TRAJECTOIRE 131 (automne 2020)

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RAISED AROUND THE WORLD

n°131 Automne 2020

BORN IN LE BRASSUS

Secrets de famille

La loi du silence SOS LANGAGE Le gros seum de Molière

LA CULTURE

fait de la résistance

MADE IN CHINA

Le grand n’importe quoi JEAN-PAUL GAULTIER Révérence et retrouvailles

B O U T I Q U E S AU D E M A R S PI G U E T : G E N È V E | C R A N S - M O N TA N A

Automne 2020 N°131 | CHF 6.–

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Dédier, comme tous ils le font, des vers aux financiers ? Se changer en bouffon dans l’espoir vil de voir,

aux lèvres d’un ministre, naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ? Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ? Avoir un ventre usé par la marche ? Une peau qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ? Exécuter des tours de souplesse dorsale ? Non, merci ! D’une main flatter la chèvre au cou, cependant que, de l’autre, on arrose le chou, et donneur de séné par désir de rhubarbe, avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ? Non, merci ! Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce, grimper par ruse au lieu de s’élever par force ? Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy, faire éditer ses vers en payant ? Non, merci ! Travailler à se construire un nom sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ? Non, merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ? Etre terrorisé par de vagues gazettes et se dire sans cesse : « Oh ! pourvu que je sois dans les petits papiers du Mercure François » ?… Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême, préférer faire une visite qu’un poème, rédiger des placets, se faire présenter ? Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter, rêver, rire, passer, être seul, être libre, avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre, mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers… Pour un oui, pour un non, se battre – ou faire un vers ! Travailler sans souci de gloire ou de fortune, à tel voyage, auquel on pense, dans la lune ! N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît, et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit, sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles, si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles ! Et s’il advient d’un peu triompher, par hasard, ne pas être obligé d’en rien rendre à César, vis-à-vis de soi-même en garder le mérite… Bref, dédaignant d’être le lierre parasite, alors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul, ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! *** Eh oui… ce virus a porté un coup sévère à la presse écrite déjà largement fragilisée, et les moments fous que nous traversons ne font que confirmer la crise latente subie par ce secteur. Sans échanges directs, difficile de réaliser des magazines vivants. Sans calendrier culturel, difficile de réaliser des sujets mordants. Sans contrats, difficile de réaliser… des magazines. Aussi, quand par la force des choses, annonceurs et partenaires ne souhaitent plus investir, il est temps pour Trajectoire de tirer dignement sa révérence avec élégance et en conscience, tout en se remémorant avec émotion ce parcours éditorial passionnant. Et surtout en vous remerciant tous, chers lecteurs, partenaires, amis, photographes, journalistes et cher éditeur, qui avez contribué à faire de ces 28 années une belle aventure.

Merci et… au revoir ! et love it ! *** Extrait de la tirade de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand (Acte I, scène 7) Par Siphra Moine-Woerlen, directrice de la rédaction 9


IMPRESSUM

ÉDITEUR

André Chevalley

DIRECTRICE DE LA RÉDACTION Siphra Moine-Woerlen

MODE & BEAUTÉ

ENQUÊTES & REPORTAGES

Grand format, photoreportage Raffaele Petralla Sujets de société Manon Voland

Couture Diane Ziegler Beauté Martine Tartour

COVER STORY

HORLOGERIE & JOAILLERIE

Texte Manon Voland Cover Frédéric Stucin

Marie Le Berre

SHOOTING HORLO

CULTURE & ART DE VIVRE

Photographie Manon V. Modèle Léo M.

Delphine Gallay, Stéphane Léchine

ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO

Textes Charles Accarisi, Christine Brumm, Emma Dexter, Juliette Herger, Tatiana Pittet, Daniel Steck Relecture Adeline Vanoverbeke

CHEF D'ÉDITION

DIRECTION ARTISTIQUE

Delphine Gallay

Mélanie Mouthon

PUBLICITÉ

COMMUNITY MANAGEMENT

Philippe Perret du Cray - info@trajectoire.ch

Yousra Mameche

IMPRESSION & PHOTOLITHOGRAPHIE Kliemo Printing

WWW.TRAJECTOIRE.CH Trajectoire, une publication du Groupe Chevalley | Chemin de la Marbrerie 1 – 1227 Carouge – T. +41 (0)22 827 71 01 ©Trajectoire | La reproduction, même partielle, du matériel publié est interdite. La rédaction décline toute responsabilité en cas de perte ou de détérioration des textes ou photos adressés pour appréciation.

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CONTRIBUTEURS

© Francesco Merlini

& complices

Raffaele Petralla

A l’heure des grandes remises en question, le photoreporter Raffaele Petralla nous embarque, pour ce nouveau Grand Format, dans les coulisses de la ville du « made in China », Yiwu, le plus grand bazar du monde. Raffaele Petralla soulève en images les dérives du capitalisme et notre part de responsabilité dans cette délirante surconsommation. Lauréat de nombreux prix, membre de l’agence Prospekt Agency et fondateur du collectif Ulixes Pictures, le photographe romain travaille ponctuellement avec National Geographic, GEO, The Washington Post, The New Yorker, Vice ou Der Spiegel.

Frédéric Stucin

Sa spécialité ? Tirer le portrait des personnalités du monde politique et culturel sous un angle insoupçonné. Habitué des grands titres, Frédéric Stucin compte parmi les fidèles de Libération. Auteur de nombreux ouvrages, ce grand portraitiste contemporain se glisse d’un registre à un autre avec la souplesse d’un chat… Dernier succès en date, la parution d’Only Bleeding aux Editions Le Bec en l’air. Pour cette 131e cover de Trajectoire, le photographe s’attaque à un génie du cinéma, Benoît Poelvoorde, et parvient à capturer au plus près la part de mystère et de vulnérabilité de ce grand surexcité.

Philippe Quaisse

Au début des années 1990, Philippe Quaisse fait ses classes dans la photographie de mode et vogue entre New York et Miami. Rapidement, il réalise que son truc à lui, ce sont les artistes sur scène et sur grand écran. De retour en France, il s’attaque aux plus grandes célébrités en laissant éclater au grand jour une certaine vérité au travers de leur regard. Et quand ce grand portraitiste dérobeur d’émotions ne travaille pas pour la presse, il signe ses propres productions et plie bagage à la première occasion pour se reconnecter en douceur, « loin des étoiles».

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SOMMAIRE

© Raffaele Petralla

Rentrée 2020

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L’ÉDITO TRÈS SPÉCIAL

de Siphra Moine-Woerlen

RENDEZ-VOUS 18 LE MOT DU MOMENT

Le flygskam

26 J’EN PERDS MON LATIN

Petit traité de langue française chez l’ado

34 BILLIE EILISH

Xanax, Grammies et cheveux verts

44 CHAMBRE 622

En tête à tête avec Joël Dicker

52 TO BE OR NOT TO BE

Leçon de vie avec Być

MAGAZINE 60 BENOÎT POELVOORDE

A visage découvert

64 GROSSOPHOBIE

On en parle ?

68 INCESTE

72

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Le secret des secrets

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UNE PRESTATION DU PROGRAMME AVANTAGE SERVICE

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ART DE VIVRE 32 WHAT’S UP SWITZERLAND ?

Adresses de saison

130 PETITES ADRESSES

Pour s'évader

136 UN ALLER SIMPLE

Pour Marrakech

© Philippe Quaisse/Pasco

HORLOGERIE 84 SÉLECTION HORLO

Best of de la rentrée

94 HAUTE JO

Bijoux, vous avez dit bijoux ?

AUTO, MOTO, ÉCO ! 102 BELLES MÉCANIQUES

GLB : à sept dans ma Benz Bentley Continental GT, qui dit mieux ?

104 NETLFIX Tire les oreilles de Mickey

MODE & BEAUTÉ 114 JEAN-PAUL GAULTIER

Ce n’est qu’un au revoir

120 LES ICONIQUES DE COCO

La maille, une révolution signée Chanel

124 RITUELS BEAUTÉ

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(Ré)apprendre à se faire du bien


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Le mot du moment

On décrypte

LE FLYGSKAM Slow travel

© Eutah Mizushima

© Charles Forerunner

Qu’à cela ne tienne, pour ceux qui ont la bougeotte, il reste toujours l’option du train. Surtout quand on sait qu’il pollue dix fois moins qu’un Boeing. Bouder l’avion, donc. Changer ses habitudes, son rapport au temps… Et remonter dans les trains ! Effet boule de neige, l’ère flygskam a donné naissance au tagskryt (fierté du train) ou l’art de se vanter de voyager en train. Chacun y va désormais de son petit hashtag sur les réseaux sociaux (forcément) et limite ses déplacements tout en prenant le parti d’aller d’un point A à un point B lentement.

Les Suédois ont-ils un train d’avance ? Non, il ne s’agit pas du dernier meuble en kit de nos amis suédois. Au pays de Greta, le phénomène du flygskam (« honte de prendre l’avion ») est très sérieux, et a même fait son entrée dans le dictionnaire. Soucieux de faire un geste pour la planète en réduisant leur empreinte carbone, les écolos (petits et grands) ont décidé de boycotter en masse les avions. Prise de conscience collective, sentiment de culpabilité ou conviction environnementaliste, toujours est-il que l’aviation a pris un coup dans l’aile au départ des aéroports suédois (-400'000 passagers l’année passée), et que la tendance a commencé gentiment à se répandre au-delà des frontières du Grand Nord... et ce, avant même que la foudre coronavirus ne s’abatte sur le monde et ne chamboule les esprits. On a tous en mémoire la traversée de l’Atlantique en voilier de Miss Thunberg ou son périple de 32 heures en train pour pousser une gueulante au Forum économique mondial de Davos... Devenue le gourou et le modèle de toute une nation, l’activiste en a inspiré plus d’un à travers le monde. L’idée ? Appliquer ce que l’on prêche (et le faire savoir sur les réseaux), sans oublier de pointer du doigt le vilain voisin qui s’envole pour un oui ou pour un rien.

Bilan carbone Hommes d’affaires, voyageurs et aventuriers ont désormais la possibilité de soulager leur conscience écologique. Pour se déculpabiliser, il existe plusieurs sites qui permettent ainsi de calculer et de corriger sa consommation de CO2. Parmi eux, GreenTripper.org propose aux green travellers de compenser financièrement leur empreinte carbone via un système de taxes (environ 5 % du billet d’avion) reversées à divers projets environnementaux à travers le monde.

OPÉRATION SÉDUCTION Face à la crise climatique et sanitaire, mais aussi pour redorer son image auprès du grand public, le secteur aérien a décidé de riposter et de se creuser les méninges en matière de biocarburants, d’énergies renouvelables, de chasse au plastique et de flottes dernière génération moins gourmandes en kérosène… Prochain enjeu des constructeurs : l’avion électrique. Mais il faudra encore un peu de patience avant de voir débarquer cet appareil propre et silencieux... Objectif 2030 ! —

Par Delphine Gallay

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Le seum de Molière

J’AI LE S E UM !

J’pénave comme j’veux, mamène !* Vous n’avez rien compris ? Moi non plus, jusqu’à ce que je demande à mon petit cousin, qui m’a cité Lorenzo, Les Marseillais et Aya Nakamura. Nouveaux mots badass, expressions cray cray et

américanismes, la langue française serait-elle en train de mourir ? Par Manon Voland

*Je parle comme je veux, mon gars !

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WESH,

comment tu me parles «O

h Djadja, y’a pas moyen Djadja, J’suis pas ta catin Djadja, genre en Catchana baby tu dead ça. » Plutôt envie de mover votre boule ou de vous couvrir les esgourdes quand Aya Nakamura s’invite dans votre salon ? Si vous avez perdu foi en l’espèce humaine à l’écoute du titre au plus d'un milliard de vues sur YouTube, et surtout votre sens de la compréhension du français, le chanteur Jonathan Krego – ancien candidat de The Voice Belgique – vous a entendu et compris. Avec sa version du titre en français soutenu, Djadja devient Jean-Jean, et la Catchana « la levrette vous la vîtes dans vos rêves ». Plus clair ? Vu le propos, on aurait presque préféré continuer à ne rien y comprendre pour se déhancher incognito – ou en soumsoum, comme ils disent maintenant – en toute innocence et ignorance. La gênance. Débat vieux comme Hérode, Mathusalem ou le monde – à chacun son saint auquel se vouer –, le clash des générations qui ne se comprennent plus, autant idéologiquement que verbalement, se fait généralement à coups d’articles et de bouteilles lancées à la mer sur des forums, « SOS, comment parler l’ado avec mon enfant ». Effarant. Mais les parents ne sont pas les seules âmes terrorisées par le changement de lexique de leur

progéniture, les ieuxv académiciens crient également au blasphème de leur belle et pure langue française. On a cloué au pilori les réseaux sociaux, l’anglophonisation, l’addiction aux smartphones et la perte d’attention qui en découle, ainsi que les médias, trop souvent dans l’urgence de l’instantanéité, et les journalistes, obligés de pondre des copiés-collés de phrases toutes faites en manque de vocabulaire fertile. Tmtc (toi-même tu sais). On blâme aussi (et pas à tort) la téléréalité et ses candidats en chien de notoriété, prêts à paraître aussi peu intelligents que possible et à rendre la réflexion superflue, parce que, bon, allô quoi ! Mais céder à la paresse en renonçant à utiliser un jargon soutenu et varié – ou à utiliser correctement les expressions de la langue de Molière, car ce n’est pas « au vieux singe qu’on apprend à faire des limaces » (John-David, Secret Story 2) fait craindre un risque d’appauvrissement du langage. On reproche aux enseignants et à l’éducation de n’avoir pas assez serré la vis, d’avoir négligé les fautes d’accent et de ponctuation, d’avoir généralisé le tutoiement ; aux écrivains d’avoir préféré le présent aux temps complexes, d’avoir usé de poncifs et d’adjectifs convenus, et d’avoir troqué le français écrit contre le français oral, bien moins distingué ; et à Twitter de nous avoir limité à 140 caractères, inhibant toute imagination et

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GARDE * LA SCHWEPPES  ! *Garde la pêche !

prose superflue. L’essentiel est désormais de transmettre un message d’un individu A à un individu B, sans chichis. Adieu les phrases à rallonge proustiennes et les descriptions minutieuses de Tolkien. C’est la hess. Pourquoi donc s’inquiéter d’une potentielle réduction de notre vocabulaire, tant qu’on peut se comprendre ? On s’en balec. En partie parce que les subtilités qui se cachent derrière des synonymes, les nuances, nous permettent d’exprimer pleinement nos émotions et notre pensée. Ainsi, pouvoir adapter son langage à une situation, c’est être maître de ses propos et du sens qu’ils véhiculent, pour transmettre clairement sa liberté de penser. Notre société discrimine sur le discours que l’on tient – ou que l’on ne peut pas tenir –, sur notre orthographe et notre vocabulaire. On refuse de débattre avec un internaute qui ne sait pas écrire sans fautes sur Facebook, on balaye la candidature d’un postulant qui a écrit post sans « e », et on montre du doigt l’élève qui a (encore) oublié dans sa dictée que s’il peut être remplacé par vendre, le verbe du premier groupe se termine par –er. Le langage différencie et est un facteur de dé-sélection sociale. Par ailleurs, lorsque l’on ne peut plus mettre de mots sur ses sentiments, ou que l’on utilise des mots sans les comprendre, la violence prend souvent le pas sur le dialogue, le coup de poing sur les phrases structurées. Prenez le mot « dictature », loin d’être anodin, balancé sur Instagram

L’ESSENTIEL EST DÉSORMAIS DE TRANSMETTRE UN MESSAGE D’UN INDIVIDU A À UN INDIVIDU B, SANS CHICHIS.

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POUVOIR ADAPTER SON LANGAGE À UNE SITUATION, C’EST ÊTRE MAÎTRE DE SES PROPOS ET DU SENS QU’ILS VÉHICULENT POUR TRANSMETTRE CLAIREMENT SA LIBERTÉ DE PENSER.

par l’ex-miss téléréalité Kim Glow – dont le degré de vulgarité et de non-sens n’a d’égal que le nombre de photographies de son cul – pour parler de la Tunisie, où elle attendait de se faire rapatrier en France au début du confinement. Sa justification face aux réactions outrées des internautes ? « C’est quoi cette polémique sur le mot dictature que j’aurais dit ? Alors, écoutezmoi bien, j’étais en stress, apeurée, je sais même pas ce que c’est une dictature. » Ridicule ? De ouf.

dernier Larousse ne sont que des symboles de l’évolution naturelle de notre belle langue ? Un français qui part à la croisée des langages et des communautés qui gravitent autour de lui et qui leur emprunte de nouveaux jargons pour se compléter et s’enrichir. Parlée par plus de 300 millions de personnes de par le monde en 2019, la langue française s’apparente à un voyageur qui évolue au fil du temps, de ses explorations, de ses rencontres, des expériences qu’il vit et des usages qu’il apprend. Anglais, arabe, espagnol, dialectes africains, verlan, culture street, nouvelles technologies et francophonismes – ces termes si judicieux que l’on se demande pourquoi on ne les avait pas inventés avant, parmi lesquels siester (faire la sieste), confiturer (tartiner une confiture) ou le si mignon bêtiser (dire des bêtises)  –, tant de sources dans lesquelles le français puise pour évoluer, se mondialiser et ressembler un peu plus, à chaque mot supplémentaire, à ceux qui le parlent.

L’histoire et la littérature sont au demeurant (et pas demeurées) riches en exemples narrant les dérives de la disparition et du mauvais maniement des mots, souvent volontaires. En plus du très symbolique acte de brûler des livres, le régime nazi dépouilla la langue allemande de ses termes les plus controversés, changea le sens de ceux qui l’arrangeaient, à la manière de Betreuung (prise en charge), terrible euphémisme pour désigner l’assassinat des personnes handicapées, et matraqua ceux qui lui donnaient du pouvoir, Arbeit macht frei restant le cas le plus glaçant. Dans 1984, George Orwell alerte aussi sur le risque d’anéantissement de la pensée par une dictature (encore elle) qui détruit une langue. Big Brother y proscrit tous les mots qui pourraient aider à diffuser des pensées interdites et des idées non conformes à celles du système. « A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée, car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. […] La révolution sera complète quand le langage sera parfait » (1984, 1949).

Pour l’amoureuse de la langue de Molière que je suis, nulle crainte : la disparition du français ne pointera pas à l’horizon tant qu’on y ajoutera toujours des mots, bleus, blue ou de n’importe quelle autre couleur. Et sorry not sorry pour les puristes. —

Néanmoins, à force de pratiquer la pensée critique et le vocabulaire complexe – comme prescrit par l’Académie française –, on en arrive à se demander si, finalement, ceux qui se plaignent le plus d’un appauvrissement de la langue française ne seraient pas simplement angoissés à l’idée de perdre leur monopole sur la pseudo-intelligence prodiguée par le bon parler. Peut-être qu’ils ne sont en fin de compte qu’une bande de rageux qui ont le seum, et qu’ils sont à deux doigts d’être en dep, voire de finir en PLS parce que leur inclination à mettre un « ph » à orthographe tend à disparaître au profil d’un « f » bien plus logique. Est-ce que ces mots et expressions fredonnés dans les chansons des plus jeunes que nous, que l’on saisit au vol dans une conversation de rue ou que l’on découvre dans les ajouts au

C’EST la GENANCE !

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Pensée du jour

Et si c’était cool

DE NE PAS ÊTRE COOL ? Question : dans un monde d’image(s) et de moutons blancs, la diffé-

©Mylene2401 Pixabay

rence et le non-conformisme matériel et identitaire seraient-ils en passe de devenir le nouveau cool ? Si les marqueurs sociaux, les symboles et les signes d’appartenance à un groupe sont au diapason du style, la fixette mentale pour rentrer dans le moule du cool, quitte à ressembler comme deux gouttes d’eau à Pierre, Paul et Jacques pour rassurer son petit ego, a de quoi laisser pantois. Car, à bien observer les disciples du cool, on est en droit de se demander si le besoin de reconnaissance et l’assurance d’un homme se mesurent en nombre d’actifs et de « it » siglés ou bien, au contraire, à une personnalité affirmée. Un portrait de l’étalage communautaire certes caricatural, mais qui, force est de le constater, frise parfois le ridicule et un manque certain de personnalité.

A la question « Maman, je n’ai pas l’iPhone 11, tu crois que j’ai raté ma vie ? »,

vous pouvez répondre : « Non, mon lapin. Claquer 1'000 francs pour un smartphone, c’est un peu couillon… Tu ne penses pas ? »

Le cool arrosé Une idée qui fait doucement marrer du côté des apôtres du contre-cool… Pourtant, il n’est pas question de marginaliser les modeurs ou de bouder le beau – parce que savoir se faire plaisir est aussi un cadeau ! –, mais plutôt de garder les pieds sur terre et de faire appel à son bon sens – qualités en or par les temps qui courent. Alors, face à ceux qui essaient de nous prouver par A + B que l’herbe est plus verte chez eux que chez le voisin, à la fille parfaite d’Insta qui se rassure avec une vie formatée alors qu’elle-même ne sait plus prendre le temps d’apprécier son café latte, on peut s’interroger : à quoi bon impressionner les autres quand on a oublié d’être soi-même ? Alors, oui, votre MacBook est peut-être vintage, mais j’espère que vous avez encore la sagesse de boire chaud votre café latte !

Dans un monde d’étiquettes et de surconsommation, soufflerait-il un vent de rébellion ? Rébellion, on ne sait pas, mais être à la page de tout et de n’importe quoi et s’enferrer dans les diktats de ce qui est la mode et de ce qui ne l’est pas arrivent peu à peu à saturation. Et si, tout compte fait, être dans le coup avait l’effet inverse de celui attendu ? A chacun son masque du cool et de l’illusion. Toutefois, l’épisode sombre du Covid-19 aura peut-être permis à certains de remettre l’église au centre du village, en jaugeant davantage les priorités de leur vie et en prenant le temps de balayer devant leur porte et de réviser leurs jugements. Tout bien réfléchi, ni toi ni moi n’avons besoin de nous gaver de sushis et de poke bowls pour être dans le coup. Pas plus que d’aller à un cours de gym suédoise ou de souscrire un microcrédit pour se payer les sapes du moment pour comprendre qui l’on est.

Nota bene : la définition du cool et de la réussite n’est pas universelle, et est heureusement très personnelle. Car tout est affaire de style et de liberté. Et comme une certaine Coco Chanel le soulignait justement : « La mode se démode, le style, jamais ! » —

Par Delphine Gallay

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NOUVEAU

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*Test clinique ou instrumental sur 35 femmes


What’s up Switzerland ?

LE PÉROU à Genève

LA PLUS BELLE

pour aller danser

Entre deux rives du Pacifique, on a trouvé la belle adresse pour découvrir la cuisine nikkei de la meilleure façon qui soit. Véritable pont entre le Pérou et le Japon, la table du Yakumanka compose le nec plus ultra « minute » de la gastronomie de ces deux pays du bout du monde. Ingrédients phares, métissages improbables, art de la mise en scène, quelques joyeuses tournées de piscos divers et variés… ce soir, l’ambiance est à la fête et à la nouveauté ! Depuis les cuisines ouvertes, le chef César Bellido (bras droit du grand Gastón Acurio) et sa brigade sont à l’œuvre. Petit tour de la carte avant de donner carte blanche à notre délicieuse hôtesse... Seul mot d’ordre : « Surprenez-nous ! » Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne s’y est pas trompée. Défilé de plats signatures, de saveurs et d’associations insoupçonnées – ceviche, tiraditos, nigiris, loup de mer, poulpe et bœuf grillés et desserts à tomber. Il est minuit passé, la cevicheria va bientôt fermer… Nous passons en douceur au MO Bar juste à côté pour un petit dernier ! YAKUMANKA Mandarin Oriental – Quai Turrettini 1 – 1201 Genève – www.yakumanka.ch

Par Delphine Gallay

On fait LE BILAN !

A tous ceux qui auraient besoin d’un coup de pouce pour retrouver la ligne, on a trouvé la bonne adresse. Chez Fit Station, l’heure est au bilan et aux solutions de fond ! Mincir, c’est bien, mais rebooster sa santé, c’est encore mieux ! Dans cette nouvelle arcade du passage des Lions, on fait la chasse aux kilos, mais on débusque et on traque également l’origine de ce surpoids. Après un premier centre et espace fitness à Lausanne et à Paris, c’est au tour de Genève de proposer un « état des lieux » et un panel de solutions personnalisées grâce à un coaching parfaitement ciblé et à la crème des équipements haute technologie de santé – scanner 3D, thermographe, bilans calorique et impédancemétrique, ultrasons –, histoire de déstocker naturellement et sur la durée ! FIT STATION Rue du Rhône 8 – Passage des Lions – 1204 Genève | Rue Marterey 28 – 1005 Lausanne www.fit-station.care

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Vous êtes invitée au bal des débutantes ou au mariage de la cousine Sophie ? Encore un événement mondain pour lequel il vous faudra porter une robe griffée qui risque de vous coûter un saladier et de dormir au fond du placard pour les dix prochaines années. C’est là que le showroom Girls Gown Bad intervient en proposant à la location des robes de soirée de grands créateurs et de designers émergents. Intemporelles, sobres ou excentriques, il y en a pour tous les goûts et toutes les occasions. Un luxe à la demande, une consommation plus responsable et un banquier heureux… Le calcul est vite fait : pourquoi acheter quand on peut louer ? SHOWROOM GIRLS GOWN BAD Rue Jean Calvin 6 – 1204 Genève www.girlsgownbad.com


UN GOÛT DE

bout du monde

On pourrait se croire aux Maldives, mais non, on est bien au bord du lac de Neuchâtel. Avec un décor (sur)naturel, la bulle sur pilotis du Palafitte – vestige de l’Expo.02 – est à ce jour le seul établissement hôtelier d’Europe construit sur l’eau. Pavillons flottants, design épuré, ici, tout n’est que luxe, calme et volupté. Depuis votre lumineuse et vaste suite sur les flots, l’instant est à la divine paresse et à une totale déconnexion. Difficile alors de rêver plus belle carte postale. Cinquante nuances de bleu, le lac et les Alpes pour seuls voisins, les clapotis de l’eau en fond sonore… et, ô bonheur, une échelle depuis la terrasse privée, qui offre un accès direct au lac pour les baigneurs. Les pieds dans l’eau, le Palafitte partage avec ses hôtes sa passion des sports nautiques et met à disposition des paddles, des canoës, des vélos et même des cannes à pêche pour vivre pleinement l’expérience lacustre. Côté gastronomie, sous la houlette du chef Maxime Pot, La Table de Palafitte décline en finesse ses propositions gourmandes au fil des saisons, avec les étoiles pour seul horizon.

Dans MA BULLE

HÔTEL PALAFITTE***** Route des Gouttes-d’Or 2 – 2008 Neuchâtel www.palafitte.ch

Si Paris est un peu votre deuxième maison, nous avons trouvé le nid douillet de vos prochaines virées. Côté situation, on est pas mal, pas mal du tout : en plein Marais, à deux pas du BHV et de l’Hôtel de Ville, avec, d’un côté, le Quartier latin, de l’autre, Rivoli, Beaubourg… Paname ne vous aura jamais semblé aussi petit ! Créé dans les années 1920, l’hôtel familial Duo a vu défiler quatre générations de femmes. Intimiste, confidentiel… Duo est la planque idéale. Dans un esprit contemporain, place à un mix réussi : élégante sobriété, design et touches vitaminées… Intramuros, vous êtes ici au calme, loin de l’effervescence du Marais. Pas étonnant que ce 4-étoiles de charme soit devenu le repaire secret des gens de passage ou des habitants du quartier. Atout cœur du boutiquehôtel ? Le coin lounge et son patio baigné de lumière.

HOME sweet HOME

DUO**** 11, rue du Temple – 75004 Paris – www.duo-paris.com

CŒUR de Berlin

De passage dans la réjouissante capitale allemande ? Cédez sans hésiter aux attraits du très séduisant Hôtel de Rome. Voisin immédiat du remarquable Staatsoper, à quelques pas de l’île des Musées et du palais du Reichstag, sa situation rêvée aux abords de l’avenue historique Unter den Linden en fait un lieu de séjour prisé. Jadis siège d’une grande banque, aujourd’hui perle hôtelière signée Rocco Forte, l’endroit ne manque pas d’atouts, parmi lesquels le spa, installé dans l’ancienne enceinte des coffres, le pimpant bar-terrasse sur les toits, l’escalier d’antan paré d’un luminaire étourdissant ou la spectaculaire salle de bal, où luit un terrazzo d’origine. Le charme des chambres et suites, généreuses et artistement contrastées, agit à l’unisson d’une ville qu’on ne se lasse pas de (re)découvrir. HÔTEL DE ROME***** www.roccofortehotels.com

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On lui tire le portrait

BILLIE EILISH

© Danny Moloshok/Reuters - stock.adobe.com

Avec sa tête de sale gamine, Billie Eilish, 18 ans et des brouettes, caracole en tête des charts. Pop macabre, voix angélique et excentricités capillaires, la Californienne s’est fait une place au soleil en un temps record. Un an après la sortie de son premier album, When We All Fall Asleep, Where Do We Go ? (10 millions de disques vendus), l’ado tourmentée est au centre de toutes les attentions. Lors de la dernière cérémonie des Grammy Awards, le bébé de la compétition a raflé non pas un, mais cinq Grammys (album de l’année, meilleur album vocal pop, meilleure nouvelle artiste, chanson de l’année, et meilleur enregistrement) et est repartie dans la foulée avec un Brit Award dans la catégorie meilleure artiste solo internationale. Pas de quoi filer le tournis à Billie qui, il n’y a pas si longtemps, enregistrait en pyjama dans sa chambre aux côtés de son pygmalion de frère, Finneas O’Connell. Elevée par des parents comédiens et musiciens sans le sou, Billie grandit à L.A. Scolarisée à domicile, Billie sort peu. Hyperactive, dépressive, elle souffre du syndrome de Gilles de la Tourette et de troubles de l’attention, alors, pour calmer ses maux, elle trouve refuge dans la musique. A 8 ans, elle rejoint le Los Angeles Children’s Chorus, à 11 ans, elle écrit ses premières chansons… Jusqu’à ce fameux jour de 2015 où son frère lui compose le titre Ocean Eyes. Grâce à ce succès viral, l’ado anti-popstar sort de l’ombre. Surnaturelle, Billie fait figure d’ovni dans le paysage musical, avec des vidéoclips glaçants, une verve acide sous le couvert de mélodies douces et de thèmes peu habituels quand on a 15 ans – angoisses, Xanax, drogues, suicide, santé mentale, cœur brisé… L’ado wierdo séduit, enchaîne les tubes (1,3 milliard de streams pour Bad Guy) et devient l’icône d’une génération en proie aux questions. Si son style est peu conventionnel, son univers fait l’unanimité. Entière, elle tord le cou aux codes de la pop mainstream, condamne le body shaming et refuse net de se laisser sexualiser… Look oversize, nail art et racines fluo deviennent sa marque de fabrique, et comme Bille aime à le répéter : « Je m’en bats les couilles si ça plaît ou non. » Dernière ligne ajoutée au CV de cette surdouée ? La signature de la bande-son du prochain James Bond, No Time to Die, déjà meilleure vente de tous les temps. — Par Delphine Gallay

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EMPLACEMENT RÉSERVÉ PAR UNE MARQUE DE LUXE HORLOGÈRE ET ANNULÉ EN RAISON DE LA CRISE SANITAIRE. #la presse se meurt


FOR LOVE

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In the mood


20

ans

DÉJÀ

Date anniversaire pour ce monument du cinéma. Présenté en Compétition officielle du Festival de Cannes en 2000, le chef-d’œuvre du cinéaste hongkongais Wong Kar-wai est entré depuis au panthéon du septième art. « Hong Kong, 1962. M. et Mme Chow emménagent dans leur nouvel appartement le même jour que leurs voisins, M. et Mme Chan. Sans comprendre comment cela commence, Chow Mo-wan et Chan Li-zen apprennent que leurs époux respectifs ont une liaison. Cette découverte les choque, mais les rapproche. Ils se voient de plus en plus souvent, mais le voisinage commence à s’en apercevoir. Il semble n’y avoir aucune possibilité pour eux de vivre une relation amoureuse. Mais la retenue, les réserves émotionnelles de Mme Chan hantent M. Chow, qui sent ses sentiments changer. » Sans surprise, c’est la consécration. Le jury du Festival de Cannes, conquis, décerne à Tony Leung le Prix d’interprétation masculine pour son interprétation de Chow Mo-wan, l’amant éperdument épris. Le chef opérateur Christopher Doyle et le décorateur William Chang reçoivent le Prix Vulcain. La romance devenue légende, le long métrage s’inscrit à la deuxième place du classement des 100 meilleurs films du XXIe siècle. Désirs, gestuelle, frissons, jeux de regards… In the mood for love est sans conteste l’une des plus belles histoires d’amour jamais portées sur grand écran. Intemporel. Esthétique. Tout comme cette lumière, unique et enveloppante, ces décors somptueux ou encore cette inoubliable bande-son composée par Michael Galasso et Shigeru Umebayashi. Vingt ans après sa sortie, le film vient d’être restauré en version 4K sous la supervision de son réalisateur, et ressort en salles pour faire revivre aux cinéphiles la liaison de Tony Leung et de Maggie Cheung sur grand écran. Si old is gold, mood is for love… Always. — IN THE MOOD FOR LOVE Wong Kar-wai

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Compte À REBOURS

Prêt à enchanter la toile, Wes Anderson nous plonge dans la France du siècle dernier. Tourné au cœur de la cité charentaise, capitale de la bande dessinée, le film met en scène les bureaux de correspondants de presse d’un journal américain dans la ville imaginaire d’Ennui-sur-Blasé. A nom loufoque, intrigues et personnages tout aussi décalés ! La couleur et les séquences en noir et blanc se succèdent pour conter tour à tour les chroniques du journal parues des années 1940 à 1970 sous forme d’irrésistibles tableaux. Comme à son habitude, le génie d’Anderson livre son lot de personnages farfelus avec, à l’affiche, un casting dantesque, une esthétique rétro ultra soignée et une bande-son remarquable, avec notamment l'étonnante reprise du morceau Aline. THE FRENCH DISPATCH Wes Anderson

À (RE)LIRE ! Les non-DITS

Au cœur de L’ENFER

Voici l’histoire de deux destins entrecoupés. Tama est une enfant marocaine, esclave moderne d’une riche famille parisienne. Souffredouleur de ses bourreaux, la petite fille sait pourtant rêver et aimer. Une rencontre va peut-être changer son destin… Autre personnage central de ce thriller, Gabriel, un homme torturé et dangereux, qui vit à l’écart du monde. Un matin, il découvre chez lui une jeune femme blessée et amnésique. Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Glaçant, addictif et effroyablement réaliste.

Apre et rude est la vie à Rocca Patrizia ; frustres et obtus sont ses habitants. Dans cette atmosphère où l’on s’observe, se toise et se jalouse, évoluent les familles du village. Leurs liens se dévoilent subtilement au fil des pages. Simona Brunel-Ferrarelli redonne vie avec fougue à cette Italie d’autrefois, aussi dramatique qu’envoûtante. Un roman porté par une écriture musicale et charnelle, et qui a valu à l’auteure genevoise le prix littéraire SPG du premier romand 2020 et est également en lice pour le Prix Lettres Frontières 2020. LES BATTANTES Simona Brunel-Ferrarelli, Editions Encre Fraîche

TOUTES BLESSENT LA DERNIÈRE TUE Karine Giebel, Editions Belfond

Terrible ENGRENAGE

L'écriture est parfaite, à l'image de cette famille bon chic bon genre. La façade est lisse. Rien ne dépasse. Mais derrière le col Claudine de Maman, il y a ce manque d'amour flagrant. Peut-être ne savent-ils pas aimer ? Ou sont-ils incapables de l'exprimer ? Les conséquences sont là. Les mains prennent le relai. Dans la famille de Pierre, on doit s'aimer énormément, alors ! S'aimer à en perdre la raison. Ce roman met mal à l'aise. Il ne s'agit pas, ici, de trouver quelconque excuse à un comportement impardonnable. Mais c'est une tentative d'explication d'un engrenage sans fin. SALE BOURGE Nicolas Rodier, Editions Flammarion

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Une bouteille À LA MER

Nouvel album récital pour Patricia Petibon. La flamboyante et excentrique soprano revient avec L’amour, la mort, la mer, accompagnée de son éternelle complice, la pianiste Susan Manoff. Trois escales d’un voyage au cours duquel chacun de nous s’aventure au fil de sa courte vie. Artiste éclectique, la soprano colorature vole librement d’un registre à un autre, d’une langue à une autre, d’un style à son contraire, néanmoins complémentaire. Portée par les vagues, elle interprète les compositions de Fauré, Hahn, Satie et bien d’autres… Elle célèbre l’amour avec John Lennon et rend hommage à sa chère Bretagne grâce à Yann Tiersen. L’AMOUR, LA MORT, LA MER Patricia Petibon

Par Delphine Gallay

À LA RECHERCHE du temps perdu

CLAP de fin

Avant de raccrocher, Camille Cottin et ses complices d’ASK offrent un dernier tour de piste aux fans de la série Dix pour cent avec une quatrième et ultime saison. Côté invités, encore de belles surprises, avec Sandrine Kiberlain, Charlotte Gainsbourg, José Garcia, Jean Reno, Sigourney Weaver… et Anne Marivin dans le rôle de la nouvelle recrue aux dents longues. Sortie imminente.

On ne l’avait plus vu depuis six longues années, mais Stephan Eicher semble vouloir rattraper le temps perdu. Avec deux albums coup sur coup, le Bernois est de retour, affranchi et déterminé. Après avoir longtemps erré sans label pour cause de démêlés avec son ancienne maison de disques, il signe chez Polydor et livre l’inclassable Homeless Songs. Un disque sans pareil où s’entremêlent 14 titres inédits et « sans abri ». A l’image d’un marginal assoiffé de liberté, Stephan Eicher se contrefout de passer ou pas sur les ondes ou de répondre aux standards de l’industrie musicale. Non formaté, il s’abandonne librement à sa musique, celle qu’il aime, celle qu’il sait si bien faire, et nous « embrasse de ses mots ».

DIX POUR CENT Marc Fitoussi

HOMELESS SONGS TOUR Stephan Eicher

La grande CINÉMATHÈQUE

Si, lassé, vous avez fait le tour des plateformes Netflix et tutti quanti pendant ces longues semaines de confinement, sachez qu’il existe d’autres cinémathèques de qualité, avec un contenu un cran au-dessus. La plateforme Mubi en fait partie. Au catalogue de ce vidéoclub numérique : du cinéma d’auteur, des classiques, des chefs-d’œuvre oubliés, des perles festivalières, telles que celles de la Quinzaine des réalisateurs, ou encore la filmographie de Truffaut et de ses pairs. De quoi peaufiner sa culture cinématographique grâce à un accès illimité à des films minutieusement sélectionnés – avec une nouveauté par jour –, à mater depuis son canapé. MUBI www.mubi.com

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LABEL

SUISSE

Il souffle comme un vent de révolution aux sonorités électroniques… Lumière sur une maison de disques genevoise. Curateurs des fameuses soirées électrotechno « Swiss made », pour vous, aujourd’hui : Bipolar Disorder Rec. Né il y a trois ans, le label s’est constamment efforcé de défendre une musique exaltante et intemporelle à travers le monde, avec un solide catalogue de sorties digitales et vinyles. Mettant en avant de jeunes talents, Bipolar Disorder Rec. réussit à donner un nouveau souffle à la scène alternative. Sa sélection novatrice d’artistes a su captiver les dancefloors du Folklor à Lausanne, du fameux Zoo de Genève ou de carrefours culturels à Berlin, Londres et Paris. En vitrine actuellement, le jeune suisse basé à Berlin Chlär, qui a attiré notre attention avec son dernier album, Artificial Supremacy. Avec des premières sorties à succès, le producteur issu des soirées raves illégales a rapidement eu l’occasion de tourner à l’international. Désormais codirecteur du label Bipolar Disorder Rec., il dédie sa vie au monde de la musique en endossant différentes casquettes : direction artistique, ingénierie du son, organisation d’événements et, bien sûr, composition et performance. Au travers de ses multiples expériences, il a su aiguiser ses compétences, menant à la création d’une musique saisissante combinant sans complexe l’essence de plusieurs genres. Déjà soutenu par les patrons de la scène, l’EP symbolise un futur dystopique sur des bases rythmiques 90’s couplées à des ambiances mélancoliques. Ses lignes mélodiques et ses percussions entraînantes vous donneront l’envie instinctive de vous déhancher en résonnant dans votre esprit. A ne manquer sous aucun prétexte ! BIPOLAR DISORDER REC. www.bipolardisorder1.bandcamp.com

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© El Anatsui. Courtesy of the artist and Jack Shainman Gallery, New York

Des toiles ET DES LIVRES

Gravity and Grace, 2010.

DES CAPSULES, on en fait des merveilles

Un bateau du XVIIIe siècle en vitrine dans un parking souterrain, la plaque de la première étape du premier Tour de France en 1903, des lions qui déménagent, un réservoir spectaculaire qui se visite sur réservation, une entrée d’immeuble qui vient d’une église, des rondspoints déboussolant à Villeurbanne, les énergumènes de la basilique d’Ainay, une plaque qui contredit l’autre, l’emblème de « l’État souverain de l’Ile-Barbe », des ruines mérovingiennes sous une bretelle d’autoroute… Ce guide vous fera découvrir les trésors cachés que la ville de Lyon recèle. Peintre, photographe, artiste aux multiples talents, nous vous invitons à découvrir le travail de Nadège Druzkowski au travers de son nouveau livre Lyon Insolite et Méconnu disponible aux Editions Jonglez.

Jusqu’au 1er novembre

Connu pour ses captivantes tentures métalliques réalisées à partir de capsules recyclées, le Ghanéen El Anatsui est aujourd’hui l’un des plus grands artistes de l’Afrique contemporaine. Sa signature : redonner une nouvelle vie à la ferraille disqualifiée. L’homme s’attaque aux rebuts, les découpe, les roule, les plie, les presse et les perfore pour ensuite les tresser d’un fil de cuivre et laisser place à des sculptures d’une apesanteur monumentale. « Une seule capsule de bouteille ne dit pas grand-chose, mais quand je mets plusieurs capsules ensemble, l’œuvre d’art commence à parler. » Des drapés qui font écho à l’histoire coloniale et aux premières bouteilles d’alcool importées sur le continent africain par les Européens. Outre ces immenses tapisseries murales, l’exposition présente d’anciennes assiettes, des sculptures et des reliefs en bois, des œuvres en céramique, des dessins, des esquisses et des gravures de l’artiste.

LYON INSOLITE ET MÉCONNU www.ndart.fr

TRIUMPHANT SCALE, EL ANATSUI Kunstmuseum Bern – Hodlerstrasse 8-12 – 3011 Berne – www.kunstmuseumbern.ch

Retour providentiel DE WOODKID

En 2013, Woodkid avait fait pleurer plus d’un fan en faisant ses adieux à la scène musicale après avoir déclenché un véritable raz-de-marée avec l’univers épique et orchestral de The Golden Age. Sept ans plus tard, le prodigieux touche-à-tout a fini par craquer et ressort de l’ombre avec un deuxième album coup de théâtre. Si la sortie a été décalée pour cause de pandémie, l’artiste lyonnais a pris le temps de nous teaser avec une promotion mystérieuse autour de ce nouveau projet, et a laissé fuiter deux premiers extraits, Goliath et Pale Yellow. Instrumental symphonique, sonorités industrielles, récit imaginaire, le baryton explore de sa voix chaude et ténébreuse les méandres de son esprit. Si le disque s’annonce sublime, l’esthétique futuriste de ses clips et son nouveau show promettent d’être mémorables. WOODKID Dans les bacs le 16 octobre

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CAVALE

Elle va ainsi découvrir que la grandeur d’une vie se mesure à la richesse des expériences vécues et des rencontres effectuées.

à la ricaine

Mais Eva va surtout entreprendre le plus beau des voyages : celui de la connaissance de soi et de la recherche du bonheur.

19,00 €

ISBN 978-2-931008-23-2

9 782931 008232

Dans ce récit choral, Emmanuel Moynot suit, « caméra à l’épaule », deux jeunes tueurs en série, Jeb et sa petite amie Bess, en cavale sanglante dans une Amérique crasseuse et déglinguée. Dans ce road-movie coup de poing décliné en 20 chapitres façon comics, on croise tour à tour le destin de la belle Maxine, de ses deux fils et de sa brute épaisse de compagnon, d’un pasteur polygame, d’un représentant d’aspirateurs qui sillonne les routes en Camaro… ou encore d’une femme flic nympho lancée à leurs trousses. Une chronique sociale au cœur de l’Ouest américain poisseux et désœuvré qui prend aux tripes du début à la fin. Un récit cru et rythmé. NO DIRECTION Emmanuel Moynot, Editions Sarbacane

Par Delphine Gallay

Jessica Milo N’oublie jamais qu’avant de te relever tu dois être tombée

Lorsque Eva, récemment licenciée après vingt ans de bons et loyaux services, décide d’aller voir un coach, elle est loin de se douter que cette douloureuse étape représente en fait une formidable opportunité de mener une vie en adéquation avec ses valeurs et le sens qu’elle veut lui donner.

Un mal

POUR UN BIEN Lorsqu’Eva, récemment licenciée après vingt ans de bons et loyaux services, décide d’aller voir un coach, elle est loin de s’imaginer que cette douloureuse épreuve la conduira vers de formidables opportunités. Elle découvrira que la grandeur d’une vie se mesure à la richesse des expériences vécues et des rencontres. Mais Eva entreprendra surtout le plus beau des voyages : celui de la connaissance de soi et de la recherche du bonheur. N’OUBLIE JAMAIS QU’AVANT DE TE RELEVER TU DOIS ÊTRE TOMBÉE Jessica Milo, 180° éditions

Banque D’IMAGES Jusqu’au 27 septembre

Avec 500'000 clichés amassés au fil d’une vie, le couple bâlois Ruth et Peter Herzog compte parmi les plus grands collectionneurs au monde. Tout a commencé par une trouvaille sur un marché aux puces dans les années 1970… La suite, on la connaît : une existence dédiée à la collection d’une quantité de chefsd’œuvre, de photographies anciennes et anonymes. De techniques en époques, de témoignages en récits, le fonds inestimable de leur collection illustre aujourd’hui l’histoire et l’évolution des tirages argentiques de 1839 à 1970 et constitue une véritable encyclopédie de la photographie. A travers 400 tirages, l’exposition dévoile une pluralité presque insaisissable de motifs et de thèmes à travers le monde et pose un regard nouveau sur l’histoire de la photographie. THE INCREDIBLE WORLD OF PHOTOGRAPHY – COLLECTION RUTH ET PETER HERZOG Kunstmuseum Basel – St. Alban-Graben 8 – 4010 Bâle – www.kunstmuseumbasel.ch

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« Le gras, C’EST LA VIE »

Dix ans après l’arrêt de la série TV culte d’Alexandre Astier, les chevaliers de la Table ronde reprennent du service sur grand écran. Dans le premier volet de cette trilogie, on retrouve la suite des aventures du roi Arthur qui, confronté à la chute de l’Empire romain et aux incessantes incursions barbares, part à la quête du Saint Graal. Mission compliquée pour la légende arthurienne, entourée d’une fine équipe de bras cassés ! Plans larges, scènes de batailles, lourde artillerie médiévale… On est bien loin des plans fixes des débuts de la série. « Si la patience est un plat qui se mange sans sauce », Kaamelott n’a rien perdu de son ADN et de ses joutes verbales, et réserve aux cinéphiles une bien belle distribution : les frères Astier, Alain Chabat, Christian Clavier, Antoine de Caunes, Clovis Cornillac, Guillaume Gallienne ou encore Sting ! KAAMELOTT – PREMIER VOLET Alexandre Astier

Livre CULTE

A la veille de la Première Guerre mondiale, Hans Castorp rend visite à son cousin, en cure au sanatorium de Berghof, à Davos. Pris dans l’engrenage étrange d’une vie lascive, il subit l’atmosphère envoûtante du lieu. Peu à peu, la villégiature tourne au voyage initiatique. Hans séjourne sept ans à Davos, jusqu’à ce que la Grande Guerre éclate, l’exorcise et le précipite sur les champs de bataille. Chef-d’œuvre de la littérature allemande, ce roman du temps est une vertigineuse autopsie de la société, de la vie, de l’amour et de la maladie. Un roman miroir où l’on peut déchiffrer tous les grands thèmes de notre époque. Une admirable histoire aux personnages inoubliables, que la lumière de la haute montagne éclaire jusqu’au fond d’eux-mêmes. LA MONTAGNE MAGIQUE Thomas Mann, Editions Fayard

PLAYLIST

Oiseaux de paradis Un violoncelle, celui de

Café frappé Après un premier EP et un

Dom La Nena, une voix, celle de Rosemary Standley (hypnotique chanteuse du groupe Moriarty), quelques bons classiques… Il n’en fallait pas plus pour que ces deux complices réenchantent l’œuvre de Pink Floyd, de Bob Dylan, de Jacques Brel, de Gilberto Gil ou encore de Leonard Cohen… et offrent à ces titres une toute nouvelle dimension.

Grammy en poche… La jeune Koffee enchaîne les succès à tour de bras. L’étoile montante du reggae serait-elle en passe de dépoussiérer le registre de ses aînés ? Loin des clichés, la jeune Jamaïcaine compose des textes positifs et engagés, et compte déjà parmi ses fans Usain Bolt et le clan Obama… A 19 ans, rien que ça.

Electro fantomatique Après sept longues années de silence, le quatuor de Portland est de retour avec un album surprise, Closer to Grey. La synthpop éthérée des Chromatics n’a rien perdu de son penchant pour l’Italo disco et de sa pop dark et cinématique, bien au contraire. C’est donc avec une certaine lenteur et un goût du mystère que la beauté du bordel vous embarque pour d’autres contrées.

BIRDS ON A WIRE Ramages

KOFFEE Rapture

CHROMATICS Closer to Grey

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Rencontre littéraire

L’ÉNIGME du Dicker

Confinée pendant deux mois, L’Enigme de la chambre 622 a eu le temps de faire saliver ses lecteurs trépignants et de tourmenter son auteur, toujours aussi sujet au trac du jeunot qu’il n’est plus. Entrevue avec Joël Dicker pour discuter

de Genève, de Bernard de Fallois et de prescription littéraire. Par Manon Voland | Photo Jérémy Spierer

D

le guette, et écrire son nouveau roman. Il y rencontrera des personnages aux noms imprononçables, prêts à se battre pour la succession d’une banque de la place genevoise et pour une femme bien positionnée au milieu d’un triangle amoureux. Dans cette jungle de filouterie et de boniments, le Joël écrivain bien réel disperse des anecdotes sur ses années passées à côtoyer celui à qui « il doit tout » : c’est qu’avant même de décider d’ouvrir la porte de la chambre 622 et des vieux secrets qu’elle renferme, il voulait écrire pour raconter de Fallois. « La première idée du roman, c’était autour de Bernard. J’avais très envie de pouvoir parler de lui, mais je ne savais pas très bien comment partager ces moments, comment parler de ce personnage qui a eu presque plusieurs vies dans son parcours professionnel et humain. Je me suis demandé si je devais faire une biographie, mais j’avais l’impression que ça allait sonner faux et artificiel. Finalement, j’ai pris

epuis le succès tonitruant de son roman La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, on ne présente plus l’écrivain suisse le plus couru, aux 2 millions d’exemplaires vendus pour ce titre. Pur produit genevois, Joël Dicker a enfin réussi, avec son sixième roman, à situer son intrigue dans nos pâturages helvétiques, entre Genève et Verbier. On y découvre, sur la moquette de la chambre 622 d’un palace valaisan imaginaire, un cadavre, dont l’identité ne sera singulièrement dévoilée qu’au dénouement du sac de nœuds concocté par l’écrivain, en même temps que celle du meurtrier. Un homicide resté irrésolu pendant des années… jusqu’à l’arrivée fortuite du Joël narrateur et détective en herbe pour quelques jours de ressourcement suite à la disparition, en janvier 2018, de son éditeur adoré, Bernard de Fallois. Et comme les coïncidences n’existent pas, le Joël romancé se retrouve logé dans la chambre 623, comme pour être certain qu’il flairera le sang et l’enquête idéale pour vaincre la page blanche qui

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le parti de raconter quelques moments que nous avons partagés, et de les insérer dans un roman. C’est le premier de mes romans qu’il ne lira pas… Alors je crois que c’est une manière de le faire encore participer un peu à ce livre. J’ai aussi eu le sentiment que j’avais enfin l’opportunité de raconter Genève, puisque Bernard en faisait partie. »

Le Bœuf Rouge au Pâquis

L’Enigme de la chambre 622 se déroule ainsi par plans alternés entre la Cité de Calvin et la station valaisanne – adorée par feu Bernard de Fallois –, ce qui est une grande première pour l’écrivain genevois, plus habitué à placer ses intrigues de l’autre côté de l’Atlantique, sur la côte Est américaine : La Vérité sur l’affaire Harry Quebert (2012) se déroulait dans le New Hampshire, Le Livre des Baltimore (2015) entre le Maryland, la Floride et le New Jersey, et La Disparition de Stephanie Mailer (2018) dans les Hamptons. Joël Dicker confiait même à l’occasion de la sortie de ce dernier roman avoir besoin d’une certaine distance géographique avec ses personnages et ses lieux pour se sentir crédible. La différence, cette fois-ci, c’est effectivement l’omniprésence de Bernard de Fallois tout au long du récit, qui permet ce rapprochement topographique, mais également le temps passé depuis le succès de La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, et qui a enseigné à l’écrivain comment mieux maîtriser son environnement. « Je dirais que le déclic est venu du travail, à force d’essayer de comprendre ce qui va et ne va pas. Je crois que l’écriture, c’est un apprentissage que vous faites avec vousmême ; il n’y a pas de juste, de faux, aucun cursus défini. Mon premier roman est paru lorsque j’avais 26 ans, j’en ai maintenant 35, ce sont des années de vie qui sont importantes dans la construction de soi, dans la maturité, et la sagesse. Avec ce livre, j’ai réussi peu à peu à raconter Genève, non pas ma réalité à Genève, mais une Genève de fiction, beaucoup basée sur mes sentiments. » Avec, d’un côté, l’hommage à Bernard de Fallois et, de l’autre, la Suisse, L’Enigme de la chambre 622 aborde des thématiques plus personnelles, à la croisée des chemins de vie de Dicker. On y retrouve aussi la Russie, avec ses personnages venus du froid Lev et Anastasia. Une Russie dont la littérature fascine l’écrivain et le ramène à ses racines, lui dont l’arrière-grand-père fut révolutionnaire en Crimée, avant de devenir homme politique à Genève, et dont l’arrière-grand-mère fut danseuse du tsar et aristocrate à Saint-Pétersbourg. Joël Dicker revient également aux sources, en ressortant de sa chapka la thématique de l’écrivain, de la page blanche et du processus d’écriture, délaissée dans son précédent roman en quête de Stephanie Mailer. « Peut-être parce que le fait de penser à Bernard m’a replongé dans l’univers de l’écriture et de l’écrivain… C’est un sujet qui me fascine. Qu’est-ce qu’un écrivain ? Comment devient-on écrivain ? Je réfléchis souvent à cette question : qu’est-ce qui fait que je suis plus écrivain maintenant qu’avant ? Est-ce que le fait de vendre des livres, d’être un peu connu, fait plus de moi un écrivain qu’à l’époque où j’écrivais des textes que personne ne voulait lire ? C’est une sorte de quête identitaire. »

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« JE CROIS QUE L’ÉCRITURE, C’EST UN APPRENTISSAGE QUE VOUS FAITES AVEC VOUS-MÊME ; IL N’Y A PAS DE JUSTE, DE FAUX, AUCUN CURSUS DÉFINI. »

(2000) de Philip Roth. Dans L’Enigme de la chambre 622, les références littéraires sont foison et l’écrivain genevois admet même un hommage à Belle du Seigneur (1968) d’A lbert Cohen, devançant ceux qui sont prêts à lui jeter la pierre. Pour lui, « tout est inspiration », de la musique au cinéma en passant évidemment par la lecture et la peinture, que cela lui plaise, ou non. « Je vais identifier ce qui m’a plu dans un livre que j’ai aimé, et faire de même avec un autre que j’aurai détesté, afin de ne pas le reproduire. C’est comme le goût, ça se construit. Du moment que ça déclenche quelque chose en vous, l’inspiration commence. »

La Maison du Rhône

De l’inspiration, Joël Dicker en a beaucoup, comme l’ont prouvé ses quatre pavés de plus de 600 pages teintés d’assassinats et de doubles jeux, ainsi que ses premières publications, Le Tigre (2005, réédité en 2019) et Les Derniers Jours de nos pères (2010). Un besoin viscéral d’écrire pour « quitter le monde dans lequel je suis et entrer dans un autre où il n’y a pas de limitation à la création », qui s’est toujours imposé comme une évidence pour ce fils d’une libraire et d’un professeur de français. A 10 ans à peine, il fonde La Gazette des animaux, qui lui vaut le titre de « plus jeune rédacteur en chef de Suisse » par la Tribune de Genève et, quelques années plus tard, il choisit de « préparer des sandwichs pour les parlementaires » plutôt que de gagner son pain comme avocat stagiaire, comme l’aurait voulu son diplôme de droit, afin de garder du temps pour écrire. « Non, je ne regrette rien », comme le chantait si bien Piaf. « J’écris parce que j’ai envie de partager ma passion pour la littérature et de pouvoir aller à la rencontre des gens pour leur dire que tout le monde aime lire… même si tout le monde ne le sait pas encore ! (Rires.) Parce que la lecture s’apprivoise. Lire, ce n’est pas nécessairement bloquer une soirée entière, ça commence par ouvrir un livre dans le bus, à la pause, au café, quand vous avez rendez-vous et que la personne est en retard… Utiliser ces petits moments « perte de temps » – où habituellement on regarde nos mails pour la 43e fois – pour faire quelque chose pour nous. C’est comme le sport : beaucoup de médecins disent que vingt minutes par jour, c’est assez, tant qu’on bouge un peu, et qu’il n’y a pas besoin de s’astreindre à trois heures de gym pour être en forme. Si on a un quart d’heure ici, un quatre d’heure là, cela nous met déjà dans un état d’esprit de lecteur. Je crois que c’est un peu ça, le message que je veux faire passer. »

Kakinuma aux Eaux-Vives

Dans ce nouveau roman, Joël Dicker multiplie les premières fois en s’insérant lui-même dans le récit, avec un double romancé au cœur brisé (ce qui est loin d’être la réalité, puisqu’il est l’heureux papa d’un petit poupon d’un an, n’en déplaisent aux fans prêtes à le consoler), ruminant son prochain livre. Ce Joël n’est ni tout à fait le vrai Dicker, ni tout à fait une contrefaçon de l’auteur, alternant à tour de rôle lorsqu’il s’agit de raconter des moments partagés avec Bernard de Fallois – comme leurs déjeuners de saint-pierre, de bourgogne et d’eau Châteldon au Dôme, à Paris – ou d’enquêter sur les mystères qui entourent une suite du Beau-Rivage à Genève, les barguignages du conseil de la banque Ebezner et les personnages affabulateurs qui gravitent autour de la chambre 622. Joël Dicker nous a habitués à son jeu d’accumulation de plans narratifs, et la trame de ce nouveau roman ne fait pas exception, tout comme les superpositions de rôles joués par ses protagonistes : chacun trompe l’autre, personne n’est vraiment celui qu’il se donne l’apparence d’être et les réalités sont toutes plus illusoires les unes que les autres, même celles ayant trait à ce fameux Joël. Qui est vraiment cet « Ecrivain » avec un E majuscule qui parsème les pages de ce roman ? Le Joël discret et réservé qui confie avoir toujours le tract avant la sortie de son nouveau livre ? Ou le Joël plus exubérant qui se fait entraîner sur les traces du meurtre de la chambre 622 par la belle Scarlett, personnage tout droit sorti d’Autant en emporte le vent ? « Je suis facilement pris par les livres que je lis, et par mon roman, au point que j’en oublie parfois le monde extérieur. J’aime le roman, en tant que lecteur et en tant qu’auteur. J’aime cette aventure de la vie, ce dépassement de soi-même, le fait de quitter notre réalité et d’en intégrer une nouvelle. C’est pour cela que j’écris sans plan : pour avoir cette liberté. Je suis libre d’imaginer ce que je veux, tout peut arriver dans le livre. »

Vous avez bien noté la prescription littéraire de Joël Dicker ? Dix minutes de lecture quotidienne, à renouveler tous les six mois. Alors, pourquoi ne pas commencer par L’Enigme de la chambre 622 ? PS : Perplexes quant aux titres de cet article ? Il s’agit des adresses coups de cœur de Joël Dicker à Genève. Ajoutezy l’épicerie Saveurs d’Italie et la librairie L’Atmosphère et le compte est (presque) bon ! —

Doux rêveur doué d’imagination, Joël Dicker n’a néanmoins pas échappé aux accusations de plagiat lors du succès de La Vérité sur l’affaire Harry Quebert (2012), ses détracteurs lui reprochant de nombreuses similitudes avec le roman La Tâche

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The new Mercedes-AMG GLE 63 S 4MATIC+ Coupé.

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MARBRERIE CAROUGE

ATHÉNÉE COINTRIN

47ÉTOILE

GENÈVE

A&S CHEVALLEY NYON


Baguette magique

© Kevin Abosch

Yoel Levi

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Chef d’orchestre à la réputation internationale,

Yoel Levi fait partie des acteurs essentiels de la scène classique. Portrait d’un maestro

dont la plus belle partition est celle de composer avec la vie. Il sera l’invité de l’Orchestre symphonique de Bâle la saison prochaine. Par Martine Tartour

D

LE MAGICIEN QUI OSE

ans le monde du classique, il n’y a pas de figure plus emblématique, ni plus mal comprise, que le chef d’orchestre. Quand on le regarde diriger, il est intéressant d’observer sa gestuelle, mais de là à la comprendre, c’est autre chose. Yoel Levi avoue que c’est la question qu’on lui pose le plus souvent : « Mais que faites-vous avec vos mains ? » En répétition avec l’Atlanta Symphony pour un concert de gala, il prend le temps, avec son humour habituel, d’expliquer son métier : « Je fais office d’agent de la circulation ! Plus sérieusement, le chef d’orchestre est un transmetteur, chargé de tirer le meilleur de 100 musiciens et ainsi de faire vivre la musique. Comme Vladimir Jankélévitch le dit de façon simple, mais essentielle : la musique n’existe que si elle est jouée. »

Naissance d’une vocation

Yoel Levi, chef d’orchestre israélo-américain, est né en Roumanie. L’Etat d’Israël a à peine deux ans quand ses parents, rescapés de la Shoah, obtiennent enfin leur visa d’immigration. La famille s’installe à Haïfa, dans des ma’abarot, des camps de fortune construits pour accueillir les milliers d’arrivants. Le provisoire durera deux ans, avant d’obtenir un logement. Mais le père, d’origine hongroise et amateur de musiques folkloriques, sent déjà un don chez son fils. Une oreille infaillible chez un enfant de 2 ans. Faute de moyens, son premier instrument sera un accordéon acheté sur le marché. Le violon viendra à l’âge de 10 ans. Quelques années plus tard, il est accepté dans la classe d’Ilona Feher, talentueuse violoniste hongroise. Aux côtés de Yoel Levi, Pinchas Zukerman et Shlomo Mintz, ses copains de gamme. Le parcours du jeune musicien est indissociable de l’histoire d’Israël, de ce vivier de prodiges formés là et qui vont exploser à travers le monde ; on peut y ajouter Itzhak Perlman, Ivry Gitli ou Mendi Rodan. Mais il semble pourtant qu’il manque quelque chose au jeune homme, dont la vie semble bercée par l’essentiel, à savoir la musique. A 18 ans, c’est la révélation. Yoel Levi découvre la direction d’orchestre et, comme il le dit de façon très poétique, « le pouvoir de ce geste qui rassemble l’idée musicale ». Au statut de soliste solitaire il préfère « la complicité du groupe ». Au grand dam d’Ilona Feher, il lâche ainsi le violon et part vers d’autres routes.

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© Seung-Won, Jang

Moment de concentration avant de rejoindre ses musiciens sur la scène du Seoul Arts Center.

Direction les Etats-Unis

A 23 ans, il est accepté à Londres à la Guildhall School of Music, grâce à l’obtention d’une bourse. Puis ce sera l’Italie et Ferrare. En 1978, le Concours international de direction d’orchestre à Besançon lui fait de l’œil. Le Japonais Seiji Ozawa, capable d’obtenir 35 minutes de rappel à l’Opéra Garnier, en est sorti avec un premier prix vingt ans plus tôt. Il sait qu’il faut en passer par là. Même si, sur 250 candidats, il n’y a qu’un premier prix. Il l’emporte. La nouvelle arrive jusqu’aux oreilles de Lorin Maazel, qui lui propose alors un poste d’assistant à l’Orchestre de Cleveland, une des meilleures formations au monde. Cela ne se refuse pas. Mais c’est surtout l’homme avant le maître qui le fascine : « Maazel était diplômé en philosophie et Mathématiques, parlait six langues et dirigeait le grand répertoire par cœur. Quand on passe six ans auprès de ce génie, on ne peut être que sous son emprise. » Et, comme lui, Yoel Levi dirige de mémoire. Sans partition. « J’aime cette impression que je suis face à mes musiciens sans obstacle. » Il oublie de dire qu’il faut pour cela, comme le dit Eric Dahan, critique musical, à propos de Maazel, « un cerveau qui soit un vrai ordinateur musical. Ça veut juste dire que le chef est capable de subdiviser les rythmes avec une précision mathématique ou d’entendre de minuscules variations de hauteur. Peu en sont capables. » Quand Lorin Maazel est nommé à Vienne en 1988, Yoel Levi se sent prêt à avoir son propre orchestre. Plusieurs propositions sont sur la table. Il choisira l’Orchestre symphonique d’Atlanta. La plus grande ville du Sud cherche à entrer dans le cercle des grandes villes américaines, les JO de 1996 se profilent et les projets culturels se multiplient. Le challenge

lui plaît, et il le gagne. Cinq ans après son arrivée, le magazine anglais Gramophone salue son travail : « Yoel Levi a bâti pour lui et son orchestre une réputation qui fait l’envie des plus grandes formations américaines. » Et, en 1999, l’Atlanta Symphony est nommé meilleur orchestre de l’année.

Un chef international

Quand on l’interroge sur les qualités que doit posséder un chef face à l’orchestre, Yoel Levi cite la patience et la maîtrise du groupe : « Il faut combiner virtuoses et exécutants, alterner solos et chœurs, faire jouer ensemble des rivaux, harmoniser dans un groupe des individualités fortes, voire antagoniques. » En 2001, l’Europe l’appelle, il est nommé directeur musical du Brussels Philarmonic, puis, en 2006, il prend la tête de l’Orchestre national d’Ile-de-France. Là encore, il aime cette idée de diriger à Paris, mais aussi en banlieue, de défendre les grands principes de Malraux : la musique est à tout le monde. « C’est en développant une manière de fonctionner non traditionnelle, explique Yoel Levi, que ces orchestres trouvent leur place. Si de surcroît ils sont à même de jouer Carmina Burana

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tout autant qu’une symphonie de Bruckner devant un public de non-initiés, ils deviennent vite indispensables. » C’est ainsi qu’il est à la tête de 700 musiciens et chanteurs au Stade de France pour une représentation grandiose de Nabucco qui fera date : plus de 55'000 spectateurs. Durant toutes ces années, Yoel Levi enregistre plus de 40 CD, soit une discographie impressionnante, et parcourt le monde avec sa raquette de tennis, que ce fan de Federer emporte partout. Il conduit la cérémonie officielle de remise des Prix Nobel à Stockholm, il est au Carnegie Hall de New York, aux Victoires de la musique à Paris, au Musikverein à Vienne... « C’est différent d’être un chef invité. Il faut être capable d’emmener l’orchestre que l’on va diriger un soir, deux soirs, hors des routes toutes tracées. Et s’il vous suit, là, vous voyez que le public a compris qu’il se passe quelque chose, il oublie ses soucis, ses impôts, sa famille, et entre dans la musique pour une expérience incroyable. »

« NOTRE COMBAT AUJOURD’HUI EST DE CONVAINCRE LES JEUNES DE VENIR ÉCOUTER DU CLASSIQUE »

L’art et la manière

Yoel Levi quitte Paris en 2013 pour Séoul et le KBS Symphony Orchestra. Là encore, l’aventure le séduit. En musique classique, depuis quelques années, les Sud-Coréens dominent les concours internationaux. De 1995 à 2012, ce n’est pas moins de 400 Sud-Coréens qui ont participé à des finales internationales, et 70 d’entre eux ont remporté un premier prix. Sans doute parce qu’il maîtrise cinq langues dont le hongrois, Yoel Levi précise dans un bel éclat de rire : « Non, je n’ai pas appris le coréen. Lors des répétitions, je m’exprime en anglais, avant de commencer à jouer pour donner ma vision de l’œuvre, mais les musiciens préfèrent se fier aux gestes. Les chefs mettent au point tout un panel de mouvements qui leur sont propres.

Les miens, je l’avoue, sont d’une précision technique redoutable. Mais Leonard Bernstein, lui, sautait sur le podium, gesticulait et c’est aussi bien ! Pour moi, l’art de diriger, c’est de ne pas gêner l’orchestre, faire en sorte qu’il oublie la baguette. » La battue de Yoel Levi se distingue particulièrement par une gestuelle élégante mais énergique, associée à un regard très attentif en direction de ses musiciens. Il n’aime guère qu’on lui demande ce qu’il emporterait sur une île déserte : « Bach peutêtre, parce qu’il y a tout chez Bach. » En 2019, le KBS Symphony Orchestra lui doit le « Prix de la meilleure œuvre », jouée en Corée, incluant les prestations des orchestres de Chicago et Berlin. L’œuvre en question, les Gurre-Lieder de Schoenberg, est écrite pour cinq solistes, un récitant, trois chœurs d’hommes à quatre voix, un grand chœur à huit voix et un très grand orchestre. Magique, mais rare. Et il faut la détermination d’un chef et la dévotion de son orchestre pour accepter l’aventure. « Le public était en émoi, se souvient-il. Des jeunes, très jeunes. C’est ce qui fait la beauté de ce public coréen. Notre combat aujourd’hui est de convaincre les jeunes de venir écouter du classique. C’est le vrai challenge de demain. » Retour à Atlanta. 11 mars, La Force du destin de Verdi retentit. Ce sera la dernier concert donné à Atlanta, mais aussi dans le reste des Etats-Unis. Pendant le confinement, Yoel Levi est en contact avec ses musiciens. Il dirige via l’application de visioconférence Zoom avec 23 artistes choisis dans le monde entier, et même en Chine, la chanson You Raise Me Up, « Je voulais une prière d’espoir ». La vidéo recueille 12'000 vues en une seule journée. Mais il sait maintenant qu’il faut reprendre le chemin des répétitions. « Cet été, les premiers concerts post covid ont lieu, sans public. Et beaucoup sont diffusés en ligne. C’est très bien. On peut recréer une nouvelle dynamique, appeler un public plus large, et attirer ceux qui n’ont pas l’habitude d’aller dans les salles de concerts » explique-t-il avec enthousiasme. « En attendant. Car évidemment, rien ne vaut d’être porté par le public. J’aurai la joie de diriger l’Orchestre symphonique de Bâle cette année dans une salle de concert entièrement rénovée. La musique adoucit les moeurs, mais surtout elle réveille l’ espoir ». —

Yoel Levi sur scène avec le violonniste Itzhrak Perlman, Carnegie Hall, New York. 51


Poésie urbaine

A Banksy il a emprunté les pochoirs, à Pollock l’énergie des émotions et à Degas la technicité du dessin. Ren-

contre avec Być, artiste composite au street art singulier, qui préfère s’exposer dans les galeries plutôt que dans les rues.

© Sarah Jaquemet

Par Manon Voland

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LE STREET ART SELON

BYĆ


© Sarah Jaquemet

De gauche à droite : Live free or die, 2018 | Amazon, 2018 | Eat me, 2018.

V

euillez prononcer son nom « bitch ». Ce qui pourrait paraître à la limite de la correction – bitch signifiant garce ou salope en anglais – est en réalité la prononciation correcte du pseudo qu’il a choisi, un mot polonais qui rappelle les origines de l’artiste et qui signifie « être ». Un jeu de mots hasardeux qui colle pourtant à la perfection avec l’esprit street art. C’est que les paradoxes, Być semble prendre un malin plaisir à les cumuler : à l’opposé de ce qui définit le street art, il préfère s’exposer dans les galeries, les salons d’art contemporain et les intérieurs de particuliers plutôt que sur les murs des villes. Il préfère aussi tout faire à l’envers, s’affichant pour sa première exposition au Scope de Miami (2017), grand-messe de l’art contemporain, sautant ainsi directement dans la cour des grands sans passer par la case expos locales. Et quand il revient à sa Suisse natale, c’est pour s’exposer aux côtés de Banksy, M. Chat ou encore Pimax (2019). Rien que ça. Być a la cote et s’attire les bonnes grâces de l’art contemporain grâce à des œuvres qui contrastent par leur non-politisation et

leur rapport à l’enfance, si rarement traité. Une période durant laquelle le Nathan d’avant, ou le Być de maintenant, se passionnait déjà, de façon boulimique, pour l’art, avalant les heures de dessin comme d’autres gobent des pots de Nutella. Ce besoin d’expression presque vital, l’artiste l’a pourtant mis de côté pendant dix-sept ans, au profit du graphisme publicitaire. « Plus le temps passait, plus je travaillais pour de gros groupes et plus je me sentais mal dans ma peau. J’étais malheureux, mais il m’a fallu beaucoup de temps pour le comprendre… Jusqu’au jour où je n’ai plus pu respirer : j’étais arrivé à un point de rupture, il fallait que j’arrête ce métier. Ça a été pénible, mais salvateur. Je m’étais paumé et j’ai fait une espèce de crise existentielle, où je me se dit : « Mais merde, qu’est-ce que je suis en train de foutre de ma vie ? » A désormais 38 ans, l’artiste aux pochoirs poursuit sa quête existentielle en distillant de par le monde sa poésie urbaine sur carton recyclé. Reconnu par ses pairs, par les amateurs et par les profanes, il convient dorénavant à Być de mettre en application le principe to be. Interview.

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© Nicolas Genta

Destruction, 2017. 55


Burqa selfie, 2017.

Comment en êtes-vous arrivé à faire du street art ? Après avoir quitté la publicité, j’ai tout vendu et j’ai décidé de me consacrer presque 7j/7 à la peinture et au dessin. J’ai recommencé à voyager et à me rappeler qu’on n’a qu’une vie. Mais comme je n’avais plus les moyens de m’acheter des toiles, je faisais « à la petite débrouille » : j’allais récupérer des chutes de carton dans des imprimeries et des bombes de peinture dans des ateliers. Je passais beaucoup de temps à moto, donc les cartons, c’était parfait, je pouvais voyager léger. Je pouvais peindre et dessiner sur ce que je voulais ; ça n’avait plus tellement d’importance de savoir si c’était tordu, gondolé, déchiré. C’était tellement loin du monde auquel j’étais habitué, avec ses codes. C’était un grand écart nécessaire. Je n’avais plus rien à prouver, je me sentais libre. Pourquoi avoir choisi de faire du pochoir ? J’avais envie d’un truc qui me remette au défi d’être apprenant, et le graff et le pochoir étaient totalement nouveaux pour moi qui ai étudié le dessin académique. Je ne pouvais alors plus être dans la minutie comme je l’étais habituellement. Il fallait que je change mon état d’esprit, ma façon de penser le dessin, le volume – tout était à reprendre depuis zéro. J’aimais aussi l’idée d’avoir un processus lent et réfléchi : trouver le message que je voulais transmettre, le dessiner, le découper, décliner le pochoir en fonction du nombre de couleurs que j’avais et, enfin, le graffer. Et quand j’étais petit, j’étais bizarrement fasciné par les scènes de poya, ces découpages traditionnels en noir et blanc. On oublie, mais ce sont des pochoirs, à la base, ils ne sont simplement pas peints.

Pick me up, 2017.

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Nutella, 2018.

Contrairement à beaucoup d’artistes de street art, vous n’avez pas choisi d’être anonyme. Pourquoi ? J’avais commencé en étant anonyme, en me montrant peu ou pas. Mais je me suis aperçu que le gros du plaisir que j’avais, c’était d’échanger avec les gens sur ce qu’ils voyaient. Parfois, les gens ne voient pas du tout mes tableaux comme je les ai imaginés. Mais peu importe, je ne détiens pas du tout la vérité : si quelqu’un y a vu quelque chose de particulier, ça lui appartient. La magie, c’est aussi ça, quand les choses vous échappent. Pour moi, une œuvre d’art est bonne quand elle grandit avec soi. —

Que cherchez-vous à transmettre à travers vos œuvres ? J’aime beaucoup réfléchir sur la fonctionnalité humaine, et les questionnements que l’on a. Je ne me sens pas cynique et j’espère ne pas l’être ! (Rires.) Au contraire, je suis plein d’espoir, mais réaliste. L’humour et la tendresse, ce sont les deux choses que j’essaie de garder en tête, avec une pointe de culpabilité, aussi. Je sais que je suis un homme de mon âge qui vit en Suisse, avec les privilèges que j’ai, et je trouve toujours hyper difficile de donner des leçons à des gens qui sont dans des situations bien plus difficiles. C’est comme mon tableau représentant un orang-outan tenant un pot de Nutella… Je suis le premier à savoir que c’est mauvais par rapport à l’huile de palme et à la déforestation, n’empêche que quand on me tend une crêpe au Nutella, je ne peux pas dire non ! (Rires.) Je n’aime donc pas l’idée qu’un message soit culpabilisant, parce que je ne pense pas que j’aie de leçon à donner à qui que ce soit ; par contre, j’adore l’idée qu’un message puisse faire réfléchir.

BYĆ www.byc.one Galeries : Laurent Marthaler www.laurentmarthaler.com Bel-Air Fine Art www.belairfineart.com Keep Contemporary www.keepcontemporary.com Trace Contemporary, Curated Concepts, Laura M. Horowicz www.curatedconceptsmia.com Galeries Bartoux www.galeries-bartoux.com

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ATHÉNÉE COINTRIN

ÉTOILE GENÈVE

MARBRERIE CAROUGE

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MAG FINANCE

Ermotti, Hildebrand, Pictet & Rothschild sous la loupe

Un lapin rose

PIERRE BERGÉ

nommé Poelvoorde

DÉCRYPTAGE

ce qu’elle te dit, la grosse ?

face-à-face incisif

Tu sais

Les hommes, le pouvoir et le sexe

Nos œufs dans le même panier

XAVIER DOLAN

Géniale tête à claques

SARAH ON THE BRIDGE La brutale réalité d’une prostituée immigrée

MODE

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Cover story

Si Benoît Poelvoorde était un mot, ce serait sans conteste « paradoxe ». Mélancolique plus que badin, le Belge s’estime paresseux, exerçant un métier pour lequel il serait payé à ne rien foutre. Tandis que certains crient au génie d’un comédien né, d’autres critiquent le boulet à l’humour gras. Portrait d’un bouffon des temps

modernes.

Par Manon Voland | Photos Philippe Quaisse et Frédéric Stucin > Pasco&Co

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bouts, pendant que son patriarche, routier, dépensait leurs deniers en bécanes et en soûleries. Ses parents se séparent alors qu’il n’a que 5 ans ; son père décède quelques années plus tard . Poelvoorde est alors balloté entre familles d’accueil et internat (chez les jésuites de Godinne, les mêmes qui accueilleront par la suite son compatriote Stromae). Le Namurois refuse de faire pleurer avec son enfance, qu’il estime heureuse et entourée, et qui lui a sans doute laissé en héritage l’esprit de bouteen-train cafardeux qui le caractérise. « Le pensionnat a fait de moi un brûle-tout. Je suis devenu le fou qui fait rire. Mon frère était costaud, pas moi : en faisant rire, je coupais court aux coups. Une vraie stratégie de survie » (Libération, 2007). Cet instinct, le Belge l’a conservé depuis et s’en sert au quotidien pour échapper à ses démons, puisqu’il se décrit lui-même comme inquiet et agité. Plutôt rire que de trop réfléchir, s’agiter au lieu de cogiter. Faire pouffer les autres de rire en jacassant est un moyen pour Poelvoorde de faire taire ses propres angoisses. « Je pense à tout, sans cesse. J’anticipe. Vierge ascendant vierge, je tente de tout contrôler. C’est fatigant. Et c’est peut-être la raison pour laquelle je bois parfois, pour qu’on ne devine pas cette intranquillité… Je tente de rire ou de faire rire. C’est comme une accalmie dans ma vie » (Le Point, 2019). Un

Quand je serai petit

Ce néant d’activité, Poelvoorde en est loin, lui qui se décrit comme un homme de cirque – et surtout pas un clown triste, expression qu’il a en horreur –, toujours la langue bien pendue et l’envie de divertir qui fourmille. « J’ai essayé d’être silencieux, je ne peux pas. J’adore parler. J’adore discuter », confiaitil à L’Express en 2010. Cette frénésie d’amuser les foules pour adoucir les mœurs, le Belge la tient de son enfance modeste, à regarder sa mère, épicière, travailler pour joindre les deux

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© Philippe Quaisse/Pasco&Co

oelvoorde est un peu comme le lapin rose de la célèbre marque de pile américaine ou la poudre chocolatée suisse au slogan « c’est de la dynamite » : excité. Il saute du coq à l’âne dans ses interviews comme à l’écran, les rôles se suivant mais ne se ressemblant pas : un jour, il enfile la salopette d’un réparateur de vélo ne sachant pas pédaler (Raoul Taburin, 2019), un autre le smoking lamépailleté-argenté-bleu du sosie de Cloclo (Podium, 2004), un autre encore le masque de nègre littéraire d’A lexandre Dumas (L’Autre Dumas, 2010). En quelque 30 ans d’apparitions cinématographiques, le Belge a changé plus de 60 fois de casquette, sautillant d’un film à un autre tout en répétant à qui veut bien l’entendre depuis plus de dix ans : « Je fais encore deux films et je m’arrête, j’en ai marre, ça ne m’amuse plus, je veux passer à autre chose, ou mieux, ne rien faire du tout » (Le Monde, 2010).


L’INCORRIGIBLE INSATISFAIT


tourment anxiogène qui lui a fait renoncer il y a longtemps à un rôle de père – dans la vraie vie, parce qu’il en a été un à plusieurs reprises devant la caméra, comme dans Deux Fils, l’année dernière –, trop effrayé à l’idée de transmettre à ses enfants ses effrois et de ne pas savoir les protéger. Cette fureur de vivre aura toutefois mené Poelvoorde vers les abîmes et la dépression ; à trop courir après le temps, il y aura presque laissé ses plumes, avouait-il encore l’année dernière au Parisien : « Tourner m’empêche de dépenser de l’argent, de faire des conneries, de trop festoyer. Le travail m’oblige à une sorte de discipline. Je ne tourne pas pour gagner ma vie, mais pour m’empêcher de la perdre. »

trou, il semble pourtant avoir trouvé un équilibre après avoir appris de ses erreurs gauloises, en dépit de ses réponses saugrenues à la question préférée des journalistes, « Comment allez-vous ? » : « Pas bien, apparemment ! On va justement ensemble fêter mon bilan sanguin, que je viens de recevoir et qui n’est pas fameux... », répondait-il de but en blanc à ce même reporter. On ne change décidément pas une équipe qui gagne.

Rire et Châtiment

La fourbe dépression, l’acteur l’a rencontrée après le succès retentissant du film hommage à celui qui a « plus d’appétit qu’un Barracuda » (Podium, 2004), alors qu’on le reconnaissait désormais dans la rue. « Les journaux qui parlent aux gens simplifieront en disant « la grosse tête, la drogue, l’alcool... », alors que j’étais juste confronté à mes propres contradictions. J’avais tout et, pourtant, je culpabilisais. Je m’écroulais. Sans doute par manque de recul sur ce que je vivais » (L’Express, 2010). Poelvoorde se tourne alors vers l’ivresse, cette bonne copine toujours là à lui tendre le goulot et à l’écouter déverser le flot de ses angoisses. En 2008, il replonge avec le tournage d’Astérix aux Jeux olympiques, trop lourd, trop long, trop loin de son Namur natal ; il dit lui-même qu’il n’est pas fait pour les « machines de guerre » du cinoche. « La dépression, c’est la perte de l’estime de soi. C’est à cause des insomnies que je me suis retrouvé noctambule, et donc à boire – comme ça on dort jusqu’à midi, et les angoisses attendent jusque-là. Vient le moment où ni l’alcool ni les anxiolytiques n’y font rien » (Libération, 2008). Hospitalisé à sa demande, il se sait proche du point de rupture, mais parvient à remonter la pente, sans pour autant renaître totalement de ses tièdes cendres : « On ne rebondit pas. On stagne. Mais en l’acceptant » (L’Express, 2010). Accepter, sans doute afin de mieux tolérer ses écarts. En 2013, il tente contre vents et relents d’alcool de faire la promotion du film Le Grand Méchant Loup aux côtés de son embarrassé comparse Kad Merad sur le journal de 20 heures de TF1. Lancé dans une tirade désordonnée sur l’infidélité masculine – le thème de la comédie –, Poelvoorde s’enfonce dans les méandres d’une explication gênante : « Tout le monde va tromper sa femme, mais la question est : qu’est-ce qui nous donne l’envie de continuer ? » Des propos qui avaient dû ravir sa femme de l’époque, Coralie, avec qui il était en couple depuis vingt-et-un ans, et dont il se sépara l’année suivante, avant d’entamer une relation avec Chiara Mastroianni, rencontrée sur le tournage de Trois Cœurs (2014). Le Belge avait même avoué pendant l’interview face à la très mal à l’aise Claire Chazal avoir « un peu bu avant de venir ». Six ans plus tard, à l’aube de ses 55 ans (2019), le comédien martèle à nouveau à un chroniqueur des Inrocks qu’il est un « buveur social. Je suis un pochetron, voilà ! […] On résout bien des problèmes avec l’alcool ! On en crée d’autres, certes. » Jamais vraiment sorti du

La Rançon de la gloire

Buveur, peut-être, acteur, certainement. S’il est devenu comédien « par hasard » – lui qui caressait des rêves de flicaille enfant, puis de dessinateur de bandes dessinées adolescent –, il est assurément né pour. Alors qu’il étudie les arts appliqués, il se fait déjà repérer lors de cours de théâtre grâce à son jeu atypique, « inné », entendra-t-on même certains souffler. Alors que Poelvoorde se cherche encore, il trouve ceux qui éveilleront son goût pour le 7e art, Rémy Belvaux, André Bonzel et Vincent Tavier, étudiants en cinéma. Les acolytes veulent alors monter un groupe de rock, « pour faire comme tout le monde », mais se révèlent trop paresseux pour s’exercer assez : « C’était plus facile de prendre une caméra Super 8 et de faire des conneries », avouait Tavier. Les copains se lancent alors dans les courts métrages, avant de faire le pari du grand film en 1992, avec C’est arrivé près de chez vous. Dans cette satire sordide de documentaire à l’humour noir, Poelvoorde y campe un tueur en série adepte des victimes âgées et fragiles, préférant « travailler petit, mais ça rapporte beaucoup ». Pourtant réalisé avec une seule ligne de conduite, « se marrer », le film devient culte, est sélectionné à Cannes et remporte même le Prix SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), le Prix de la critique internationale ainsi que le Prix spécial de la jeunesse. Pas mal pour des artistes qui ont été « pris au sérieux sans jamais avoir voulu l’être » (L’Express, 2010). Malgré les nombreuses propositions de tournage qu’il reçoit suite à la performance du film, Poelvoorde se fait attendre. Cinq ans après C’est arrivé près de chez vous, le Belge s’impose sur le petit écran avec la série de sketchs Les Carnets de Monsieur Manatane (1997) et au cinéma avec son rôle de guide touristique incompétent dans Les Randonneurs (1997). « On me payait cher pour aller me promener en Corse avec des filles. On me payait même les jours où je ne faisais rien. Je me suis dit que ce métier était une arnaque et que le truc n’allait pas durer » (L’Express, 2010). Et pourtant, filouterie ou pas, le comédien enchaîne les films : d’abord propulsé en tête d’affiche de comédies populaires au début des années 2000 (Le Boulet, 2002 ; Rire et Châtiment, 2003) ; il embrase la critique avec Podium (2004), qui lui vaudra même sa première nomination aux Césars pour le prix du meilleur acteur (qui lui échappera de peu –

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« Je trouvais que je méritais beaucoup plus qu’A malric, parce que moi, j’aurais pu faire Rois et Reines, alors que je suis pas sûr qu’il aurait pu faire Cloclo », révélait-il en 2019 au Parisien). La même année, il s’assied dans le fauteuil de membre du jury du Festival de Cannes, sous la présidence de Quentin Tarantino, tout en s’essayant à un registre plus dramatique de tueur au scalpel dans Entre ses mains (2005). Depuis, l’acteur ne paresse pas – n’en déplaise à son amour-propre –, variant les genres et les personnages tout en se complaisant particulièrement dans la comédie, et ses déclinaisons. Tantôt journaliste désabusé (Cowboy, 2007), amant de Coco Chanel (Coco avant Chanel, 2009), écrivain suicidaire (Kill Me Please, 2010) ou encore punk-à-chien (Le Grand Soir, 2012), tantôt chômeur voleur de cercueil (La Rançon de la Gloire, 2014), Dieu (Le Tout Nouveau Testament, 2015), quincaillier bougon (7 jours pas plus, 2017) ou milliardaire belge (Do you do you Saint-Tropez, 2021), celui qui revendique le fait de ne jamais avoir eu de plan de carrière, uniquement « du bol toute (sa) vie », choisit ses films par attachement pour ses réalisateurs, pour les rires à venir qu’il flaire et par altruisme. « Je suis les services sociaux du cinéma. Vous ne pouvez pas savoir le nombre de films que je fais par charité chrétienne. Un cinéaste qui vous propose un rôle, c’est comme quelqu’un à un bal qui fait l’effort de se lever et vous invite à danser… C’est délicat de dire non » (Le Parisien, 2019). On aurait tous voulu d’un Poelvoorde comme cavalier.

Les Emotifs anonymes

© Frédéric Stucin/Pasco&Co

Sincère, sensible, authentique, il est de ceux qui ne jouent pas, ni devant la caméra, ni sur la scène du quotidien. Edouard Baer a dit de lui qu’il avait un « goût des autres stupéfiant », Gustave Kervern parle de son faible pour « la vie en équipe de cinéma. […] Il soulage le moral des gens qui l’entourent. Tout le temps drôle, sans jamais se répéter, il est d’une disponibilité pour faire rire qui frôle le don de soi » (Le Parisien, 2019). Cette compassion pour l’autre se retrouve aussi dans les personnages qu’il incarne, et au sujet desquels il s’efforce de n’émettre aucun jugement : « Je trouve qu’il y a de la tendresse dans tout, même chez les pires connards », glissait-il au micro d’Europe 1 l’année dernière. Toujours là pour les autres, rarement pour lui-même, voilà ce qui semble caractériser l’artiste belge, qui préfère plus que tout les instants volés entre deux prises sur les tournages, estimant même qu’on devrait « taxer les acteurs sur ces moments de bonheur-là » (L’Express, 2010). Alors, si Benoît Poelvoorde était un mot, il serait bien « paradoxe », mais s’il était une fable, il serait évidemment Le Lièvre et la Perdrix de La Fontaine. « Il ne se faut jamais moquer des misérables, car qui peut s’assurer d’être toujours heureux ? » Une morale qui lui ressemble : humaine, tout simplement. —

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Décryptage société

« Eh, grosse vache, pourquoi tu bouffes encore un McDo ? » Ça vous choque ? Bienvenue dans le quotidien d’un gros, qui est pourtant loin d’être

un gros mot. Entre discrimination, harcèlement et amour de soi, rencontre avec ceux dont la société ose encore se moquer en toute impunité. Par Emma Dexter

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T’ES PAS UN PEU

GROS(SE) GROS, GROSSE.

Déf. 1. Qui, dans son genre, dépasse la mesure ordinaire. Déf. 2. (Personnes) Qui est plus large et plus gras que la moyenne ; corpulent, empâté, gras, replet, ventripotent. (Le Robert, 2020)

S

i les dictionnaires s’accordent en règle générale sur la charmante définition pleine de finesse et de synonymes positifs qu’ils donnent du mot « gros » ou de son féminin « grosse », un seul a fait entrer dans ses pages le terme « grossophobie ». En 2019, Le Petit Robert (300'000 mots quand même, petit, petit, aussi relatif que gros) la définit comme une « attitude de stigmatisation, de discrimination envers les personnes obèses ou en surpoids ». Comme la plupart des autres phobies irrationnelles auxquelles nous ont habitués la société, de xéno à homo, la grosso ne déroge pas à la règle en étant une peur primitive de la différence. Ce harcèlement grossophobe trouve son origine dans un cliché de l’imaginaire collectif selon lequel les gros manqueraient de volonté personnelle et seraient forcément à l’origine de ce mal qui les frappe. Impossible dans cette conception d’imaginer qu’être en surpoids n’est ni une fatalité, ni une erreur, le préjugé hurlant qu’être gros, c’est fatalement être moche et non désiré. Ce type de raccourcis court les rues de la grossophobie et érige en icône le culte de la maigreur = beauté. Les gros sont en revanche sales, fainéants, bêtes, vulgaires, mais heureusement toujours des petits rigolos. Comme on dit, la vache qui rit.

SI, je reviens d’une compétition de mangeurs de

© Pathdoc

hamburgers. J’ai gagné !

Ces idées reçues qui vous font peut-être pousser un petit cri scandalisé (je l’espère) ne sont malheureusement pas que des clichés que l’on retrouve dans une mauvaise série TV à l’humour douteux. Elles font partie intégrante du quotidien des près de 1,9 milliard d’adultes en surpoids dans le monde (OMS, 2016), dont quelque 800'000 Suisses obèses (une augmentation de 6 % en 25 ans, selon la RTS en février 2020). Harcèlement de rue, discrimination à l’embauche, dans l’accès aux études, au logement, aux prêts bancaires, aux soins, humiliation familiale et non-accessibilité dans l’espace public, les gros sont les boucs émissaires de notre société occidentale de surconsommation et de conformisme.

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blâmant immédiatement la masse corporelle et l’alimentation obligatoirement malsaine de son patient, qu’il vienne pour un mal de pied, une migraine ou une grippe ; de cette gynécologue qui reproche à la femme enceinte de mentir, car comment pourrait-elle avoir une vie sexuelle en étant si grosse ? De cette posologie non adaptée, car les personnes obèses ne sont pas incluses dans les recherches médicales ; ou de ce matériel médical non approprié pour les personnes de forte corpulence, qui oblige les plus de 130 kg à aller passer une IRM à l’école vétérinaire. La vache.

La fat phobia s’exprime évidemment par des insultes, souvent crachées par des enfants, d’abord, dans la cour de récréation. La baleine, la vache ou la bouboule dont on ne veut pas dans son équipe à la gym, et qu’on accuse forcément d’avoir lâché une perlouse en classe, car qui cela pourrait-il être d’autre ? Si les gamins sont cruels, les adultes sont loin d’être en reste. Les surnoms qui brisent la confiance en soi à l’enfance deviennent des regards de travers sur une assiette de frites au restaurant, des remarques sur un panier de courses contenant une plaque de chocolat, ou des commentaires d’une vendeuse de prêtà-porter qui n’a certainement pas cette taille dans ses rayons. Bah voyons. Mais c’est aussi ce patron qui demande à son employée de prendre soin d’elle, parce que, de toute évidence, elle se laisse aller ; cette promotion qui ne prendra jamais son envol parce que le gros ne colle pas avec l’image de la boîte, malgré ses diplômes et compétences ; ce banquier qui refuse même de jeter un coup d’œil à une demande de prêt parce que à quoi bon acheter une voiture plus grande alors qu’elle n’aura jamais de gosse ? #castrationsymbolique. Ou ce propriétaire qui préfère donner cet appartement à une jeune femme maigrichonne qui gagnera sûrement davantage plus tard. Parce qu’après tout, ce sont tous de gros paresseux… Vous avez déjà vu des maigres paresseux, vous ?

SI, et c’est marrant, je pensais justement la même chose de toi.

Consultations repoussées, pathologies aggravées, diagnostics erronés et hâtifs ou manque d’examens adéquats, la grossophobie médicale renforce encore les clichés selon lesquels les gros ne sont simplement que des fainéants. Tristement, les appareils médicaux non adaptés ne sont pas les seuls à envoyer un signal d’alerte aux gros pour leur signifier qu’ils n’ont rien à faire là. Les bancs des places publiques et des arrêts de bus sont trop étroits, les ceintures de sécurité pas assez longues et les sièges d’avion exigus : dans l’espace public, peu de chose est approprié pour les gros, ce qui crée des situations humiliantes pour ceux qui s’y trouvent confrontés. Imaginez-vous, vous voir demander, devant tous les passagers d’un avion, d'acheter un deuxième billet pour avoir le droit de vous asseoir à votre place… Sale peau de vache. Si les situations du quotidien peuvent devenir compliquées et souvent embarrassantes, s’offrir des moments en famille peut également tourner à la catastrophe. Les anniversaires, réveillons et autres aubaines pour réunir la tribu deviennent pour les bons penseurs des occasions rêvées pour « remettre sur les rails » les gros de la lignée. « T’as encore grossi, non ? T’es sûre que tu veux reprendre du dessert ? Si j’étais toi, je ferais attention. Je connais le nom d’une super nutritionniste, parce que, tu vois, la sœur du frère du mec de la compta avait aussi des problèmes de poids » et… Blablabla. Partant toujours de pseudo bonnes attentions (ne serait-ce pas plutôt le fait d’un sentiment d’insécurité personnel ?), la discussion tourne autour de la petite bouboule présente à la table qui n’a alors plus qu’une envie : enfouir sa tête dans le saint-honoré qui trône sur la table et disparaître comme une autruche. Plutôt que d’encourager les gros à maigrir, ces remarques et humiliations de l’ordinaire prononcées « pour leur bien » provoquent souvent troubles alimentaires et de l’humeur, dépressions, perte de l’estime de soi, stress, mal-être et grossophobie intériorisée. L’obèse n’a alors « d’existence que pour maigrir » (Gabrielle Deydier, Libération, 2017) et n’existe qu’à travers son poids.

SI, pour twerker comme Beyoncé ! Vous pourriez m’objecter que ce sont là des cas isolés, que plus personne n’ose de nos jours fredonner l’air de Sauvez Willy (1993) en passant devant un gros et que l’on est tous égaux au pays des Bisounours. Sans doute. Ici-bas, plusieurs études ont démontré qu’en France, les hommes obèses sont trois fois plus discriminés à l’embauche que les autres, et les femmes huit fois plus (étude « Le physique de l’emploi », 2016). Une différence qui creuse un écart en termes de finances, 30 % des femmes ayant un revenu inférieur à 450 euros par mois étant grosses, contre 7 % seulement pour celles gagnant plus de 4'200 euros par mois (étude Esteban, 2017). Cette pauvreté se répercute directement sur le caddie de courses du ménage, et donc sur l’alimentation de toute une famille, qui préfère s’acheter un paquet de pâtes qui lui fait deux repas plutôt qu’une maigre courgette qu’elle ne pourra même pas se partager. Cercle vicieux quand tu nous tiens. Pour Gabrielle Deydier, auteure de On ne naît pas grosse (2017), « l’obésité est une maladie multifactorielle, une maladie sociétale, et aussi une maladie de la pauvreté ». Plus grave encore, l’A ssociation américaine de psychologie a publié en 2017 une étude faisant apparaître la statistique selon laquelle les patients obèses sont « 1,65 fois plus susceptibles d’avoir des affections médicales significatives non diagnostiquées, telles qu’une endocardite […] ou un cancer du poumon ». Pourquoi ? Parce que les gros ne consultent pas, ou peu. La grossophobie médicale est, en effet, l’un des plus importants fléaux de cette peur des gros ou de grossir. On parle ici du médecin qui écoute à peine les symptômes du gros malade,

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© Creativa images

SI… Big girls you are beautifuuuul ! pour perdre le pourcentage le plus élevé de leur poids : pesées publiques, punitions, éliminations, la tribu amincissante au supposé bonheur retrouvé a décidé de vous éliminer, et leur sentence est irrévocable.

N’y a-t-il donc que cette composante de masse – qui devient alors un écrasant fardeau – qui définisse une personne grosse ? Celle-ci n’a-t-elle donc droit à aucune envie, aucun caractère, aucun projet qui puisse détourner la conversation d’un énième régime Weight Watchers ? Triste réalité que nous renvoie notre égoïste société qui, sous le couvert de la bienveillance, lutte contre l’obésité en luttant contre les obèses. Et ce n’est pas dans les images prétendument exemplatives que nous offre la société que les gros s’y retrouvent. Quasi invisibles à la télévision et au cinéma, les bedonnants sont sous-représentés pour le faible audimat qu’ils généreraient (aucune étude ne le prouve, évidemment) et endossent généralement les rôles 1) du gros gentil au joli visage ou 2) du gros méchant malfaisant, comme c’est d’ordinaire le cas dans les films destinés aux gosses. Comme ça, on est sûr de ne pas créer de clichés négatifs pour les futures générations. Des stéréotypes encore renforcés par les publicités et les magazines féminins, qui élèvent en critère de beauté principal la maigreur, qu’il suffit de vouloir pour avoir. Cachez ce paquet de chips que je ne saurais voir. Les gros dans le divertissement ont uniquement vocation à distraire et à rassurer ceux qui cultivent les normes, en s’amaigrissant pour retrouver un IMC (indice de masse corporelle) « normal ». « Les gros ne sont acceptés à la télé que s’ils acceptent de se mettre en scène dans leur amaigrissement », regrettait Daria Marx en 2018 (L’Express), et les émissions de relooking pour « changer de vie » pullulent en effet sur nos écrans. La pire ? The Biggest Loser – le plus grand tocard, en bon français –, production américaine dans laquelle les candidats se battent

Reste qu’il existe, heureusement, des associations, des mouvements – principalement lancés grâce aux réseaux sociaux – et des publications qui luttent contre la grossophobie et offrent un cadre d’expression sain et safe, tels que l’association Allegro Fortissimo en France, le collectif Gras Politique, le média Ma Grande Taille ou encore le blog Dixoctobre. Rappelons que l’obésité est multifactorielle et n’est pas forcément le résultat d’une sédentarité exacerbée ou d’une alimentation à base de fast-food : pauvreté, prédispositions héréditaires, mauvaise éducation alimentaire et facteurs psychologiques sont autant de raisons qui peuvent mener à une grosseur. Et même s’il est certain que pour certaines personnes en surpoids un danger maladif guette, qui sommes-nous pour juger d’un corps autre que le nôtre ? Sommes-nous tous devenus docteurs en santé pendant ce confinement pour nous permettre d’établir un diagnostic sur l’inconnu un peu rond que l’on croise dans la rue ? Non. Occupons-nous donc de nos oignons, et laissons les autres disposer de leur corps comme bon leur semble, le monde ne s’en portera que mieux. « On critique beaucoup les grosses fesses, mais on ne parle pas assez des gros cons », D. Couttance. A méditer lorsque vous aurez envie de sortir une punchline bien bête en voyant un legging taille 54. —

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Secrets de famille

L'inceste LE SECRET DES SECRETS

Quelle famille n’a pas ses secrets ?

Festen, le film choc du Danois Thomas Vinterberg, primé au Festival de Cannes en 1998, illustre à merveille ce qui définit un secret de famille : un savoir commun mais que l’on ne partage pas avec les autres membres de la tribu. Nul ne sait jamais qui sait quoi exactement. Ce secret crée ainsi une dynamique particulière au sein de la famille et engendre de lourds conflits qui se répercutent sur plusieurs générations. Toutes les familles abritent des secrets. Petits ou grands, ils ont toujours des conséquences. Leur gravité réside dans « l’importance du secret, mais aussi dans l’insistance mise en œuvre pour le préserver », observe le psychanalyste

Gilbert Maurey (auteur de Secret, secrets, De Boeck Université). Quand le clan familial s’impose le silence sur un événement, communiquer devient finalement impossible. C’est ainsi que, porteurs de nos passés occultés, de nos bouts de mémoire manquants, les secrets de famille deviennent les maîtres silencieux de nombreux destins.

On tait ce dont on a honte

Qui n’a pas appris la double vie de Papa (ou Maman), l’homosexualité de Tonton

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ou la naissance adultérine du dernierné ? Qui n’a pas voulu cacher la folie de Tante Becky, les dettes de Tonton Jo, la stérilité de Brigitte ? « Les contenus des secrets de famille touchent essentiellement la mort, les origines, la sexualité, la stérilité, le divorce, la maladie mentale, le handicap, les transgressions morales et/ou juridiques, les revers de fortune », observe Sylvie Angel, psychanalyste, directrice du Centre Monceau, à Paris, spécialisé dans les thérapies familiales. Tout ce qui peut entacher l’image qu’une


Lourds, inavouables, beaucoup de familles portent des secrets enveloppés de silences et de non-dits. Pourtant, certains secrets

remontent à la surface et viennent comme une lame effilée transpercer l’existence. A la lumière des derniers livres chocs d’Adelaïde Bon1 et Vanessa Springora2, revenons sur le « secret des secrets » : l’inceste (ou le traumatisme sexuel de la petite enfance). Par Rachel Arhpis

famille a d’elle-même, tout ce qui n’aurait jamais dû exister, tout ce dont on a honte. Même s’il s’agit d’un fait anodin.

Une enfance brisée, des images gravées

« Tu vas voir, tu vas aimer », lui disait son frère… Une fois de plus, il s’était faufilé sans bruit dans sa chambre. Et toujours le même scénario : il lui enlève sa culotte, s’arrête pour admirer le dessin de ses petites lèvres, avant d’y poser les siennes. Il la lèche par saccades, comme un animal affamé. Sophie a 12 ans. Elle ne comprend pas. Il hume mon sexe, prend un peu de recul et respire en disant « hum, que c’est bon ». Il la retourne, pétrit ses fesses et commence à lécher sa petite fente avec le bout de sa langue en pointe pour arriver à l’entrée du vagin. Inapaisable, il essaie de se dépêcher… Alcoolisé, il s’excuse : « T’inquiète, on ne fait rien de mal… » ON… La petite fille est terrorisée, mais n’ose pas faire de bruit. La chambre de ses parents est toute proche, il ne faut pas faire de bruit… Elle pleure doucement, se laisse faire et espère comme d’habitude que ça ira vite. Ce soir, Noraa est énervé,

il a bu plus que d’habitude, mais ça y est, ouf… Il jouit enfin sur ses fesses… Bonne nuit, Sosso, à demain ! « Quelque chose à répondre à ce récit, Monsieur Noraa ? » demande le magistrat. « Oh, vous savez, j’ai désiré ma sœur, j’ai désiré la caresser, éprouver sa peau, la lécher, la sucer. Je comprends très bien que vous soyez choqué de mon désir, mais ce désir était aussi une souffrance… Vous n’avez pas idée de notre impossibilité, dans notre communauté chrétienne, à gérer la sensualité, le plaisir, la jouissance. La religion nous enseignait l’abstinence et la maîtrise de soi, mais bon, comment ne pas succomber quand on a un si joli corps à portée de main, un corps si pur si docile et séduisant ? » Mais, Monsieur, c’était votre sœur ! Monsieur Noraa avait tenu le même discours à sa famille, à sa femme et à son entourage et précisait que ce n’était que du « touche-pipi entre frère et sœur ». Rien de plus. Que dans toute famille cela se pratiquait et « qu’il ne fallait pas en faire toute une histoire… ». « Savez-vous que le fait, par un majeur, d’exercer un acte sexuel sur un mineur est qualifié d’atteinte sexuelle ? Et savezvous que si une relation sexuelle, même

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sans pénétration (attouchement, nudité imposée, caresse…), est commise sans le consentement de la personne, les faits sont qualifiés d’agression sexuelle ? » (délit de 10 ans de prison et de 150'000 euros en France, lorsque la victime a moins de 15 ans). « Mais c’était du touche-pipi, j’vous dis ! Et c’était il y a longtemps… On ne va pas en faire toute une histoire ! » lui rétorque Noraa. « Je t’en supplie, arrête ! » réussit à balbutier Sophie. Tu as bousillé ma vie, mon enfance, mon adolescence, ma vie de femme. Tu m’as pourrie, humiliée et salie. Comment peux-tu oublier toutes les fois où tu t’acharnais dans mon sexe avec tes doigts, que tu trifouillais sans vergogne mon vagin et mes fesses comme si j’avais été un jouet ? Et comment peuxtu oublier ce mercredi après-midi où tu m’as fait monter dans ta chambre, sous les toits, me promettant je ne sais plus quoi ? Tu as d’abord voulu que je te suce le zizi – « c’est comme manger une glace… ». Mais j’avais trouvé ça dégoûtant, alors tu m’as déshabillée entièrement, tu t’es masturbé et ton sperme a giclé partout. Il faisait chaud dans cette chambre sous les combles, je ne comprenais toujours


SECRETS PARFOIS ÉVENTÉS PARCE QUE TOUT LE MONDE SAIT, MAIS SECRETS SOUVENT TUS AU NOM DE L’HONNEUR, DE LA RELIGION ET DU PARAÎTRE…

pas ce que tu faisais et quand j’ai voulu partir, tu m’as dit « attends ! ». Tu m’as regardée avec des yeux de fou que je n’oublierais jamais et tu m’as pissé dessus. Pour effacer les traces… » La victime se prosterne. Pleure. A honte. Cette image l’aura hantée toute sa vie, aura brisé son enfance et sa vie, mais elle a enfin osé le dire 30 ans plus tard à un magistrat.

L’air de rien

Combien de cas de non-dits similaires à celui de Sophie ? Combien de victimes non recensées ? Combien de plaintes jamais déposées de peur de briser une famille ? Pourtant, le secret transpire d’attitudes étranges ou anxieuses de la part des parents ou de la famille, de petites phrases équivoques, d’un alcoolisme ou de mouvements de folie. Autant de comportements qui parlent à l’inconscient et qui indiquent qu’il y a du secret dans l’air… Mais aussi de la souffrance. Cependant, le pire est que le prédateur se persuadera que c’est « normal » en se murant dans un déni. Déni qui le fera tantôt souffrir, tantôt devenir fou ou, a contrario, lui permettra de donner le change en osant même se transformer en donneur de leçons…

Jamais avoué

Alors voilà, la plupart du temps, les secrets de famille restent malheureusement emmurés derrière la sacro-sainte porte des… secrets. Secrets parfois éventés parce que tout le monde sait, mais secrets souvent tus au nom de l’honneur, de la religion et du paraître… M. Noraa, honorable bourgeois de 55 ans,vit ainsi toujours avec sa famille et ses cinq enfants sans avoir été inquiété, ses proches connaissant pourtant l’infamie de ses actes.

Peut-on s’en sortir?

Tous les thérapeutes s’accordent sur un point : la révélation du secret ne permet pas d’en guérir. Du moins n’est-elle pas suffisante. Certains réussissent à s’en sortir grâce à la foi, à la création ou à l’écriture, mais beaucoup ont besoin d’emprunter la voie thérapeutique. « On peut envisager une thérapie familiale, une psychanalyse, une psychothérapie », recommande Claude Nachin. Celles-ci consisteront à aider la personne à reconnaître les symptômes et les attitudes. « On doit réaliser qu’en tant qu’adulte, on n’a plus à gérer les malheurs passés de sa famille, qu’il est temps d’utiliser

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ses ressources intérieures pour sa propre vie, et ainsi de reprendre en main son destin. » Il faut se battre comme dans le livre d’Adélaïde Bon pour qu’aucune méduse ne vienne dévorer le psychisme des victimes. —

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La petite fille sur la banquise, d’Adélaïde Bon. Le drame vécu par Adélaïde Bon fait écho à celui de Sophie et de toutes ces enfants, jeunes filles ou jeunes femmes qui se sentent salies et coupables à jamais pour avoir croisé la route d’un être immonde. Adélaïde Bon avait 9 ans lorsqu’elle a été violée par un voisin. Elle a dû essayer de vivre avec « ses méduses », ses colères, ses rébellions d’adolescente. Elle a mis vingt ans à se reconstruire, jusqu’à ce que l’on retrouve son agresseur, qui va finalement être jugé. Une étape déterminante pour mettre un terme à ces années de souffrance. Aujourd’hui mariée et mère de famille, la jeune femme se bat pour qu’aucune enfant ne se retrouve seule sur la banquise au milieu des méduses qui la dévorent peu à peu. On peine à imaginer le courage qu’il a fallu à l’auteure pour mettre des mots sur cette souffrance indicible. La petite fille sur la banquise est un document magnifique et émouvant, d’une grande force d’évocation. Ce livre permet d’ouvrir les yeux sur les souffrances subies comme une honte par des milliers d’enfants abusés. 2

Le Consentement, ou le récit terrible de Vanessa Springora qui, à 14 ans, a vécu une relation abusive avec l’écrivain Gabriel Matzneff, 50 ans, au vu et au su de toute la bonne société culturelle française.


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BENTLEY GENÈVE


© Raffaele Petralla

Grand format

Un ouvrier dans une fabrique de battes de baseball gonflables pour enfants. Son travail consiste à gonfler les battes une par une et à vérifier qu’elles ne soient pas crevées. Yiwu, province du Zhejiang, Chine.

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Made

IN CHINA 73


Un grossiste entouré de plantes artificielles sur son stand dans le centre commercial Yiwu International Trade City. Yiwu, province du Zhejiang, Chine.

L

a légende raconte qu’il faudrait trois ans pour faire le tour du marché international de Yiwu à raison de trois minutes par stand. Au sud de Shanghai, cette « petite » ville de province est devenue, au cours de ces deux dernières décennies, le berceau mondial de la surconsommation. Déployé sur 5 kilomètres, ce mall géant concentre 100'000   boutiques et plus d’un million de références différentes à des prix défiant toute concurrence. Hub industriel, cet eldorado du « made in China » accueille les acheteurs du monde entier, venus s’approvisionner en petites marchandises. Ici transitent 80 % des décorations de Noël, les deux tiers des jouets et autres objets du quotidien vendus à travers les cinq continents – gadgets, bricoles, déco, quincaillerie, chaussettes, casseroles, parapluies, poussettes ou pinces à linge… Il y a donc fort à parier que votre maison soit habitée de tous

ces objets. Chaque jour, un millier de containers s’entassent dans les docks, prêts à prendre le large… ou, plus surprenant encore, à emprunter la ligne ferroviaire inaugurée en 2014 qui relie Yiwu à Madrid en seulement 21 jours. Malaise et sentiment de gueule de bois en ces temps de coronavirus. Là où les alertes climatiques ont toutes échoué, il aura fallu au monde une crise sanitaire pour alerter les consciences de la nature frivole de nos importations et mettre en exergue les dangers d’une totale dépendance à la Chine. En pleine guerre commerciale, alors que Washington appelle au boycott des exportations chinoises, la conscience collective semble plus encline à « acheter local, acheter moins et payer plus ». Belles paroles ou pas ? L’avenir nous le dira. En attendant, triste constat : l’offre et la demande sont toujours là.

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Bienvenue dans le plus grand bazar du monde. Ville du « made in China », Yiwu alimente la grande distribution et les détaillants de la planète. Si impossible n’est pas chinois, qu’en est-il de notre

consommation ? Le photoreporter Raffaele Petralla a mené l’enquête au départ de cette nouvelle Route de la soie.

© Raffaele Petralla

© Raffaele Petralla

Par Raffaele Petralla | Interview Delphine Gallay

Stand d’un grossiste de ballons au Yiwu International Trade City. Quartier des jouets, Yiwu, province du Zhejiang, Chine. 75


© Raffaele Petralla

SA PRODUCTION EST L’INCARNATION MÊME DE TOUTES CES CHOSES SUPERFLUES, NON ESSENTIELLES ET FACILEMENT REPRODUCTIBLES ; ELLE SYMBOLISE L’ABSURDITÉ DE NOTRE SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION.

Une grossiste dans une boutique spécialisée en décorations de Noël. Quartier de Noël, Yiwu, province du Zhejiang, Chine. 76


© Raffaele Petralla

Une ouvrière dans une fabrique de bonnets de Noël. He Tian, province du Zhejiang, Chine.

ter sur un gigantesque centre commercial avec toutes sortes de marchandises, d’emballages et de plastiques… Des scènes comme on en voit partout en Occident, simplement dans une version démesurément plus grande. J’ai donc fait le choix de mettre en avant les couleurs et de souligner la surabondance qui règne dans cet endroit, si on peut le qualifier d’endroit.

Comment avez-vous découvert l’existence de la ville de Yiwu ? J’ai découvert Yiwu grâce au livre Confessions of an EcoSinner, de l’écrivain scientifique et journaliste anglais Fred Pearce. Dans un des chapitres de cet ouvrage, l’auteur parle du marché international de Yiwu et de ses rues baptisées du nom des marchandises vendues – rue des soutiens-gorge, rue des calendriers, rue des fleurs en plastique, quartier des décorations de Noël… J’ai eu le déclic et l’envie de me rendre sur place pour en parler à travers mon objectif.

Que vous inspire cette production de masse ? Comment expliquer une telle surconsommation à travers le monde ? En soi, je n’ai rien contre la production de masse, à condition qu’elle soit respectueuse des hommes et de l’environnement, et non pas basée sur le profit, mais sur la redistribution des ressources… Ce qui n’est de toute évidence pas le cas de Yiwu. Sa production est l’incarnation même de toutes ces choses superflues, non essentielles et facilement reproductibles ; elle symbolise l’absurdité de notre société de consommation. Cette production de masse est à l’image du système capitaliste qui détruit la planète entière. J’ai pu me faire une bonne idée de la situation en me promenant dans les « rues produits » parmi le dédale infini de stands identiques ou en visitant des usines qui fabriquent en l’espace de deux mois des milliards de sapins de Noël en plastique, qui atterriront plus tard aux quatre coins de la planète.

Au-delà du fait de vouloir dénoncer la mondialisation et la production de masse, en quoi cette ville vous a-t-elle inspiré ? Cette ville ne dort jamais. On voit partout des gens charger, décharger et vendre. Ce qui m’a vraiment frappé aussi, c’est le nombre d’étrangers. Il y a des acheteurs et des grossistes du monde entier. Et tout particulièrement du Moyen-Orient, à tel point qu’il existe même un quartier arabe à Yiwu ! Vos photographies dépeignent des scènes surnaturelles, à la fois surabondantes, colorées et joyeuses. Pourquoi ce parti pris ? Avant de partir en Chine, j’ai fait quelques recherches, et j’ai rapidement réalisé que mon reportage allait en fait surtout por-

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© Raffaele Petralla

Contrôle de qualité dans l’entrepôt de cette usine spécialisée dans la fabrication de bouées et de bateaux gonflables en plastique. Yiwu, province du Zhejiang, Chine.

même qui nourrit l’intolérance et la sinophobie dans les esprits les plus ignorants. En janvier dernier, avec l’arrivée du virus, la communauté chinoise en Italie a dû faire face à deux problèmes. Tout d’abord, ces personnes n’avaient aucune information sur leurs proches restés en Chine et, en second lieu, elles étaient regardées de travers par les Italiens ou parfois victimes d’agressions, comme à Venise.

Pensez-vous que le combo Covid-19/réchauffement climatique puissent tirer la sonnette d’alarme une bonne fois pour toutes et inciter les gens à consommer moins et à être davantage attentifs à leurs achats et à leurs réels besoins ? Ou est-ce une pure utopie ? Oui, je l’espère sincèrement. Mais il faudra bien plus que des espoirs pour changer la donne. Aujourd’hui, les causes du réchauffement climatique sont scientifiquement prouvées, et nombreux sont les citoyens d’un « monde civilisé » qui essaient de changer leurs habitudes. Mais tant que nos systèmes politiques seront basés sur le profit, rien ne pourra être changé. Le « capitalisme vert » n’existe pas, c’est un oxymore.

Que penser du « China bashing » ? La Chine est l’une des plus grandes puissances mondiales, bientôt elle dépassera les Etats-Unis dans tous les secteurs, EtatsUnis qui, rappelons-le, ont de nombreuses dettes. Contrairement à son grand rival, la Chine a réalisé ses incroyables exploits en seulement quelques années, sans jamais mettre en place une politique impérialiste ou belliqueuse. C’est un fait indiscutable, même si la politique chinoise a elle aussi ses failles.

Si le « made in China » souffre d’une très mauvaise image à travers le monde, les Chinois sont eux aussi victimes de discrimination. Pensez-vous que cette « sinophobie » ambiante provienne de la menace que représente la puissance chinoise sur le monde ? En effet, la Chine et les Chinois sont discriminés, et je pense que les médias occidentaux jouent un grand rôle là-dedans. Il faut rappeler que l’offre de produits chinois à bas prix répond à la demande du marché – demande d’un système économique créé à l’autre bout du monde. C’est à l’image de la junk food et des fast-foods. Nul besoin de rappeler d’où vient le consumérisme. Le problème, c’est la désinformation. Par manque de temps et d’investigation, les médias occidentaux diffusent des informations tendancieuses, superficielles, parfois falsifiées, et servent les intérêts de leur gouvernement. C’est cette désinformation

Le Covid-19 a révélé au grand jour notre totale dépendance à la Chine et a démontré le danger de mettre tous ses œufs dans le même panier. Mais avons-nous seulement une alternative à la Chine ? D’après moi – et le Covid-19 l’a prouvé –, nous ne dépendons pas tant de la Chine, mais plutôt des prix qu’elle offre pour tout ce qu’elle produit. Alors si un autre pays venait à débarquer avec des prix encore plus bas, nous serions à nouveau dépendants, de ce nouvel Etat. La racine du problème, c’est le système économique mondial, pas les Chinois.

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Ce n’est ni plus ni moins que la vitrine des fruits pourris du système capitaliste qui nous gouverne.

Pensez-vous que le Covid-19 puisse affecter la demande de produits chinois ? Honnêtement, je ne pense pas que cela ait des répercussions sur la demande en Chine. Je pense même que la demande va continuer à augmenter dans les années à venir. Avec l’avènement de la mondialisation, la production industrielle a déménagé il y a plus de deux décennies dans des pays où la maind’œuvre coûtait moins cher, ce qui a impacté l’emploi dans des pays comme l’Italie. Je vois difficilement, aujourd’hui, comment on pourrait faire marche arrière. A Yiwu, la plupart de la production est faite au nom de multinationales telles que Disney ou Tiger.

Votre série sur Yiwu illustre en plusieurs points les forces du modèle économique chinois – culture du travail, mentalité, esprit d’entreprise, organisation et discipline – pour pouvoir générer de tels volumes. Que pourrions-nous apprendre de la Chine ? Vous avez totalement raison, c’est grâce à cela que les Chinois arrivent à de tels résultats. En Occident, on a tendance à les considérer comme des esclaves exploités en masse par un régime. C’est un tort. La réalité est différente et bien plus complexe que ça. Je ne dis pas qu’il faille fermer les yeux sur les injustices sociales ou sur les failles du système politique chinois, mais je pense qu’on oublie souvent de prendre en compte la culture et la sociologie de ce pays. Bien que nous ayons des cultures diamétralement opposées, il y a beaucoup à observer, et pourquoi pas à apprendre d’eux… pour, qui sait, peut-être trouver des réponses à certains maux de notre société.

© Raffaele Petralla

L’Europe peut-elle s’inspirer de cette « ville-bazar » de 5 kilomètres de long pour gagner en autosuffisance ? Absolument pas. Ce bazar n’est rien de plus qu’une copie de nombreux centres commerciaux à travers le monde, dans une version plus grande. Il n’y a aucune invention. Des lieux comme le marché international de Yiwu ne devraient pas exister.

Fabrique de peluches. Dans cet atelier, comme dans de nombreuses usines à Yiwu, les ouvriers sont logés avec leur famille à proximité de leur lieu de travail. Avec la permission du chef d’atelier, cette petite fille a pu passer la journée dans cette salle où sa mère travaille. Yiwu, province du Zhejiang, Chine. 79


© Raffaele Petralla

A contrario, sur certains de vos clichés, on peut lire la pression exercée sur les travailleurs chinois pour répondre à la demande occidentale et aux exigences des fabricants. Quelle réalité se cache derrière ces images ? Il va de soi que les conditions de travail dans ces usines ne sont ni honorables ni justes. Mais je suis forcé de reconnaître qu’elles ont considérablement évolué depuis mon premier voyage en Chine il y a dix ans. Dans les usines de Yiwu et de la région, les ouvriers travaillent 12 heures par jour, six jours sur sept. Généralement, les patrons offrent un logement aux ouvriers et à leur famille sur le site de l’usine. Ce sont pour la plupart des anciens paysans qui ont migré vers les villes en développement pour trouver du travail, phénomène fréquent en Chine. La plupart des ouvriers avec qui j’ai pu échanger en l’absence de leur patron m’ont confié qu’ils gagnaient mieux leur vie depuis qu’ils étaient salariés dans ces usines, mais aussi qu’ils étaient dans l’ensemble satisfaits de leur emploi. Les salaires ont d’ailleurs beaucoup augmenté au cours de ces dix dernières années. Par contre, pour ce qui est des standards de sécurité, on ne peut pas en dire autant. J’ai d’ailleurs assisté à plusieurs situations de potentiel danger et d’exposition à la toxicité pour les travailleurs. En Europe, ce serait interdit. Même si, en Pologne, en Roumanie ou en Bulgarie – Etats les plus pauvres d’Europe, vers lesquels les productions ont migré ces dix dernières années –, on s’approche davantage des standards chinois. A qui profite l’industrie de Yiwu ? Les autorités chinoises sont-elles liées de près ou de loin au business ? Selon les lois en vigueur, les autorités chinoises sont indirectement et directement liées aux affaires économiques de Yiwu et aux usines qui travaillent pour le nom de grandes entreprises. Vous savez, au sein d’un système de production mondiale basé sur le capitalisme, il y a peu de chance de trouver un Etat dans lequel le pouvoir politique ne serait pas lié au pouvoir économique. — www.raffaelepetralla.com

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© Raffaele Petralla

Un camion chargé de marchandises à la gare de Yiwu. Province du Zhejiang, Chine.


Aperçu d’une partie du port de Ningbo. Composé de plusieurs embarcadères, parmi lesquels Beilun (port maritime), Zhenhai (port estuaire) et le vieux port de Ningbo (navigation intérieure), Ningbo est l’un des ports les plus importants du pays en termes de débit, avec des volumes de cargaison dépassant les 100 millions de tonnes annuelles. Province du Zhejiang, Chine.

BIEN QUE NOUS AYONS DES CULTURES DIAMÉTRALEMENT OPPOSÉES, IL Y A BEAUCOUP À OBSERVER, ET POURQUOI PAS À APPRENDRE D’EUX…

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Des féminines très artistiques, des sportives rétro modernes et des squelettes typiques du XXIe siècle… notre sélection reflète certaines des plus grandes tendances du moment. Sélection Siphra Moine-Woerlen | Par Marie Le Berre

La HM10 Bulldog se présente comme « le meilleur ami de l’homme » avec des attributs savamment symbolisés. Elle dispose d’un corps trapu sur le devant, où des yeux proéminents tournent pour afficher d’une part les heures, d’autre part les minutes. En dessous, des mâchoires pourvues de dents s’ouvrent et se referment pour indiquer le niveau de la réserve de marche. Et… seul le propriétaire peut percevoir les messages du bulldog ! Celui-ci a même des pattes articulées, soit des attaches qui permettent à la montre volumineuse d’adhérer parfaitement à tous les poignets. Comme toutes les Horological Machines, la HM10 regorge d’innovations spécifiques à MB&F, conçues dans le plus profond respect de l’art horloger. Elle fait l’objet de deux éditions : titane avec yeux bleus ou titane et or rose avec yeux noirs.

MB&F

Horological Machine N°10 Bulldog

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CARTIER

CHOPARD

Maillon de Cartier

Happy Sport Joaillerie

« Nous avions la volonté de désaplanir la gourmette et d’en transcender l’architecture à travers une approche en volume » : c’est ainsi que la directrice de la création horlogerie de Cartier présente la Maillon de Cartier. Une gourmette donc, mais avec des maillons volumineux, alignés en biais, dans le prolongement d’un boîtier hexagonal penché. Le tout dans une déclinaison de modèles en or, jaune, rose ou gris, sertis ou non de pierres précieuses.

L’emblématique collection Happy Sport de Chopard accueille deux pièces de joaillerie, en or éthique rose ou blanc, lumineuses comme jamais auparavant. Les diamants qui tournent librement sur le cadran en nacre guillochée ne sont plus encapsulés, mais tenus par des chatons à griffes, qui laissent passer un maximum de lumière. Ces montres automatiques sont d’autant plus éclatantes que les pierres des index et de la lunette sont serties de la même manière.

PARMIGIANI FLEURIER

VAN CLEEF & ARPELS

Tonda 1950 Moonbow

Charms Romance Parisienne Promenade

Chez Parmigiani, la Tonda 1950 Moonbow arbore naturellement un moonbow ou arc-en-ciel lunaire, représenté par une composition de pierres de couleur sur la lunette. Il encercle un ciel nocturne en aventurine, dans lequel apparaît une galaxie spirale, symbolisée par un tourbillon volant originalement placé à 7 heures. La montre en or rose, animée par un calibre automatique extraplat, se présente sur un bracelet en métal assorti ou en cuir Hermès.

Van Cleef & Arpels raconte une histoire d’amour grandissante à travers trois montres de diamètre croissant, qui s’achève avec la Charms Romance Parisienne Promenade de 38 mm. La promenade s’effectue dans les jardins du Champ-de-Mars, avec la tour Eiffel en point de mire. Or jaune, émail champlevé, peinture miniature, nacre sculptée ainsi que diamants, saphirs et tsavorites composent le décor de cette création printanière agrémentée d’un charm rotatif.

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Photographie Manon Voland | Modèle LÊo M.


AUDEMARS PIGUET [Re]master01

ou la réinterprétation contemporaine d'une création passée

P

remière « remastérisation » signée Audemars Piguet, la [Re]master01 transpose dans le XXIe siècle les codes esthétiques d’une montre-bracelet chronographe datant de 1943, un modèle parmi les plus rares au monde – entre 1930 et 1950, la maison n’a produit que 307 montres du genre, tous modèles confondus. « Il ne s’agit pas d’une réédition historique, mais d’une réinterprétation contemporaine d’une création passée », précise le responsable des complications de la manufacture. Fidèle à l’originale, la nouveauté se présente avec un boîtier rond et des cornes de forme goutte en acier, contrastés par une lunette très fine, des poussoirs de forme olive et une couronne chanfreinée en or rose. On retrouve également le style du cadran de l’époque à travers un fond doré, des chiffres et index noirs, des aiguilles des heures, minutes et petite seconde en or rose, des aiguilles de chronographe et une échelle tachymétrique bleues. Cependant, attentes contemporaines obligent, la [Re]master01 bénéficie d’un diamètre élargi à 40 mm au lieu de 36, et de compteurs repositionnés pour une meilleure lisibilité. Elle est animée par un mouvement chronographe maison de dernière génération, le calibre automatique 4409 à roue à colonnes et fonction retour en vol. Contrairement à son

prédécesseur, il apparaît à travers un fond saphir, avec des finitions de haute horlogerie et une masse oscillante en or rose guillochée de clous de Paris, un décor traditionnel chez Audemars Piguet depuis les années 1950. Clin d’œil très particulier, le compteur 30 minutes du chronographe reprend l’indication 4/5 du passé. Voulue par Jacques-Louis Audemars, alors à la tête de l’entreprise familiale, elle permet de mesurer plus aisément une période de 45 minutes, soit la durée d’une mi-temps de son sport favori, le football. Autre curiosité pour qui sait qu’Audemars Piguet a toujours eu son siège au Brassus, dans la vallée de Joux, le cadran de la [Re]master01 porte la signature « Audemars Piguet & Co Genève ». Elle rappelle que, de 1885 jusqu’au milieu des années 1970, quand la circulation était plus difficile, la maison possédait un atelier à Genève, ce qui lui offrait une plus grande proximité avec sa clientèle et une meilleure base pour organiser sa distribution en Europe et dans le monde. Mi-vintage, mi-contemporaine, la [Re]master01 est proposée avec un choix de deux bracelets en cuir cousu main, l’un en veau brun clair, l’autre en alligator brun foncé, dans une édition limitée à 500 exemplaires. —

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BREITLING

OMEGA

Chronomat

Constellation Hommes

La Chronomat revient sur le devant de la scène dans une version modernisée qui conserve les caractéristiques de l’originale de 1984. On retrouve le bracelet à rouleaux et la lunette à cavaliers, verre protégé et manipulation facilitée à la clé. Les cavaliers de 3 et 9 heures sont toujours interchangeables, afin de modifier le sens de la mesure du temps. Déclinée en plusieurs modèles, la collection 2020 est animée par le calibre automatique maison Breitling 01.

La nouvelle génération de montres Constellation Hommes, la cinquième depuis 1982, se distingue par des bords biseautés, une lunette plus fine gravée de nouveaux chiffres romains, des aiguilles et index en triangle inspirés par les facettes de la Freedom Tower à New York, une couronne conique et des demi-maillons intermédiaires pour les bracelets métalliques. Tous les modèles, 26 automatiques au total, bénéficient de la certification Master Chronometer.

HUBLOT

PATEK PHILIPPE

Big Bang Integral

Nautilus

Quinze ans après son lancement, la Big Bang se présente pour la première fois avec un bracelet intégré. La continuité du design provient des formes anguleuses et biseautées que l’on retrouve sur l’ensemble de la montre, le tout avec une alternance de surfaces polies et satinées. Les modèles de 42 mm de diamètre, en titane, en or exclusif King Gold ou en céramique noire, dévoilent leur mouvement chronographe de manufacture Unico au recto comme au verso.

Lunette octogonale aux angles adoucis, « oreilles » latérales et cadran à rainures horizontales… c’est la Nautilus qui incarne l’élégance sportive selon Patek Philippe depuis 1976. Le dernier modèle masculin, une Nautilus à Quantième Perpétuel et phases de lune, adopte un caractère délibérément vintage via, non seulement un boîtier et un bracelet en acier, mais également un cadran qui passe progressivement du bleu au noir, comme sur la création originelle.

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LONGINES Conquest V.H.P.

la montre chrono sobre et intelligente

L

ancée il y a trois ans, la Conquest V.H.P. de dernière génération se présente désormais sur des bracelets en cuir. Une touche d’élégance qui entraîne la sportive munie d’un mouvement à quartz ultraperformant dans l’univers du sport-chic, polyvalent à souhait. Pionnière dans la technologie du quartz avec un instrument de chronométrage créé en 1964, Longines l’applique aux montresbracelets dès 1969. C’est en 1984 qu’elle présente sa première Conquest V.H.P. (Very High Precision), qui bat le record de précision de l’époque en réglant le problème des variations de température. Celle qui a été lancée en 2017 est animée par un mouvement exclusif, développé par ETA pour Longines, qui réalise des performances exceptionnelles, à commencer par une précision de ± 5 secondes par année, un sommet pour un modèle analogique. Grâce à son système DPR (Détection Position Rouage), la montre se réinitialise automatiquement après un choc et après une exposition à un champ magnétique, immédiatement ou à 3 heures le matin qui suit, selon l’importance de l’événement. La couronne intelligente permet un réglage de l’heure minute par minute ou heure par heure : on la fait tourner lentement ou rapidement selon le cas. Quand on corrige

l’heure, notamment pour passer de l’heure d’été à l’heure d’hiver et vice versa, les aiguilles des minutes et des secondes se synchronisent automatiquement. Quant à l’affichage de la date, il est qualifié de calendrier perpétuel, car il ne nécessitera aucune correction jusqu’en 2399. Un système de sécurité empêche d’avancer ou de reculer les heures de plus d’une journée et, donc, de le dérégler. La Conquest V.H.P. bénéficie en outre d’une longue autonomie, de plus de quatre ans, et la fin de fonctionnement de la pile est signalée en deux temps : phase E.O.L. (End Of Life) par saut de l’aiguille des secondes de cinq en cinq et phase E.O.E. (End Of Energy) par positionnement de toutes les aiguilles à 12 heures. On dispose alors de six mois pour changer la pile sans que la programmation de la date soit altérée. Pour son lancement, la quasi infaillible Conquest V.H.P. sur cuir est proposée dans des boîtiers en acier de deux tailles différentes, 41 ou 43 mm de diamètre. Elle affiche les heures, minutes, secondes et date sur des cadrans à décor circulaire dotés d’aiguilles et d’index recouverts de Super-LumiNova®. En toute sobriété, les cadrans argentés sont associés à des bracelets bruns, les cadrans noirs et les cadrans bleus à des bracelets de couleur assortie. —

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VACHERON CONSTANTIN

JAQUET DROZ

Overseas Quantième perpetuel ultra-plat squelette

Grande Seconde Skelet-one Céramique Plasma

La collection Overseas de Vacheron Constantin accueille un mouvement à quantième perpétuel particulièrement fin dans un boîtier précieux en or rose. Très apprécié des collectionneurs, le calibre squeletté dans les règles de l’art traditionnel prend un caractère contemporain grâce à un traitement NAC gris anthracite. La montre, qui bénéficie d’un système d’interchangeabilité, est livrée avec trois bracelets : or rose, alligator bleu et caoutchouc bleu.

La céramique plasma fait son entrée chez Jaquet Droz pour composer le boîtier d’une Grande Seconde Skelet-one, une création tendance du XXIe siècle. Pour obtenir ce matériau aux reflets métallisés, on utilise de la céramique blanche que l’on transforme avec des gaz portés à 20'000°C, sans le moindre ajout de métal. La nouveauté au boîtier anthracite joue la carte de la monochromie avec un mouvement gris et noir et un bracelet en toile grise.

HERMÈS

ROGER DUBUIS

Arceau Squelette

Excalibur Twofold

La nouvelle Arceau Squelette d’Hermès conserve une part de mystère : elle passe de l’ombre à la lumière à travers un cadran en saphir, noir dégradé à la périphérie, transparent au centre. Evidés, les chiffres inclinés typiques de la collection et les index perles apparaissent en lévitation au-dessus du mouvement automatique à dominante grise, en écho à l’acier du boîtier. Le modèle est proposé sur des bracelets en alligator de différentes couleurs.

Avant-gardiste comme de coutume chez Roger Dubuis, l’Excalibur Twofold à double tourbillon réalise trois premières : la boîte en fibre de carbone minéral ultra-blanche développée à l’interne, le même composite doublé d’une matière luminescente qui brille 60 % plus longtemps dans l’obscurité pour la platine supérieure du mouvement squelette, et la nouvelle technologie LumiSuperBiwiNova™ pour prolonger la luminescence sur une partie du bracelet en caoutchouc FKM.

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Photographie Jean-Baptiste Mondino Modèle Kylian Mbappé Ambassadeur Hublot


HUBLOT Big Bang Millennial Pink

Ou l'incarnation d'une montre no gender

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isruptive et créant les nouveaux codes du luxe traditionnel, la Big Bang Millennial Pink ne sera disponible que dans une édition très exclusive de 200 exemplaires. Pour certains, il s’agit d’un rose poudré ou pastel, pour d’autres d’un subtil équilibre entre le beige et le saumon, l’abricot et le pamplemousse. Intrigant, indéfinissable, le Millennial Pink se pose aujourd’hui comme un rose qui n’est plus l’apanage des femmes, ni d’ailleurs celui des hommes, mais bien le symbole de toute une nouvelle génération. Avec cette teinte spécifique, les valeurs traditionnelles établies sont reconsidérées par la positivité. Ce rose exprime une approche douce, inclusive et confiante de la vie.

aluminium anodisé et satiné, teinté dans la masse en rose millénial. Cette couleur très spécifique est obtenue par anodisation, un procédé qui permet de protéger et de décorer une pièce, et qui présente l’avantage de conférer à la boîte et à ses composants la teinte pastel souhaitée, doublée d’une remarquable tenue aux rayures et aux impacts. Ses proportions réduites lui permettent de s’adapter à tous les poignets. Versatile, la Big Bang Millennial Pink est livrée d’origine avec deux bracelets. Le premier en caoutchouc original est équipé d’une boucle déployante en titane, recouvert d’une plaquette décor du même aluminium anodisé et satiné rose millénial que la boîte. Le second offre un mélange de sangle velcro et de tricot en PES et se referme grâce à une boucle sportive en aluminium anodisé poli rose millénial.

Cette illustration chromatique d’un nouveau temps ne pouvait échapper à Lapo Elkann, tête créative de Garage Italia, nominé à trois reprises dans la prestigieuse liste The International BestDressed Hall of Fame du magazine Vanity Fair. C’est de cette réflexion, commune à Hublot et à son partenaire Garage Italia, qu’est issue la Big Bang Millennial Pink.

« Chez Hublot, nous sommes particulièrement fiers de l’art de la fusion. Mais, nous chérissons tout autant l’innovation, le changement et la différence que notre savoir-faire horloger. La Big Bang Millennial Pink, que nous avons créée avec Lapo de Garage Italia, s’inscrit parfaitement dans cette vision novatrice. Notre maîtrise de la technologie des matières nous a permis d’offrir à cette montre une unité de couleur unique, le Millennial Pink, symbolique du monde en mouvement qui s’ouvre à nous », explique Ricardo Guadalupe, CEO de HUBLOT. —

No gender ! Le mouvement manufacture chronographe Unico, doté d’une réserve de marche de 72 heures, avec un mécanisme chronographe côté cadran et roue à colonne, et le boîtier 42 mm donnent le ton : un matériau moderne et léger, unisexe et monochrome, en

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Haute jo

he

wild

La nature reprend ses droits. A travers des pièces d’inspiration florale, sauvage ou graphique, les grands noms de la joaillerie rivalisent d’audace et de savoirfaire pour donner naissance à l’exception.

Collections végétales, visuelles ou animales, passage en revue des plus belles créations. Sélection Siphra Moine-Woerlen | Texte Tatiana Pittet

Frivole | VAN CLEEF & ARPELS

Dans une véritable éclosion joaillière, la collection Frivole s’enrichit de huit nouvelles créations lumineuses. Les savoir-faire de la maison donnent vie à ces corolles miroitantes. Le bracelet 7 fleurs conjugue avec poésie différentes tailles de corolles pour évoquer la vitalité et la diversité de la nature. Le poli miroir quant à lui, renforçe l’éclat du métal précieux, magnifiant la brillance des pétales en forme de cœur qui se déploient autour d’un ou trois diamants. Ces fleurs gorgées de soleil s’unissent pour donner naissance à une montre à secret. Sous un bouquet lumineux pivotant délicatement se cache un cadran pavé de diamants. Une prouesse !

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Bracelet 7 fleurs en or jaune et diamants. Collection Frivole, Van Cleef & Arpels. 95


Tiffany T1 | TIFFANY & CO.

Tiffany & Co. écrit un nouveau chapitre de l’histoire de la collection Tiffany T en lançant la ligne Tiffany T1. Inspirée par le motif iconique « T » du célèbre joaillier, la collection Tiffany T1 célèbre son attachement pour les bijoux extraordinaires, conçus pour être portés au quotidien. Elégamment sertie de diamants, la collection Tiffany T1 conjugue les lignes épurées aux formes graphiques. Symbole éternel d’énergie, de modernisme et d’expression de soi, l’emblématique « T » s’exprime en un cercle infini incarnant l’assurance et la force des femmes Tiffany & Co. Déclinées en or rose 18 carats, ces nouvelles créations se dévoilent dans plusieurs tailles et arborent des diamants pavés finement sertis à la main en nid d’abeilles, alors qu’une tige biseautée innovante, à l’attache discrète, s’intègre parfaitement au dos du bijou. A la fois raffinée et audacieuse, cette collection de joaillerie fine illustre avec style votre personnalité. Collier en diamants, bracelet jonc à charnière large ornée de diamants, bague en diamants large, le tout en or rose 18 carats. Collection T1, Tiffany & Co.

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Bague et pendants d’oreilles en diamants et saphirs. Collection Forget-Me-Not, Harry Winston.

Forget-Me-Not | HARRY WINSTON

Si la beauté naturelle du monde captivait M. Winston, elle demeure aujourd’hui encore une muse intarissable pour les créateurs de la maison qui transforment des bouquets enchanteurs en des pièces de joaillerie aussi féminines qu’éternelles. Avec la collection ForgetMe-Not, le joaillier réinvente la silhouette gracile du myosotis sauvage et célèbre l’élégance de cette fleur autour de parures d’exception – collier, pendentif, boucles d’oreilles, bracelets et gracieux charm. Sept bijoux d’exception déclinés en saphirs bleus ou roses, assortissant les diamants taille brillant aux poires et aux marquises pour incarner la justesse et la délicatesse de cette fleur sauvage.

Red Carpet Collection 2020 | CHOPARD

Bien que la Croisette fut désertée cette année, la maison Chopard a levé le voile sur 73 joyaux d’exception baptisée Red Carpet. Ame créative de Chopard et initiatrice de son voyage vers un luxe durable, Caroline Scheufele a souhaité célébrer l’environnement, sa faune et sa flore, en plaçant la nature au cœur de cette collection 2020. Parmi ces fantastiques créations, une montre joaillière « Hibou », dont les deux cadrans entourés de saphirs multicolores forment les yeux de l’animal nocturne ou encore une série de bagues « Ours blanc » et « Phoque » en diamants.

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Montre Hibou sertie de diamants taille brillant (7,5 cts) et taille trapèze (1,6 ct) et de saphirs multicolores taille trapèze (4,1 cts) ; bague Phoque sertie de diamants taille brillant (4,7 cts), de diamants de couleur taille brillant (4,1 cts) et de topazes cabochons, le tout en or éthique blanc 18 carats. Red Carpet Collection 2020, Chopard. 99


EMPLACEMENT RÉSERVÉ PAR UNE MARQUE DE COSMÉTIQUES DE LUXE ET ANNULÉ EN RAISON DE LA CRISE SANITAIRE. #la presse se meurt


BROOM ! Des rencontres, des opinions, de l’élégance

How we catched

RYAN GOSLING

A sept dans ma Benz !

BUZZ France, la dégringolade ?

Continental GT,

LA SAGA d'un palace légendaire

troisième du nom

Bingo

CULTURE BLEND 2014

Les gros sous de Netflix

FINANCE Heidi, réveille-toi ! FIDJI la perle du Pacifique ET AUSSI Delon Rochebin Seydoux Vallaud-Belkacem Printemps 2014 N°106 | CHF 6.– 103

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LES GRANDES DYNASTIES 101


Belles mécaniques

Embarquement

IMMÉDIAT

Géométrie variable

Partageant sa plateforme avec les Classe B, dont il est la version surélevée, le GLB affiche les caractéristiques spécifiques à son gabarit. Très typé tout-terrain, le design reprend également tous les codes du segment des SUV compacts. Les proportions donnent une impression de robustesse, avec la calandre verticale très ouverte, prolongée par le capot presque à l’horizontale. Les extensions d’ailes brutes et les bas de caisse apparents finissent de poser le décor et contribuent efficacement à la protection de la carrosserie. Le châssis voit son empattement rallongé pour faire place à un habitacle gigantesque, entièrement conçu pour optimiser l’habitabilité. Le coffre modulable a une capacité maximale record de 1'805 litres. Distinctif du GLB, le point fort réside dans la

modularité de l’agencement des sièges, que l’on soit en version cinq ou sept places. La deuxième rangée peut être réglée en approche et il est possible d’escamoter complètement les sièges dans le plancher pour obtenir une surface plane de chargement.

Confort et fonctionnalité

L’intérieur de cette Mercedes-Benz révèle donc un volume hors norme, qui sera apprécié des grands gabarits. La garde au toit de plus d’un mètre à l’avant autant que l’espace aux jambes à l’arrière procurent un espace remarquable. Les deux places additionnelles de la troisième rangée de sièges ne sont pas en reste et sont dotées de porte-gobelets et de vide-poches.

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Hors piste

Les SUV ont le vent en poupe et, chez Mercedes-Benz, ils se déclinent à l’envi. Le nouveau GLB,

lancé sur le marché à la fin de l’année dernière, est la huitième version des SUV de la firme à l’étoile. Il se distingue par une habitabilité exceptionnelle et sept places assises. Par Stéphane Lechine

Parmi la panoplie des équipements dont dispose le GLB, un soin tout particulier a été porté à son utilisation tout-terrain avec le Pack Technique Offroad. En complément de la fonction d’éclairage spécifique, le programme de conduite adapte la puissance du moteur aux conditions du terrain. Combiné à la transmission 4Matic, il répartit le couple à 50/50 entre l’avant et l’arrière, et agit comme blocage du pont. En descente, le limiteur de vitesse garantit une allure lente grâce à des interventions de freinage ciblées. Pour le conducteur, l’ensemble des caractéristiques telles que l’angle de pente ou de dévers sont affichées sur l’écran du tableau de bord. Il ne reste plus qu’à se laisser guider par les assistances de la voiture. Avec son look de tout-terrain, le GLB propose une polyvalence hors norme dans le segment des SUV. Que l’on parte en famille ou que l’on s’aventure hors des sentiers battus, il fait preuve d’une aisance de conduite remarquable, rehaussée par l’ambiance luxueuse caractéristique de Mercedes-Benz. —

Chacun étant équipé d’une prise USB, voilà qui devrait convaincre les plus réticents de la génération connectée à partir en balade à la campagne ! La sécurité complète la panoplie des équipements de l’habitacle, avec appuis-tête réglables, ceintures de sécurité à rétracteur et limiteurs d’effort, jusqu’aux airbags qui protègent également les deux places additionnelles. Le tableau de bord, quant à lui, reste à la pointe de la technologie Mercedes-Benz, avec les deux écrans qui reprennent l’ensemble des commandes tactiles et vocales du système MBUX (Mercedes-Benz User Experience). Les éléments aluminium des poignées de porte et de la planche de bord combinés aux aérateurs façon turbine complètent l’ensemble tout en robustesse du style tout-terrain de ce GLB.

Technologie raffinée

Deux motorisations 4 cylindres essence et deux motorisations diesel associées à une boîte à huit rapports et transmission intégrale 4MATIC sont là pour propulser les 1'700  kg de ce SUV. Issues des séries compactes, elles ont été retravaillées pour plus de puissance avec des émissions de CO2 réduites. Pour les férus de technologie, cette optimisation s’obtient principalement par l’usinage conique des cylindres, qui réduit le frottement des pistons, et par le réglage variable de la course des soupapes d’admission. Avec ses 220 chevaux en version 2 litres essence, les montées en régime sont franches. Mais le principal atout de cette voiture reste son comportement irréprochable. Les ingénieurs de Mercedes-Benz ont trouvé le compromis ultime entre confort et dynamisme. L’acoustique soignée et la visibilité panoramique vous laissent apprécier la route. L’amortissement réglable et adaptatif qui limite le roulis en courbe sera très apprécié des passagers.

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A découvrir dans les concessions du GROUPE CHEVALLEY Garage de la Marbrerie | AMG Performance Center Chemin de la Marbrerie 1 – 1227 Carouge Garage de l’Athénée Route de Meyrin 122 – 1216 Cointrin Garage de l’Etoile Rue de Vermont 6 – 1202 Genève Garage de Nyon Route de Saint-Cergue 293 – 1206 Nyon andre-chevalley.ch


Success-story

© Thibault Penin

Netflix, disponible uniquement sur le web, est devenu en un peu plus de vingt ans aussi grand que Walt Disney, pourtant bientôt centenaire. Pour cela, il lui a fallu produire et diffuser ses programmes en zappant complètement le cinéma et la télévision. Par Daniel Steck, Banque Piguet Galland

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Tire les oreilles de Mickey

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La Casa de Papel : la série à succès de Netlfix.

W

all Street a tremblé et les oreilles de Mickey ont frémi. En avril, pour la seconde fois de sa courte histoire, la capitalisation boursière de Netflix, coté à New York sur le Nasdaq, a dépassé celle de Walt Disney. Le numéro un mondial de l’entertainment, la fabrique aux grands classiques, qui fêtera d’ailleurs son centenaire en 2023, s’est vu doubler par un jeunot. Ce printemps, Netflix a en effet vu sa valorisation approcher les 190 milliards de dollars, quand bien même il génère un chiffre d’affaires quatre fois moins élevé que celui de Disney. Mais dans l’esprit des investisseurs, le cours de bourse de Netflix ne fait jamais que refléter l’immense potentiel de ce qui n’était encore, voilà un peu plus de vingt ans, qu’une start-up de seconde zone spécialisée dans la location de DVD en ligne.

Vingt ans ont donc suffi à Reed Hastings, son visionnaire de patron, pour crever l’écran et transformer son bout d’essai en blockbuster ! Autant hier appartenait à Hollywood, autant demain appartiendra à Netflix, qui a su révolutionner l’industrie du divertissement. Sans trop se soucier des usages ou des convenances, Netflix a réinventé la création et la distribution de contenus, au-delà des canaux habituels que sont les cinémas et la télévision par câble. En se positionnant à la fois comme un producteur et un diffuseur, Netflix s’est brillamment arrangé pour délivrer directement ses programmes au spectateur en se débarrassant de ces relais obligés que sont l’exploitation en salle, le pay-per-view sur les chaînes cryptées ou la video-on-demand.

De par sa nature, internet a permis un accès facile, depuis des plateformes multiples, à des contenus de grande qualité. Netflix a donc pu s’affranchir des intermédiaires habituels pour s’exporter vers les ordinateurs, les tablettes et, bien évidemment, les smartphones. Disponible 24h/24, à tout moment, en tout lieu, Netflix satisfait ainsi le désir boulimique de consommation immédiate de la génération millennial. En ce sens, il s’est posé en pionnier et a profité pendant plusieurs années d’un quasi-monopole sur le marché du streaming, tant les acteurs traditionnels ont mis du temps à saisir le caractère disruptif de cette nouvelle tendance. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les statistiques de Netflix montrent à quel point le concept même de box-office a explosé. Plus de 100 millions de téléspectateurs ont suivi sur la plateforme la série Orange is the new black ; 80 millions de personnes ont regardé Sandra Bullock dans Bird Box. Ils étaient 76 millions pour The Witcher ou Spenser Confidential, lancés voilà à peine quelques semaines. A titre comparatif, une dizaine de films seulement ont dépassé les 100 millions d’entrées dans l’histoire du cinéma ! Pendant la crise du coronavirus, quand près de la moitié de la population mondiale étaient confinée, Netflix a pu asseoir un peu plus sa suprématie. Alors que les parcs d’attraction de Disney et les cinémas fermaient leurs portes, les consommateurs se sont massivement rabattus sur son offre de streaming. Entre janvier et mars de cette année, ce sont plus de 16 millions de nouveaux abonnés qui se sont déclarés. Au total,

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ils dépassent aujourd’hui les 180 millions. Au cours de ce premier trimestre, Netflix a d’ailleurs été l’une des rares valeurs de la bourse américaine à surnager. Tandis que le S&P 500, l’indice phare de Wall Street, perdait 20 %, Netflix progressait de 15 %. A elle seule, la qualité des contenus produits justifie cette croissance exponentielle. Les internautes considèrent Netflix comme l’un des meilleurs créateurs de contenus au monde, comme en témoignent les succès planétaires de La Casa de Papel, d’Ozark, d’American Horror Story ou encore du Irishman de Scorsese. En revanche, cette qualité a un coût. Il est exorbitant, financé par les emprunts en milliards de dollars émis par l’entreprise, en attendant qu’elle devienne rentable. Car si les abonnés sont au rendez-vous, Netflix continue à dépenser toujours plus qu’il ne génère de revenus et la situation devrait se prolonger jusqu’en 2023 ou 2024 au plus tard. Il n’a pas hésité à lâcher 15 milliards de dollars en 2019 pour rafraîchir son catalogue avec de nouveaux films ou de nouvelles séries. L’ardoise s’était élevée à 9 milliards en 2017, puis à 12 milliards en 2018. Avec 15 milliards, pour remettre les choses en perspective, il y a de quoi financer près de quarante Avengers : Infinity War, le film le plus cher de l’histoire ; son budget a dépassé les 400 millions. Netflix a utilisé ses 15 milliards pour produire 371 programmes originaux, films, séries ou documentaires, quand les grands studios hollywoodiens n’assurent jamais qu’une centaine de sorties dans l’année.

Toutefois, il se pourrait que les années à venir s’avèrent plus difficiles. Le marché gigantesque du streaming a bien évidemment attisé la convoitise de ces nouvelles « majors » que sont Amazon Prime, YouTube, HBO et Apple TV. Celles-ci ont récemment lancé leurs offres concurrentes et les débuts sont prometteurs. Disney a suivi également avec Disney+, un service très concurrentiel qui a réussi l’exploit d’attirer plus de 50 millions de curieux en à peine cinq mois. Et la courbe vertigineuse des abonnements – qui a surpris le CEO lui-même, Bob Iger – ne risque pas de s’interrompre avant longtemps. La marge de progression est énorme. Netflix est déjà disponible dans 190 pays, mais Disney+ se contente pour le moment d’une quinzaine. Il est clair que Walt Disney se présente comme le principal rival de Netflix. Le premier n’a, il est vrai, rien à envier au second en termes de contenu. Disney peut capitaliser sur un siècle de productions, avec des franchises qui continuent d’assurer un énorme chiffre d’affaires pour le groupe, que ce soit La Reine des neiges, Star Wars ou les Avengers. C’est bien là l’avantage de Disney+ sur Netflix : avec un modèle d’affaires plus diversifié, le vieux centenaire peut largement autofinancer ses productions sans s’endetter. Et il sait envoyer du lourd. En 2019, il est parvenu à placer sept de ses titres dans le top 10 du boxoffice américain, avec, à la clé, des bénéfices qui se sont élevés à 10 milliards de dollars. Ces dernières semaines, l’activité économique a repris, alors que la crise du coronavirus se dissipait. Les cinémas ont rouvert leurs portes, tout comme les parcs d’attraction, et l’action Disney a vite repris des couleurs. Sa capitalisation est repassée au-dessus des 200 milliards de dollars. Celle de Netflix est restée scotchée à 185 milliards. Les investisseurs se demandent naturellement si Netflix pourra soutenir le rythme imprimé au premier trimestre. Rien n’est moins évident. Il n’en demeure pas moins qu’il a pris une position dominante sur ce marché colossal du streaming, qui est capable d’accueillir encore quelques challengers. Dont Disney, très vraisemblablement le plus compétitif d’entre eux. Cela dit, les grands gagnants dans l’histoire ne seront autres que leurs dizaines de millions d’abonnés, qui n’ont pas fini de passer des nuits blanches devant leurs écrans. —

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Belles mécaniques

L’emprise

DES SENS

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Mise sur le marché aux USA en fin d’année dernière, la troisième génération des Bentley Continental GT V8 est maintenant disponible en Europe.

En version coupé ou cabriolet, ces modèles exclusifs continuent de marier performance et luxe au plus haut niveau. Par Stéphane Léchine

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Evolution(s)

Bentley, qui doit le succès de son renouveau à la Continental GT mise sur le marché en 2003, poursuit le développement de sa GT de luxe, qui a détrôné le SUV Bentaya dans le cœur (et le portefeuille) des acheteurs en 2019. Après la motorisation W12 inaugurant cette nouvelle version, la déclinaison en Coupé et Convertible est cette fois motorisée par le V8 4L bi-turbo, qui délivre la bagatelle de 550 Ch et 770 Nm de couple. Outre sa puissance phénoménale, ce moteur se distingue d’emblée par une sonorité très travaillée, que l’on peut moduler à loisir en fonction des différents modes de conduite. Le 0 à 100 km/h est atteint en 4 secondes et la vitesse de pointe est donnée pour 318 km/h. Pas de doute, on a bien affaire ici à une sportive aux performances exceptionnelles. Performance et sobriété, car le moteur a la capacité de désactiver, imperceptiblement pour le conducteur, quatre de ses huit cylindres lorsque les conditions s’y prêtent, gage d’une consommation contenue. Evidemment, cette Bentley ne saurait se réduire à ces données brutes. Elles seraient même très accessoires, tant il se dégage de cette voiture une expression incomparable du luxe et une beauté à couper le souffle qui bouscule tous nos sens.

Regard de braise

Feeling… good !

L’ouverture de la porte et sa fermeture par soft-closing sont une expérience en soi. On mesure la subtilité avec laquelle la portière se referme sur un monde de luxe et de douceur. Laisser le dos de sa main se promener sur le cuir des sièges, spécifiquement choisi pour son absence de défauts, effleurer les commandes à la finition diamantée, puis se lover confortablement dans l’assise à 20 options de réglage suffisent à s’imprégner du luxe à l’anglaise de la Continental. Entièrement réalisé à la main dans les ateliers de Crewe, l’habitacle marie avec grâce la technologie moderne et la tradition des matériaux nobles. Le placage de la planche de bord abrite le système de commande central, breveté par Bentley, qui bascule de l’écran tactile vers de jolis compteurs analogiques, ou sur une face intégralement plaquée pour offrir une façade tout de bois revêtue. Le volant, les accoudoirs et les sièges chauffants sont complétés, pour la version Convertible, d’une ventilation de nuque qui permet de rouler au grand air même par temps frais.

Car cette Bentley Continental se laisse d’abord apprivoiser par le regard. La face avant, typique de Bentley, avec les immenses grilles chromées de la calandre et les phares admirablement ciselés en inspiration du cristal, reflète la lumière en autant de clins d’œil aguicheurs. Comme une incitation à monter à son bord, les phares à LED matriciels s’allument progressivement lorsque l’on approche de sa voiture. L’ omniprésence des chromes, que l’on retrouve autour des feux ou le long des bas de caisse, se trouve magnifiée par un choix de coloris très British, qui met en valeur la ligne athlétique de ce coupé, qui s’étire jusqu’au galbe de l’aile arrière, véritable signature de la Continental. Dans le détail, le B de Bentley se trouve élégamment repris dans les aérations latérales et de discrets sigles V8 ornent les ailes avant. Les quadruples sorties d’échappement, quant à elles, sont distinctives de ce modèle. L’allure générale de puissance est mise en exergue par les immenses jantes en alliage de 20 pouces, que l’on peut choisir jusqu’à 22 pouces en option. Capote fermée, la Convertible conserve l’allure du coupé. Décapotée, elle souligne encore plus le caractère ramassé, presque bodybuildé, de la Continental : cette Bentley ne demande qu’à bondir.

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Ecoute active

Tendre l’oreille et laisser s’ébrouer le V8 à pas feutrés au démarrage avec le mode Confort, ou tourner la molette en mode Sport et se délecter des claquements de l’échappement à valve ? Voilà bien le dilemme auquel vous serez confrontés à la mise en action de cette Continental GT. En cela, Bentley illustre parfaitement la philosophie du Grand Tourisme de luxe. En mode confort, la souplesse est de mise. Le volant se manœuvre du bout des doigts et la voiture se meut délicatement, bien aidée par le système Dynamic Ride qui pilote la suspension pneumatique à trois chambres. Les mouvements de caisse et de roulis sont limités, pour le plus grand bonheur des passagers, alors que les aspérités de la route sont complètement effacées. En mode Sport, la bête se réveille et les échappements claquent. Les montées en régime sont impressionnantes. Malgré le poids imposant de ce coupé, le comportement dynamique est parfait. Les qualités du châssis adaptatif équipé de barres stabilisatrices actives à l’avant et à l’arrière se révèlent au grand jour. Les courbes s’enchaînent sans effort à un rythme effréné. Il faut dire que la répartition du couple de la transmission intégrale ajoute à la stabilité et l’on se prend à retarder d’autant ses freinages pour inscrire la voiture et la laisser s’enrouler dans le virage. Les freins à 28 pistons en fonte sont les plus puissants jamais montés sur une Bentley. Ils assument leur travail sans rechigner, pour ralentir ce monstre capable d’atteindre près de 320 km/h.

Emoi… et moi !

En mettant nos sens en éveil, cette Continental GT est à même de nous faire accéder au bien-être absolu. Le confort restant l’apanage de Bentley, il s’exprime avec une quantité de détails qui personnifient la relation que l’on peut avoir avec sa voiture. Ce subtil mariage entre la tradition anglaise et la technologie (allemande !) se configure à l’envi, et l’on ne peut que vous conseiller de prendre le temps de modeler l’intérieur selon vos envies. Par exemple, la spécification Mulliner ajoute une touche sportive avec les pédales Racing et reprend la finition en losange des cuirs réalisée à la main, que l’on retrouve également sur la W12. Le système audio dispose lui aussi de plusieurs configurations de 10 à 18 haut-parleurs. Bang & Olufsen s’est associé à Bentley et décline son système de contrôle BeoSonic, bien connu des puristes du son, en un ensemble de 1'500 Watts, délivrés par 16 haut-parleurs via un amplificateur à 16 canaux. Moins radicale que la W12, la Continental GT V8, en version Coupé autant qu’en version Convertible, tire son épingle du jeu grâce à ses prestations hors norme. Le dynamisme du V8 bi-turbo allié à une souplesse d’utilisation sans faille en fait assurément la GT de luxe la plus aboutie de sa génération. —

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WOW ! JPG

Ce n’est qu’un au revoir

La maille de Chanel

Next stop,

Marrakech !

Eté indien

Comment se faire du bien ?

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Jean-Paul

Show must go on !

aultier

RÉVÉRENCE ET RETROUVAILLES L’enfant terrible de la mode. Ce surnom colle à la peau de Jean-Paul Gaultier, lui qui remit en cause les critères du goût et du mauvais goût. Retour sur cinquante années de folies, de fantaisie et

de fraîcheur. Par Diane Ziegler

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© GaultierParis


Clap de fin ? Que nenni !

Après des adieux triomphants au Théâtre du Châtelet en janvier dernier, Jean-Paul Gaultier n’en a pas pour autant fini de faire parler de lui et de chambouler les codes bien établis. Annoncée via un simple tweet, la nouvelle a eu l’effet d’un razde-marée : désormais, à chaque saison, JPG invitera un designer à piocher dans les archives de la maison pour inaugurer un nouveau concept de haute couture étroitement liée à l’upcycling. Décidément, Jean-Paul Gaultier a tout bon et sait nous plaire ! La mode doit changer ou ne sera plus. Voilà pourquoi le créateur s’engage dans cette démarche éthique et écolo afin de valoriser les anciens tissus et d’en faire de nouveaux habits. Car n’est-ce pas là ce qui alimenta sa passion depuis ses débuts dans la mode ? « Mélanger. Surtout des choses qui ne sont pas censées aller ensemble. Le meilleur est devant. » On ne peut que lui faire confiance…

Une élégance jamais boring !

Jean-Paul Gaultier a toujours aimé détourner les codes, ce qui lui a valu le surnom d’enfant terrible de la mode. En réaction aux normes esthétiques de la société, il invente son vocabulaire, où se mêlent poésie, impertinence et anticonformisme. Inspiré de la rue et de ses codes, il propose un travail dans lequel s’affrontent les antagonismes – l’art/la mode, l’homme/ la femme, la bourgeoise/le punk –, tout en créant des liens entre ces différents univers. Entre les années 1960 et 1970, alors que la haute couture se définit selon des règles bien spécifiques, Jean-Paul Gaultier crée une mode qui se joue des conventions en abolissant les frontières entre les genres et les catégories. Et quand il s’agit d’appréhender la femme, le créateur la fait valser du chic au kitsch, de l’élégant trench-coat ceinturé rendu célèbre par Catherine Deneuve à la lingerie de dentelle sublimant les cuisses d’albâtre de l’effeuilleuse Dita Von Teese. Dans tout ce qu’il fait, il insuffle une touche de frivolité à la française, souvent appuyée par des clins d’œil amusés aux tenues des soubrettes parisiennes ou à la tour Eiffel. Son inclination pour l’élégance à la française date de 1992 (bien avant la création de sa maison de haute couture en 1997). Au dernier défilé de ce printemps-été 2020, les accents kitsch et l’esprit mordant réinventent le répertoire traditionnel de la mode parisienne. Telle une invitation à aimer le flambant vieux, le styliste vogue au milieu de ses obsessions, célébrant les motifs émotifs sur les foulards, les sacs de grand-mère perlés éclatés, les cuirs cabossés à la César, les délires tressés, les bleus de travail version couture…

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Défilé haute couture printemps-été 2020. Chapter II « French accent (show me your coq) ».


La Parisienne selon JPG

Charmé par les faubourgs bigarrés de Pigalle et par la foule colorée de Barbès autant que par les cercles étincelants de la haute société, l’enfant banlieusard qu’il était ennoblit le vêtement vulgaire et se moque de la suffisance des BCBG. Le couturier marie le classique à son élégance « plébéienne », unissant la calèche et le pull marin ! Et c’est ainsi qu’à la fin du XXe siècle la femme porte un costume de « marlou » à rayures tennis et une étole de renard argenté. Elle s’encanaille avec une petite robe « relevée-retroussée » au chic apparemment sage et un fourreau en jersey gris muni d’une sangle dévoilant une impertinente jarretelle. Elle porte surtout les couleurs de la capitale française – des toits à la Mansart ou du ciel voilé de nuages – et les accents canailles du légendaire gai Paris. Elle se parisianise avec une combinaison surréaliste de tous les indispensables à la survie d’une Parisienne : un fume-cigarette, un sac Kelly et un parapluie !

Iris Mittenaere, Chapter II « French accent (show me your coq) ».

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« MÉLANGER. SURTOUT DES CHOSES QUI NE SONT PAS CENSÉES ALLER ENSEMBLE. LE MEILLEUR EST DEVANT. »

A fleur de peau

Au début des années 1980, JPG propose un vaste éventail des genres qui englobe l’hypersexué et le transcende. A la dictature de la minceur il oppose la sensualité de la taille XXL. Au casting type de la Suédoise blonde et diaphane il préfère les castings sauvages via des petites annonces parues dans Libération (« Créateur non conforme recherche mannequins atypiques – gueules cassées ne pas s’abstenir »). Ainsi, le créateur associe le perfecto du motard mauvais garçon au tutu de la ballerine de La Sylphide. Son « homme moderne » se vêt d’une redingote romantique et d’un pantalon en skaï noir (1996-1997). Dès l’été 1985, JPG écrit une nouvelle page de l’histoire des genres commencée par Yves Saint Laurent. Sa collection « Une garde-robe pour deux » marque l’exploration des genres alternatifs. Aux hommes, il propose un style post-machisme enrichi de matières douces, délicates, raffinées et colorées. Au-delà de l’électrochoc, il leur donne un nouveau droit, celui d’exprimer leur sensibilité.

Nana, son fétiche

Dès son plus jeune âge, Jean-Paul Gaultier a expérimenté diverses facettes de la création. Il a fabriqué ses premiers seins coniques avec du papier journal, sur son ourson Nana. Il avait pris chez sa grand-mère un napperon circulaire, au milieu duquel il découpait un rond pour faire une jupe à son ours. Sans le savoir, il venait d’inventer une coupe en biais… Tout le monde y a passé !

Madonna, sa muse

JPG est tombé amoureux de cette femme à sensations spécialement parce qu’elle n’avait peur de rien ! Et leur plus beau cadeau réciproque fut ce vestiaire de costumes pour le Blond Ambition World Tour 1990. Pleins d’ironie et de provocation, ils aiment tous deux le côté « confusion des genres ». Madonna portait d’ailleurs déjà des corsets, des bustiers et des costumes d’homme avant de demander à JPG de dessiner ses tenues de scène. Bref, impossible de dissocier la star de son bustier doré ou de son body à paillettes porté sous son manteau !

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Le corset

1983. JPG lance la mode des corsets en satin aux nénés pointus comme des cornets à la crème. C’est la révolution dans les rues ! En retravaillant les corsets et bustiers des années 1940, il offre à celles qui en sont privées les attributs de la féminité, comme des armes dressées comme des obus, affirmant la puissance de la femme. Cindy Sherman, Madonna, Grace Jones, Arielle Dombasle, Kylie Minogue suivent le pas…

La jupe pour homme

Sa première jupe pour homme fut construite comme un pantalon : avec deux jambes coupées assez larges et un pan de tissu qui les recouvrait sur le devant, à la façon des tabliers des garçons des brasseries parisiennes. Le créateur lui-même a déclaré : « Un vêtement n’a pas de sexe, sauf s’il épouse le corps de très près. Pourquoi un homme ne serait-il pas aussi séduisant qu’une femme ? Il a changé, ce n’est plus un macho à la John Wayne. J’en ai fait un homme-objet. »

La marinière

Depuis toujours, JPG aime l’aspect graphique, architectural de la rayure. Sa mère l’habillait déjà avec des pulls marins. Indémodables, ils ont aussi eu d’autres influenceurs : sa grandmère, Coco Chanel, Jean Genet, Popeye, Tom of Finland, Rainer Werner Fassbinder et son film Querelle, qui était en quelque sorte l’apothéose du marin gay hypersexué. Un fantasme pour JPG, qui voit alors dans cet habit une forme de virilité ambiguë. —

Défilé haute couture printemps-été 2020. De gauche à droite : Chapter II « Live and let dye » ; Chapter I « Ca peut servir » et « Déshabille émois ».

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Les iconiques

de Coco

E

toffe non tissée, tricotée avec un seul fil dont les différentes mailles s’entrelacent, la maille, et plus particulièrement le jersey, est la matière première fondatrice de l’A DN de Chanel. Maille de coton, de soie ou encore de laine, il en existe de nombreux types. Pragmatique, radicale, Mademoiselle Chanel ne vit que pour exprimer son temps. Obsédée par la liberté de mouvement, elle rejette l’ornement au profit de la ligne et stigmatise l’allure contrainte des femmes. Subversive, elle impose sa différence : c’est avec la maille qu’elle va révolutionner la mode.

Corps & âme

Gabrielle Chanel découvre le jersey avec Arthur Capel, surnommé Boy Capel, un homme d’affaires anglais et le grand amour de sa vie. Elle lui emprunte ses cardigans et en expérimente le confort. A Deauville, où elle ouvre une boutique en 1912, elle remarque les marinières des pêcheurs en jersey et choisit de tailler des vêtements dans cette matière « pauvre », jusqu’ici réservée aux sous-vêtements masculins et aux teeshirts de marins. Dès 1913, elle décline ainsi en jersey blouses, marinières, ensembles et tailleurs souples : simplement noués d’une ceinture aux hanches, ils effacent le buste, la cambrure,

et n’emprisonnent pas la taille. Faciles à porter, épousant les mouvements du corps, revendiquant un ourlet écourté, ces vêtements sont un manifeste pour la liberté. « Il faut pouvoir se baisser, jouer au golf, mettre ses chaussures », disait-elle. La maille est pour la créatrice l’expression d’une vision : l’adéquation parfaite entre le corps, une coupe et un mode de vie.

Un vent de révolution

Avec ces nouveaux modèles, le jersey devient une matière luxueuse et féminine. Le geste est provocateur en ce début de XXe siècle : la presse cautionne. Dès 1914, la publication du Women’s Wear Daily adoube sa démarche révolutionnaire : « Gabrielle Chanel propose des sweaters extrêmement intéressants et innovants. Ils sont en jersey de laine... Et nous leur prédisons un grand avenir. » En 1916, le Vogue américain écrit : « Chanel a une maîtrise absolue de son art, et son art s’appelle jersey ». En 1923, Vogue France résume ainsi sa réussite : « Mademoiselle Chanel découvrit le jersey de laine, tissu que personne n’utilisait […]. Ces robes qui répondaient si bien aux besoins du moment et qui donnaient une allure si jeune à celles qui les portaient valurent à leur créatrice une renommée universelle. »

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Tual ion Denise © Col lect

Gabrielle Cha

de Westm nel et le duc

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28.

« En inventant le jersey, je libérai le corps, j’abandonnai la taille, je figurai une silhouette neuve. » C’est avec la maille que Gabrielle Chanel a libéré les femmes et inventé une nouvelle allure. Aujourd’hui, c’est un fondamental de la silhouette de Chanel, qui se décline à l’infini. Par Juliette Herger

Collection prêt-à-porter automne-hiver 2020/21.


La maille est d’ailleurs présente dans toutes les collections de la maison. Elle est un élément essentiel du vestiaire de Chanel : sa palette n’a pas de limites pour la création, et sa souplesse signe chaque silhouette de cette élégance si contemporaine. Vestes, manteaux, pantalons, tops, marinières, robes… Aucun registre ne lui est interdit et ses déclinaisons sont infinies : mailles de jersey de coton ou de soie, de cachemire ou de laine torsadées, ajourées, rayées ou bicolores, gansées ou soulignées de tweed. Chaque saison, ses proportions sont réinventées, longueur mini ou XXL, carrure épaulée ou souplement arrondie, manches floues ou appuyées : la maille se décline dans toutes ses possibilités.

© Col lect

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Sous le crayon de Virginie Viard

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nel Gabrielle Cha en 1913. à Deauville

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On n’est jamais mieux servi

que par soi-même

En 1928, Gabrielle Chanel marque sa volonté de maîtriser la production de ses créations et crée, à Asnières, la société Tricots Chanel, garante de tissus exclusifs et de qualité. Gabrielle crée d’abord pour elle-même : « J’ai inventé le costume de sport pour moi, non parce que les autres femmes faisaient du sport, mais parce que j’en faisais. » Dans les années 1920-1930, elle s’inspire de son propre mode de vie – parties de chasse, de pêche ou croisières avec le duc de Westminster – et imagine des sweaters en cachemire, des tailleurs en jersey, des cardigans inspirés des tricots de l’île écossaise Fair Isle, des petits pulls fins, portés sur des pantalons d’homme qu’elle arbore avec le plus grand naturel.

A l’occasion du défilé prêt-à-porter automne-hiver 2020/21, Virginie Viard a imaginé des pulls ornés d’une croix oversized multicolore évoquant les bijoux d’inspiration byzantine chers à Gabrielle Chanel. Cette saison, le cardigan se décline dans une version graphique qui associe le fuchsia, le camel et le bleu. Une fine chaînette de laiton doré se glisse entre les mailles d’un pull en maille texturée, orné de boutons-pression. Véritable signature de la collection, ces derniers illuminent également les manches d’un pull col rond en maille côtelée, à la taille délicatement marquée, et les épaules d’une petite robe bicolore noire et blanche. Enfin, un cardigan en cachemire noir à col châle, aux épaules arrondies et aux manches légèrement coudées, réchauffe un top et un minishort à l’allure à la fois confortable et audacieuse. Tantôt vibrante de couleurs, tantôt d’une sobriété minimale et graphique, la maille vit au fil des collections de Chanel. Elle est la quintessence de l’esprit qui signe chaque silhouette de la maison et fait vivre, chaque saison, une allure faite de sophistication et d’épure, d’audace et de subtilité. —

Sky is the limit

© Getty Images Sasha

La créatrice, à travers la maille, revendiquait le confort et la liberté de mouvement, et a posé les nouveaux fondements d’une silhouette. Karl Lagerfeld et Virginie Viard ont continué d’accompagner les envies des femmes, et réinventé, grâce à la richesse d’expression de cette matière, un vestiaire chic et contemporain, en phase avec l’époque. « La maille est facile à porter. Elle se marie avec tout », disait Karl Lagerfeld.

Jean Cocteau avec les danseurs du ballet « Le Train bleu » en 1924. 122


La quintessence du cachemire écossais

Comment évoquer la maille de Chanel sans vous parler de Barrie Knitwear ? Fondée en 1903 au cœur de la région des Scottish Borders, Barrie Knitwear jouit d’une renommée internationale grâce à ses standards d’excellence et à un savoir-faire d’exception. A l’instar de la maison Chanel, qui a acquis le fabricant écossais en 2012 après lui avoir été fidèle pendant plus de 30 ans, Barrie est la preuve que le luxe contemporain est un savant mélange entre respect de la tradition et adaptation aux créations de mode. Bien que la manufacture se soit aujourd’hui modernisée, l’âme et l’authenticité des lieux restent intactes. La fabrication des vêtements est artisanale ; chacun d’eux requiert plus de 40 opérations, dont la plupart sont réalisées à la main. Ce respect des traditions s’illustre également dans le choix des matières, puisque Barrie exige la meilleure fibre de cachemire du marché. Chaque saison, le savoir-faire de Barrie permet de donner vie aux créations en maille imaginées par Virginie Viard pour Chanel.

Collection prêt-à-porter automne-hiver 2020/21.

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Beauté tips

de la rentrée Les corps ont repris possession de l’espace, les visages flirtent en douceur avec les derniers rayons de soleil, le make-up est un brin plus coloré… Entre

les bons gestes à adopter et les nouveautés de la rentrée, nous vous proposons sept façons de prolonger encore un peu l’été. Par Martine Tartour

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1)

2)

Réveiller

SON CORPS

Pour une peau soyeuse, on s’offre

tout ce qui fait du bien

DES DERNIERS RAYONS

Pour un teint comme caressé par le soleil, on capte le bon process

- Un gommage luxe : comme une parenthèse bien-être, on commence par « upgrader » son bain avec une bougie parfumée sur le rebord de la baignoire et quelques gouttes d’huile essentielle de néroli, de lavande vraie ou de bigaradier. Le gommage, à faire à la fin du bain, doit rester léger ; la peau a besoin de quelques cellules mortes pour se protéger des UV. - Une crème hydratante : en se crémant religieusement chaque soir, la peau la plus sèche devient aussitôt douce, un vrai appel à la caresse. Faut-il argumenter davantage ? D’autant qu’en cette fin d’été, on jette son dévolu sur des textures fouettées, des crèmes glamour, des huiles parfumées qui épicent l’épiderme. Le soir avant de sortir, on dépose à la houppette une poudre scintillante sur le décolleté, le cou ou encore – merveilleuse idée – la cheville.

CLARINS Lait Corps Hydratant Velours, 300 ml. CHF 42.–

Profiter

- Un écran solaire SPF30 : inutile de préciser que les crèmes sans protection solaire sont à bannir. La bonne quantité ? Une cuillère à café pour le visage, toutes les deux heures. On évite l’over-bronzé : le soir, on a tout loisir d’intensifier son hâle avec une poudre bronzante. On applique cette dernière après le fond de teint et l’anticerne, avec un pinceau et la main légère, sur les pommettes et le menton. - Un autobronzant : pour le corps, pourquoi ne pas tricher ? Certains autobronzants ont la bonne idée aussi d’agir sur la fermeté, via des actifs comme le silicium : on aurait tort de s’en priver. On connaît les réticences : l’application est compliquée et on redoute l’aspect peau de crocodile deux jours plus tard. Alors, côté application, on prend son temps, puis on monte en intensité jour après jour. Et côté rendu, on s’intéresse à la façon dont agit un autobronzant : il contient de la dihydroxyacétone, plus souvent appelée DHA. Et comme la DHA est hygroscopique – elle absorbe l’eau –, la peau se dessèche très vite, donc il faut hydrater et hydrater encore.

CHANEL Huile de Jasmin, 50 ml. CHF 140.–

NARS Bronzing Moment Bronzing Powder San Juan. CHF 62.–

SHISEIDO Expert Sun Protector Cream SPF 30, 150 ml. CHF 43.20

ESTÉE LAUDER Bronze Goddess Crème de Soleil Smoothing Body Creme, 200 ml. CHF 56.–

DIOR Parfums Maison Christian Dior, crème pour le corps Jasmin des Anges, 150 ml. CHF 109.–

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3)

Avoir

BONNE MINE

Pour une peau zéro défaut, on

4)

mise sur les bonnes tendances make-up

- Yoga skin ou micro-concealing : avec une approche quasi pointilliste du maquillage, ces méthodes mettent sens dessus dessous les gestes habituels. Le fond de teint, c’est uniquement là où on en a besoin ! Avant de commencer, on booste sa peau avec une crème hydratante. Si nécessaire, on renforce l’action avec un masque express. On applique ensuite un primer, puis le fond de teint, par touches. La vraie astuce, c’est de le choisir liquide et d’y mélanger quelques gouttes d’huile nourrissante. - L’anticerne, mais pas sous les yeux : c’est une tendance forte chez les maquilleurs, qui préfèrent l’utiliser au coin interne de l’œil, soit au plus proche du nez. Sous les yeux, il file dans les ridules et les accentue, surtout quand on le pose en faisant des mouvements d’essuie-glaces, comme on le fait souvent. Alors qu’il faut tapoter la matière, puis l’étirer au doigt. On choisit son anticerne dans un ton le plus neutre possible. Avec un blush abricoté sur les pommettes, le tour est joué.

SHISEIDO Future Solution LX Legendary Enmei, Crème Reconstituante Ultime, 50 ml. CHF 600.–

Mettre du sunny DANS LE REGARD

Pour battre des cils,

et pas parce qu’on a le soleil en face, on s’inspire des défilés fashion les plus trendy - Les paupières sea, sun ou sable : on trouve l’inspiration chez Simone Rocha, la créatrice irlandaise coqueluche de la mode, pour se faire un regard arty. On applique sur toute la paupière mobile un fard fluo turquoise, beige soleil ou taupe. Puis on dessine un trait d’eye-liner noir, en partant du milieu de la paupière et en l’étirant légèrement vers la tempe. Au coin interne de l’œil, on dépose un peu de fard pailleté, de la taille d’un confetti. - Les cils rose pompon : on s’inspire de l’univers Ferragamo pour des cils roses. « Hyper sexy quand ça attrape la lumière », selon Fara Homidi, qui opérait backstage. La make-up artist la plus en vue du moment mélangeait une base de mascara avec un pigment rose. Nous, on se contentera d’un mascara déjà coloré, juste sur la pointe des cils. Et pour reprendre les mots de Lucia Pica, à la tête du maquillage Chanel, on veut une bouche « comme si on avait mangé des fraises ». Donc lipstick à volonté.

CHANEL Les Beiges Crème Belle Mine Ensoleillée. CHF 63.–

VALMONT Pimary Cream Crème initiale essentielle, 50 ml. CHF 195.– Pimary Solution Soin ciblé imperfections, 20 ml. CHF 178.–

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CHANEL Rouge Coco Flash Crush. CHF 48.–

YVES SAINT LAURENT Couture Palette Eye Contouring. CHF 68.–

5) DIOR Diorshow Pump’n’Volume, mascara coloré. CHF 48.–

Garder

LA LIGNE

Pour rester healthy et de bonne humeur, on pense surtout à ne pas se priver :

Oui aux tentations !

Le pain, à condition qu’il soit complet. Une crêpe ou une gaufre nature, ou avec un nuage de sucre glace ou de la confiture sans sucres ajoutés. Côté ice-cream, on fonce chez le glacier artisanal avec, en tête, les réflexes de survie en bikini : plutôt un sorbet qu’une crème glacée. Et les pralines, c’est juste une poignée (soit le creux de la paume de la main). BY TERRY Hyaluronic Hydra-Foundation, 30 ml. CHF 63.–

NON aux faux amis Entre une salade trop légère – genre salade verte + trois bouts de jambon – noyée sous la sauce (même pas maison) et une portion de frites, il n’y a pas à hésiter : les frites, ça rassasie et, grâce à elles, on ne se jettera pas sur tout ce qui est gras et sucré à l’heure du goûter. Mais pas tous les jours quand même ! En revanche, on renonce au café gourmand parce que, finalement, ces quatre mini-desserts sont pires qu’un gros dessert. Donc on assume l’île flottante aux fruits rouges. Ou un sorbet de fruit.

SHISEIDO Synchro Skin Gel Stick Concealer. CHF 52.– Synchro Skin Self-Refreshing Foundation, 30 ml. CHF 59.–

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6)

Sortir

COIFFÉE

POUR

Pour profiter de la fin de l’été sans se prendre la tête, on sacrifie

LUI

ses longueurs et on ose un nouveau style

- Boyish : bonne nouvelle, cette coupe convient à tous les types de visage. Courte derrière, avec de la longueur devant pour multiplier les coiffures. Pour un look rock, on réchauffe une pointe de pâte modelante dans le creux des mains et on met du fou dans la chevelure. Pour un look plus classique, une crème lissante et un coup de séchoir pour maîtriser les mèches rebelles, que l’on fait revenir autour du visage pour un air mutin. On a même vu revenir la coupe au bol. - Carré long : soit aux épaules. C’est dingue comme cette coupe est sexy. Avec cette longueur, sur la plage comme en ville, on cède à l’appel du headband ou du bijou de cheveu pour retenir ses frisottis. Et, pour le soir, on sort en version wetlooker, soit les cheveux plaqués en arrière avec une huile sèche, sans effet gras au toucher. Une robe longue à motifs folks, des sandales chic, une chaîne en or autour du cou… Charlize Theron ne fait pas autrement.

BULGARI Eau de toilette Bulgari Man Glacial Essence, 100 ml. CHF 134.–

AVEDA Nettoyant capillaire hydratant sans rinçage, 150 ml. CHF 43.–

ACQUA DI PARMA Crème de soin fixation légère Barbiere. CHF 45.–

BABYLISS 9000RU lisseur sans fil. CHF 249.–

DOLCE & GABBANA Eau de parfum K by Dolce & Gabbana, 100 ml. CHF 131.–

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POUR

ELLE

ROGER & GALLET Eau fraîche parfumée bienfaisante Fleur de Figuier, 50 ml. CHF 56.70

ISSEY MIYAKE Eau de toilette Nectar Première Fleur, 50 ml. CHF 80.–

AESOP Eau de parfum Rozu, 50 ml. CHF 180.–

DIOR Miss Dior poudre de rose parfumée. CHF 69.–

CHANEL Eau de toilette Les Eaux de Chanel Paris-Riviera, 50 ml. CHF 99.–

7)

SE parfumer

Après s’être parfumée d’eaux fraîches et solaires tout l’été, on s’habille de fra-

grances un brin plus affirmées

Plus tout à fait l’été, pas tout à fait l’automne, s’il est une période difficile pour trouver le parfum idéal – léger et suffisamment souligné –, c’est bien la rentrée. Heureusement, septembre est souvent synonyme de nouveauté ! Qualité première : la curiosité, avec une touche d’originalité. Il n’y a plus qu’à aller puiser dans l’une des sept grandes familles de la parfumerie et découvrir les dernières créations des grandes maisons. Rééditions, jus de caractère, fragrances naturelles ou eaux hybrides… on innove et on se fait plaisir !

SERGE LUTENS Eau de parfum Des clous pour une pelure, 100 ml. CHF 150.–

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Au grand air !

Echappées Week-end prolongé ou escapade improvisée ? En cette rentrée, que diriez-vous

d’une parenthèse à vol d’oiseau ? Art de vivre, découverte et farniente… Visites guidées et plus si affinités à quelques encablures de Genève. Par Christine, Delphine, Manon et Siphra

N

ous sommes à quelques heures de Genève, direction le Sud. Les cigales s’en donnent à cœur joie. Le Sud ? Mais, enfin, on y connaît tout ! Même les adresses les plus secrètes… C’était sans compter cette nouvelle pépite sise à Aix-en-Provence.

UNE BELLE HISTOIRE

Oui, il y a des lieux où soufflent l’esprit et la sérénité, des lieux enveloppés d’une belle histoire ; la Villa Saint-Ange est de ceux-là. Tombé sous le charme du Castel Sant’A ngelo (Château Saint-Ange) à l’occasion d’un séjour à Rome, Jean-Brice Garella s’était promis que, le jour venu, il nommerait ainsi l’hôtel de ses rêves. Autodidacte, la patron des lieux, avant d’être hôtelier, a d’abord commencé à travailler dans l’entreprise familiale de création textile à Gardanne, près d’A ix-en-Provence. Déterminé et ingénieux, il l’a transformée, avec son épouse, en un groupe de prêt-à-porter féminin (3 marques, 150 collaborateurs) dont les créations sont diffusées dans une vingtaine de pays. Mais l’hôtellerie l’attire… Il s’y essaie tout d’abord en restaurant un petit hôtel dans le quartier Mazarin, à Aix, mais il voit et veut plus grand, un lieu d’exception qui mettrait en valeur l’art de vivre à la française…

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VILLA SAINT-ANGE LE DOMAINE

Sitôt franchies les grilles ouvragées de la Villa Saint-Ange, un sentiment de plénitude envahit le visiteur. L’impressionnant jardin de 8'000 m2 en plein centre-ville fait totalement oublier les bruits extérieurs et on se laisse emporter par l’âme du lieu. Les bastides aux murs ocre se partagent les jardins florissants et, bien à l’abri, trône une immense piscine miroir… L’invitation au farniente est irrésistible.

La bien nommée ART DE VIVRE À LA FRANÇAISE

Impliqué à 100% dans la décoration, Jean-Brice Garella, admirateur de Louise de Vilmorin et de Joséphine de Beauharnais, a voulu créer un lieu à leur image, féminin et raffiné. Il a ainsi couru les salles de ventes pour dénicher vases, bougeoirs, pendules, guéridons, consoles et autres lustres, et même un portrait de Napoléon, accroché dans l’un des salons. Mais c’est dans l’immense salle à manger totalement restaurée dans le style Empire (moulures, colonnes et tables) que le raffinement atteint son paroxysme. C’est dans ce lieu imaginé comme un jardin d’hiver, avec sa structure entièrement vitrée aux armatures métalliques, que l’on se laisse séduire par la jeune cheffe Nadège Serret et sa brigade, qui proposent des assiettes de saison précises et féminines. L’art de la table, estampillé Christofle pour la Villa Saint-Ange, est en harmonie avec le décor de ce lieu exceptionnel.

AUX ALENTOURS

Outre les multiples festivals et richesses culturelles de la région, Jean-Brice Garella nous recommande de ne pas passer à Aix sans visiter la Fondation Vasarely, Musée et Centre architectonique d’A ix-en-Provence classé monument historique, qui vous fera plonger dans l’univers fascinant de l’art optique au cœur d’un bâtiment luminocinétique imaginé, conçu et financé par Victor Vasarely. Goûter une pizza de Chez Jo, véritable institution en ville et adresse incontournable d’A ix-en-Provence, située à deux pas du cours Mirabeau, sur la place des Augustins. Et prendre le temps dans la Librairie Goulard, sur le cours Mirabaud, dernière librairie indépendante généraliste d’A ix, qui propose, dans un joli décor, plus d’un million de titres et prodigue de précieux conseils littéraires.

VILLA SAINT-ANGE***** www.villasaintange.com

LES CHAMBRES La nouvelle bastide abrite quelques chambres et l’unique suite de l’hôtel, des cocons qui rivalisent d’élégance. Rideaux soyeux retenus par des broches en bronze, méridiennes confortables, télévision invisible intégrée dans un grand miroir : chaque détail est étudié dans ces chambres cossues tout en velours et tapisseries, où l’on retrouve le luxe des anciennes maisons bourgeoises françaises.

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À LA TERRE COMME À LA MER

Installez-vous confortablement dans la belle salle panoramique du restaurant gastronomique pour admirer le tableau vivant qui se joue entre la plage et l’océan à mesure que le repas s’écoule. Sable ondulant à marée basse, bruissement des vagues lorsque l’eau monte et coucher de soleil aux couleurs exceptionnelles : on se sent en pleine nature, comme dans notre assiette. Du terroir breton à l’océan sauvage, la cuisine du chef Yoann Noël est ancrée dans les produits locaux et les traditions familiale ; en témoigne ce homard grillé au beurre blanc, spécialité de la maison. Les menus varient selon les envies du jour et les saisons : foie gras, langoustines à la plancha, maki de tourteau, agneau de lait de la ferme du Ponclet ou vacherin aux fraises revisité, on se laisse tenter pour le plaisir. Avec ces propositions raffinées, créatives et au goût du jour, on se régale les pieds (presque) dans l’eau. Changement d’air garanti.

DOUCEUR DE VIVRE

LA BRETAGNE... RETOUR À LA NATURE

Pour arriver à l’Hôtel de la Plage, il faut prendre son temps, emprunter les routes nationales, admirer le paysage et s’aventurer sur un chemin de bout du monde, où vous attendent calme et sérénité.

Dans cet écrin de petits bonheurs, on se réveille au clapotis des vagues et on respire l’air iodé avant le parfum du café, face à une plage immaculée. Avec sa piscine chauffée, ses deux terrasses et son jardin qui embaume, l’Hôtel de la Plage est un véritable refuge dédié au repos et au bien-être. On peut aussi s’engager sur le mythique sentier des douaniers, rejoindre le port de Douarnenez ou pousser jusqu’à la Pointe du Raz, incontournables paysages bretons qui donnent envie de prendre le large. L’Hôtel de la Plage est un de ces petits coins de paradis uniques d’où l'on n’aurait jamais envie de revenir. Pour un séjour seul au monde qui vaut plus que le détour.

COMME À LA MAISON…

Vous serez accueillis par l’une des femmes Le Coz, la famille qui dirige « La Plage » depuis bientôt 100 ans. Tandis que Charlotte vous guidera à votre chambre en vous racontant l’histoire de l’hôtel, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, Pauline vous contera les anecdotes de la famille, pendant qu’A nne, la maman, vous préparera un pique-nique, tout en arrangeant les hortensias cueillis dans le jardin. Un luxe de gentillesse et de simplicité pour un séjour aux saveurs réconfortantes.

IMAGINEZ… Se balader sur une plage déserte aux premières lueurs de l’aube, quand le sable est encore frais sous les pieds, avec pour toile de fond l’océan et pour seules compagnies la douceur de vivre et la tranquillité. HÔTEL DE LA PLAGE, SAINTE-ANNE-LA-PALUD**** www.plage.com

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Ça vous gagne ! BOL D’AIR

Pour s’échapper davantage du quotidien, le Castel Clara propose des cures de thalassothérapie, des soins biologiques et un espace de détente. On se laisse tenter par la Balade belliloise, un soin complet alliant nettoyage, gommage et modelage à base de plantes de l’île ; ou par la Douceur de l’Istreen, ce gommage de poudre de coquilles d’huîtres et de cristaux marins dont on ressort heureux et en accord avec soi. Remise en forme, détox, stress & sommeil, Back to nature ou encore Ado, l’établissement propose de nombreuses cures personnalisées pour décompresser selon ses besoins et envies. Le temps semble s’arrêter quelques instants.

LE PIED MARIN

LE BONHEUR DANS L’ASSIETTE

On est subjugué. Le Castel Clara a de magique son emplacement, le long d’une route qui ne mène quasiment nulle part – si ce n’est aux spectaculaires Aiguilles de Port Coton –, et sa relation à l’océan. La mer s’invite à votre balcon, au bord de la piscine extérieure chauffée, face à votre table de massage et devant et dans votre assiette. A midi, le buffet de fruits de mer du Café Clara en met simplement plein la vue : langoustines, huîtres, tourteaux et célèbres pouces-pieds sont à déguster à volonté en admirant l’océan. Le soir, le restaurant gastronomique Le 180° propose une évasion gustative rare. Divin de l’amuse-bouche au dessert, le voyage nous emmène de la mer à la terre dans une harmonie parfaite, du homard bleu au foie gras, du bar poêlé au pigeon rôti, de l’araignée de mer au suprême de poulet. Une croisière créative respectueuse des produits, pour le plus grand bonheur de nos papilles.

Belle-Ile ne doit pas son nom au hasard. Ilot de bout du monde, ce refuge hors du temps est idéal pour se ressourcer loin de l’agitation du monde, avec ses criques aux eaux turquoise, ses falaises à pic, ses landes couvertes de bruyères colorées et ses ports aux couleurs pastel. Embarquer pour Belle-Ile, c’est mettre son quotidien entre parenthèses et prendre le temps de vivre, à l’occasion d’une balade sur les sentiers côtiers, d’une rafale de vent à la Pointe des Poulains ou de l’ascension de 247 marches au Grand Phare de Goulphar. Qu’elle est belle, cette île !

BOUFFÉES D’OXYGÈNE

Le bruit du vent et des vagues qui claquent, le rire des mouettes et l’odeur des écumes tourbillonnantes dans les cieux semblables à du coton : le dépaysement offert par le Castel Clara est enivrant et iodé.

PARADIS ISOLÉ Tout au bout de l’île, surplombant l’anse de Goulphar et son petit port qui a inspiré Claude Monet, se trouve une bulle de plénitude : le Castel Clara. Une impression de bout du monde avec l’océan pour seul horizon. HÔTEL CASTEL CLARA, BELLE-ÎLE-EN-MER**** www.castel-clara.com 133


LÂCHER-PRISE

à L’Armancette

Un havre de paix où qualité de vie rime avec calme, authenticité... et vue unique ! Les levers comme les couchers de soleil sont ici des spectacles sans cesse renouvelés… bienvenue à L’Armancette ! Idéalement lové au cœur du domaine skiable de Saint-Nicolas-de-Véroce, sur les hauteurs de Saint-Gervais-les-Bains et face au Mont-Blanc, L’Armancette Hotel, Chalets & Spa affiche charme, confort et raffinement. Imaginée comme un chalet familial, cette vaste demeure a fait le pari d’une décoration d’inspiration contemporaine mêlée à une ambiance typiquement montagnarde… Elle est la parfaite symbiose de ces deux styles. Côté cuisine, jolie surprise avec le restaurant La Table d’Armante. Avec une carte élaborée par Antoine Westermann, chef triplement étoilé, et mise en œuvre par le chef Julien Darcy, le restaurant propose de découvrir des saveurs alpines revisitées, tout en privilégiant l’approvisionnement auprès des meilleurs producteurs locaux.

Le spa de l'établissement offre une vue splendide sur les montagnes à travers différents espaces jacuzzi et hammam et quatre cabines dans lesquelles sont dispensés les meilleurs soins Kos. Autre pièce maîtresse de ce refuge : une piscine intérieure-extérieure intimiste dotée d’un jacuzzi à débordement et ouverte sur l’extérieur grâce à de larges baies vitrées sur les cimes avoisinantes.

L’ARMANCETTE***** www.armancette.com

Cocon ALPIN

CŒUR DE MEGÈVE**** www.coeurdemegeve.com

Pas besoin d’aller bien loin pour se faire du bien. Non loin de Genève, le Cœur de Megève est l’accord parfait pour une pause élégante au sommet. Entièrement repensé, cet intimiste boutique-hôtel offre un pied-à-terre idéal au cœur de la station mégevanne. Dans une architecture soignée, l’esprit chalet d’origine a été revisité au profit d’un style « chic alpin » et d’une séduisante atmosphère cosy. Bien que métamorphosée, l’adresse a su conserver son âme et gagner en élégante simplicité. Actuelles et fonctionnelles, les chambres se déclinent autour de matériaux nobles – pierre bleue, noyer et cuivre brossés, lin, flanelle… –, soulignés d’une touche de couleur et sublimés par un mobilier épuré. Si l’établissement s’inscrit dans une démarche écoresponsable, son restaurant La Muse est lui aussi au diapason, avec une cuisine de saison inventive et des produits issus des fermes de la région. Autres points forts de ce ravissant 4-étoiles : l’extrême bienveillance du personnel ou encore la qualité du spa, avec, en exclusivité, les soins de la prêtresse du bio Tata Harper.

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Jamón JAMÓN

Les stars de la gastronomie ibérique s’invitent sur les hauteurs du domaine du Mont d’A rbois. En effet, depuis peu, la Ferme du Golf de Megève accueille la table du Bellota-Bellota. Parmi les grands classiques de cette gourmande institution : Pata Negra, lomo et chorizo d’exception… et, plus inattendu encore, les produits de la mer Byzance. Si, entre terre et mer, la réputation des produits du terroir espagnol n’est plus à faire, les cuisines mégevannes ont relevé le défi de revisiter le plat signature des Alpes avec la raclette ibérique. BELLOTA-BELLOTA www.bellota-bellota.com

PLAISIRS

sylvestres

© Bareiss

Apprécié au fil des âges et en toute saison depuis des décennies, l’Hôtel Resort Bareiss est, au sein de l’opulente et souriante Forêt-Noire, un lieu de détente privilégié où tradition et modernité s’accordent en toute harmonie. Séjourner dans cet éden de verdure, d’un luxe douillet, offre la certitude de vivre un moment à part : fort de son sens de l’hospitalité et de l’excellence de ses prestations, le Bareiss veille soigneusement au bien-être de chacun de ses hôtes. Renouer avec une nature intacte est à portée de pied, et tandis que randonneurs et promeneurs sont tout à leur bonheur, diverses activités toniques ou récréatives ravissent les plus actifs comme les plus indolents.

© Bareiss

HÔTEL BAREISS***** www.bareiss.com

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Les espaces de détente disposent d’un vaste parc coquettement aménagé, d’un spa impeccable doté d’une variété de saunas, et de maints bassins d’eau douce, naturelle ou de mer, dans lesquels il fait bon s’ébattre, se revigorer ou simplement se prélasser. Exquises sont les parenthèses gourmandes. Avec un art consommé, le chef triplement étoilé Claus-Peter Lumpp et son complice Stefan Leitner pour les compositions sucrées exécutent, au gré de leur fantaisie, une partition culinaire qui atteint les sommets.


La ville rouge

INOUBLIABLE

Marrakech

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Trois heures et des poussières, et l’ancienne cité impériale est là qui vous tend les bras. Bercée de vie et de traditions,

la ville rouge ne manque jamais d’imagination pour enchanter ses fidèles. De riads en palais, d’adresses en

© Aman

trésors millénaires… une certitude, Marrakech n’est jamais celle que l’on croit. Par Siphra Moine-Woerlen et Delphine Gallay

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Séjournez dans un palais...

L' Amanjena Pour vivre heureux, vivons cachés

Sur la route de Ouarzazate, à un saut de puce en taxi du vieux Marrakech, le palais d’A manjena (paradis paisible) donne le ton de l’échappée. Inspirée de la Médina et des jardins de la Ménara, l’enclave conjugue le calme absolu et l’élégante sobriété signature des collections Aman Resorts. Esthétique minimaliste, touches mauresques dépouillées, spacieux volumes et jardins parfumés, tout n’est que détail et subtilité. Point central de la bulle hôtelière, un immense miroir d’eau, dans lequel se reflète la silhouette des palmiers, avec pour toile de fond les courbes arabo-andalouses des pavillons ocre coiffés de quermoud, ces traditionnelles tuiles de terre cuite vernissées. Si le temps semble suspendu, l’éloge de la lenteur et de la discrétion y sont philosophie. Pas étonnant dès lors que le couple Beckham ou que l’acteur Leonardo DiCaprio figurent sur la liste des habitués venus profiter des charmes de la ville rouge tout en se ressourçant dans la plus grande intimité. A l’A manjena, on ne vous parlera pas de chambres, mais de suites et de pavillons avec, pour fil rouge de ses demeures princières, une partition contemporaine du style marocain – tadelakt, tomettes, zelliges et tapis berbères – mêlée à l’ambiance épurée sous le feu des lanternes marocaines ciselées. Pour compléter la carte postale de vos appartements, jardin, gazebo et piscine privés au saut du lit, pour prendre la température avant d’aller taper quelques balles au golf d’A melkis ou de vous aventurer vers l’antre bouillonnante de Marrakech.

Tables et contes d’Orient

A la nuit tombée, le palais s’habille de lumière… et convie ses hôtes à un voyage culinaire autour de l’une de ses tables gastronomiques. Dressé dans une cour digne des Mille et une nuits, Le Restaurant Marocain est une invitation aux trésors de l’Orient. Fontaine, chandelles, joueurs de luth et de oud : c’est dans ce cadre magique que défilent mets et saveurs du royaume chérifien, dans un éventail de couleurs et d’épices. La table japonaise du Nama est elle aussi une magnifique surprise. De mémoire, jamais nous n’avions goûté une cuisine plus raffinée. Pêche du jour d’Essaouira, découpe et accords parfaits… L’émotion est là qui vous titille à chaque bouchée.

AMANJENA***** www.aman.com

Luxe et privilèges

Si l’A manjena est une destination en soi, il permet également des découvertes sur mesure et de merveilleuses rencontres. Comme celle de Monsieur Omar. Il est au palais de l’A manjena ce que Monsieur Gustave est au Grand Budapest Hotel. Indispensable. C’est dans ses pas que nous partons à la découverte du Marrakech des Marrakchis et des vallées du Haut Atlas. Une heure de route, et nous voici plongés dans le kaléidoscope des reliefs de Tighedouine. Paysage lunaire, terres chaudes, nature immaculée : nous sommes sans voix. Bienvenue en terres berbères. « Vous voyez ce village de pisé accroché à la colline ? C’est là-haut que nous attendent Mohamed et sa famille pour un festin dans la plus grande tradition berbère. » Loin du monde, le moment est privilégié.

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La Médina en side-car

De retour à l’A manjena, alors que nous pensions avoir tout vu, des side-cars nous attendent pour une visite de la Médina. Sans plus tarder, nous voici en selle sur le troisroues vintage de notre guide Hussein. Un jeu d’enfant pour ce Marrakchi d’adoption. A ses côtés, la Médina et son labyrinthe de venelles nous appartiennent ! Alors que les riads décrépits et les façades roses chaulées défilent virage après virage, nous croisons mille et un sourires et scènes de vie. D’histoires en anecdotes, Hussein nous amène dans l’antre du vieux Marrakech, celui des Marocains. Quasi millénaire, le cœur de la vieille ville nous réserve d’innombrables surprises et tableaux vivants. Point d’orgue de cette virée, l’inoubliable heure dorée. www.insidersexperience.com

La Médina

et ses adresses

Le Jardin secret

Depuis la rue, rien ne laisse présager ce qui se cache derrière les murailles de cet ancien palais. Tombé dans l’oubli, cet écrin saadien a été rénové en 2016 et offre un insoupçonné coin de verdure à la tournoyante Médina. Entre murmures de l’eau et douce mélodie des oiseaux, les palettes végétales ont repris vie grâce à l’aménagement de deux sublimes jardins – l’un islamique, l’autre exotique –, parsemés d’allée de zelliges et de fontaines et de bassins pour l’irrigation. Une parenthèse hors du temps qu’embaument les parterres de lavande et de romarin, les oliviers et les orangers. Incontournable lors de la visite, la vue depuis la tour du jardin pour s’extasier au-dessus de la ville fortifiée. www.lejardinsecretmarrakech.com

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Maison de la photographie

Le Maroc d’autrefois se raconte en images par le biais de cette fabuleuse collection privée. Situé dans un ancien foundouk, la Maison de la photographie retrace l’extraordinaire diversité marocaine de 1870 à 1950. Clichés vintage, cartes postales et autochromes témoignent de l’histoire chérifienne au travers d’une multitude de portraits, de scènes de vie et d’archives du monde berbère… autant d’invitations à un voyage dans le temps. Pour conclure cette belle visite, direction le café sur les toits… avec pour spectacle la Médina et les montagnes de l’Atlas. www.maisondelaphotographie.ma

Les créations en vogue de Norya Ayron

Pièces uniques, ses créations d’inspiration orientale font le bonheur des élégantes en quête de tenues libres et raffinées. Avec elle, kaftans, abayas, gandouras et djellabas sont revisités dans des imprimés actuels et des matières divinement fluides. Sharon Stone, Monica Bellucci et Kate Moss en sont folles !

© Jean Besancenot

www.norya-ayron.com

Femme de Tafilalt, l’Anti-Atlas circa, 1934-1947.

Autres belles

découvertes...

Artisanat et supplément d’âme

A l’orée de la Médina, rendez-vous dans le quartier de Dar el Bacha, repaire des antiquaires. Il y a ici un personnage que l’on ne présente plus depuis longtemps : Mustapha Blaoui. Voilà quarante ans que cet ambassadeur de l’artisanat marocain séduit les esthètes du monde entier grâce à la qualité de ses collections. Ne cherchez ni rabatteur ni vitrine, l’adresse est discrète et se partage entre initiés. Derrière cette lourde porte en bois clouté, chaque pièce raconte une histoire et un savoirfaire, et déclenche un coup de cœur : tapis berbères, Beni Ouarain, kilims, tissages ikat, lanternes, poterie et cuivre martelé… autant d’objets d’une inouïe beauté.

Le Jardin Anima

Si l’on connaît le bleu emblématique et les créatures végétales du Jardin Majorelle, on connaît moins l’œuvre de l’original André Heller. Sur la route de la vallée de l’Ourika (à 27 km de Marrakech), le Jardin Anima est un véritable cabinet de curiosités. Un paradis botanique de deux hectares, peuplé de silhouettes fantasques et d’œuvres d’art, source de détente et d’inspiration.

Mustapha Blaoui @mustaphablaoui

www.anima-garden.com

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Séjournez dans un palace...

Le Selman

Le Selman ou le savoir recevoir au triple galop !

Même si l’on n’est pas amateur de chevaux, on reste happé par la beauté de ces animaux bichonnés par Khalil et son équipe, cavaliers passionnés travaillant avec les écuries royales. Cette offre unique dans le monde de l’hôtellerie vaut à elle seule un séjour au Selman. Vastes chambres, lignes pures, piscine immense (80 m de long), végétation luxuriante et symétries parfaites, on reconnaît très vite la signature de Jacques Garcia, qui a su apporter sa fameuse touche dans ce décor orientalisant mais sans ostentation, situé à dix petites minutes de la Médina. Najat Bennani, la maîtresse des lieux, a quant à elle eu la bonne idée d’apporter aux lieux une note plus personnelle en disséminant dans les suites et les salons du Selman des objets de sa propre collection, qui font de cet hôtel un endroit où l’on se sent comme à la maison. Côté gastronomie, deux restaurants se partagent l’affiche : l’un européen et l’autre typiquement marocain, pour le bonheur de manger local avec un service impeccable et chaleureux. Côté bien-être, le spa est estampillé Chenot, et permet de profiter des méthodes du célèbre biologiste, mais avec une touche orientale… Epatant ! Mais revenons sur cette expérience totalement surprenante à tester sans hésiter : la possibilité de s’initier à l’équitation, ou plus simplement de prendre son petitdéjeuner dans les jardins de l’hôtel, entourés d’enclos où galopent de magnifiques pur-sang que l’on prépare pour les concours de beauté… Envoûtant ! LE SELMAN***** www.selman-marrakech.com

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LÉGENDES URBAINES Le Grand Café de la Poste : un incontournable

© Pascal Montary

Situé à Guéliz, hors des remparts de la Médina, ce café construit dans les années 1920 fut à la fois un café et un relais postal. Chargée d’histoire, la bâtisse d’époque a accueilli les plus grands noms et est aujourd’hui le rendez-vous prisé des Français de Marrakech. La décoration de style colonial donne à ce lieu une atmosphère chaleureusement rétro et élégante. A la carte, on retrouve des plats pensés comme ceux d’une bonne brasserie parisienne, comprenant les incontournables de la gastronomie française, mais aussi des plats traditionnels et régionaux. En effet, le chef Philippe Duranton est un passionné qui aime travailler avec les acteurs locaux, et particulièrement les maraîchers, afin d’offrir des produits frais préparés à la minute. Les becs sucrés ne sont pas en reste avec la fameuse crêpe Suzette, l’éphémère soufflé au Grand Marnier ou encore l’association des meilleurs fruits locaux pour accompagner un foie gras juste poêlé ou un carpaccio. Bref, des merveilles qui passent… comme une lettre à la poste ! LE GRAND CAFÉ DE LA POSTE www.grandcafedelaposte.restaurant

Ghmat, nouveau nom de code VIP

L’ ouverture devait se faire au printemps… Mais ce n’est pas une pandémie qui va faire reculer les projets d’Héléna Paraboschi ! Discrète patronne du Grand Café de la Poste, codirigeante du Bô-zin, cette femme d’affaires sait entreprendre avec succès : preuve en est avec ses nombreux restaurants parisiens. Aujourd’hui, c’est un nouveau projet de club VIP qui lui tient à cœur. Situé loin du tumulte de la Médina, dans un emplacement idyllique, le club n’ouvrira qu’à 200 personnes triées sur le moucharabieh, auxquelles une carte d’adhérent sera offerte. Ces personnes pourront inviter des proches et compter de nouveaux membres. « On se sentira en communion avec la nature », affirme Héléna. Soumise à l’avancement du travail de ses architectes favoris de Studio KO, connus à Marrakech pour avoir conçu le musée Yves Saint Laurent, l’ouverture de ce nouveau spot hyper select est très attendu.

Y ALLER ?

Vol direct (3 h 10) au départ de Genève avec Swiss (5 vols par semaine) www.swiss.com

Bô-zin, le RDV bobo mondain

Vous souhaitez un lieu zen, sobre et élégant ? Foncez au Bô-zin. Aux portes de Marrakech, sur la route de l’Ourika, vous découvrirez un univers particulier où chaque détail a été pensé pour le bien-être, le tout agrémenté d’une ambiance musicale d’exception. Pergola tempérée offrant un prolongement naturel à la salle, jardin exotique dévoilant des bassins luxuriants et des salons d’été pour un moment privilégié… ici, on se laisse bercer. La carte propose un voyage autour du monde aux multiples saveurs. Bref, un lieu incontournable où le temps n’a plus d’emprise. BÔ-ZIN www.bo-zin.com

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Séjournez dans un riad...

Le Tarabel Riad de Tarabel : un lieu discret, mais d’exception

Difficile de rester de marbre devant l’architecture altière et les dimensions hors du commun de ce lieu majestueux. Situé en face du palais Dar El Bacha, Le riad de Tarabel surprend par sa taille – près de 1'200 m² – et sa décoration, façonnée dans l’esprit des anciennes demeures coloniales. Respectant l’architecture traditionnelle arabo-andalouse, mais relevée d’une touche de style Second Empire, ce sublime riad offre un ensemble accueillant et raffiné qui va de pair avec un service discret, chaleureux et ultra efficace orchestré par Laurent Bocca et son équipe. En attendant de plonger dans la grande piscine du patio, on savoure un cocktail sur le vaste toit-terrasse qui surplombe toutes les autres bâtisses de la vieille ville, puis, très vite, on se laisse bercer par le confort sophistiqué d’une literie et de salles de bains dignes d’un palace !

Créative et toujours de bon goût, chaque pièce est une découverte enchanteresse. Pépite ultime : dans une nouvelle extension dotée d’une entrée secrète, les Bains de Tarabel vous offrent une expérience spa d’une rare efficacité ! Mentionnons enfin la possibilité de déguster à toute heure de la journée des plats traditionnels marocains aux saveurs raffinées et à la présentation impeccable. RIAD DE TARABEL***** www.riad-de-tarabel.com

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5 minutes avec…

Sabine Devieilhe.

Auréolée de deux Victoires de la musique classique, cette jeune soprano colorature au parcours fulgurant était de passage en juin dernier à Genève pour un récital en avant-première de son album Chansons d’amour. Un opus d’une grande pureté où se côtoient Fauré, Debussy, Ravel et Poulenc, le tout accompagné par le talentueux pianiste Alexandre Tharaud. Rencontre avec l'héritière de Natalie Dessay. Par Siphra Moine-Woerlen

Votre album en deux mots ? C’était un enregistrement magique. Nos premières mesures ensemble étaient, il y a quelques années, sur la Vocalise de Rachmaninov, et notre entente musicale nous a parue évidente. Là où il n’y a pas de texte, j’entendais Alexandre en créer au piano, tantôt bavard, mélancolique ou révolté. Dans cet album, Chansons d’amour, nous nous sommes délectés de ces poèmes, que nous disons lui et moi dans une grande complicité. Y a-t-il des raretés dans ce programme ? Toutes les mélodies ont été enregistrées. Cependant, les mélodies de Ravel telles que Sur l’herbe ou Chanson française se font rares, tant au disque qu’à la scène. Parlez-nous de vous. Une chose que vous détestez chez les autres ? Le manque d’honnêteté.

Une chose que vous détestez chez vous ? Mon exigence. La première fois que vous êtes tombée amoureuse ? Au lycée. Une chose que vous vous interdisez ? D’oublier ma famille ! Une activité que vous aimeriez faire plus souvent ? Prendre le temps et rester chez moi.

Votre devise ? « Ecoute-toi d’abord et tu arriveras à mieux écouter et à comprendre les autres. » Un remède anti-stress ? Le sommeil. Un péché mignon ? Les fruits. Un ennemi ? Mon agenda.

Le meilleur conseil que l’on vous ait donné ? Prends ton temps !

Votre monde connecté ? Instagram… Un régal que de poster et de regarder !

Le pire ? Accepte ce rôle !

Le mot de la fin ? Vive la musique ! —

Votre principal trait de caractère ? Je suis sincère et honnête. Deux mots lourds de signification et importants pour moi.

En concert avec Alexandre Tharaud le 19 septembre au Victoria Hall à Genève.

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La loi du silence SOS LANGAGE Le gros seum de Molière

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