E MAG TRANSPORT #17

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La location pour verdir son parc

Les Rencontres de la

Le camion redessiné POIDS ET DIMENSIONS VISITE DE L’USINE DE BATTERIES DE FORSEE POWER PRISE EN MAIN DU MAN TGX 18.640
nouveau Volvo FH Aero
réglementations
à venir
UE
2024 ➥ LE MAGAZINE DIGITAL DU TRANSPORT ROUTIER N°17 Mars 2024
Filière

Quand le camion se transforme

Les premiers véhicules issus de la nouvelle réglementation sur les poids et dimensions sortent sur le marché. Le camion de demain arrive. Transition énergétique oblige, les utilitaires et les poids lourds doivent être repensés.

C’est le cas du Volvo FH Aero dont la cabine a été modifiée. Mais sincèrement, ce changement n’est pas une révolution, et c’est tant mieux.

Pour ce premier numéro de l’année, nous examinons de près la révision tant attendue de la directive européenne sur les poids et dimensions. Certains pourraient la considérer comme une simple mise à jour. Cependant, un examen approfondi révèle que les chaînes cinématiques et les équipements évoluent pour accueillir les nouvelles sources d’énergie, nécessitant par exemple davantage d’espace pour les batteries.

La rédaction vous invite par ailleurs à découvrir l’édition 2024 de La veille technologique du véhicule industriel qui analyse cette nouvelle directive. Le document, téléchargeable dans ce numéro, offre une véritable photographie du marché et de ses nouvelles énergies renouvelables. Après en avoir pris connaissance, vous serez incollable sur le mix énergétique, pour le plus grand bien de la planète.

Sommaire

Ont collaboré à ce numéro

Directeur de publication

Hervé Rébillon • rebillon@trm24.fr

Journalistes

Jean-Philippe Pastre • pastre@trm24.fr

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La Station Productions

Conception et maquette • Luna Aguilar

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Photos • Tous droits réservés

e-MAG TRANSPORT est proposé par la rédaction de TRM24 et édité par La Station Productions.

ÉDITO N° 17 • Mars 2024 3 4 Actualité • Réglementations européennes, les trouble-fêtes 10 Prise en main • MAN TGX 18.640, le lion des montagnes 16 Constructeur • Volvo présente son héros de l’Aero 18 Actualité • La veille technologique du véhicule industriel, édition 2024 20 Focus • Batteries : arrivée d’un nouvel équipementier 22 Interview • Pascal Le Bourdais, directeur Scania Rent et véhicules d’occasion, Scania France 24 Carrossier • Électricité et aides électroniques à bord 26 Focus • Les Rencontres de la Filière Véhicule industriel 2024 28 Dossier • Les coûts de la congestion urbaine
Hervé Rébillon, fondateur eMAG TRANSPORT/ TRM24

Les trouble-fêtes RÉGLEMENTATIONS EUROPÉENNES

Plusieurs textes concernant l’avenir du poids lourd sont actuellement en discussion à Bruxelles et Strasbourg. Les eurodéputés doivent notamment donner leurs positions sur les poids et dimensions ainsi que sur la prochaine norme Euro VII. Nous vous proposons de passer en revue ces deux propositions.

L’ été dernier, la Commission européenne a dévoilé sa proposition de réviser les poids et dimensions des véhicules industriels au sein de l’Union européenne, une démarche cruciale dans le contexte de l’évolution vers les véhicules électriques à batterie et à pile à combustible hydrogène. L’Association européenne des constructeurs automobiles (Acea) souligne que l’adoption des véhicules dits zéro émission par le marché dépendra de la facilité et de la rentabilité avec lesquelles les opérateurs de transport pourront les utiliser, au moins autant que les véhicules conventionnels. Le

projet de directive sur les poids et dimensions s’appliquerait à tous les véhicules en circulation. Cependant, dans l’état actuel du projet de la Commission, l’Acea exprime des inquiétudes quant à la possibilité de dérogations pour les véhicules conventionnels associés à une semi-remorque électrifiée (par exemple, avec un eAxle). L’association souligne que seuls les véhicules moteurs zéro émission devraient bénéficier des nouvelles règles de masse.

Un autre enjeu majeur concerne la charge utile, et donc la compétitivité des camions à batteries.

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L’Acea note une formulation restrictive concernant les véhicules à énergies alternatives : on passerait d’une définition de véhicules entièrement ou partiellement alimentés par des énergies alternatives (selon la réglementation (UE) 2018/858) à des véhicules entièrement alimentés par des énergies alternatives. Cette évolution priverait les véhicules hybrides déjà en circulation des avantages des nouvelles règles. Voilà qui est curieux, d’autant plus que le même projet accorde un bénéfice de 1 tonne de PTAC aux véhicules à énergies alternatives autres que les véhicules zéro émission. Pour éliminer toute ambiguïté, l’Acea demande que cette nouvelle directive soit accompagnée d’une révision simultanée des dispositions relatives à la réception par type des véhicules.

À la recherche de la silhouette fantôme

Les nouvelles masses plus élevées envisagées pour les véhicules ne deviendront concrètes que si les charges aux essieux sont révisées en proportion.

L’association demande donc que la règle européenne passe pour les ponts moteurs à 12,5 t, au lieu de 11,5 t, tant pour les véhicules moteurs dédiés au transport de marchandises qu’au transport de personnes : « C’est un prérequis fondamental »,

sans quoi, l’effet de l’accroissement de masse sera purement théorique, en particulier sur les véhicules à 2 essieux.

Bizarrerie supplémentaire : la proposition de la Commission européenne envisage une limite de 11,5 t sur le pont moteur d’un tracteur solo électrique, mais accorderait 12,5 t à l’essieu de ce même tracteur s’il est associé à une semi-remorque. L’Acea note qu’en l’état actuel de la proposition, cela reviendrait à accroître la charge sur les essieux directeurs (typiquement en généralisant 10 t à l’avant), mais serait paradoxalement contre-productif pour la préservation des chaussées. Elle rappelle que l’accroissement de charge d’une tonne sur le pont moteur serait réparti sur quatre pneumatiques au lieu de deux, réduisant de fait la pression au sol. Une bonne répartition des masses est effectivement fondamentale pour limiter l’usure des chaussées.

Encore plus technique, la révision de l’annexe 1 tableau 1 point 4.3 relative au poids maximal autorisé en fonction de l’empattement. L’Acea demande que le tableau soit adapté aux véhicules dits zéro émissions à 4 et 5 essieux. Selon les critères actuels, le poids maximal autorisé ne doit pas dépasser cinq fois la distance centre les

La carrosserie évoluera peu, mais c’est au niveau de la chaîne cinématique et des équipements que la nouvelle réglementation aura un impact.

Actualité 5 N°17 • 03/2024
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La place prise par les batteries impose de revoir la conception des camions.

2 essieux extrêmes : un 4 essieux de 32 t de PTAC exige actuellement un empattement minimum de 6,4 m* . Une telle règle doit être corrigée avec un coefficient de 5,63, afin de préserver la compacité et la maniabilité des véhicules dits ZEV puisqu’ils auraient un PTAC de 36 t (32 t + 4 t de surcharge batterie). Sans quoi, on imposerait à ces camions à batteries des empattements démesurés pour les silhouettes à 4 et 5 essieux.

Autre étrangeté, le texte de la Commission nomme comme véhicule à quatre essieux les seuls véhicules à 2 essieux directeurs. Idem pour les 5 essieux ! Seraient donc exclues les silhouettes à 3 essieux directionnels. L’Acea demande une définition moins restrictive des silhouettes, car la rédaction actuelle ferait disparaître du marché les 8x2/6. L’accroissement des longueurs pour les véhicules dits zéro émissions (+ 90 cm hors-tout) est jugé tout aussi fondamental. Évidemment, l’association comprend que cet allongement doit demeurer compatible avec les règles liées à la couronne de giration ou bien au champ de vision. La proposition de révision étend et simplifie l’usage des ensembles routiers dits EMS (European Modular System), alias 25,25 m. L’Acea en appelle au Parlement

* Selon cette règle du 5 t/m, 32 divisé par 5 donne 6,4. Dans le cas où le coefficient de 5 t/m ne serait pas révisé, un porteur de 36 t électrique imposerait un empattement de 7,2 m minimum. Cela faciliterait l’implantation des packs de batteries, mais constituerait une pénalité en termes de manœuvrabilité.

européen et au Conseil des ministres pour mettre en priorité cette révision des poids et dimensions à l’ordre du jour, en raison du temps nécessaire pour transposer ces règles dans les différents États membres de l’UE. Elle demande qu’une longueur de 18,75 m soit réservée aux autobus articulés 3 essieux. Les articulés à 4 essieux devraient bénéficier d’une longueur supérieure ; l’association suggérant 21 m de longueur hors-tout sachant que de tels véhicules existent et sont d’ores et déjà conformes aux exigences de la couronne de giration. Pour les masses, elle propose un texte infiniment plus clair et simple que celui de la Commission : les autobus articulés à 3 essieux auraient un PTAC de 28 t. Les autobus articulés 4 essieux auraient droit à 32 t. Ces deux silhouettes bénéficiant d’une prime de 1 t pour les véhicules à énergies alternatives (autres que les zéro émission) et d’un bonus de 3 t pour les véhicules dits zéro émission.

Euro VII : ce que l’on sait… et le reste !

Le Conseil de l’Union européenne a publié un autre texte tout aussi important le 21 décembre 2023 : l’accord final relatif aux nouvelles normes d’émissions antipollution devant succéder à l’Euro VI. Les fondamentaux pour les véhicules légers ne changent pas. Seuls les véhicules industriels feront face à une sévérisation des seuils d’émissions. Grande nouveauté, Euro 7 fixe des mesures de performance de véhicules électriques quant à l’état de santé de leurs batteries, afin de rassurer les ache-

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teurs de véhicules d’occasion. Autre surprise pour ces véhicules : ils vont être astreints, comme les autres véhicules, à des seuils limites d’émissions de particules fines issues des freins et des pneumatiques. Pour les freins, les seuils sont connus : c’est 3 mg/km dans le cycle d’essais pour les électriques et 7 mg/km pour les véhicules hybrides et à moteurs thermiques ; le seuil est relevé à 11 mg/km dans le cycle d’homologation pour les utilitaires lourds à moteurs thermiques.

Si l’UNECE (Commission économique pour l’Europe des Nations unies) vient de valider début février 2024 une méthode de tests pour évaluer les pneumatiques actuellement mis sur le marché, on ne connaît pas les seuils d’émissions qui vont être retenus pour les normes Euro 7/Euro VII par l’Union européenne. Sur le document du Conseil, figurent donc des cases blanches sur ce chapitre. La surprise n’en sera que plus grande pour les équipementiers et les constructeurs lorsque l’UE choisira ses seuils après la période d’évaluation. Pour les véhicules industriels, cette limite devra être publiée au plus tard le 1er avril 2030. Ces seuils constitueront un gros défi pour les véhicules à batteries, nettement plus lourds que leurs pendants thermiques.

Afin d’éviter les fraudes au compteur kilométrique ou l’inhibition des systèmes antipollution, la norme Euro VII va sévériser les critères d’homologation pour les odomètres et les équipements antipollution ou l’OBD. Elle va créer également un outil de suivi sous la forme d’un passeport antipollution attaché à chaque véhicule. Les seuils de durabilité des équipements antipollution sont également considérablement sévérisés pour les véhicules lourds assujettis à l’Euro VII : Les camions jusqu’à 16 t de PTAC doivent être en mesure de tenir les performances d’origine 300 000 km ou 8 ans. Les camions de plus de 16 t de PTAC doivent s’y astreindre sur 700 000 km ou 12 ans ! Bizarrerie, les véhicules de transport en commun ont les mêmes seuils, mais le PTAC pivot est fixé à 7,5 t ! Autre nouveauté, la masse des émissions de polluants lors des phases de régénération des équipements de post-traitement (typiquement les filtres à particules) sera désormais prise en compte (en partant de la fréquence et de la durée des régénérations).

Nouvelles méthodes de mesure

C

Pour clarifier les mesures, l’Union européenne crée, fort pertinemment, un « budget » d’émissions pour les cycles équivalents à moins de 3 cycles WHTC, ainsi qu’un seuil pour les NOx en cas d’usage stationnaire. En lien avec Vecto, les impacts CO2 des semi-remorques et remorques seront aussi calculés. Il est également prévu l’introduction d’un OBFCM (On-Board Fuel Consumption Meter, compteur de consommation de carburant embarqué), enregistrant les données réelles d’utilisation pertinentes pour la détermination de l’énergie consommée (applicable aussi bien pour les véhicules électriques que thermiques). Celles-ci devront être transmises via la prise OBD ou bien via radio à courte portée pour les contrôles routiers. Un dispositif venant en plus des calculs théoriques Vecto. Il est acté que les utilitaires lourds de catégorie d’homologation N2, d’un PTAC compris entre 3,5 t et 4 t, auront un classement dit véhicule Euro 7ext (comme « extended » en anglais) dérivé de la norme automobile Euro 7 (qui elle-même se scindera en plusieurs sous-classements). Si la norme Euro 7 ne fixe pas de nouveaux seuils pour les véhicules légers, il n’en est pas de même pour les véhicules lourds. Pour les véhicules industriels (homologations M2, M3 et N2, N3), les

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Cummins avait présenté, lors de l’IAA 2023, un moteur Euro VII.

Les constructeurs ont dû développer de nouvelles technologies en vue de l’arrivée de l’Euro VII.

seuils d’émissions sont également revus à la baisse. Cela concerne tout spécialement les oxydes d’azote (NOx) qui vont devront être divisés par 2 par rapport à Euro VI. Dans cette même logique, les seuils d’émissions de gaz tels que le protoxyde d’azote sont sévérisés (ils étaient déjà pris en compte depuis Euro VI-D, tout comme les émissions de CH4 issus des catalyseurs). Pour les particules fines, cela représenterait une réduction de l’ordre de 39 % par rappor t aux dernières étapes Euro VI.

Le défi sera complexe pour les moteurs diesel (la mise en action des catalyseurs et leur montée en température seront plus que jamais stratégiques pour l’atteinte des objectifs). L’alimentation en HVO exclusif pourrait favoriser la réussite des homolo-

gations Euro VII pour les motoristes, car ce carburant de synthèse est dépourvu d’aromatiques polycycliques générateurs de particules. Encore faut-il que l’on reconnaisse l’alimentation au HVO exclusif, ce qui est une autre histoire. Paradoxalement, plusieurs bureaux d’études et motoristes spécialistes du GNV estiment que le passage à l’Euro VII est réalisable sans surcoût excessif pour les moteurs à allumage commandé. Ils devraient se contenter de leur classique catalyseur 3 voies complété par un petit filtre à particules. Un sacré paradoxe par rapport à la situation commerciale présente.

Hervé Rébillon et Jean-Philippe Pastre rebillon@trm24.fr et pastre@trm24.fr

Ces informations sont extraites de La veille technologique du véhicule industriel
N°17 • 03/2024 La veille technologique du véhicule industriel Pour télécharger l’édition 2024, cliquez ici s
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MAN TGX 18.640, le lion des montagnes

Malgré l’attention portée au moteur D2676 qui a bénéficié de diverses mesures destinées à abaisser la consommation, MAN ne renonce pas à son moteur D3876 à la norme Euro VI-d. C’est, très probablement, le chant du cygne (paradoxal pour une marque arborant un lion) pour ce moteur qui ne connaîtra sans doute pas de descendance en Euro VII.

S’

agissant du modèle haut de gamme, le véhicule a droit, pour cette prise en main, à la grande cabine GX associée à la finition Individual S. Un modèle clairement destiné, dans le cas de la France, aux patronschauffeurs. Le véhicule est doté à droite d’un réservoir à combustible unique de 490 l en aluminium. Mais on peut aller, avec les options, jusqu’à 1 380 l. L’AdBlue est situé côté gauche avec un réservoir de 80 l. La finition de la peinture et l’assemblage des éléments de carrosserie sont excellents, même si les jours entre les éléments datent un peu. Le moteur MAN D3876 de 15,2 l est une vieille connaissance. Il a été retravaillé en vue de l’homo-

logation à la norme Euro VI-d, mais contrairement au moteur MAN D2676, il n’a pas été revu aussi profondément que ce dernier en 2022. Les constructeurs, confrontés aux investissements colossaux dans l’électrification, ne peuvent revoir toutes leurs gammes, et le moteur D38 en a fait les frais. Il conserve donc, comme les D26 jusqu’à la norme Euro VI-c, une double suralimentation étagée avec multiples échangeurs (notamment pour le système EGR). Ce moteur est décliné de 520 ch à 640 ch. C’est cette dernière version qui fait l’objet de notre prise en main.

La cabine, revue lors du remodelage de 2020, a bénéficié d’une belle mise à jour dans ses équipe-

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ments d’infodivertissement et de télématique. Nous avons eu droit à la finition Individual S combinée à la cabine GX, haute et profonde, pouvant accueillir 2 couchettes. Seul le pont moteur était doté d’une suspension pneumatique L’ensemble était attelé à une semi-remorque Schmitz Cargobull fourgon à tridem fixe. Notre ensemble, avec son équipage, représentait une masse totale de 40 040 kg.

Moteur longue course

La menace Vecto étant liée aux volumes de camions neufs mis sur le marché par les constructeurs, il est logique que ce soit le moteur D2676 de 12,4 l, représentant de plus gros volumes, qui ait été privilégié par MAN lorsqu’il a fallu encore optimiser ses chaînes cinématiques. Le moteur D3876 de 15,2 l en Euro VI-e conserve ses caractéristiques connues depuis le remodelage de 2020. C’est un 6 cylindres en ligne, à culasse unique, doté de 4 soupapes par cylindre avec injection par rampe commune (dont la pression maximale atteint 2 500 bar). Ses caractéristiques d’alésage (138 mm) et de course (170 mm) en font un exemple parfait de moteur longue course. Cela devrait bénéficier au couple moteur et se vérifie dans les chiffres, puisque la force maximale atteint ici 3 000 Nm entre 900 et 1 380 tr/mn. Cela influe également sur le tempérament du moteur ressenti sur la route. Une fois calé à 1 100 tr/mn, il passe tous les faux plats en force sans jamais recourir à un éventuel rétrogradage, la puissance culminant quant à elle à 640 ch (ou 471 kW) à 1 800 tr/mn. Il y a donc, sur le papier, un avantage très net par rapport au MAN TGX à moteur 520 ch. Dans les faits, il n’a pas été aussi impressionnant que cela. S’il est fort, il n’est pas très vif. Outre ce caractère, il conserve d’autres spécificités typiquement MAN comme la double suralimentation étagée à géométrie fixe.

Pour la dépollution des gaz d’échappement, le constructeur recourt à la totale ; comprendre qu’il y a catalyseur d’oxydation, filtre à particules, EGR et réduction catalytique sélective SCR avec réactif AdBlue. Suralimentation et dépollution révèlent ici une complexité technique qui tend à se raréfier sur les dernières générations de camions Euro VI-d. Ce moteur est homologué pour être alimenté en gazole (norme EN 590) comme en HVO (norme EN 15490), mais pas pour le B100 ! Dommage. Quelques optimisations faites en 2022 sont transposées, en particulier au niveau des alternateurs ou des compresseurs d’air, afin de réduire les charges moteur inutiles, et donc de gagner en rendement énergétique global. Le ralentisseur primaire est la MAN EVBec consistant en une distribution variable pilotant les soupapes d’échappement. Il développe une retenue maximale de 340 kW à 2 400 tr/mn.

Pilotage électronique étudié

Sous l’appellation MAN TipMatic 12.30 DD, on retrouve une ZF TraXon 12 rapports avec démultiplication finale en prise directe. Elle comprend 12 rappor ts avant et 2 rapports arrière. L’ouverture de boîte est de 16.69, soit une valeur identique à celle montée dans le TGX à moteur D2676. Avis aux amateurs de bidouillages électroniques et de tuning : la boîte est ici à son couple d’entrée maximum admissible ! Il s’agit d’une boîte robotisée à embrayage piloté, de type monodisque à sec. MAN propose un très grand nombre de rapports de pont. Nous avions ici la configuration typiquement autoroutière en 2.31/1. Il y a là un allongement de la démultiplication assez sensible par rapport à ce que nous avions sur le MAN TGX 18.520. Cela illustre parfaitement la stratégie actuelle visant la réduction du nombre de tours moteurs plutôt que la réduction de la cylindrée en vigueur chez certaines marques entre 2000 et 2015. Mais sachez que l’on peut aller, à l‘inverse, bénéficier de rapports de ponts très courts jusqu’à 3.70/1 ! Bon à savoir en transport exceptionnel ou pour le transport de grumes.

Le pilotage électronique comprend quatre programmes. Efficiency Plus est le mode économique, il inhibe le rétro contact à la pédale d’accélérateur, empêche la sélection manuelle des rapports et interdit l’usage du programmateur de vitesses au-delà de 85 km/h. Le mode Efficiency est celui que l’on peut qualifier de normal. En prime, il laisse le

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Les lames de calandre de couleur font partie du pack Individual S.

Vue du moteur MAN D38 dans son ensemble.

Vue du turbocompresseur côté droit.

conducteur choisir, par impulsion, les rapports au levier. Le pilotage de la boîte a été suffisamment pertinent sur notre parcours pour que nous n’ayons pas besoin d’interventions manuelles ni du programme Performance. La fonction de prise d’élan du programmateur de vitesses a été très transparente. Le mode dit Performance, dont nous n’avons pas eu besoin sur le parcours, est censé modifier les points de passage des rapports et réduire le temps d’ouverture de l’embrayage. Il existe également un mode Manœuvre autorisant un pilotage plus fin de l’embrayage. Une fonction de démarrage sur surfaces glissantes est disponible sous la forme du rocking free, permettant un balancement du véhicule. Ce mode se sélectionne sur le levier de commande puis se pilote simplement à l’accélérateur. La boîte robotisée gère ensuite l’embrayage pour obtenir l’effet de balancement. Autre fonction, très appréciée : Idle Speed Driving, en langage MAN. Paramétrée pour notre prise en main, elle permet de faire ramper le camion comme avec une boîte automatique. Cela témoigne du bon pilotage de l’embrayage unique (ici un MFZ 430 Sachs). Sa progressivité n’appelle aucun commentaire, même en manœuvre serrée. Visiblement, les ingénieurs MAN ont beaucoup travaillé le pilotage de la boîte robotisée ZF. Le pont moteur, de type hypoïde est d’origine MAN (référence HY-1344) à simple réduction avec blocage manuel du différentiel en série.

Aérodynamisme et vision améliorés

Pour la finition Individual, la dotation de cabine est forcément la plus grande : la GX à surélévation, soit 3,915 m hors-tout. MAN revendique une hauteur intérieure allant jusqu’à 2,07 m. Cela se ressent po-

sitivement lors de la circulation dans l’habitacle. Elle peut être aménagée en 1 ou 2 couchettes. Nous avions ici la configuration simple couchage, en position basse avec rangements en partie haute. Cette configuration s’appelle Storage Package Plus et comprend nombre de rangements et surfaces de travail. La couchette est dotée d’un sommier à lattes, avec têtière relevable pour le repos ou la lecture. Ses cotes sont de 2 m de long, entre 70 et 80 cm de largeur.

Les déflecteurs de toit et latéraux ont des éléments prolongateurs souples sur les bords de fuite. Ces extensions visent, comme chez certains concurrents, à limiter la génération de turbulences entre le tracteur et la semi-remorque. De petits carénages ont été ajoutés sur les montants de parebrise ou au-dessus des passages de roues. Ces derniers sont un peu disgracieux et rappellent les ailerons agressifs des BMW 3.0CSL de 1972. MAN annonce gagner 1 % de consommation avec ces évolutions apparues en 2022.

La cabine bénéficiait de l’option suspension pneumatique intégrale à 4 coussins et du basculement électrohydraulique. Autre option présente à bord, les caméras de rétrovision optionnelles appelées MAN OptiView fournies par l’équipementier Vision System. Elles sont au nombre de trois, deux latérales et une sur le montant de pavillon avant droit pour remplacer l’antéviseur. Elles contribuent à la réduction des turbulences aérodynamiques, donc à la réduction des bruits aérodynamiques, des salissures sur les vitres, ainsi qu’à l’économie de carburant. Cela devrait également réduire le budget « bris de glaces » pour les exploitants. On les a surtout appréciées pour l’amélioration de la vision

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La filtration de l’air d’admission se situe à l’arrière du moteur.

directe, puisque cela supprime un angle mort fastidieux et dangereux côté conducteur lors des approches aux ronds-points.

La finition Individual Lion S comprend un pare-soleil teinté et des appliques en imitation carbone

FICHE TECHNIQUE

MAN TGX 18.640 Individual S

Moteur

MAN D3876 diesel norme Euro VI-d 6 cylindres en ligne 4 soupapes/cylindre refroidissement liquide. Cylindrée 15,2 l. Double suralimentation interrefroidie par turbocompresseurs à géométrie fixe. Injection par rampe commune. Dépollution avec EGR, catalyseur d’oxydation, catalyse SCR avec réactif AdBlue et filtre à particules. Couple 3 000 Nm de 900 à 1 380 tr/mn. Puissance 640 ch à 1 800 tr/mn.

Transmission

MAN TipMatic 12.30DD boîte robotisée ZF TraXon 12 rapports avant et 2 rapports de marche arrière. Embrayage piloté monodisque à sec de 430 mm de diamètre MFZ Sachs. Ouverture 16.69. Rapport de pont du modèle essayé : 2.31/1.

Cabine et carrosserie

Cabine GX profonde et surélevée (hauteur 3,915 m, largeur 2,44 m). Structure et panneaux en tôle d’acier. Configurations à 1 ou 2 couchettes. Suspension de cabine à 4 coussins (option). Tracteur routier de 19 t de PTAC (spécification France) silhouette 4x2. Empattement 3 600 mm. Suspension pneumatique sur pont moteur Ecas. Tare annoncée du modèle de prise en main : 7 420 kg.

sur les pare-chocs, des bras de caméra et des jantes peintes en noir. Nous avions aussi droit à un éclairage entièrement à diodes électroluminescentes (LED). Pour information, contrairement aux projecteurs à ampoules xénon, les projecteurs LED ne sont pas dotés en série de lave-phare. Pour qui roule en montagne ou sur des routes boueuses, il faut donc penser à commander l’option séparément. Les coffres de rangements latéraux extérieurs voient leur volume amputé en raison de la présence d’équipements optionnels comme le caisson de basses de l’installation audio côté droit. Même motif, même punition côté gauche à cause du convertisseur de courant 24 V/220 V.

Roulis et flux d’air

Concernant la tenue de route, rien à redire, c’est stable et sûr en toutes circonstances. La semi-remorque a également été d’une grande fidélité de comportement sans jamais nous mettre de coup de freins parasites en provenance de l’ESP. Mais le confort a été légèrement en deçà de nos attentes malgré la dotation optionnelle importante. La déception relative vient du comportement de la suspension de cabine, en particulier dans l’axe du roulis. Il nous est apparu relativement élevé dans les virages. La qualité du guidage et la suspension pneumatique du pont moteur nous ont prémuni de toute ruade sur les routes départementales entre la rocade est de Lyon et Heyrieux. Comme chez nombre de concurrents, la direction donne un bon ressenti en conduite manuelle mais devient désagréable lorsque l’on active l’assistant au maintien de file. Son guidage n’est pas en cause ; il a été très bon dès l’activation et est exempt des effets •••

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Prise

Caméras de rétrovision côté conducteur.

Intelligente répartition entre commandes manuelles directes et pommeau multimédia.

de « ping-pong » entre les lignes de signalisation horizontale. Le problème provient de la sensation au volant qui devient extrêmement artificielle. Heureusement, il peut se désactiver très simplement en appuyant sur la touche dédiée.

L’insonorisation est un sujet polémique : oui c’est globalement silencieux. Mais la visière de parebrise de l’équipement Individual (associée ici aux projecteurs longue portée en accessoires d’origine MAN) a tendance à accroître la perception acoustique du flux d’air sur le pare-brise. On ne perçoit pas de sifflement mais un souffle constant, comme sur un pare-brise d’autocar (ce qui est surprenant vu la différence de taille du vitrage avec celui du MAN TGX). Autre point à signaler : le son du moteur. Passé 1 300 tr/mn, le grondement grave du 6 cylindres se perçoit franchement. C’est grisant pour les amateurs de belle musique, mais on se passerait volontiers dans ces mêmes régimes du chuintement des turbocompresseurs. Voyons les choses positivement : lorsqu’on les entend, c’est que la consommation de gazole s’envole ! On a donc là un bel outil (inhabituel) d’aide à la conduite rationnelle.

Confort

de la finition Individual

La cabine a une largeur hors tout de 2,44 m pour une profondeur hors-tout de 2,28 m. La couchette dispose d’une longueur de 2 m, mais sa largeur varie de 70 cm (au droit du siège conducteur) à 80 cm (au niveau des coffres centraux). La sellette est ici d’origine SAF-Holland, l’empattement de 3 600 mm en tracteur 4x2. MAN annonce pour le modèle de la prise en main une tare de 7 420 kg. Le pack rangement optionnel associant coffres avant et arrière est appréciable. Il inclut également

diverses attentions plaisantes (prises 12 V et 24 V, prise USB 5 V et alimentation 230 V). La climatisation Climatronic est facile d’utilisation, très discrète (tant que l’on n’est pas en mode désembuage), et gère très bien la diffusion de l’air chaud (nous avions 6 °C extérieurs le jour de la prise en main). C’est l’un des bénéfices de la nouvelle planche de bord révélée en 2020.

La commande rotative pour les fonctions télématiques ou multimédias avec son repose-poignet est très agréable et rappellera bien des souvenirs aux propriétaires de voitures Audi (une marque du groupe rappelons-le). Le compromis retenu entre commandes classiques et pavé numérique est très bon, bien plus rapide et intuitif que chez le rival Souabe en tout cas. En option, la climatisation peut fonctionner en mode stationnaire grâce à un moteur électrique auxiliaire entraînant le compresseur jusqu’à 12 heures après la coupure du moteur. Ce système se pilote également depuis le pupitre de chauffage Climatronic principal. Les sièges optionnels grand confort revêtus avec l’option cuir et Alcantara présentent bien. Mais attention : l’Alcantara est une matière qui ne vieillit pas très bien. C’est beau quand c’est neuf, mais cela ne dure jamais longtemps. Ces sièges offrent un très bon maintien du corps. On appréciera aussi les accoudoirs rabattables ou le soutien scapulaire réglable. Petit raffinement plaisant, au chauffage vient s’ajouter ici la ventilation du siège au niveau de l’assise et du dossier, ce qui sera appréciable en été. L’ouverture des portes se fait largement à 90° et l’emmarchement est large et bien rectiligne, ce qui facilite les montées et descentes. Mais, hélas, la hauteur entre les marches nous est apparue relativement élevée.

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Prise en main 15

En conclusion

Si le MAN TGX 640 Individual S impressionne, c’est clairement par son équipement, le raffinement de sa présentation et sa finition intérieure, plutôt que par sa motorisation. Il est certes coupleux, mais conserve l’atonie assez caractéristique des moteurs MAN. La perception dépendra largement du paramétrage que vous aurez choisi pour le pilotage de la boîte robotisée. En effet, le bilan apparaît bien plus dynamique en sélection Efficient. Le problème du mode l’Efficient Plus est qu’il inhibe la commande de rétro contact permettant d’appeler ou de passer les rapports à l’accélérateur. Cela rappelle d’autres souvenirs du même genre avec l’Iveco S-Way ou le Renault Trucks T High 480. Trop souvent, ces programmations dites économiques se révèlent exagérément soporifiques.

La boîte robotisée est, comme sur tous les tracteurs

4x2 MAN TGX, une ZF TraXon 12 rapports. Elle a été en mode normal (Efficient) très appréciée, tout comme l’efficacité exceptionnelle des aides à la conduite (programmateur de vitesse adaptatif prenant en compte la topographie, finesse du radar ACC). La gestion du radar adaptatif fut remarquable dans la circulation en accordéon, en particulier sur la complexe rocade est de Lyon, cela est suffisamment rare pour être signalé.

Dans l’ensemble, on peut se poser la question de savoir si le surcoût du moteur de 15,2 l en vaut la peine par rapport au MAN D2676. Car il y a le prix d’achat mais aussi la fiscalité plus élevée et les coûts d’entretien. Ne parlons pas de la consommation bien sûr. Si elle n’est pas l’objet premier des prises en main de trm24.fr, nous avons constaté une nette différence entre les deux MAN TGX, sur le

même parcours et dans des conditions météorologiques et de PTRA similaires. La cylindrée majorée a toutefois un effet appréciable sur le frein moteur/ ralentisseur primaire MAN turbo EVBec, puisqu’ici on peut aller jusqu’à 340 kW de retenue. L’équipement Individual et la cabine rehaussée GX peuvent également être sélectionnés avec la motorisation D2676 en 520 ch. Ce petit plaisir de la ligne de finition Individual implique de menus sacrifices : le pare-soleil Individual accroît légèrement les bruits d’écoulement de l’air. L’installation audio, excellente au demeurant, empiète un peu dans le coffre latéral droit. Quant au convertisseur de courant 24 V/220 V, indispensable pour l’équipement kitchenette monté ici, il prend de la place dans le coffre de rangement côté gauche. Un conducteur (ou un acheteur) averti en vaut deux.

Jean-Philippe Pastre pastre@trm24.fr

La prise en main dans son intégralité à découvrir sur :
TRM24.fr s
N°17 • 03/2024
Vue de la couchette du MAN Individual S cabine GX.

Volvo présente son héros de l’Aero

Si Daf a conçu une cabine ad hoc correspondant aux nouvelles normes dimensionnelles de l’Europe avec son XG+, Volvo riposte, à sa façon, en modifiant la cabine des FH avec une gamme complémentaire dite Aero. Cette nouvelle homologation permet également de profiter en France de la cabine Globetrotter XXL.

Le Volvo FH Aero est une gamme disponible en parallèle de la gamme Volvo FH. Si elle constitue une gamme à part entière, et à ce titre dûment homologuée suivant la directive 96/53/EC, il s’agit en fait d’une habile association d’options et d’aménagements, comme une face avant spécifique et des rétros caméra.

Confort et aérodynamisme

Bénéficiant de l’extension possible de la longueur de 90 cm reconnue par la réglementation, cela permet aussi (voire surtout) d’homologuer enfin en France, de façon non dérogatoire, la cabine Globetrotter XXL à couchage élargi. Un confort que les conducteurs apprécieront lors des découchés, puisque la couchette gagne 25 cm en largeur. Les coffres de rangement en dos de cabine et sous

la couchette gagnent en capacité et atteignent les 600 l. La caisse en blanc ou les emboutis ne sont aucunement modifiés, les changements se concentrant sur les éléments tels que le bandeau de pare-brise, le capot, les optiques de phares et le pare-chocs avant. C’est le module avant, en matériaux composites, qui est modifié, tout comme les vitrages de phares.

Volvo en a profité pour réduire encore davantage les jours entre les éléments du bandeau supérieur de cabine. Le fenestron Globetrotter est également rendu plus lisse, afin de diminuer les turbulences aérodynamiques. Toujours par souci d’optimisation aérodynamique, les rétros caméra sont montés ici en série. En termes de dimension, les Volvo FH Aero voient leur porte-à-faux avant s’accroître de 24 cm, le profil devenant prognathe. Toute la gamme des

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16 Constructeur

motorisations disponibles sur les Volvo FH (diesel, GNL et électrique à batteries) peut se trouver déclinée en Aero. Le constructeur avance une réduction de la résistance aérodynamique de 11 % (sans nous donner de valeurs de Cx), ce qui se traduirait par -5 % en consommation, tout en se refusant à annoncer un prix. Ces résultats ne pourront qu’influencer favorablement les bilans Vecto de la marque. La commercialisation des Volvo FH Aero est ouverte depuis le 26 février dernier.

Plus puissant, plus léger

Encore plus surprenant est l’annonce par Volvo du moteur 6 cylindres en ligne D17K, une évolution du bloc D16 réalésée à 17,3 l. Le bloc reste le même, l’évolution se concentrant sur le haut moteur, ce qui permet de rééchelonner les gammes de puissances et de couple : la motorisation haute se décline en variantes de 600 ch (3 000 Nm de couple) ; 700 ch (3 400 Nm de couple) et 780 ch (avec la valeur de couple spectaculaire de 3 800 Nm). La traditionnelle rivalité entre Volvo et Scania vient de connaître un nouvel épisode. À quand le 790 ch chez Scania ? Plus sérieusement, cette cylindrée respectable a l’avantage de produire un frein moteur en ralentisseur primaire allant jusqu’à 520 kW de retenue. En prime, le moteur Volvo D17K voit sa tare réduite de 70 kg par rapport à son prédécesseur. Cela prouve que Volvo a l’intention de continuer la production de moteurs thermiques, en Euro VI et Euro VII. En outre, cela permettrait à plus long terme d’anticiper les pertes de rendement de suralimentation dans la perspective du passage à la combustion hydrogène.

Ce moteur entrera en production série à la fin de l’été 2024 et peut être commandé fin février, aussi bien sur la gamme FH que la FH Aero. Signalons pour conclure que les Volvo FM, FMX et FH « conventionnels » peuvent bénéficier de l’option caméras de rétrovision, qui fait partie de la dotation de série des FH Aero. L’équipementier est le même, à savoir Stoneridge. Si le gain de consom-

mation n’est ici pas chiffré, la marque met en avant une amélioration de l’aérodynamique, ce qui se traduit également par une réduction des bruits d’air.

Améliorations et nouveautés

Le mât portant les caméras présente le même gabarit hors-tout que les miroirs conventionnels. Volvo Trucks, venu tardivement à cette technique, a tenu à faire les choses bien, que ce soit en termes de fonctionnalités ou d’équipements de sécurité, dégivrage des lentilles pouvant être automatique ou manuel au choix, source infrarouge pour améliorer les contrastes de nuit. Cette dernière option est désormais disponible pour les commandes à compter du 26 février 2024.

Ultime nouveauté, l’introduction d’un Volvo FM Low Entry Electric. Sa définition technique est à 2 moteurs et 4 packs de batteries, quel que soit le nombre d’essieux (2, 3 ou 4). Un examen du châssis révèle que certaines carrosseries seront difficiles à réaliser, du fait de l’impossibilité de modifier les coffres à batteries. Ainsi, il n’est pas possible sur le véhicule exposé de concevoir une balayeuse sur cette base. On pourrait le voir, évidemment, en benne à ordures ménagères. L’écart de prix (non chiffré) avec les Volvo FM standards s’annonce pénalisant pour en faire un camion de distribution malgré l’optimisme affiché par les personnes présentant le véhicule. En fait, il est surtout conçu pour le marché britannique où Transport for London a émis un standard très contraignant pour le champ de vision des véhicules urbains entrant dans le périmètre de cette autorité. Comme chez Scania sur son Low Entry, l’option de porte passager avec fenestron condamne la fonctionnalité de la vitre descendante. Ce modèle est toutefois livrable en France.

Jean-Philippe Pastre pastre@trm24.fr

Constructeur 17 N°17 • 03/2024

La veille technologique du véhicule industriel édition 2024

Pour la toute première fois, notre publication rassemble les technologies primordiales des véhicules industriels, couvrant les domaines des utilitaires, des bus et cars, ainsi que des poids lourds. Cet ouvrage offre une vue complète de ce que le marché propose actuellement. En collaboration avec la FFC, l’équipe éditoriale de TRM24 vous présente

La veille technologique du véhicule industriel 2024 .

Ce document de 15 pages explore quatre thèmes essentiels : la motorisation, les sources d’énergie, la conception des carrosseries et les infrastructures. Il révèle l’évolution dynamique de l’industrie des utilitaires et des poids lourds. L’introduction de nouvelles sources d’énergie a profon-

‘‘Extraits

Énergies

« La densité énergétique comparée des carburants liquides et de l’électrochimie des batteries lithium-ion montre l’écart abyssal qui existe entre les deux modes de stockage d’énergie. Avec 1 litre de gazole, il y a environ 11 kWh d’énergie. »

Motorisation

dément bouleversé les constructeurs de véhicules industriels, les obligeant à repenser la structure même des châssis, l’emplacement des moteurs et l’autonomie. En outre, deux notes complémentaires éclairent sur la révision de la directive poids et dimensions et sur la nouvelle norme Euro VII.

pour les années à venir. Aussi curieux que cela puisse paraître, l’électrification des véhicules va renforcer l’importance de ces critères. »

veille technologique du véhicule industriel

« Le moteur thermique pourrait persister, avec l’émergence de substituts au gazole pour les moteurs diesel et l’introduction de nouveaux carburants gazeux. L’hydrogène, en particulier, se profile comme un candidat potentiel à la succession du gaz naturel véhiculaire (GNV). »

Carrosseries

« Les préoccupations constantes que sont la charge utile, la polyvalence d’usage et le prix de revient seront toujours là

Infrastructures

« La distribution des « fluides énergétiques », quels qu’ils soient, constitue un des défis auxquels vont être confrontés à la fois les énergéticiens et les clients finaux. Les énergies ne sont pas égales dans cette course au maillage. »

Découvrez

l’édition 2024 pour 39,90 € TTC seulement (prix de lancement au lieu de 65 € TTC). Paiement CB sécurisé.

18 Actualité N°17 • 03/2024

technologique industriel

BATTERIES

Arrivée d’un nouvel équipementier

Forsee Power est un nom auquel il faudra s’habituer dans l’univers du véhicule industriel, d’autant plus que l’usine de Chasseneuil-du-Poitou (Vienne) est le site dédié aux batteries pour applications lourdes (autobus, camions, ferroviaire, engins de chantier) à destination du marché européen.

Tout un symbole : l’usine de pistons en aluminium (la dernière de France), fermée en 2014 par Federal Mogul, s’est transformée depuis 2020 en une usine d’assemblage de batteries pour le groupe Forsee Power. La marque (aux origines très complexes*) a pour fil conducteur l’actuel président-directeur général Christophe Gurtner, qui explique que la vocation de Forsee Power n’est pas de développer de méga usines de batteries (même si le site de Zhongshan en Chine a une capacité de 4 GWh), mais de s’adresser à des métiers de spécialités, dont les applications mobiles lourdes. Cela concerne donc camions, autocars et autobus, engins de chantiers et maté-

* Le groupe est issu d’usines en Chine et en Pologne, et d’activités présentes en France avec Dow Kokam ou des filiales du groupe Dassault. Parmi ses actionnaires on compte Mitsui, BPI France, Eurazeo, Ballard, Maxion et la holding Dassault.

riel ferroviaire (tramways, locomotives de chantier Socofer, automotrices Skoda ou Alstom).

Marchés et partenaires

L’usine de Chasseneuil-du-Poitou compte aujourd’hui 200 salariés (sur une équipe) et peut produire 2 GWh de batteries dans sa configuration actuelle. Un potentiel qui peut être porté à 4 GWh (en 2x8, voire 3x8) à l’échéance 2028 suivant la demande du marché. En nombre d’unités, cela n’est pas forcément significatif, sachant que sur les Zen 42 une équipe peut produire de 5 à 7 packs malgré une certaine automatisation, en particulier dans le domaine de l’assemblage et des soudures. Pour les électrochimies sur ces applications, le groupe en commercialise à base de nickel manganèse cobalt (NMC), gammes Zen et Flex, ou bien lithium oxyde de titane (LTO), gamme Pulse. Il a annoncé développer une gamme Zen à électro-

20 Focus N°17 • 03/2024

chimie lithium fer phosphate de fer, afin de réduire les coûts. Ce choix d’électrochimie conditionne les cas d’usage : les NMC stockent beaucoup d’énergie mais se rechargent lentement, les LTO sont adaptées aux recharges rapides ou au biberonnage mais représentent moins de kWh. Les différents packs sont disponibles en différents formats afin de faciliter l’intégration à bord.

Pour se prémunir des aléas d’approvisionnements, Forsee Power se fournit auprès du japonais Toshiba, du coréen LG Energy Solutions ou du chinois CALB. Pour les composants électroniques, nécessaires aux cartes mères et au contrôle des éléments et des packs, le groupe s’approvisionne autant que possible en Europe, voire en France. Le fait d’avoir des usines jumelles en Chine, en Europe et aux ÉtatsUnis, permet de jouer aussi de la solidarité dans le groupe pour ces fournitures de composants. En camions, avec des volumes bien moindres, ce sont les véhicules spéciaux Mathieu (balayeuses et arroseuses) qui figurent parmi les premiers clients historiques. Le groupe a également un accord avec Ballard Power Systems, le fameux pionnier des piles à combustible. Ballard (qui est également entré au capital de l’entreprise) a commandé 20 ensembles pour sa filiale Ballard Power Systems au RoyaumeUni, afin d’équiper 20 bennes à ordures ménagères reconverties par Arcola Energy. Aux États-Unis, où le groupe s’est établi à Colombus (Ohio) afin de bénéficier du Reduction Inflation Act, Forsee Power est associé à BAE System qui a annoncé en février 2024 un camion de classe 7 équipé de ses chaînes de traction avec batteries Forsee Power (3 packs Zen 77 Plus, soit 231 kWh bruts). Le constructeur égyptien MCV a conclu un accord avec l’équipementier pour ses camions et autobus à batteries. En France, Forsee Power est fournisseur de Hyliko, une entreprise qui entend proposer une offre tout compris autour du rétrofit de camions alimentés à l’hydrogène issu d’énergies renouvelables.

De la batterie au clés en main

Si Forsee Power ne produit pas ses cellules, il homologue cependant tout le système de stockage et de gestion de l’énergie. Sophie Tricaud, vice-présidente des affaires institutionnelles, est fière d’annoncer l’homologation ECE R-100-REV3, la plus sévère pour les packs Forsee Power Zen LFP. C’est aussi pour cela

que le groupe a un accord avec le brésilien Maxion (également devenu actionnaire), afin de produire les cadres et les coffres à batteries qui ont un rôle important pour la sécurité passive en cas d’accident routier. Cela facilitera le travail des constructeurs comme des carrossiers, ces derniers constituant un marché pour lequel Forsee Power a des ambitions. La connaissance du comportement des cellules, leur contrôle systématique en entrée de chaîne de production, afin de les répartir par classe de performance comme on le faisait autrefois sur les dimensions des pistons, permet de mieux piloter l’énergie via le BMS (Battery Management System), fourni par la marque qui dispose de ses propres bureaux d’études (au nombre de trois pour la France). À ce propos, Christophe Gurtner éclaire la répartition des rôles entre constructeur et équipementier. Forsee Power a la responsabilité du pack de batteries, de leur système de refroidissement, du BMS et du master BMS. Le constructeur qui incorpore ces composants a la gestion et la responsabilité de la supervision de son véhicule (via l’Electronic Control Unit, ou ECU). Il en assure l’homologation globale via la réception par type et les fameux COC (certificat de conformité européen). Entre les deux, il faut une interface qui passe, forcément, par un développement conjoint. Cela peut prendre de 12 à 18 mois pour des applications routières. Sur le sujet du recyclage, selon Christophe Gurtner, pour le marché européen le metteur sur le marché est responsable de la fin de vie de la batterie tant qu’elle est en Europe sur le véhicule pour lequel elle a été délivrée et homologuée. Cela n’inquiète pas notre interlocuteur : « c’est quelque chose de valorisable, on fait notre affaire de vous les reprendre » Peut-être faut-il voir là l’intérêt des échanges avec Verkor. Les packs de batteries, neufs ou de seconde vie, sont également envisagés pour le déploiement de bornes de recharge à accumulateurs, là où le réseau électrique Enedis ne permettrait pas de répondre aux forts appels de puissance. « Oui, on a fait des démonstrateurs en ce sens, embarqués dans des conteneurs mobiles », confie Christophe Gurtner, qui précise que cela a intéressé Enedis. Mais il tempère : si cela apparaît réaliste pour de l’écrêtage ou des stations autonomes, les packs de batteries ne répondront pas aux besoins du méga stockage électrique.

Jean-Philippe Pastre • pastre@trm24.fr

La Zen 77 Plus représente la plus grosse unité disponible au catalogue Forsee Power pour les applications mobiles.

Focus 21 N°17 • 03/2024

Pascal Le Bourdais

Directeur Scania Rent et véhicules d’occasion, Scania France
« 12 % de nos véhicules en location roulent avec des énergies alternatives »

eMAG Transport : Comment se porte le marché de la location du véhicule industriel aujourd’hui ?

Pascal Le Bourdais : 2023 a été une année forte pour la location. La demande a été conséquente et il y a eu du retard dans la livraison des véhicules neufs chez tous les constructeurs suite au problème d’approvisionnement de certains composants. Les clients se sont tournés vers la location pour assurer leur transport. Il faut ajouter des demandes complémentaires car, une fois encore, c’était un marché assez fort. Nous avons eu aussi les prémisses des véhicules électriques et hybrides dès fin 2022, et les clients ont commencé à s’y intéresser réellement dès 2023. La communication et la sortie de nos véhicules électriques ont beaucoup joué sur ce nouvel intérêt.

eMT : Que représente le mix énergétique dans la location chez Scania ?

P. Le B. : Aujourd’hui, 12 % de nos véhicules en location roulent avec des énergies alternatives. Quand on parle d’énergies alternatives, il s’agit du B100, du gaz, de l’éthanol. Et le parc locatif a déjà de l’électrique et de l’hybride.

eMT : Les offres de location de camions évoluent ?

P. Le B. : Le service Rent offre de multiples avantages avec, comme on l’a vu, des disponibilités de véhicules en termes d’énergies mais aussi en termes de catégories. Nous proposons des véhicules en porteur comme en tracteur. Nous faisons de la location en courte et longue durée avec des périodes allant d’une journée à sept ans, voire plus. Cela dépend bien entendu des véhicules souhaités. Les autres durées chez Scania sont à partir de 36 mois. Nous sommes sur des durées plus longues (72 à 84 mois) pour les porteurs et plus courtes pour les tracteurs, car ils réalisent plus de kilomètres. C’est selon la demande du

client, en fonction de ses besoins. Concernant les véhicules électriques et hybrides que nous proposons aujourd’hui, c’est uniquement en location longue durée car nous ne pouvons pas encore nous permettre de proposer de la courte durée sur ce type de véhicule. Les nouveautés sont associées aux véhicules neufs. La location suit les modèles qui arrivent sur le marché. Les clients qui prennent de la longue durée commencent à mettre des véhicules qui sont sur parc en attendant de commander des véhicules qui seront mieux adaptés pour eux en véhicules neufs.

eMT : Les contrats de location proposent aussi d’accompagner le client dans sa gestion de parc ?

P. Le B. : Nous offrons des services associés. Nous pouvons gérer les pneumatiques, l’assurance, l’entretien, ou encore l’administratif comme la taxe à l’essieu. Les clients veulent en réalité un service clé en main avec lequel ils ont juste à gérer le conducteur, le gasoil et leur carte tachygraphe. Tout le reste, nous le faisons. Évidemment, nous avons une tarification sur mesure selon le type de véhicule et la durée. Nous nous adaptons à chaque client. Nous nous appuyons sur tout un réseau en France.

eMT : La location est la solution pour passer à un parc camion plus vertueux ?

P. Le B. : Les ZFE sont aujourd’hui un véritable enjeu pour les entreprises. Les mesures devaient entrer en vigueur à partir de 2024. Or, beaucoup de villes ont retardé cette date jusqu’en 2030. Si les réglementations continuent d’exister, elles seront moins drastiques. Conséquence : les entreprises,

22 Interview N°17 • 03/2024

principalement les petites, se sont dit qu’elles avaient le temps et pouvaient encore profiter des offres de véhicules gasoil. Et comme Scania offre une large gamme de véhicules à énergies alternatives, même si les ZFE demeurent, nous pouvons proposer toujours le B100 exclusif, le gaz et l’hybride. Nous tenons à disposition des entreprises une large gamme de véhicules fonctionnant aux énergies alternatives afin qu’elles puissent s’adapter aux normes exigées par les ZFE.

eMT : L’électrique compte parmi vos offres, l’approche est différente que pour un gasoil ? P. Le B. : Aujourd’hui, la prise de conscience est engagée par les entreprises. Ce sont elles qui sont venues vers nous pour nous demander de l’électrique, même les petites entreprises travaillant avec la distribution qui leur impose d’avoir des véhicules à énergies alternatives. Comme le gaz à une époque, l’électrique fait encore peur aux transporteurs pour différentes raisons, et comme ils se sentent obligés de faire rouler des véhicules zéro émission, ils se tournent vers la location. C’est un moyen très facile et pratique d’y accéder. En résumé, on peut tester, on peut regarder, on a des offres clé en main. Si on prend l’exemple de l’entretien, les entreprises ne savent pas encore le faire. Autre question : que vaudra mon véhicule électrique dans deux ou trois ans si je l’achète, la technologie évoluant si vite ? Personne ne sait. C’est à nous de prendre le risque, le métier de transporteur est de transporter. Les véhicules électriques sont comme l’informatique, ça évolue tout le temps. Donc, si j’achète un véhicule et que dans trois ans au niveau de la vente ça vaut zéro,

la location est sans risque. Scania Rent est vraiment confiant, car cet intérêt à l’électrique va venir rapidement. En plus, cela concerne plusieurs métiers, tout d’abord l’ultra urbain, et on commence à parler de véhicules pour le régional, notamment avec le frigo. Plus on a de la capacité dans les batteries, plus on va loin.

eMT : Quel est le profil de véhicules que vous proposez en ce moment ?

P. Le B. : Nos principales demandes portent sur l’urbain : du fourgon de la benne à ordures ménagères et du frigo. Nos derniers modèles électriques arrivent, ils sont actuellement en commande et en carrossage. Nous pouvons d’ores et déjà proposer des véhicules équipés de plateau grue, de bras ou encore de frigo.

eMT : Les aides à la location existent comme pour l’achat de véhicules zéro émission ?

P. Le B. : Dans les appels à projets gérés par l’Ademe, la location en fait partie. Mais avec une condition : il faut que ce soit le client qui monte le dossier et non le loueur. Cependant, nous accompagnons le transporteur sur le montage du dossier. Au départ, c’était des bonus qui étaient donnés pour chaque véhicule qui était acheté ou loué. C’était très facile. Pour 2024, ce n’est pas encore décidé. Nous devrions en savoir plus courant mars ou avril. Pour nous, les appels à projets restent compliqués car il n’y a pas de règles maîtrisées par le transporteur. L’année dernière, selon les modèles, l’aide pouvait aller jusqu’à 150 000 € pour la location.

Propos recueillis par Hervé Rébillon rebillon@trm24.fr

Interview 23 N°17 • 03/2024

Électricité et aides électroniques à bord

Révélée en avant-première lors du salon Solutrans 2023 sur le stand Forez-Bennes, la carrosserie bibenne-grue recèle nombre d’astuces d’ergonomie et de sécurité. Elle optimise également l’énergie, une ressource très précieuse sur un camion électrique à batteries. Le premier exemplaire de démonstration, sur châssis Volvo FMX électrique, a entamé sa tournée française.

On comprend sur cette photo pourquoi l’essieu avant est si chargé.

Entre le salon Solutrans 2023 et le mois de février 2024, Forez-Bennes a finalisé et validé le caractère opérationnel de sa dernière-née. En apparence conventionnelle, cette bibenne-grue recèle nombre d’innovations, en particulier la gestion par bus CAN des circuits de contrôle/commande et une gestion fine des besoins de force hydraulique.

Précision et sécurité

L’ensemble des fonctions de sécurité est centralisé et affiché en cabine par un écran tactile multifonction. Les alertes obligatoires, relatives à la position ouverte d’une ridelle, la grue hors gabarit, le bridage du véhicule à 15 km/h sont complétées par d’autres, comme la benne levée ou la

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24 Carrossier

barre anti-encastrement arrière relevée. Comme le rappelle Pierre-Jean Lafont, directeur général de Forez-Bennes, c’est un « changement où l’on glisse du métier de chaudronnier vers celui d’un véhicule complet instrumenté ». Cela a induit la création d’un département de R&D en 2020. La carrosserie dans son ensemble bénéficie d’une approche suivant la norme machine. Ce serait, selon Forez-Bennes, une grande première dans le domaine des bibennes. Pour parer à tout aléa lié à des défaillances de capteurs, le carrossier a prévu un système horodaté d’acquittement de défauts depuis l’écran tactile, ainsi que trois boutons d’arrêt d’urgence répartis à l’arrière, au niveau de la grue Fassi et en cabine. Certaines manœuvres exigeant du doigté et plusieurs actions simultanées des opérateurs, typiquement le basculement latéral de la benne avec le pilotage des ridelles, peuvent désormais être coordonnées automatiquement sans risque d’accrochage. Le bennage latéral inclut le contrôle de dévers. La commande en cabine exige une préhension complète pour éviter toute fausse manœuvre. Ajoutez-y une vision 360° fournie par l’équipementier Brigade Electronics, avec un affichage passant par les moniteurs intégrés en planche de bord afin de contrôler les abords du camion en circulation ou en travail. Les fonctions de sécurité ne sont pas les seules concernées par la communication électronique centralisée. Cela permet également d’optimiser l’énergie de bord, un sujet très sensible avec un camion électrique à batteries.

Très chère énergie

L’équipementier Walvoil a développé en 14 mois, à la demande de son distributeur français FTA, un pilotage électrique des distributeurs hydrauliques compatible avec le bus CAN de Forez-Bennes. Le

CHANGEMENTS EN VUE

Lors du salon Equip Auto 2023 à Lyon, les carrossiers ont évoqué lors de tables rondes l’impact des véhicules électriques à batteries sur leurs métiers. L’un d’entre eux concerne les cabines de peinture. Pas question de chauffer désormais les tunnels audelà des 45*C, afin de prévenir tout emballement thermique des cellules des packs batteries. ForezBennes a réalisé ce montage sans aucune procédure de consignation ou déconsignation grâce à une astuce lors de l’habillage du châssis. Toutes les soudures ont été faites hors véhicule, sur un gabarit reprenant les cotes de dimension et de perçage du camion réel (grâce aux plans en 2D et 3D fournis par Volvo Trucks aux carrossiers). C’est cet ensemble qui a ensuite été assemblé par boulonnage.

La révolution est dans la gestion de la force hydraulique.

débit est piloté, de 0 à 50 % de la puissance, par la seule action sur les tiroirs du distributeur hydraulique. Lorsque l’on dépasse ces 50 %, la variation du débit est assurée par le régime moteur du châssis qui se met alors en route. Pourquoi connaître les besoins de puissance hydraulique en temps réel ? Pour économiser l’énergie ! Car le châssis du camion demeure toujours le fournisseur d’énergie primaire, et avec les batteries de traction des camions électriques, l’énergie est encore plus précieuse. Sur le Volvo FMX Electric doté de 360 kWh bruts (configuration à 4 batteries) il n’y a que 252 kWh disponibles. La réduction du bruit est spectaculaire. Un résultat qui est autant dû au châssis-moteur qu’à la gestion des pompes hydrauliques. Les coffres à batteries étant intangibles, il a fallu ruser pour les béquilles de stabilisateurs, elles sont donc pivotantes vers le haut. Le porteur, d’un PTAC de 32 t légal, offre tout équipé une charge utile nette de 11 300 kg*. Il cumule les singularités avec une silhouette 8x4/4 à tridem arrière. Selon Volvo Trucks France, cette répartition des essieux donnerait un rayon de braquage 3 m plus court qu’un 8x4 traditionnel. Une manœuvre effectuée dans les locaux de Forez-Bennes confie une très bonne maniabilité de ce modèle de 3 900 mm d’empattement (le plus court proposé en 4 essieux électrique sur Volvo FMX). La suspension est pneumatique sur tous les essieux, avec un essieu 10 t à l’avant. Un équipement indispensable en raison du poids des batteries et de la grue Fassi F175A.1.23 en dos de cabine. Pour faire oublier cette surcharge pondérale, Volvo y intègre la direction assistée Volvo VDS. Cette répartition de charge rend le train avant très directionnel et limite le sous-virage. Seule inconnue, et de taille : le prix de l’ensemble. Dans l’immédiat, Forez-Bennes l’a conçu comme un démonstrateur. Le chiffrage viendra en fonction de l’intérêt que cette réalisation suscitera chez les clients. Quant au châssis, il faut compter entre 2,5 et 3 fois le prix d’un Volvo FMX diesel.

Jean-Philippe Pastre • pastre@trm24.fr

Carrossier 25 N°17 • 03/2024
* Ajoutez 1 000 kg au PTAC et à la charge utile pour tenir compte du « bonus batteries ». Mais administrativement, le véhicule reste un 32 t.

Les Rencontres de la Filière VI 2024

Les rencontres de la filière du véhicule industriel et urbain organisées par la FFC auront lieu le 10 octobre au Matmut Stadium de Lyon. L’événement, en alternance avec le salon Solutrans, réunira les acteurs et les experts du secteur avec un objectif : discuter des défis et des opportunités liés à la transition vers une mobilité plus durable dans le secteur des utilitaires et poids lourds.

Des personnalités et spécialistes du véhicule industriel, des nouvelles énergies ou encore des équipements seront présentes pour cette édition et participeront à la série de tables rondes organisées l’après-midi. Cette année, la question de l’Europe sera au cœur des débats. Car c’est à Bruxelles que se décide l’avenir du poids lourd (directive poids et dimensions, Euro VII, méga camions, etc.). Autre thème abordé :

PROGRAMME PROGRAMME

14 h - 15 h – Table ronde 1

Hydrogène, potentiel et défis d’une véritable révolution verte

L’hydrogène est aujourd’hui une source d’énergie pour les véhicules, en particulier dans le contexte des efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et promouvoir des solutions de transport plus durables. Poids lourds et véhicules utilitaires n’y échappent pas.

15 h - 16 h – Table ronde 2

Diesel, la solution à la transition énergétique ? Contrairement à l’automobile, le diesel a des chances de survivre à la transition énergétique dans le véhicule industriel. Même si les objectifs de réduction CO2 poids lourds de Bruxelles sont de 90 % d’ici 2040, rien n’interdit d’utiliser ce carburant pour faire rouler les utilitaires et les camions en Europe.

16 h - 1 6 h 15

Présentation de l’Homme de la Filière 2024

16 h 45 – Pause

l’hydrogène, nouvelle solution alternative au diesel qui arrive dans l’industrie du poids lourd. Un témoin évoquera l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur industriel du camion et dans le transport routier de marchandises. L’événement, uniquement sur invitation (il n’est pas ouvert au public), qui se veut être le rendez-vous professionnel du véhicule industriel, présentera en avant-première l’édition 2025 de Solutrans.

16 h 45 - 17 h 15 – Le Grand Témoin

L’intelligence artificielle, un allié à garder sous surveillance

L’intelligence artificielle a fait d’importantes incursions dans le domaine du transport et de la logistique : gestion des flottes, optimisation des itinéraires, maintenance prédictive, véhicule autonome. Cependant, elle soulève également des questions liées à la sécurité, à la confidentialité des données et à l’impact sur l’emploi, qui doivent être prises en compte lors de la mise en œuvre de ces technologies.

17 h 15 - 18 h 15 – Table ronde 3

Réglementation : la Commission européenne à votre rencontre

La Commission européenne a publié sa proposition de révision des poids et dimensions des véhicules de l’UE. C’est une révision importante dans la perspective du développement des véhicules zéro émission, électriques à batteries et à piles à combustible hydrogène. S’agitil d’une véritable mutation dans l’industrie du véhicule industriel ? Quelles répercussions sur la conception et la production des utilitaires et poids lourds ?

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Les coûts de la congestion urbaine

Deux études, l’une de TomTom, l’autre du cabinet Beemotion, donnent un aperçu de la situation de la congestion dans les grandes villes et de leurs conséquences pour les transports. La dégradation des conditions de circulation est générale.

Dans la doxa contemporaine, congestionner le trafic automobile favoriserait le report modal. Cette vision idyllique est toutefois rattrapée par le principe de réalité. Elle aboutit à créer toujours plus de bouchons alors qu’il y a moins de trafic routier dans les villes. Une évidence utilement rappelée par la Fnaut* lors d’une conférence tenue le 2 février 2024 : « il convient de souligner que cette aggravation de la situation est paradoxale compte tenu de la baisse de trafic constaté : réduction de moitié à Paris depuis la fin des années 1990 […]. Sur le territoire de la métropole, la baisse

* Fédération nationale des associations d’usagers des transports, agréée comme association de consommateurs militant en faveur du transport ferroviaire ou public.

a été de 25 % entre 2001 et 2018 ». Cette situation est franchement pénalisante pour les professions de santé, artisans, taxis, livreurs, mais aussi pour les transports de marchandises comme de voyageurs.

Temps de trajets allongés, pollution augmentée Interrogée sur la question, l’Union TLF déclare : « Nous n’avions que des ressentis d’entreprises. Il n’y a pas d’études ni de travaux de la part de TLF sur ce sujet ». Cependant, d’autres entités s’y intéressent comme TomTom avec son Traffic Index. L’éditeur publie les résultats de 387 villes réparties dans 55 pays. Les données sont extraites, bien sûr, des appareils mobiles utilisant les applications TomTom (soit 600 millions de systèmes actifs dans le monde).

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Sans surprise, Paris se distingue en France avec une vitesse moyenne de 23 km/h en heures creuses et de 18 km/h en heures de pointe. Cela représente, en moyenne, 120 heures de perdues en moyenne dans les embouteillages pour 2023 sur la base d’un trajet domicile-travail de 10 km réalisé deux fois par jour. Deuxième sur le podium, Bordeaux, avec un temps de parcours équivalent à celui de Paris, et une égale dégradation moyenne (+20 secondes par rapport à 2022). Lyon est en troisième position. Londres (Angleterre) figure en première place de ce sinistre palmarès des 387 villes étudiées avec 37 minutes et 20 secondes pour parcourir 10 km. Un étrange paradoxe lorsque l’on pense aux mesures prises comme la Congestion Zone. Avec ce résultat sur le trafic londonien, cette mesure se résume à une fiscalité supplémentaire. Et la situation y empire de façon rapide avec 1 minute de plus par rapport à 2022. Surprise, Dublin (Irlande) prend la deuxième place mondiale suivie de Toronto (Canada). Comme le rappelle TomTom, cette dégradation induit parallèlement une hausse de la pollution et du budget carburant. L’éditeur suggère que son Traffic Index et ses métadonnées pourraient réduire ces phénomènes.

Mais il faut se rendre à l’évidence : en France, les municipalités comme Paris, Strasbourg, Nantes, Grenoble ou Lyon organisent sciemment la dégradation des conditions de circulation. les réductions de voirie, la suppression de trémies ou la désynchronisation des feux ont un effet sur la vitesse de base atteinte lorsque les conditions sont totalement fluides. Le temps moyen perdu par trajet de 10 km s’est dégradé de 34 secondes sur Paris avec 8 minutes et 50 secondes. Bordeaux, avec une perte de temps moyenne de 8 minutes par trajet ne varie pas. On note le « succès » de la politique conduite par les élus de la Métropole de Lyon : avec une dégradation de 20 secondes et une perte de temps moyenne de 5 minutes 38 secondes cette « progression » est la deuxième plus forte de France.

Dans l’enfer des heures de pointe

Plus éclairant est le temps moyen perdu pour un trajet domicile travail de 10 km, effectué deux fois par jour aux heures de pointe du matin et du soir. À Paris, sur un temps de 1 heure et 6 minutes, les infortunés franciliens passent 31 minutes et 20 secondes immobilisés. Bordeaux, deuxième ville en termes de temps de parcours cumule 29 minutes et 11 secondes de congestion. Mais Lyon, là encore, voit ses « efforts » récompensés, puisque c’est l’agglomération qui se dispute avec Grenoble la plus forte hausse du temps passé dans les bouchons. Sur 53 minutes de déplacement, le temps perdu est de 23 minutes et 25 secondes à Lyon, tandis qu’à Grenoble, sur un parcours moyen de 45 minutes, la perte est de 20 minutes et 21 secondes par jour.

Ces données ne prennent pas en compte les pertes de temps pour les livreurs à chercher une place de stationnement ou de livraison. Dans les villes, les emplacements de livraison sont rares et souvent occupés par les riverains automobilistes. Le cabinet Beemotion, qui a étudié d’autres professionnels (les autobus), arrive à des conclusions similaires. Dans un étrange paradoxe, la Fnaut, qui plaide habituellement pour le développement du ferroviaire, des tramways et la multiplication des contraintes imposées au transport routier de marchandises comme de voyageurs, s’alarme de la dégradation de la vitesse commerciale des autobus. Surprenant, car la conséquence des suppressions de couloirs réservés au profit de pistes cyclables et autres tramways était évidente : les bus, renvoyés dans les voies banalisées, allaient inéluctablement se trouver englués dans le trafic général.

Fait à signaler : l’étude de Beemotion s’intéresse à la période 2000-2019. Or, le Covid a inspiré le développement des fameuses « coronapistes » dans nombre de villes. Le bilan que dresse la Fnaut est donc, très probablement, en deçà de la réalité. Pourtant, les chiffres sont éloquents : en 2000, la vitesse commerciale des autobus* était à Paris de 13,3 km/h pour 18,3 km/h en banlieue. En 2019, elle n’était plus que de 10,6 km/h dans Paris et de 14,9 km/h en banlieue parisienne**. Dans Paris, en heures de pointe, la vitesse commerciale des autobus n’est que de 9,5 km/h ! Bruno Gazeau, président de la Fnaut, rappelle que cette baisse en heure de pointe induit un handicap supplémentaire : cela réduit la capacité horaire des lignes, dégradant l’efficience totale du système.

* Vitesse commerciale : vitesse moyenne pour aller d’un terminus à un autre en service commercial. C’est celle que peut calculer un voyageur. C’est la distance d’une course divisée par le temps nécessaire pour l’effectuer.

** Source : RATP.

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La congestion : un coût pour la collectivité Cela se vérifie ailleurs, comme à Nantes, ville étudiée par Beemotion. Comme le rappelle la Fnaut dans son document de synthèse : « la vitesse est un élément essentiel de la qualité de service ; elle est associée à la ponctualité, à la fluidité de l’offre ». On peut ajouter que pour les voyageurs des transports en commun, c’est un élément d’attractivité face aux autres modes de déplacement. Pour les exploitants, c’est une notion qui impacte très directement les coûts, pas seulement par les heures perdues des conducteurs ou les consommations énergétiques. Pour les réseaux, le maintien des fréquences aux arrêts dans un contexte congestionné impose d’accroître les unités d’œuvre (moyens humains et matériels) sur la ligne considérée. Cela peut vite chiffrer pour les exploitants (donc les autorités organisatrices) : toujours selon la Fnaut, le coût de congestion annuel sur les transports publics de voyageurs est estimé sommairement à 300 M€ chaque année. Dans les réseaux les plus lents mentionnés, on compte plusieurs villes ayant opté pour le tramway ! Strasbourg passe de 14,5 km/h en 2013 à 12,8 km/h en 2021, Montpellier de 13,2 km/h à 13,1 km/h et Nancy chute de 13,8 km/h à 10,6 km/h !

Sur l’examen détaillé de deux lignes nantaises (C5 et C7 n’ayant pas connu de changement de parcours entre 2014 et 2019), le cabinet Beemotion constate que la densification urbaine a joué un rôle majeur. C’est ce qu’Olivier Delerue, chef de projet à la Semitan nomme « l’effet SimCity » (en référence à un jeu de simulation vidéo très connu). Elle appelle davantage de trafic routier mais induit aussi une multiplication des traversées piétons, ce qui se trouve également confirmé par la hausse de fréquentation des lignes. Cela peut avoir un effet sur le temps

d’échanges passagers aux arrêts. On constate ici un des effets néfastes de la montée par l’avant qui s’est généralisée en France (mesure absurde sur des véhicules capacitaires comme les autobus articulés). De même, l’abaissement des vitesses maximales a eu un impact car les conducteurs ne peuvent plus « refaire leur retard » en bout de ligne. Comme le rappelle Benoît Oillo, directeur associé de Beemotion : « si la vitesse maximale est diminuée, il y a forcément un impact sur la vitesse commerciale » Sur les lignes étudiées, différents tronçons sont passés de 70 km/h à 50 km/h et d’autres de 50 km/h en zone 30. Certains exploitants dans de grands réseaux ont estimé le coût du passage aux zones 30 à plus de 580 000 €/an. Dans le cas de Nantes, il est relevé que l’augmentation de la circulation des vélos dans les couloirs bus a été significative dans la période étudiée (avant Covid). Depuis, les vélos cargos et autres cyclo-remorques ont proliféré, gênant d’autant plus le trafic dans les couloirs réservés. Beemotion a constaté, avec la même méthodologie qu’à Nantes, de très fortes baisses de vitesse commerciale à Strasbourg depuis le passage à une voie banalisée unique sur certaines voies pénétrantes. Les autobus y sont englués puisque la voirie dégagée l’a été au seul profit des deux roues légers et engins à roulettes. Il y a été relevé des vitesses commerciales autour de 5 km/h en heures de pointe, soit une vitesse équivalente à la marche ! Selon l’Union des transports publics (UTP) les plus fortes dégradations de performances l’ont été sur les agglomérations de plus de 250 000 habitants. Avec un tel gaspillage de temps et d’énergie, c’est sûr que l’avenir est au camion de livraison électrique !

Jean-Philippe Pastre • pastre@trm24.fr

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