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Le rôle ou la responsabilité de l’Ordre dans le développement de l’intelligence artificielle au service des avocats I Jean-François HENROTTE

Le Président d’avocats.be (l’Ordre régional francophone et germanophone belge)1 « estime que le rôle de l’Ordre n’est pas de se substituer au libre marché. L’Ordre peut aider à créer le cadre – légal, déontologique et organisationnel – du renouvellement de la profession, mais ce sont les acteurs du marché légal qui donneront forme a ce marché ». D’autres ordres s’abstiennent simplement de faire quoi que ce soit de concret.

disruption… Les trois principales bases de données juridiques privées belges continuent de reposer sur une recherche par mots-clés ou libre, recherche opérant entre autres dans une jurisprudence très parcellaire.

Cela nous semble une erreur préjudiciable tant pour les justiciables que pour les avocats.

Si nous ne nous saisissons pas de ces technologies avancées, nous ne serons pas en mesure de rendre les services d’un avocat accessible à un plus grand nombre de justiciables et ainsi d’arrêter la décroissance de notre clientèle.

Bien sûr, on peut croire en la théorie du marché pur et parfait de Léon Walras qui conduit au maximum de richesse et de paix mais elle repose sur un marché de la concurrence parfaite qui n’a rien à voir avec le marché des oligopoles. Or, précisément, le marché des bases de données juridiques est oligopolistique…

Quelle est la situation (en Belgique mais elle nous semble transposable dans l’ensemble des barreaux représentés à l’UIA) ? Selon Wikipedia, « l’édition consiste à présenter, reproduire, puis commercialiser la production intellectuelle d’un auteur ». La présentation, la reproduction et la commercialisation de la donnée brute n’est donc pas consubstantielle à l’édition. Rien ne l’interdit à l’éditeur bien sûr mais on s’éloigne du cœur de métier de l’édition et on se rapproche du métier de producteur de base de données. Les éditeurs juridiques ont pourtant, s’écartant de leur métier, décidé de traiter ces données brutes.

Les deux plus importantes bases de données ont vu leur prix augmenter très significativement l’année passée sans qu’aucune amélioration technique ne soit proposée en contrepartie…

Même si aucun chiffre ne sera jamais officialisé par ces éditeurs, on peut raisonnablement soutenir, sur base des minimas fixés par les éditeurs pour concéder aux barreaux un prix préférentiel sur lesdites bases de données, que le nombre de cabinets abonnés à ces banques de données est minoritaire.

Quelle est l’évolution de la technique ? Toujours suivant Wikipedia, le big data, parfois aussi appelé données massives, aide les entreprises à réduire leurs risques et faciliter la prise de décision, ou créer la différence grâce à l’analyse prédictive. Ces données massives ne sont plus interrogées par mot clés mais par concept, en langage naturel. C’est grâce à cela que les résultats obtenus sont pertinents et que l’utilisateur n’est pas submergé par une quantité gigantesque de résultats qui ne sert à rien, sans rapport avec le sujet réel de sa recherche.

plus performante. Une étude de l’Université de North Carolina School fondée sur mille cas de cancer diagnostiqués par des oncologues a démontré que Watson, le système d’intelligence artificielle d’IBM, a dans 99 % des cas recommandé le même traitement que celui des médecins spécialistes. Au contraire, dans 30 % des cas, ces oncologues ont omis des options envisagées par la brique logicielle d’IBM !

De telles technologies pourraient évidemment être utilisées dans le secteur du droit et ne le sont pourtant pas !

En quoi cela pose-t-il un problème ? De moins en moins de justiciables (personnes physiques ou morales) peuvent se permettre de consulter un avocat. Les avocats doivent devenir plus efficaces pour offrir des prestations à un coût abordable2. Ceux qui peuvent encore consulter un avocat sont de plus en plus exigeants. Ils ne peuvent comprendre pourquoi la technologie améliore la pratique de la plupart des professions mais pas la nôtre. Ils demandent plus de rigueur et de prévisibilité. Si nous ne nous saisissons pas de ces technologies avancées, nous ne serons pas en mesure de rendre les services d’un avocat accessible à un plus grand nombre de justiciables et ainsi d’arrêter la décroissance de notre clientèle.

La transition de la recherche manuelle vers la recherche informatisée dans les années quatre-vingt-dix a apporté un gain d’efficacité au travail des avocats.

Le système se fait, en outre, intelligent et « apprend » pour devenir plus performant que l’homme dans certains secteurs de la pensée.

Pouvons-nous faire confiance au marché pour qu’émerge ces technologies ?

Depuis, les évolutions techniques de ces bases de données sont malheureusement restées mineures : on ne peut pas parler de

L’intelligence artificielle est supervisée, l’homme est augmenté et non remplacé, mais cette technologie se montre de plus en

Difficile de répondre. Les deux principaux éditeurs belges (en réalité des éditeurs internationaux) annoncent avoir des projets.

Bringing Together the World’s Lawyers I 2 ■

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