projet et son intégration par rapport au contexte. Parmi les potentielles ressources d’un site on peut citer la présence des sources d’énergies renouvelables et/ou de récupération (EnR&R), la proximité des différents réseaux de la ville (eau, chauffage etc.) et la préservation des bâtiments existants. La configuration de ces facteurs et leur portage économique viable permet la conception un projet urbain sobre et résilient. Le montage opérationnel est un moyen d’associer les différents acteurs d’un projet énergétique en tenant compte de leurs limites de prestations respectives. En effet, le cadre juridique joue un rôle important lors de la conception d’un montage du projet énergétique car certains acteurs ont des avantages juridiques considérables prescrits dans leurs contrats ou bien selon la loi en vigueur sur le territoire. 62


La centralisation de la production d’énergie à l’échelle du quartier permet la mutualisation de l’ensemble des coûts survenant tout au long du cycle de vie du projet énergétique. Elle représente une opportunité d’optimisation des coûts d’installation des équipements et de leur exploitation dans le temps. En plus, le choix d’une solution énergétique collective et mutualisée permet également d’associer les usagers dans le processus de gestion de la production d’énergie thermique ce qui donne une dimension participative au projet et d’agir sur les modes de consommation des usagers. Par conséquent, la mutualisation de la production énergétique est susceptible d’optimiser la performance énergétique d’un quartier. Le raisonnement en coût global permet la construction d’un modèle économique viable pour le projet énergétique d’un écoquartier. En effet, le coût global permet de repartir l’ensemble des coûts d’un projet énergétique entre ses différents acteurs dans le temps ce qui assure une meilleure visibilité de la rentabilité du projet. En effet, il permet d’évaluer le rapport coûtbénéfice de chaque acteur à long terme et de rééquilibrer leurs charges respectives afin d’assurer une stabilité économique du projet énergétique tout au long de son cycle de vie. En plus, le raisonnement en coût global permet de mettre en évidence les différents coûts d’exploitation de la solution énergétique. Par conséquent, afin d’optimiser l’ensemble de ces coûts, les acteurs du projet énergétique sont invités à coopérer entre eux dès la phase des études bien en amont de la réalisation du projet ce qui leur permet d’avoir suffisamment de temps pour organiser l’exploitation du système de production énergétique. Cependant, bien que l’approche en coût global du projet énergétique d’un écoquartier soit considérée comme un outil d’aide à la décision, elle représente des limites potentielles. Malgré le fait qu’elle permet l’estimation de l’empreinte carbone d’un projet d’écoquartier grâce à l’intégration des données concernant les émissions des GES (en €/TCO2), elle ne comprend pas les valeurs tutélaires des différents nuisances causées par la réalisation et l’exploitation du projet d’aménagement urbain ce qui affaiblit la précision d’estimation de son impact carbone. En plus, le fait que le cycle de vie d’un projet urbain dépasse les horizons des élus et des maîtres d’ouvrage, implique l’imagination de l’évolution de certains couts dans le temps ce qui représente l’une des limites du coût global. Dans le cas des projets de renouvellement urbain, la conservation des bâtiments existants représente une ressource potentielle car elle permet de réduire considérablement l’impact carbone du quartier qui résulte de la démolition et la construction de nouveaux bâtiments. Bien que le raccordement des bâtiments réhabilités représente un ensemble de contraintes d’ordre technique, la réhabilitation des bâtiments existants représente une opportunité pour la réduction de l’empreinte carbone du quartier grâce à leur performance énergétique considérable qui est assuré par leur bonne isolation thermique. Finalement, la prise en compte de la question énergétique lors de la conception du projet urbain permet l’adaptation du projet énergétique à l’ensemble des contraintes techniques du site afin d’optimiser l’ensemble des coûts d’investissement des installations relatives à la production d’énergie. En effet, elle permet de prévoir l’emplacement des échangeurs thermiques par rapport au réseau de la distribution de chaleur ce qui réduit les frais de raccordement. En plus, les études de la production énergétique du quartier permettent d’identifier les potentielles sources d’énergie renouvelable et/ou de récupération qui sont situées à proximité du site ainsi que de prévoir l’emplacement et le dimensionnement des locaux techniques nécessaires au bon fonctionnement des équipements énergétiques. La coordination des études urbaines et énergétiques permet d’optimiser la production d’énergie 63


à l’échelle du quartier et se fait de façon parallèle à la conception du projet urbain afin d’en avoir les données nécessaires pour le développement du projet énergétique.

Limites et ouvertures de l’étude La réflexion sur la performance énergétique d’un quartier dépasse la question de la production d’énergie afin de prendre en compte les facteurs relatifs à la conception architecturale et urbaine. L’orientation des bâtiments d’un quartier joue un rôle important dans la performance énergétique des bâtiments car elle permet d’assurer l’ensoleillement optimal des logements ce qui est susceptible de réduire leurs besoins en chauffage. Étant donné que la performance énergétique des bâtiments dépend étroitement de leur niveau d’isolation thermique et des matériaux utilisés lors des travaux de construction ou d’isolation, la réglementation environnementale RE2020101 représente une nouvelle étape vers la conception architecturale qui s’inscrit dans le cadre du respect de l’environnement. Elle fait son apparition après une phase d’expérimentations menée par la démarche E+/C- et permet de diminuer l’impact carbone des bâtiments et d’améliorer leurs performances énergétiques en tenant compte de l’ensemble des émissions des GES relatif à leur cycle de vie. En effet, la RE2020 est mise en place dans le but d’inciter à des modes de construction peu polluants et à l’utilisation des matériaux biosourcés, elle impose aux concepteurs une isolation thermique plus performante par le renforcement de l’indicateur de besoin climatique (Bbio)102. L’évolution de la réglementation environnementale soulève de nombreuses questions. - Comment la nouvelle réglementation environnementale RE2020 va répondre aux enjeux de la ville durable ? Par quels dispositifs ? - Quel serait son impact sur le développement du projet énergétique d’un écoquartier ? - Quels seraient les potentiels surcoûts quelle peut introduire dans le développement du projet énergétique d’un écoquartier ? - Quels sont les spécificités juridiques relatives à la RE2020 à prendre en considération lors de la conception du montage opérationnel du projet énergétique d’un écoquartier ?

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La RE2020 est une nouvelle réglementation environnementale concernant la construction des bâtiments neufs. Elle s’inscrit dans le contexte de la loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique), est entre en vigueur à partir du 1er janvier 2021, (Source : Ministère de la transition écologique) 102 https://www.ecologie.gouv.fr/re2020-nouvelle-etape-vers-future-reglementation-environnementale-desbatiments-neufs-plus

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Glossaire Loi Grenelle II : Loi n° 2010-788. Elle complète, applique et territorialise la Loi Grenelle I qui déclinait en programme les engagements du « Grenelle de l'Environnement103 ». Sobriété énergétique est un concept qui vise la diminution des consommations énergétiques par le changement des modes de vie dans le but de minimiser leur empreinte sur l'environnement104. Réhabilitation représente la gamme d’actions plus ou moins importantes pour rendre à l’ouvrage ses capacités d’usage ou changer sa destination. La réhabilitation c’est la réutilisation de structures bâties qui conserve les éléments constitutifs de cette structure en particulier les éléments porteurs, le clos, le couvert. On parle de réhabilitation si on peut conserver la structure spatiale de l’édifice105. Valeur tutélaire est une valeur donnée par le pouvoir public à une nuisance quelconque, à ne pas confondre avec une taxe. La valeur tutélaire du carbone est une valeur exprimée en euros par tonne de CO2, qui devrait servir de référence climatique pour les choix d’investissement de tous les acteurs économiques publics et privés106. Renouvellement urbain est une forme d'évolution de la ville qui désigne l'action de reconstruction de la ville sur elle-même et de recyclage de ses ressources bâties et foncières. Elle vise en particulier à traiter les problèmes sociaux, économiques, urbanistiques, architecturaux de certains quartiers anciens ou dégradés, ainsi qu’à susciter de nouvelles évolutions de développement notamment économiques. Le renouvellement urbain a pour principal but de limiter en surface l'étalement urbain et la périurbanisation en valorisant l'habitat dense concentré, notamment pour diminuer l'empreinte écologique des habitats, et par suite de la ville elle-même. La ville peut être renouvelée sur des quartiers anciens ou sur des zones ou friches industrielles107. Montage opérationnel correspond à "l’initialisation de l’opération que ce soit au niveau de son organisation, identification et montage de la maîtrise d’ouvrage et de la mission d’assistance éventuelle, ou de ses finalités, identification et définition du problème à résoudre, opportunité de l’opération, identifications et analyses de la faisabilité des différents scénarios possibles (satisfaction des besoins par une construction ou par la mise en place d’un service, achat, location, construction, réutilisation, terrain, ..), choix d’un scénario et du processus de sa mise en œuvre. Le jalon qui vient clore cette phase est la décision de lancement qui se concrétise en particulier par une délibération d’une assemblée décidant de lancer des études de faisabilité particulière, l’affection d’un premier budget, l’inscription dans un programme d’investissement 108". 103

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000022470434 https://fr.wikipedia.org/wiki/Sobri%C3%A9t%C3%A9_%C3%A9nerg%C3%A9tique 105 REAL, Emmanuel. Reconversion, l’architecture industrielle réinventée. Haute Normandie, Image du Patrimoine, 304 pages. 106 https://reseauactionclimat.org/valeur-tutelaire-carbone-et-taxecarbone/#:~:text=La%20valeur%20tut%C3%A9laire%20du%20carbone%20est%20une%20valeur%20exprim%C 3%A9e%20en,publics%20et%20priv%C3%A9s%20en%20France. 107 Wikipedia 108 CEREMA. Gestion de projet appliquée à la conduite d'opération. Cerema, 2000, 103 pages. 104

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Copropriété s’entend de tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie en plusieurs personnes par lot, comprenant chacun une partie privative et une quote-part de partie commune. La copropriété est un mélange de propriété individuelle et collective. Chaque propriétaire a d’une part une propriété exclusive sur les parties privatives (souvent appartement) et une propriété indivise sur les parties communes (couloir, escalier, ascenseur). Les règles de la copropriété sont définies par la loi de 1965109. Taux de Rentabilité Interne (TRI) est un indicateur fiscal utilisé souvent comme outil d'aide à la décision car il permet de mesurer la pertinence d'un projet en prenant tous les flux (achats, ventes, revenus, frais, fiscalité) et les ramène à un rendement annuel110. Zone d'Aménagement Concerté L’article L. 311-1 du code de l’urbanisme définit les ZAC comme "les zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés111".

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http://pointdroit.com/definition-copropriete/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Taux_de_rentabilit%C3%A9_interne 111 Article L. 311-1 du code de l’urbanisme. 110

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Webographie

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Entretiens effectués - Mme. Nibal el Alam, directrice de Kairos Ingénierie - M. Nicolas Rougé, directeur d’agence d’AMO Une autre ville - M. Philippe Outrequin, docteur en économie, chercheur et directeur de la Calade, un bureau de conseil spécialisé dans le développement durable.

Tableau des acronymes

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ADEME

Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie

CPCU

Compagnie Parisienne du Chauffage Urbain

ECS

Eau Chaude Sanitaire

ENP

Eau Non Potable

EnR&R

Énergies Renouvelables et de Récupération

GES

Gaz à Effet de Serre

MOA

Maîtrise d’ouvrage

PAC

Pompe à Chaleur

P&Ma

Paris et Métropole Aménagement

SEM

Société d’Économie Mixte

SPL

Société Publique Locale

TRI

Taux de Rentabilité Interne

ZAC

Zone d’Aménagement Concertée

Table de Figures Figure 1 : Le quartier comme composante structurante de la ville (Source : Auteur) Figure 2 : Modèle classique du développement (Source : Google images) Figure 3 : Modèle intégré du développement (Source : Urbain design : Green dimensions) Figure 4 : Centralité de la question énergétique dans un projet d’écoquartier (Source : Auteur) Figure 5 : Composition par poste de consommation de l’empreinte carbone de France en 2010 (Source : Conseil général du Développement Durable) Figure 6 : Comparaison entre les bilans carbone d’un bâtiment neuf et réhabilité à l’instant T0 correspondant au début d’une opération d’aménagement (Source : Auteur)

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Figure 7 : Répartition des émissions du CO2 d’un bâtiment neuf (Source : Résultats du test HQE, Performance pour l’échantillon 2012-2013, bureaux et logements collectifs) Figure 8 : Incidence de la consommation énergétique des bâtiments d’un quartier sur les arbitrages concernant la production d'énergie (Source : Auteur) Figure 9 : Composition d’une facture énergétique (Source : Kairos Ingénierie) Figure 10 : Les acteurs du projet énergétique de l'écoquartier Clichy-Batignolles, Paris XVIIème (Source : Auteur) Figure 11 : Différents niveaux d'intégration du coût global (Source : Auteur) Figure 12 : Les enjeux vises par le Plan Climat de la ville de Paris à l'horizon de 2050 (Source : Google Images) Figure 13 : Les sources de la solution énergétique adoptée pour l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Auteur) Figure 14 : Grille d’analyse multicritères : outil de comparaison de différentes solutions énergétiques (Source : Une autre ville) Figure 15 : Mix énergétique des différents scénarios de production centralisée (Source : Une autre ville) Figure 16 : Le coût complet de la tonne de CO2 économisée par rapport au scénario GAZ RE 2020 en €/TCO2 (Source : Façons de Faire, P&Ma 2) Figure 17 : Coupe de principe de l’approvisionnement énergétique de la solution ENP + CPCU (Source : Façons de Faire, P&Ma 2) Figure 18 : Les différents réseaux et points d’échange de chaleur d’écoquartier de Saint-Vincent-dePaul (Source : Une autre ville, modifié par l’auteur) Figure 19 : Synthèse des besoins énergétiques de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Une autre ville) Figure 20 : Comparaison de la performance énergétique entre les différents niveaux de référence des bâtiments de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : AMOES) Figure 21 : Représentation schématique d’un scénario décentralisé et d’un scénario centralisé (Source : Une autre ville) Figure 22 : Composition du mix énergétique de la CPCU (source : CPCU, 2018) Figure 23 : Évolution de la composition du mix énergétique de la CPCU dans le temps (Source CPCU, 2018) Figure 24 : Conservation des bâtiments existants du site de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Google Images) Figure 25 : Composition de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul selon la nature du bâti (Source : Site internet de la Mairie de Paris) Figure 26 : Estimation des émissions des GES de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : AMOES) Figure 27 : Incidence de la consommation de différents types de bâtiments sur la production de l’énergie à l’échelle du quartier (Source : Auteur) Figure 28 : Répartition des éléments du programme de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Auteur)

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Figure 29 : Structure du coût complet annualisé, électricité comprise (Source : Une autre ville) Figure 30 : Principe de subvention de la production d’énergie renouvelable de l’ADEME d’Ile-de-France (Source : Auteur) Figure 31 : Différence entre l’abonné du réseau de chaleur et l’usager final (Source : Auteur) Figure 32 : Évolution du coût complet annualisé par logement hors électricité (Source : Une autre ville) Figure 33 : Composition du modèle économique d’un scénario de type réseau de chaleur (Source : Une autre ville) Figure 34 : Montage du projet énergétique de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Auteur) Figure 35 : Principe de transmission des investissements réalisés par le promoteur (Source : Auteur) Figure 36 : Différents composants du coût global d’une opération d’aménagement (Source : Auteur) Figure 37 : Rapport entre le coût global du projet énergétique et sa facture annuelle (Source : Auteur) Figure 38 : Amortissement du coût d’investissement initial par l’optimisation des différents coûts survenant tout au long de la durée de vie du projet énergétique (Source : Auteur) Figure 39 : Vue axonométrique de l’ensemble des bâtiments de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Google Images) Figure 40 : Occupation temporaire du site de Saint-Vincent-de-Paul par les Grands Voisins (Source : Google Images) Figure 41 : Principes du projet urbain de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Google Images) Figure 42 : Programme de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Google Images) Figure 43 : Températures du réseau d’Eau non Potable (ENP) en cours de l’année (Source : Eau de Paris) Figure 44 : Schéma de principe de la solution énergétique ENP + CPCU (Source : Une autre ville) Figure 46 : Fonctionnement du système de production énergétique basée sur ENP + CPCU (Source : Une autre ville) Figure 45 : Fonctionnement du système de production énergétique basée sur ENP + CPCU (Source : Une autre ville) Figure 46 : Bilan d’évolution des prix de l’énergie dans le temps (Source : Une autre ville)

Annexes Partie Théorique 1 - Concept du développement durable : étymologie et définitions Le concept du développement durable est relativement récent, c'est pour cela d'ailleurs qu'il demeure controversé dans le discours contemporain. La dénomination «durable» de ce concept n'est pas unique, elle est parfois remplacée par «soutenable112». En effet, sa 112

La traduction du terme par soutenable, plutôt que durable, peut s'expliquer aussi par de vieilles traces du mot en langue française. En effet, on trouve le mot soutenir employé dans une optique environnementale dès 1346,

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traduction de l'anglais «sustainable developpement» est énoncée comme «développement soutenable» dans la deuxième édition francophone du rapport Brundtland préparée par la maison d'édition québécoise Les Éditions du Fleuve113 (1988). Quoique l'appellation «développement durable» ait fini par s'imposer dans les pays francophones, le bon usage imposerait l'expression «développement soutenable», tel que demandé par la commission114 mondiale sur l'environnement et le développement. Le terme «durable» est un adjectif issu du verbe «durer» et dont la définition est «de nature à durer longtemps115». Par conséquent, le terme «durable» exprime le fait que le développement économique doit durer dans le temps, soit s'inscrire dans une perspective de long terme ainsi qu’il doit intégrer toutes les contraintes liées à l'environnement, l’économie et la société. Etant donné que le développement durable vise la pérennité des ressources de la planète afin d'assurer la possibilité des générations futures à satisfaire leurs besoins. Par conséquent, le développement durable est défini par ses trois préoccupations majeures qui sont l'économie, la société et l'environnement, appelés aussi les trois piliers constituants du développement durable, ainsi que par sa perspective de temps long. Les responsables politiques, alertés par l'opinion publique mondiale, ont multiplié les réunions internationales, telles que la réunion de Montréal (1987), les conférences de Rio de Janeiro (1992), de Kyoto (1997) et de Buenos Aires (1998), dans le but de trouver un accord collégial de la part de tous les pays au sujet des voies du développement durable. C’est ainsi que la France a officiellement adhéré au principe du développement durable depuis sa souscription à l'Agenda 21 à l'issu du sommet de Rio de Janeiro (1992) et la ratification de la convention d'Aarhus (2002), ce qui implique le respect de ce principe et les enjeux qu'il défend.

2 - De l'apparition de la démarche EcoQuartier à la labellisation et la création de la charte La France fait partie de différents engagements internationaux tels que la charte d'Aalborg et le Référentiel Ville Durable Européenne qui visent à appliquer le principe du développement durable à l'échelle de la ville. C’est ainsi que la démarche EcoQuartier116, émergée depuis 2008, s'affirme en 2012 avec le lancement officiel du label national EcoQuartier qui a pour but d'encourager, d'accompagner et de valoriser les projets de développement urbain durable. En effet, le label EcoQuartier est organisé autour des trois objectifs fondamentaux du développement durable ainsi qu’il propose un dispositif qui garantit la pérennité des projets et leur intégration par rapport au territoire. Il cherche également à assurer l’accessibilité des

dans l'ordonnance de Brunoy, prise par Philippe VI de Valois, sur l'administration des forêts, recommandant de les « soutenir en bon état ». Ainsi en matière forestière la notion de forêt cultivée soumise à une exigence de soutenabilité, un renouvellement perpétuel de la ressource, capable d'approvisionner une flotte navale, existe en France depuis plus de six siècles. 113 L'éditeur québécois a pris la peine d'expliquer son choix du mot soutenable dans l'édition de 1989 : « L'éditeur, à la demande de la Commission, a traduit sustainable development par développement soutenable et non par développement durable. Cependant, développement durable semble être mieux accepté que développement soutenable, du moins en Amérique.» 114 En 1983, l'Organisation des Nations Unies met en place la commission mondiale sur l’environnement et le développement, composée de 23 personnes issues de 22 pays et sous la direction de Gro Harlem Brundtland, premier ministre de Norvège, afin de définir un programme de coopération internationale et pluridisciplinaire sur les problèmes environnementaux. Elle publie le rapport final Notre avenir à tous (Our Common Future) en 1987. 115 Dictionnaire Larousse Français. 116 Label EcoQuartier 2017, Ministère de la cohésion des territoires.

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projets par le public ainsi que la promotion de la culture urbaine auprès des citoyens. Finalement, le label EcoQuartier vise la visibilité et l'exemplarité de l'aménagement urbain Français117. C’est ainsi que les acteurs du territoire sont invités à apporter des réponses contextualisées par rapport au vingt engagements de la charte EcoQuartier, ainsi qu'ils doivent pérenniser la démarche en faisant levier sur les politiques du développement territorial. Les vingt engagements de la charte EcoQuarier sont répartis en quatre thématiques comprenant chacune cinq engagements. Ces thématiques sont : Démarche et Processus, Cadre de Vie et Usages, Développement Territorial et Environnement et Climat. La répartition des enjeux de la charte en thématiques vise à atteindre tous les objectifs du développement durable que ce soit économiques, sociaux ou environnementaux. 3 - Approche en coût global : Enjeu fondamental de la démarche EcoQuartier La démarche EcoQuartier se construit autour des questions et des indicateurs dont certains sont relatifs à l'évaluation du projet en coût global. En effet, le troisième engagement de la charte EcoQuartier s'intitule «Intégrer la dimension financière tout au long du projet dans une approche en coût global.» Il vise l'intégration de l'approche en coût global lors des choix d'investissement118. Or, l'analyse des dossiers de demande de labellisation ainsi que des réponses des collectivités dont le projet a été labellisé EcoQuartier, a démontré que « le coût global est abordé par très peu de dossiers. Certains porteurs de projets affirment ne pas avoir mené ce type d'analyse qui ne semble pas clair pour beaucoup d'entre eux. Ils y voient simplement la prise en compte des coûts de gestion ou d'entretien, sans y voir nécessairement une opportunité d'aide à la décision, notamment dans la confrontation des solutions possibles119.» Cet enjeu fait partie de la première thématique de la charte EcoQuartier et a pour objectif de faire du projet autrement. Son intitulé «Démarche et Processus» est relatif à la visée de la démarche de « favoriser l'émergence d'une nouvelle façon de concevoir, de construire et de gérer la ville durablement120.» L'inadéquation entre les enjeux prescrits dans la charte et les réelles pratiques démontrent que l'approche en coût global du projet demeure pour l'instant théorique et entraîne une ambiguïté de la compréhension de ses objectifs par les porteurs du projet ce qui explique le fait que le coût global n'est quasiment pas intégré dans les projets d'écoquartiers. 4 - Confusion entre l’approche en coût global et l'approche financière à long terme Les maîtres d'ouvrage appliquent rarement l'approche en coût global dans les projets d'aménagement voire même ils font souvent une confusion entre l'approche en coût global et une approche financière à long terme notamment dans le cas d'une ZAC. Cependant il y a une grande différence car dans le cas de la ZAC, les bilans financiers sont établis sur quinze ans, alors que les parcelles qui seront vendues aux promoteurs ne figurent pas dans ces bilans ce qui ne raisonne pas avec l'idée de l'approche en coût global.

117

ADEME.Réussir la Planification et l'Aménagement Durables, le Moniteur, 2013, 272 pages Philippe et al. Mener un projet de construction ou d'aménagement en coût global, Edition le Moniteur,2018,284 pages. 119 Cerema. Les enseignements des EcoQuartiers labellisés en 2013, 2014, 2015 Synthèse de l'analyse des dossiers de candidature au label sur les 20 engagements, Rapport d'étude, juillet 2016. 120 Ministère de la Cohésion des Territoires, Janvier 2018. 118118OUTREQUIN,

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Partie Analytique : Étude de cas de l'écoquartier de Saint-Vincentde-Paul 1 - Aperçu Historique Fondé en 1650 dans les faubourgs du sud parisien, le futur hôpital de Saint-Vincent-de-Paul commence son existence en tant qu’une maison religieuse dédiée au noviciat. Par la suite, le site devient une maternité et maison d’allaitement vers la fin du XVIIIème siècle. Finalement, le site se transforme en un véritable établissement hospitalier spécialisé dans les naissances et les maladies infantiles dans les années 1930 ce qui perdurera jusqu’en 2012 lorsque l'hôpital cessera complètement son activité.

Figure 40 :

axonométrique de l’ensemble des bâtiments de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Google Images)

Vue

S

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2 - Occupation temporaire du site : développement de l’esprit participatif du lieu grâce à l’expérience des Grands Voisins Avant même la désaffectation de la totalité de tous les bâtiments du site de Saint-Vincent-dePaul, une première convention d’occupation temporaire permet à l’association Aurore d’aménager des hébergements dans les bâtiments vacants. L’occupation transitoire du site se développera davantage avec l’apparition de nouveaux acteurs comme Yes We Camp et Plateau Urbain qui finiront par créer Les Grands Voisins, nom qui a pris beaucoup d’ampleur à Paris depuis 2015. Le but de cette phase de préfiguration étant de donner une nouvelle vie à ce site hospitalier enclavé et tester les différents usages ce qui devait servir de base pour la programmation du futur écoquartier.

Figure 41 : Occupation temporaire du site de Saint-Vincent-de-Paul par les Grands Voisins (Source : Google Images)

3 - Les fondements de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul Le projet d'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul s’inspire énormément de l’esprit de ce lieu nourri d’histoire multiséculaire. Par conséquent, les deux allées orthogonales se croisant en plein centre du site sont préservées créant ainsi un espace paysager intégralement piéton ce qui à son tour valorise énormément les activités productives et créatives qui le bordent. Néanmoins, afin d’assurer la desserte de tous les bâtiments du site, une voie véhiculaire en boucle sera déployée autour du quartier mais à condition du respect de 20km/h de vitesse maximale. Etant donné que le site est doté d’un patrimoine architectural extrêmement riche et varié, construit entre le XVIIème et les XXème siècles, le nouveau projet d’écoquartier prévoit la conservation de près de deux tiers de la surface bâtie du site afin de garder la mémoire de ce lieu historique ainsi que de réutiliser les espaces extérieurs, notamment les cours anglaises dans le but de créer des locaux d'intérêt collectif et/ou de développer des projets énergétiques. Toutefois, le projet prévoit la démolition de certains bâtiments afin de les reconstruire mais toujours dans le respect du contexte du site, en toute sobriété et en utilisant des matériaux recyclés et appropriés au site.

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1- Voie véhiculaire en boucle 2- Espace public paysager 3- Îlot très équipé Pinard : transformation du bâti 4- Bâtiments réhabilités (Oratoire, Robin, Maison des Examens 5- Bâtiment transformé et surélevé (Lelong) 6- Îlots à reconstruire (Lepage, Chaufferie, Petit, Denfert)

Figure 42 : Principes du projet urbain de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Google Images)

4 - Le programme de l’écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul La ville de Paris accompagnée de son aménageur P&Ma vise à développer un programme mixte et ouvert au public sur le site de Saint-Vincent-de-Paul. En effet ce programme s’inspire énormément de l'expérience des Grands Voisins, qui est un urbanisme transitoire visant à tester différents usages qui serviront de base pour l’élaboration du programme. C’est ainsi que le futur projet d’écoquartier comprendra une partie considérable du logement social, une unité d'hébergement d’urgence pour les plus précaires ainsi que des locaux dédiés à la création et des activités culturelles et économiques permettant l’ouverture de ce site enclavé sur la ville principalement via l’avenue Denfert-Rochereau, tout en tenant compte des aspirations développées lors de la phase d’urbanisme transitoire.

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Figure 43 : Programme de l'écoquartier de Saint-Vincent-de-Paul (Source : Google)

Surface totale de planchers : 60 000 m2 dont : - Logements : 43 140 m2 - Activités et Commerces : 6 345 m2 - Équipements : 11 390 m2 5 - Principes du fonctionnement de la solution énergétique ENP + CPCU À l'entrée du quartier de Saint-Vincent-de-Paul, une interface est implantée afin de connecter les réseaux intérieurs du quartier aux réseaux urbains de la CPCU et d'ENP. Il s'agit d'un local technique qui récupère la chaleur du réseau de la CPCU qui transporte de l'énergie sous forme de la vapeur à très haute température d'une part ainsi qu'il sert à prélever l'eau du réseau d'ENP de 14 degrés Celsius en moyenne afin d’alimenter une pompe à chaleur eaueau qui fait augmenter la chaleur de cette eau jusqu'à 70 degrés Celsius. En effet, ces écarts de température impliquent une conversion des énergies afin de les faire ramener à une température compatible avec la basse consommation du quartier. Au sein du quartier, la desserte de l'énergie est assurée par un réseau basse température qui circule sous la voirie et arrive jusqu'au pied de chaque bâtiment. 6 - Le réseau d'Eau Non Potable (ENP) de la ville de Paris La ville de Paris possède deux réseaux d'eau différents, celui d'eau potable qui alimente les appartements et le réseau d'eau non potable qui à priori sert à arroser les espaces verts et nettoyer les caniveaux. Il y a plusieurs endroits à Paris ou cette eau est stockée en vue de sa distribution dans le réseau d'eau non potable de la ville. En amont du stockage, cette eau qui provient de la Seine est récupérée par plusieurs usines afin de la traiter d'une manière assez légère qui vise juste à enlever les déchets flottants. Une fois qu'elle arrive dans les réservoirs d'eau non potable à Paris (Passy, Villejuif, Ménilmontant, Belleville…), elle est redistribuée en fonction de la topographie de son site de stockage. Etant donné que cette eau est en provenance de la Seine, elle à une température moyenne de 14 degrés Celsius dans l'année ce qui représente une énergie fatale car elle n'est pas utilisée.

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Figure 44 : Températures du réseau d’Eau non Potable (ENP) en cours de l’année (Source : Eau de Paris)

7 - Le réseau de la Compagnie Parisienne du Chauffage Urbain (CPCU) Le réseau de chauffage urbain de la ville de Paris est un réseau qui est opéré en délégation du service public par une entreprise qui s'appelle la Compagnie Parisienne du Chauffage Urbain (CPCU). Ce réseau produit de la chaleur de manière centralisée via des usines de production de chaleur qui sont réparties dans la métropole de Paris, et la distribue sous forme de vapeur à haute température. La chaleur livrée par la CPCU est d'origine renouvelable à 52% aujourd'hui. En effet, cette énergie renouvelable est en grande partie due à l'incinération des ordures ménagères dans les usines de production (Ivry, Issy-les-Moulineaux) ou ils sont brûlés et la chaleur produite est récupérée pour alimenter le réseau du chauffage urbain. Il y a aussi une unité de biomasse alimentée avec du bois ainsi que de petites quantités de gaz et de charbon. Par conséquent, il y a 15% de charbon dans l'indice énergétique de la CPCU.

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Figure 45 : Schéma de principe de la solution énergétique ENP + CPCU (Source : Une autre ville)

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Figure 46 : Fonctionnement du système de production énergétique basée sur ENP + CPCU (Source : Une autre ville)

Figure 47 : Bilan d’évolution des prix de l’énergie dans le temps (Source : Une autre ville)

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RESUME

L’ o b j e c t i fd ec emé mo i r ed er e c h e r c h ee s tl ’ i d e n t i f i c a t i o nd ur ô l ed el a q u e s t i o né n e r g é t i q u ed a n sl ac o n c e p t i o nd ’ u np r o j e td ’ é c o q u a r t i e r .Ce t t e é t u d eap o u ro b j e t l ’ e c o q u a r t i e rd eSa i n t Vi n c e n t d e Pa u l , u nq u a r t i e rq u ’ o n q u e s t i o n n ed ’ u np o i n td ev u eé n e r g é t i q u e .

Mo t sc l é s

Ma î t r i s ed ' o u v r a g e , é c o q u a r t i e r , v i l l ed u r a b l e , c o û tg l o b a l , p r o d u c t i o né n e r g é t i q u e , En R&R, mo d è l eé c o n o mi q u e


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