le Quotidien N° 15

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30.07.21

Chilly

Gonzales

Chilly Gonzales © Anka

Chilly Gonzales monte sur scène avec un programme débutant par des morceaux de sa trilogie Solo Piano. Les hits et surprises que réserve le reste de son programme seront ponctués de masterclasses inédites, le tout accompagné de ses éclairages ludiques sur le fonctionnement de la musique. Ce concert sera exceptionnellement présenté en PianoVision, l’installation vidéo créée par Nina Rhode, photographe et plasticienne, collaboratrice régulière de Chilly Gonzales. Le Spicy Jazzy cocktail Williamine, citron vert et menthe poivrée. Un soupçon de délicatesse pour une vraie leçon de jazz. Passez au Café Périn pour accompagner votre soirée Smooth.

Chilly Gonzales presents medleys of intimate pieces from his Solo Piano trilogy on this first-ever visit to the Verbier Festival. Both hits and hidden surprises from the rest of his repertoire will be found interspersed with new masterclasses full of playful explanations about how music works. His performance will be presented in PianoVision—a video installation created by Nina Rhode, photographer, visual artist and regular Chilly Gonzales collaborator. Williamine, lime and peppermint. A hint of delicacy for a real jazz lesson. Come to Café Périn to accompany your Smooth evening.


Escape to Paradise :

Los Angeles 1943

Daniel Hope &Thomas Hampson © droits réservés

“Drehbühne”, en allemand « la scène tournante », est le premier mot prononcé par Thomas Hampson pour décrire Escape to Paradise : Los Angeles 1943. Ce programme pluri-disciplinaire que lui et Daniel Hope ont conçu, associé à des textes percutants pour relater les années 1943-1945 en Californie, où beaucoup d’artistes européens, y compris Rózsa, Waxman, Schoenberg and Korngold se sont retrouvés après avoir fui les horreurs de l’Europe nazie. « Une métaphore anglaise serait celle d’un kaléidoscope », dit-il. « Los Angeles abritait cette myriade de nouveaux talents et de formes d’arts en plein essor ». L’idée principale est née d’évènements incongrus : « cette musique prodigieuse était le fruit du travail d’une diaspora européenne dont les compatriotes étaient mis à mort, mais personne ne voulait en entendre parler », il explique. « C’est bien Pearl Harbour, et non la crise immigratoire, qui a déclenché la deuxième guerre mondiale en 1941 ». Également au programme, les références à la mise au point de la bombe atomique, l'appropriation de la révolution jazz par Hitler et quelques autres événements plus surprenants. Par exemple, « les gens ne se rendent pas compte que les nazis étaient beaucoup plus actifs et acceptés aux États-Unis que ce que nous pensons ».   De tout cela a résulté une expédition musicale entre l’Europe et l’Amérique, illustrant quelques-unes des ambivalences et constats énoncés, afin d’accepter et comprendre combien le contexte altère la musique. Des œuvres de Schoenberg comme Kol Nidre datant de 1938, provenant d’une communauté juive, Hampson fait remarquer que c’était « presque insondable – un certain sens du pardon et de la réconciliation avec cette horreur puisse sortir de la plume de cet homme, à cette époque ». Il conclut : « Si nous prenons n'importe quelle période de l'histoire, en connaissant ses incohérences, et que nous nous arrêtons pour l’analyser comme sous le prisme d’un kaléidoscope, nous pouvons nous rendre compte que nos propres ignorances et ambivalences contemporaines peuvent contribuer à alimenter une histoire erronée. Nous n'essayions pas de convaincre quiconque, si ce n'est d'explorer cette période extraordinaire emplie d'avancées artistiques, politiques et sociales aussi absurdes que phénoménaux ».

‘Drehbühne’, German for ‘revolving stage’, is the word first alighted upon by Thomas Hampson to encapsulate Escape to Paradise: Los Angeles 1943, the multi-genre programme he and Daniel Hope have devised – linked by pertinent texts – to chronicle the years 1943-45 in California, where many European artists including Rózsa, Waxman, Schoenberg and Korngold, wound up after fleeing the horrors of Nazi Europe. ‘An English metaphor would be of a kaleidoscope’, he muses. ‘Los Angeles was this myriad of bursting new talent and art forms’.   Akey idea has been that of incongruous events. ‘This amazing music was being created by a European diaspora whose compatriots were being put to death, but nobody wanted to know’, he explains. ‘It was Pearl Harbour, not the immigration crisis, that brought America into the war in 1941’. Also in the mix are the creation of the atom bomb, Hitler’s Nazi-shaped uptake of the jazz revolution and a few possibly more surprising twists and turns. For instance, ‘People don’t realise the Nazis were far more active and accepted in the US than we’ve given them credit for’.   The result is a musical expedition that flips back and forth between Europe and America, illustrating some of the ambivalence and cognisance, and how recognition of what was going on alters the music. Works include Schoenberg’s Kol Nidre of 1938, which in the Jewish community, Hampson points out, ‘was almost unfathomable – that some sense of forgiveness and reconciliation to this horror could come out of the pen of this man, at this time’. He concludes, ‘It’s about, if we take perhaps any time in history, knowing its inconsistencies, and stop and twist it like a kaleidoscope, you can realise that our own contemporary ignorances and ambivalences may also be part of a wrong story. Although we’re not trying to make a point here, other than just exploring this extraordinary time of incongruous, phenomenal artistic, political and social effort’.


La rêveuse et la battante The dreamer and the fighter

Jeanne Gérard ©Louis Michel

Entre son souvenir estudiantin à l’Atelier Lyrique en 2019 et sa participation au programme Unlimited du Festival cette année, Jeanne Gérard reconnaît dans les deux cas « l’effervescence et l’émulation propres à Verbier. C’est très inspirant d’être baignée dans cette musique éclectique, interprétée par des maîtres ». Elle a déroulé le tapis rouge au répertoire américain avec le pianiste Pedja Muzijevic et le Quatuor Agate la semaine dernière ; ce soir, elle fait le pari de l’interdisciplinarité aux côtés du duo électro Lost Heritage. « Tant pour la musique que pour la création visuelle, une partie sera prédéterminée et une autre, improvisée. Les artistes projetteront des lumières et des images en fonction de nos improvisations musicales. Le dialogue des arts me ravit et c’est une des raisons pour lesquelles l’opéra est mon genre de prédilection ». La soprano, nommée aux Victoires de la Musique Classique 2021 dans la catégorie Révélation lyrique, perçoit en effet le chant comme une synthèse de ses passions : « Quand je chante, je pense souvent en termes de mouvements, de danse, et même de peinture, en particulier dans le bel canto, où j’ai une vision picturale de certains phrasés. C’est la synergie de tous ces arts qui permet de façonner un personnage dans toute sa richesse et sa profondeur. On ne chante pas de la même manière

dans une lumière bleutée de clair de lune et sous de vifs projecteurs blancs ». Avant de pouvoir s’accorder « cette liberté et cette harmonie suggérées par la voix », elle a « longtemps lutté pour entrer dans une case puis dans l’autre en écoutant tous ceux qui disaient que ce n’était pas possible de faire plusieurs choses. En tant que jeune chanteur, on se laisse souvent dicter des parcours tout tracés ». Elle s’est finalement rendu compte que les préjugés avaient la vie dure. Sa meilleure arme a été la coopération, en construisant des ponts. « Je trouve dommage de se priver de répertoires magnifiques, sous prétexte qu’ils ne seraient pas assez « classiques ». Les couleurs et les phrasés sont à adapter aux genres, mais je ne change ni de technique, ni de voix ! ».


Pour le plaisir For the public

Isata and Sheku Kanneh-Mason © Thibault Vicq

On ne badine pas avec la musique chez les Kanneh-Mason. La talentueuse fratrie des sept est devenue la coqueluche du Royaume-Uni depuis son apparition dans Britain’s Got Talent en 2015. L’aînée Isata joue ce soir avec son frère Sheku, lui-même alumnus de l’Academy. Le fait de se connaître sur le bout des doigts pour faire de la musique de chambre, et donc d’anticiper les sensibilités de l’autre, peut-il freiner la créativité ? Aucunement, selon le violoncelliste : « Quand on se connaît si bien l’un l’autre, il y a beaucoup plus de place pour la liberté et la spontanéité dans le jeu ». Sa sœur pianiste ajoute que « chacun peut apporter des choses différentes à la même œuvre, car il y a toujours des surprises ». Au-delà du choix d’un programme en fonction des affinités de chacun, « on ne sait jamais complètement ce qu’il va donner avant de le jouer devant un public », précise le jeune instrumentiste. L’étonnant cocktail britannico-russe – Britten, Bridge, Rachmaninoff – concocté par le duo est l’occasion de « rassembler des pièces pour un public qui serait passé à côté ou qui ne les connaît tout simplement pas. Nous avons joué déjà interprété ce programme et les retours du public sont toujours très positifs ». Voici donc

le fameux sésame : prendre du bon temps et l’échanger avec le public. « C’est très important pour nous parce que nous avons été baignés de musique classique depuis notre plus jeune âge. N’importe qui, quel que soit son âge ou son milieu social, devrait pouvoir y avoir accès ». Tous les moyens sont bons, et tant mieux : « Nous jouons déjà dans les écoles et publions des vidéos sur les réseaux sociaux, mais nous souhaitons poursuivre cette dynamique, en travaillant sur des formats innovants ». La médiation est en tout cas la dimension sur laquelle il nous paraît le plus important de déployer notre énergie ». Pas question, cependant, d’édulcorer l’émotion ou le contenu, l’expérience doit rester authentique : « Nous n’aimons pas trop l’idée de sacrifier ou modifier la musique pour attirer le public. Il n’y a qu’à voir les élèves d’école primaire, qui sont peut-être notre public le plus enthousiaste ! ». Faire évoluer la société par le plaisir de l’écoute et surtout son partage, résolution du monde d‘après ? « Si tout le monde pouvait en profiter, il y aurait plus de diversité dans le monde musical. Cela rendrait même notre société meilleure. Tout le monde y gagnerait ! ».

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