Reportage actu
Expresso Dans son Reserve Bar de New York, Starbucks transforme la pause-café en pause de luxe.
Dans les coulisses de
Starbucks
© MATT GLAC/STARBUCKS
Comment transformer une épicerie locale en un géant mondial de la distribution de café ? En suivant la recette Starbucks ! Au menu : un marketing douillet nappé d’un modèle économique à toute épreuve.
Reportage
Fans des « capuccinos et des muffins », elles ont branché leur mobile sur le wi-fi et partagent « un moment cool avant les cours ». Pas de doute possible, le décor colle parfaitement au slogan de la chaîne : avec Starbucks, « partageons plus qu’un café ». « Le succès de Starbucks ne se dément pas. Nous avons tout de suite trouvé notre clientèle. Son ambiance, sa qualité et sa convivialité étaient attendues à Nantes », renchérit le gérant des trois salons nantais. D’ici l’été, il va même ouvrir une quatrième boutique dans la plus grande galerie commerciale de la ville. La clé de cette réussite ?
Sucré Les boissons sont sucrées et, souvent, la majorité des produits vendus aussi. Ici, à Chicago, des cookies arrivent tout chauds d’une grande boulangerie. « L’expérience Starbucks ». La pierre angulaire de la stratégie marketing du groupe. Wi-fi gratuit, fauteuils confortables, musique discrète le matin et entraînante l’après-midi, prises électriques pour ne pas tomber en rade de laptop,
rien n’est oublié pour enchanter ce « lieu tiers », ce « coffice ». Pour 6 € (la facture moyenne par consommateur), Starbucks ne vend pas que des frapuccinos. La pincée de dolce vita, le sentiment de « chez soi » entre la maison
et le travail ou les cours sont inclus dans la note. Comme tous les jours, Fanny et Thomas, deux baristas au sourire éclatant (et permanent), appellent les clients par leur prénom et leur tendent aimablement leurs gobelets. Sur les étagères, des barres de céréales côtoient des mugs, thermos et paquets de café. Tous estampillés du logo de la multinationale. L’univers est à des années-lumière du premier Starbucks ouvert à Seattle en 1971 : une épicerie spécialisée ouverte par trois copains férus de café. Il correspond pourtant point pour point au rêve de son premier directeur marketing,
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Starbucks vend une ambiance
Howard Schultz. En 1987, il a racheté la marque et les épiceries pour quatre millions de dollars. C’est lui qui a lancé le concept du coffeeshop. Quarante plus tard, 25 000 points de vente ont ouvert dans 67 pays. Florissante, la chaîne génère 2,8 milliards de dollars de bénéfices (10 fois moins cependant que McDonald’s). « Starbucks fait partie des 5 marques iconiques mondiales telles Apple, Nike ou Red Bull. Ils n’ont même plus besoin de mettre leur nom sur leur logo. Le visage de la sirène suffit »,
souligne Mathieu Daix, intervenant marketing à la Web school factory à Paris.
Autre corde à son arc marketing : sa réputation sociale et humaniste. En janvier, sa direction a bâché les mesures anti-immigration de Donald Trump en promettant un emploi à 10 000 réfugiés dans les cinq ans. « S’agissant de la nouvelle bien-pensance, Howard Schultz est devenu tellement politique qu’il semble passer une audition pour être la doublure de Bernie Sanders, le sénateur socialiste du Vermont », s’amuse l’éditorialiste Gary Silverman
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© ALEQ/STARBUCKS
M
atinée ordinaire dans le tout jeune Starbucks nantais niché à l’angle d’une jolie enclave pavée du quartier Bouffay. Sofia, 15 ans, se réjouit. Elle a « réussi » à emmener ses parents dans cet « endroit hyper emblématique » pour boire un chocolat viennois. Entre une plante verte luxuriante et des fauteuils drapés de beige, Hassan, lui, est rivé à son ordinateur. Un jus de fruit à la main, il profite « de l’ambiance calme » et de la vue sur le quartier historique pour travailler « sur un dossier ». Dans la partie boudoir, Caroline et ses copines de lycée rigolent sur les banquettes.
© JOSHUA TRUJILLO/STARBUCKS
de Virginie Jourdan
Allongé
« Chez Starbucks, chaque personne se sent unique », analyse un spécialiste du marketing. Jusqu’à la caricature ?
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