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TRAITS DE GÉNIE

L’univers coloré et pittoresque d’Olimpia Zagnoli

UNE PALETTE DE COULEURS QUI CLAQUE, DES FORMES GÉOMÉTRIQUES QUI PULSENT, UNE LIGNE GRAPHIQUE CLAIRE, SIMPLE ET RÉTRO… BIENVENUE DANS LE MONDE VITAMINÉ DE CETTE ARTISTE-ILLUSTRATRICE ITALIENNE QUI CUSTOMISE LA VIE.

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© Olimpia Zagnoli

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© photos Olimpia Zagnoli

1« L’avenir du féminisme est offline » pour La Repubblica sur les conseils de Gloria Steinem aux jeunes femmes. 2Boutique Warby Parker à Salt Lake City, États-Unis. 3Pour le musée Guggenheim. 4Le meilleur coup de ma vie” pour The Guardian. 5Pour la collection de lunettes de soleil Fendi en collaboration avec Thierry Lasry. 6La Lune pour La Repubblica. 7Papier peint pour le 40e anniversaire de la boutique Coordonné, Barcelone

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Olimpia Zagnoli, alias OZ, s’est rapidement fait un nom grâce à son style créatif reconnaissable. L’illustratrice italienne de trente-six ans, passée par des études à l’Institut Européen du Design à Milan, a su séduire le monde par son approche haute en couleur et pleine d’humour, magnifiant souvent la femme, libre de ses mouvements, de ses extravagances et de ses formes galbées. C’est en toute logique que les enseignes ont fait appel à ses visions lumineuses et dynamiques. OZ oeuvre ainsi dans l’univers de la déco (tasses à café Illy ; papiers peints Coordonné ; oreillers Clodomiro qui n’est autre que sa propre marque lancée avec son père), de la mode (Uniqlo ; Marella) et du luxe (Fendi, Prada). Mais aussi du food (Barilla) et des institutions culturelles (Guggenheim). Elle a été sélectionnée par Elle Decor Italia pour interpréter la chaise D.270.2 de Gio Ponti pour Molteni, a exposé dans des galeries et a publié plusieurs livres. Sans oublier la presse, comme The New Yorker, The New York Times, La Repubblica, qui lui a ouvert grandes les portes, offrant un parfait terrain d’expression international.

Voyage au pays d’OZ

Celle qui a de grandes lunettes noires et qui circule en Vespa a ainsi naturellement conquis le monde avec ses illustrations conceptuelles, minimalistes, vintage et pétillantes. Ses femmes voluptueuses, à la touche érotique, sa truculence, sa liberté de ton, son propos sous-jacent tout aussi libertaire, ses aplats de couleurs vives et arc-en-ciel dégagent énergie, gaieté et vivacité. Sa série Comment manger des spaghettis comme une lady est un savoureux mélange de cocasserie, d’inventivité et de sensualité. D’élasticité aussi. Il y a du Matisse et du Picasso dans ses créations. Mais OZ aime aussi tirer ses influences du Pop Art, l’Op Art, l’architecture Art déco, du design italien et du glam rock. Des artistes et designers, comme Bruno Munari et Paul Rand, font aussi partie des symboles nourriciers dans son travail. Toutes ces sources, Olimpia Zagnoli se les réapproprie et les traduit à son goût pour des images qui nous embarquent en substance et en style dans des mondes pop psychédéliques, des parenthèses poétiques et des métaphores géométriques.  ND

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© photos Olimpia Zagnoli

Paolo Pettigiani capture le monde en infrarouge

© Paolo Pettigiani

CE JEUNE PHOTOGRAPHE ET DIRECTEUR ARTISTIQUE ITALIEN REND VISIBLE L’INVISIBLE EN EXPLORANT LA LUMIÈRE INFRAROUGE POUR UN NOUVEAU POINT DE VUE SUR LE MONDE.

Àpeine trente ans et Paolo Pettigiani impose déjà son style dans le panorama photographique en offrant un autre regard sur l’architecture et les paysages. Dans ses séries, ce diplômé en design et communication visuelle à l’École Polytechnique de Turin s’intéresse à deux types d’approches : la géométrie dans l’espace où les formes décontextualisées des bâtiments se libèrent de leur image réelle, et le rayonnement infrarouge, invisible à l’oeil nu. Il fait de ce dernier procédé une véritable spécialité, jouant avec les couleurs, les formes et les contrastes. Son portfolio regorge ainsi d’images oniriques et irréelles, qui transforment les lieux, nous invitant à observer le monde sous un nouveau jour ; de Dubaï à New York en passant par le Glacier du Mont Blanc, les Maldives, le Salar d’Uyuni en Bolivie, plus grand désert de sel du monde, ou encore les Dolomites, chaîne de montagnes escarpées de sa région natale.

Des rendus contrastés

Ce jeune talent italien transpose ainsi une autre réalité entre graphisme et photographie. Dans le processus de travail, il applique un filtre spécial devant l’objectif pour bloquer ce qui est visible et laisser filtrer les longueurs d’onde de la lumière infrarouge pour pouvoir traiter et capturer l’invisible. Si certains éléments détectant l’émission de la chlorophylle (l’herbe, les feuilles, les arbres…) se parent de teintes cyan, rose, rouge pastèque, orange ou turquoise, les surfaces ne réfléchissant pas systématiquement la lumière IR (l’asphalte, les briques, l’eau, les nappes de brouillard et de brume…) conservent leurs couleurs naturelles. Les contrastes sont magnifiques. En témoignent les images des Îles Éoliennes qui prennent des allures de panorama martien quand celles du Lac de Braies se révèlent plus lunaires. Dans son portfolio, Paolo Pettigiani pousse plus loin la perspective avec des captations en vues aériennes, continuant ainsi d’expérimenter de nouvelles approches pour susciter toujours plus l’émotion. 

Nathalie Dassa

www.behance.net/PaoloPettigiani www.instagram.com/paolopettigiani/

L’ode à la mer de Rod Stribley

LE PEINTRE FIGURATIF ANGLAIS DE QUATRE-VINGT-DEUX ANS, INSTALLÉ SUR L’ÎLE DE RÉ, CÉLÈBRE AVEC ENCHANTEMENT L’UNIVERS MARITIME, L’ARCHITECTURE ET LES VOITURES DE COLLECTION DANS DES OEUVRES RÉTRO AU STYLE TRÈS ART DÉCO.

Le parcours de Rod Stribley, diplômé du Royal College of Art de Londres, la même période que son ami David Hockney, est jalonné de quelques beaux tournants de vie qui l’ont mené vers cette carrière d’artiste-peintre. D’abord par son emménagement dans la capitale parisienne au début des années 80, et son métier de directeur artistique dans la communication. Puis par sa collaboration avec la Compagnie Générale Maritime pour prodiguer l’épopée de la French Lines, avec ses paquebots prestigieux, fleurons de l’art déco et symboles d’un art de vivre à la française. Trois grands moteurs de cette passion que viennent consolider ses premières toiles, et surtout sa première exposition, sous le dôme du Printemps à Paris, au succès immédiat. En 2000, Rod Stribley s’ancre définitivement à La Flotte, joli port de pêche et de plaisance sur l’Île de Ré, pour se consacrer pleinement à son art entre aquarelle, huile et acrylique. De l’opulence des transatlantiques, comme le France et le RMS Mauretania, dont le design tirait la beauté de la fonctionnalité, aux voiliers luxueux Tofinous et autres bateaux Chris-Craft, l’artiste octogénaire vaque à ses errances picturales où la mer et la navigation se font omniprésentes.

Atmosphères raffinées

Ses oeuvres font ainsi renaître l’âge d’or maritime français et anglais, immergeant ses protagonistes dans des trames qui laissent filtrer, via leurs approches anodines, le mystère et les histoires de ce patrimoine si riche. Si son quadriptyque Marins à la manœuvre contribue à sa notoriété, très vite, Rod Stribley ouvre sa palette chromatique à divers thèmes : les voitures de collection, l’aviation, les personnalités légendaires comme l’industriel Ettore Bugatti ou le pilote Tim Birkin, vainqueur des 24h du Mans dans les années vingt. Et plus récemment, aux architectures d’antan. À l’image de la villa Cavrois conçue par l’architecte moderniste Robert MalletStevens, du Casino de la ville basque, de la maison du Lac dans le Maine. Tous ses personnages prennent vie dans ce théâtre fastueux. Pas étonnant alors de voir résonner l’oeuvre d’Edward Hopper dans son approche, qu’il s’amuse d’ailleurs à convoquer à l’intérieur même de ses toiles. À travers ces décors, ces récits, ces nuances de couleurs et cette minutie du détail, Rod Stribley parvient à raviver la magnificence de cette première moitié du siècle dernier où rayonne le style Art déco. 

Nathalie Dassa

Gigi Rose Gray, capturer l’essence et la poétique des lieux

GIGI ROSE GRAY A L’ART DE DÉPEINDRE LES ATMOSPHÈRES DANS DES RENDUS EN GRAPHITE RETRAVAILLÉS, NUMÉRISÉS ET COLORISÉS SUR PHOTOSHOP. UNE BELLE VIVACITÉ DE COULEURS ET DE POÉSIE.

Gigi Rose Gray. Rien que son nom et son prénom dégagent les effluves parfumés et colorés d’une époque rétro. L’artiste-illustratrice new-yorkaise, installée à Los Angeles, nous immerge dans des lieux, des espaces et des architectures pour des voyages vers un ailleurs. Cette diplômée d’un Bachelor of Fine Arts de Parsons The New School for Design travaille sur divers projets avec la presse, l’édition, les marques et les institutions culturelles. Son portfolio met à profit ce mariage prospère entre procédé artisanal et numérique. Son style graphique est une attrayante variation de couleurs et de textures dans un jeu d’ambiance et de perspective. Dans son processus, Gigi Rose Gray dessine des croquis au crayon, élabore des calques pour les différents plans et personnages, s’attarde sur les ombres, ajoute la couleur sur Photoshop et crée ses propres textures en numérisant les tissus et matériaux pris en photo, avec des gouaches et du graphite.

Ambiances créatives

Elle signe ainsi une série pour Dorchester Collection, groupe d’hôtels de luxe appartenant au sultanat de Brunei -lequel a fait par ailleurs vive polémique en 2019. Du Beverly Hills Hotel au Bel Air en Californie en passant par le Plaza Athénée et l’Hôtel Meurice à Paris, elle parvient à capter l’effervescence de ces décors emblématiques. Ses influences ? La cinématographie des années 1950-70, les clichés surannés et les anciens numéros de Life Magazine. Sa série And we followed, dédiée à une expo pour le National Arts Club de New York, est du même acabit, nous faisant suivre des silhouettes féminines de dos, dans des moments figés dans le temps. Si elle s’inspire ici de l’approche de certains réalisateurs (Hitchcock, Cassavetes…), adeptes de la caméra subjective traquant les mouvements des personnages, elle pioche aussi dans les couleurs et les motifs des fashion shows de la fin des années 60. Ses séries Balconies, Positive Spaces ou encore Mysteries of the Met sont tout aussi captivantes, illustrant les juxtapositions de la nature à la vie urbaine. Gigi Rose Gray crée ainsi des intrigues sises dans des lieux aussi familiers qu’étrangers pour des atmosphères singulières. 

Nathalie Dassa

gigirosegray.com www.instagram.com/gigirosegray/