Anselme Boix Vives, La Nature illuminée

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Anselme Boix-Vives La nature illuminĂŠe


Textes destinés au catalogue d’exposition Anselme Boix-Vives, la nature illuminée Musée et jardins Cécile Sabourdy 28 juin > 15 septembre 2013


sommaire De l’art naïf à l’art brut.......................................................... p 5 Anselme Boix-Vives, la nature illuminée............................... p 9 Biographie............................................................................ p 14 Jungles exubérantes............................................................ p 17 Bestiaires fantastiques......................................................... p 19 Société lunaire...................................................................... p 22



de l’art naïf à l’art brut Anselme Boix-Vives (1899-1969), peintre humaniste et pacifique, grande figure de l’art brut, possède une spontanéité picturale proche de l’art naïf. Son amour inconditionnel de la nature, qu’il peint avec exaltation, et son utilisation magnifiée des couleurs rappellent les caractéristiques de la peinture dite naïve. En présentant son œuvre, le Musée et jardins Cécile Sabourdy dévoile les liens uniques qui existent entre ces arts singuliers dit naïf et brut, ceux qui font fi de toute contrainte académique et révèlent la puissance esthétique d’artistes autodidactes. C’est dans cette volonté d’ouverture que l’exposition Anselme Boix-Vives, la nature illuminée s’affranchit des frontières artistiques pour créer un dialogue entre l’art et la ruralité. Art naïf et art brut sont deux expressions voisines. Les artistes issus de ces courants ignorent les conventions et le langage plastique, ne s’embarrassent pas de perspectives et proportions, donnent une place prépondérante à la couleur utilisée en à-plat ; ils ne suivent aucune convention esthétique puisqu’ils n’en ont pas reçu, et créent leur propre dimension artistique. Si la notion d’art naïf a pris son essor dès la fin du XIXe siècle avec la peinture du douanier Rousseau, puis celle de Séraphine de Senlis, Vivin, Bombois ou encore Rimbert, celle de l’art brut a été créée en 1945 par Jean Dubuffet qui évoque pour la première fois des œuvres « exécutées par des personnes indemnes de culture artistique » et qui n’ont pas hérité de « la culture des cultivés ». L’art brut est plus radical dans son expression : il est celui de personnes en marge de la société, parfois isolées, souvent révoltées, qui peuvent être éprises de mysticisme comme le peintre Augustin Lesage. Ce sont des gens qui se réfugient dans le rêve, créent de manière compulsive et obsessionnelle. Leur créativité se révèle comme une thérapie ou un exutoire. Certains, comme la célèbre Aloïse Corbaz, ont été découverts dans les hôpitaux psychiatriques. La plupart n’a pas de véritables intentions artistiques, aspire plutôt à une sensation libératoire. Ils créent leur propre univers et expriment leur imaginaire. Ils sont en ce sens différents des artistes de l’art naïf qui peignent la réalité et revendiquent pleinement le statut d’artiste. Néanmoins, la frontière est mince entre l’art naïf et l’art brut qui tous deux n’ont ni école ni chef de file. Ce sont des arts de l’émotion et de l’instinct dont le rapport à la nature est fondamental.


L’exposition Anselme Boix-Vives, la nature illuminée, prend ici tout sons sens. Car si l’œuvre du peintre est dépourvue de toute naïveté – Boix-Vives ne copie pas le réel, il invente un monde – sa quête obsessionnelle du bonheur pour tous et de la paix universelle lui confère une dimension candide. L’homme est un idéaliste qui rêve d’une paix universelle ; il a consacré plus de trente ans de sa vie à écrire un manuscrit intitulé Union mondiale, le seul moyen de sauver la civilisation. Son propos est naïf, sa peinture est brute. Seul son univers pictural empreint de paysages extravagants dans lesquels les fleurs, les arbres, les fruits et les animaux ont une place essentielle, en font un peintre de la ruralité. Plus que tout, Anselme Boix-Vives se veut le messager du bonheur. Là où les peintres d’art naïf revendiquent une expression esthétique, lui, raconte son désir du bien-être pour tous. Au delà du décor pictural, la faune florale et animalière devient une métaphore : tandis que les oiseaux symbolisent la liberté, les fleurs sont l’allégorie de la paix. De l’art naïf à l’art brut, l’œuvre d’Anselme Boix-Vives flâne dans l’allégresse d’une nature sublimée.




Anselme Boix-Vives, la nature illuminée La peinture d’Anselme Boix-Vives révèle un univers empreint de féérie et poésie ; un monde imaginaire peuplé de personnages et d’animaux lunaires ; une utopie bienveillante que l’artiste a toujours rêvé de réaliser. Lorsqu’il peint sa première œuvre, Anselme Boix-Vives a 63 ans. Il vit dans son petit appartement de Moûtiers, dans la région grenobloise ; a cessé ses activités de primeur confiées à son fils Louis ; il essaie de s’adapter à sa nouvelle vie de retraité, loin du rythme frénétique que le marchand a connu toute son existence. Nous sommes en juillet 1962, son fils Michel, étudiant aux Beaux-Arts, se souvient des dessins que son père faisait lorsque, lui et ses frères et sœurs, étaient enfants. Il l’encourage vivement à peindre. Le père s’exécute tout naturellement et dévoile une œuvre où les formes et les couleurs s’enlacent et jaillissent comme des éclats de joie ; où le trait est incroyablement maîtrisé. Dès lors, il ne cessera de peindre, jusqu’à sa mort en 1969. Sept ans de carrière durant laquelle il exécutera plus de 2000 tableaux. Une œuvre prolifique, comme un souffle libératoire ; faite dans l’urgence et l’obsession d’embellir le monde. Une peinture instinctive Boix-Vives est entré en peinture avec passion, habité par une exaltation créative et révélatrice d’un talent hors-normes. Pourtant, personne ne lui a appris à peindre. D’ailleurs, l’homme n’a pas reçu d’éducation. Il écrit phonétiquement et ne connaît pas la peinture des grands maîtres et autres courants de l’histoire de l’art. Né en Espagne en 1899, dans une famille aux revenus très modestes, le jeune Anselme ne va pas à l’école. Comme ses frères, il garde les moutons. De cette époque, Boix-Vives conserve les plus beaux souvenirs. Berger peu attentif, il passe son temps à observer la nature : les arbres, les fleurs, les animaux, le ciel, les étoiles qui le fascinent tant. Il rêve et imagine un monde dans lequel tous les êtres seraient heureux et ne manqueraient de rien. Boix-Vives est un utopiste né, qui toute sa vie aspirera à un monde meilleur. « Lorsque j’étais berger, je couchais dehors et je regardais la lune. J’imaginais qu’elle était peuplée de gens ressemblant à ma peinture *», aimaitil à raconter. Une œuvre lunaire En libérant son imagination, Anselme Boix-Vives dévoile un univers fantasque enfoui depuis l’enfance ; il expose ses rêves au grand jour, dans une spontanéité déconcertante. Cette attitude renforce l’idée que certains se sont forgés sur la naïveté picturale de son œuvre. Il est vrai que l’aspect paysagé et animalier de ses tableaux n’est pas sans évoquer le côté naturaliste des peintres de l’Art Naïf. Comme eux, il est autodidacte, ignore les règles académiques ; comme eux, il fait fi de la perspective.


La frontière est mince qui sépare la sincérité de ces arts dits populaires. Mais si la candeur touchante de Boix-Vives peut s’apparenter à une certaine naïveté, son œuvre en revanche ne peut l’être tout à fait. Car Boix-Vives ne reproduit pas le réel comme le feraient les artistes de l’art naïf. Boix-Vives imagine un monde ; il invente une société avec ses propres codes, paysages, animaux et personnages. Ses peintures sont le reflet de son imagination. Un homme accompli Cœur naïf, Anselme Boix-Vives ? A bien des égards, certes. Mais ce serait oublier le brillant entrepreneur qu’il fut. Lorsqu’il arrive en France en 1917, l’envie de vivre une situation meilleure est la raison majeure à son émigration. Il a 18 ans ; est doté d’un esprit combattif et ambitieux. Il ne sait ni lire ni écrire mais il a le don des affaires. Quatre ans après son arrivée, il créé son commerce de fruits et légumes qui devient rapidement florissant. Boix-Vives est un travailleur infatigable ; il partage son temps entre ses deux succursales installées en Savoie et dans le Vaucluse. De ces kilomètres parcourus avec sa camionnette de négociant, il garde les souvenirs de paysages magnifiques ; de ses promenades dans les montagnes et forêts savoyardes, il s’inspire de la faune florale et animalière. De ses rencontres quotidiennes avec ses clients, il aime la convivialité et la chaleur. Tous ces instants-là sont transposés dans la peinture de Boix-Vives. Et puis le drame aussi, la souffrance, et tout ce que la vie inflige malgré les grands bonheurs. Le 5 février 1926, Anselme Boix-Vives assiste au défilé des mutilés de guerre à Avignon. Cette vision terrifiante l’habitera toute sa vie. Devant l’insupportable, BoixVives fait le serment de contribuer à la création d’un monde meilleur. « Les guerres ne doivent pas exister, c’est affreux, si je le peux avant de mourir, je veux faire quelque chose pour empêcher ces guerres atroces », écrira-t-il plus tard. Vers un monde en paix Boix-Vives, l’utopiste ? Sans aucun doute. Depuis le serment d’Avignon, il consacre sa vie à bâtir le bonheur pour tous. Il ira jusqu’à élaborer un Plan pour une Union Mondiale, le seul moyen de sauver la civilisation. Pendant trente ans, il rédige un véritable plan de paix pour le monde ; puis fait retranscrire ses notes écrites phonétiquement par l’une de ses voisines. Convaincu de la pertinence de ses propos, il écrira d’autres plans pour un nouveau gouvernement planétaire tel Le Plan pour l’organisation du monde, La Paix par le travail auquel son fils Michel participe. Pour être mieux compris des habitants de Moûtiers, il écrit une chanson pour la paix composée de 99 couplets. Mais l’homme a beau chanter, tous se moquent ; personne ne le prend au sérieux, encore moins les dirigeants du monde à qui il fait parvenir ses propositions. La peinture arrivera comme une libération d’expression ; un souffle vers le bonheur tant souhaité. Car l’homme est joyeux ; il aime rire et depuis toujours chante toute la journée. Mi amuseur, mi philosophe, il aime la vie et les autres. Ses tableaux et dessins en seront les cris de joie, parfois soumis à une certaine détresse. Boix-Vives sait que la vie n’est pas toujours douce ; il connaît la souffrance, il peut aussi l’exprimer dans ses peintures. Mais abandonner l’idée du bonheur pour tous : jamais !



Une composition solaire A peine a t-il peint sa première toile qu’Anselme Boix-Vives rencontre un vif succès. André Breton le repère, acquiert Mode à Paris qui fera la une de son journal La Brèche, action surréaliste. En 1964, la galeriste Denise Breteau expose une cinquantaine de ses œuvres à Paris et organise une exposition à la Kunsthalle à Bern ; la même année, il est présenté à la Galerie Charpentier à Paris. Début de carrière fulgurant pour un jeune peintre de 65 ans ! En 1966, la Lefèbre Gallery l’expose à NewYork et édite un catalogue préfacé par Corneille. André Malraux, alors Ministre de la Culture, lui commande une peinture reproduisant une Mise au tombeau, ensemble de six sculptures en bois conservé à la Cathédrale Saint-Pierre de Moûtiers. BoixVives fait une entrée éclatante dans le monde de l’art qui le range assez vite dans la catégorie de l’art brut. Sans doute de par son obsession à vouloir créer un monde visionnaire. Mais en quoi rêver d’un monde meilleur et d’une vie heureuse relève-t-il de l’aliénation ? L’exposition présentée au Musée et Jardins Cécile Sabourdy, Anselme Boix-Vives, la nature illuminée, illustre parfaitement bien les propos de l’artiste. On y retrouve son attachement au monde animalier avec Bestiaires fantastiques ; sa vision surréaliste de la faune et la flore avec Jungles exubérantes ; son affection pour les autres, voisins, voisines, parents, grands du monde avec la série Société lunaire ; et bien-sûr sa passion pour les fleurs, les fruits et les arbres dans cette nature illuminée. Une nature incontournable, encline à faire revivre une certaine ruralité, inspiratrice des plus grands artistes. Anselme Boix-Vives, peintre de la nature et du bonheur retrouvé, a produit une œuvre d’une qualité exceptionnelle et d’une modernité absolue. Le trait virevolté, la touche lumineuse, la couleur explosive ressemblent à un jardin pictural sublimé par une composition solaire. Une image du Paradis sur Terre, si chère au peintre. Une invitation à voyager entre l’art naïf et l’art brut et à se poser sur une contrée unique : celle d’Anselme Boix-Vives. * Extraits d’une interview d’Anselme Boix-Vives dans Les Chefs d’œuvre de l’Art (3 février 1965)



Biographie 1899 Anselme Boix-Vives naît le 3 janvier à Herbeset en Espagne. Fils de métayers au Mas de Ferras, il est le cinquième de neuf enfants. 1908 – 1916 Il mène une existence rurale ; avec ses frères il garde les moutons et les cochons. Il ne va pas à l’école et apprend ni à lire ni à écrire. En 1908, sa mère décède. 1917 En décembre, il quitte l’Espagne et rejoint Albertville en Savoie où de nombreuses familles espagnoles se sont installées pour faire du commerce de fruits et légumes. Il débute dans le négoce de primeurs. 1922-1925 En juin 1922, il ouvre son premier magasin de primeurs à Brides-les-Bains. En février 1923, il ouvre une succursale en Avignon. Le 5 avril 1924, il épouse l’espagnole Marie-Louise Marquès-Llull. Le 8 mars 1925, son premier fils Anselme Philippe Marie naît. 1926 Le 5 février, à Avignon, Anselme Boix-Vives assiste à un défilé d’anciens combattants, mutilés de guerre. Ces images terribles resteront à jamais marquées dans sa mémoire. A partir de ce jour, il consacrera les quelques heures de libres dont il dispose à l’écriture d’une brochure destinée à unifier le monde. Le 30 août, naît son second fils, Laurent. 1928 En janvier, il achète sa maison à Moûtiers ; il l’habitera jusqu’à sa mort. Le même mois, naît sa première fille, Micheline. 1929-1937 Anselme Boix-Vives installe son magasin principal à Moûtiers. Il devient très vite le fournisseur des grands hôtels ; il se bâtit une clientèle fidèle et de plus en plus nombreuse. Face à la grande crise de 29, il doit néanmoins quitter le négoce auquel il est associé avec ses frères dans le Vaucluse. Il se concentre dès lors sur ses activités en Savoie. En 1930, naît son quatrième enfant, Louis. 1938 Alors que sa femme est enceinte, sa fille Micheline décède à l’âge de 10 ans. Son fils Michel naît le 5 septembre. 1940 Son sixième et dernier enfant, Catherine, naît le 23 janvier. Il obtient une carte de circulation temporaire qui lui permet de ravitailler la ville, victime des manques causés par la guerre. En février, il est naturalisé, ainsi que sa femme et ses quatre fils. 1944 Anselme fils, entré dans la Résistance avec son jeune frère Laurent est tué par un soldat allemand. Durant cette période, Anselme père commence à dessiner pour ses enfants Catherine et Michel.


1948 – 1952 Anselme Boix-Vives déploie ses activités de négociant. Il construit un commerce de gros et demi-gros et détail en alimentation générale, primeurs, poissons, gibiers, coquillages, vins. 1955 Le 6 avril paraît la première édition de sa brochure Union mondiale, le seul moyen de sauver la civilisation. 1957 Il donne sa première conférence à Moûtiers et expose son Plan d’organisation mondiale sans politique, la paix par le travail, deuxième opus, corrigé de la première édition. 1959 Anselme Boix-Vives envoie son plan au Secrétaire Général de l’ONU. 1961 Il poursuit ses conférences et écrit aux Ambassadeurs des Etats-Unis, d’Inde, d’URSS, de Grande-Bretagne, d’Espagne. Il poursuit sa croisade et envoie des lettres à Valéry Giscard D’Estaing alors ministre du budget ; au Pape Jean XXIII. Il dessine de plus en plus au stylo bille au dos des papiers à lettre. Il est à la veille de la retraite ; il craint l’ennui. Son fils Michel lui propose de peindre. 1962 Alors qu’il continue à envoyer son Plan aux grands de ce monde, il exécute sa première gouache en juillet. Fin août, il possède déjà une dizaine d’œuvres. En septembre, sa femme décède. En octobre, il expose ses œuvres dans son magasin et y invite les Moûtiérains qui ne se lassent pas de le moquer. Mais Anselme Boix-Vives n’abandonne pas pour autant sa quête du bonheur pour tous. Il va même jusqu’à solliciter une candidature pour le prix Nobel. 1963 Michel fait circuler les œuvres de son père dans le monde très fermé des galeries d’art. 1964 Anselme Boix-Vives expose à la Galerie Denise Breteau à Paris (mars-avril). Plus de cinquante œuvres seront vendues. En juin, André Breton choisit une de ses œuvres pour la Une de sa revue. En octobre, il expose à la Galerie Charpentier. 1965 Il expose de nouveau chez Denise Breteau. 1966 -1968 Il expose à la Galerie Alice Pauli à Lausanne, à la Lefèbre Gallery à New-York. De plus en plus de collectionneurs s’intéressent à son œuvre et viennent lui rendre visite. En 1967, il expose à la Galerie Schloss Remseck en Allemagne ; en 1968, au Musée Château d’Annecy. En novembre, c’est la Galerie Aurora à Genève qui accueille ses œuvres. 1969 Depuis deux ans, la santé D’Anselme Boix-Vives s’est affaiblie. Il décède à l’hôpital de Grenoble le 24 août, laissant derrière lui une œuvre considérable et d’une qualité exceptionnelle.



jungles exubérantes Indispensable à l’univers d’Anselme Boix-Vives, la végétation est ultra présente dans ses compositions ; elle apparaît souvent comme une nécessité, une respiration. Fleurs, arbres, fruits, feuillages tiennent une place d’exception dans sa vision du bonheur. Avec cette flore luxuriante, le peintre fait l’apologie d’une vie bienheureuse. Tout y est joyeux : les couleurs sont jetées comme des rayons de soleil, juxtaposées les unes au autres ; elles dévoilent une œuvre pleine de rondeurs et d’expressions. Quelles soient composées de points ou de traits, les peintures hypnotisent, suggérant parfois un rythme frénétique. Quelle soit balafrée ou pointilliste, la touche virevolte dans un dynamisme éloquent. Tout y est exagéré et abondant. L’œuvre devient jardin. Un jardin sans limite, sans frontière, dans lequel les espèces florales vivent entrelacées les unes aux autres. Boix-Vives ne laisse rien au hasard ; il compose ses messages de paix. Qui mieux que les fleurs peuvent énoncer le bonheur et la joie ? Comme si l’artiste s’évertuait à prouver l’innocence et les vertus de la nature ; celle qui est aussi en chacun de nous. Il y a là de profonds messages d’espoir. Même dans une approche lunaire des paysages, celle si chère au peintre, la bienveillance est omniprésente. Les châteaux ne sont plus en Espagne mais sur la Lune, comme un rêve impossible, une utopie exaltée. Et la vie y est douce, les fleurs symboles de paix retrouvée ; les arbres sont droits, habillés de traits diagonaux aux couleurs vives. Car l’artiste est un maître de la couleur. Il la manie comme personne, dans un équilibre subtil et une intensité détonante. Si parfois l’impression du chaos prend le dessus, c’est pour mieux révéler l’harmonie chromatique de la composition. Comme si, malgré le désordre apparent, tout était possible ; un des messages forts de Boix-Vives qui pendant trente ans a écrit son Plan pour une Union Mondiale. Sa peinture en est plus que jamais le reflet. Ces jungles exubérantes, le résultat imagé de ses pensées et réflexions pour sauver le monde. Généreux Anselme Boix-Vives ? A n’en pas douter. Lui qui préférait offrir ses tableaux plutôt que de les vendre, lui que la joie habitait du matin au soir et qui pouvait s’émerveiller d’un rien, lui qui avait l’âme d’un enfant, a su peindre une œuvre chaleureuse. Et si la nature qu’il créé semble par bien des égards illuminée, c’est que l’homme l’est un peu aussi, dans la plus pure création inconsciente. Il pose le trait d’une façon tout à la fois spontanée et maîtrisée ; comme il le ferait avec un journal intime, Boix-Vives se raconte dans sa peinture. Il raconte le bonheur souhaité, les rêves d’enfance où les hommes et les animaux vivaient sur la Lune dans des paysages fantastiques. Tout devient lunaire parce que rêverie. Tout devient musique colorée où les feuillages prennent des airs de rouge, bleu, vert, orange, violet… comme des arcs en ciel hachurés, à la résonnance multicolore ; et où parfois le trait ondule comme une danse hypnotique.



bestiaires fantastiques Anselme Boix-Vives voue une véritable passion pour le monde animalier. C’est donc tout naturellement qu’il lui consacre ses premières recherches picturales. En grand observateur de la nature qu’il aime tant, il connaît parfaitement bien les animaux qui peuplent la montagne, les forêts, les campagnes. Depuis l’enfance, il les regarde vivre : écureuils, bouquetins, oiseaux, poules, poissons, marmottes, chamois… Ces animaux familiers, parfois sauvages, sont une grande source d’inspiration. Ils favorisent l’espièglerie, nourriture quotidienne du peintre. Un ton perceptible dès les années 1940, lorsqu’il commence à griffonner des dessins pour ses enfants. Tout à la fois amuseur et philosophe, en quête perpétuelle d’une vie bienheureuse, BoixVives comprend l’utilité des symboles picturaux. Quelle soit végétale ou animalière, la faune va lui servir de modèle d’expression. Son Plan pour une Union Mondiale a été incompris… qu’à cela ne tienne, Boix-Vives l’exprimera autrement. C’est un éternel optimiste qui s’est investi d’une mission : celle d’offrir le bonheur à tous. Certains y voient une candeur touchante, d’autres une loufoquerie bienveillante, d’autres encore une obsession énigmatique ; pour son fils Michel, c’est avant tout une expression artistique. Le monde de l’art lui donnera raison qui, face à la maîtrise du trait et à la force chromatique de l’oeuvre, goûte immédiatement à la saveur du talent. Marron, vert, jaune, bleu, orange, violet se juxtaposent dans un heureux désordre chaotique ; remplissent le support, souvent du carton ou du papier Canson, parfois quelques panneaux de bois récupérés. Econome, Boix-Vives achète peu de toiles ; il remplit la surface, ne laissant aucune place au vide comme s’il ne voulait rien gâcher de l’espace offert. Il peint à la gouache ; utilise une couleur par pot, contenant chacun un pinceau. Toutes ses compositions sont animées de touches, traits, points dont les formes et couleurs prennent des allures extravagantes. Il utilisera même du Ripolin, issu d’une série d’invendus offerte par la marchande de couleurs de Moûtiers ; une huile qui donnera une nouvelle intensité à ses compositions. Cette puissance chromatique révèle une vision très fantasque du bestiaire de Boix-Vives déjà chargé de symboles. On observe la présence majeure des oiseaux et écureuils dans une grande partie de ses peintures ; les premiers, allégorie de la paix et de la liberté chahutent avec les seconds, emblème d’agilité et d’indépendance. Chez Boix-Vives, les mondes se côtoient, ceux qui sont réels et ceux qui relèvent de son imaginaire. Animaux à plumes ou à poils deviennent lunaires, la chèvre porte parfois une queue de cheval, et l’oiseau devient concierge. L’artiste entremêle les décors, celui des rêves et de la poésie à une sorte de réalité visionnaire. Son œil amusé taquine l’existant et l’irréel.


Boix-Vives transpose les animaux ordinaires dans un univers oscillant entre magie et féérie. Ces mouches ont apparences humaines, ses souris font penser à des marionnettes. L’univers du conte n’est pas loin qui surprend parfois dans son aspect exotique. Et quand les animaux de la savane font leur apparition, ils dévoilent une énergie rare. Boix-Vives n’a pas voyagé, n’a pas été à l’école, ne lit pas mais depuis 1961 a acheté la télévision qu’il regarde sans discontinuer. Tous les programmes le fascinent ; ils seront un souffle d’inspiration, particulièrement les émissions animalières qui lui font découvrir le quotidien des girafes, singes, lions et autres bêtes sauvages qu’il visualise sur l’écran pour mieux les interpréter dans ses compositions. Son style, non sans rappeler celui de l’art tribal et aborigène, n’appartient pourtant qu’à lui : mélange de spontanéité sur tonalité enfantine, message de paix universel transposé dans un univers fantasque où l’Oiseau de Paradis serait l’hôte d’un royaume imaginaire.



société lunaire Toute sa vie, Anselme Boix-Vives n’aura de cesse de poursuivre le bonheur universel. Rêve irréaliste s’il en est, le sien idéalise un monde en paix qui ne connaîtrait pas les guerres, et où les hommes seraient heureux par le travail dont ils ne manqueraient pas. Utopie portée haut et fort, écrite et éditée dans ses Plans pour un gouvernement planétaire, fredonnée dans sa chanson aux quatre vingt dix neuf couplets et finalement peinte. Ce que chantait Boix-Vives, il le fixera dans ses peintures : «Je suis citoyen du monde / Je travaille pour la Paix / Si j’abolis les frontières, je donne la Liberté (…) Quelle soit Noire, Blanche, Rouge ou Jaune / La couleur importe peu / Dites bien qu’ils sont des frères / Et on doit les rendre heureux (…) » Toute son œuvre picturale sera le reflet de son optimisme bienveillant. Boix-Vives y mélange ses rêves d’enfant à ses désirs d’homme accompli. Il se souvient du temps où il était berger quand il observait la nature, le ciel et les astres à la nuit tombée. Ces instants où il imaginait des gens vivant sur la Lune et qui bien des années plus tard deviendrait une étonnante société lunaire. Un univers peuplé d’étranges silhouettes longilignes, hommes ou femmes, les bras toujours collés le long du corps, les mains palmées telles d’étranges créatures venues d’une autre planète. D’ailleurs Boix-Vives les pense lui-même lunaires ou venant de la planète Mars. Il les transpose dans un quotidien où les grands de ce monde côtoient les fermiers, les concierges, les fumeurs de cigares et autres buveurs de vin. Certains ressemblent à des animaux, d’autres à des totems ; tous sont de face ou de profil, les yeux tirés ou exorbités dans un visage en forme de losange ou de carré et paré d’un nez proéminent. Ils ressembleraient presque à des masques africains et océaniens ces habitants de la Lune. Ressemblance qui pourrait trouver son origine dans les programmes télévisés que regarde Boix-Vives toute la journée. C’est l’époque des premiers grands documentaires et force est de constater que le peintre y a puisé quelques inspirations. Il le révèle lui-même en 1965 dans L’illustré, une revue suisse : « Je n’avais jamais pu lire quoique ce soit, je n’avais jamais vu de peintures faites par de vrais peintres, alors il me fallait des modèles. Mais ici, à Moûtiers, c’est difficile. Alors, j’ai acheté la télévision ; comme ça, ici, j’ai le monde à peindre… » Confidence d’un homme sincère qui peint ce qu’il voit, tout simplement ; à sa façon, dans une dimension fantasque, malicieuse et irréelle. Quant au décor, il est champêtre et bucolique ; les scènes parfois religieuses donnent un sens spirituel à cette étonnante société lunaire. Cette dimension ecclésiastique, Boix-Vives la tient de son enfance bien sûr, où les chapelles étaient nombreuses dans la campagne castillane mais également de la Savoie où les églises sont remarquables. C’est sans doute là que ses premiers rapports à l’art et l’esthétisme se forgent. Christ en croix et Mise au tombeau sont souvent suggérés dans ses compositions, tout comme les vitraux de la cathédrale de Moûtiers dont il transposa les reflets lumineux dans quelques unes de ses peintures. De toutes ces inspirations, Boix-Vives a créé un monde imaginaire dans une nature illuminée par des couleurs éclatantes de vie.



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