Ufolep 22 juin 2016 hd

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repères

FOOTBALL PROGRÈS

L’Euro 2016 s’accompagne d’une floraison d’ouvrages sur le football. Petite sélection critique.

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Juin 2016

Dans les années 1970, l’esprit contestataire de Mai 68 trouva à s’exprimer dans le sport français sous la bannière du Mouvement Football Progrès. Principalement implanté en Bretagne, celui-ci s’incarnait dans le jeu offensif du Stade Lamballais, inspiré du « football total » de l’Ajax d’Amsterdam et orchestré par le regretté Jean-Claude Trotel, dont on apprend au détour d’une page qu’il fut un temps éducateur sportif à l’Ufolep… On relève d’ailleurs ici où là les connections établies avec des comités Ufolep et des amicales laïques, auprès desquelles le mouvement trouva parfois un appui face à l’hégémonie de la très conservatrice Fédération française de football. On s’en étonnera d’autant moins que, dans la plateforme d’action élaborée en février 1974, il est à la fois question de « lutter contre la conception conformiste du football caractérisée par la commercialisation croissante [et] par la recherche du résultat par tous les moyens dans les compétitions » et « d’élaborer et répandre une conception du football qui respecte la dignité du joueur, sa liberté d’expression, son plaisir de jouer, l’épanouissement de sa personnalité ». Une « autre idée du football », prolongée un

LE FOOTBALL DES NATIONS Loin de constituer « l’élément cristallisateur exclusif et permanent des fiertés nationales », les sélections sont le produit de « constructions historiques fort différentes » affirme cet ouvrage universitaire, qui en présente onze à l’appui de sa thèse, européennes (France, Allemagne, Belgique…) ou sud-américaines (Argentine, Brésil). Avec, en guise de conclusion, le regard de William Gasparini sur « Le football dans la construction européenne ». Celui-ci y note que le Championnat d’Europe des nations et la Ligue des Champions (jouée par des équipes de club « multinationales ») incarnent deux aspects de la construction européenne : « une Europe d’États membres défendant leur autonomie et une Europe du marché “libre et non faussé” promouvant la circulation des travailleurs, des capitaux, des biens et des services ». ● Le Football des nations, des terrains de jeu aux communautés imaginées, sous la direction de Fabien Archambault, Stéphane Beaud et William Gasparini, Publications de la Sorbonne, 266 pages, 18 €. À l’occasion de cette parution, l’Université de Strasbourg organise un colloque sur « Ce que l’Euro 2016 nous dit de l’Europe », vendredi 10 juin de 9 h à 17 h. Par ailleurs, Stéphane Beaud animera une conférence au Musée national de l’immigration, à Paris, mardi 7 juin à 18h30.

temps par le magazine Le Contre Pied, et ici contée par un membre et un sympathisant du mouvement. Ph.B. Le Mouvement Football Progrès et la revue Le Contre Pied, un combat des footballeurs amateurs, 1970-1980, Loïc Bervas et Bernard Gourmelen, L’Harmattan, 158 pages, 18,50 €.

À LA FRANÇAISE

Existe-t-il un style français, incarné par le jeu des Bleus, de Kopa à Zidane en passant par Platini ? Et comment s’estil façonné, au fil de quels débats tactiques, mais aussi de quelles joutes idéologiques ? Dû à la plume de Thibaud Leplat, membre de la rédaction de So Foot, cet essai intéressera avant tout les amateurs éclairés. La mise en perspective historique

en jeu une autre idée du sport ufolep n°22

– l’appel aux entraîneurs britanniques pour poser les bases dans les années 1930 – est passionnante, et l’ouvrage prend parfois le ton d’un traité de philosophie nourri des citations des grands penseurs en survêtement que furent Albert Batteux, Jean-Claude Suaudeau ou Michel Hidalgo. Car dans ce Football à la française, on joue moins avec ses pieds qu’avec sa tête. Pour preuve, cette pénétrante relecture de La Peste, de Camus, où un dialogue sur le rôle de demi-centre résume une façon d’être au monde. Football à la française, Thibaud Leplat, Solar, 436 pages, 18,90 €.

SMART STADIUM « Au cours d’un match de l’équipe du PSV Eindhoven (Pays-Bas), ses supporteurs brandissaient une banderole sur laquelle on pouvait lire : “Fuck Wi-Fi, support the team”. » Marc Perelman part de cette anecdote pour développer une réflexion sur la numérisation des stades observée

aujourd’hui. Qu’on ne se méprenne pas : ce franc-tireur de la Théorie critique du sport ne montre aucune sympathie pour les supporters ultras, inquiets que s’attiédisse encore l’atmosphère des stades ou de se voir cernés par des spectateurs rivés à leur tablette ou leur smartphone pour revoir une action ou s’enquérir d’autres résultats, jusqu’à perdre le fil de la partie. Non, ce qu’il s’emploie à démontrer, c’est que le caractère « asservissant » du sport de compétition se voit « décuplé par la numérisation du lieu même de sa pratique », achevant ainsi de « pulvériser » la conscience des individus. Smart stadium, le stade numérique du spectacle sportif, Marc Perelman, L’Échappée, 92 pages, 9 €.


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