Jazzage à mi-mot

Page 1

...un ....temps ......de .....chien

édition

Paul O’Moore Jazzage à mi-mot

dessins de Zoé Chantre 1


Paul O’Moore Jazzage à mi-mot

2


édition

…un ….temps ……de …..chien

Paul O’Moore Jazzage à mi-mot Un temps de Chien édition

6 rue Branda, 29200 Brest. temps.de.chien@gmail.com www.tempsdechien.com conception graphique  Isabelle Jégo ISBN : 978-2-9535811-33 EAN : 9782953581133

dépôt légal : octobre 2015

dessins de Zoé Chantre


Préface Aujourd’hui, pour le poète électro-choqué par l’actualité, même la poésie devient difficile à envisager. Paul O’Moore est l’archétype de ce drôle de personnage désuet dont on vante l’utile inutilité mais dont personne ne veut chez lui : le poète. De fait, il semble que plus O’Moore avance dans la vie plus il se met en retrait du monde. Plus son espérance de vie rétrécit, plus le fossé avec les hommes s’agrandit. S’il se révolte encore contre le sort des migrants, contre l’intolérance et le fanatisme et clame encore l’importance de la révolte et de l’écriture, lui-même peine à espérer dans l’avenir et à trouver réconfort dans la poésie. Alors il se réfugie dans le jazzage, ce néologisme qui résonne comme un bavardage de bistrot ou de bordel… mais à mi-mot, secrets chuchotés dans une alcôve ou sur l’oreiller. Sa poésie n’est plus vraiment de la poésie, son livre s’éparpille en fragments de livres et ses tentatives d’histoire tournent désespérément en rond. Alors il convoque ses illustres aînés, Ferré, Rimbaud and Co pour lui montrer la voie. Comme s’il pouvait trouver, là, la force de résister, la force de comprendre le monde tel qu’il est devenu. Comme s’il fallait “se souvenir de l’avenir” pour retrouver le chemin d’un espoir. Vincent Vedovelli

5


À cette voix Ferré qui depuis toujours me guide dans la nuit. P. O’Moore

L’espérance est violente. Apollinaire

7


Le livre d’avertissement Ce livre ne vous veut aucun mal même s’il ne veut rien dire de spécial. Rien c’est déjà quelque chose … quelque chose qu’on ignore. Rien c’est l’ombre de quelque chose… l’ombre des mots ? Écrire l’ombre des mots ? … ombre de passage… ombre blanche sur feuille blanche… ombre noire sur feuille noire… ombre du passage de l’une à l’autre. Écrire ce passage ? Écrire l’ombre de ce passage à mi-mot ? … Jazzage à mi-mot. Vous ne trouverez donc rien dans ce livre … rien de ce qui s’écrit noir sur blanc. Voilà on est prévenu … on continue ?

9


Le livre de janvier L’écriture devrait être un geste

J. Rigaud

7 janvier 2015

19 janvier

Décider d’abandonner l’écriture computée. Reprendre stylo et papier. Reprendre le geste. Normalement, décision rime avec destruction … destruction de l’objet de cette décision. Rester pantois au seuil de l’action. Aujourd’hui la décision est d’un autre ordre … comme l’affirmation d’une urgence … acte de survie … de résistance aussi… Devant la barbarie, retrouver le geste.

Les nouvelles du monde ne sont pas bonnes. Pas nouvelles non plus. Les gens parlent en tous sens pour desserrer les mâchoires de la béance. Les massacres révèlent seulement cette béance. Plus encore que des corps et des symboles, c’est notre chance de quiétude qui a été massacrée. Plus que jamais les mots sont insignifiants. C’est pour cela qu’on raconte n’importe quoi. Appeler à ne pas faire l’amalgame, c’est déjà le faire. Chacun se réfugiant dans les mots qu’il connaît le mieux.

11 janvier Dans la rue… instant fragile et éphémère. Même si ce n’est qu’un feu de paille… un moment d’humanité simplement.

10

On a laissé prospérer cette béance dont on ne sait plus quoi faire. Va-t-elle nous engloutir ? Est-il encore temps de réagir ? Comment ? À suivre…

11


Poésies La mise en musique est une forme supérieure de la critique littéraire car c’est une critique créatrice.

Aragon

Les poésies de cet ouvrage sont des poésies musicales à lire à voix haute sur la musique de votre choix. Toutefois si cette musique ne convient pas, vous avez droit à un second essai. De plus, il est recommandé de choisir une musique différente pour chaque poésie. Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie. Elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche.(…) La musique permet à des gens qui n’en lisent jamais de se laisser violer par la poésie.

Ferré

12

Absolutely Je fuis les fées je fuis les foules je fuis les fours je fuis les phares je fuis les forts je fuis les frères je fuis en avant je fuis les sucres lents je fuis le reste des gens je fuis les traîneaux je fuis les traînants je fuis les trains de poussière je fuis les marins de terre je fuis les bonnes manières je fuis de toute manière je fuis les tourne-disques je fuis les tournedos je fuis les tournevis je fuis les vis je fuis les veaux je fuis le vrai je fuis le faux je fuis les Marengo je fuis les martingales je fuis les ça m’est égal je fuis les mygales je fuis les mégots je fuis les deux pieds dans l’eau je fuis les rhumes de cerveau je fuis les cerfs-volants je fuis les rampants je fuis demain 13


je fuis debout je fuis des pieds je fuis des mois je fuis des fois même à genoux je fuis aussi je fuis le haut débit je fuis les assommants je fuis le déroutant je fuis l’enclume je fuis les plumes je fuis les buses et je fuis les ruses des méduses je fuis les Jéricho de la mode je fuis les rades à potos je fuis les radeaux crados je fuis l’enfer du fado je fuis le vrai je fuis le faux je fuis l’Autriche je fuis l’autruche je fuis les méfaits d’hiver je fuis les fleurs à l’envers je fuis les Mayflower aussi je fuis les arches qu’a Noé je fuis les marches du palais je fuis les poulettes à louer je fuis les calumets pétés je fuis les œufs brouillés je fuis la facilité des faux cils je fuis les rimmels au caramel je fuis les odeurs du dehors je fuis le bonheur intérieur je fuis les rêves d’antan je fuis les lendemains éteints je fuis les crétins je fuis la foudre 14

je fuis le fer je fuis facile je fuis les enfants fiers je fuis les fossiles je fuis… les faussaires je fuis aussi à petites foulées à grandes enjambées je fuis…

15


Le livre ontologique

Le livre de Saint Lazare

Ce livre devrait-il exister ?

J. De Nazareth

… et l’amour égaré dans une salle des pas perdus.

Et si c’était là son seul mérite : exister

Le livre vain

Bel et bien exister !

Sans espoir de descendance … vivre en vain ?

Le livre du désert Comme un berbère … mon métier c’est partir . Aimer le désert… aussi vaste et vide que l’espoir de bonheur.

Écrire … perpétuer l’intransmissible

… transmettre l’ineffable.

Un livre de choix

Le livre de mon père Rêver souvent de ce père mort il y a bien longtemps. Tous les soirs … s’endormir dans l’espoir de le retrouver. Rendez-vous impossible et quotidien … les rêves comme les bouées du passé.

16

Ne plus choisir. Choisir c’est la fin de la liberté.

Schopenhauer

Ne pas se laisser le choix… Être libre : ne pas avoir à choisir … libre de choisir ?

17


Le livre malade

Le livre de l’ultra L’ultra libéralisme fait prendre folie pour raison. Thomas More

Le monde est un asile psychiatrique géant où les patients les plus atteints sont les soignants. Le livre anti intellectuel En lieu de connaissances, réflexion et intelligence ? Absence, oubli et contingence. Être purement anti intellectuel.

L’écriture est l’art privilégié des malades.

J. Hallyday

La maladie ouvre sur la nuit. On peut écrire jusqu’au bout de ses forces. Le livre et la nuit sont les meilleurs garde-malades. Le livre de chair Selon Lacan, le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même… et de quelques autres. Le poète ne s’autorise réellement que de lui-même. Être d’une totale liberté.

Le livre de la limite

Mais la solitude…

Mal à la frontière et à la transition

… immense sans fin sans fond.

Vivre en marge au bord du bord au bord de la limite à la limite de la limite

Le livre testament

à la limite de vivre…

18

Je lègue ma bite et mon couteau au commandant Cousteau…

19


Le livre d’un albatros

Le livre du chaos

Nostalgie

Ni ordre

encre hémophile

fleuve lacrymal.

N’être plus qu’une île en elle … qu’un cri mouillé enfoui sous l’océan … une vague prière aux oreilles anémiées de déesses cruelles … le souvenir morcelé d’une histoire amnésique … destination incongrue d’un destin famélique … celui d’une vie à l’envers … vie inversée d’une aventure mal inventée

… vie hiver.

Le livre du grand n’importe quoi Ce livre n’est pas suffisant… à part pour quelques improbables fans.

J. De Nazareth

Ni sens.

Ce livre chaotique et bancal… comme tout ce qui est créé en quelques jours. Ne pas donner d’exemple… pour éviter d’éventuelles fatwas créationnistes.

Le livre insuffisant… se borner au livre sans borne… au livre sans livre… au livre qui délivre… libéré de cette immense fatigue… qu’on appellera finitude. Ce livre n’est pas fini… comme un pas imaginaire vers un livre infini. Un pas imaginaire vers un infini tout gris

20

Ni logique

… quelqu’un suit ?

21


Le livre d’un désastre annoncé

Le livre persévérant Persévérer dans son être. Spinoza

L’être non affranchi ne va pas chercher loin … reste chez lui… non affranchi de son pas-de-porte

Pas de porte ?

Vivre c’est franchir.

Le livre de la presque vérité La vérité, c’est un peu viser Bételgeuse… et sujet à perpétuelle chicane Il n’y a que des presque vérités… et des mensonges nécessaires. Un mensonge peut sauver des vies.

Jankélévitch

A-t-on déjà vu la vérité sauver une vie ?

Je suis d’une époque où à la naissance on giflait encore les bébés pour les faire crier. Mais j’étais si laid quand je suis né que la sage femme a giflé ma mère. Le livre isocèle Ferré vient de Rimbaud comme je viens de Léo. D’où l’on vient est important mais c’est où l’on va qui fait ce qu’on est.

Le Petit Poucet

Ce livre est une sorte de triangle pointant vers le bas. En haut il y a Rimbaud et Léo et moi le vermisseau : tout en bas. Ce livre est un triangle dont je serai le bas : … une sorte de triangle en bermuda… prisme dispersif tel celui du dark side des Floyd … et dire que Rimbaud a raté ça !

Se contenter de la fidélité et de la parole donnée.

En attendant notre triangle sera au minimum isocèle.

Insatisfaisant

Quand on n’est pas beau il faut être fou.

mais comme pour les pizzas quand la base est bonne … on peut espérer un résultat décent. 22

23


Livre de poésie Tout était prétexte Parler de sexe d’abord Avaler la pilule de l’après L’amour c’est encore ton corps Le reste est sans zeste à rogner Tout était prétexte À finir au trou Moi tout tatoué de toi Et toi toute tue de moi Fallait pas me rendre fou Prendre ce train pour Lhassa Me délaisser comme ça Comme un sexe affable Qui croit en n’importe quoi N’importe quoi… et ce fut toi la chatte des sables Tout était prétexte Le Taklamakan Le transummérien Mon désir montant sur les rimes de tes seins Les dés cirés de la destinée que tu jetais à satiété Je ne sais où… loin Tout était prétexte Déguisé en con Troquant le sans-habit-fixe Pour un composteur lapon Je trouais ta peau de baisers chlorhydriques Tout était prétexte Dans la nuit polaire pour glande mammaire Les nourrissons meurent à l’unisson Ils reviendront durs comme fer Comme un hiver sans fin La guerre pour seule nourriture Faut bien que les gens meurent 24

Pas assez de place pour tout le monde dans mon cœur Tout était prétexte Faudrait shooter tous les chanteurs de slow Les accrocs à ce genre d’humeur Finissent désabusés gris métallisés Tout était prétexte Faut fusiller tous ces donneurs d’idées fixes Faire croire au bonheur c’était tout falsifier Tout était prétexte Faut bien faut bien continuer Mais pas au prix des gueules de bois brûlé Tout était prétexte La vie c’est éviter le pire Ni des histoires montaigu-capulettes Ni une rave party de plaisir On était des bâtards exigus Ayant avalé une clé à molette Tout était prétexte…

25


Le livre désœuvré

Le livre odorant

En cas de désœuvrement aigu… Googleliser le nom d’une fille qu’on a aimée ado … des photos associées au nom s’affichent. Les faire coller avec un souvenir vieux de 40 ans… après tout ce temps, peut-on reconnaître quelqu’un ? Finalement se décider pour un visage. … sans certitude… comme ça… pour se rassurer. Et qui nous dit que ce n’est pas elle ? Pourquoi faut-il que toutes ces filles aient des noms aussi communs !

Enfin un projet révolutionnaire ! À défaut de se sentir bien dans sa peau … qu’au moins sa peau sente fort !

Moins compliqué de retrouver une Cunégonde Mangetasouppendantkeléchaude plutôt qu’une Nathalie Lambert !

Philip Marlowe

Sans compter sur celles qui se sont mariées. On ne devrait pas avoir le droit de changer de nom … pas avoir le droit de perdre son visage. Le désœuvrement peut-il faire une œuvre ?

Ne plus se laver. Ne plus se raser. Ne plus changer d’habit non plus … cela accélère le processus. Ne plus sortir … ne pas incommoder par son odeur. Sans parler de notre barbe ayatollisante … ne pas effrayer le voisinage. Ne jamais avoir pu se sentir … il est grand temps de commencer… Ne plus manger non plus … ou du riz blanc et du thé vert. Avoir des provisions pour tenir une année ! Depuis le Titanic et Miss Thatcher, les statistiques sont très claires sur le temps de survie : entre 5 et 15 minutes dans une eau à 5 degrés entre 45 et 80 heures sans boire  entre 45 et 80 jours sans manger. En mangeant du riz blanc et en buvant du thé vert à volonté : aucun chiffre n’est disponible. Il est grand temps d’abolir l’ignorance humaine.

26

27


Le livre du spectacle

Le livre de l’amour

Le spectacle vivant ? … un peu d’humanité qui monte sur scène … descendre les préjugés. Le livre publicitaire “Sans Sponsor, le spectacle vivant c’est mort !” Merci Monsieur Sponsor ! Le livre du crabe spongieux Comme une éponge à jeun … une flaque qui marche droit Impossible d’avancer sans dégouliner. Le livre de Monsieur et Madame People À force de se faire beau et de faire les beaux … les cabots finissent par boire la tasse. Boat-people de l’audimat… l’eau en moins ! Radio et télé immergées dans le bocal du poisson rouge : se tenir loin des requins…

L’amour évidemment est mal vu parce qu’en fait, il est bien regardé. Il est vu par en dessous…

Ferré

… alors on est aveugle pour pouvoir aimer loin des regards qui gâchent tout. Je vous aime jusqu’à ne plus voir.

Duras

… la cécité n’empêche pas les autres de nous regarder. L’homme aimant est une mer interne … cela préserve juste de les voir nous regarder. Les gens adorent voir ce qu’ils n’oseraient faire.

Ferré

… Cela est nécessaire pour préserver l’amour. L’amour ça ne regarde personne… La cécité comme le sommeil de l’amour Le sommeil de la virginité. Rimbaud L’amour est toujours vierge L’homme créant est une mer interne.

Ferré

Le viol est la haine

… la revanche des laideurs

La vraie vie est absente. Je ne suis pas au monde.

Rimbaud

La recherche de l’absolu absout des mots. 28

29


Poésie # 1 …je fuis les farces de famille je fuis les furoncles d’Amérique je fuis la fureur des jonquilles je fuis la ferme je fuis la ville je fuis l’infâme je fuis les filles je fuis l’éphèbe je fuis l’abîme je fuis l’inaudible je fuis l’incolore je fuis l’inodore je fuis l’invisible je fuis l’anneau je fuis l’aîné des Ferchaux je fuis le dernier des manchots je fuis les mohicans romans je fuis toute Normandie je fuis… de la manche aussi je fuis sombre dimanche je fuis la tombe des mots chiches je fuis les poids gourmands je fuis des clous je fuis des pioches je fuis le flou je fuis les mioches je fuis le fade je fuis les fastes je fuis la faute de frappe je fuis l’encre trahie je fuis l’effacement du silence je fuis pas à pas… l’ombre de mes pas je fuis aussi je fuis la vitesse à pied je fuis la fertilité des fricassées je fuis la frivolité de la pluie je fuis les faces cachées je fuis les plans B je fuis l’eau croupie je fuis la vie à grande foulée 30

je fuis le beurre demi-sel je fuis l’odeur des missiles je fuis le bruit des missels je fuis les fixes sans domicile je fuis le trop plein de veine je fuis les vides éventrés je fuis le ventre de la destinée je fuis les lendemains froids des petits vins chauds je fuis les desserts servis trop tôt je fuis le dernier des mojitos je fuis la dialectique je fuis les dialectes tocs je fuis le chant du yin je fuis le Yang Tse Kiang je fuis l’aiguille creuse je fuis les palais de Pithiviers je fuis les palétuviers je fuis sous l’évier je fuis goutte à goutte je fuis l’heure du goûter je fuis l’hospitalité des ostéos je fuis les hostos de la charité à petites foulées à grandes enjambées je fuis…

31


Un livre de mémoires

Le livre de poids

… de mémoires ?

Il y avait du poids dans tout cela.

Ne se souvenir de rien.

S’en persuader… du poids dans ces écrits aveugles… écrits dans le noir.

Livre de non-mémoires … de mémoires vides.

Que faire de ce poids ?

À la rigueur… un non-livre.

Où va-t-il ?

À la rigueur de la mémoire

À qui était-il destiné ?

… privilégier la douceur de la mer.

Ne foutrement rien en savoir…

Le livre aveugle Un jour nous nous embarquerons sur l’étang de nos souvenirs pour ne plus jamais revenir. Ferré

À perte de vue

Regarder la mer

Le livre hasardeux Le hasard, c’est un mot qui arrange bien des gens que ça dérange.

Ferré

Les yeux arrimés à l’horizon

Peser n’est pas jouer.

Le cœur noyé du passé.

32

Ne pas croire au hasard. Ne pas croire non plus en Dieu. En quoi alors croire ? En rien.

Croire en rien… pas même au hasard.

33


Le livre citoyen

Le livre de chevet

… même plus des citoyens juste des cibles publicitaires

Le lit est rempli de livres, certains ouverts, d’autres fermés aussi de stylos des bleus des noirs c’est tout seules couleurs autorisées dans le lit sinon des cahiers ouverts des cahiers fermés et des carnets de notes : tout commence par des notes ni à donner ni à recevoir juste à prendre à côté des notes il y a le livre le voir le sentir le toucher sans le lire

… même plus des électeurs juste une part de part de marché. La démocratie est en danger. Wake up citoyens ! Stand up citoyens ! Le dernier recours pour exister : Boycotter ! Boycotter n’est pas sans danger ? Mais sinon quoi ? Rester les bras croisés à regarder l’humain se désagréger ?

simplement savoir qu’il est là…

Énucléés de toute perspective, Citoyens, le boycott c’est ton arme nucléaire. Citoyens ! Stand up for your rights !

34

35


Le livre du collectionneur Collectionner objets et pensées… comme un cendrier les mégots usés comme un calendrier les jours de l’année … de la belle incandescence du passé il ne reste plus qu’une odeur indomptée

On ne collectionne jamais que les regrets.

Le livre du pourquoi Toute question commençant par pourquoi est une bonne question. Einstein

Le livre de l’incunable L’art est une maladie.

Ferré

… textuellement transmissible et incunable. Le livre de Gérard “… où il fait toujours beau où tous les jours sont chauds…” Cette nuit, se promener en rêve dans les bois avec en fond “les matins d’hiver” de Gérard Lenormand. Comprendre alors l’impossibilité de tout bonheur. Être sur terre pour être triste et déprimé.

Pourquoi ?

… à quoi bon continuer ?

Voilà une excellente question !

Se rendormir et rêver de retourner dans cette famille de l’Ouest irlandais qui jadis m’a sauvé la vie. Au réveil toujours triste et déprimé mais avec l’urgence d’écrire.

36

Parfois le vent est plus fort que la mort…

37


Le livre du savon

Le livre de l’arnaque

Pourquoi pas un film sur Hiroshima ? Il y a bien des films sur le savon… alors à force… pourquoi pas un film sur la paix ? (…) Un film à Hiroshima c’est forcément un film sur la paix.

Duras

… en parlant de savon… La musique se vend comme le savon à barbe. Pour que le désespoir lui-même se vende, il ne reste qu´à en trouver la formule. Tout est prêt : les capitaux, la publicité, la clientèle. Qui donc inventera le désespoir ?

Ferré

Duras et Ferré ont écrit ça dans les années 50 … la marchandisation généralisée a poussé sur les charniers. “Le Monde” du 11 août 2015 : “le Japon relance le nucléaire…”

L’art est une tricherie Ce n’est pas l’artiste qui crée : il est dicté.

Ferré

L’artiste comme le psychanalyste sont des charlatans… ils n’agissent pas, ils sont agis. Artiste et analyste sont des prostitués… et c’est très bien ainsi. L’art n’est qu’un transfert auquel l’artiste prête son corps.

A. Martial

L’ego chez l’artiste est une tentative pour sauver les apparences de la respectabilité. Un artiste respectable est un artiste mort.

Sheridan

… si on tournait un film aujourd’hui à Hiroshima… cela serait forcément un film sur l’oubli … sur l’oubli d’Hiroshima.

… un film forcément désespéré.

38

39


Le livre de la mère Denis Les larmes lavent tout.

M. Denis

Le livre sous poétique — Vous écrivez des livres ? Formidable ! — Des livres de poésie.

Torrents de boue … mots fracassés.

La déception est palpable dans les yeux de mon ex-admirateur.

Trahisons du temps … rêves défigurés en assurance-vie.

Un livre de poésie n’était pas tout à fait un livre.

Petites amours éteintes … lumignons de chagrin.

… un moins que livre. Alors j’ai décidé d’écrire un livre de non-poésie. Ce livre…

Noirceur novice … jours silicosés.

Résultat…

Pensées nocives … penseurs malins.

Un livre… sous poétique.

Empreintes vénéneuses … emprunts usuraires. On veut tout ça tout de suite et tout blanc ! Immédiateté à laver plus blanc … et laisser le reste s’écouler à pic dans les eaux usées de la Méditerranée.

40

41


Poésie # 2 Ce que je sais des mots ? Je sais des mot assis je sais des mots qui changent la mer en cri je sais des mots crus je sais des mots aux reins creux je sais des mots à faire rater le train je sais les mots éteints je sais les mots qui changent le mal en rire je sais les derniers mots des vampires je sais les mots malins je sais des mots chafouins je sais des mots pas fiers et des mots sans frontières je sais des mots qui rasent les murs des mots jachères des mots qui restent à quai des mots mal acquis des mots Malaisie je sais des mots sans soucis je sais des moderato cosys je sais des mots à consommer des mots immodérés je sais des mobiliers et des mots immobiles je sais des mots vieux en papier mâché et des mauviettes bons à jeter je sais des mots qui en jettent et des mots qui effleurent la peau je sais des mots et des marées je sais les mots des gueux et les noms de Dieu je sais des mots qui mènent à la baguette 42

je sais le mot rillettes je sais les mots miettes je sais les mots moites je sais les mots haletants et les mots des amants je sais le mot bouche je sais les mots feux et puis ceux des corps fatigués je sais des mots entiers des mots gercés des mots écartelés je sais les mots guillotinés je sais les mots qui jugent et les mots qui grugent je sais le déluge je sais les mots dégâts et les mots désossés je sais les mots tango et tangué je sais des mots arrangés je sais des mots rameaux des mots opaques je sais des mots jésus des mots croisés je sais des mots perplexes je sais des gros bonnets je sais les mots bandés des mots néons je sais les mots fumés des bodegas les mots écrémés de l’au-delà des mots culottés à tête de pipe les mots des sales types des mots typographiés je sais des mots à la main je sais des sacs à mots des mots mis à pied des mots qui s’enfuient en vain je sais les mots opium 43


je sais les mots rhum je sais les mots harem le mot eunuque les mots briseurs de nuque je sais les mots rebelles je sais les conjonctions de subordination je sais le mot conjonctivite et les mots qu’on évite je sais la nuit tombée je sais des mots contrariés je sais des mots oubliés je sais les mots des rues plein la vue les mots aveugles frappés de noir des mots mouroirs des mots insignifiants je sais les mots insignifiés des pauvres gens des mots miroirs qui se signent à l’envers je sais les mi mots de l’hiver des mots courts qui disent à demain le mot jour qui court dans le jardin des mots mains amis des animaux les mots chiens qui marchent bien les mots chiants des amochés les mots mendiants qui valent rien des mots séants poussés par les vents des mots pelés épithètes rasés des mots lettons en demi-teinte et les mots plaintes des demi-tons je sais la vérité des mots.

44

La vérité ? C’est qu’il n’en reste plus grand-chose des mots que des mots déchaussés des mots déchantés des mots en chantier. De quels mots a-t-on vraiment besoin pour exister ? Si on réfléchit bien ? Je sais on ne réfléchit jamais très bien. Alors à l’amour peut-être ! L’amour ? Il n’en reste plus grand-chose non plus de l’amour une fois que les mots lui sont passés dessus… Je sais… seul le regard peut aimer. Alors…


Le livre du solipsisme

Le livre du vide

Avec la vérité vient une lumière aveuglante. U. Le Hittite

Seul dans la nuit je ne m’ennuie jamais. Autrefois je passais mes nuits à m’ennuyer. Et le matin mettait en lumière tout l’ennui qui me composait et me décomposait. Aujourd’hui avec internet le virus se répandrait en quelques heures à la terre entière. Caché dans la nuit… en pensant aux dégâts que je pourrais causer … je ne m’ennuie plus jamais.

Hier j’ai poussé ma mère du haut d’une falaise. Tout le monde a cru à un accident. Il pleuvait des cordes. Pour tout le monde il est évident qu’elle a simplement glissé. Le crime parfait. Les meilleurs crimes comme les meilleurs livres s’exécutent par temps de pluie. Un livre est un aveu.

G. Montag

… l’aveu d’un crime. Maintenant que j’ai avoué … je ne sais quel sort me sera réservé. Lynchage ? Prison ? Me croira-t-on ? Incrédulité ? Mépris ? L’éditeur a-t-il écrit “roman” ou “récit” sur la couverture de ce livre ? Parfois la vie se joue à un détail … ou à l’oubli d’un détail. En tout cas je ne regretterai jamais d’avoir poussé dans le vide celle qui m’y a condamné à vie.

46

47


Le livre des temps vivaces Le temps des hommes n’existe pas. Il n’y a de vivace que le temps de ma folie. Ferré

J’invente j’invente tout tu inventes-tu ? Il invent’elle ? Nous invente-t-on ? Vous inventez ! Ils inventent terre je m’invente tout. Tu m’inventes-tu ? Il m’invent’elle ? Je m’inventaire sous terre ceux qui naguère inventèrent la guerre n’ont plus qu’à se taire.

Le livre de l’obscur Le manque de l’obscurité. Le manque d’obscurité. Entre ces deux manques mon désir erre sans objet. Le livre de Thomas “Et, tandis qu’il creusait, le vide offrait à son travail une résistance que bientôt il ne pouvait plus vaincre. La tombe était pleine d’un être dont elle absorbait l’absence (…). Un cadavre indélogeable s’y enfonçait, trouvant dans cette absence de forme la forme parfaite de sa présence”.

Blanchot, Thomas l’Obscur

Comme Léo se réfugier dans les mots liquides

L’ombre creuse l’obscur qui illumine mes nuits altières.

… dans la musique.

Écrire… traduire en mots la consistance du vide.

Alors et alors seulement le silence…

48

49


Le livre ferroviaire

Le livre hardi … un hardi peut en cacher un autre. S. Laurel

Un autre obscur un autre Thomas : Jude l’Obscur de Thomas Hardy… Un autre Hardy, René soupçonné d’avoir livré Jean Moulin… et toujours acquitté. Depuis on sait que son amante était un agent double au service de la Gestapo. Elle aurait aidé à truquer ses procès. Petit, j’ai rencontré Hardy… La seule fois où je croisais un personnage historique ! … si j’avais pu, j’aurais choisi mieux. Et le soir où j’aurais du dîner avec Ferré : j’avais fui.

50

L’amour, je l’ai raté comme on rate un train

L. Lumière

J’ai raté le train aussi… je l’ai regardé passer comme une vache asthénique … à la fin le train ne m’a pas raté … me clouant la chique sur le mâchefer. Le livre de l’espoir désespéré La poésie c’est savoir qu’il n’y a rien à croire et de croire quand même.

Saint Thomas

Est-ce une forme supérieure de lucidité ou une simple peur de crever ?

51


Poésie # 3 Écrire en caleçon. J’écris des mots longs j’écris des sanglots lents j’écris sans caleçon j’écris dans le vent j’écris sous la pluie j’écris forcément j’écris la mère morte j’écris des additions salées j’écris : salut les petits pains ! j’écris pour des quiches. j’écris pour soustraire des vaches j’écris ton nom j’écris sur les murmures incivils j’écris sur les cités oblongues j’écris statufié sur une place vermoulue j’écris la liberté qui est cocue j’écris l’amour qui pue j’écris des pieds j’écris de la gueule j’écris la haine des rues j’écris sans reprendre haleine j’écris comme une baleine j’écris gondolé j’écris du sérieux à qui mieux mieux quand j’écris ce qu’ils veulent … plus j’écris plus je vole j’écris l’océan des mots d’emprunt j’écris des tartes Tatin j’écris en pleine poire j’écris les ombres du noir j’écris l’autre côté du couloir j’écris faut pas m’en vouloir 52

j’écris l’étron carcéral j’écris l’immonde des grands soirs banlieusards j’écris les petits matins fatigués j’écris les joies molles des lignes blanches j’écris le formol des fins de dimanche j’écris les vies dont personne ne veut j’écris l’ennui des mini-golfs j’écris les 118 trous dans la mémoire des gueux j’écris le par cœur des parcours j’écris des crissements de peu j’écris des cris muets j’écris sur les navets j’écris sous les pavés j’écris à la mort j’écris la mort moins le nœud j’écris creux j’écris une aiguille dans le nez j’écris Viva la muerte ! j’écris pour les mouettes j’écris la non-mémoire du siècle j’écris les heures sourdes j’écris la terreur du lever j’écris les silences altiers j’écris les contredanses de la vérité j’écris les mises à pied j’écris la peur des congères j’écris la flexibilité de la poussière j’écris la pâleur des survivants j’écris la nuit débrouillarde j’écris le salaire des soûlards j’écris la souvenance de courbes pleines j’écris les trop-pleins de kérosène j’écris bien j’écris mal j’écris vite j’écris lent 53


j’écris la chance de me dégommer j’écris au crayon papier j’écris des mots longs j’écris des sanglots lents j’écris sans caleçon j’écris sans talent forcément j’écris.

Le livre des élites août 2015 Depuis Charlie, le pays partait en couille. Les intellectuels et les politiques en premier lieu. Après l’attaque du Thalys, le secrétaire d’État aux transports préconise les contrôles au faciès dans les gares. Nos élites sont formées pour fonctionner à froid et perdent pied à la moindre invasion du Réel. Soit ils ne réagissent qu’apparemment (pour sauver les apparences) Soit ils paniquent… Ils sont là pour trouver des solutions à des problèmes qu’ils n’ont pas. Le livre en question Faut-il ne rien dire parce que l’on ne peut rien faire ?

Bernardo

54

55


Le livre du rendez-vous

Le livre empoisonné Le succès est la ciguë de l’écrivain. Platon

Vivre dans le seul besoin d’écrire. Vivre dans la peur que le succès gâte l’écriture. Selon ces deux critères … il n’existe sans doute plus beaucoup d’écrivains. Peut-être quelques poètes… Les poètes sont les plus bêtes des écrivains.

M. Jourdain

Dans le silence de la nuit, il y a comme un balancement maudit qui te met le cœur à l’heure…

Ferré

Pourquoi ne pas être allé dîner avec Ferré ce soir-là comme prévu après son concert ? Ce soir-là, Léo, c’était trop haut… Aujourd’hui j’irais Si seulement ce soir-là, on avait pu reculer l’heure du repas de… 30 ans.

Ils l’ont toujours été, non ?

Impossible que ça fasse si longtemps…

Le livre du miroir

Pour mesurer le temps, on s’en remet à des engins qui tournent en rond… alors forcément ça foire !

N’oubliez pas que je ne peux pas voir qui je suis et que mon rôle se limite à être celui qui regarde dans le miroir.

J. Rigaud

Oublions-les, sinon on va tous finir par mourir… Allo Léo, on se voit demain ?

S’enfoncer dans son image comme dans un pot de glu. Miroirs mous des mouroirs. Mourir en sable mouvant. Il y a des matins où le miroir ne regarde personne.

56

57


Poésie # 4 Remember ride sans âge crevasse sans fond miroir sans tain mirage sans fin et ce phare qui s’éteint remember… au loin remember les vagues du bonheur sur le corps des phocidés l’heure du Fromveur dans les yeux du pécheur repenti et l’ombre de la proella sur le souvenir des pierres remember ride sans fin crevasse sans tain miroir sans âge mirage qui s’éteint et ce phare sans fond … et la nuit et la peur remember cette peur de la nuit remember effaceur de paysage remember les rêves sous-marins … et le vide des profondeurs remember … et ce nuage sur les vagues … et ce visage dans la marge remember … et l’océan louve lévitant comme une liane … et le vent qui bouge sur les lèvres de Lilian remember ces passagères de tous les naufrages remember … et ces jours sans heure 58

remember l’Océan mer remember l’océan meurt remember au fond des mers Dieu n’est plus qu’une rumeur remember tout au fond remember une ride qui s’éteint une crevasse sans âge un miroir sans fond un mirage sans tain et ce phare… sans fin remember… au loin l’ombre de la proella sur le souvenir des pierres remember.


Le livre des poètes d’aujourd’hui

Le livre pisseur Hier le roman est mort.

Homère

Depuis on n’en finit pas de l’enterrer. Tout ce monde autour de la tombe psalmodiant des mots idiots. On va rester mille ans à ressasser ainsi ? Comment faire autrement ? On a beau pisser dedans pour passer le temps … la tombe reste vide. Il faudrait peut-être changer de mots. Changer les mots… Changer de support. On préfère se raconter les mêmes histoires éculées. Plutôt que de trouer le passé… on préfère rester là à pisser sur les morts.

60

Le poète d’aujourd’hui n’écrit pas de poésie … et couche rarement dans un lit. Le poète d’aujourd’hui ne marche pas, il fuit. Il fuit son pays pour nos beaux pays civilisés. On aime bien jouer au billard pour voir comment il rebondit entre les frontières… Comment il rebondit dans le noir entre les parois d’un tunnel corbillard… Comment il se trémousse sur des grillages électriques. Le poète d’aujourd’hui a multiples nationalités, on l’appelle juste l’étranger. Il a souvent un joli nom et ses enfants aussi, on les appelle juste migrants. On les traite comme des pions ou comme espions… Le poète d’aujourd’hui n’écrit pas, il crie quand il se noie… La poésie c’est le cri de ces gens en train de se noyer. Le poète d’aujourd’hui ne sait pas nager ou mal … si on lui laisse le temps, il finit par sombrer. Aujourd’hui le poète n’écrit pas, il fuit son pays. Et nos beaux pays qui ne veulent pas de lui deviennent en tout point comme le sien : maudits.

61


Le livre de l’autre poète d’aujourd’hui Il existe un autre poète aujourd’hui qui n’écrit pas … et ne dort pas dans un lit non plus : c’est le poète des rues. Il faut être un peu poète pour survivre dehors dans nos villes froides. Il est de plus en plus nombreux … mais ne meurt pas vieux. Au bout du quai, on le reconnaît allongé là où il peut… Lui aussi a un nom mais on préfère le sigler : SDF Acronyme de l’anonyme… Sans Différence Fixe avec ses congénères clandestins, on le tolère pourtant mieux. Il a un rôle à jouer : le social-épouvantail. Et il le joue à merveille. Pourtant jamais d’Oscar ou de César. Faut pas tout mélanger mais pourquoi ne pas lui décerner un Boudu ? Et si un jour, on veut s’en débarrasser, il passera du statut de sigle à celui de numéro…

Le livre d’écriture L’écriture est une simple prolongation de la lecture.

Socrate

Le poète ? … celui qui n’a plus rien à dire La poésie est ce qui reste du poète qui n’a rien à dire La poésie est ce que l’on ne peut taire

… ce qui reste du silence de la mer.

Le livre des apparences L’écume de l’océan charrie l’enfance morte du prématuré. On dirait la vie mais pas tout à fait…

La poésie aujourd’hui n’a pas de lit… Elle est sans nom et sans abri.

62

63


Le livre de l’apocalypse

Le livre de morale Être d’une moralité douteuse c’est douter de la moralité des autres.

Duras

… moralement la moralité est indéfendable. Le problème avec la morale c’est que c’est toujours celle des autres.

Ferré

… et la morale est démoralisante. La morale est toujours du côté de celui qui détient le manche jamais de celui qui l’astique.

Claudel

Un jour mon ordinateur ne démarrera pas… je sais que cela va arriver… je ne sais pas quand… et je ne sais pas pourquoi… ce que je sais… c’est que ce jour-là… tout finira. Le livre de l’amour À force de compter les morts … on ne savait plus que faire des corps … fallait à tout prix repousser les murs. Élargir l’horizon vers un autre décor. Agrandir son cœur jusqu’à la déraison ? Où trouver assez d’amour en soi pour transcender la douleur ? Une question de survie. Survivre c’est aimer… Aimer c’est survivre.

64

65


Poésie # 5 Pour seulement oui de toi je donnerais Ouessant pour voir au loin la maison du vent je donnerais l’ardeur de la nuit pour couler dans ton lit je donnerais du précis pour rêver sans limite je donnerais l’aube au crépuscule pour être partout en même temps je donnerais la défroque des nuages bleus je donnerais du blanc de toutes les couleurs des cieux je donnerais en lieu sûr des monceaux de murmures et je donnerais ma vie si ce n’était une gageure je te donnerais tout ça…. pour seulement oui de toi je donnerais l’infini d’une mer sans bord je donnerais des tueurs à gage pour qu’ils fassent ton ménage je donnerais la fraternité des hommes sans qualités et je donnerais l’éternité si seulement tu en voulais je te donnerais les baisers que nul encore n’osa donner je donnerais de l’improbable à en faire douter les marées je donnerais les marchés et tu marcheras dessus je donnerais des terres salées aux océans perdus je te donnerais tout ça… pour seulement oui de toi je donnerais l’amitié pour ne plus être ta moitié je donnerais les palais amis de planètes éloignées je donnerais l’ennemi juré et ses pré-carrés de préjugés je donnerais les gammes sacrées pour ne plus finir en croix je donnerais demain où nous pourrons rêver debout 66

je donnerais de l’Afrique à réchauffer l’hiver pharisien je donnerais ma bouche pour percer le secret de tes yeux je donnerais les dix doigts de ma main pour que tu me comprennes enfin je te donnerais tout ça… pour seulement oui de toi je donnerais le vide qui tremble sous la dictée des déliés je donnerais des brahmanes s’agitant dans des danses inversées je donnerais des arpenteurs à toiser les vagues de l’Iroise et je donnerais longue vue aux étoiles pour qu’elles tisent ta beauté je donnerais des mots sériels contre tes silences abstraits je donnerais les larmes sans fond d’un crocodile exilé je donnerais tout le riz de Cochinchine, tout le thé d’Iran, tous les talents d’Achille et je te donnerais les remords des survivants à toi qui oublies comme le vent je te donnerais tout ça… pour seulement oui de toi pour seulement oui de toi… je donnerais n’importe quoi.

67


Le livre de la mort

Le livre saisonnier L’enfer ne peut attaquer les païens. Rimbaud

Cet été, deux touristes français sont morts dans le désert de White Sand. … croyaient-ils en Dieu ? L’enfer ne peut rien contre les païens… … sauf si on va le chercher … si on s’en approche de trop près alors l’enfer se défend et brûle imprudents et curieux. Souvent ce sont les croyants qui craignent Ferré le plus de mourir. … à l’ultime instant ils redeviennent de vrais croyants : des gens qui doutent … et de toute manière, comment être certain de ne pas avoir déplu à Dieu ? … comment être certain que Dieu va pardonner ? L’éternité ne serait-elle pas perdue pour nous ? … juste un peu moins perdue que le reste … mince espérance. L’espérance est forcément violente ma vie est usée … la faute à la réalité rugueuse ? En attendant tout faire pour échapper au Paradis de tristesse Rimbaud … se confiner à notre tâche de vivre dans notre tristesse terrestre

Hier soir, j’ai reçu un coup de téléphone : — Allo, Ferré, c’est la Mort, j’aime bien ce que vous faites… Alors, j’ai répondu : moi aussi !

Ferré

Hier la mort… alors quoi demain ? Le livre du voyage Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force. Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais. Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la vie.

Céline

Le livre est un voyage dont ni l’auteur ni le lecteur ne connaît la destination … seul un des deux le regrette.

… tristesse peut-être mais humaine. 68

69


Le livre éponge

Le livre de la vie

L’écrivain comme une éponge qui ouvre ses alvéoles pour capter les flots du monde extérieur … et se referme sur elle-même … se compresse pour régurgiter un monde d’encre. J’étais de ce genre … curieux des humains un jour … et misanthrope le lendemain.

La vie est un faux mouvement

Goethe

… depuis quand ma vie est-elle un faux mouvement ? La vie est un guet-apens dont on ne ressort jamais vivant.

Custer

Le livre de pluie

Le livre de la question On a le droit de tuer mais pas de torturer l’ennemi. Obama

Question : torturer est-il plus grave que tuer ? Dans la torture le bourreau perd son humanité, dans la mort la victime perd la vie. Et à quel stade une torture devient-elle pire que la mort ? Être soumis à la question ou au moins… se soumettre cette question !

La pluie c’est la vie.

Bianca Castafiore

… qu’en est-il de la nuit qui tombe aussi ? Le livre de la mort 2 … encore la mort ? Vivre dans l’ombre tutélaire de son imminence. Le livre illustre Ce n’est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baisemain qui fait la tendresse. Ce n’est pas le mot qui fait la poésie mais la poésie qui illustre le mot.

Ferré

C’est la poésie qui rend le mot illustre. 70

71


Conte du chien cartésien à Emmanuelle et Raymond Devos

“Dieu est grand !” En chemin pour rentrer chez moi j’entends : “Dieu est grand !” Je reconnais à la terrasse d’un café Hubert Reeves… mais si… vous savez le célèbre astrophysicien, en grande discussion avec quatre compagnons. Il y a là un indien d’Amazonie, un sherpa de l’Himalaya, un marin breton, et puis… un simple poseur de questions, en complet veston. “Dieu est grand mais plus grande encore est la forêt” dit l’indien. “Dieu est grand mais plus grande encore est la montagne” rétorque le sherpa. Le marin breton intervient : “Dieu est grand mais plus grand encore est l’océan”. “Dieu est grand mais plus grand encore est l’espace sidéral” ajoute le célèbre astrophysicien. “Dieu est grand mais alors…” demande le simple poseur de questions en complet veston “… mais alors, seul l’homme serait-il plus petit que Dieu ?” Je reprends ma route pour ne pas arriver en retard. “Seul l’homme serait-il plus petit que Dieu ?…” Que peut-on répondre à ce genre de question ? Oui ? Non ? Peut-être ? … Merde ? Et d’abord peut-on répondre à ce genre de question ? Voilà une autre question à laquelle je tente de répondre : Oui ? Non ? Peut-être ? Merde ? Mais on ne peut continuellement remettre en question une question par une nouvelle question.

72

73


À se demander si le choix de réponses ne serait pas lui-même composé de questions : Oui ? Non ? Merde ? Peut-être ? Serions-nous en présence de ce genre de question qui s’empare de tout mot l’approchant de trop près et le transforme lui-même en question ? S’il n’y a plus de réponse possible, cela dissout-il toute chance de solution ? Et si le tout question est un dissolvant de solution, que faire alors d’une solution liquide ? D’une solution qui vous liquide ? Hum ? Oui ? Non ? Peut-être ? Merde ? Alors on tourne en rond comme si la solution pouvait être dans le rond. D’ailleurs elle ne peut être ailleurs, la solution. Nous avons déjà regardé partout ailleurs. Puisqu’il n’y a de solution nulle part… tourner en rond est une solution. Question : cette solution est-elle ou non “la” solution ? Comment savoir ? Ou comment ne plus chercher à savoir ? J‘accélère le pas sans me retourner. Rien à faire, ça ne me lâche pas d’une semelle. Comme le passé… Quoi le passé ? Je ne sais plus de quoi il s’agit… ni combien on était… au moins au départ, il y avait moi et puis moi ou… un autre moi… Je ne sais plus combien de moi ou combien de fois moi nous étions au commencement de cette expédition ; mais telle n’est pas la question ! 74

Nous n’en sommes plus au stade des questions, non ? Nous cherchons, si je me souviens bien, une solution dans le rond. Dans le rond ? … dans le rond ! Comme dit mon chien : la vérité est courbe et la ligne droite fourbe, c’est-à-dire, explique-t-il, le plus court chemin pour arriver nulle part ; à l’heure certes, mais nulle part. Pour mon chien, le rond c’est ça : une courbe sans extrémité. Il n’aime pas trop ça, mon chien. Contrairement à mon chat, mon chien cherche à tout prix une fin au rond, et ne peut se résoudre à l’idée du rond rond. Tout ronronnement met aux abois mon chien d’ordinaire si muet. En cela mon chien est bien humain : comme l’homme, il est terrorisé à l’idée que les choses puissent finir mais que les choses ne finissent pas le rend carrément fou ! Mon chien est dingue du carré !

75


Dans le carré, chaque arrête est un arrêt, un bout, une fin qui elle-même peut s’arrêter de finir… Mon chien pouvant repartir quand il le désire. Pour un chien cartésien le rond peut être fatal et le mien a fini par se jeter du haut d’un pont … dans la Garonne, je crois.

De quoi ai-je peur ? Que mon chien devienne trop humain ? Oui ? Non ? Peut-être ? Merde !

L’histoire de mon chien mort n’est qu’une parabole. “La parabole, c’est l’anti ligne droite” disait-il, “la parabole, c’est aller quelque part sans en prendre le chemin.” Mais je ne suis sûr de rien. Sans mon chien, je n’entends plus rien à la vérité. Jamais certain de savoir si je suis sûr d’être sourd ou sourd d’être sûr… En sursis de cécité aussi… Maintenant qu’il est mort, on va sûrement me couper l’électricité. Je n’ai sans doute pas su l’aimer assez. On se dit ce n’est qu’un chien après tout… Le chien, lui, ne comprend pas. Lui le chien, pense que l’humain doit se comporter en humain. Pour mon chien, la nature du traitement dépend de celui qui agit et non de celui qui reçoit. En agissant ainsi, j’ai enfermé mon chien dans un cercle vicieux… où il tournait en rond à la recherche du chien. “Il doit bien y avoir un chien quelque part” pensait mon chien. Cela ne peut être lui que je traite ainsi. Alors il le cherche partout le chien. Il lui court après sans jamais n’en voir que la queue ! 76

77


Depuis que j’ai perdu mon chien, je tourne à sa place… en rond. Jusqu’au jour où enfin il m’apparaît en rêve et me dit : En un éclair le cercle vola en éclat… En un éclair le cercle vola en éclat ? En un éclair le cercle vola en éclat ! Mais oui, c’est ça ! “la” phrase, après laquelle je cours depuis toujours. Elle a surgi comme ça un bon matin par la voix de mon chien mort. La phrase qui veut dire “Tu es libre” ! La phrase qui me libère moi et mon chien mort : En un éclair le cercle vola en éclat…

Nous en étions arrivé là, mon chien mort et moi. Pas si mal ma foi… Non ? Oui ? Merde ? Peut-être…

Toute ma vie j’ai cru ne pouvoir qu’écrire et me taire. Comment peut-on à ce point se tromper ? Il a suffi de quelques mots en l’air : En un éclair le cercle vola en éclat ! Je peux parler à nouveau. De retour à la parole, à la parole sonore et trébuchante, de retour à l’oral précaverneux, de retour à la pulsation buccale, de retour à la pensée qui salive son chemin jusqu’à la lumière du jour, de retour au courant d’air tripal remontant en rappel le long des cordes vocales… jusqu’aux portes d’une langue que l’on croyait morte, de retour au sanglot intelligent, au sanglot pur et articulé du mot dit : En un éclair le cercle vola en éclat… 78

79


Un livre rêvé

Le livre de la mer

La poésie c’est le temps du rêve accompli. Freud

… un livre doit être rêvé avant d’être écrit. Le livre du vieux Nice À la mort de Ferré — en 1993 — j’ai fait ce rêve : Léo me fait visiter le vieux Nice en me racontant ce que chaque endroit lui évoque. Il me parle avec la complicité d’un vieil ami et la bienveillance d’un grand frère. Un de mes plus beaux souvenirs ! Avec la mort de Léo s’envolait l’espoir de le rencontrer et de “réparer” le rendez-vous manqué. Ce rêve est un magnifique lot de consolation... La vraie vie est dans le rêve ! Mes plus beaux souvenirs sont d’une autre planète.

Ferré

Le livre du jeu

Ferré

… le chien et la mer le temps d’un chien enragé la mer aboie ses chevaux fourbus et les vagues écument nonchalamment des mots salés sur les rives d’un rêve en rut. Le livre sans lui La marée je l’ai dans le cœur Qui me remonte comme un signe Je meurs de ma petite sœur De mon enfant et de mon cygne

Ferré

La mémoire et la mer … pas un jour sans ce texte. Ma vie sans lui ?

Vivre c’est s’amuser… en moins drôle.

Ravaillac

La mer ici, elle se lave deux fois par jour, c’est la vraie, mais la Méditerranée ne se lave jamais, c’est pour ça qu’elle est si sale.

… souffrir n’est pas jouer.

… je ne m’en souviens plus … sans lui, ma vie serait tombée à l’eau

… ou dans le porto

anyway… noyée. 80

81


Poésie # 6 La vie-jouet Jouer sa vie sur la plage en pleine nuit Jouer l’hallali à l’assaut des châteaux d’eau Jouer à saute-ruisseau avec une pelle et un seau Jouer sa joue contre le jour qui claque Jouer à cache-cache la tête dans le sac Jouer afin que tout se sache bientôt Jouer à rebours des faux rebonds Jouer comme une balle qui fait le beau Jouer comme une bille qu’on appellerait Buffalo Jouer à creuser des tunnels jusqu’à la lune Jouer au Creusot la ritournelle des fourmilières Jouer dans les gares des passagers étrangers à l’histoire Jouer une escale en mer contre une terre brûlée Jouer les jeux de massacre pour que dalle Jouer la nuit des longs couteaux contre les doutes du cristal Jouer la pente en amont des dormeurs troués Jouer Alamo sur des trompettes de la mort Jouer aux Indiens à l’approche de l’Indus Jouer à petits mots sur des lèvres Lustucru Jouer des qu’en-dira-t-on laveurs de vitres Jouer l’amour pour des peigne-culs crasseux Jouer des discours anguleux dans les arrières boutiques Jouer la panique sur les marchés de rencontre Jouer la rencontre du seul et du ciel Jouer à la bourse contre du sirop d’amandine Jouer de l’atrabilaire pour des pâtes de fruits Jouer sur sa tête l’alliance des bourreaux Jouer les pieds en l’air toujours un ton trop haut Jouer à se taire pour une vague laitière 82

Jouer en équilibre sur l’écume de cette bière Jouer jusqu’au bout du rouleau Jouer les saints des lavandières les vendredis mammaires Jouer demain des dix doigts au fond de cette tanière Jouer les fiers-à-bras au pays des moignons Jouer des châteaux silencieux sans seau et sans sable Jouer le râteau envolé dans la bouche des goélands Jouer l’appât lent avalé par les voleurs du temps Jouer dans le métro trop tard pour les gens bons Jouer de la pagaie quand la rame quitte la station Jouer la pagaille pour un jus de papaye Jouer sans paille avec des vieux mégots Jouer des dieux manchots contre une place au soleil Jouer les volets mi-clos une diva aux yeux violets Jouer la virginité des mouettes à la roulette monogramme Jouer la monographie des hamsters contre le reste du programme Jouer des chromatides à l’assaut des châteaux monogames Jouer à saute-ruisseau sans pelle et sans seau Jouer sa vie sur la plage… Jouer la nuit jusqu’à la dernière page.

83


Le livre moquette

Le livre du silence Le silence est absurde. Beethoven

… seul un musicien peut s’en arranger … peut l’envisager. Les acouphènes privent de silence et par là même de musique … désormais tout sera bruit même la nuit surtout la nuit quand tout se tait tous les bruits des gens l’absurdité du silence l’ab-surdité de mes nuits je rêve du livre qui éradiquera le bruit. Le livre argenté Nos gouvernements ne comprennent pas les faits, même basiques, lorsque de puissants intérêts ont un intérêt dans cette incompréhension.

La prochaine fois que je sors du ventre de ma mère, je regarde par terre et s’il n’y a pas de moquette je rentre.

Ferré

Je me demande si à l’intérieur je savais déjà la folie. Le livre de l’enfant Le mensonge est la tombe de l’enfance.

H. Potter

Chercher un endroit où l’on ne pouvait pas avoir mal, hors de portée de l’indifférence et du mensonge. Pour cela se mettre en danger. Le danger créait la distance. Le danger était le seul endroit où je me sentais en sécurité. Le danger procurait aussi le seul moment de vérité à ma portée. L’écriture est devenue une autre manière de ressentir ce moment de vérité.

Larry Lessig

L’argent ? La pire invention humaine. Phrase oiseuse inutile, sans intérêt aucun. Pourquoi cela fait-il tant de bien de l’écrire ? 84

85


Le livre assonant

Le livre nu

Assonancer

Sortir est violent !

G. Lonesome

faire rimer : faire et rimer rimer avec faire

Je rencontre une merveilleuse chanteuse Awa Ly pour lui proposer des textes de chansons. Mais quand je lui dis que j’ai très bien connu sa sœur : Awal Pé, l’affaire capote et elle me fout à la porte.

en vain rien à faire s’escrimer à faire rimer faire à rimer

Dès que je sors de chez moi il m’arrive des ennuis.

comme ça…

Le livre des jours comme ça

Le livre d’un rêve limité.

Il y a des jours où avec ou sans musique

Le rêve a ses limites

… la vie est une erreur.

Sans musique

le petit déjeuner.

La vie est un rêve limité à la réalité

… elle serait juste une erreur plus sordide encore.

Il y a des jours comme ça…

un rêve limite

… à la limite du rêve se débat le petit déjeuner.

86

87


Poésie # 7

certain sable sûrement d’autre pas ça se peut sauve qui veut salsifis salsa aussi séro et l’infini sourdoué cernes sub-alternes sub-wait sardiner chez tiffany slave-made man salauds et marées salantes sirop typhon version tai phong serpillières et certitudes saperlipopette et lollypops salaire de la peur et sapeur pompette sévices compris c’est 400 coups sacco sans spaghetti spagiari sans speculos spirou ou superman salacrou seeks marsupilani sincèrement sacrum

scoubidou chez les zoulous cerbère s’égare citrouille en cigare cigales fourmillantes cerveau anorexique cyber cafté so long sou-chong silicone ravalé substantif diminué substitut paraffiné solution liquidée solstice endetté salmigondis sans sushis pourquoi se lever ? sarajevo sayon ara savannah ah ça ira ça ira ça sert à quoi sacerdoce ça va ça vient ça sort d’où ça sert le cou sacrifice sacré frousse salamandre salamalec s’alambique saltimbanque salto s’arrière salaud de servier sorbetière salé petit

88

89

Sarah


zozo drôle de zoophile sophiste so marcel sofitel tel sophie saucisson sévigné s’éviter le ciel c’est vite dit so blues so what ça va, Sarah ?

cerveau sourd cerbèrebère cerf volant serpillière salière ça perd ça lipopette salsifis ça lui suffit ça suffixe ça sue sapho sophisme suffisme socratisme synthétisme syncrétisme sincèrement seulement salement soufisme solitaire se taire sauternes sommité sodomiter sadamite so fit so fast solo fit salafiste sparadrap aspro zarathoustra zorro zoroastre 90

91


Le livre de Samuel

Le livre par excès Vivre par défaut n’est pas la moindre de mes qualités. O. Wilde

L’écriture comme seul excès. Le livre des larmes Y a pas d’eau dans la piscine de l’hôtel j’ai plongé et je me noie dans ma cervelle.

Carton

Sève des yeux qui sauve le cerveau d’un ulcère creux … la beauté des larmes. Le livre d’un embryon

Depuis la première heure…

chercher à se défaire de ce corps multiloculaire

… à se désenverguer de ce cœur pergélisolé.

92

Réincarner en songe la forme abolie, Prêter au mirage les vertus d’un miracle Est-ce pour autant faire échec à la mort ? Tout au plus douter qu’elle nous sépare, Que soit un fait le fait d’être nulle part.

Poème de Samuel Wood, Louis-René des Forêts

Allez au diable ! je m’appelle Samuel Hall, je vous déteste tous ! Samuel Beckett

le rapport entre les deux ? La saison en enfer de Rimbaud. Il n’y a pas de rapport textuel possible. Il n’y a que des associations… des idées des mots des paroles qui circulent d’un poète à l’autre depuis la nuit des temps. … des associations de malfaiteurs pilleurs faussaires. L’écrivain n’invente rien … au commencement des temps il y avait la nuit.

93


Le livre contre l’humanité

Le livre du cri

Finalement on se sert du passé pour éviter l’avenir

Le cri… ce chant indécent qui bouffe les dents jusqu’au pubis jusqu’au sternum cet air sonore qui plisse l’intérieur ce cri qui nous marche sur la gueule alors on déambule la bouche ouverte à chercher un son humain n’importe lequel la bouche ouverte un bruit brut un bruit qu’on n’entend pas l’air étouffe le son un bruit qui bouche tout paralysant les cordes vocales un bruit qu’on n’entend plus ce cri blanc au-delà du silence cette vie liquéfiée qui glisse vers le néant ce cri-sévices qui met l’espace au supplice et la mer hors service ce cri-nuit noyé d’alcalinité comme éteint par son passé

… tel est le pire des crimes contre l’humanité !

et cette putain de pluie qui n’arrive jamais !

Nous ne sommes pas à l’abri des résurgences des morales religieuses parce qu’elles sont enfouies en nous comme le vocabulaire. Ferré, années 70

… comme le vocabulaire ? Tout finira par un choix simple entre le retour généralisé de la morale fanatique et le vocabulaire… Il reste seulement à l’inventer… le vocabulaire. À quoi servent les visionnaires puisque seul le présent intéresse les gens ? … ou le passé qui justifie leur présence. On ment sur le passé pour justifier le présent. On ment forcément sur le passé. Le passé est un mensonge forcé.

94

95


Le livre passe-temps

Le livre du lit

Je chante pour passer le temps.

Aragon

Impossible de dormir avec quelqu’un.

S. Garcia

Écrire pour passer le temps.

La nuit, mon lit se remplit de mots.

Évidemment rien ne passe

Repoussé par les milliers de mots … je me retrouve souvent par terre La nature de mon sommeil dépend de la nature des mots de la nuit : quand ils sont de sang, je me réveille en sursaut comme un égorgé vivant quand ils sont tendres, je me pelotonne contre eux

… surtout pas le temps. Il s’accroche à mes mots leur arrachant la peau jusqu’au cœur même de la syntaxe. Le livre franc

… en pleurant tout doucement.

Soyons franc… ce livre ne devrait pas exister seulement voilà… sans lui c’est moi qui n’existerais pas ou n’existerais déjà plus ça dépend des fois… des fois quoi ? ça dépend… depuis combien de fois ai-je pu exister jusque là… pour être franc… il faut d’abord savoir compter jusqu’à combien ? le tout était là… jusqu’à combien doit-on savoir compter pour exister ? pour être franc… je ne sais pas oui mais combien ? franchement ?

La nuit mon lit se remplit de mots.

96

Impossible de dormir avec quelqu’un… Le livre du noir Non content de lire dans le noir … je me suis mis aussi à écrire dans le noir. Au matin, je tentai de déchiffrer sur mon cahier gribouillé cette hésitation de l’obscurité.

97


Le livre de la folie

Le livre de l’angoisse

Haïr le silence … d’une haine impersonnelle.

Le point d’angoisse.

L’angoisse de la folie silencieuse. Aujourd’hui avec les acouphènes … ne plus jamais être seul. Face au silence … la permanence des acouphènes. Le silence c’est être doublement seul. Deux fois seul. Une nuit viendra peut-être où les sifflements prendront le pas sur la raison. Ça ne sera plus une folie d’angoisse

… mais une folie de folie.

L’instant précis dans le processus créatif où l’on a la certitude de s’être fourvoyé complètement … perdu dans un enchevêtrement de mots inutiles … où l’on regrette de ne pas s’en être tenu à ce que l’on sait faire. Moment de pure panique … oscillant entre suicide et autodafé. S’endormir enfin après avoir passé la nuit à se tourner et se retourner dans un lit tortueux étriqué froid. Au réveil une sorte de Jiminy Cricket me demande : “Es-tu sur terre pour te répéter ? Il faut risquer. Il faut tout risquer…. Vivre c’est risqué … et risquer c’est risqué donc vivre c’est risquer aussi ! Vas-y : Vis ! Risque !” Alors reprendre penaud le chemin de son bureau Risquer ! Vivre pour écrire ! Facile à écrire mais plus compliqué à vivre… Risquer c’est ne plus resquiller dans le métro des métonymies littéraires. Un écrivain ça se chie dessus le matin en allumant son ordi.

98

99


Poésie # 8 Images brûlées Aujourd’hui la pluie quelques sentiments malmenés n’avoir plus que la pluie quelques phrases falsifiées comment échapper… à la pluie ? des mots antédiluviens… qu’en restait-il ? des mots ? lessive empaquetée engrenage imagé. Image ? machine à ne plus penser à dépenser pensée inversée falsifiabilité du non-réfléchir. Au subir de l’image opposer la poésie : une image intérieure… antérieure aussi loin des images finies n’avoir plus que la pluie poésie d’une autre image d’une autre voix enfantement d’un non moi une image enchantée… Mais où sont les mots ? et la pluie ? N’avoir plus que poésie pour contrer la nuit 100

non la douce nuit Leyla une toute autre nuit intolérante glace télévisée mots confisqués des mi-mots… prononcés tout bas opposer à la nuit totale un autre pays invention… sans mots se noyer dans l’immensité nu. Y en a qui marchent sur l’eau moi je marche plutôt dans la poussière la poussière des mots à chacun son boulot ce qui compte c’est la manière. Quand les oiseaux commencent à avoir peur du ciel, on peut s’inquiéter du temps qu’il va faire, non ? Pourquoi tergiverser ? Des mots, ne plus rien croire comment continuer à leur parler ? mots qui ne disaient plus rêver d’oasis… ou ce genre d’endroit alors procréer des mirages… où se désaltérer l’écriture n’a jamais été que de sable. Une fois la mémoire abrasée se lever passer la journée à errer à la recherche de mots perdants chien détruffé. 101


S’accrocher… derniers liens humains trouer son chemin labyrinthe inextricable des mots vains ? Alors vider le vide remplir sa vie d’inventés retailler jusqu’à entrevoir écrire… passer d’un silence à un autre silence du mortifère au lumineux tenter nos rêves manchots ne jamais baisser les bras “les mots : ne plus en entendre parler” ne plus jacasser. Alors matin… alors chagrin ? laisser le chant : l’espace avec du temps laisser tomber les mots et écrire… mots sans papier des nuits apatrides mots importants sortis des bouches vides ne regarder rien ni personne. Qui sont les mots ? Qui sont ces morts ? Qu’y a-t-il au-delà du bruit ? Ne plus rien dire on sait que je suis là à rechercher quelque pas perdus et tous ces “quelques” qu’on ne retrouve jamais ! Mots défigurés des visages oubliés… alors j’ai vu au bord de l’écriture j’ai vu le vent vendre des parapluies et puis la faux s’abattre sur le cou des bourreaux

et les déserts pousser au pied des falaises j’ai vu les mangroves dévorer les marées et la vie se voiler devant des femmes invisibles je n’ai pas vu le pilote jordanien brûlé vif dans sa cage.

… au matin je n’ai vu que mon sang sur les barreaux et la mer s’abstenir de revenir 102

103


Le livre de la justice

Le livre de l’amitié

Les ayants droit ? Ces fossoyeurs d’art vivant ! Van Gogh

Toucher de l’argent des décennies après la mort de l’artiste, déjà c’est un peu fort… mais le pire c’est ce pouvoir de régenter l’utilisation des œuvres à leur bon plaisir. C’est dégueulasse… et la loi qui permet ça ! L’art et la loi n’ont jamais fait bon ménage. La loi ne protège pas l’artiste mais l’argent. La loi ne défend pas l’art mais les dividendes de l’art. Les ayants droit de fermer leur gueule : voilà qui serait justice !

Ceux que tu appelles tes amis, ce sont d’abord des gens remplis du moi qui les tient en laisse. L’homme est un “self made dog”… Mais il parle au centre du monde, et le monde, c’est lui Ferré

La fleur qui symbolise l’amitié, le volubilis, a des propriétés proches de celles du LSD. L’amitié est donc bien une illusion d’optique. L’illusion c’est une hallucination en temps de paix. Mais pourquoi en parler… À quoi bon cette propension à traîner dans la boue ce qui nous tient debout ? Le livre du Serial Killer

Le livre translucide

Écrire pour ne pas devenir un Serial Killer.

Regarde la vie et ce que la réalité en a fait… Cela ne donne pas très envie de continuer !

Mais attention !

Nous appellerons Poésie ce qui donne la force de continuer

… l’espoir que l’espoir nous soit rendu.

104

L’écriture n’est pas simple défoulatoire. Seuls les brutes et les abrutis tuent pour se défouler.

Lecter

105


Le livre de la scène

Le livre en stock

L’artiste sur scène ?

Stocker tout et n’importe quoi.

Un être inhumain qui se raccroche à des clins d’œil de lumière.

Ferré

La scène c’est la messe en moins chiant.

Pourquoi stocker ? Par peur de ne plus pouvoir le faire… Le livre de la nuit

Le livre des clepsydres

La nuit serait un rêve épatant

Partout à la télé sur les radios… les écrivains sont de véritables moulins à paroles

La poésie c’est autre chose…

Le livre du lundi

une horloge à eau.

Il pleut comme un lundi … comme seuls les lundis savent pleuvoir.

… si le matin existait enfin.

Le livre anonyme Anonymat ? Le plus beau des mots pour un écrivain.

Kafka

Il n’est personne à cause de lui.

Mais sans lui… il n’est rien.

106

107


Le livre panoptique

Le livre vierge

C’est-à-dire un livre dont n’importe quelle page permettrait de comprendre l’ensemble On pourrait tomber dans la facilité en rendant toutes les pages identiques

Tournez la page délicatement sur la pointe des doigts.

On peut tricher avec les gens

… pas avec les mots.

Regardez-la de loin comme un mirage invisible rêve paroptique message opaque secret intime. Puis rapprochez-vous.

Le livre de la neige Encore un livre blanc ? Mao

Caressez-la des yeux dans le sens de la trame. Ensuite avec un doigt pas n’importe lequel : l’index de la main droite.

Mais une neige beige… ou gris-sale ça intéresserait qui ? Un chasse-neige espagnol ? Le livre du mensonge Le mensonge est juste un rêve qui ne se réalise pas.

Effleurez-la comme la surface d’un lac lisse … sans en troubler l’image. Alors laissez le doigt se reposer sur le papier et à son rythme déchiffrez ce braille muet… apaisé.

Cahuzac

À moins que…

108

109


110

111


Poésie #9 … je fuis les moqueries réciproques je fuis les maroquineries équivoques je fuis l’équinoxe nauséeux des marins Brit je fuis l’ecchymose des matins brumeux je fuis les Esquimaux du bout des quais je fuis les mikos je fuis les mickeys je fuis sous l’évier je fuis les palais édentés je fuis les langues de chat je fuis les morts devins je fuis les sans destins je fuis la preuve et l’orphelin je fuis les Saint-Malo je fuis les mâles dans leur peau je fuis les malins je fuis les salauds je fuis pêle-mêle les prises femelles les chiens de fusible la nuit aussi… je fuis les chiens assis les tireurs couchés les pressions éventées les aides cercueils les fossoyeurs de deuil la sueur des suaires l’heure de la bière les mises en terre… je fuis tout anniversaire sans commentaire je fuis de porte à porte je fuis les filets de la Mer Morte je fuis les filins des fils adultérins je fuis les défilés effilés de ces filles sans fin je fuis les fées je fuis les fous je fuis la fuite je fuis à petite foulée ou à grandes enjambées 112

je fuis le dernier des manchots je fuis l’aîné des Ferchaux je fuis trop tard je fuis trop tôt je fuis le dernier des mojitos je fuis en avant je fuis les deux pieds devant toute ma vie je fuis … ABSOLUTELY !

113


Le livre de l’absence

Le livre du poisson rouge

L’absence matrice du livre. L’absence comme la rumeur du silence. Cette évidence du vide … comme un sourire du néant. Le livre de lumière Lumière spectrale fumigeant les ombres de la nuit … jusqu’au moindre bruit … jusqu’au chemin d’une fin sans défunts sans souffrance. La fin de la souffrance ? La délivrance sublimée de toute lumière…

La mémoire d’un poisson rouge ne dépasse pas quelques secondes.

I. Pop

Est-ce pour cela qu’il n’est pas fait pour l’eau salée ? Qu’advient-il de la mémoire quand elle arrive à la mer ? L’océan se souvient-il du temps où, finissant, il abritait encore des poissons rouges ? Les larmes sont la mémoire de la mer. Le livre du doute Si je pense réussir, j’abandonne … le doute est mon seul motif pour avancer.

Sarkozy

Le livre du Teen-ager teenage … au large des cœurs racornis et des rêves nécrosés teenage … floraisons épileptiques d’amours éternels teenage … oublier ce que l’avenir est en train de nous préparer teenage … l’âge du rêve teenage 114

Tenter de repousser le doute. Écrire seulement quand on croit ne pas pouvoir écrire. … sinon se taire … ou parler à son chien mort.

l’âge dort… 115


Le livre perdu

Le livre clandestin

… à peine perdu déjà oublié !

Le risque de ce genre de clandestinité ?

Si je me souvenais de ce que j’avais perdu … je pourrais au moins le pleurer.

… ne plus exister vraiment.

Mais ce sentiment de perte … impossible de s’en défaire.

D’accord on est peinard ! Peu à peu la nuit peut tout emporter…

On finit toujours par se souvenir pourquoi on pleure.

À quoi sert alors d’être peinard ?

Les larmes sont la mémoire de l’homme

Le livre ordonné

Le livre d’un fuckin’ pommier

Passera-t-on de l’ordinateur qui met de l’ordre … à celui qui donne des ordres ?

Si Dieu existait cela serait un miracle.

B. Soubirous

Sous mes yeux, jour après jour le pommier se couvre de pommes. Émerveillement mélancolique qui m’empêchera de croire tout à fait en la réalité. L’observation de la nature force au deuil de la rationalité ou au deuil de ma raison.

Simple mise au pluriel

… ou mise à mort de tout singulier ?

Il faut toujours se méfier des mots polysémiques… Joey Starr

… au miracle des hommes

je préfère celui des pommes.

116

117


Le livre du livre

Le livre noyé

Ceux qui entraient, voyant son livre toujours ouvert aux mêmes pages, pensaient qu’il feignait de lire. Il lisait. Il lisait avec une minutie et une attention insurpassables. Thomas l’Obscur

Les mots du livre brûlent les yeux … obligé d’éteindre la lumière pour poursuivre sa lecture en sécurité. Le livre de la mémoire Today en une seconde ce que j’écris peut être sauvegardé dans des dizaines d’endroits et accessible à des millions de gens. On n’a plus besoin de sa mémoire. Alors on peut commencer à sombrer dans l’oubli.

Tu continues à vivre dans mes yeux délavés comme l’étoile éteinte continue de briller par la magie noire d’un soleil circonstancié dans un ciel lacté. Thomas l’Obscur commence là où Martin Eden finit : par une noyade. La première échoue… sur le sable et annonce la naissance d’un auteur. La seconde annonce la propre noyade de son auteur. Je ne raconterai jamais celle qui, un siècle après, m’empêche encore de croire en Dieu. Ce fut la mort de l’enfance et la naissance d’un drôle d’être, hédoniste mélancolique condamné à jouir désespérément. Le livre noyé … ce livre que je n’écrirai jamais.

118

119


Le livre dernier

Le livre d’or

15 septembre 2015, dernier jour du livre. 5 h du matin : Rêve Ferré en concert avec un orchestre symphonique. Je suis avec deux garçons d’une dizaine d’années. Ils sont sidérés de voir Ferré habité ainsi par chaque mot et par chaque note. Ils veulent un autographe. Je les accompagne. Ferré me fait signe… c’est à mon tour. Je n’ai qu’un vieux cahier gribouillé… “Vous êtes poète aussi ?” Alors que je bafouille je ne sais quoi, il écrit sur un coin du cahier :

… chut !!!!!!!!!!!

“Bon appétit !” Le livre de l’interprétation … comme si Léo se souvenant du lapin que je lui avais posé me disait : “Cette fois c’est moi qui ne peux pas venir, les morts ça ne dîne plus. Mais t’inquiète, gamin : notre lien est plus fort que la mort.”

120

121


122

123


Postface Je remercie sincèrement le Conseil départemental du Finistère de son aide pour cet ouvrage. Ce soutien relève plutôt de l’anachronisme. La poésie est une dépense irrationnelle et le poète une utopie inutile. La poésie est ce qui n’est pas nécessaire, ce qui n’a pas de valeur marchande : ce qui est sacrifiable. Paradoxalement il est impossible de convaincre avec des mots de l’importance de la poésie. La poésie c’est l’âme du monde. Vas-y, toi, décrire les bienfaits de l’âme!… Pourtant je pense ce souffle vital capable de balayer les barbaries. Ce livre aussi est né d’un besoin vital et qu’il finisse par ma mort aurait un certain panache. Mais voilà, comme mon père, je suis lâche (ce qui n’est pas toujours un défaut). Et puis j’ai le projet d’un autre livre… le livre suivant. On pense à Cioran “le livre comme suicide différé”… mais je ne pense pas, j’ai juste besoin d’écrire ce livre d’après… J’ai pensé signer cette postface René Char ou Paul Valéry par provocation ou d’Ormesson pour rigoler. Cela m’aurait peut-être valu un procès et Dieu sait si ce livre aurait besoin de publicité ! Le mérite-t-il ? Mais j’ai choisi de signer d’un autre nom… Lucrèce PS : Je ne sais pas vraiment pourquoi. Peut-être vous saurez, vous ? P. O’Moore

124

125


Liste des auteurs cités.

Figurent en gras ceux qui n’ont jamais écrit les propos que l’auteur leur attribue.

Apollinaire, Guillaume

7

Aragon, Louis

5, 12, 96

Beckett, Samuel

Beethoven, Ludwig von Bernardo

93

84 55

Blanchot, Maurice

49, 118

Castafiore, Bianca

71

Cahuzac, Jérôme

108

Céline, Louis-Ferdinand Cioran, Emil Michel Claudel, Paul

64

Custer, Général

71

De Nazareth, Jésus

16,20

Denis, Mère

Des Forêts, Louis-René Duras, Marguerite Einstein, Albert Ferré, Léo

69

125

40 93

29, 38, 64, 36

12, 29, 32, 33, 37,

38, 39, 48, 57, 64, 68, 69, 71, 72, 80, 81, 85, 94, 105, 106

Freud, Sigmund Garcia, Sergent

80 97

Goethe, Johann Wolfgang von 71 Hallyday, Johnny Homère

Jankélévitch, Vladimir Jourdain, Monsieur

19

60

22

56

Kafka, Franz

106

Lecter, Hannibal

105

Laurel, Stan

50

Le Hittite, Urie

46

Lessig, Larry

84

Lucrèce, Titus

125

Marlowe, Philip

26

Montag, Guy

47

Lenormand, Gérard Lonesome, George Lumière, Louis

Martial, Anthony More, Thomas

Obama, Barack

Picard, Christian dit Carton Platon

37

87 51

39

18

70 92 56

Pop, Iggy

115

Poucet, Le Petit

23

Potter, Harry

Ravaillac, François Rigaud, Jacques

Rimbaud, Arthur

Sarkozy, Nicolas

Schopenhauer, Arthur

85

79

10, 56

68, 72

115

17

Sheridan, Général

39

Soubirous, Bernadette

116

Starr, Joey

117

Socrate

Spinoza, Baruch Thomas, Saint

63 22 51

Van Gogh, Vincent

104

Zedong, Mao

108

Wilde, Oscar

92


Ce livre a été réalisé avec le soutien du Conseil départemental du Finistère. Mille mercis à tous ceux qui ont permis à ce Jazzage à mi-mot d’exister.

Achevé d’imprimer en octobre 2015 chez Media Graphic à Rennes.


9 782953 581188

Aujourd’hui, pour le poète électro-choqué par l’actualité, même la poésie devient difficile à envisager. Paul O’Moore est un peu l’archétype de ce drôle de personnage désuet dont on vante l’utile inutilité mais dont personne ne veut chez lui : le poète. Alors il se réfugie dans le jazzage, ce néologisme qui résonne comme un bavardage de bistrot ou de bordel … mais à mi-mot, secrets chuchotés dans une alcôve ou sur l’oreiller. Et il convoque ses illustres aînés, Ferré, Rimbaud and Co pour lui montrer la voie. Comme s’il pouvait trouver là la force de résister, la force de comprendre le monde tel qu’il est devenu. Comme s’il fallait “se souvenir de l’avenir” pour retrouver le chemin d’un espoir. Vincent Vedovelli


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.