
5 minute read
ÉCONOMIE
from URBA - Novembre/décembre 2020
by UMQ
Le 20 octobre dernier, l’UMQ participait virtuellement à la commission parlementaire des finances publiques sur le projet de loi no 66, Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure. À cette occasion, l’Union a accueilli favorablement les différentes mesures d’accélération permettant de mettre en chantier les grands projets d’infrastructure gouvernementaux, mais a souligné aussi l’importance d’appliquer ces mesures pour les projets municipaux.
Advertisement
Par ailleurs, l’UMQ a profité de l’occasion pour demander aux membres de la commission de réformer dès maintenant la loi sur l’expropriation. Pour l’Union, si le parlement adopte toujours des lois pour contourner la loi sur l’expropriation, c’est peut-être le signe que la loi ne fonctionne plus. Outre les projets cités en annexe du projet de loi 66, des procédures accélérées ont été appliquées au cours des dernières années pour le réseau structurant de la ville de Québec et le Réseau express métropolitain.
UNE MÉTHODE DE CALCUL DÉSUÈTE ET ALÉATOIRE
Chaque année, les municipalités dépensent des sommes importantes pour acquérir des immeubles afin de réaliser des projets municipaux. Lorsque la négociation de gré à gré s’avère infructueuse, les municipalités n’ont d’autre choix que d’acquérir les immeubles visés par voie d’expropriation.
Le calcul de l’indemnité s’effectue alors à partir de deux valeurs. La première est l’indemnité principale ou immobilière et correspond à la valeur du bien exproprié. Celle-ci est établie selon la valeur au propriétaire. On recherchera alors la valeur du bien pour la personne expropriée et non celle de la valeur marchande. S’ajoute à cela l’indemnité accessoire, qui correspond à l’indemnité qui compense le préjudice subi directement de l’expropriation (coûts directs de déménagement, acquisition de biens de remplacement, frais d’expertise, frais de réparation d’un nouvel immeuble, frais de relocalisation, pertes de profits, pertes d’opportunités commerciales, perturbations d’affaires, troubles et ennuis, dommages au résidu).
Pour un développement harmonieux à long terme et dans le but d’offrir le meilleur service à ses concitoyennes et concitoyens, une municipalité se doit de planifier ses infrastructures et de les bâtir à des endroits stratégiques, accessibles et cohérents sur son territoire. Lorsqu’il est venu le temps de renouveler les infrastructures municipales et de mettre en place des projets structurants pour l’intérêt collectif, il arrive que des municipalités aient recours à des propriétés privées, surtout dans un milieu à forte densité. Bien que nous désirons avoir des ententes de gré à gré, nous devons procéder souvent par expropriation. Suite à plusieurs cas vécus, les sommes à payer sont disproportionnées, car l’expropriation se fait à la valeur au propriétaire plutôt qu’à la valeur marchande. Dans ce contexte, c’est extrêmement difficile de planifier nos budgets et de respecter les délais de réalisation. – Normand Dyotte, maire de Candiac
D’un point de vue économique, la Ville de Longueuil soutient vivement la recommandation de l’UMQ concernant la nécessité de modifier la Loi sur l’expropriation afin de fixer les indemnités selon la «valeur marchande» et non la «valeur au propriétaire» qui correspond à la valeur la plus élevée du terrain sur le marché en y ajoutant les pertes de profits potentiels et d’autres frais accessoires. Il est difficilement justifiable que des promoteurs ou des propriétaires expropriés se fassent accorder des montants souvent importants pour des pertes de profits anticipés sans que ces derniers n’aient à courir le risque de réaliser un projet. Faire des profits sans courir de risques n’est conciliable ni avec l’économie de marché ni avec l’intérêt public. À l’heure actuelle, la Loi sur l’expropriation ne tient pas suffisamment compte de l’intérêt public et va bien au-delà de l’indemnisation équitable et justifiable de l’exproprié. Et d’un point de vue environnemental, cette réforme telle que proposée converge en tout point avec l’objectif de Longueuil d’assurer la protection et de mettre en valeur les composantes écologiques d’une portion de notre territoire. – Sylvie Parent, mairesse de Longueuil

On comprend donc que les indemnités payables au propriétaire, fixées en vertu de la loi et de son interprétation jurisprudentielle, s’avèrent nettement supérieures à la valeur marchande de l’immeuble, et elles sont souvent aléatoires en fonction du type de propriétaire (par exemple, un particulier ou un promoteur immobilier).
Le concept de la valeur au propriétaire était auparavant utilisé ailleurs au Canada, avant d’être abandonné au profit du concept de la valeur marchande par le gouvernement fédéral ainsi que par celui de l’Ontario, de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse dans le cadre d’un mouvement global de réforme des législations en matière d’expropriation. Très souvent, cette formule fait en sorte que le calcul des indemnités est contesté devant les tribunaux. L’utilisation du recours judiciaire entraîne alors des délais imprévisibles, souvent sur plusieurs années, ce qui peut entraîner une augmentation démesurée des coûts d’acquisition et, dans certains cas, l’abandon de l’acquisition par expropriation.
POUR UNE INDEMNITÉ BASÉE SUR LA VALEUR MARCHANDE DES PROPRIÉTÉS
Selon l’UMQ, il s’avère important de modifier la Loi sur l’expropriation pour faire en sorte que le régime d’indemnisation soit plutôt basé sur la valeur marchande, comme c’est le cas dans les autres provinces canadiennes. Ce rééquilibrage des forces entre parties expropriantes et parties expropriées favoriserait un partage plus équitable des risques, ainsi qu’une prévisibilité budgétaire pour la partie expropriante.
Une réforme de la Loi sur l’expropriation est absolument nécessaire pour doter les municipalités d’un outil de plus pour favoriser la réalisation de leurs projets, que ce soit en matière de logement abordable, de transport en commun, ou encore de protection des milieux naturels. La manière actuelle de calculer les indemnités représente un frein important pour ce type d’initiative: en calculant l’ensemble des profits anticipés si un terrain donné avait été développé, on se retrouve à devoir payer des montants beaucoup plus élevés que la valeur du terrain. Ça n’a aucun sens! Il faut en arriver à une formule qui favorise l’intérêt collectif. Cette réforme s’avère également essentielle dans le contexte où le projet de loi 40 force maintenant les villes à payer pour les terrains des écoles. Les terrains publics disponibles pour la construction d’écoles à Gatineau sont rares, voire inexistants. Comme on se retrouvera déjà de toute façon à financer le ministère de l’Éducation par la taxe foncière, la moindre des choses serait qu’on nous donne les outils appropriés en modifiant la Loi sur l’expropriation, pour qu’on ne soit pas forcés, en plus, de débourser des sommes déraisonnables qui excèdent la valeur de ces terrains. – Maxime Pedneaud-Jobin, président du Caucus des grandes villes de l’UMQ et maire de Gatineau
