Tour du Québec | 01 | Où se trouve le Québec?

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ÉTÉ DEUX MILLE DIX-HUIT

OÙ SE TROUVE LE QUÉBEC? 1 6 . 9 9  $





Rédaction Rédacteur en chef: Simon Jodoin Rédactrice en chef adjointe: Valérie Thérien Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnatrice de projet: Julie Duguay Correctrice: Marie-Claude Masse

Collaborateurs Julien Abadie, Caroline Larocque-Allard, Fanny Arnaud, Mickaël Bergeron, Fanny Bourel, Maryse Boyce, Julie Duguay, Sarah Iris Foster, Philippe Garon, Catherine Genest, Sophie Ginoux, François Gionet, Anne-Christine Guy, Rose Carine Henriquez, Delphine Jung, Kristina Landry, Claudia Ledezert, Olivier Boisvert-Magnen, Joël Martel, Marie Pâris, Emmanuel Leroux-Nega, Stefan Psenak, Gabriel Rondeau, Guillaume Roy, Dominic Tardif, Amélie Tendland, Carl Vaillancourt, Marie Villeneuve, Eric Godin

Opérations & production Vice-président - Production et Technologies: Simon Jodoin Directrice - Production: Julie Lafrenière Directeur artistique: Luc Des­chambeault Infographie: China Marsot-Wood, René Despars Infographe-intégrateur: Sébastien Groleau Développeur et intégrateur Web: Emmanuel Laverdière Développeur Web: Maxime Larrivée-Roy Coordonnateur technique: Frédéric Sauvé Coordonnatrice à la production: Sophie Privé

Diffusion & marketing Vice-président: Florent Bayle-Labouré Directrice - Marque et Marketing relationnel: Kim Pépin Chef Marketing - Diffusion et Relationnel: Alexandra Candet Chef Marketing et Marque: Hugo Michel-Verville Chargée de projet Marketing: Kim Larose

Publicité Vice-présidente - Ventes: Valérie Brasseur Adjointes / Coordonnatrices aux ventes: Karyne Dutremble, Camila Almanza Conseillers aux solutions médias: Alexandra Labarre, Lucie Bernier, Suzie Plante, Miriam Bérubé, Aimé Bertrand, Maxime Alarie, Daniel Di Tullio, Céline Lebrun, Victor Petrescu

Mishmash Média inc. Président: Éric Albert Vice-président, Finances: Pierre-Luc Gladu Contrôleuses: Caroline Alary, Yen Dang 606, rue Cathcart, 10e étage, bureau 1007. Montréal (Qc) H3B 1K9 Téléphone général: 514 848 0805 Tour du Québec est publié par Mishmash Média inc. Diffusé par Les éditions Flammarion ltée. Distribué par Socadis inc. Imprimé par Transcontinental Interglobe. Le contenu ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans autorisation écrite de l’éditeur. Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Bibliothèque et Archives Canada / ISSN 2561-7427

Ce premier numéro de Tour du Québec est dédié à Roger Rouleau.


Sommaire

Abitibi-Témiscamingue La Vache à Maillotte | Félix B. Desfossés Biennale internationale d’art miniature | Le Trèfle noir 9

Bas-Saint-Laurent Distillerie du St-Laurent | Presbytère de Cacouna | Circuit du Cabouron 25

Cantons-de-l’Est Pinard et Filles | Brasserie Dunham | Capitaine Levain 39

Centre-du-Québec / Chaudière-Appalaches Salomé Leclerc | Parc de la chute Sainte-Agathe-de-Lotbinière | Auberge des Glacis 55

Charlevoix Symposium d’art contemporain de Baie-Saint-Paul La Ferme basque | Les moulins de L’Isle-aux-Coudres 69

Côte-Nord Thé du Labrador | Institut Tshakapesh | Québec profond | Microbrasserie La Mouche 83

Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine Fourchette bleue | Festival musique du bout du monde À l’abri de la Tempête | Guides de pêche 101

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Tour du Québec Sommaire


Lanaudière Fromagerie la Suisse Normande | Délices d’antan 123

Laurentides Vignoble Négondos | Le Baril roulant 135

Mauricie Aux berges du lac Castor | Le Trou du diable | Microbrasserie La Pécheresse 147

Montérégie La Ferme des Quatre-Temps | Marché public de Saint-Hyacinthe | Ô Bokal 163

Outaouais Alex Martel et le Rockfest | Joual de Bataille | Soif Bar à vin 179

Saguenay–Lac-Saint-Jean La Peuplade | Arthur Villeneuve | Gaston Robert le cueilleur de bleuets

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Région de la Capitale-Nationale Taverne Saint-Casimir | Notre panorama

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Guide restos Sélection de bonnes adresses à visiter au fil de vos escapades 223

Tour du Québec Sommaire

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Voyagez loin des lieux communs Vous avez envie de prendre la route ? Vous rêvez de sillonner les rangs du Québec, de partir à l’aventure pour aller contempler les plus beaux paysages ? Vous aimeriez vous lancer à la découverte du terroir et du territoire de la province ? Passer une fin de semaine hors de la ville pour partir à la rencontre de tous ceux qui ont des histoires à raconter ? Bien sûr, vous avez envie de tout ça, mais désirez-vous pour autant posséder une voiture ? Communauto, c’est bien plus qu’un service d’autopartage, ce sont les routes du Québec qui s’ouvrent devant vous sans les tracas. On s’occupe de tout : l’administration, l’achat et le financement des véhicules, l’immatriculation, les assurances, l’entretien de routine, les réparations... et même l’essence ! Finies les factures-surprises du garagiste ! Vous n’avez plus qu’à faire vos valises et à concocter le plus bel itinéraire pour vos vacances. Au diable les changements d’huile ! Il est temps de se changer les idées ! Nos voitures sont offertes à Montréal, Québec, Sherbrooke et Gatineau.

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Où se trouve le Québec ? V

photos Simon Jodoin

ous tenez entre vos mains l’aboutissement d’un projet un peu fou. Au début du mois de janvier 2018, poussés par l’envie de sortir du périmètre médiatique auquel nous sommes habitués, nous discutions de la possibilité de lancer une nouvelle publication. L’idée était de mettre le Québec en vedette, de tisser des liens

entre les régions, d’entamer des conversations avec des gens d’un peu partout que nous ne connaissions pas. Nous avions soif de rencontres et de nouveauté. Allez, il faut bien le dire... Parler du Québec, dans les médias, c’est le plus souvent parler de ses deux grandes villes, la métropole et

la capitale, qui se renvoient la balle dans une rivalité parfois difficile à comprendre. Nous connaissons par cœur tous les protagonistes de ces conversations qui tapissent les ondes mur à mur à longueur de semaine et nous pouvons prévoir, presque mot à mot, ce qu’ils vont dire. Rares sont les surprises.


Nous avons donc eu envie de partir sur la route, sans but précis, un peu comme on part à l’aventure sur un coup de tête. Nous ne connaissions pas la destination, mais une chose était certaine, nous avions envie de bouger. Sans être un guide de voyage à proprement parler, Tour du Québec est assurément un carnet de route, un album qui fait état de nos découvertes. Appelons ça un journal de bord où on rend compte de nos périples. Pour nous, un paysage mérite la même attention qu’une œuvre d’art, un sentier est aussi intéressant qu’une bonne bière de microbrasserie, une boulangerie n’est pas moins pertinente qu’une maison d’édition, un collectif de poésie peut très bien côtoyer un couple qui s’est lancé dans une aventure viticole et un cueilleur de bleuets mérite autant d’applaudissements qu’une chanteuse. Tout ce que nous trouvons au hasard de notre trajet, nous avons envie de vous le raconter. *** Je vous disais d’entrée de jeu que nous avons mis en branle ce projet au début du mois de janvier. Il nous aura donc fallu quatre mois pour emballer cette première publication. Il vaut la peine de souligner ce qu’un tel travail signifie, car les mots et les images que nous vous offrons

dans ces pages sont la pointe visible de l’iceberg­. Chose certaine, il n’était pas question pour nous de partir seuls dans cette aventure. En prenant la route, nous avons voulu faire monter à bord des gens d’un peu partout. Depuis le mois de janvier, via le site web tourduquebec.ca, des dizaines de personnes nous ont écrit, pour participer à la rédaction de ce premier numéro et aussi pour nous faire part de leurs bons plans dans leurs régions. Cette participation est une facette fondamentale de cette nouvelle publication que nous proposons aujourd’hui. Il n’est pas question pour nous de parler tout seuls et encore moins d’entretenir une conversation à sens unique. Notre idée est d’ouvrir les fenêtres pour faire entrer de l’air frais. Nous voulons vous entendre, vous lire et découvrir tous vos secrets bien gardés! Pour lancer un tel projet en si peu de temps, il est aussi essentiel d’avoir une solide équipe, agile et efficace. Nous sommes montés dans un train à grande vitesse pour ce premier voyage et, sans le soutien de nos collègues des ventes, du marketing, de la production et de l’administration, rien de tout cela n’aurait été possible. À la manière d’experts mécaniciens et aiguilleurs

de talents, ils ont su assurer le bon fonctionnement des moteurs et la solidité des rails! Il faut quand même le faire… Pensez-y un peu: il y a quelques semaines, nous nous présentions chez les premiers clients publicitaires avec beaucoup d’ambition, mais presque rien à leur montrer! Nous avons pu les convaincre en leur disant que nous avions une équipe du tonnerre pour mettre au monde ce premier numéro. De ça, nous étions certains. Parlant d’annonceurs, justement, nous devons en terminant souligner l’excellente réception de plusieurs joueurs qui ont choisi de nous faire confiance afin de lancer ce projet. Mentionnons tout particulièrement Communauto, Desjardins et Unis TV qui, en plus d’acheter de la publicité dans ces pages, ont pris part à l’aventure en devenant des partenaires. C’est une confiance qui nous touche. Vous trouverez dans ce premier numéro des histoires que nous avons choisi de raconter en collaboration avec eux. Alors voilà! C’est un départ. Merci à vous, chers lecteurs et chères lectrices, de vous joindre à nous dans ce tour du Québec. Nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à lire ces histoires que nous en avons eu à les écrire. Bon voyage! (Simon Jodoin)

Tour du Québec Introduction

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Des repères sur notre route Terroir Ce qui se cultive, ce qu’on trouve dans les champs, dans les fermes, dans les potagers. Le travail des paysans, les produits qu’on ne trouve nulle part ailleurs, qui garnissent les assiettes et les étals des marchés. Tout ce qui se croque et se goûte.

Territoire Des paysages, des lieux, des routes, des rangs, un lac, un cours d’eau. Un détour dans un sentier qui nous permet de plonger dans un panorama inattendu. Un site au sommet d’une montagne, dans les airs, ou même sous la surface de l’eau. Un gîte ou un abri pour passer la nuit ou plusieurs jours.

À boire Tout ce qui se distille, qui se brasse, qui se vinifie. Du pommier à la bouteille, de la microbrasserie à la soirée entre amis, de la culture de la vigne jusqu’au repas en famille et tout ce qu’il y a entre les deux: le travail, la minutie, la constance.

Pignon sur rue Une boutique, un établissement, un magasin général, une bonne adresse. Parlons aussi des initiatives locales, des entreprises, de la vie de quartier, des commerces de proximité, de tout ce qui se trouve sur la rue Principale et dans votre voisinage, qui vous donne envie de vous promener à pied dans votre ville ou votre village.

Culture Une œuvre d’art, un événement, une exposition, un élément du patrimoine, un monument et même un bricolage. De la musique, des sons, des toiles, des couleurs, des sculptures, des formes, des textes, des mots, des mouvements et des gestes. Tout ce qui sort de la tête des gens et qui étonne.

Resto Le travail en cuisine, ce qui mijote et qui nous met en appétit. Cette manière inusitée de préparer une viande, un poisson, une salade, une sauce. Les artisans des fourneaux sont les interprètes du terroir.

C’est tout ? Pas nécessairement. Comme en voyage, tout peut arriver. Vous pensez à autre chose ? Nous voulons vous entendre. Écrivez-nous, c’est par ici ! tourduquebec.ca


AbitibiTémiscamingue 10 14 17 20 23

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Tour du Québec Abitibi-Témiscamingue

Le Trèfle noir Félix B. Desfossés La Vache à Maillotte Biennale internationale d’art miniature Sur la route


«Les dépanneurs de Montréal me disent que les bières abitibiennes se vendent comme un produit exotique! L’Abitibi, c’est encore mythique on dirait.» — Alexandre Groulx


( à boire ) Trèfle noir Rouyn-Noranda mots. Caroline Larocque-Allard photos. Hugo Lacroix

Un peu de foin, beaucoup de broche C’est ça, la recette du Trèfle noir, écrite en toutes lettres sur les murs de la microbrasserie de Rouyn-Noranda: un lieu un peu broche à foin, assumé, qui laisse la convivialité faire son œuvre et façonner quelque chose de typiquement abitibien.

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E

n Abitibi, on aime quand les gens ne se prennent pas au sérieux. Les lieux publics sont très décomplexés. Au Trèfle, c’est la même chose. Ça crée des soirées magiques et le party pogne souvent entre les tables», raconte Mireille Bournival, copropriétaire du Trèfle noir. L’Abitibienne et son chum Alexandre Groulx, le brasseur, sont venus s’installer en région un peu avant 2009 pour bâtir une entreprise «qui allait durer». À 25 ans, Alexandre avait déjà brassé trois ans chez McAuslan, à Montréal, et fait ses classes au Québec et à Chicago, mais il souhaitait avoir son propre terrain de jeu. La voie était complètement libre en Abitibi, et Rouyn-Noranda était mûre pour sa première microbrasserie. «Le jour de l’ouverture, les gens attendaient dehors et quand on a ouvert les portes, ça s’est rué comme au Boxing Day. On a ouvert

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les robinets et on ne les a pas arrêtés de la soirée. Ça roulait tempête! raconte Mireille. Après quelques heures, on était presque découragés; on s’est dit qu’on devrait sûrement fermer dans trois jours parce qu’on n’aurait plus une goutte de bière à servir.» Rapidement, le Trèfle noir a été investi par les gens de la région (et la bière n’a jamais manqué). Un fort sentiment d’appartenance s’est installé, car comme avec à peu près tout ce qui se passe en AbitibiTémiscamingue, la fierté des gens réussit à soulever les initiatives. Ils deviennent naturellement les ambassadeurs des produits et des projets locaux. «Quand on imaginait notre brouepub, on avait en tête quelque chose de très convivial. On ne voulait surtout pas devenir un repaire d’initiés ou de gens qui ont les moyens de se payer de la bonne bière.» Leur bonne bière, ils la

voulaient démocratique, martèle Mireille, et ce principe a permis de faire naître un environnement de dégustation dans lequel toutes sortes de personnes se côtoient sans jugement, à l’abitibienne. «Il y a ceux qui sortent du bureau pour un 5 à 7, à côté d’une table de bûcherons, pas loin du gars de la Fonderie Horne qui finit son shift et qui vient jaser au bar… Les gens se sentent chez eux. Tout le monde s’en fout si tu portes une tuque orange flash, une suit de ski-doo, des shorts hawaïennes ou un chapeau de paille, ou que 25 métalleux débarquent la face maquillée en noir et blanc.» C’est ainsi qu’ils ont réussi à faire connaître et apprécier les bières de microbrasserie à une foule de personnes très différentes, quitte à forcer la main à certaines. «Quand j’ai amené notre première IPA, beaucoup de clients ne connaissaient pas encore ça et elle ne faisait pas l’unanimité.

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Maintenant, comme partout, c’est ce que tout le monde veut boire, explique Alexandre Groulx. À ce moment-là, moi, j’ai moins de fun à brasser et je change! Alors j’ai introduit des bières sures. On me disait: ”Elle est pu bonne, ta bière!”, ou alors: “Je sais pas trop où tu t’en vas avec ça…” Dans ce temps-là, je leur dis: “Suis-moi, tu vas comprendre!”» C’est ce désir de faire les choses à sa manière qui caractérise le Trèfle noir. C’est pourquoi même les bières pionnières, comme la Foublonne ou encore la Hurlevent, ne sont pas garanties au tableau. Alexandre Groulx brasse ce qu’il a envie de faire ou selon les disponibilités, sans s’excuser. Tout ce qu’il promet, c’est un choix entre 12 bières qui se renouvellent constamment. «On aime ou on n’aime pas. Certains sont frustrés de ne pas retrouver leurs habitudes, on comprend, mais ça ne fonctionne pas comme ça ici. Notre clientèle et nos partenaires se sont établis autour du fait qu’on ne fait pas les choses tant que ça ne nous tente pas! Oui, c’est broche à foin, mais ça fonctionne et la plupart des gens embarquent», assure Mireille. «Il y a juste la Trèfle noir qu’on a pas mal tout le temps, parce que je pense que si elle venait à s’absenter trop longtemps, il y aurait peut-être une émeute!», plaisante Alexandre.

là et on a ouvert la shop. Puis l’an dernier, on s’est dit que le temps était venu de ralentir un peu, d’optimiser ce qu’on avait déjà pour qu’Alex brasse moins de chiffres et s’amuse un peu plus; quelques mois plus tard, il achetait une machine pour distribuer des bières en canettes…» Déjà vendues partout au Québec, les bières du Trèfle noir seront donc, à partir de l’été 2018, également distribuées en format canette. Quand les événements régionaux très courus, comme le Festival de musique émergente, amènent des visiteurs d’un peu partout, plusieurs connaissent d’ailleurs déjà la microbrasserie de l’avenue Principale pour avoir goûté à ses bières ailleurs. «Les dépanneurs de Montréal me disent que les bières abitibiennes se vendent comme un produit exotique! L’Abitibi, c’est encore mythique on dirait», s’amuse Alexandre. Quand ce sont eux qui se déplacent pour la tournée des festivals de bière, avec leurs trois enfants sur la banquette arrière, ils s’affichent donc comme Abitibiens et les gens aiment ça. «Ils nous trouvent d’ailleurs très généreux dans nos portions de dégustation. Je leur réponds: “On n’a certainement pas fait 750 kilomètres en char pour être cheaps!”»

Intransigeants, certes, mais très ouverts à changer d’idée, précise Mireille. «Quand on a commencé, on ne voulait surtout pas embouteiller; en 2012, on était finalement rendu

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Le Trèfle noir Abitibi-Témiscamingue 145, avenue Principale, Rouyn-Noranda 819 762-6611 letreflenoir.com



( culture ) Félix B. Desfossés Rouyn-Noranda mots. Dominic Tardif photos. Andréanne Lachapelle

Bons baisers des villes sœurs Le punk lui a appris à tout faire (ou presque). Ça tombe bien: en Abitibi, pays de l’épinette et de la nécessaire opiniâtreté, il y a toujours une nouvelle frontière à conquérir. Portrait de l’archéologue des marges culturelles québécoises, Félix B. Desfossés.

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ors d’une de ses récentes visites au bureau local de Bibliothèque et archives nationales du Québec, rue du Terminus à Rouyn-Noranda, Félix B. Desfossés tombe sur une entrevue accordée par son défunt grand-père maternel, le 9 avril 1964, au journal La Frontière de RouynNoranda. Sujet du jour: l’œuvre de Marc-Aurèle Fortin, pour qui René Buisson nourrissait une immense admiration.

«C’est un peintre de chez nous, du Québec. Il exprime avec ses œuvres l’âme de notre pays», explique le collectionneur d’art, qui allait mettre sur pied en 1974 la Fondation Marc-Aurèle Fortin, puis le musée montréalais du même nom en 1984 afin que l’artiste ne soit pas avalé par l’oubli. «Ses tableaux d’Europe ne m’emballent pas. Il y manque le souffle qui anime ses tableaux d’ici et qui fait sa grandeur.» À quelques nuances et mises à jour près, Félix B. Desfossés pourrait reprendre à son compte, quelque 55 ans plus tard, la profession de foi de son aïeul envers l’irrévocable singularité de l’imaginaire québécois (même s’il n’emploierait fort probablement pas le mot âme, un peu pompeux pour un héritier du punk).

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«Ce désir de mettre en valeur le patrimoine, c’était pendant tout ce temps-là dans mon ADN», constatet-il aujourd’hui, encore un peu éberlué, en racontant comment son grand-père organisait à l’époque des expositions privées pour les «grosses poches» de Rouyn désireuses d’enjoliver les murs de leur salon. Doux rebelle au cœur gros comme son sourire, spécialiste de l’histoire des marges culturelles québécoises, confident de choix des bums vieillissants de l’underground; Félix B. Desfossés passe son enfance dans la campagne de Beaudry, aux pieds des collines Kékéko, au cœur d’une maison qui doit partager sa ligne téléphonique avec deux voisins. Mais si «être Abitibien, c’est être capable de vivre en harmonie avec la dualité ski-doo et arts, savoir réparer un moteur de quatre-roues et faire une sculpture», Félix se rangera davantage du côté de la création. Il a 11 ou 12 ans lorsqu’il est frappé par la foudre du punk, un choc dont on ne se remet jamais, à moins de se renier soi-même. Ce qui serait d’autant plus difficile pour Félix B. Desfossés, dans la mesure où l’opiniâtreté à laquelle confine la vie abitibienne et

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l’éternel modus operandi du punk – fais-le toi-même – ont beaucoup, beaucoup en commun. «Même si on n’avait pas les moyens ou les outils pour le faire, on le faisait», lance-t-il, en se rappelant ses premiers shows à la salle du Canadian Corps (devenue le Petit Théâtre du Vieux Noranda), ainsi qu’au sous-sol de l’église ukrainienne (carrément surnommée l’Ukraine), au sein de groupes aux noms attendrissants comme Suicide Squad, Sequel Daze ou Résistance. «Le punk, dans les années 1990, ça a été mon école et ça collait parfaitement à l’esprit de pionnier, à l’esprit de frontières typiquement abitibien», observe le musicien, journaliste et animateur de la quotidienne Région zéro 8, sur les ondes de la radio de Radio-Canada en AbitibiTémiscamingue. «À Rouyn-Noranda, s’il n’existe pas tel type de service, ben tu le crées, le service. C’est un peu comme mon grand-père Desfossés, qui est arrivé en 1935 dans le village de Cloutier, qui n’était pas encore vraiment un village. Il a passé sa vie à construire des maisons! Moi, je n’ai jamais travaillé avec mes mains, mais le punk rock m’a appris à tout faire, coûte que coûte.»

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Comme sa «génération ne se posait même pas la question: est-ce que je reste ou est-ce que je pars?», tellement la réponse tenait de l’évidence, Félix file après le cégep, autour de 2003, vers Montréal, où il étudie en journalisme, avant d’être choisi pour un stage chez Bande à part. «C’est l’émission que j’écoutais ado le vendredi soir, en roulant en char avec mon chum Christian, parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire de toute façon.» Il y restera jusqu’à la fermeture de la cellule irrévérencieuse et indocile du diffuseur public, en 2013, une mauvaise nouvelle dans laquelle il choisit de voir une occasion de rallier la terre natale. «La réputation de Rouyn-Noranda a complètement changé pendant les années où j’étais à Montréal. La ville s’est affirmée culturellement et j’avais envie de faire partie de ça. J’avais l’impression de manquer le bateau», confie-t-il en célébrant le travail de défricheur des «entrepreneurs par nécessité» du monde de la culture auxquels la région aura donné naissance, comme Steve Jolin, architecte de l’étiquette 7ième ciel (Koriass, Alaclair Ensemble, Manu Militari), petit empire du hip-hop québécois, et Jean-Christian Aubry, qui cofondait la boîte Bonsound (Safia Nolin, Lisa LeBlanc, Dead Obies) après avoir joué au sein de la formation Gwenwed. Ajoutons à cette liste très fragmentaire Sandy Boutin qui, en 2003, transformait RouynNoranda en destination vacances pour mélomanes curieux grâce au Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue, imaginé afin de ne plus avoir obligatoirement à avaler des centaines de kilomètres d’asphalte lorsqu’il souhaitait entendre les artistes qui l’enthousiasmaient. Au pays des épinettes et des idées de fou L’hymne hivernal Les sentiers de neige, des Classels? L’auteur-

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compositeur Lucien Brien, un des plus prolifiques pourvoyeurs de refrains de l’ère yéyé, avait en tête les balades en forêt de son enfance, à Amos, au moment d’en coucher le texte sur papier. La chanson Le lumberjack, désormais indissociable de Paul Daraîche? C’est Hal Willis, le seul Québécois à avoir partagé la scène avec Elvis Presley, qui l’a écrite, en hommage aux bûcherons abitibiens. Voilà le genre de précieuses pépites d’histoire populaire que Félix B. Desfossés déterre et astique en tant qu’archéologue en résidence de la station de RadioCanada à Rouyn-Noranda. «C’est moi qui ai appris ça à Richard Desjardins, que Le lumberjack, c’était une chanson abitibienne. Il ne le savait pas, même s’il l’a chantée en duo avec Paul Daraîche», raconte Félix, non par vantardise – ce n’est pas pantoute son genre –, mais simplement pour souligner à quel point il était temps qu’un mineur pioche le roc fécond, et pourtant inexploré, que constitue le passé culturel et musical de la région. Son mentor, l’ethnomusicologue et professeur à l’Université Concordia Craig Morrison, avait écrit des livres sur le rockabilly américain et la scène psychédélique de la côte Ouest. Mais «on en savait très peu sur la musique québécoise», regrette l’auteur de L’évolution du métal québécois. No Speed Limit (1964-1989), son encyclopédie de la musique assourdissante d’ici parue en 2014. «Quand j’étais encore à Montréal, je me suis d’abord lancé dans l’histoire de la musique garage des années 1960, et je me rendais compte que tout était mal documenté. Et puis tous les musiciens à qui je parlais me disaient qu’ils étaient passés par l’Abitibi et que c’était complètement fou. Plus je creusais, plus j’étais ramené à l’Abitibi», poursuit celui qui est aujourd’hui membre de Théâtre Regal, orchestre country et

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rockabilly dont le répertoire met en lumière l’AbitibiTémiscamingue qui se terre sous les paroles de bien des chansons québécoises. RouynNoranda comptait dans les années 1950 entre 20 et 30 hôtels, des lieux prodigues à la fois en boisson, en musique live (7 jours sur 7), ainsi qu’en occasions de se mettre dans le trouble. En tant que journaliste web de la station régionale de Radio-Canada, le mélomane passera des heures à fouiller les documents de la BAnQ, et entreprend d’interroger la mémoire de ceux qui étaient là quand The Band ou Duke Ellington sont passés par Rouyn-Noranda, exemples parmi tant d’autres d’artistes majeurs jadis aimantés jusqu’au Nord par l’argent qui y pleuvait. La conversation revient à l’esprit de pionnier définissant la vie en Abitibi, lointain morceau de pays où poussent généreusement les épinettes et les idées de fou, là où l’inventivité peut fleurir à l’abri de ceux qui, à Montréal, prétendent tout savoir. «Comme à Radio-Canada en Abitibi, il n’y avait pas de grand penseur web au-dessus de moi qui me disait comment et quoi créer comme contenu, j’ai pu créer le contenu que je souhaitais créer et j’ai trouvé des histoires incroyables. Ça s’est mis à générer plein de partages sur les réseaux sociaux, à générer un buzz un peu partout au Québec. Mon but, c’était que Montréal s’intéresse à ce qui se passe chez nous, que notre région rayonne.» «À la fin, c’est ici que j’meurs sans rancœur, bons baisers des villes sœurs», jure le chanteur de Rancœur, David Lavictoire, dans Villes sœurs, ode à la rugueuse beauté des villes de Rouyn et Noranda, fusionnées depuis 1986. C’est ici que j’meurs: voilà un sentiment auquel le guitariste de ce groupe punk, un certain Félix B. Desfossés, adhérerait sans doute.


( terroir) Fromagerie La Vache à Maillotte La Sarre mots. Amélie Tendland photos. Hugo Lacroix

La Vache à Maillotte, le lait d’Abitibi Tout le monde vous le dira dans le coin, c’est l’un des arrêts incontournables en Abitibi-Ouest. À l’entrée de la ville de La Sarre, le cheddar en grains de la Vache à Maillotte est produit tous les jours depuis plus de 20 ans. La fromagerie au nom de comptine d’enfant fabrique surtout du fromage frais, majoritairement consommé dans la région. Environ 40 000 kilos de fromage y sont produits chaque année.

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u départ, on voulait faire ça petit. On voulait une petite fromagerie sans prétention qui ne vendrait qu’à la boutique», se souvient Pierre Vachon, qui a fondé la Vache à Maillotte en 1996. Pierre était alors producteur laitier. Il a été approché par un autre producteur de lait, Réal Bérubé, afin de lancer une fromagerie. Cinq autres actionnaires ont décidé d’embarquer dans l’aventure. «À l’époque, le lait de la région n’était pas consommé sur place. Tout le lait d’Abitibi-Ouest était transformé ailleurs. Nous voulions transformer notre lait et celui des autres producteurs», explique Pierre. La première fromagerie artisanale de l’Abitibi ouvrait ainsi ses portes en juillet 1996. En septembre, elle ne suffisait plus à la demande. «Après trois mois, on a finalement commencé à vendre dans les épiceries des villes du coin, comme La Sarre et Rouyn. Puis on a agrandi la fromagerie trois ans plus tard.» Pierre Vachon estime que le succès que la fromagerie a rapidement connu s’explique par la qualité du cheddar frais qu’on y a produit dès le départ. «Nous avons fait appel à un consultant, nos fromagers ont suivi des cours. Notre fromage a toujours été produit avec 100% de lait. Nous ne voulions pas nous enligner vers une production industrielle, vers du grain fabriqué avec des substances laitières modifiées», explique-t-il. Au tournant des années 2000, la Vache à Maillotte s’est lancé dans la fabrication de fromages fins, tels le Fredondaine, le Méli-Dieux et l’Allegretto. Ce dernier est le seul fromage de la Vache à Maillotte fabriqué avec du lait de brebis. Un producteur ovin avait à l’époque approché les propriétaires de la fromagerie. Tommy Lavoie souhaitait que le lait de son

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troupeau de 400 brebis soit transformé en Abitibi. C’est ainsi qu’est né l’un de leurs fromages les plus prisés. L’Allegretto, une pâte ferme vieillie quatre mois, est maintenant transformé avec le lait d’un nouveau troupeau, celui de Bruno Drouin. Les brebis sont à 15 minutes de la fromagerie. La Vache à Maillotte fabrique aujourd’hui une dizaine de fromages fins. Mais le fromage frais constitue encore l’essentiel de sa production. Le cheddar, le fromage en grains, celui à poutine et les tortillons représentent environ 95% de la production totale de la fromagerie. «Nous transformons environ 4 millions de litres de lait par année. Les fromages fins ne représentent que 5% de nos ventes. Le reste, c’est le frais et il est presque exclusivement vendu dans la région d’Abitibi-Ouest», explique Marco Hachey, directeur général de l’entreprise. Et tout le lait provient des environs. «Il y a suffisamment de producteurs laitiers autour de nous pour nous approvisionner. Ça nous permet de créer un vrai produit de notre terroir», ajoute Marco. Épiceries, restaurants, cassecroûtes, le fromage de la Vache à Maillotte trouve toujours preneur. Toute cette production ne pourrait pourtant être possible sans l’équipe fidèle au poste à la fromagerie, insiste Marco, qui, depuis 2016, est également actionnaire de l’endroit. Selon les saisons, entre 35 et 40 personnes y travaillent. «On a toujours mis de l’avant le bonheur de nos employés. Dans la région, le taux de chômage est bas. C’est impossible pour nous d’accoter les salaires offerts par les mines. Notre seul pouvoir, c’est de les rendre heureux au travail. Le salaire peut alors avoir une moindre importance», explique-t-il. Il offre ainsi beaucoup d’écoute et de reconnaissance aux employés. Les cadres de l’entreprise passent

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par exemple des journées sur le plancher avec eux, afin d’être bien conscients des besoins. «Nous, nous trouvons qu’il leur manque des outils. Mais ce ne sont pas eux qui se plaignent et qui les demandent», s’étonne le directeur, qui planche justement sur un projet d’automatisation de la coupe de fromage. «Une commande de 4000 pointes de fromage, ça devrait être une bonne nouvelle et non un labeur!» Le travail à la fromagerie est très physique et l’environnement est parfois difficile, explique pour sa part Pierre Vachon, maintenant retraité de la production laitière et nouvel «homme à tout faire» à la Vache à Maillotte. «C’est un travail d’équipe, une entreprise sans employés, ça va mal. Alors, on leur donne de l’amour.» Pierre Vachon est maintenant le seul actionnaire présent depuis la création de la fromagerie il y a 22 ans. Depuis 2016, quatre personnes sont propriétaires de la fromagerie de La Sarre. Toutes y travaillent. Outre Pierre et Marco, Jacquelin Sévigny est directeur de l’usine et Mélissa Roy est directrice des finances. Comme à ses débuts, la boutique de La Sarre accueille beaucoup de gens, surtout en période estivale. «Tout le monde s’arrête ici. Nous sommes probablement notre meilleur client», explique en riant Marco Hachey. Question de joindre l’agréable à l’agréable, il vous conseille d’ailleurs de vous y choisir quelques fromages et d’aller pique-niquer au magnifique Parc national d’Aiguebelle, à un peu plus d’une heure de route de La Sarre. Fromagerie la Vache à Maillotte Abitibi-Témiscamingue 604, rue 2 Est, La Sarre 819 333-1121 vacheamaillotte.com

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«C’est impossible pour nous d’accoter les salaires offerts par les mines. Notre seul pouvoir, c’est de les rendre heureux au travail.» — Marco Hachey

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«Le format réduit facilite la participation d’artistes d’un grand nombre de pays. L’événement devait aussi permettre aux artistes de la région de sortir de leur isolement.» — Joanne Poitras


( culture ) Biennale international d’art miniature Ville-Marie mots. Caroline Larocque-Allard

La folie des petites grandeurs La traversée du Témiscamingue est une immersion dans un tableau grandiose, de champs vallonneux si densément fleuris et colorés qu’ils semblent avoir été peints par les Témiscamiens pour notre seul plaisir. C’est cette vaste région tout en paysages qui a inspiré la Biennale internationale d’art miniature, dans la coquette Ville-Marie.

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our la 14e édition, en 2018, Émilie Côté a reçu pas moins de 400 petits colis provenant d’une vingtaine de pays. Chacun renferme un univers façonné par un artiste contemporain, de trois pouces par quatre pouces, qui tient dans une seule main. «Le miniature permet l’abondance. Pour monter l’exposition, mon défi est de faire une seule grande œuvre avec des centaines de petites, afin que chacune soit mise en valeur et puisse être scrutée de près.» Scrutée à la loupe serait l’expression toute désignée. À l’entrée de la galerie du Rift, le centre culturel de Ville-Marie, on peut se munir d’une loupe pour se lancer dans l’exploration de l’infiniment petit. On se colle aux tableaux, aux sculptures; la vision périphérique disparaît, puis les œuvres nous chuchotent les secrets de leur matière. «Contrairement à ce qu’on fait habituellement dans les

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galeries, ici, on ne recule pas pour observer; on s’approche, le nez à quelques centimètres des œuvres. Ça permet une rencontre, une intimité entre le sujet et le visiteur, qui se retrouvent ainsi seul à seul. C’est ce qui rend cette exposition si singulière», croit Émilie Côté. Il y a de très grandes choses dans le tout petit, «surtout quand le sujet de l’œuvre prend sa source dans la représentation miniature, précise l’organisatrice. Le défi pour l’artiste, c’est de faire davantage que de transposer une idée dans un format réduit. Il doit utiliser ce langage pour dire quelque chose d’unique. Une sculpture sur allumette, ça frappe, et ce genre de prouesse technique n’est qu’une des multiples façons de faire parler le médium». La Biennale d’art miniature veut abolir les distances, avec les œuvres comme avec le monde. Pour Joanne Poitras, artiste et

cofondatrice de la Biennale, il n’y a pas de «petite région». Aucune raison, donc, pour que le Témiscamingue ne puisse faire converger chez lui des artistes internationaux pour un événement reconnu mondialement. L’estampière a imaginé la Biennale d’art miniature avec deux intentions. «D’abord, le format réduit facilite la participation d’artistes d’un grand nombre de pays. L’événement devait aussi permettre aux artistes de la région de sortir de leur isolement, de se rencontrer, et ainsi de servir de tremplin à de nouvelles initiatives en culture», explique-t-elle. Les artistes du Témiscamingue et de l’Abitibi sont donc nombreux à soumettre des œuvres à la Biennale, certains depuis la toute première édition en 1992. «Notre région en est une à l’échelle humaine; on se connaît bien, on veut se voir, on veut s’aider. La communauté a donc très vite

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pris la Biennale en main, raconte fièrement Joanne Poitras. De nombreuses activités s’organisent en parallèle, les enfants sont amenés à créer leurs œuvres miniatures, à explorer. À l’image de notre région, l’art miniature est facile d’approche, et l’événement a été pensé ainsi.» Ce bouillonnement culturel, Émilie Côté le constate aussi tous les jours. «Plusieurs artistes d’ici, après un passage dans la vie urbaine, reviennent y installer leur atelier. Pour la qualité de vie, les grandes étendues inspirantes, mais aussi parce qu’il existe désormais un esprit de collégialité qui permet à des projets de lever, et donc à de nombreux artistes de vivre de leur travail. En ce sens, le Rift et la Biennale sont devenus des piliers de la diffusion régionale», estime Émilie Côté, elle-même artiste visuelle «rentrée chez elle» depuis quelques années.

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«À la différence de la ville, qui est une construction humaine faite de nombreux paramètres, des régions comme l’Abitibi-Témiscamingue sont dominées et organisées par la nature et on doit s’adapter à elle, croit Joanne Poitras. On ne peut prendre la mesure des champs du Témiscamingue, contrôler les forêts abitibiennes. On se retrouve tout petit et on n’a pas le choix de ralentir son rapport au temps. C’est un terreau fertile pour un grand nombre d’artistes.» La Biennale internationale d’art miniature fait sans aucun doute la fierté des Témiscabitibiens, qui ne se gênent pas pour y revenir plusieurs fois et se laisser surprendre par des détails qui n’avaient pas encore capté leur attention. «Quand les gens se promènent, ils entrent dans une sorte de communion, d’expérience très personnelle. C’est beau de les voir prendre le temps d’observer ces centaines d’ouvrages.»

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L’exposition est aussi devenue un incontournable pour les visiteurs de passage au Témiscamingue. Ceux qui ont parcouru une partie du Québec pour atteindre VilleMarie, ivres d’espaces à n’en plus finir, prennent plaisir à se laisser absorber par ces petits mondes contrastants. De retour sur la route, ils ont soudainement envie de s’arrêter pour découvrir, cette fois, chacune des fleurs qui composent la grande toile estivale du Témiscamingue, le nez dans le pollen, avec ce nouvel œil averti pour la richesse du détail. Biennale internationale d’art miniature Galerie du Rift, du 8 juin au 2 septembre L’exposition revient chaque année paire, pour tout l’été. 42, rue Sainte-Anne, Ville-Marie 819 622-1362 lerift.ca


Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Festival de musique émergente 150, avenue du Lac, Rouyn-Noranda Du 30 août au 2 septembre

Lieu de rencontre indéfectible pour le public et les acteurs de l’industrie musicale, le Festival de musique émergente (FME) clôt le rallye des festivals québécois chaque été depuis maintenant 16 ans. Entre les concerts improvisés dans divers magasins et les spectacles extérieurs à plus grand déploiement, l’événement demeure l’occasion la plus invitante de découvrir à la fois la crème de notre relève musicale et cette région éloignée mais riche en trouvailles qu’est l’Abitibi-Témiscamingue. Entièrement prise d’assaut par la musique, la cité rouynorandienne profite d’un dynamisme remar­quable pendant cette longue fin de semaine de la fête du Travail. Chose certaine, la longue traversée de la réserve faunique La Vérendrye en vaut la peine.

La Cité de l’Or 90, avenue Perrault, Val-d’Or

Découvrez tous les secrets de l’une des mines d’or les plus prolifiques au pays. Lieu de première importance du tourisme en Abitibi-Témiscamingue, la Cité de l’Or présente une animation guidée permettant de visiter cette ancienne mine jusqu’à 91 mètres sous terre, en plus de cinq bâtiments connexes et du village minier de Bourlamaque, classé site historique en 1979. Le circuit d’interprétation est complété par la diffusion d’une vidéo sur l’histoire du village et une exposition de photos. Il faut prévoir

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La Motte  photo P199 (Wikipedia)

environ quatre heures pour une visite complète, mais des options pour une vitesse express sous terre ou en surface sont également offertes. Une réservation est recommandée.

La Route du terroir 18 août 2018 à La Motte

Située entre Amos et Val-d’Or, la municipalité de La Motte se fait voir à la grandeur de la région abitibienne grâce à la Route du terroir, événement annuel qui met en valeur les produits et le savoir-faire des artisans locaux. Bénéficiant d’une popularité grandissante

depuis le début de la décennie, ce happening agrotouristique fêtera son 20e anniversaire cette année et présentera une multitude d’exposants déployés sur un parcours de 8 kilomètres. Auparavant axée sur les fruits et légumes, cette initiative citoyenne regorge maintenant de trouvailles de toutes sortes, qui font le bonheur des 5000 visiteurs qui s’y rendent chaque année. D’ici la date de l’événement, on croise les doigts pour un ensoleillement plus prononcé qu’en 2017, année marquée par des pluies abondantes qui ont miné la récolte de légumes de certains exposants.

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Rouyn Noranda  photo Mathieu Pelletier

Refuge Pageau

Bercé par l’Harricana

4241, chemin Croteau, Amos

45, rue Migwan, Pikogan

L’amour que portent aux animaux Michel et Louise Pageau est inconditionnel. Depuis 1986, ces deux amoureux de la nature mettent toutes leurs énergies au service d’un centre d’hébergement temporaire ou à long terme pour les animaux sauvages dans le besoin, et c’est grâce aux nombreux visiteurs que ce lieu unique peut poursuivre son honorable mission. Durant cette visite qui se déroule sur deux heures et sur une distance de 1,5 kilomètre, les curieux pourront connaître davantage les animaux des forêts québécoises afin de mieux comprendre les façons de leur venir en aide. En plus des visites guidées, qui donnent de l’information sur l’histoire et les espèces du refuge, ce lieu de découvertes propose des visites libres et des espaces pour pique-niquer.

Le Conseil de la Première Nation Abitibiwinni accueille chaque année un lot important de touristes à Pikogan. Parmi les nombreuses activités qui s’y retrouvent, passant d’un pow-wow à l’exposition Un peuple, une histoire, la réserve algonquine propose à sa faune touristique de se laisser bercer par l’Harricana, rivière qui prend sa source au lac Blouin et qui se déverse dans la baie James après un périple de plus de 500 kilomètres. Plusieurs options sont offertes à tous les types de pagayeurs: des randonnées d’une heure et des circuits de deux ou trois jours qui incluent une nuitée dans un tipi et une tente de prospecteur. Dégustation de nourriture typique autochtone, tour d’horizon des plantes médicinales et immersion dans les légendes algonquines sont également au menu.

Parcours citatif de Rouyn-Noranda Plusieurs endroits à Rouyn-Noranda

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Voilà une manière intéressante et différente de découvrir une ville. Visant à faire réfléchir les curieux et à agrémenter leurs balades, le Parcours citatif de Rouyn-Noranda est inspiré de la Promenade de la poésie de Trois-Rivières et permet aux visiteurs de déambuler au sein de la ville en suivant un itinéraire précis qui recense différentes citations provenant de diverses sphères (politique, culturelle, sportive...). Choisies en fonction de leur caractère représentatif de l’âme et des citoyens de la région, les citations sont placardées aux quatre coins de la ville abitibienne. Initié à travers une première mouture en 2016, ce parcours singulier est en constant développement, comme en témoigne l’ajout d’une vingtaine de plaques l’an dernier.


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Tour du QuĂŠbec Bas-Saint-Laurent

Distillerie du St. Laurent Hugo Latulippe Circuit du Cabouron Sur la route


( à boire ) Distillerie du St. Laurent Rimouski mots. Delphine Jung

Du fleuve à la bouteille À l’origine de cette distillerie, deux passionnés de spiritueux qui ont personnalisé leur gin en lui donnant un petit parfum iodé venu du fleuve. Un gin marin qui fleure bon le terroir d’ici, et qui voyage même à l’étranger.

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eux amoureux du fleuve ont décidé de se lancer dans la fabrication de spiritueux sur les bords du Saint-Laurent pour leur côté mystérieux et magique, et surtout pour leur goût. L’un était architecte naval, l’autre réalisateur et metteur en ondes à RadioCanada. Les chemins de JeanFrançois Cloutier et Joël Pelletier se sont croisés grâce à leur passion commune pour les spiritueux… ou plutôt grâce à la femme de JeanFrançois, une collègue de Joël. «Quand on se voyait, on s’apportait des bouteilles, on échangeait sur l’histoire des spiritueux au Québec», se souvient-il. Depuis, cette amitié et cette passion commune ont donné naissance à la Distillerie

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du St. Laurent. Jean-François est devenu le capitaine de production, Joël, l’amiral de la marque. Chaque année, depuis la création de leur entreprise en 2015, 68 000 bouteilles de gin sont produites dans leurs alambics installés à Rimouski, et ils devraient bientôt commercialiser du whisky. Par des Québécois, pour les Québécois Leur gin est vendu à 95% au Québec. «On a créé un gin fait par les Québécois, pour les Québécois. Mais on est aussi heureux d’être présent ailleurs», confie Joël. En Ontario, mais aussi en France, en Suisse et en Allemagne, leur élixir a trouvé preneur.

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«Nous sommes en discussion pour en vendre au Danemark, aux Philippines, en Afrique du Sud et en Belgique. En juin, on sera présent en Nouvelle-Écosse. On fait affaire avec des petits distributeurs», explique le distillateur. Les deux alchimistes éthyliques, comme ils aiment se faire appeler, font partie des premiers à avoir remis au goût du jour les spiritueux au Québec. «Ils ont longtemps eu mauvaise presse après la prohibition. On disait que ça rendait aveugle, de boire des spiritueux. Puis le marché a commencé à se développer aux États-Unis», raconte le jeune entrepreneur. C’est donc là-bas qu’il a décidé de se former en 2013. «On m’a demandé s’il y avait

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des distilleries au Québec. Je me suis rendu compte qu’il y en avait très peu et que c’était le moment de se lancer.» Pendant qu’il apprenait les bases de cette science de la patience, son acolyte construisait un alambic dans son sous-sol, «pour essayer de distiller des huiles essentielles». L’aventure a ensuite débuté avec le gin. «On rêvait pourtant de faire du whisky avec des céréales du Québec, mais ça prend des reins solides pour se lancer là-dedans. Il nous fallait un produit qui n’a pas besoin de vieillir, et le gin est prêt en 10 jours», poursuit le distillateur.

Le fleuve, source d’inspiration La simplicité abondant largement le marché, les deux compères ont décidé d’apporter une touche en plus à leur élixir. «On voulait s’éloigner du gin conventionnel et de son goût sapiné, on voulait aller vers quelque chose de plus audacieux. C’est un alcool assez neutre, alors on a décidé d’y ajouter un élément marin, un côté salin qui n’est pas commun pour du gin», dit Joël. En bouche, le gin de la Distillerie du St. Laurent dégage des arômes poivrés, citronnés et herbacés. Et en fin de note, on retrouve en effet un petit goût salé.

Cet élément iodé, ils le trouvent dans le lit du Saint-Laurent. Après plusieurs tentatives infructueuses, ils ont finalement trouvé l’ingrédient qui allait sublimer leur spiritueux: «On a choisi d’utiliser la laminaire, une algue peu connue au Québec, mais très répandue au Japon.» Le fleuve leur a donc donné leur ingrédient signature, mais aussi leur nom. «On est tous les deux nés là, avec cet air salin, ça fait partie de nous. Le Saint-Laurent, c’est un peu la raison d’être du Québec, c’est ce qui a amené les explorateurs à venir ici. Le fleuve, c’est aussi ce qui relie tous les Québécois», lance Joël.

«On voulait s’éloigner du gin conventionnel et de son goût sapiné, on voulait aller vers quelque chose de plus audacieux.» — Joël Pelletier

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C’est le Saint-Laurent encore qui est la source d’inspiration des étiquettes qui embrassent leurs bouteilles. «On voulait que notre produit soit aussi bon que beau. Aujourd’hui, les gens achètent d’abord avec les yeux. On aime ce qui se passe dans l’eau, alors on est parti dans cette direction.» Dans la tête des deux patrons germe l’idée d’étiquettes inspirées des voyages de Jules Verne et des bêtes aquatiques mi-hommes, mi-poissons. Résultat: des étiquettes vintage, qui pourraient se retrouver sur la couverture de Vingt mille lieues sous les mers. Fumé à l’érable Maintenant que leur entreprise carbure, ils se sentent prêts pour

lancer leur whisky. «C’est bien de boire du whisky d’Écosse, du cognac de France… mais nous, on se demandait toujours ce que ça pouvait bien goûter le whisky d’ici, fait avec des céréales du Québec, et laissé plusieurs années dans des barils qui connaissent parfois du -20 °C. Il y a tout un terroir qui n’est pas encore utilisé sur ce plan-là au Québec», explique le distillateur. Avec ambition, les deux alchimistes ont même décidé de produire deux sortes de whisky: un bourbon inspiré de la recette américaine, fait avec du maïs, du seigle et de l’orge, et un single malt, de type écossais, fait d’orge malté. Et qui dit Québec dit aussi érable. Les deux distillateurs ont donc décidé de fumer les grains utilisés pour la fabrication de leur

whisky avec du bois d’érable, dans un fumoir à poisson. Lorsque terre et mer se rencontrent... De temps en temps, l’impatience taraude les deux hommes, qui osent ouvrir un baril, histoire d’en humer le parfum et d’en boire une lichée. «On est super satisfaits. C’est prometteur», assure Joël. À l’aube de sa trentaine, le distillateur se réjouit déjà de «vieillir en même temps» que son whisky. Rendezvous le 5 octobre 2020, quatre jours avant sa fête, pour le goûter lorsqu’il sera arrivé à maturité. Distillerie du St. Laurent Bas-Saint-Laurent 327-A, rue Rivard, Rimouski 418 800-4694 distilleriedustlaurent.com

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( culture ) Hugo Latulippe Cacouna mots. Mickaël Bergeron

La résistance du Bas-du-Fleuve Il est toujours triste de voir des immeubles patrimoniaux vides, abandonnés dans le silence de l’histoire. Mais comment leur redonner vie si personne ne souhaite s’en occuper? En faire des lieux culturels et communautaires est peut-être une piste. C’est celle qui sera explorée par Hugo Latulippe à Cacouna.

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abiter le territoire. Au sens large. Pas seulement y passer du temps, ou l’exploiter, mais y vivre, le faire sien. L’honorer, aussi, en l’aimant et en le préservant. Se nourrir de sa communauté et l’alimenter à son tour. Acheter le presbytère de Cacouna pour en faire un lieu pour la communauté est une manière de plus pour le documentariste Hugo Latulippe de s’ancrer dans le Bas-du-Fleuve. Hugo Latulippe, que plusieurs connaissent pour son documentaire Bacon, le film, habite le Bas-SaintLaurent depuis une vingtaine d’années, plus précisément l’île Verte. «Je fréquente les mammifères marins depuis 30 ans», ajoute-t-il, en référence à l’incontournable fleuve Saint-Laurent et à la forte présence de bélugas, entre autres, à Cacouna.

Le presbytère de Cacouna, que tout le monde connaît dans la région, était à vendre depuis près de deux ans lorsqu’il a décidé de l’acheter à l’automne 2017. Ce n’est pas parce que l’immeuble était si cher – il valait moins que son condo de Montréal – ni parce qu’il nécessite des travaux majeurs qu’il ne trouvait pas preneur.

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Il manquait peut-être cette vision: que faire avec un bâtiment de pierres de quatre étages qui fêtera bientôt ses 200 ans? Hugo Latulippe a eu cette vision. Propagande culturelle «On veut bâtir un lieu pour la communauté», raconte le réalisateur. Présentement, deux étages sont occupés, précise Hugo, un club de yoga et ses propres studios. «On y va de manière réaliste, on n’est pas pressés, on n’est sommes pas des mécènes non plus! Mais je veux lier les gens!» Tranquillement, il évalue les possibilités et pose sa vision. Le cinéaste considère que bâtir des projets et travailler avec le public ont toujours fait partie de sa vie. On sent ses passions et ses préoccupations transmises dans ses films à travers ce projet, où se mélangent l’art, la politique, la culture et le monde. Pourquoi pas des résidences d’artistes? Ou un lieu de discussion, à l’image des assemblées de cuisine de Faut qu’on se parle? Accueillir des scientifiques qui étudient le fleuve? En faire un lieu dédié aux documentaires?

«Il y a déjà eu une vision culturelle au gouvernement, soutient Hugo. Avant, c’était plus évident que le gouvernement appuyait un accès à la culture, aux arts, à la population en général, partout sur le territoire. En cinéma, en tout cas, je le vois, la diffusion diminue.» Il faut donc des projets pour y remédier. Le Bas-du-Fleuve a déjà une forte tradition artistique, rappelle le cinéaste. Les artistes en tous genres ont l’habitude de s’y arrêter pour créer ou pour montrer leurs œuvres. Rimouski a une vie culturelle active grâce à son université, Rivière-duLoup donne un des rares cours en documentaire, sans parler des nombreuses galeries d’art de Kamouraska. Son presbytère pourrait devenir un lieu névralgique pour diffuser et produire des documentaires dans l’Est-du-Québec. Recevoir des stagiaires? Les avenues sont larges et nombreuses dans la tête du cinéaste. Autonomie régionale Selon Hugo Latulippe, le Bas-Saint-Laurent est une région différente des autres.

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«On a des artistes, des agriculteurs, des penseurs, aussi. Ça offre des projets différents, une population autonome qui ne vit pas au gré des multinationales.» — Hugo Latulippe

À la fois éloignée, mais pas isolée. Surtout, contrairement à d’autres régions du Québec, les ressources naturelles ne sont pas au cœur de son économie. «L’économie est plus variée que d’autres régions. On a des artistes, des agriculteurs, des penseurs, aussi. Ça offre des projets différents, une population autonome qui ne vit pas au gré des multinationales.» Le Bas-du-Fleuve a donc l’habitude de s’organiser, d’avoir ses propres projets. Il y a une vie fortement influencée par le fleuve, par ses produits locaux. «La vie se fait à échelle humaine, malgré la grandeur du territoire.» Demeure ce défi, malgré l’ouverture de la région, d’attirer les communautés culturelles. «Moins de 1% de Cacouna n’est pas blanche, donne en exemple Hugo.

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Il faut déconstruire cette idée qu’il y a la ville et la campagne, il n’y a pas d’opposition entre le centre et les régions. On doit faire vivre nos régions, vivre notre pays comme peuple.» Résister pour bâtir Le documentariste rappelle que la région s’est battue pour protéger les bélugas en disant non à un port pétrolier à Cacouna. «Notre estuaire, on veut le préserver, nos bélugas, on veut les protéger», dit-il, tout en soulignant qu’il peut entendre le chant des baleines de chez lui. Acheter un vieux presbytère, en faire un lieu communautaire, tout ça est une forme de résistance pour Hugo Latulippe. Une manière de faire vivre le territoire, de préserver le patrimoine. Selon lui,

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les gens ne voient pas assez la beauté du territoire et du patrimoine, ou ne prennent pas le temps de protéger le beau. «Notre architecture aujourd’hui, entre autres en banlieue, elle n’aura pas d’intérêt dans 50 ans. On était sur la coche il y a 200 ans toutefois», réfléchit le nouveau propriétaire, fier de la beauté de son presbytère qui surplombe le fleuve. Ce projet qu’il veut inclusif, ce n’est pas juste sa part dans sa communauté, c’est un legs de plus qu’il souhaite laisser à ses enfants, à sa communauté, à son pays. Presbytère de Cacouna Bas-Saint-Laurent 455, rue de l’Église, Cacouna


( territoire ) Circuit du Cabouron Saint-Germain-de-Kamouraska mots. Stefan Psenak photos. Guy Lavigueur

Une histoire de lutte et de mise en valeur Si on organisait un palmarès des plus beaux rangs du Québec, le rang du Mississipi dans le Kamouraska se classerait sans aucun doute dans celui-ci. Bordé d’un cabouron qui, de son sommet, offre une vue imprenable sur les plaines et le fleuve, c’est un lieu presque mythique d’une beauté inestimable. Au fait, combien vaut un paysage, au juste?

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À

l’autre bout du fil, Roméo Bouchard est intarissable, comme le fleuve qui coule à distance de vue de chez lui, quand il parle du territoire où il a choisi de s’installer, en 1975, après avoir quitté son emploi de professeur de communication-journalisme à l’UQÀM. Son territoire, c’est Saint-Germain-de-Kamouraska, qui célèbre son 125e anniversaire de fondation cette année, dans la région du Bas-Saint-Laurent. Roméo Bouchard, fondateur et ancien président de l’Union paysanne, vient tout juste de célébrer ses 82 ans et projette l’assurance et la force d’un homme solidement ancré dans sa terre, droit comme les arbres qui peuplent son érablière de 400 entailles. C’est sur cette terre qu’il a acquise à l’époque, et qui se déploie entre le fleuve et deux montagnes du rang Mississipi, qu’il pratiquera l’agriculture biologique pendant 20 ans. «C’était l’époque où les hippies comme moi quittaient les agglomérations urbaines pour émigrer en région. Ce retour à la terre des néoruraux que nous étions a en quelque sorte été le ferment de toutes les innovations dans nos campagnes, de l’agriculture biologique au développement des activités de plein air.» En à peine cinq ans, le rang Mississipi, que la municipalité de Saint-Germain envisageait de fermer, a vu la construction de 15 maisons et

l’installation d’autant de familles, dont celle de Roméo Bouchard. Son appropriation du territoire et son enracinement feront de lui un ardent défenseur du monde rural et le propulseront à l’avant-scène de nombreuses luttes, dont celle qui mènera à une mobilisation sans précédent pour protéger les petites montagnes de Saint-Germain-deKamouraska, qui font partie du patrimoine paysager (ce que la Loi sur le patrimoine culturel de 2012 définit comme «paysage culturel patrimonial»). Ces montagnes de quartz et de grès qui ont résisté à l’érosion, et que les Abénaquis appelaient des monadnocks, étaient en fait des îles à l’époque où la mer de Champlain recouvrait la région après le passage des glaciers. Tout comme les îles de Kamouraska et des Pèlerins, ces montagnes isolées et dispersées font partie de la chaîne des Appalaches. «On y retrouve une flore riche et unique, une végétation nordique avec des espèces comme la linaigrette, le thé du Labrador ou les fleurs de mai, en raison des semences charriées par les glaciers. Et une forêt de pins gris dont les cônes présentent la particularité de s’ouvrir lorsqu’il y a un incendie, comme en 1929», explique Roméo Bouchard. Mais voilà qu’en 1994, le paysage est menacé. Cantel veut se porter acquéreur du sommet de la

principale montagne pour y installer une tour de communication cellulaire. «La tour proposée se situait juste au-dessus de mon érablière et du rang Mississipi qu’on tentait de préserver d’un projet de route élargie et asphaltée, qui aurait détruit tout le charme et les beaux érables qui lui font cathédrale.» Un mouvement s’organise. Roméo Bouchard rassemble voisins et amis et ensemble ils créent la Société des Cabourons du Mississipi. «Je venais de découvrir que les gens appelaient autrefois ces montagnes “cabourons”, un nom qui tire son origine de “caboche” et qui veut dire “colline isolée”. On en a donc profité pour réhabiliter l’usage de ce terme québécois.» Le but de la Société est de sauver la montagne et de se donner des objectifs de préservation et de mise en valeur. «Le terrain convoité appartenait à un prospecteur disparu depuis longtemps et la MRC de Kamouraska le mettait à l’enchère.» Les 35 sociétaires investissent chacun 50$ dans une cagnotte. «Cantel avait mis en marche sa machine à lobby et approché certains propriétaires voisins pour leur offrir une compensation financière en échange de droits de passage. Nous, on se battait avec ce qu’on avait: on se présentait aux séances du conseil, je me servais de mon petit mensuel pour faire valoir nos droits.» Quand les sociétaires des Cabourons se présentent à la vente avec l’intention d’acheter le terrain, ils constatent que le processus semble joué d’avance. Résultat de l’enchère: Cantel remporte la mise. Nous sommes en mai 1994. Qu’à cela ne tienne, Roméo Bouchard et ses partenaires ne baissent pas les bras. «On est allés à l’aide juridique et on a monté un dossier en alléguant que le processus de vente aux enchères était frauduleux. La Cour supérieure du Québec nous a donné raison à l’automne de la même année et a invalidé toutes les ventes.» En 1995, la MRC

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de Kamouraska reprend la vente aux enchères et la Société des Cabourons du Mississipi met la main sur les 115 arpents convoités pour la somme de 1800$. Le travail de mise en valeur peut commencer. «On a fait faire un herbier. On a élaboré un premier tracé pour notre projet de sentier pédestre.» Après quelques écueils liés au financement, la Société des Cabourons fait appel à la Corporation PARC Bas-SaintLaurent, un outil collectif destiné au développement durable, qui améliore le projet. Le sentier est finalement construit en 1999 et fait 4,3 kilomètres. Roméo Bouchard vante l’extraordinaire engagement de ses concitoyens. «Il faut voir le kiosque du belvédère qui rappelle un faucon, construit par des jeunes qui ont monté à pied tous les matériaux, et d’où l’on peut contempler le paysage, le fleuve,

les îles et Charlevoix, de l’autre côté du fleuve.» Restauré il y a deux ans, le Sentier propose des panneaux d’accueil et un panneau d’interprétation. Depuis, PARC Bas-Saint-Laurent a cédé la gestion à la municipalité de Saint-Germain. «Au sentier s’ajoute maintenant le Circuit du Cabouron, qui s’étend quant à lui sur 8,5 kilomètres, en passant par le rang du Mississipi», explique Jacinthe Thiboutot, présidente du Comité de développement de Saint-Germain, elle-même grande adepte de marche, revenue habiter sa terre natale après sa retraite de l’enseignement, à Montréal. «C’est impressionnant de constater que notre sentier, qui était surtout fréquenté par les gens de la région, attire désormais tant de gens de l’extérieur. Je pense que c’est parce qu’on a réussi à introduire dans l’imaginaire la notion de beauté.»

Jacinthe Thiboutot, tout comme Roméo Bouchard, parle avec fierté de son coin de pays. De ces cabourons qui sont aussi prisés pour la pratique de l’escalade en raison de la dureté de leurs rochers. Du Symposium de peinture, aussi. Du théâtre d’été, du kayak de mer et de ce projet de baladodiffusion sur lequel elle planche pour les célébrations du 125e anniversaire de son village. «Quand j’emprunte le sentier et le circuit, ça me prend au cœur. C’est quasiment indescriptible ce qu’on peut ressentir en regardant le paysage. Ce qu’on se dit souvent, ici, entre nous, c’est que “c’est donc ben beau”. Et puis, on n’a rien à vendre. Juste de la beauté à offrir en partage.» Circuit du Cabouron Bas-Saint-Laurent Saint-Germain-de-Kamouraska munsaintgermain.ca/ pages/circuit-du-cabouron

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

photo Simon Jodoin

Épicerie Chez Daniel 11, rue Martin, Mont-Carmel

On ne fait pas nécessairement de détour pour aller visiter une épicerie de village, mais celle-ci a un je-nesais-quoi de sympathique qui donne envie d’y retourner pour faire ses emplettes. Sur la rue Martin à

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Mont-Carmel, l’épicerie Chez Daniel offre une excellente sélection de bières de microbrasserie ainsi que plusieurs produits régionaux. Ce bon plan, nous l’avons découvert un peu par hasard, alors que nous étions désespérément à la recherche de quelques victuailles pour pique-niquer. Quelle ne fut pas

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notre surprise de constater que nous allions y trouver de quoi préparer un apéro du tonnerre! Il faut bien dire aussi que la route est si jolie pour s’y rendre, que vous veniez de Saint-Pacôme par la côte Norbert et le rang de la Montagne ou encore de Saint-Pascal, par la route du Petit-Bras.


Le Jardin des Pèlerins 190, route 132 Est, Saint-André-de-Kamouraska

Les Pèlerins, ce sont cinq petites îles qui émergent du fleuve au large de Saint-André-de-Kamouraska. C’est cependant sur la rive, juste en face, à la sortie du village sur la route 132, que vous trouverez le Jardin des Pèlerins, une petite ferme maraîchère fort sympathique où l’on fait pousser des légumes biologiques. N’arrivez surtout pas avec un menu en tête! Demandez plutôt à Andrée Deschênes et Anne Fortin, les propriétaires, ce qu’elles ont de bon aujourd’hui. La fraîcheur est garantie. Toutefois, ce que vous trouverez à coup sûr, c’est ce fameux sel du Pèlerin, une préparation de sel de mer aux herbes biologiques dont elles seules ont le secret. On vous le promet, vous aurez envie d’en mettre partout et même d’en faire votre sel de table. Et comme vous passez par là, procurez-vous aussi le Mégapicsel, plus piquant, ainsi que le Chante-sel, fabriqué avec des champignons sauvages. Pensez à faire des provisions, on y prend vite goût!

hésiter les pogos maison et quelques charcuteries locales. On peut aussi acheter sa bière pour emporter, dans des cruchons d’un litre qu’il vous faudra rapporter pour récupérer la consigne de 4$, ce qui vous donnera une excellente raison d’y retourner!

Parc côtier Kiskotuk Cacouna

Étonnamment assez peu fréquenté, le parc côtier Kiskotuk, aux abords de Cacouna, est l’endroit paisible par excellence pour une courte randonnée où vous pourrez en quelques kilomètres vous remplir

les poumons d’air salin et les yeux de toute la beauté des marais. Pour y parvenir, empruntez le chemin de la Rivière-des-Vases et roulez lentement, très lentement, pour vous diriger vers le secteur des Passereaux ou le secteur des Roitelets, où vous trouverez le départ de sentiers bien balisés. Notez aussi que le site ornithologique du marais de GrosCacouna, qui mérite franchement le détour, fait aussi partie du parc et que des chemins bien aménagés offrent la possibilité de se rendre à vélo d’un secteur à l’autre. Un secret bien gardé où l’on a envie de retourner souvent.

La Tête d’Allumette 265, route 132 Ouest, Saint-André-de-Kamouraska

Est-ce la plus belle terrasse du Québec? Du monde entier? En tout cas, vous n’en croirez pas vos yeux. Un peu en amont du village de Saint-André-de-Kamouraska, tout près du Camping de la Batture SEBKA, la microbrasserie Tête d’Allumette offre un endroit parfait pour un 5 à 7 où il fait bon regarder le soleil descendre lentement sur le fleuve. On y sirotera avec plaisir des bières d’une qualité exceptionnelle. On craque tout particulièrement pour la Gasket de tête, une stout à l’avoine, la Tête carrée, une bitter anglaise, et la Tête de houblon, une IPA d’une fraîcheur tranchante. Pour un petit creux, goûtez sans photo Simon Jodoin

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photo Simon Jodoin

Plage publique Lac Saint-Mathieu 109, chemin du Lac Sud, Saint-Mathieu-de-Rioux

On ne le dit jamais assez souvent, bien que le fleuve vole la vedette partout dans le Bas-Saint-Laurent, il ne faut surtout pas manquer les occasions d’aller passer par les terres afin de saisir toute la profondeur de la région et la beauté époustouflante des paysages. À ce titre, un bon plan est de quitter la 132 à la hauteur de Saint-Simonde-Rimouski pour remonter vers Saint-Mathieu-de-Rioux. D’abord,

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le village fort joli mérite amplement le détour et même qu’on s’y arrête pour faire un plongeon dans le lac Saint-Mathieu, accessible par la plage municipale. On raconte même que le secteur bénéficie d’un microclimat et que l’air ambiant est généralement plus chaud que sur la côte.

Ferme Gijamika 214, rang de l’Embarras, Kamouraska

Gageons qu’il y aura un jour une appellation contrôlée pour l’agneau de Kamouraska. Chose certaine, en tout cas, dans le rang de l’Embarras,

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vous trouverez de quoi vous régaler. Quelques centaines de mètres séparent l’Agnellerie de Kamouraska et la ferme Gijamika où vous n’aurez aucune difficulté à vous procurer gigots, jarrets, côtelettes et autres déclinaisons comme des terrines et des saucisses. La ferme Gijamika offre en plus des journées à la ferme et même un camp de jour afin de s’initier à la vie de fermier! En passant, un petit conseil culinaire: cuisinez votre agneau avec ce fameux mélange d’herbes salées du Bas-du-Fleuve qu’on trouve désormais dans toute bonne épicerie digne de ce nom. Un régal.


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Brasserie Dunham Capitaine Levain Pinard et Filles Sur la route


«L’intérêt, c’est aussi de mettre de l’avant le savoir-faire québécois pour les gens qui viennent d’ailleurs et le savoir-faire d’autres pays pour les gens du Québec.» — Simon Gaudreault

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( à boire) Brasserie Dunham Dunham mots. Valérie Thérien

Unis pour la bière La Brasserie Dunham célèbre son sixième anniversaire en juin. Depuis quatre ans, elle est dans le top 100 des meilleures brasseries dans le monde du site spécialisé Ratebeer.

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n quelques années seulement, l’entreprise s’est solidement ancrée dans la grande famille des brasseries québécoises indépendantes. Au-delà de la fabrication de bières audacieuses et variées, la Brasserie Dunham, c’est aussi un lieu rassembleur, familial et convivial qui accueille parfois des concerts. Au-delà du pub, il y a une boutique pour se procurer nos bouteilles préférées ou encore des vêtements à l’effigie du lieu, une table fermière de qualité qui sert des produits locaux et bios et un hôtel de sept chambres pour accommoder les gens de passage dans le coin. Comme si ce n’était pas assez, la Brasserie Dunham s’est créé un événement pour amateurs de bières cet été, le très attendu Foudres unis. Nous en avons discuté avec l’un des propriétaires de l’établissement, Simon Gaudreault. «Tout est parti d’une envie de rassembler des brasseries de qualité d’ici et d’ailleurs, au fil des rencontres, nous indique-t-il d’emblée. Les deux autres propriétaires, Sébastien Gagnon, Éloi Deit et moi, on visite beaucoup de festivals à l’étranger en

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«On aura des formats de petite quantité pour favoriser la découverte et pour que les gens puissent goûter au plus de produits possible sans que les effets de l’alcool soient trop intenses. Avec ce genre de formule, y’a pas beaucoup d’abus donc ça se gère assez bien.»

représentant la brasserie. Ça fait quelques années qu’on tisse des liens avec d’autres brasseries. On voulait faire vivre ce genre d’événement-là au Québec, qui n’est pas trop courant parce que ce n’est pas évident d’importer des bières d’ailleurs. C’est souvent par importation privée. Les gens connaissent assez peu les brasseries “rock star” à l’international et c’est difficile d’avoir accès aux produits. On s’est dit que ce serait une bonne occasion d’utiliser les amitiés développées en voyage pour organiser un événement d’envergure.» On pourra déguster, entre autres, des produits de Oxbow (Maine), Boon (Belgique), Auval (Gaspésie), Widawa (Pologne), Bellwoods (Toronto), Ca’ del Brado (Italie) et Isle de Garde (Montréal) à Foudres unis. Mais à l’inverse de la formule assez commune du Mondial de la bière qui est d’acheter un nombre de coupons pour chaque échantillon désiré, Foudres unis préfère une formule plus présente chez nos voisins du Sud, nous dit Simon. L’événement a un prix fixe et s’étale sur deux séances de trois heures et demie en une seule journée, le 11 août.

Lorsqu’on a discuté avec Simon, il prévoyait de vendre la totalité des 1300 billets. Foudres unis ne se tiendra pas sur le site de la Brasserie Dunham, mais sur la ferme Oneka, tout près, à Frelighsburg. «Ce sont des producteurs de soins de beauté bios faits avec des ingrédients qu’ils cultivent euxmêmes, indique Simon. Ils avaient un espace assez grand pour accueillir tous ces gens-là et pour nous c’était parfait. On installe un très grand chapiteau avec tous les kiosques de la cinquantaine de brasseries confirmées. Chaque brasserie pourra servir deux bières en fût et des bouteilles selon ce qu’elles peuvent apporter. On parle de 100 à 150 bières à déguster pour l’événement.» «Pour nous, c’était tout naturel de rester dans notre coin, poursuit-il. Y’a pas mal d’événements qui se

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passent déjà à Montréal et on n’est pas très loin de la métropole, donc on attire des gens de partout. En même temps, on est assez près du Vermont et pas si loin de l’Ontario, donc y’a beaucoup de gens qui viennent boire ici, surtout l’été, et c’est des gens qui ont une belle culture de la bière. L’intérêt, c’est aussi de mettre de l’avant le savoir-faire québécois pour les gens qui viennent d’ailleurs et le savoirfaire d’autres pays pour les gens du Québec.» Brasserie Dunham profitera de l’occasion pour sortir des bières spéciales à Foudres unis, des collaborations, nous promet Simon. Une chose est certaine,

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c’est que Foudres unis cadre tout à fait avec l’esprit collaboratif de l’établissement des Cantons-de-l’Est et du monde brassicole en général. «Les gens se parlent et s’entraident, confirme le copropriétaire. Les gens des brasseries qu’on a invitées, ce sont des gens croisés dans des festivals, qu’on respecte et avec qui on a déjà fait des collaborations. Quand on a envoyé les invitations aux brasseries participantes, les gens ont presque tous dit oui, donc on est très choyés. Si tu veux faire de la bonne bière, il faut élargir tes horizons, être curieux, ouvert d’esprit, voyager et goûter à tout.» La Brasserie Dunham souhaite que Foudres unis – un OBNL – vive

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longtemps, soit annuellement ou biannuellement. En attendant le premier rendez-vous, on vous conseille d’aller visiter ce lieu chaleureux et de ramener à la maison une bouteille de Viti Vini Vici, une saison légère élevée sur peaux de raisins zweigelt, pinot noir et pinot gris, créée en collaboration avec le vignoble biologique Les Pervenches à Farnham. Foudres unis 11 août Brasserie Dunham Cantons-de-l’Est 3809, rue Principale, Dunham 450 295-1500 brasseriedunham.com



«Les blés modernes sont juste faits pour être travaillés avec des grosses machines et être super productifs, mais pas forcément nutritifs.» — Ghislain Despatie

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( terroir ) Capitaine Levain Stanbridge East mots. Maryse Boyce

Boulanger autrement Qu’est-ce qui fait l’unicité de la boulangerie Capitaine Levain? Son parti pris pour le biologique, le local et le levain, d’abord, mais aussi son projet un peu fou de cultiver des blés anciens afin d’en faire sa propre farine. Rencontre avec les boulangers-paysans Ghislain Despatie et Céline Richard.

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a piqûre pour ce qui deviendrait leur projet d’entreprise est venue au détour d’un voyage en vélo d’un an en Europe, où le couple découvre un métier rarissime en Amérique du Nord et le mouvement des paysans-boulangers. «C’est vraiment apparu pour contrer les OGM», explique Céline Richard. «Les blés modernes sont juste faits pour être travaillés avec des grosses machines et être super productifs, mais pas forcément nutritifs, ajoute Ghislain Despatie. [Les partisans du mouvement] sont allés rechercher la nutrition, le goût et des blés qui n’ont pas besoin d’être traités en champ parce qu’ils sont justement rustiques.» Même si le couple comprenait l’importance de la culture biologique, étant un abonné de très longue date aux paniers de légumes biologiques d’Équiterre, il a toutefois alors réalisé que le pain (mais surtout le blé entrant dans sa fabrication) avait logé dans l’angle mort de ses préoccupations. Leur retour de voyage se déroule sous le signe de l’action: Ghislain s’inscrit à un DEP en boulangerie à Montréal puis fait son stage chez Joe La Croûte, au marché Jean-

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Talon, alors que Céline se lance dans les recherches sur les grains anciens et effectue des tests avec des semences ramenées de sa Bretagne d’origine. Le but: s’établir en région et fonder leur entreprise. Mais pas n’importe laquelle: en accord avec leurs principes, leur boulangerie sera bio, n’utilisera que du levain et évitera au maximum le gaspillage alimentaire. Le couple choisit le modèle de précommande plutôt qu’un commerce ayant pignon sur rue (et qui dépend donc des aléas de la météo et de l’achalandage pour écouler ses stocks). S’inspirant des paniers de légumes bios, il crée un équivalent avec ses pains et propose un abonnement avec des produits des fermes partenaires locales, et complète sa clientèle avec des restaurants de la région (ainsi que la Brasserie Dunham) et quelques marchés et événements. Pour diminuer ses coûts, Capitaine Levain compte ses fondateurs comme uniques employés. La boulangerie est située en annexe de la maison, ce qui leur permet d’être présents pour leurs jeunes enfants malgré les journées occupées, une priorité absolue.

En réduisant ainsi au maximum ses dépenses et ses intermédiaires, Capitaine Levain peut ainsi offrir à sa clientèle des produits à prix accessible, même s’ils sont bios. «C’était important pour nous de garder une clientèle qui ne soit pas composée juste de riches ou de gens plus âgés, d’essayer d’aller chercher les jeunes qui ont moins d’argent et qui peuvent quand même manger ces produits-là.» Au biologique s’ajoute un engagement indéfectible pour le levain – le slogan non officiel de la boulangerie est d’ailleurs «Fuck la levure, vive le levain». Si la plupart des boulangeries l’utilisent pour certains de leurs pains, elles ont aussi recours à un certain pourcentage de levure et peuvent conserver l’appellation «au levain». Mais qu’est-ce que ça change? «La grosse différence, c’est que la levure fermente très rapidement, ce qui fait que ça ne développe pas les arômes, ça ne permet pas au ferment de prédigérer les protéines de blé et de gluten», résume Ghislain. En utilisant uniquement le levain et embrassant l’inévitable lenteur du processus, «ça fait un pain qui est beaucoup plus digeste et plus aromatique aussi».

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Coup de foudre régional Après quelques séjours exploratoires dans différentes régions du Québec, c’est dans la florissante Brome-Missisquoi que Ghislain et Céline ont choisi de s’établir il y a maintenant

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quatre ans. «Quand on est arrivés dans la région, ça a cliqué tout de suite, résume-t-il. Il y avait un beau potentiel pour nous, côté humain et côté entreprise.» C’est donc dans la petite municipalité de Stanbridge East que

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Céline et Ghislain ont trouvé la maison parfaite où installer leur famille et leur boulangerie. Deux ans après avoir fondé son entreprise, le duo est toujours enthousiaste à l’idée d’appartenir à la communauté effervescente d’entrepreneurs. «Il y a des projets

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vraiment hot, parce que t’as pas le choix de créer ta job, explique Céline. Alors t’es aussi bien d’être assez motivé, d’être assez entreprenant et d’en avoir dedans.» Pour le bien-être de sa région, le couple «essaie vraiment de prioriser le local, dans le triangle Frelighsburg-Dunham-Stanbridge», résume Ghislain, qui souhaite que les habitants appuient de plus en plus les artisans et les commerces locaux, afin que l’économie connaisse un cercle vertueux. «L’argent reste en circuit fermé, alors tout le monde vit mieux.» Comme le levain sur lequel leur pain s’appuie, leur clientèle grandit lentement mais sûrement. «On le savait dès le départ qu’on avait de l’éducation à faire», confirme Céline, d’où leur certification biologique,

qui implique une quantité astrono­ mique de paperasse (et de temps), traçabilité des ingrédients oblige. «Si on n’est pas capable de l’afficher et de le crier haut et fort, on trouve ça plate, parce que je crois que c’est comme ça qu’il faut s’identifier aussi.» Depuis trois ans, Céline a multiplié (à la main!) ses semences de blés anciens, doublant ses cultures de superficie chaque année jusqu’à se rapprocher de l’hectare souhaité. Capitaine Levain doit donc trouver un terrain qui hébergera ses blés, et un maraîcher qui fait de la grande culture bio afin de pouvoir prêter main-forte avec son équipement. «Ça risque de coûter quand même assez cher, et après il faut quand même qu’on le trie, qu’on le stocke, qu’on le meule, expliquet-elle. On ne veut pas non plus que ça soit un pain d’élite!»

Pour l’instant, le couple se concentre à peaufiner les installations physiques, son offre de produits et ses partenaires commerciaux... et à construire une chambre froide, ce qui leur permettra de préparer les pâtes l’après-midi en ralentissant les ardeurs du levain. Céline et Ghislain auront donc leurs soirées libres, afin de profiter de leur famille et de l’effervescence de la région qu’ils ont choisie. Capitaine Levain Cantons-de-l’Est 5, rue Maple, Stanbridge East 579 433-8087 capitainelevain.ca

158, chemin Ridge, Stanbridge East・vignobleardennais.ca・boutique, mariages et évènements, visite du vignoble, dégustations


( à boire ) Pinard et Filles Magog mots. Simon Jodoin photos. Antoine Bordeleau

Picoler nature Avec des hivers rigoureux et un été où le soleil n’est jamais garanti, la viticulture québécoise représente tout un défi. À Magog, les artisans de Pinard et Filles tentent de trouver l’assemblage parfait d’un vin nature typique issu d’un terroir où rien n’est gagné d’avance.

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’était au début du mois de mai, lors de la première vraie belle journée printanière de l’année. Avec mon camarade de route armé de sa caméra, j’avais quitté l’autoroute 10 afin de faire le plein à Eastman pour me faufiler ensuite vers Austin et remonter le chemin des Pères, question d’aller visiter Pinard et Filles, à Magog. Il faut dire que ce vignoble a bonne presse depuis quelques années et que leurs bouteilles, fièrement vêtues d’étiquettes signées par Marc Séguin, ont de quoi attirer l’attention et alimenter un certain engouement. Et il y a la rareté aussi, qui nourrit le mystère, car ce fameux pinard, un vin nature élaboré dans les règles de l’art, on ne peut le goûter que dans certains restaurants, et encore, quand il est disponible. Attablés à une table à piquenique, Frédéric Simon et Catherine Bélanger, qui partagent en couple cette aventure viticole, terminent un repas en compagnie d’une petite équipe qui doit rapidement retourner au travail dans les vignes. C’est qu’il y a presque urgence. Pas question de rater quelques heures de lumière, et justement, le temps s’annonce beau pour les prochains jours. Il faut retirer la paille au pied des vignes ainsi que les toiles de

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géotextile qui font office de manteau d’hiver pour les protéger des grands froids afin de les exposer aux précieux rayons de soleil. Au début de leur aventure, en 2011, le couple de vignerons a en effet choisi de planter des Vitis vinifera, des vignes d’origine européenne telles que le pinot noir et le chardonnay qui, contrairement aux espèces hybrides souvent utilisées au Québec, ont la fâcheuse manie d’être plutôt frileuses. «Je ne suis pas certaine, mais je pense que nous avons été le premier vignoble québécois planté uniquement en vinifera, se souvient celle qui est aussi propriétaire du Moleskine et du Pullman, à Montréal. C’était non seulement le but, mais aussi la condition sine qua non. Nous, nous sommes issus de la sommellerie et de la restauration et nous n’avions jamais rien goûté de bon qui avait été fait avec des raisins hybrides. Mais tu sais, entre le moment où tu plantes et tes premières bouteilles, quatre années sont passées et bien des choses ont changé. On s’est aperçu que le problème, c’était peut-être moins les cépages que la manière de les vinifier, car au Québec, non seulement la viticulture a

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beaucoup changé, mais le goût du consommateur et l’engouement pour les produits québécois ont aussi énormément changé. À l’époque, les gens au Québec essayaient de produire un vin qui ressemblerait au shiraz de NouvelleZélande. Ce n’est pas possible.» C’est ainsi qu’au fil des ans, suivant cette évolution des goûts et des techniques de vinification, les deux artisans de Pinard et Filles ont aussi commencé l’élevage de quelque 2000 vignes hybrides sur une terre en location à Lanoraie. Des cépages tels que la crescent, marquette, frontenac blanc et frontenac gris entrent désormais dans la fabrication de deux vins qui sont devenus, en quelque sorte, leurs vins signature: le Frangin, un rouge, et sa Frangine, un vin orange. Dans le chai, une ancienne écurie où les fûts de chêne côtoient des cuves en inox, les boîtes de la récolte 2017 de ces deux cuvées d’une qualité exceptionnelle, qui viennent juste d’être embouteillées, s’empilent sur des palettes en attendant d’être livrées vers les restaurants qui attendent leurs commandes. Des établissements qui, pour l’instant, sont les seuls à commercialiser les vins de chez Pinard et Filles.

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C’est que leurs produits, nous explique Frédéric Simon, obtiennent une mise en contexte assurée par les sommeliers qui, eux, savent expliquer aux clients qu’on n’aborde pas les vins nature sans s’attendre à une certaine surprise. Il faut prendre le temps de raconter l’histoire de ces produits inusités et peut-être plus encore lorsque la typicité du terroir nordique québécois entre en ligne de compte. «Il y a aussi le fait que, ultimement, pour le rayonnement de nos vins, si je vends une caisse de 12 bouteilles à un restaurateur, c’est minimalement 24 personnes qui vont y goûter, et si tu le sers au verre, tu peux rejoindre 40 personnes. Moi, je trouvais ça beaucoup plus démocratique, sur les volumes qu’on avait, de les envoyer à des restaurateurs et de toucher plus de monde.» D’autant plus que ces volumes de production ne sont jamais assurés. Malgré le beau temps qui commence, un gel au sol est toujours à craindre, ce qui peut compromettre une bonne partie de la récolte. Tout est réglé au quart de tour afin de se prémunir du pire,

comme cette station météo installée tout près des parcelles et reliée à son téléphone portable, question d’avertir le vigneron dès que la température s’approche trop près du point de congélation. Dans lequel cas, une énorme hélice plantée au beau milieu des vignes se chargera de faire descendre l’air qui circule à quelques dizaines de mètres du sol qui, lui, est un peu plus chaud. Cette variation dans les quantités de raisins récoltés des plants de Vitis vinifera fait aussi en sorte qu’il est difficile, voire impossible, de proposer chaque année les mêmes produits et les mêmes assemblages. On se faufile entre les caisses prêtes à livrer pour goûter justement le pinot noir, le gamay et le chardonnay qui attendent, dans les cuves et les fûts, d’être embouteillés. Très bientôt, avec ces précieux nectars, commencera un jeu de création. Car chez Pinard et Filles, le travail de la vigne n’est pas sans rappeler la démarche d’un peintre qui remplit sa toile avec les couleurs qu’il a sous la main. Les aléas du climat nordique québécois font en sorte qu’on ne peut rien tenir pour

acquis. Chaque année, au gré des saisons, un cépage est mieux réussi, une parcelle donne un meilleur rendement. Aux caprices du climat s’ajoute même l’appétit des dindons sauvages qui peuvent bien, en quelques heures, dévorer tout un rang de raisins. Chaque nouveau millésime est ainsi l’occasion de repartir d’une page blanche. «Ce qu’on fait, de la manière qu’on le fait, c’est aussi pertinent que d’écrire un livre ou une pièce de théâtre, dans la mesure où chaque année, on va te raconter une nouvelle histoire. C’est sûr que c’est un produit commercial, ultimement, que tu as fini en quelques instants et que tu gardes en mémoire. Mais un livre aussi, quand tu l’as lu, tu le gardes en mémoire. Et chaque année, on est devant une page blanche et on recommence. Nous ne sommes pas régis par le commerce, nous sommes régis par ce qu’on a envie de faire.» Pinard et Filles Cantons-de-l’Est 1700, chemin des Pères, Magog pinardetfilles.com



Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Parc de la Gorge de Coaticook  photo Benoit Nadeau

Parc de la Gorge de Coaticook 135, rue Michaud, Coaticook

Le parc de la Gorge de Coaticook est magnifique de jour comme de nuit. Dès le petit matin, les promeneurs ont accès à 20 kilomètres de sentiers pédestres balisés dans trois secteurs.

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Celui de la Gorge vaut à lui seul le détour. La traversée du plus long pont suspendu pour piétons en Amérique du Nord permet d’admirer en plongée cette gorge vieille de 15 000 ans. Les sportifs parcourent 28 circuits, débutant à expert, de vélo de montagne. À la tombée du jour, place à la féérie avec Foresta Lumina. Ce parcours multimédia

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signé Moment Factory vous plonge dans l’univers de Margaret, dont l’âme habite ces bois. L’émerveillement est au rendezvous. Pendant la nuit, les campeurs dorment en bordure de rivière ou sur un site plus reculé dans la forêt selon la formule de leur choix: camping traditionnel, refuge ou prêt-à-camper.


Bleu Lavande

Sherblues & Folk

891, chemin Narrow (chemin 247),

Centre-ville de Sherbrooke, différents lieux,

Boutique Canards du Lac Brome

Canton de Stanstead (Fitch Bay)

Sherbrooke, du 4 au 7 juillet

40, chemin du Centre, Knowlton

Une expérience multisensorielle vous attend lors de la visite de la lavanderie de Bleu Lavande. Aux effluves de ce parfum si particulier s’ajoute la beauté du contraste du champ d’arbustes bleus sur fond vert. Vos papilles gustatives ne seront pas en reste si vous y sirotez une boisson froide aux arômes de cette plante ou y dégustez un cornet de crème glacée à la vanille et lavande ou encore terminez votre visite avec un copieux repas au bistro. On y sert des plats de produits frais et régionaux. Un moment de détente global y est même possible grâce aux soins de massothérapie qui prennent place sous la tente en plein cœur des champs. Pour un maximum de plaisir: la floraison atteint son apogée de la mi à la fin juillet.

Une fois l’an, une foule de festivaliers envahit la rue Wellington pour vibrer au rythme de la musique blues et folk. La neuvième édition de Sherblues & Folk présente plus de 30 spectacles, dont la plupart sont gratuits, sur trois scènes extérieures et cinq autres intérieures en plein cœur du centre-ville. La programmation propose un savant mélange d’artistes établis et d’interprètes à la réputation modeste qui méritent toutefois qu’on s’y attarde. Découvrez le décapant groupe saguenéen-jeannois Québec Redneck Bluegrass Project le 5 juillet au Théâtre Granada, rafraîchissez-vous grâce à une bonne pinte de bière au Boquébière, soulagez votre faim à la terrasse du Café Bla-Bla.

Canards du Lac Brome, entreprise centenaire dont les produits sont connus internationalement, se spécialise dans l’élevage du canard de Pékin. Élevées sans gavage, les bêtes offrent une chair tendre et goûteuse. La boutique de Knowlton s’avère être un incontournable pour qui veut découvrir la quintessence du terroir québécois (des dégustations sont proposées toutes les fins de semaine) ou faire le plein de leurs produits à cuisiner, à réchauffer ou prêts à servir. On y trouve le canard dans toutes ses déclinaisons: poitrine désossée, cuisse confite, gras fondu, pâtes fraîches farcies, rillettes, pâté de foie aux saveurs diverses... en plus d’exclusivités et d’aubaines qui font le bonheur des gourmands.

Bleu Lavande

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photo Les Sucreries de l’érable

Exposition Ayer’s Cliff Fair

Les Sucreries de l’érable

Atelier C

977, rue Main, Ayer’s Cliff

16, rue Principale, Frelighsburg

299, rue Principale Ouest, Magog

Dans le pittoresque village de Frelighsburg, classé parmi les plus beaux de la province grâce à ses perles architecturales patrimoniales et à ses majestueux paysages, se trouve Les Sucreries de l’érable. Ce café-resto, installé dans un authentique magasin général, tire en partie sa renommée de sa divine et emblématique tarte au sirop d’érable. On y sert une cuisine québécoise traditionnelle. Les produits, sans agents de conservation, sont faits main. Dans le camp des sucrés se trouvent les tartes déclinées en une quinzaine de saveurs (pommes et bleuets, cerises, frangipane, pacanes et sirop d’érable) et les sucreries (pets de sœurs, carrés aux dattes, biscuits, gâteaux). Celui des salés est formé de quiches, de tourtes et de pâtés. Dans le doute, on prend un peu de tout pour emporter.

Ce bar à jus et café de microtorréfaction à l’italienne se spécialise dans les créations sans gluten: cupcakes, brownies, biscuits, poudings au chia. On s’y arrête pour une petite fringale ou pour un dîner léger: on y sert du chili maison ou des grilled-cheese au fromage de l’abbaye de Saint-Benoît-du-Lac, accompagnés d’un potage ou d’une salade. Ses délicieux smoothies sont concoctés par un chef de la région. On en prend un pour la route pour une promenade sur les rives du lac Memphrémagog ou on s’installe à la terrasse sur le trottoir pour observer les passants sur la rue Principale. Il pleut? On s’installe aux comptoirs qui longent les fenêtres et on apprécie l’ambiance apaisante du décor qui allie un petit côté rétro et un chic moderne sans prétention.

Du 23 au 26 août

Fondée en 1845, l’exposition annuelle de la Société agricole du comté de Stanstead, l’une des plus anciennes foires au pays, attire toujours une foule enthousiaste. Cette année, on y attend pas moins de 25 000 visiteurs. La petite municipalité d’Ayer’s Cliff semble prise d’assaut: circulation lente, places de stationnement rares, B&B complets, longues files d’attente aux restaurants. C’est qu’on trouve de tout pour tous les goûts: exposition de bétail, de machinerie et d’artisanat, concours et jugement de petit et gros bétail, manèges et maquillage pour enfants, course de harnais, tire à la corde, tire de camions et spectacles extérieurs quotidiens. On y dansera certainement lors du spectacle judicieusement intitulé La fête! de l’auteur-compositeur-interprète de musique de type traditionnel, Alain-François, le vendredi 24 août.

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Tour du Québec Cantons-de-l’Est


Centre du Québec + ChaudièresAppalaches 56 59 63 66

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Salomé Leclerc Chutes Saint-Agathe Auberge des Glacis Sur la route


( culture ) Salomé Leclerc Centre-du-Québec mots. Olivier Boisvert-Magnen photos. Antoine Bordeleau

L’attachement à la nature Quinze ans après avoir mis les pieds à Montréal, la chanteuse Salomé Leclerc entretient toujours un profond sentiment d’appartenance pour Sainte-Françoise, village d’à peine 500 habitants où elle a grandi.

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J

usqu’à 17 ans, j’ai vécu dans la même maison de fond de rang, juste à côté des terres à bois de mon père et des maisons de mes oncles et de mes grands-parents. On habitait en retrait du village, là où il y a la rue Principale avec le dépanneur, l’école primaire, le garage et la Caisse populaire», se souvient l’auteure-compositriceinterprète, quand on lui demande de nous décrire son coin de pays, situé à mi-chemin entre Victoriaville et Trois-Rivières. Sans être nostalgique de cette époque, la Montréalaise d’adoption se plaît à retrouver fréquemment son village natal, là où les réunions de famille sont nombreuses. La plupart du temps, c’est l’appel de la nature qui a raison d’elle. «Il y a un côté de moi qui est très sauvage, et c’est un peu pour ça que je retourne là-bas régulièrement, une fois par deux mois ou plus. C’est pas juste pour voir ma famille, mais aussi pour retrouver mon cocon, me promener dans le bois, reconnecter

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avec les arbres, être habillée n’importe comment... C’est l’envie de la liberté.» Paru en 2011, son premier album Sous les arbres a été en partie écrit dans la foulée de son départ vers la métropole. S’en dégage «une proximité avec la nature», qu’incarnent la pochette et le titre. «[Sainte-Françoise] influençait beaucoup plus ma musique dans ce temps-là que maintenant», observe celle qui finalise actuellement un troisième album, prévu pour cet automne. «Il y avait beaucoup plus d’éléments naturels dans le champ lexical. Faut dire que l’agriculture est très forte ici.» Visiblement inspirante, la région du Centre-du-Québec est notamment reconnue pour son immense production de sirop d’érable et, surtout, de canneberges. «C’est vraiment notre bleuet», image la chanteuse, en nommant les usines Atoka à Manseau et Fruit d’or à Villeroy. À l’automne, la populaire

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Balade gourmande permet de goûter à toutes les spécialités du coin, notamment aux nombreux fromages fins provenant des fermes artisanales. Les paysages aussi valent le détour, que ce soit sur la route des érables, sur les rives du Saint-Laurent ou au Parc linéaire des Bois-Francs, qui contient son lot de routes vertes et de pistes cyclables. Tout près de SainteFrançoise, le Moulin Michel apparaît comme un endroit de prédilection pour Salomé Leclerc, en raison de son aspect patrimonial et de la salle de spectacle qui y a été érigée. Non loin de là, le village de Sainte-Sophie-de-Blandford se revitalise depuis une dizaine d’années, entre autres grâce au Festival des 5 sens. «Il y a des gens là-bas qui se sont regroupés avec l’idée bien claire d’attirer les touristes. J’ai joué là-bas une fois, et c’était vraiment une belle ambiance», se souvient la chanteuse, qui a grandi juste à côté.

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«C’est pas juste pour voir ma famille, mais aussi pour retrouver mon cocon, me promener dans le bois, reconnecter avec les arbres, être habillée n’importe comment... C’est l’envie de la liberté.» — Salomé Leclerc

Autrement, c’est le country qui est à l’honneur aux quatre coins de la contrée centricoise, que ce soit à la Fête de la musique de NotreDame-de-Lourdes, au Festival du cheval de Princeville ou au Festival du bœuf d’Inverness. À SainteFrançoise, c’est l’âme du légendaire chanteur et guitariste Georges Hamel qui vit toujours. Bref, entre tradition et modernité, le Centre-du-Québec s’impose comme une destination digne d’intérêt au-delà de Victoriaville et Drummondville, ses deux axes majeurs qui se disputent toujours le siège fondateur de la poutine. Créée en 1997, la région centrale de la province reste toutefois méconnue des Québécois

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et peut s’apparenter davantage à un fourre-tout bureaucratique de plusieurs municipalités bien distinctes qu’à une région bien établie avec une culture qui lui est propre. «Ça dit pas grand-chose au monde, le Centre-du-Québec. Je vois ça comme un no man’s land au milieu. Moi, en tout cas, ça me fait pas lever le poil des bras. C’est davantage mon village et ses environs qui m’interpellent», précise l’artiste qui se reconnaît plus dans l’appellation «Franlageoise» (le nom des habitants de Sainte-Françoise) que «Centricoise». Et le sentiment d’appartenance est d’autant plus fort pour la chanteuse en cette période de combat politique où la mobilisation

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contre les gaz de schiste bat son plein chez elle. Malgré la pression des écologistes qui avait mené à un moratoire des explorations au début de la présente décennie, les citoyens de Sainte-Françoise et des alentours doivent rester sur leurs gardes face au retour des gazières, maintenant rendu possible par l’entremise du projet de loi 106 qui permet la fracturation hydraulique. «Dernièrement, ça a joué beaucoup du coude, car certaines personnes au sein du conseil de la région ont mis leur poing sur la table pour protester contre ça, explique-t-elle. J’en ai que des échos, mais je trouve ça bien qu’il y ait une conscience environnementale partagée. Je suis très fière d’eux.»


( territoire ) Parc de la chute Sainte-Agathe-de-Lotbinière mots et photos. Simon Jodoin

La nature comme fond de scène C’est le plus souvent par hasard qu’on fait les plus belles découvertes. Dans la région de Lotbinière, une petite équipe de citoyens a réussi à transformer un parc nature en lieu culturel. Disons que c’est leur quartier des spectacles, mais en beaucoup plus joli!


C

’était en septembre 2016. La météo était magnifique. Parti de Scott, en Beauce, pour parcourir les rangs de la région, je cheminais à travers les champs, toutes fenêtres ouvertes, par le rang Saint-Henri pour me rendre à Sainte-Agathede-Lotbinière en passant par Saint-Patrice-de-Beaurivage. La veille, j’avais fait mon repérage sur la carte et j’étais habité par la ferme intention d’aller sillonner quelques sentiers à la recherche de champignons. Le parc de la chute Sainte-Agathe, au bord de la rivière Palmer, me semblait être un plan idéal. En ce vendredi matin, sur le tournant de l’été, j’allais sans doute y avoir la paix, que je me disais. C’est donc très souriant, coiffé de mon chapeau de paille, armé de mon panier et de mon opinel, que je me suis présenté à la petite guérite à l’entrée du parc. Un jeune type, fort sympathique, m’aborda avec peu de mots, mesurant sans aucun doute ma volonté de me garer au plus vite pour partir à l’aventure. — Bonjour, monsieur, vous venez pour le festival?

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— Le festival? Ah, non. Je viens pour me balader dans le parc et observer la nature. — D’accord, alors garez-vous plutôt par là, car le site est en préparation pour les spectacles de ce soir et les festivaliers commencent à arriver. Je ne le savais pas encore, mais je venais de découvrir un haut lieu de la culture, dissimulé au fond des terres, sur un site magnifique où la nature elle-même se présente comme un fond de scène. Vous auriez dû me voir, avec mon costume de randonneur des sentiers, m’avancer vers cette faune qui, visiblement, se préparait pour tout un party nocturne qui n’avait pas grand-chose à voir avec la randonnée ou la mycologie. Ce qui se tramait là, c’était le Timeless Festival, un rendez-vous où la musique électronique est mise à l’honneur. Ici, on avait monté un abri devant une scène, sous lequel s’empilaient des matelas de toutes les couleurs, là, divers objets hétéroclites décoraient la forêt, plus loin, on avait monté une tente où on

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donnait des ateliers de massages tantriques – je ne suis pas certain pour le tantrique, mais bon. Bref, un peu partout sur le site, on en était aux derniers préparatifs. En bas, au bord de la rivière, au pied de la grande chute, qui est magnifique, on empilait tout un bazar d’enceintes acoustiques tandis que partout au hasard des sentiers, on terminait d’assembler ce qui allait sans doute devenir le théâtre d’une nuit blanche rythmée et dansante. Je n’ai pas trouvé de champignons ce jour-là. Je suis parti deux heures plus tard, le temps de prendre quelques photos. Un peu à regret, j’aurais aimé voir la suite. J’ai gardé cet épisode en mémoire jusqu’à ce printemps, au moment où je commençais à sentir monter en moi le désir d’aller croquer des kilomètres de chemins inconnus. Dès que les beaux jours se pointent dans la météo, c’est plus fort que moi, je sors mes cartes routières, mes calepins de route, mon opinel et mon panier. Je me disais que je devrais bien retourner par là, dans Lotbinière, et même y planter

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ma tente un soir ou deux. Vers la mi-avril, donc, je tentais de trouver qui pourrait m’en dire plus sur ce parc qui s’était ainsi taillé une place dans mes souvenirs.

ans, nous avons vraiment développé l’offre culturelle. Oui, il y a les festivals de musique électronique, mais aussi des spectacles plus familiaux.»

Ti-Loup, Sébastien Gaumont de son vrai nom, répond à mon appel, acceptant de prendre une pause dans ses travaux de préparation de la saison. Avec ses collègues, ils sont en train de repeindre le restaurant. Il faut savoir que le terrain, propriété de la municipalité de Sainte-Agathe-de-Lotbinière, est administré par un organisme à but non lucratif qui en assure l’entretien et qui organise la programmation d’événements et de spectacles. Un organisme où règne un esprit de coopérative et où chacun met la main à la pâte.

C’est lui, Ti-Loup, qui concocte cette programmation culturelle, à commencer par le festival Triskel, un événement électronique et folk qui s’installe au parc tous les ans au début du mois de juin. Au fil de l’été se suivent ensuite, presque tous les samedis, des spectacles en tous genres. Les 10, 11 et 12 août prochain, c’est le festival «déjanté» Contabadour qui attirera les amateurs de contes, chanson et cirque, avec Mononc’ Serge en tête d’affiche. Une occasion de découvrir des artistes moins connus comme Thérémine, Fogo Rato et Thomas Langlois. Cette offre culturelle dans ce lieu magnifique ne serait pas possible sans un solide esprit de coopération. «Ici, l’équipe au complet, on est toute une gang, tient à préciser Ti-Loup, on est trois générations parmi les employés. Souvent, quand je programme les spectacles, je vais demander l’avis de tout le monde, pour aller chercher le plus de gens possible.» Un travail d’équipe qui engage aussi régulièrement les efforts de citoyens de la région qui prennent part régulièrement à

«On ne fait pas juste une chose ici, me raconte-t-il, on fait tous un petit peu de tout. Le restaurant a déjà quelques années, alors on a décidé qu’on rafraîchissait le look et qu’on faisait quelque chose de nouveau. On est en train de le rajeunir en petit café, qui va nous donner une ambiance plus chaleureuse. Nous sommes six personnes à y travailler à temps plein, c’est notre emploi régulier, et nous engageons aussi quatre à cinq étudiants par année pour la saison estivale. Depuis trois

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des corvées. «Chaque année, il y a toujours une trentaine de personnes qui nous donnent un coup de main, comme aujourd’hui, comme je te parle, le niveau d’eau de la rivière a tellement monté qu’on se retrouve avec des arbres sur la plage. Il y a des bûcherons qui viennent nous aider, ils coupent les troncs, ils nous préparent du bois pour les campings. On les remercie avec des passes pour la saison, des nuitées de camping gratuites. Chose certaine, au niveau local, c’est vraiment une fierté d’avoir cet endroit ici.» Voilà un lieu comme on les aime, où le travail d’équipe entre citoyens, la beauté du paysage et l’inspiration de créateurs issus de divers horizons convergent vers le même objectif: garder vivant un site magnifique et le rendre accessible pour tous. Un lieu qu’on aurait presque envie de garder secret. Allez, chut! Parc de la chute Sainte-Agathe-de-Lotbinière Centre-du-Québec 342, chemin Gosford Sainte-Agathe-de-Lotbinière 418 599-2661 chutesteagathe.com


( terroir ) Auberge des Glacis L’Islet mots. Claudia Ledezert photos. S. Allard et Graphstudio.com

L’excellence de la simplicité Située à L’Islet dans Côte-du-Sud, l’Auberge des Glacis fait figure d’excellence au Québec, que ce soit pour le gîte ou le couvert. Reconnaissance Renaud-Cyr 2018 du meilleur chef, prix Hôtelière de l’année 2017, spécialité maison acclamée… Les clés de la réussite? Les valeurs de l’aubergiste, qui prône l’authenticité, la simplicité et la chaleur humaine.


C

et été, ça fera 12 ans que Nancy Lemieux et André Anglehart ont repris l’Auberge des Glacis. Situé dans un décor bucolique, à une heure de route de Québec, cet ancien moulin à farine transformé en auberge confortable jouissait déjà d’une bonne renommée gastronomique. Mais l’arrivée de Nancy et André lui a fait atteindre l’excellence, tout en développant le tourisme culinaire dans la région. Avec leurs talents de communica­ teurs et de gestionnaires, ces deux anciens journalistes sont arrivés à l’Auberge des Glacis avec leur simplicité et leur goût de transmettre aux autres une expérience authen­ tique. «Nous n’avions pas de plan précis. Notre but était d’améliorer l’Auberge un peu plus chaque jour», explique Nancy. L’un des principaux attraits de Côte-du-Sud est son terroir. Pour Nancy, il s’agit du berceau de la cuisine franco-québécoise dans la Nouvelle-France: «Le tourisme culinaire était déjà présent et nous, on l’a mis en lumière. On a décidé de miser sur les attraits touristiques que sont nos producteurs locaux.» Une grande variété de produits locaux En effet, en posant ses valises dans la région, Nancy a réalisé le potentiel que représentaient les produits locaux. De l’esturgeon jusqu’à la caille royale, en passant par les pleurotes et l’argousier, la variété de produits cultivés et élevés localement est riche et diverse. L’Auberge des Glacis traite avec

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environ 70 producteurs locaux à l’année, situés à moins de 45 minutes en voiture. «On réussit à présenter des produits locaux toute l’année, c’est une force! 95% de notre menu en est composé», affirme l’aubergiste. À partir de là se sont noués des liens forts entre l’Auberge et ses producteurs, jusqu’à créer une véritable petite communauté. «C’est une obsession de mettre en avant nos producteurs locaux. Nous avons voulu éduquer la clientèle à la production locale. Ma force, c’est d’être une ancienne journaliste: je suis toujours dans la description et la communication», souligne Nancy. Pour ce faire, l’aubergiste a mis sur pied Glacis.TV, une chaîne du terroir sur internet qui regroupe les portraits des producteurs sous forme de capsules vidéo. En plus de cette chaîne, elle a mis en place la «tablée des producteurs»: une fois par an, Nancy réunit tous ses producteurs à l’occasion d’un souper. «Ça permet aux gens de se rencontrer. C’est du réseautage entre producteurs, ça rapproche les gens, car souvent ils sont en vase clos. Et ça crée des mariages incroyables; certains producteurs se sont associés pour créer de nouveaux produits.» Les clients de l’Auberge sont ravis et donnent au tourisme culinaire une toute autre dimension. «Après avoir eu les aliments dans l’assiette, plusieurs d’entre eux se rendent ensuite chez nos producteurs pour acheter leurs produits», ajoute Nancy.

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Un chef d’excellence D’année en année, le chef de l’Auberge des Glacis Olivier Raffestin a réussi à s’approprier les produits locaux et à jouer avec la saisonnalité pour composer des menus dignes des plus grands restaurants du Québec. Arrivé au Québec en 1981, ce Français possède plusieurs cordes à son arc: son expérience d’ouvrier viticole lui permet de reconnaître un bon cépage, il a une spécialisation en charcuterie – les terrines, rillettes et saucisses sont faites maison ici –, et il tend en plus à faire tous ses fonds de potage lui-même. Sa rigueur et son amour pour le fait maison lui ont valu de remporter en mars dernier la reconnaissance Renaud-Cyr, l’une des distinctions les plus prestigieuses pour les chefs du Québec. «En plus, c’est toute une symbolique, car c’est la première fois qu’un chef qui œuvre en Côtedu-Sud remporte ce prix. M. Cyr travaillait aussi dans la région et il était l’un des premiers chefs à mettre en valeur les produits du terroir», raconte Nancy. La cuisine de l’Auberge des Glacis est une cuisine traditionnelle française qui s’adapte aux tendances du moment. Elle est plus légère et propose aussi des choix qui respectent les allergies et l’intolérance au gluten. Et depuis 25 ans, la spécialité de l’Auberge est la quenelle lyonnaise. «Toutes les critiques ont acclamé nos quenelles lyonnaises. On est les seuls à en faire au Québec!

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C’est notre spécialité et on en fait de trois sortes: la quenelle à la volaille, la quenelle au brochet et la quenelle au veau», dit Nancy avec fierté.

moulin dans son écrin de verdure et de ses 16 chambres y est certes pour beaucoup, mais l’accueil et la chaleur humaine du personnel contribuent davantage au succès de l’Auberge des Glacis.

Une auberge familiale Si la cuisine de l’Auberge des Glacis fait figure d’excellence, le gîte est tout aussi renommé. En 2017, Nancy a remporté le prix Hôtelière de l’année. «Ça a été une vraie surprise. En plus, on était en lice contre les plus grands comme le Château Montebello», se remémoret-elle. Le charme de l’ancien

«Avec les employés, nous faisons attention les uns aux autres, c’est la clé. Nous sommes une famille et c’est quelque chose que j’ai reproduit avec mes clients et mes producteurs», poursuit Nancy. L’Auberge compte entre 60 et 70% de clients réguliers. Chaque étape de la vie de Nancy et de sa famille rythme le quotidien de l’Auberge.

«Florence, la plus jeune de mes filles, est désormais à l’accueil. Tout le monde l’a vue grandir. Et nous organisons bientôt une soirée avec le Pollux Band, le groupe de l’Auberge, pour fêter la maîtrise de ma fille aînée. Les réservations se sont remplies en deux semaines seulement...» Auberge des Glacis Chaudière-Appalaches 46, route de la Tortue, L’Islet 418 247-7486 aubergedesglacis.com

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

photo Le Canard goulu

Le Canard goulu 524, rang Bois-Joly Ouest, Saint-Apollinaire

Le Canard goulu, c’est trois fermes, un abattoir artisanal sous inspection permanente, une usine de transformation alimentaire, trois boutiques et un site agrotouristique.

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L’une de ses boutiques est joliment installée dans un vieux poulailler à Saint-Apollinaire, où il est possible de se faire conseiller par des experts sur les rillettes, le confit, le magret ou le foie gras. Il ne faut pas se tromper entre un canard mulard et un canard de Barbarie... Faire le

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tour de la petite ferme peut être aussi au programme, comme profiter de la terrasse en saison estivale. Fort de plusieurs distinctions, le Canard goulu est une entreprise bâtie sur la simplicité et l’authenticité.

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Théâtre la Roche à Veillon

La Cornemuse

Moulin du Portage

547, avenue De Gaspé Est,

1817, route Dublin, Inverness

1080, rang Saint-François, Lotbinière

C’est comme être en Irlande au Québec, dans ce coin de pays où les villages se prénomment Kinnear’s Mills ou Inverness. Et c’est sur cette route celtique que se dresse le circuit historique qui permet de retourner sur les traces des premiers colons et des lieux de mémoire. Il faut donc en profiter pour s’arrêter dans la municipalité d’Inverness et à La Cornemuse, une maison centenaire qui offre deux chambres intimes et une cuisine du terroir. L’entreprise familiale est située entre les chutes de SainteAgathe et le Musée du bronze. Ce qu’on y mange? Un baluchon de Raclette des Appalaches, un tartare de truite fumée ou un steak d’autruche.

Classé immeuble patrimonial, le Moulin du Portage se porte encore à merveille du haut de ses 202 ans – si on fait abstraction de l’épisode de l’incendie de 1988. Ce bâtiment historique a été reconverti en salle de spectacle au cachet unique et propice aux concerts intimes depuis 1985, en plus de tenir le rôle de salle de cinéma et d’exposition – l’histoire de ce bâtiment imposant est d’ailleurs relatée dans une série de photos d’époque exposées dans le grenier. Le premier à y avoir chanté fut Richard Séguin. Aujourd’hui, la petite salle indépendante accueille une quinzaine de spectacles par année.

Saint-Jean-Port-Joli

Un théâtre d’été qui a de l’histoire derrière lui, car les premières boîtes à chanson du Québec y ont vu le jour. On présente principalement des comédies dans ce théâtre installé dans une vieille grange depuis 1964. Mais l’endroit a deux vocations: on peut aussi y manger. La 54e saison sera lancée le 26 juin avec Gym Tonic, une pièce de l’auteur Bruno Marquis. On y suit l’histoire de Martine, cinquantenaire, déboussolée par l’échec de sa vie amoureuse et qui s’inscrit pour la première fois de sa vie au gym. Au rythme du workout, cette comédie explore les thèmes de l’estime de soi et du culte du corps parfait...

Moulin du Portage  photo René Beaudoin

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Festival de la blague  photo Frédéric Côté

La Fête des chants de marins 260, rue Caron, Saint-Jean-Port-Joli

En tant que tradition bien ancrée sur les bords du Saint-Laurent depuis maintenant 20 ans, la Fête des chants de marins offre des chants traditionnels d’ici et d’ailleurs afin de célébrer un patrimoine propre à l’endroit. À Saint-Jean-Port-Joli, la culture maritime est présente partout: un parc nautique, un musée maritime... Tout pour mettre en avant cet héritage de la Côte-du-Sud. Pour cette édition-anniversaire, les festivités auront lieu sous la thématique 20 ans à te chanter la mer, du 15 au 19 août. Le chant ne sera pas le seul à l’honneur, car la programmation touche également à la danse et aux activités nautiques.

Festival de la blague 1380, rue Montplaisir, Saint-Charles-de-Drummond

Fondé par Les Trois Accords, ce jeune festival propose, pour sa seconde édition, de l’humour en plein air du 1er au 4 août avec une brochette d’artistes alléchante. Les quatre musiciens ont eu l’idée de l’événement en voulant ajouter

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un volet humour au Festival de la poutine qu’ils organisent déjà depuis une dizaine d’années. C’est ainsi qu’ils ont investi l’Amphithéâtre Saint-François, sur le bord de la rivière, et ce fut un franc succès. Pour l’édition 2018, on compte quelques phénomènes de l’heure: Mehdi Bousaidan, Rosalie Vaillancourt, Julien Lacroix, aux côtés entre autres d’Anthony Kavanagh, Adib Alkhalidey et Stéphane Fallu. Trois belles soirées en perspective, dans la pure tradition des cabarets humoristiques.

Fromagerie Île-aux-Grues 210, chemin du Roi, Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues

Depuis 1900, la Fromagerie Île-auxGrues fabrique été comme hiver du cheddar vieilli. Cette coopérative agricole produit également, depuis les années 2000, des fromages fins. Sa renommée n’est plus à faire; on pense entre autres au célèbre Riopelle, fromage triple crème nommé d’après le peintre Jean-Paul Riopelle qui avait trouvé refuge sur l’archipel. Le Riopelle de l’Isle a d’ailleurs déjà obtenu une médaille d’or aux World Cheese Awards

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en Angleterre. L’île en elle-même est un havre de paix en été avec sa centaine d’habitants, ses trois fermes et son économie locale: le lait transformé à l’usine vient exclusivement des fermes laitières de l’île. Depuis avril, il est possible de prendre le traversier et de s’offrir une découverte fascinante.

Moulin La Lorraine 1286, route 277, Lac-Etchemin

Le Moulin La Lorraine est l’un des derniers moulins à eau du Québec. Érigé sur une portion des fondations du Moulin Beaudoin datant de 1860, il nous permet encore aujourd’hui d’assister à la transformation du blé en farine. Mais c’est également un centre d’art qui présente des expositions d’artistes de la région et de partout au Québec, qu’ils soient de la relève ou des créateurs réputés. Cet été, deux expositions se dérouleront en ces murs entourés de jardins magnifiques. On peut y voir Paysages intérieurs d’Anik Lachance, où l’artiste visuelle explore entre autres l’espace, l’inconnu et l’enracinement. De son côté, Claude Gagné présentera In vivo, une série d’œuvres traitant de la corporalité.


Charlevoix 70 74 78 81

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Tour du Québec Charlevoix

Ferme basque de Charlevoix Les moulins de l’Îsle-aux-Coudres Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul Sur la route



( terroir ) La Ferme basque de Charlevoix Saint-Urbain mots. Fanny Arnaud photos. Louise Savoie

Comme au Pays basque Non, vous n’êtes pas à Saint-Jean-de-Luz ou à Espelette. Vous êtes bien dans Charlevoix, à Saint-Urbain, à quelques kilomètres de l’entrée du parc des Grands-Jardins. Et n’allez pas vous méprendre, c’est ici qu’un couple originaire de France fabrique des cretons… au canard, parmi les meilleurs au Québec!

L

a première fois qu’Isabelle Mihura est allée présenter ses produits à un commerçant de La Malbaie, il lui a répondu qu’elle ne vendrait jamais rien si elle continuait à mettre autant d’ail. Pourtant, 15 ans plus tard et pas une once d’ail en moins, les produits d’Isabelle Mihura et de son mari, Jean-Jacques Etcheberrigaray, sont vendus aux quatre coins du Québec. Le couple originaire du Pays basque, dans le sud-ouest de la France, est propriétaire de la Ferme basque de Charlevoix. Cet élevage traditionnel de canards produit de façon artisanale du foie gras et vend des produits transformés selon les recettes ancestrales du terroir basque. Isabelle et Jean-Jacques vivent au Québec depuis plus de 20 ans, mais ce n’est pas ensemble qu’ils ont immigré. «On s’est rencontrés au Fairmont Le Château Frontenac de Québec où Jean-Jacques travaillait, et c’est quand Jean-Jacques a été muté de l’hôtel Fairmont de Québec à celui de La Malbaie qu’on s’est installés dans Charlevoix», explique Isabelle. C’est finalement en 2002 qu’ils ont acheté la ferme située à 15 kilomètres au nord de Baie-SaintPaul et à plus de 40 kilomètres de La Malbaie, qui deviendra l’année suivante un élevage de canards.

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Le pari était audacieux pour ces deux professionnels de l’hôtellerie qui n’avaient aucune notion d’agronomie. Pourtant, l’apprentissage ne fut pas contraignant. «J’ai grandi dans le monde de la restauration et des bons plats et, pendant mon enfance, je passais toutes mes vacances d’été chez ma grandmère qui possédait une ferme au Pays basque avec des vaches, des cochons et des moutons», raconte Isabelle avec nostalgie. Production à l’échelle humaine Pour se former, le couple s’est rendu dans le Béarn, région française proche du Pays basque, chez des amis qui possèdent un élevage de canards pour la production de foie gras. Ils leur ont appris tout ce qu’il fallait savoir, puis il a fallu se lancer. «On s’en est sortis», confie Isabelle, mais elle n’hésite pas à parler d’un défi, d’une aventure. «C’est en faisant qu’on est devenus meilleurs.» Finalement, 15 ans plus tard, elle reconnaît qu’ils ont acquis un véritable savoir-faire. L’étape suivante était d’apprendre la transformation de la viande. «On a eu la chance d’avoir des amis bouchers-charcutiers qu’on avait rencontrés via l’association des

Basques de Québec et qui nous ont tout appris», explique Isabelle. Aujourd’hui, cette compétence leur permet de maintenir dans le cadre de leur ferme la quasi-totalité de la production. «C’est ça qui fait notre force», souligne-t-elle. On trouve ainsi à la Ferme basque de Charlevoix des cretons assaisonnés au piment d’Espelette, du pâté, des rillettes, du magret ou encore du cassoulet. Isabelle et Jean-Jacques tiennent à garder leur production à l’échelle humaine. «Notre philosophie d’entreprise repose sur des valeurs fondamentales: une agriculture durable, respectueuse du bien-être animal et de l’environnement et des produits de qualité», peut-on lire sur leur site. «Nous avons fait le choix de privilégier la qualité au rendement, dit Isabelle. C’est pourquoi nous n’élevons pas plus de 5000 canards par an.» Selon eux, avoir un élevage traditionnel leur permet de tout faire par euxmêmes, à l’exception de l’éclosion des bébés et de l’abattage. Ça leur permet également de mettre les canards dehors du mois de mai au mois de novembre pour qu’ils se développent au rythme de la nature. «Notre méthode de production, par le respect de l’animal et des

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«Notre philosophie d’entreprise repose sur des valeurs fondamentales: une agriculture durable, respectueuse du bien-être animal et de l’environnement et des produits de qualité.» — Isabelle Mihura

techniques traditionnelles, se rapproche d’un mode de production biologique», affirme Isabelle. Cependant, cette appellation n’existe pas pour le foie gras et ils préfèrent donc se qualifier de «produit fermier de qualité». Par ailleurs, la Ferme basque est certifiée «Terroir Charlevoix», ce qui garantit l’authenticité des produits et leur traçabilité dans la région. C’est également par souci de garder leur activité à proximité que le couple a souhaité dans un premier temps privilégier les points de vente de Charlevoix. Ce n’est que par la suite qu’ils ont commercialisé leurs produits dans le reste de la région. Ainsi, il est désormais possible de trouver leurs viandes à plusieurs adresses de Montréal à la Gaspésie, en passant par la région de Québec et du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Basques dans le cœur Le couple d’éleveurs, qui a maintenant deux petites filles, ne compte pas quitter le Québec. «On est ici chez nous, on aime les paysages de la région de

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Charlevoix, on y a nos amis, notre réseau professionnel, on est fiers de notre entreprise», explique Isabelle. Cependant, le couple dit être resté basque dans le cœur et retourne dans son pays d’origine tous les ans pour s’imprégner de l’ambiance, des odeurs, des produits et des traditions. «Nos filles ont la nationalité française et cet été elles vont passer deux mois chez leurs grands-parents; elles sont québécoises, mais la France fait partie de leurs racines», confie Isabelle. Elle ajoute qu’elle trouve toujours le Pays basque aussi accueillant et chaleureux. D’ailleurs, c’est la chaleur qui leur manque le plus, et dans le futur, ils envisagent de couper plus régulièrement le rude hiver québécois par une visite sur leur terre d’origine. Si Isabelle et Jean-Jacques sont si bien à Charlevoix, c’est que leur ferme s’intègre parfaitement dans le parcours agrotouristique de la région: la Route des saveurs de Charlevoix. Nul besoin de publicité pour vendre leurs produits, ils font confiance au bouche-à-oreille et

à la curiosité des touristes, car leur ferme est devenue un arrêt prisé où les visiteurs peuvent observer l’élevage, déguster les produits et profiter du site. Non loin de la Ferme basque, Isabelle recommande aux visiteurs de se rendre dans la ferme Les Viandes biologiques de Charlevoix, de Damien Girard et Natasha McNicoll. Ils pourront également visiter la Chèvrerie Charlevoix, à La Malbaie, fondée par Didier Luberriaga et sa compagne, eux aussi originaires du Pays basque, ou encore, se rendre à la MicroBrasserie Charlevoix. Elle cite également la Ferme Caprivoix, spécialisée dans la production de chèvres de boucherie et de bœufs Highland, la Ferme maraîchère de la Bordée des Corneilles à Baie-Saint-Paul ou Champignons Charlevoix à La Malbaie. La Ferme basque de Charlevoix Charlevoix 813, rue Saint Édouard, Saint-Urbain 418 639-2246 lafermebasque.ca




( terroir) Les moulins de l’Isle-aux-Coudres Isle-aux-coudres mots. Caroline Larocque-Allard

Avec vents et marées Au printemps, quand le suroît souffle son air chaud et soutenu sur la pointe sud-ouest de L’Isle-aux-Coudres et que les rivières sont en crue, deux géants se réveillent.

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l y a d’abord le plus discret, caché derrière ses murs de maçonnerie, qui s’alimente du débit de la rivière Rouge depuis près de 200 ans. «Et il y a l’autre, noble et fier, avec ses quatre grandes pales au vent, qui “fait son jars”, comme on dit par chez nous!», plaisante Caroline Perron, directrice des Moulins de L’Isle-aux-Coudres. Ils sont vieux, les deux colosses, mais mise à part la farine qu’on y moud encore aujourd’hui, ils sont loin d’être poussiéreux. L’eau et le vent sont au cœur de l’histoire des Marsouins, le sobriquet consacré par lequel on désigne les habitants de L’Isle-aux-Coudres. La survie des insulaires a longtemps été dépendante du fleuve et de ses ressources, comme à l’époque où leurs mythiques goélettes à voile domptaient le courant pour transporter personnes et marchandises, ou alors au temps des pêcheurs de marsouins, activité qui leur a valu leur surnom. Encore aujourd’hui, les allées et venues des Coudrilois sont rythmées par

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le traversier qui, de minuit jusqu’au petit matin, dort au quai de l’île et les sépare du reste du monde. «Quand je me réveille, j’aperçois la montagne du Massif, sur le continent. Je vois aussi le fleuve, qui n’est jamais pareil», raconte Caroline Perron. Sur cette île de 30km² au milieu des eaux, là où le Saint-Laurent prend de l’ampleur en aval de Québec, on peut voir l’effet des marées sur le paysage. «Quand on vient visiter, il faut s’attarder un peu et prendre le temps de s’imprégner des lieux. Oui, vous pouvez faire le tour de l’île en une heure, mais vous n’aurez rien vu!» Parole d’insulaire, la vie sur une île impose une certaine autarcie, souligne Caroline Perron. «On fait donc face à de grands défis pour préserver tout ce qui nous rend indépendants. C’est dans ce même esprit que sont nés les deux moulins, à une autre époque, et c’est notre rôle aujourd’hui de faire vivre cet héritage unique en le présentant au monde.»

L’Isle-aux-Coudres accueille son premier moulin à vent seigneurial en 1762, 60 ans après l’arrivée des familles fondatrices. Toutefois, elles constatent rapidement que le vent ne suffit pas pour leur assurer une sécurité alimentaire. Les insulaires en souffrent pendant des années; ils doivent trop souvent traverser en canot les deux kilomètres qui les séparent de la rive nord pour moudre leur grain et déjouer la famine. Ces équipées sont risquées pour les Marsouins, aussi habiles soient-ils pour naviguer, car le fleuve est traître, surtout en hiver. Ainsi, en 1815, les habitants demandent l’autorisation de construire un moulin à eau pour sécuriser leur production de farine, ce qui sera fait en 1826. Dix ans plus tard, on rebâtit aussi un moulin à vent plus efficace sur le site du premier, en réutilisant les matériaux d’origine. «Cette histoire a façonné un site complètement unique en Amérique, voire au monde, dans lequel on retrouve côte à côte un moulin à vent et un moulin à eau», raconte

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«On aurait pu mettre des moteurs pour que ce soit possible de les voir rouler tout le temps, mais on a choisi de ne pas les dénaturer.» — Caroline Perron

Caroline Perron. Avec l’abolition du régime seigneurial, les moulins seront restitués aux habitants et de nombreux propriétaires s’y succéderont. Les deux derniers véritables meuniers de cette période glorieuse pour les deux moulins s’appelaient d’ailleurs Étienne Bouchard, dit «le Blanc» à cause de son teint pâle – qu’on pourrait imaginer «farineux» –, et sa femme Marianne Desmeules... Ça ne s’invente pas! Vers 1940, l’avènement des minoteries industrielles et l’efficacité du transport maritime d’un bout à l’autre du fleuve ont ralenti puis immobilisé les moulins de L’Isle-aux-Coudres. Ils ont peu de temps après été repris en main en tant que sites patrimoniaux. «Nos moulins sont aujourd’hui la preuve vivante de ce pont entre l’ancien temps, celui des activités à bras d’homme, et la modernité qu’a exposée Pierre Perrault dans les trois films qu’il a faits sur notre île. On rend hommage au savoir-faire de nos ancêtres en utilisant leur outil de survie pour lui rendre toute sa pertinence, même de nos jours», explique Caroline Perron.

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Le moulin à eau est donc mis au travail tout l’été pour donner aux visiteurs un petit goût du passé. Les meuniers de l’île produisent une dizaine de tonnes de farine par année, dont sept tonnes de sarrasin. Le grain qui est broyé entre les énormes meules de pierre provient entièrement des terres des Harvey, une grande famille pure marsouine. Toutefois, on ne fait pas de farine avec le moulin à vent. «Un vent du nord, annonciateur de mauvais temps, devient vite “bourrasseux” et le moulin risque de s’emballer. Un moulin à vent est très capricieux et délicat, trop imprudent à gérer dans un contexte touristique achalandé. On le soumet parfois aux vents pour la beauté de la chose, quand les conditions sont propices, mais on ne garantit rien.» Ainsi, le géant ailé garde certains mystères et dévoile toute sa splendeur à tout hasard. «On aurait pu mettre des moteurs pour que ce soit possible de les voir rouler tout le temps, mais on a choisi de ne pas les dénaturer. Les insulaires, c’est ce qu’ils vivaient: pas d’eau, pas de vent, pas de farine. C’est notre façon de faire prendre

conscience de ce qu’impliquait réellement la vie à l’époque.» Que le moulin à vent dorme ou s’active, la visite des lieux demeure tout aussi fascinante. «Même les gens de l’extérieur qui viennent nous voir adoptent rapidement le pronom possessif pour parler des moulins. C’est “nos” moulins, “nos” ancêtres, c’est “notre” histoire. Pour moi, ça dit tout, estime Caroline Perron. Même avec tous les moyens à notre disposition aujourd’hui, quand on doit réparer les moulins, on doit encore faire beaucoup d’essais et d’erreurs. Chaque moulin du monde entier est un cas unique. Alors nos ancêtres, seuls sur leur île, avaient d’autant plus de mérite de s’en sortir!» Les Moulins de L’Isle-aux-Coudres Charlevoix 36, chemin du Moulin, L’Isle-aux-Coudres 418 760-1065 lesmoulinsdelisleauxcoudres.com Ouvert de la fête des Patriotes à l’Action de grâce Traversier à toutes les heures depuis Saint-Joseph-de-la-Rive



( culture ) Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul mots. Anne-Christine Guy

Sur les traces C’est bien connu, Baie-Saint-Paul est une ville unique en son genre avec un centre-ville animé en toute saison et un quartier culturel dynamique qui n’a rien à envier à des municipalités de plus grande taille. Depuis 1982, des artistes de partout dans le monde s’y donnent rendez-vous pour le Symposium d’art contemporain. Regard sur un événement à portée internationale.

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a première fois que je suis allée au Symposium international d’art contemporain de Baie-SaintPaul, on annonçait une tempête tropicale pour tout le Québec. Des vents violents et de la pluie remonteraient des États-Unis vers chez nous. Restez chez vous, qu’ils disaient. Pourtant, le soleil brillait doucement le matin même, je suis donc partie dans la vieille Echo de mon chum, un permis de conduire à peine utilisé et une covoitureuse sans permis. Aucune possibilité d’attendre au lendemain, c’était la dernière journée de résidence des 12 artistes présents pendant un mois à Baie-Saint-Paul.

Ça peut sembler un peu extrême de défier les éléments pour visiter un symposium, mais celui de Baie-Saint-Paul est majeur en art actuel au Québec et il était hors de question pour nous de le rater. La route pour l’aller a d’ailleurs été assez clémente. Je me rappelle notre entrée dans l’aréna municipal, nous étions incertaines d’être vraiment dans un lieu d’art contemporain, l’espace était complètement décomplexé par rapport aux galeries et aux différents centres d’artistes que j’avais déjà visités. J’ai découvert entre autres les artistes Isabelle Demers, Mario Doucet et Dominique

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Pétrin, dont je suis encore le travail à ce jour. J’ai en mémoire la présentation de Dominique Pétrin sur son projet, mais aussi de ses deux chihuahuas devenus les mascottes du Symposium. Je n’ai pas parlé de ma balade en voiture ni des chiens de Dominique Pétrin avec Sylvie Lacerte, historienne de l’art et commissaire pour le Symposium, lors de notre entretien téléphonique. Sa description de l’événement correspond toutefois bien à mon expérience: «Le Symposium, dès sa fondation en 1982 par Françoise Labbé, avait l’idée de rendre l’art accessible au public en lui permettant ni plus ni moins de découvrir les secrets de la création. À travers les années, cette facette du Symposium n’a jamais changé, même s’il s’est renouvelé en augmentant les disciplines présentées et en accueillant de plus en plus d’artistes internationaux. Le public garde encore un accès direct aux artistes avec lesquels il peut échanger, en plus d’avoir accès à des guides médiateurs.» J’ai toujours été curieuse de ce que représente cette expérience pour un ou une artiste. Un mois complet, partagé avec 11 autres pairs et plongé dans l’environnement de

Charlevoix. Je m’imagine qu’on se sent en vacances tout en étant complètement inspiré par les lieux. C’est un peu la description qu’en fait Sylvie Lacerte: «Quand on est dans un environnement comme celui de Baie-Saint-Paul ou de Charlevoix, ça ne peut pas faire autrement que de venir nous influencer. On ne peut pas rester insensible à la beauté du paysage, à la lumière. Peut-être que ça ne se verra pas dans leur travail, mais ça met les artistes dans un état qu’ils ne retrouveraient pas chez eux.» Stéfanie Requin, qui a récemment publié ADIEU, livre entamé lors de la 35e édition du Symposium, me parle de son expérience de façon poétique: «Les journées chaudes du mois d’août, le paysage, l’échange avec le public, la rencontre avec les artistes, les cabanes à patate, l’odeur de peinture fraîche à l’aréna, mes colocataires et notre maison de poupées bleu pastel... tout ça me fait sourire lorsque j’y repense, déjà avec nostalgie.» J’ai aussi parlé de cette expérience avec Guillaume Adjutor Provost qui, avant de participer comme artiste, a été guide pour l’événement. Pour lui, les rencontres favorisées par ce mois de création ainsi que le rythme de travail qui s’impose ont été des aspects appréciables de

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(en-haut) Ari Bayuaji, La Sculpture (Book Holder), 2015. Pierre, bois, livre, bronze, 140 x 89 x 49 cm . Photo. courtoisie de l’artiste (en-bas) Michael Love, Bomb Casing, 2016. Impression jet d’encre, 150 x 64 cm. Photo. courtoisie de l’artiste


l’événement. En tant que guide, il s’est aussi senti intégré dans la gang. Il y a un côté familial selon lui à cette expérience. Peut-être que tous ces éléments font que le Symposium perdure et s’impose comme événement majeur? Selon lui, c’est d’abord grâce à la rigueur de la programmation. De plus, comme le disait Sylvie Lacerte, le fait d’être excentré est un attrait pour les artistes. Pour ce qui est du public présent, selon lui, comme Baie-Saint-Paul a déjà une bonne affluence touristique, c’est un atout primordial. D’ailleurs, même si cette fameuse première fois, dans la pluie battante et les vents violents, le retour à la maison avait été horriblement long, Sylvie Lacerte me rappelle que Baie-Saint-Paul n’est après tout qu’à une heure de Québec. Depuis ma première expérience au Symposium, j’ai acquis pas mal de techniques de conduite. Je me

promets d’aller cet été le visiter. En mai, l’organisation dévoilait la nouvelle cohorte d’artistes de l’édition 2018. Déjà, l’enthousiasme de Mme Lacerte est contagieux lorsqu’elle parle de la thématique choisie pour cette édition: l’art et le politique. Inspirée par «tout ce qui se passe dans le monde, les ÉtatsUnis, les conflits partout à travers la planète, les migrations, les changements climatiques, le Brexit», Sylvie Lacerte a choisi d’aborder cette thématique. L’historienne de l’art constate que de plus en plus d’artistes sont influencés par la situation mondiale dans leur pratique et c’est le cas des 12 artistes choisis. La présence de Gabrielle LajoieBergeron pour une résidence de deux semaines est annoncée. L’artiste, qui vient de Charlevoix, parle avec passion de sa région et de ses gens. «Ils ont une couleur et une manière de vivre uniques. C’est plein de patenteux, plein de légendes, y a quelque chose de

foisonnant, de beau et d’aride en même temps.» Sa présence au Symposium est donc une occasion de les mettre en lumière. Elle y travaillera sur une légende métisse de Charlevoix: la Noyée. Ma discussion avec Gabrielle me donne envie de découvrir sa région et ses habitants. La période du Symposium sera une occasion en or pour cela. En plus de la présence des artistes, plusieurs événements sont organisés en lien avec ce rendezvous annuel. Aussi, à Baie-SaintPaul, les attraits touristiques sont nombreux, dont sa fameuse plage et ses chutes mentionnées par tous les artistes avec qui j’ai discuté.

Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul Charlevoix 11, rue Forget, Baie-Saint-Paul 418 435-3681 symposiumbsp.com

Jean Brillant, Nomade, 2012. Acier et pierre des champs, dimensions variables. Photo. courtoisie de l’artiste

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Le Festif! 71, rue Saint-Joseph, Baie-Saint-Paul 19 au 22 juillet

Charmante et paisible ville aux paysages à couper le souffle, Baie-Saint-Paul se métamorphose lors du Festif!, événement dorénavant incontournable du circuit festivalier québécois. Pour l’occasion, une marée d’artistes offre des prestations, attendues ou carrément improvisées, aux quatre coins de la métropole charlevoisienne. Après avoir battu ses propres records d’assistance lors des deux dernières années, le festival qui porte le mieux son nom au Québec propose une neuvième édition d’envergure considérable avec comme têtes d’affiche la légende reggae ivoirienne Tiken Jah Fakoly et le vétéran de la scène indie montréalaise Patrick Watson. Mettant en vedette une douzaine d’artistes estimés de notre faune locale, tels que Yann Perreau, Philippe B et Mara Tremblay, l’événement-hommage Desjardins, on l’aime-tu! sera également présenté dans le cadre de ce festival, auquel participeront aussi Pierre Lapointe, Loud, Milk & Bone, Martin Léon et bien d’autres.

Boulangerie Laurentide 321, rue Félix-Antoine-Savard, Saint-Joseph-de-la-Rive

La Boulangerie Laurentide vend ses créations artisanales depuis maintenant 110 ans (oui, vous avez bien lu!) sur la rue Félix-AntoineSavard. Cinq générations plus tard, cette boutique à l’histoire riche continue de préparer des recettes ancestrales tout aussi savoureuses les unes des autres. Tartes à Rosanna et aux fruits frais, pets au sirop d’érable, tourtière

Baie-Saint-Paul  photo Sebastien Lemyre

de Charlevoix, galettes, danoises, brioches, biscuits «petits bateaux» et variétés de pains frais: difficile de ne pas trouver chaussure à son pied dans ce petit joyau de Charlevoix, doyenne des boulangeries de la région de la Capitale-Nationale. Un arrêt indispensable sur votre itinéraire de voyage si la faim vous guette.

Ferme Caprivoix 17, rang 5, Saint-Hilarion

Lors de vos promenades dans Charlevoix, vous ne voudrez pas manquer l’occasion d’aller vous perdre dans les rangs, question de vous en mettre plein la vue. N’en doutez pas, tous les recoins

cachés sont magnifiques. Justement, dans les environs de Saint-Hilarion, sur le rang 5, vous trouverez la très sympathique ferme Caprivoix où on y fait l’élevage du chevreau de boucherie et du bœuf Highland. Si l’agneau de Charlevoix a fait la renommée de la région, la viande de chevreau demeure beaucoup moins connue, mais saura convaincre les gourmets les plus exigeants. Savoureuse et délicate, elle se décline sous toutes les formes – gigot, jarret, carré français et même charcuterie. Une ferme familiale comme on les aime et où quelques minutes suffisent pour constater qu’ici, on sait prendre le temps de vivre. Un coup de cœur autant pour le goût que pour le paysage.

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Tadoussac  photo Jai Mansson

Centre d’interprétation et d’observation de Pointe-Noire Route 138 (à 1 km de la traverse Tadoussac–Baie-Sainte-Catherine), Baie-Sainte-Catherine

C’est l’endroit par excellence pour observer les bélugas et les rorquals qui flânent au pied des falaises dans un environnement idyllique. Depuis 1875, ce lieu guide les marins à la jonction du Saguenay et du Saint-Laurent et accueille une foule de visiteurs, curieux de voir les mammifères jaillir de l’eau à tout moment. Une place de choix où l’on peut facilement pique-niquer en admirant les hautes falaises du fjord du Saguenay et la magnifique baie de Tadoussac. Les explications des guidesinterprètes permettent de découvrir la diversité de la faune marine qui transite par ces eaux à l’été et des oiseaux qui survolent ce lieu historique à l’automne.)

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Tour du Québec Charlevoix

Port-au-Persil Partout dans Charlevoix, il faut impérativement saisir toutes les occasions de quitter la route pour aller respirer l’air du fleuve. À ce titre, il ne faut absolument pas manquer, à quelques kilomètres au sud de Saint-Siméon, le petit hameau de Port-au-Persil. Il s’agit sans aucun doute d’un des plus beaux villages du Québec, mais aussi d’un lieu hors du temps où il fait bon flâner entre la petite chapelle McLaren, les rochers qui bordent le fleuve et la jolie cascade de la rivière Port-au-Persil. C’est d’ailleurs un secret bien gardé: cette dernière, grâce à son sol rocheux plat, est une véritable glissade d’eau naturelle! Aussi à ne pas manquer, l’atelier de poterie où il est possible de s’initier à l’art du tournage et du façonnage. Bref, un petit hameau qui a beaucoup à offrir et où on peut facilement passer la journée, sans se presser.

Via Ferrata aux palissades de Charlevoix 1000, route 170, Saint-Siméon

On aime se balader au pied des montagnes majestueuses de Charlevoix qui découpent le ciel pour former des paysages uniques, mais que diriez-vous de vous donner un peu le vertige en allant voir tout ça d’en haut? C’est justement ce qu’offre le Parc d’aventure en montagne, à quelques kilomètres de Saint-Siméon. Au programme, on vous offre de multiples façons de prendre de l’altitude avec deux parcours en via ferrata, un pont suspendu et aussi une tyrolienne traversant le lac aux abords du bâtiment principal. Notez que la base de plein air offre aussi des possibilités d’hébergement en auberge rustique, chalet et camping sauvage ou équipé ainsi que d’autres activités comme l’escalade et la randonnée pédestre.


Côte-Nord 84 88 92 95 98

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Tour du Québec Côte-Nord

Québec profond Thé du Labrador Microbrasserie La Mouche Institut Tshakapesh Sur la route


«C’est la même démarche, la colère en moins. J’ai essayé la colère, là j’essaie la beauté. Dans le fond, c’est l’amour du Québec que je vends.» — Patrick R. Bourgeois


( territoire) Québec profond Baie-Comeau mots. Sarah Iris Foster photos. Patrick R. Bourgeois

Entre vagues et marais Le fleuve Saint-Laurent, c’est la véritable colonne vertébrale du territoire québécois. On croit bien le connaître. Nous l’avons vu mille fois en longeant les routes, en marchant sur la plage, les caps rocheux ou encore les battures. Mais rares sont ceux qui connaissent les merveilles qui se cachent sous la surface de l’eau. Bienvenue dans le monde méconnu du Québec profond.

«T’as des baleines à bosse à côté du zodiac, des petits rorquals et les phoques sont à côté. C’est silencieux, il n’y a pas de bateau, il n’y a personne. C’est un bonheur total de pouvoir vivre ça!» Ce qui semble être un moment unique vécu en vacances est pourtant le quotidien estival du photographeplongeur Patrick R. Bourgeois, qui vit à Baie-Comeau en été et à Montréal le reste de l’année. Originaire de Baie-Comeau, il quitte la Côte-Nord pour étudier en histoire, journalisme et science politique à l’université. Impliqué en politique pendant plusieurs années, il s’installe en Gaspésie où il remarque que personne ne profite du fleuve qui borde la région. L’idée lui vient alors de réaliser son rêve de jeunesse et il va suivre des cours de plongée sous-marine. «Tous ces animaux, je ne les connaissais pas, parce qu’on ne les voit jamais à la télévision. J’ai dit: “C’est trop extraordinaire, il faut faire découvrir ça!”» Alors que le monde politique s’éloigne de lui en cours de route, Patrick se concentre à faire découvrir les paysages marins

du Saint-Laurent, puis la faune du Québec en général, dans le but de reconnecter les Québécois à la nature, en passant d’abord par ce qui est à proximité. Est-ce que la photographie animalière est loin de la politique? «C’est la même démarche, la colère en moins. J’ai essayé la colère, là j’essaie la beauté. Dans le fond, c’est l’amour du Québec que je vends.» Ce Québec, il y tient et il nous le présente dans des formes et des couleurs qui nous sont souvent inusitées, mais l’amélioration de notre société est toujours présente dans ses projets. Il cherche à transmettre l’importance de la responsabilité que nous avons tous envers les générations futures. «Oui, j’arrive avec des photos de morues, d’anémones, de loups atlantiques et je plonge avec les phoques, mais tout ça relève d’une démarche qui veut convaincre les gens de prendre soin de chez eux.» Les images qu’il filme sous l’eau lui servaient d’abord à attirer des clients à ses cours de plongée, jusqu’à ce que sa blonde,

Geneviève Bilodeau, lui dise que ces images devraient atteindre plus de gens. C’est ainsi qu’est né le documentaire Québec profond, sorti en avril 2018, après un livre du même nom. Les amoureux se complètent dans leurs projets professionnels: «Je vais chercher les images et elle a une vision et une intelligence pour construire des récits et vendre des émotions.» En plus de montrer les splendeurs du Saint-Laurent, Québec profond donne envie de faire des voyages de découvertes en famille, au rythme de la nature québécoise que l’on ne connaît qu’en surface. On découvre dans Québec profond, grâce à Patrick, Geneviève et leur fils Simon, la vie qui grouille dans le Saint-Laurent, l’infiniment petit dans cet infiniment grand. Ce que Patrick veut qu’on retienne du documentaire? Que le Saint-Laurent, c’est coloré, contrairement à ce qu’on peut imaginer. Le plus beau site de tout le Saint-Laurent marin, selon lui, c’est Pointe-à-la-Croix, à Franquelin. «C’est super riche: on voit des loups atlantiques, des gorgonocéphales, des sébastes,

(en-haut) Crabe; (en-bas) Anémone rouge du Nord

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une colonie de framboises de mer; le mur est rouge, c’est hallucinant! Il y a énormément de nudibranches, les baleines viennent à côté du bateau, les petits pingouins et les aigles royaux sont là, c’est LE spot. Je ne devrais pas le dire, ils vont me voler ma place!» Dans ce coin de la Côte-Nord, il a vu les anémones rouges manger des lançons en direct, une seule fois sur mille plongées, une scène qu’il était fier de mettre dans son documentaire, car «ça déconstruit l’image que les animaux dans le Saint-Laurent sont des fleurs». Ce qui est minuscule le fascine aussi, comme la sépiole, cette mini-pieuvre grosse comme un raisin, qui change de couleur et que l’on retrouve dans le Saguenay.

trippante, parce je trouve qu’elle est autant symbolique pour les parcelles de nature de Montréal que le béluga l’a été pour le Saint-Laurent.» Quand on lui demande s’il préfère le fleuve où la forêt, il dit que ça travaille ensemble, que ce qu’il aime, «c’est faire des images et les montrer aux gens. Faire des images sous-marines d’animaux du Saint-Laurent ou faire des images de rainettes faux-grillon, j’ai le même bonheur».

Il continue d’explorer le minuscule en images avec «une fable animalière sur une flaque d’eau qui raconte sa vie, à Longueuil». C’est ainsi qu’il décrit le projet sur la rainette faux-grillon sur lequel il travaille et pour lequel il passe de nombreuses heures par jour dans un marais près du Saint-Laurent, là où on le traverse sur un pont et non en plusieurs heures de bateau. «Cette grenouille-là, je la trouve vraiment

Le Camping Loiselle à Longue-Pointe-de-Mingan et une excursion à l’île aux Perroquets pour voir les macareux moines («C’est malade! C’est loin, mais tu ne peux pas ne pas faire ça!»).

Et on le remercie de partager avec nous ce bonheur, cette nature, notre nature. La Côte-Nord de Patrick R. Bourgeois en quelques points forts

Aller voir les bélugas et le musée à Tadoussac «si tu veux juste mettre ton gros orteil sur la Côte-Nord». Les monts Groulx et le Symposium de peinture de Baie-Comeau,

la Maison de la Chicoutai à Rivièreau-Tonnerre, la Microbrasserie St-Pancrace à Baie-Comeau («Ce qu’ils ont réussi à faire, c’est malade! Ça a tellement contribué à revitaliser le centre-ville de Baie-Comeau!»). Les restaurants la Cache d’Amélie et la Vieille France à Baie-Comeau. Le village de Rivière-au-Tonnerre, «même pas besoin d’aller en mer, juste s’asseoir et regarder, c’est beau». L’île d’Anticosti («Si t’as la chance d’aller là, c’est superbe!»). Pour une première plongée, il suggère plutôt Percé, en Gaspésie, car «tu peux plonger là en wet suit, l’eau est plus chaude que sur la Côte-Nord et plus claire. En plus, tu as la chance de plonger avec des phoques, ce n’est quand même pas plate!» Pour suivre les projets de Patrick R. Bourgeois, on regarde sagecommeuneimagesite.com et quebecprofond.com.

(ci-contre) Loup atlantique; (Page de droite, en-haut) Soleil de mer pourpre; (en-bas) Étoile sanguinolente sur éponge verruqueuse

Québec profond Côte-Nord Baie-Comeau



«Ce que j’aime surtout dans les plantes sauvages, c’est que c’est la Terre qui nous les donne. Il n’y a qu’à les cueillir, même pas à les faire pousser.» — Andrée Hardy


( terroir ) Thé du Labrador Sacré-Cœur mots. Marie Pâris

Le goût du Nord L’entreprise Tipika récolte à la main le thé du Labrador et le vend ensuite sous forme d’infusions ou dans des savons artisanaux. Une belle façon de découvrir cette plante indigène encore peu connue et ses arômes des forêts de la Côte-Nord.

Le terroir a toujours eu beaucoup d’importance pour Andrée Hardy. À l’époque où elle dirigeait l’Office de tourisme de la Côte-Nord, de 1994 à 2000, elle parlait déjà de la nécessité de s’appuyer sur l’artisanat et les produits locaux. Son mandat terminé, elle achète d’ailleurs une boutique à Tadoussac pour promouvoir les produits du terroir. Elle y vend notamment du thé du Labrador sous une marque qu’elle crée, Tipika. «C’était la seule offre à l’époque, se rappelle Andrée. Les clients ne connaissaient pas cette plante indigène, alors on faisait goûter; aujourd’hui encore, même si les gens ont souvent déjà entendu parler du thé du Labrador.» Ce thé, constitué de feuilles d’arbrisseau, elle le cueille au hasard de ses voyages sur la Côte-Nord. «Je fais beaucoup de route!» souligne l’entrepreneure, qui mettait aussi à profit sa famille et sa visite au début de Tipika. Depuis trois ans, elle est épaulée par trois cueilleurs rémunérés. Ses différents secteurs de cueillette vont du fjord du Saguenay à la Minganie, en passant par Manic 5. «La période de récolte varie selon les régions, car les climats changent tous les 200 kilomètres ici. Mais la saison de cueillette s’étend environ de juillet à septembre.»

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Le thé du Labrador est cueilli à la main, ou parfois avec un sécateur, et «de façon respectueuse pour permettre une repousse plus abondante l’année d’après», insiste Andrée. Les cueilleurs partent pour plusieurs heures dans les collines et reviennent quand leur poche est pleine. Il faut parfois oser s’aventurer dans des endroits peu fréquentés par les promeneurs… mais arpentés par les ours. Loin d’effrayer la cueilleuse, ces animaux sont parfois des guides de montagne utiles: «Je m’apporte toujours un sifflet en cas de rencontre imprévue. Une fois, j’ai vu un ours de loin, depuis le lac où je me baignais, et quand je suis allée plus tard à son spot, j’y ai trouvé plein de raisin d’ours!»

qui offre toutes ses nuances dans des infusions en dégradé de doré – et sans théine, comme son nom ne l’indique pas.

Après un premier tri des plantes lors de la cueillette, Andrée refait une sélection dans son atelier situé chez elle, dans sa maison à la lisière des bois, à quelques kilomètres de Tadoussac. Le thé du Labrador est ensuite séché à l’air libre pendant environ 10 jours, ou 24 à 48 heures dans un séchoir spécial. «Le goût est différent selon le lieu et l’époque de la cueillette, précise Andrée. Le thé poussé au soleil aura un goût plus concentré, tandis que celui poussé à l’ombre sera plus doux.» Bref, c’est tout un terroir des bois,

«Les Autochtones buvaient du thé du Labrador avant que les Blancs arrivent, explique Andrée. Et aujourd’hui, le Musée des Premières Nations et le Musée McCord et sa belle partie sur les Autochtones sont dans mes très bons points de vente, de même que la boutique autochtone Atikuss, à Sept-Îles.» Sur les emballages cartonnés du thé Tipika, on peut lire «Prendre le temps», qui renvoie à une des valeurs clé des cultures amérindiennes. «Prendre le thé avec quelqu’un, c’est prendre le temps…»

Un breuvage autochtone Le thé Tipika était au début vendu dans des bocaux avec étiquettes maison, puis en 2010, l’entrepreneure se dit qu’il est temps de professionnaliser son emballage, qui devient bilingue, et de développer sa marque. Ses 50 kilos de thé du Labrador récoltés annuellement sont toujours distribués dans la boutique de Tadoussac, l’Aquilon, mais aussi dans une vingtaine de points de vente à travers la province, depuis Montréal jusqu’à Sept-Îles.

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Au fil du temps, Tipika élargit sa gamme de produits – mais qui restent toujours naturels et de terroir. Andrée s’est par exemple lancée dans les savons artisanaux, à base de thé du Labrador bien sûr, puisqu’il active la production de collagène naturel de la peau. «Mes savons n’ont que trois ingrédients, tous naturels. Quand il y a dans la liste d’ingrédients des trucs qui finissent en -um ou en -ate, ce n’est plus du savon!» Elle les prépare dans sa cuisine, les fait sécher dans son atelier: une vraie production artisanale. Du côté des tisanes, elle a aussi créé l’infusion

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Kino, qui associe les propriétés des deux plantes. «Pas loin d’un de mes coins de cueillette poussaient des framboises et des rosiers sauvages – qui sont d’ailleurs très riches en vitamine C. J’ai donc eu l’idée de mélanger tout ça.» Curieuse, l’entrepreneure se renseigne toujours sur les vertus thérapeutiques des plantes sauvages qu’elle cueille, histoire d’associer plaisir et santé: «Le thé du Labrador a la vertu de nettoyer le foie, tandis que le raisin d’ours est un antiseptique urinaire – c’est très bon pour les pisse-minute!»

rigole Andrée. Mais avant les vertus, on profite d’un goût délicat et des arômes de promenade en forêt. «Ce que j’aime surtout dans les plantes sauvages, c’est que c’est la Terre qui nous les donne. Il n’y a qu’à les cueillir, même pas à les faire pousser. Elle est généreuse, notre Terre!» Tipika Côte-Nord Sacré-Cœur 418 514-8171 tipika.ca



( à boire ) Microbrasserie La Mouche Natashquan mots. Kristina Landry

Boire le paysage Natif de Montréal, Gabriel Turner a choisi de fonder la Brasserie La Mouche à plus de 1400 kilomètres à l’est, dans le petit village de Natashquan sur la Côte-Nord. Récit d’un aller sans retour.

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ans le soleil bas de fin d’aprèsmidi, on remarque d’abord sa couleur dorée. Au nez, une pointe de miel, quelques notes délicates de céréales. C’est en bouche que la magie opère: fruits et fleurs jaillissent des fines bulles herbacées, laissant à peine un voile d’amertume au passage. C’est vaste et frais. Prendre une gorgée de Muddler, première production de la Brasserie La Mouche, c’est boire le paysage. «L’idée, c’était de créer une bière dans laquelle les gens d’ici allaient se reconnaître», explique Gabriel Turner, l’œil pétillant. Le secret: faire valoir la singularité du territoire. «L’eau de Natashquan est d’une qualité exceptionnelle, probablement en raison du terrain sablonneux et des tourbières qui font office de filtre. Ça a un impact incroyable sur la bière.» Et pas que sur la bière: depuis son lancement en 2017, la Muddler semble brûler les tablettes. «C’est une réussite pour toute la région», lance humblement Gabriel, insistant sur la dimension collaborative du projet.

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Prendre pays Si la brasserie natashquanaise fait maintenant mouche (pardonneznous) dans ses différents points de vente de l’Est-du-Québec, la gloire est loin d’être arrivée du jour au lendemain. «Ça remonte à 2009, quand j’étais électromécanicien sur le chemin de fer qui relie PortCartier à Fermont. Je travaillais huit jours consécutifs, puis j’avais six jours de congé.» Six jours qu’il passe systématiquement à Natashquan, où travaille comme enseignante en arts sa conjointe Marie-Ève auprès de la communauté innue. Très rapidement, Gabriel s’attache au village, et ce dernier le lui rend bien. «Ce que j’ai tout de suite aimé, c’est l’absence de clôtures. Dans le bois, tout est à tout le monde. Puis jamais quelqu’un ne restera mal pris ici. L’esprit de communauté est très fort.» Cette solidarité est aujourd’hui le fondement même du projet La Mouche. Les installations actuelles ne permettant pas de brasser directement à Natashquan,

c’est la brasserie St-Pancrace de Baie-Comeau qui apporte temporairement son aide. Du point de vue des affaires, l’entreprise est le fruit d’un partenariat autochtonesallochtones, une grande source de fierté pour le Nord-Côtier d’adoption. «Je cherchais un projet qui me permettrait de me créer un emploi et, surtout, d’en créer d’autres. C’était primordial que ça cadre avec le paysage et les gens qui l’habitent.» D’amateur à brasseur Étant depuis longtemps intéressé par les bières à fort caractère, il lui vient l’idée en 2012 de brasser lui-même: un passe-temps qui prend rapidement de l’ampleur. «Le brassage rassemble un paquet de choses qui m’intéressent: la microbiologie, la mécanique, la créativité. Un coup lancé, il n’était plus question de m’arrêter.» C’est au fil de ses nombreuses lectures et de ses voyages en Europe qu’il parfait ses connaissances et trouve l’inspiration. «C’est là que j’ai découvert les levures sauvages,

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la fermentation alternative et leur impact sur les saveurs. On ne parlait plus seulement de prendre une bière, mais de voyager par les papilles», raconte Gabriel avec enthousiasme. De retour à Natashquan, il n’a plus qu’une idée: mettre Natashquan en bouteille. Son premier mandat est de créer une «blonde de soif», une bière légère plus conventionnelle qui permettrait une prise de contact en douceur avec le consommateur. «Il fallait gagner la confiance de notre monde. Ce n’était pas en tranchant radicalement avec leurs habitudes qu’on allait faire ça.» Parallèlement se déroule une foule de tests, certains plus audacieux que d’autres. Gabriel se remémore une journée où Marie-Ève et lui ont pris la plaine d’assaut. Mains aseptisées, pots stérilisés, ils y cueillent les baies de genévrier qui serviront de levure autochtone pour des bières à fermentation spéciale. Quelques semaines après le premier test, ils se rendent à l’évidence: le résultat est décevant. «On a eu envie de tout jeter dans le drain à plusieurs reprises. Mais on a été patients.» Et heureusement: au moment

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d’écrire ces lignes, deux bières à fermentation non conventionnelle sont sur le point de voir le jour. En attendant, deux produits sont déjà en circulation. La Muddler, lancée en 2017, a vite rallié tout le monde grâce à son style allemand plus classique. Elle a été suivie en avril 2018 par la Mickey Finn, une bière sure de blé légère et acidulée. Mais qu’en est-il des noms? Si vous n’êtes pas un amateur de pêche en rivière comme Gabriel, vous ignorez peut-être que la Muddler et la Mickey Finn sont des types de mouches utilisées pour cette activité sportive. C’est en partie de là que la brasserie tient son identité, comme en font foi les étiquettes joliment dessinées par Marie-Ève. «Je vois plusieurs parallèles entre la bière et la pêche à la mouche. Il y a un bon moment pour chaque mouche, comme pour chaque bière. En plus, au fil de mes recherches, j’ai découvert que la première goélette à avoir quitté les Îles-de-la-Madeleine pour peupler Natashquan se nommait La Mouche.» Difficile de faire plus respectueux d’une histoire et d’un territoire.

En pleine effervescence Dans la prochaine année, l’équipe s’affairera à développer des nouveautés. «Des tests sont en cours pour fabriquer des bières à base de fruits sauvages cueillis localement. On continue de travailler nos fermentations spéciales dans le but de lancer des produits vraiment distinctifs.» D’ici là, on retrouve la famille La Mouche dans différents points de vente sur la Côte-Nord, en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent. De passage à Natashquan, vous pouvez l’accompagner d’un club au crabe au restaurant Le Goût du Large ou la savourer les deux pieds dans le sable sur la terrasse du Café l’Échouerie tenu par le chef Sébastien L’Écuyer (Bouillon Bilk, Pastaga), proche ami de la brasserie qui honore aussi avec finesse le terroir nord-côtier. La Mouche Natashquan blamouche.com


( culture ) Institut Tshakapesh Uashat mots. Sophie Ginoux photos. archive Institut Tshakapesh

Tracer son chemin Depuis 40 ans, les communautés innues de la Côte-Nord œuvrent ensemble à ce vaste projet. Modèle de persévérance et de réussite, l’Institut Tshakapesh concilie traditions et modernité d’une manière tout à fait unique.

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shakapesh est un personnage mythique à la base de la création du monde, pour la nation innue. Connu pour son courage et son opiniâtreté, celui qui a tué sans peur l’ours qui avait dévoré ses parents était un symbole parfait pour illustrer une structure collaborative située assez loin des grands axes touristiques, mais qui voulait servir sa communauté et faire rayonner sa culture multimillénaire bien au-delà du fleuve. Fierté, identité, présence: ces trois mots résument le travail titanesque que l’Institut Tshakapesh a abattu depuis sa fondation en 1978. La mission d’arrimage, de soutien, de sauvegarde et de transmission initiale est demeurée au cœur des actions de ce centre, qui emploie aujourd’hui une trentaine de personnes, dessert sept communautés innues, forme des milliers de jeunes à travers le Québec et dont le tambour sacré teweikan résonne jusqu’aux tribunes de l’ONU. Pour y parvenir, l’Institut a concentré ses efforts autour de trois grands axes: la langue, la culture et l’éducation. «La langue est un arbre dont les fruits nourrissent l’âme du peuple innu», lit-on sur le site web de l’Institut. Parler sa langue, c’est effectivement avoir accès à la plus riche part de sa culture. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut qu’elle reste immuable, bien au contraire.

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Sur la Côte-Nord, trois dialectes innus différents coexistent. Ils sont couramment parlés par les aînés, compris par leurs enfants et enseignés dans les écoles des communautés. Afin d’outiller les apprenants et de valoriser la langue innue, l’Institut a mis en place plusieurs initiatives. La première, majeure, a été la création de la maison d’édition Tshakapesh, qui publie sur papier ainsi qu’en ligne aussi bien des livres à colorier spécifiques pour les tout-petits que des dictionnaires français-innu, du matériel et des exercices pédagogiques, des essais… et même des disques d’artistes innus, qui profitent du studio d’enregistrement de Florent Vollant, originaire de Maliotenam. La langue ne s’apprend pas seulement théoriquement. Grâce à la série Innu raconte, commencée depuis peu, on mêle la présentation d’un conte avec le récit des souvenirs d’un aîné. Une implication intergénérationnelle qui relie les participants à leurs racines et à leur identité, mais qui constitue aussi un patrimoine vivant qu’il faut précieusement préserver. L’Institut dispose donc parallèlement d’une banque de récits, biographies, chansons et témoignages disponibles en ligne. Et pour ceux qui aiment jongler avec les mots, une grande dictée annuelle dans les trois dialectes de la région les met à l’épreuve.

Garder le passé présent pour le futur Comment préserver sa culture ancestrale tout en embrassant la modernité? Comme d’autres, l’Institut Tshakapesh aurait pu tomber dans le piège ethnocentrique, voire un peu folklorique, de s’en tenir à la constitution d’un musée et de sortir les costumes traditionnels des boules à mites lors du powwow local annuel. Mais le centre a plutôt mis sur pied des initiatives qui nourrissent la fierté des communautés, tout en valorisant la culture innue auprès du grand public. Fort du don de plusieurs fonds d’archives intéressants, l’Institut a tout d’abord créé un centre de documentation. Bien plus fouillé qu’une bibliothèque, ce centre est une mine d’informations basée sur une collection impressionnante de livres, de vidéos, de photographies numérisées et d’autres documents. Il est régulièrement utilisé par les écoles, ainsi que par des chercheurs de l’extérieur qui ont à leur disposition sur place des espaces de travail pour mener leurs études. Couronné en 2017 par le Prix Droits et libertés de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, le projet Sous le shaputuan est un brillant exemple d’ouverture sur le monde. Débuté en 1995, il a pour but de favoriser une perception plus juste des Premières Nations au sein de la société québécoise et canadienne en allant lui-même à la rencontre de publics scolaires. Cent dix rencontres du genre ont ainsi été organisées au sein des écoles et universités québécoises de manière originale, puisque tout se passe sous le shaputuan, le campement traditionnel des Innus qui devient pour l’occasion un outil de découverte de la langue, des arts visuels, de la musique et des métiers traditionnels de cette communauté à travers une série d’ateliers.

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Enfin, l’Institut Tshakapesh travaille à la valorisation et à la diffusion des œuvres de ses artisans et artistes. Grâce à des présentations au centre lui-même, à la participation à différents comités régionaux ou nationaux, ainsi qu’à des événements comme le Symposium d’art MAMU «Ensemble», qui réunit des artistes des communautés et d’autres invités à créer avec eux, ou encore le coloré Festival Innu Nikamu, qui accueille chaque été pendant quatre jours des artistes de la scène de plusieurs Premières Nations, la culture innue rayonne de mille feux. L’éducation au cœur de la réussite Éduquer le grand public à sa culture est une chose; amener sa propre communauté à intégrer les modèles modernes de réussite en est une autre. De nombreuses nations autochtones sont aux prises avec des problèmes de décrochage scolaire et de chômage persistant sur leur territoire, et leurs membres ont du mal à trouver leurs repères dans les grands centres urbains. Pour les jeunes surtout, au contact

de deux visions du monde bien distinctes, cette notion d’identité est cruciale. Épaulé par les différents paliers gouvernementaux, l’Institut Tshakapesh a donc lancé des programmes comme Langue innue au primaire, qui permet aux enfants des communautés d’acquérir une maîtrise de leur langue maternelle et de compétences transversales pour leur permettre de comprendre leurs origines tout en les arrimant avec la réalité québécoise. Des ateliers de formation spécialisée, des cours universitaires menant à l’obtention d’un certificat en linguistique avec le concours de l’Université du Québec à Chicoutimi, des visites de créateurs dans les écoles, des sorties culturelles et un soutien direct apporté aux étudiants innus qui veulent poursuivre leurs études hors de leur communauté complètent cette offre de services variés, mais dont l’objectif est unique: favoriser la réussite. Un succès que l’on encourage d’ailleurs sous toutes les formes, qu’il s’agisse d’impliquer activement les parents d’élèves dès le plus

jeune âge ou d’organiser de grands rassemblements de nouveaux diplômés du secondaire. «Après 40 ans d’existence, nous nous rendons compte que l’Institut n’a jamais été aussi utile qu’aujourd’hui», constate Andrée Ruest, qui collabore depuis cinq ans à titre de consultante avec le centre après avoir pris sa retraite du gouvernement québécois. «Les communautés innues sont vivantes, sensibles et partie prenante de nos objectifs. Nous répondons à leurs besoins avec des services de qualité. Nous tenons aussi à afficher nos couleurs sur toutes les tribunes possibles.» De Sept-Îles à New York, où il a présenté au siège de l’ONU une Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, l’Institut Tshakapesh trace ainsi son chemin vers un futur bien prometteur. Institut Tshakapesh Côte-Nord 1034, avenue Brochu, Uashat 418 968-4424 tshakapesh.ca

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

La Route panoramique de la Chicoutai  photo Aurelie Stenman

La Route panoramique de la Chicoutai À l’extrême est du Québec, juste avant d’arriver au Labrador, se trouve un tronçon magnifique et méconnu de la route 138. En partant de Blanc-Sablon, on peut rouler 70 kilomètres vers l’ouest et

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traverser six villages sur une 138 aux allures lunaires où la végétation nordique, les mammifères marins et les icebergs créent ce paysage aussi dépaysant qu’apaisant. Arrêts à prévoir: les musées à St. Paul’s River et Middle Bay, lieux communautaires qui allient patrimoine, restauration et artisanat.

Les amateurs de fruits de mer visiteront Aqua Labadie et Belles Amours. Les sentiers de randonnée sont aussi à inclure dans votre road trip au bout du Québec; profitez de la découverte du territoire pour cueillir la chicoutai, les graines rouges et autres petits fruits locaux, selon la saison.


Café l’Échouerie 55, allée des Galets, Natashquan

Kiboikoi, café bar culturel

Kegaska et la fin de la 138

319, route 138, Les Escoumins

On se retrouve à Natashquan parce qu’on cherche le bout de la route, parce qu’on aime Gilles Vigneault ou parce qu’on veut découvrir un Saint-Laurent si vaste qu’on ne peut voir de l’autre côté. On rentre au Café l’Échouerie avec du sable sous les pieds et de l’air salin plein les poumons. C’est le lieu idéal pour prendre le temps de déguster une cuisine bistro où sont mis en valeur les produits régionaux, dont de nombreux poissons, fruits de mer et petits fruits. C’est un lieu de découvertes culinaires et aussi culturelles, étant une salle de diffusion du Réseau d’organisateurs de spectacles de l’Est-du-Québec (ROSEQ), qui accueille plusieurs artistes et événements locaux, comme le Festival du conte et de la légende de l’Innucadie et les festivités de la Mi-Carême.

Depuis 2016, on trouve aux Escoumins un lieu qui ravit les papilles et les oreilles des locaux et des gens de passage. Que vous optiez pour un arrêt complet ou rapide avant de continuer votre road trip, vous verrez que la nourriture est simple et délicieuse. Les pains et pâtisseries faits sur place ont de quoi vous redonner de l’énergie après une randonnée à pied ou en kayak en Haute-Côte-Nord. Les bières de microbrasseries de la région et autres alcools québécois sont offerts pour compléter votre repas ou pour accompagner l’un des nombreux spectacles présentés dans la maison, ou sur la terrasse, entre deux bouffées d’air salin. Un lieu à découvrir, que vous soyez de passage dans ce village ou que vous le croisiez sur votre route.

Tout bon road trip nord-côtier se doit d’inclure la photo de la pancarte annonçant le bout de la route 138. Depuis 2013, c’est dans le village anglophone de Kegaska qu’on la trouve, après 44 kilomètres de route de gravier. En chemin, on se remplit les oreilles de culture régionale en écoutant les radios communautaires de Natashquan, puis Harrington Harbour. Tant qu’à aller voir une pancarte, on profite du moment dans ce village de pêcheurs pour faire une promenade vers l’épave du Brion, superbe lieu pour pique-niquer au son des vagues. Allez ensuite près du quai pour jaser avec les gens de la région, qui vous donneront envie de continuer votre chemin, en avion, en bateau ou en motoneige. Kegaska, c’est la fin de la route, mais c’est surtout le début de la Basse-Côte-Nord.


Le fleuve Saint-Laurent en kayak 20, chemin Jalbert, Les Bergeronnes

L’identité du fleuve ne résiste pas à notre identité, elle coule en nous. L’été, je suis guide de kayak de mer à Grandes-Bergeronnes, sur la Côte-Nord. Tous les jours, je pagaie sur les eaux froides et bleues du grand fleuve, respirant l’air salé et l’odeur de goémon. Je trouve qu’il a quelque chose de majestueux, notre fleuve. Un petit rorqual qui passe devant mon kayak. Des centaines d’eiders blanc et noir qui s’envolent dans les battures, partant pour le Grand Nord. L’eau, la nuit, qui étincelle de bioluminescence autant qu’il y a d’étoiles dans le ciel au-dessus. Tout ça ne cesse de m’étonner. Le fleuve, c’est un de ces rares endroits où je me sens chez moi.Je ressens un profond lien identitaire envers le fleuve SaintLaurent. Aux touristes que j’amène sur le fleuve, j’essaie de raconter une histoire. Nous allons «ancrer nos barques et nos connaissances», comme dirait Pierre Perreault. Les gens viennent voir les baleines surtout, mais j’aime aussi parler du «chemin qui marche», des Innus d’Essipit qui chassaient le loup marin depuis le cap de Bon-Désir, des baleiniers basques au 15e siècle, de Cartier et ses trois voiliers qui sont apparus au loin, là-bas à l’horizon, le 1er septembre 1535. Quelque chose dans la survie des bélugas me rappelle celle des Québécois. Le Saint-Laurent résonne des mouvances et des migrations des peuples qui ont habité sur ses rives ou navigué sur ses eaux au fil du temps. Le fleuve porte les récits et les mythes d’une nation.

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Kayak sur le fleuve Saint-Laurent  photo 0x010C

Microbrasserie St-Pancrace

Le Grenier boréal

55, place La Salle, Baie-Comeau

1566, route de l’Aéroport, Longue-Pointe-de-Mingan

Première à avoir vu le jour dans la région, la Microbrasserie St-Pancrace est un arrêt obligatoire à Baie-Comeau pour quiconque veut découvrir la Côte-Nord, une gorgée à la fois. L’usine située sur la route 138 propose des visites touristiques, avec dégustation, pour mieux comprendre la création des bières, dont les noms sont inspirés des légendes régionales. Dans le local du centre-ville, près du fleuve, on retrouve le pub qui offre plusieurs trouvailles culinaires régionales, ainsi que des mets concoctés à partir des bières maison. C’est aussi un lieu pour des soirées divertissantes avec spectacles, improvisation, quiz et autres événements. En plus des bières régulières offertes à l’année, St-Pancrace crée plusieurs bières basées sur les produits régionaux saisonniers, comme la camerise, le crabe et la chicoutai.

Longue-Pointe-de-Mingan est un des lieux de départ pour visiter l’archipel des îles Mingan, mais c’est aussi dans la forêt, à quelques mètres de la route 138, que se trouve un lieu fascinant, surtout quand on se rappelle qu’on est au nord du 50e parallèle. La coopérative de solidarité agroforestière Le Grenier boréal, c’est la place pour se ravitailler en légumes frais du jardin avant d’aller pique-niquer, ou pour un bon repas de camping. On peut acheter leurs produits au comptoir de vente en libre-service ou alors participer aux journées d’autocueillette, pour des légumes ou des fraises. On y trouve aussi des petits fruits régionaux cueillis dans la région, ainsi que des mélanges maison à base de thé du Labrador et autres plantes. De quoi réchauffer vos soirées en Minganie.


Gaspésie + Îles-de-laMadeleine 102 106 110 113 116 120

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La pêche au saumon Exploramer/Fourchette bleue Musique du bout du monde Microbrasserie À l’abri de la Tempête Café acadien Sur la route



( territoire) La pêche au saumon Gaspésie mots. Stefan Psenak photos. Unis TV

L’héritage de la rivière Il y a des matières qui ne s’enseignent pas à l’école. Pour les apprendre, il faut se lever tôt, chausser ses bottes, fabriquer ses appâts et s’enfoncer en forêt avec un guide expérimenté. C’est ainsi que, depuis la nuit des temps, le savoir-faire des guides en rivière se passe de génération en génération.

«

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es plus belles rivières à saumon au monde se trouvent en Gaspésie.» C’est ce que vous diront tous ceux qui pratiquent la pêche à la mouche en arpentant les sinuosités sauvages et intactes des majestueux cours d’eau de la Baie-des-Chaleurs. Il suffit d’avoir fréquenté un tant soit peu les rivières qui abreuvent ce magnifique et vaste territoire pour s’en convaincre. C’est là, principalement sur les rivières Bonaventure et Cascapédia, que Jean-Philippe Tessier exerce son métier de guide de pêche. Cet ancien professeur qui a grandi sur le bord d’un lac, en Mauricie, a bourlingué avant d’installer ses pénates en Gaspésie,

où il habite avec sa femme et ses deux enfants. Après avoir vécu dans l’Ouest canadien et séjourné au Japon, où il a enseigné, il a troqué les salles de classe pour un autre lieu, à ciel ouvert celui-là, où la transmission du savoir est au cœur de son activité quotidienne. À Cascapédia-Saint-Jules, le petit hameau de 741 habitants qui est désormais son port d’attache, Jean-Philippe a fait le choix de la simplicité volontaire pour vivre en harmonie et faire corps avec la nature. À 37 ans, celui qui dit n’avoir jamais été motivé par l’argent et la gloire se consacre «à la recherche de moments

magiques». Il vit en équilibre avec la nature qui l’entoure et élève ses enfants pour qu’ils prennent pleine conscience de la beauté de leur immense terrain de jeu. Guide de pêche à temps plein depuis cinq ans, Jean-Philippe a fait son apprentissage auprès de David Bishop, un guide de pêche réputé originaire des États-Unis, qui s’est installé au Québec en 1991 et qui œuvre comme guide de pêche au saumon depuis plus de vingt ans. Jean-Philippe a passé deux ans avec David avant de se lancer seul à son compte. «J’ai appris mon métier des plus vieux guides, mais j’ai aussi appris d’eux l’importance du transfert des connaissances.


Sur la rivière, il se développe une fraternité entre les guides. On apprend les uns des autres.» Et quand un plus jeune arrive dans le paysage, animé de la même passion, les plus vieux se font naturellement un devoir de l’aider.

guides s’impose. «Je voulais jumeler mes deux passions. Mon entreprise allait bien, mais j’avais envie de changer mon modèle d’affaires pour faire découvrir le territoire et donner une tribune à ceux qui l’habitent et l’animent.»

C’est cette communauté d’esprit et de solidarité qui a mené JeanPhilippe Tessier et cinq autres guides à créer en 2018 Guide Co-op Gaspésie, un regroupement de guides indépendants «ayant en commun le désir de créer une expérience de pêche authentique [suivant] la méthode traditionnelle de navigation de longs canots à la pôle». Si on imagine aisément que le métier de guide en est essentiellement un solitaire, les choses tendent à changer. «Nous avons une agente qui nous aide à gérer les demandes, à nous faire connaître auprès de la clientèle. La nature de notre métier fait que nous sommes souvent difficiles à joindre. Grâce à la coop, nous sommes mieux organisés.» La coop est aussi un exemple concret des liens intergénérationnels qui unissent les guides dans cette philosophie de partage qui leur est si chère.

Contre l’avis de tous, il décide de réorienter son agence installée à Québec vers le plein air et crée Fokus Outdoor, qui donnera lieu au projet Hooké. «Tous ceux à qui j’en parlais me disaient que ce ne serait pas viable, qu’il n’y avait pas de marché pour le type de produits que je souhaitais offrir.» Aujourd’hui, l’émission de pêche produite par Hooké en est à sa troisième saison sur Unis TV, qui a cru au projet et qui a pris le risque de le diffuser à l’échelle nationale. L’émission est également offerte dans près de 200 pays francophones grâce à TV5MONDE. Hooké, qui compte 13 employés, produit aujourd’hui, en plus de ses émissions de télé, un magazine et une collection de vêtements durables au look passepartout, qu’on peut porter autant dans le bois que dans la vie de tous les jours et que les adeptes de la marque s’arrachent partout au Canada, en Suède et en Amérique du Sud. Hooké, c’est l’histoire à succès d’une marque inclassable qui ne se dément pas, avec un taux de croissance de plus de 100% par année.

Le plein air mis en lumière Il y a quelques années, Jean-Philippe a croisé sur la rivière Fred Campbell et ses acolytes, qui étaient munis non seulement de leurs cannes à pêche, mais aussi de leur caméra. Cette première rencontre, fortuite, changera non pas le cours de l’eau, mais le cours des choses. Fred Campbell est à l’époque patron d’une agence créative, Fokus. Pour ce passionné de pêche et de plein air, l’idée de mettre en valeur le travail des

«Je voulais créer une communauté, démocratiser [la pêche au saumon] et faire la promotion des saines pratiques. Je voulais qu’on devienne le porte-étendard des gens qui ont porté nos traditions et qui méritent d’être connus et reconnus. Je voulais contribuer à valoriser un métier. On a pris des gens a priori

ordinaires et on a mis en lumière leur engagement, leur travail, leur passion. Jean-Philippe Tessier est de ceux-là. Un gars authentique, qui travaille fort, qui communique bien sa passion.» Les millions de gens qui suivent la série d’émissions Hooké partout dans le monde savent maintenant qui sont les Jean-Philippe Tessier, Marc Leblanc et tant d’autres. À l’ère où le monde est à la portée de presque tous les voyageurs, à l’ère où l’on rêve de découvrir la planète, oublierait-on ce qui se trouve dans notre cour? «On a tourné un peu partout dans le monde, on a vu de magnifiques endroits, mais je te confirme que les plus belles rivières à saumon sont chez nous, en Gaspésie.» Le travail de Fred Campbell et de son équipe témoigne d’un rare souci du détail. La qualité tant des images que du contenu de leurs émissions, qui racontent des histoires de gens et de territoires, en font des documents qui intéresseront bien plus que les seuls passionnés de pêche au saumon. Dans une vidéo tournée par Fokus pour présenter Guide Co-op Gaspésie, les mots du guide Marc Leblanc résonnent longtemps en nous après les avoir entendus: «La culture, le savoir, il faut les transmettre. Parce que si on ne les transmet pas, ça disparaît avec nous et ça ne sert à rien.» Pêche à la mouche Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine 418 391-7952 guidecoop.ca

L’ É M I S S I O N H O O K É E S T D I F F U S É E L E S M E R C R E D I S 2 0 H 3 0 S U R U N I S T V A I N S I Q U ’À U N I S . C A

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Tour du Québec Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine



«Au début, nous allions nous-mêmes acheter des produits à l’usine et nous allions les porter aux chefs pour qu’ils trouvent comment les cuisiner.» — Sandra Gauthier


( terroir ) Exploramer / Fourchette bleue Sainte-Anne-des-Monts mots. Simon Jodoin

L’eau à la bouche Tanche tautogue, hémitriptère atlantique, loquette d’Amérique, clovisse arctique… Non, il ne s’agit pas d’une série d’injures tirées du vocabulaire coloré du Capitaine Haddock, mais bien de noms de poissons qui se retrouvent sur la liste 2018 des espèces marines recommandées par Fourchette bleue, une certification créée en 2009 par Exploramer qui vise à mettre en valeur les saveurs méconnues du Saint-Laurent.

L

’histoire remonte à 2004, lorsque Sandra Gauthier, Matanaise d’origine et passionnée de tourisme, obtient le poste de directrice du musée, qui se nommait jusqu’alors Explorama, installé sur le quai de Sainte-Anne-des-Monts. Naguère centre d’interprétation qui s’intéressait vaguement à la mer, à la montagne ainsi qu’à la culture gaspésienne, l’institution est à cette époque en profonde transformation. «Nous voulions changer la mission, raconte-t-elle, clarifier les objectifs. Nous avons tout enlevé, nous n’avons gardé que les murs pour tout reconstruire avec un mandat clairement axé sur l’océanographie et la biodiversité marine du Saint-Laurent.»

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Aujourd’hui, le musée attire près de 27 000 visiteurs durant la saison estivale, offre du travail à une trentaine d’employés et permet, justement, de mieux connaître la vie marine au cœur de l’ADN gaspésien. Un monde plein de mystère, comme en témoignent ces mots énigmatiques désignant les diverses espèces qu’on trouve pourtant en abondance. Un constat s’imposait donc: on aime la Gaspésie pour ses splendides paysages marins et cet air salin qui fouette nos visages, mais, au fond, on ignore à peu près tout ce qui grouille sous la surface de l’eau.

née dans l’esprit des artisans d’Exploramer. «L’association touristique de la Gaspésie avait sorti un sondage il y a quelques années. On avait demandé aux visiteurs pourquoi ils venaient en Gaspésie. Ce à quoi les gens répondaient: “On vient manger du bon poisson.” Je trouvais que ça n’avait tellement pas de sens, parce que le poisson qu’on retrouvait dans les restaurants, en poissonnerie et dans les supermarchés, c’était le même qu’à Montréal. On ne mangeait pas le poisson de la Gaspésie, on mangeait de l’aiglefin qui venait de l’Ouest canadien ou des crevettes tigrées de l’Asie.»

C’est ainsi que l’idée de créer une appellation, Fourchette bleue, est

Pour Sandra Gauthier et son équipe, il fallait rétablir les faits et inciter les

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gens à consommer les poissons de la région tout en encourageant les restaurateurs à les cuisiner afin de les mettre en valeur. Le principe est simple: si les touristes qui viennent passer leurs vacances y goûtent et les apprécient, de retour à la maison, ils auront encore envie d’en manger et une chaîne de mise en marché pourrait ainsi favoriser le commerce de poissons, de diverses espèces de coquillages et de crustacés issus du terroir marin gaspésien. «En ce moment, on pêche beaucoup d’espèces dans le Saint-Laurent qui ne sont pas consommées au Québec. Le crabe commun, tu as beau faire le tour de toutes les poissonneries, de Montréal, de Québec ou de la Gaspésie, tu n’en trouveras jamais. L’entièreté de la pêche est exportée! Le couteau de mer, c’est extrêmement difficile de s’en procurer, l’oursin vert aussi.» Autrement dit, le fleuve regorge de produits délicieux, d’espèces savoureuses issues des eaux froides, mais tout ce qui arrive au quai se rend directement à l’usine de transformation pour être exporté principalement vers l’Asie et les États-Unis, quand on ne rejette pas tout simplement à la mer ce qui n’avait jusqu’à maintenant aucune valeur commerciale. Un pêcheur qui a droit à des quotas pour la pêche au turbot, par exemple, ne

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rapportera que cette espèce pour laquelle il sera rémunéré, rejetant toutes les autres qu’il pourrait prendre dans ses filets, simplement parce que revenu au quai, personne ne voudra les acheter. Une situation déplorable: «La loquette, ça ne valait rien, l’hémitriptère, ça ne valait rien non plus, pas plus que la baudroie. On devrait permettre aux pêcheurs de ramener ce qu’il y a dans leurs chaluts et accorder une valeur à ces espèces, leur dire que nous sommes prêts à payer pour ces poissons.» C’est donc une longue chaîne, qui va du pêcheur qui jette en mer ses filets jusqu’aux consommateurs qui choisissent leurs menus à la poissonnerie, qu’il fallait mettre en place. Un défi de taille, car ultimement, pour qu’un produit soit consommé, il doit être connu et apprécié du grand public. C’est là que les chefs cuisiniers ont joué le rôle primordial d’interprètes du goût. «Notre premier objectif, se souvient Sandra Gauthier, c’était de convaincre les chefs, car ce sont les rock stars. Pour convaincre un consommateur de goûter à une baudroie par exemple, qui est affreuse, alors qu’il ne sait pas comment l’apprêter et la cuisiner, on part de très loin. Au début, nous allions nous-mêmes acheter des produits à l’usine et nous allions les porter aux chefs pour qu’ils trouvent comment les cuisiner.»

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La plupart n’ont pas été difficiles à convaincre. Dès la première année, 30 cuistots gaspésiens ont accepté de prendre part à l’aventure. L’année suivante, il y en avait 40. Ensuite, ce sont des chefs partout au Québec qui ont souhaité concocter des recettes portant la signature Fourchette bleue, et pas les moindres. Parmi eux, on compte Daniel Vézina, véritable superstar des chaudrons, qui a ainsi certifié ses deux restaurants Laurie Raphaël, à Montréal et à Québec. La certification Fourchette bleue peut également se targuer d’avoir Jean Soulard comme ambassadeur. De quoi rassurer les plus sceptiques. Aux restaurateurs s’ajoutent aussi des poissonneries et divers commerces, chez qui on peut se procurer une quarantaine de produits comestibles, du phoque gris à l’oursin vert, en passant par des algues comme la laitue de mer, l’agar criblé ou encore des mollusques issus de la mariculture, comme la moule bleue et le pétoncle géant. Évidemment, la gastronomie n’est pas le seul critère retenu pour qu’une espèce soit certifiée Fourchette bleue. À la comestibilité s’ajoute aussi la technique de pêche qui se doit d’être respectueuse des fonds marins ainsi que la quantité d’individus dans l’environnement, afin d’assurer une saine gestion des populations. Certes, on veut goûter ce qu’il y a dans le fleuve, mais on ne souhaite pas le vider dans un élan d’appétit! La liste est ainsi mise à jour chaque année dans un esprit de conservation des espèces. Aucun doute, avec cette initiative, Exploramer offre un parfait exemple où le tourisme, la conscience environnementale, l’économie locale et le goût du terroir avancent main dans la main. Exploramer Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine 1, rue du Quai, Sainte-Anne-des-Monts 418 763-2500 exploramer.qc.ca


photo. Jean-François Bérubé


( culture) Musique du bout du monde Gaspé mots. Philippe Garon

Temple sonique Est-ce vraiment au bout du monde? Ça dépend d’où vous partez, seriez-vous tenté de répondre. Chose certaine, peu importe la longueur du trajet que vous aurez à entreprendre pour vous y rendre, c’est du beau monde qui organise ce festival qui vous attend à destination!

L

a scène se déroule à Coin-du-Banc. Jesse Stewart s’adresse aux 16 braves du Camp d’improvisation musicale. Avec, comme accompagnement, le rythme des galets brassés par le ressac. «On a ici tous les sons des temps immémoriaux. C’est aussi vaste et profond que l’océan. Par comparaison, de tous les sons du monde, la musique, c’est ça.» Entre son pouce et son index droits, il tient une pierre blanche plus petite qu’un œuf. «La musique occupe une toute petite place dans l’univers des sons, mais il s’agit d’une place très particulière. Et je crois qu’à l’occasion, on peut puiser l’inspiration de la géophonie, de la biophonie…» La falaise du pic de l’Aurore offre un rideau de calcaire safrané de 240 mètres de haut à ce groupe d’artistes explorateurs que le Festival Musique du Bout du Monde accueillera en spectacle quelques jours plus tard. Voilà un des avatars de l’événement de Gaspé, qui soufflera ses 15 bougies en août prochain. Rien de plus normal pour un projet qui marche; ça peut durer puis attirer les fidèles. La plupart du temps, un

succès naît d’un fantasme. Frédérick Ste-Croix raconte justement qu’après un spectacle de musique africaine dans un club à Montréal, il sort au resto manger une soupe tonkinoise avec des amis. À travers les conversations, on se pose tout bonnement la question: «Et si on organisait ce genre de concerts là chez nous, à Gaspé?» Steve Boulay, alors membre du groupe La Volée d’Castors, ainsi que Maïté Samuel-Leduc et Martin Roy, entre autres, embarquent dans le délire. Ils souhaitent permettre à leurs compatriotes d’entendre et de vivre des cultures de partout. En 2004, ils se lancent et investissent le centre urbain de la treizième plus grande ville du Québec (en superficie…). La rue de la Reine devient piétonnière pour la fin de semaine et se transforme en un terrain de jeu pour une trâlée d’activités familiales. Et surtout, pour la fameuse parade. D’emblée, on donne le ton avec des personnages circassiens, des rythmes de batucada endiablés et des danseuses brésiliennes peu vêtues. Le feu pogne et spontanément, la population

embarque à corps perdu pour suivre le cortège jusqu’au chapiteau de la place Jacques-Cartier. En fins tacticiens, les organisateurs y proposent une prestation de musique celtique; comme du sang irlandais coule dans les veines de nombre de Gaspésiens, rien de tel pour rassurer le public quant à leurs intentions. Ils gagnent leur pari; les gens de la place tombent sous le charme. Il faut dire que la diversité marque l’histoire du territoire. Déjà fréquentée par les Micmacs il y a environ 4000 ans, la région accueille à partir du 16e siècle nombre de Basques, de Jersiais, d’Écossais, d’Anglo-Normands, d’Acadiens, de Bretons, de loyalistes, de Belges et d’Irlandais. En 1860, Gaspé devient un port franc. Et florissant. Jusqu’à 11 consulats défendent sur place les intérêts économiques des nations concernées, principalement le lucratif commerce de la morue. Plus de 15 000 habitants vivent dans le comté à l’époque, dont plusieurs originaires d’Italie, des États-Unis, d’Espagne, du Portugal, du Brésil et de Norvège. Ce caractère

photos. (en-haut) Charles Bilodeau; (en-bas) Roger St-laurent

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cosmopolite typique des centres maritimes s’est-il perpétué jusqu’à aujourd’hui? L’artiste Christopher Varady-Szabo, né en Australie, l’auteur-compositeur-interprète Juan Sebastián Larobina, qui se réclame fièrement de son identité latino-gaspésienne, et Kali Halapua, violoniste qui vient de la NouvelleZélande, illustrent sûrement la richesse du métissage possible dans ce creuset du bout du monde. Rapidement, l’équipe réfléchit à l’opportunité que présente la réalité géographique et déjà multiculturelle de la municipalité. On s’associe à la Semaine irlandaise de Douglastown. Avec Secondaire en spectacle aussi, ce qui permet entre autres à Felipe Amarillo, qui a connu les affres de Bogota dans son enfance, d’interpréter une de ses créations dans le contexte professionnel du FMBM. Rivière-au-Renard, capitale québécoise des pêches, propose une épluchette de crevettes à Stéphane Brochu, qui assume la direction depuis 2013. Et on ajoute une expérience éclatée:

le spectacle au soleil levant dans la cathédrale naturelle du Cap-Bon-Ami, vieille de 450 millions d’années. Le singulier duo involontaire présenté par Martha Wainwright et un pygargue à tête blanche en 2015 constitue peut-être le summum de l’art qui rencontre l’ineffable. Et voilà justement la dimension unique par laquelle l’événement se distingue; la rencontre et l’ouverture nous permettent de toucher, comme individus et comme rassemblements, à ce qui dépasse notre entendement et, en même temps, illumine toute la dignité de l’humain. Cela, Frédérick Ste-Croix le comprend. Et il chérit l’inestimable contribution des quelque 200 bénévoles qui assurent le bon déroulement de ces rencontres: «S’il y a une ressource à laquelle j’accorde de la valeur, c’est le temps. Le temps que vous donnez à l’événement, il ne reviendra pas. C’est extrêmement apprécié de notre part.» Le FMBM jouit d’un capital de sympathie remarquable

dans le cœur des citoyennes et des citoyens, et ce, partout autour de la péninsule. Amour aisément compréhensible; c’est lui qui leur a fait découvrir Bassekou Kouyaté et Ngoni Ba, Sergent Garcia et Pierre Kwenders, qui a propulsé le groupe local de percussions Kilombo. D’ailleurs, permettre aux festivaliers de toucher à des instruments inusités et d’essayer de nouveaux pas de danse demeure central dans la joie que génère la fête. Frédérick Ste-Croix exprime simplement son souhait à l’endroit des participants: «Je voudrais qu’ils se souviennent de moments d’émotions partagés avec des amis, leur famille, tout ça, amplifié par l’environnement grandiose dans lequel ils ont vécu ces émotions. Et qu’ils se disent: “Ça y est, je suis obligé de revenir ici chaque année!”» Festival Musique du Bout du Monde Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine 37, rue Chrétien, Gaspé 418 368-5405 musiqueduboutdumonde.com

«On a ici tous les sons des temps immémoriaux. C’est aussi vaste et profond que l’océan. Par comparaison, de tous les sons du monde, la musique, c’est ça.»

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photo. Roger St-laurent

— Jesse Stewart


( à boire) Microbrasserie À l’abri de la Tempête L’Étang-du-Nord mots. Emmanuel Leroux-Nega photos. Emmanuelle Roberge

L’appel des îles Les Îles-de-la-Madeleine, ce sont les interminables plages de sable, l’accent chantant des Madelinots, le homard et, bien sûr, la microbrasserie À l’abri de la Tempête. Si la bière du brasseur de L’Étang-du-Nord est aujourd’hui devenue un produit phare, on le doit à la vision et à l’acharnement de deux femmes tombées éperdument amoureuses de l’archipel. Récit d’une affaire de cœur.

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omme toutes les grandes histoires d’amour, celle-ci commence par un coup de foudre. C’est au début des années 1990 qu’Anne-Marie Lachance, directrice générale et cofondatrice de la microbrasserie, visite les Îles-dela-Madeleine pour la première fois. «Quand je suis arrivée, je me suis dit: “C’est chez moi ici. C’est ici que j’ai envie de vivre toute ma vie.” Je me sentais à ma place. L’espace qu’il y a à l’infini, l’horizon… C’était un coup de cœur, tout simplement.» Ce sentiment l’occupe toujours lorsque, quelques années plus tard, elle y emmène sa grande complice et future partenaire d’affaires, Élise Cornellier Bernier. La brasseuse professionnelle de bière tombe à son tour sous le charme et les deux alliées prennent la décision de déménager aux Îles et d’ouvrir une microbrasserie. «On a voulu créer notre propre emploi pour pouvoir habiter les Îles à l’année. On avait pensé ouvrir une brasserie ailleurs, mais on ne voyait pas ce qui nous différencierait. Pourquoi une autre micro? Ça n’avait pas de sens. Mais quand on a pensé aux Îles, au territoire éloigné, à la richesse de l’insularité et à toute l’histoire, ça prenait un sens.»

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Les Îles dans la recette Écume, Cale-Sèche, Terre Ferme... Les deux femmes d’affaires insistent pour que leurs bières reflètent le caractère de l’archipel. «C’est notre source d’inspiration. Tout est bâti là-dessus, que ce soit sur le plan de l’imaginaire, de l’étiquette, de l’image.» Au-delà de l’image, leurs bières doivent surtout goûter les Îles. «On est allées dans le bois et dans les champs pour voir ce qui poussait, ce qu’on pouvait utiliser», se rappelle l’enseignante de formation.

animal au goût. Il sert surtout pour faire la Corps Mort.» C’est jusqu’aux légendes locales qui s’invitent dans les bières. La Palabre du Bois Maudit n’est pas seulement inspirée de l’église Saint-Pierrede-La Vernière – la légende raconte qu’elle a été construite à partir de bois maudit –, elle en est faite! «Élise est montée dans le clocher de l’église pour récupérer des copeaux de bois et les inclure dans sa recette», s’amuse Anne-Marie. Des débuts ardus

Les algues des plages avoisinantes sont utilisées dans le processus de clarification de leurs brassins, les herbes, les fleurs et les aromates récoltés aboutissent dans la recette d’une bière – bonjour la Belle Saison – et des partenariats sont tissés avec les producteurs locaux, dont le célèbre Fumoir d’Antan et ses méthodes ancestrales de boucanage du hareng. «Ils installent leur hareng à sécher dans un ancien fumoir, et nous, on vient mettre du grain sur une grande porte-moustiquaire près du hareng, explique-t-elle. On le fait sécher pendant deux mois et ça donne un malt fumé extrêmement riche, très différent. Un petit côté

Avec 25 bières différentes au menu, 200 000 litres produits par année, une salle de dégustation qui roule à plein régime l’été et une renommée qui dépasse de loin les rives des Îles, le succès est aujourd’hui au rendez-vous pour les deux associées. Mais lorsqu’elles s’installent dans l’archipel avec leur projet en tête à l’hiver 2002, il est bien loin d’être assuré. Les défis étaient multiples, se rappelle Anne-Marie. Il fallait tout d’abord convaincre les autorités locales d’embarquer dans le projet. «La microbrasserie avait mauvaise réputation. Les gens des institutions financières et du gouvernement

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n’avaient aucune idée de son potentiel. Il y a en qui nous disaient de faire ça dans notre garage pour voir si ça marcherait. On a été tenaces, on ne les a pas lâchés.» Un an avant l’ouverture, tout est encore à faire. Il faut trouver le local – une ancienne usine de transformation de crabe sise à quelques encablures de la plage –, faire venir et installer les équipements alors qu’aucune expertise n’existe sur les Îles, bâtir la salle de dégustation, brasser les premières bières, etc. Et tout ça rapidement: «Fallait ouvrir au plus vite. Ici, si tu manques l’été, il faut attendre à l’année d’après. Il a fallu goaler», explique Anne-Marie. Fin juin 2004, l’ouverture approche et les deux partenaires sont nerveuses. «C’était un défi d’attirer les gens. On est dans un cul-de-sac et les plages ici sont plus occupées par les gens des Îles que par les touristes. Ça nous a fait peur, mais on a vraiment eu une belle réception. On n’avait que deux bières en fût et c’était plein à craquer.»

De deux bières, la production passe à trois l’été suivant. Puis vient l’embouteillage, d’abord à la main et exclusivement l’hiver. La microbrasserie peine à suivre la demande croissante et les deux femmes sont sur tous les fronts. «La vie d’entrepreneur, on ne s’attend jamais à ce que ce soit aussi exigeant. Tu ne peux pas t’imaginer la charge de travail, la pression, le stress qui repose sur tes épaules tout le temps. On est faites pour ça et on est heureuses là-dedans, mais on est conscientes du boulot que c’est et de ce qu’on ne referait plus pareil. Ça fait à peine cinq ans qu’on a atteint un équilibre heures travaillées-vie familiale.» Aujourd’hui, alors que l’entreprise a atteint sa vitesse de croisière, les deux femmes peuvent reprendre leur souffle, apprécier les paysages de l’archipel, la communauté qu’elles s’y sont créée et jeter un regard sur les 16 dernières années. «Je me pose souvent la question de ce que je ferais si la micro fermait. Je ne me vois pas partir. Je finis mes jours ici. Ce qui nous retient, ce n’est pas la micro, c’est les Îles. C’est mes racines qui sont enfin quelque part.

J’ai une fille qui est madelinienne. Il y a tout ce dont j’ai besoin ici. Je me sens libre sur les Îles.» Ce qu’elle conseille de visiter sur les Îles? Le Fumoir d’Antan, naturellement. «Et puis, il y a un beau circuit des saveurs qui a été créé. Il y a vraiment des produits de qualité, originaux... Il faut explorer les Îles par les papilles! Ça commence par ça. Après, t’as besoin d’aller marcher. Je conseille d’aller se perdre sur les plages. C’est un des rares endroits où l’on peut se perdre, être seul...» À l’abri de la Tempête microbrasserie Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine 286, chemin Coulombe, L’Étang-du-Nord 418 986-5005 alabridelatempete.com

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( pignon sur rue ) Café acadien Bonaventure mots. Philippe Garon

Un voilier enraciné Il est facile de s’accrocher les pieds dans la Baie-des-Chaleurs, une région qui offre bien des surprises, comme cette ancienne pêcherie, où arrivaient naguère les stocks de poissons et de fruits de mer, aujourd’hui convertie en auberge-restaurant. Encore une incroyable histoire de pêche.

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inq minutes avant l’aube, il se lève, peu importe la saison. Pour la chaude, ça se passe à l’orée de la mer. Plein de petits bouts d’île d’Yeu peuplent son auberge. Son Café acadien, à Bonaventure, en Acadie du Québec. En zodiac ou en zeppelin, moins de 30 petits kilomètres séparent son rêve de la centrale thermique de Belledune, qui crache deux millions de tonnes et demie de gaz carbonique chaque année au-dessus de la prodigieuse baie des Chaleurs [1]. Mais il ne laisse pas la cheminée-furoncle lui saper le moral [2]. Comme dirait Lao Tseu: «The show must go on.» Lui, c’est en fait eux. Christophe Rapin et François Maillette, le tandem taijitu [3] au centre de l’équipage de ce caravansérail de bout de quai. Le premier vient du théâtre et de la Sarthe. Quant à François, il déploie sa vaillance pour bien organiser, compter, planifier, préparer. L’énergie des deux amoureux s’affirme tout en complémentarité: exubérance

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et persévérance, élégance et simplicité, authenticité et audace. Avec comme maître mot «singularité». Et toujours, à leurs côtés, Aubert, le quadrupède philosophe au pelage de suie salée, l’antimascotte qui vous accueillera bien de sa bonne humeur placide quand vous débarquerez là. L’aventure commence par un naufrage. En 2009, le Théâtre de la Petite Marée recrute Christophe pour jouer dans une adaptation de La tempête du grand Will. Alice Ronfart mijote un spectacle familial qui enthousiasme le comédien, autant que la perspective de vivre tout l’été au grand air à un jet de galet de la plage de Beaubassin. Le spectacle marche à merveille. La salle se remplit tous les soirs. Et chaque lendemain, Christophe découvre sous le soleil les atours du pays: les Cayens, la proverbiale limpidité de leur rivière à saumon, le caractère pittoresque de leur village, la proximité des bois. Il se fait avoir bien raide. L’été d’après,

il revient en West pour mitonner les repas de la troupe. Son chien et lui s’attachent à la place et aux environs. Ils prennent un abonnement. Après une couple d’années, François arrive dans le décor et vient voir son chum interpréter un fameux vilain pirate inspiré de Stevenson. Il tombe dans le panneau lui itou: expéditions en canot sur la Bonaventure avec baignade dans le rapide du Malin, feux de grève et nuits à la belle étoile sur la plage McGraw. Attention: la Gaspésie peut causer une forte dépendance. En 2014, Jacques Laroche, le directeur artistique de la Petite Marée, leur monte un bateau. «Heille, Christophe! Le Café acadien est à vendre! C’est pour toi, ça!» Conciliabule de couple. François aime beaucoup le Jardin botanique, mais il commence à en avoir son voyage du milieu des cols bleus. Christophe visite le bâtiment. L’idée de devenir aubergiste commence à lui trotter

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«Jour après jour, lorsque vient le moment de lever le rideau, la fierté de naviguer tous ensemble à bord d’un tel navire dans un endroit magnifique motive à la constance, à la ténacité.»


dans le coco. C’est bien beau la vie d’artiste, mais l’envie d’une bonne dose de concret le travaille. De toute façon, le désir de mener une entreprise ensemble s’inscrit dans la genèse de leur relation. De retour sur le Plateau pour l’hiver, ça cogite fort. Les gars décident de rencontrer le proprio, rédigent un plan d’affaires et déposent une offre d’achat. Ils concoctent un menu basé sur les vivres typiques de la Gaspésie, rédigent les offres d’emplois, se tapent les vicissitudes du financement. Et le jour de la pimprenelle de l’an de grâce 2015, ils larguent officiellement les amarres en signant l’acte de vente. Des cabines à la cambuse, c’est le branle-bas de combat. Heureusement, les deux crinqués raides savent s’entourer. Et dès le début, les gens de la place embarquent. Le succès récolté dès le premier été s’avère tonique. Oui, le lieu demande de sérieux radoubs, mais vu le potentiel, François et Christophe foncent toutes voiles dehors, allant même jusqu’à s’impliquer dans la protection du site de la pointe Beaubassin. Car au-delà de sa bouille architecturale caractéristique, la personnalité du Café acadien demeure

indissociable de sa localisation. Sis à l’embouchure de la rivière, juste à côté du camping municipal et de la marina, que fréquentent aussi les pêcheurs de tout acabit, c’est plus qu’un paradis de vacances. C’est aussi un milieu naturel fragile qui mérite beaucoup d’amour. Toute une ribambelle de palmipèdes dépend de la santé de l’eau et des berges de ce sympathique sanctuaire. Par chance qu’ils peuvent compter sur quelques amis. À l’aube de la quatrième bourlingue de leur café, le duo de choc continue d’améliorer le confort des chambres, la décoration, le jardin. Signe que les deux patrons sont vivables, ils peuvent compter sur plusieurs employés fidèles, ce qui facilite grandement la remise en marche du commerce au printemps. Avec quand même quelques recrues, dont Érick Demers, remarqué à l’émission Les chefs! Parions que son intérêt pour la cuisine nordique, qu’il a notamment développé Chez Boulay, va permettre à l’offre culinaire du Café de monter encore d’une coche. Christophe se rend bien compte à quel point le rôle d’hôtelier ressemble à celui d’acteur. Pour

l’accueil et le service, chaque fois, c’est comme s’il montait sur les planches, avec l’élan de performer. Les cuistots, eux, voient à la mise en scène. L’importance de la collaboration entre la salle et la cuisine ne sert pas qu’à trouver des solutions aux défis de préparation ou de présentation; elle participe au plaisir des travailleurs qui se trouvent à bord. Et se communique immanquablement aux convives, venus de loin ou du coin de la rue. Alors, jour après jour, lorsque vient le moment de lever le rideau, la fierté de naviguer tous ensemble à bord d’un tel navire dans un endroit magnifique motive à la constance, à la ténacité. Il faut se rendre au bout de chaque soirée, dans la convivialité et l’efficacité. Pour interpréter chaque spritzer et chaque poêlée de pétoncles à leur meilleur, il faut avoir le pied marin. Tout ça sous l’œil bienveillant d’Aubert, bien étalé en position carpette à côté de la caisse, qui vous invite sagement à profiter du moment. Café acadien Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine 168, rue Beaubassin, Bonaventure 418 534-4276 www.cafeacadien.com

[1] La baie des Chaleurs fait partie du Club des plus belles baies du monde, qui regroupe 41 baies dans 23 pays https://fr.wikipedia.org/wiki/ Club_des_plus_belles_baies_du_monde. [2] https://www.lesoleil.com/affaires/centralethermique-de-belledune-un-regain-de-viesigne-hydro-8bf92f270409a0461bfef407fdf3d7e1. [3] Aussi appelé «symbole du Yin et du Yang».

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

La vieille usine  photo Jean Gagnon

La vieille usine 55, rue à Bonfils, L’Anse-à-Beaufils

Amarré à la terrasse de la Vieille usine, votre sirotage de gose risque plus de se voir troublé par les bateaux que par le trafic routier. L’imposant bâtiment de transformation de produits de la mer converti en ruche socioculturelle

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s’impose comme cordial muscle cardiaque de L’Anse-à-Beaufils. Qualifier de «chaleureuse» la brigade du café-bistro constituerait un grossier euphémisme. De la galerie d’art à la salle de spectacle, en passant par le studio et la boutique, la même convivialité règne. Côté bedon, personnellement, je voue un culte à

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leur grande soupe de poisson. Mais vous pouvez taper les yeux fermés dans le menu sans vous casser le bicycle; tout goûte bon. Concoctée dans le même esprit d’alliance entre ingrédients locaux et apports d’en dehors, la programmation enfile chaque année les soirées réussies. Bref, une excellente place où s’enfarger les pieds.


Le roché Percé  photo Vlad Ghiea

Brasserie Auval

Géoparc de Percé

Musée de la Gaspésie

397, route des Pères, Val-d’Espoir

180, route 132 Ouest, Percé

80, boulevard de Gaspé, Gaspé

La brasserie du petit village de Val-d’Espoir près de Percé est sur toutes les lèvres depuis sa création en 2014. Ben Couillard, l’un des fondateurs de Pit Caribou, a lancé une brasserie à plus petite échelle dans le but de peaufiner ses produits et cultiver ses propres fruits sur sa ferme pour en arriver à l’excellence en bouteille. Auval s’est retrouvée dans le temps de le dire au sommet des palmarès des brasseries québécoises. Puisque la distribution priorise les points de vente en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent, les amateurs de bière font la file chez les chanceux détaillants pour se procurer ces bières délicieuses. Et la brasserie de Val-d’Espoir, ouverte au public de la Saint-Jean-Baptiste à la fête du Travail, accueille son lot de touristes.

Faut-il vraiment être adepte d’ésotérisme pour reconnaître que Percé dégage des forces telluriques étonnantes? L’icône du tourisme gaspésien offre avec panache 500 millions d’années d’histoire géologique. Et le Géoparc nous aide justement à respirer par les trous du nez pour accorder brièvement notre cadence à celle du monde minéral. Percé se retrouve dans la liste des 120 territoires, répartis dans 33 pays, reconnus par l’UNESCO pour le caractère exceptionnel de leur patrimoine naturel. Afin d’assurer la conservation des paysages, de la faune et de la flore, l’équipe mise sur l’éducation grâce à un arsenal impressionnant: exposition interactive, plateforme vitrée suspendue, tyrolienne, spectacle multimédia, etc. À découvrir!

C’est bien plus que de prestigieuses récompenses que le projet de restauration de la Gaspésienne numéro 20 a permis au Musée de la Gaspésie de récolter. Mobiliser une quarantaine de bénévoles pour réaliser les quelque 850 heures de travaux nécessaires pour remettre en état cette embarcation emblématique a également renippé la fierté de la communauté. L’institution excelle d’ailleurs dans sa capacité à entretenir des liens avec la communauté pour assurer sa mission de sauvegarde du passé, et à insuffler à l’ensemble une bonne dose de modernisme; le film en réalité virtuelle que vous pourrez voir lors de votre visite vous permettra d’expérimenter à quoi ressemblait une sortie en mer pour les pêcheurs du début des années 1960. Réussi!

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La Petite-Vallée  photo Tango7174

Wazo

Les Pas perdus

6, rue de l’Église, Percé

169, chemin Principal, Cap-aux-Meules

Quand l’obsession pour les garnottes en tout genre s’exprime à travers les doigts d’un artistesorcier, le résultat étonne avec maestria. Se rendre à Percé sans rencontrer Wazo serait une grave erreur. D’abord, il y a l’homme, doué d’une friabilité, d’un instinct et d’un magnétisme épeurants. Puis, le joaillier de génie, alchimiste capable de dompter le corail, les grands-ducs et les noisetiers. Créatif jusqu’au bout du souffle, Wazo arrive mystérieusement à amalgamer, autant dans ses bijoux que dans son atelier-boutique, élégance et pureté, exubérance, contraste et vertige. Peu d’artisansentrepreneurs réussissent à valser avec autant de brio entre le beau tumulte des visiteurs, qu’il accueille affectueusement chez lui, et les exigences techniques de la fabrication de ses bijoux, véritables hommages portatifs à l’impétuosité de la nature. Immanquable.

En bon urbain, vous assumez votre dépendance à votre café-bistro du coin. Le revers de la médaille, c’est que quand vient le temps d’une belle escapade, par exemple aux Îles-dela-Madeleine, vous craignez de ne pas retrouver l’équivalent de votre refuge-pantoufle. Pas de panique! Au resto Les Pas perdus, vous pourrez confortablement vous installer dans cette formule éprouvée que vous appréciez tant, mais version atlantique. Et les ingrédients de la place ne se retrouvent pas que dans votre verre, votre assiette ou votre tasse. Artistes et artisans du coin colorent, au propre comme au figuré, ce point de convergence par excellence de l’archipel. Cet été, à part des spectacles madeliniens à souhait, on vous proposera entre autres Galaxie, Mario Jean et Alaclair Ensemble. Il y a même moyen de dormir sur place en plus, l’établissement proposant six chambres. À condition de se lever de bonne heure pour réserver...

Festival en chanson de Petite-Vallée 4, rue de la Longue-Pointe, Petite-Vallée

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Tour du Québec Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine

Du 28 juin au 7 juillet

Pour se rendre à Petite-Vallée, on passe par de magnifiques villages de bord de mer, si beaux qu’ils nous resteront en tête pour toujours. Mont-Louis et Mont-SaintPierre sont à couper le souffle. Si le Festival en chanson a vécu un grand deuil l’an passé en perdant son centre névralgique, le Théâtre de la Vieille Forge – proie des flammes en août –, son âme ne pourra jamais disparaître. Le festival est une expérience chaleureuse au possible, autant pour les artistes – nombreux sont des habitués – que pour les spectateurs, qui profitent de spectacles en après-midi et en soirée. En attendant la construction du nouveau théâtre, l’événement se tiendra dans un immense chapiteau au bord de la mer et le village voisin de Grande-Vallée accueillera aussi son lot de concerts.


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Tour du Québec Lanaudière

Fromagerie La Suisse Normande Délices d’Antan Sur la route


( terroir ) Fromagerie la Suisse Normande Saint-Roch-Ouest mots. Amélie Tendland

Du fromage en famille Si vous roulez non loin de Saint-Roch-de-l’Achigan et croisez par hasard la Fromagerie la Suisse Normande, rassurez-vous, on ne vient pas de vous téléporter en Europe. Vous êtes bien à Saint-Roch-Ouest, dans Lanaudière, où la famille Guitel produit ses fromages fermiers de lait de chèvre et de vache depuis plus de 20 ans.

F

abienne est suissesse et Frédéric est normand. Voilà pour l’origine du nom de leur fromagerie fondée en 1995. Ils fabriquent aujourd’hui, avec trois de leurs enfants, plus d’une dizaine de fromages avec le lait de leurs 300 chèvres et celui du troupeau de vaches d’un voisin. Au départ, rien n’indiquait pourtant que le couple allait se lancer dans cette aventure familiale. Infirmière en Suisse, Fabienne y a fait la connaissance de Frédéric, qui venait de trouver un travail sur la ferme laitière de son grand-père. Un jour, le père de Fabienne leur a offert d’aller s’occuper d’une terre qu’il possédait au Québec, sur la rive sud. En 1985, le couple Guitel

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débarquait au Québec et trois ans plus tard, il achetait sa propre terre à Saint-Roch-Ouest.

Joliette. Il a décidé de s’inscrire et… il a eu la piqûre. «On se fait notre fromage à nous», se rappelle-t-il avoir dit à Fabienne.

Un trop-plein de lait Au début, l’idée de fabriquer du fromage n’était même pas sur le radar. Ils ont eu des cochons quelque temps, ainsi que des vaches laitières. Puis des chèvres. Une fromagerie devait voir le jour dans un village voisin. «On avait prévu de leur vendre le lait des 187 chèvres que l’on possédait à l’époque, mais le projet a avorté. On est restés avec notre lait sur les bras», se souvient Frédéric. Un hiver, il a vu qu’un cours sur la fabrication de fromages artisanaux était offert à

«Ce cours, c’était vraiment le b.a.-ba de la fabrication. Après, on y est allés d’essais et d’erreurs. On a appris à les faire les uns après les autres», explique le fromager. Ils se sont notamment inspirés des fromages suisses, comme la Tomme vaudoise, dont le Pizy, l’une de leurs premières fabrications, est le pendant québécois. Contrairement à d’autres fromagers au Québec, les Guitel ont rapidement développé différents types de fromage, touchant à toutes les

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familles, sauf les pâtes cuites. Caillé de chèvre, bûchette de chèvre frais, féta, croûte fleurie, naturelle et lavée, pâte ferme. «Tant qu’à faire du fromage, et comme les gens se déplacent chez nous, autant leur offrir une variété», explique Frédéric. Biquerond de Lanaudière, Sabot de Blanchette, Petit Poitou, Capra, Pizy, etc. Plusieurs fromages, mais tous produits de façon artisanale. Tous les fromages de chèvre de la Fromagerie La Suisse Normande sont fabriqués avec le lait de son troupeau de 300 chèvres, dont environ 200 sont en lactation. «Ce qui nous a toujours intéressés, c’est faire des fromages fermiers. C’est plus de gestion et de travail, mais ça nous permet d’avoir le contrôle sur la qualité du lait et des soins aux animaux, explique Frédéric. On cultive nos champs, on fait notre foin et notre grain, on s’occupe des animaux.» Quant au lait de vache pour la fabrication du Pizy, du Petit Normand et du Freddo, il provient de la ferme d’un voisin, la ferme L’Achigan. «On va faire ses foins, on sait ce que les animaux mangent. On a ainsi un contrôle sur la qualité du lait», raconte Frédéric. La relève

à la ferme, soit à la fromagerie», se souvient-elle. Après des études en massothérapie et une année de pratique, Bénédicte se rend à l’évidence: elle veut travailler dans l’entreprise familiale. «Au départ, je voulais me convaincre que je n’étais pas faite pour la ferme et la fromagerie. J’avais un peu peur. J’avais vu mes parents aller. Pour eux, toute leur vie, c’est le travail, explique-t-elle. Mais finalement, j’ai eu complètement la piqûre.» Aujourd’hui, c’est Bénédicte et son équipe qui assurent principalement la production. Arrivée quelque temps plus tard, sa sœur Magalie s’occupe davantage de gestion. Sa mère, de qui Bénédicte a appris en grande partie la fabrication de fromage, est pour sa part à la commercialisation. Thibault est à la ferme, tandis que Frédéric est devenu «l’homme à tout faire», précise Bénédicte en riant. Ainsi le transfert d’entreprise se fait doucement et se passe bien, ce qui réjouit Bénédicte. «Ça se fait avec beaucoup de respect. Tout le monde est à la place qu’il voulait être et on se complète tous. C’est plus qu’un travail pour nous, c’est un mode de vie. On apprend à comprendre les valeurs de nos parents, tout en les remettant au goût du jour.»

Des légumes bios Un nouveau projet qui veut justement poursuivre la philosophie de l’entreprise est d’ailleurs en gestation et devrait voir le jour dès cet été: des légumes bios cultivés en permaculture. Le projet est celui de Charline, la conjointe de Thibault. Les légumes seront cultivés sur les terres familiales et vendus à la boutique de la fromagerie, qui sera agrandie. Les Guitel profiteront de l’occasion pour augmenter l’offre de produits artisanaux et locaux que l’on y retrouve déjà. «On prône depuis toujours tout ce qui est local. Si on peut le produire nous-mêmes, tant mieux», avance Bénédicte. Bénédicte vous invite par ailleurs à faire un arrêt au restaurant SaintOurs, non loin de la fromagerie, à Saint-Roch-de-l’Achigan. Ouvert depuis quelques années, le Saint-Ours est également fervent de produits locaux et du terroir. Vous pourriez même y déguster une assiette de fromages de… la Fromagerie la Suisse Normande! Fromagerie la Suisse Normande Lanaudière 985, rang de la Rivière Nord (route 339 Nord), Saint-Roch-Ouest 450 588-6503 lasuissenormande.com

Les foins, le grain, les animaux et la fabrication de fromage! Beaucoup de travail qui, depuis quelques années, n’est plus assuré par le couple seul. De ses cinq enfants, Thibault a été le premier à officiellement intégrer l’entreprise familiale. Il est à la tête de tout ce qui touche la ferme et la terre. Deux de ses sœurs, Magalie et Bénédicte, travaillent quant à elles à la fromagerie. En comptant les employés, une dizaine de personnes travaillent à la Suisse Normande. Bénédicte avait quatre ans lorsque la fromagerie a ouvert, en 1995. «J’ai toujours baigné là-dedans. Les soirs et les fins de semaine, j’étais soit à aider

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«On s’est franchisé pour se multiplier plus rapidement. Reste que c’est toujours nous qui faisons le beigne, donc nous qui contrôlons la qualité de notre produit.» — Steve Harnois


( terroir ) Délices d’Antan Berthierville mots. Valérie Thérien

L’explosion des beignes de Berthier Qui n’a pas le souvenir des parfums succulents d’une boulangerie, alors qu’on sort les beignes frais du four? Un plaisir simple, mais inoubliable. À Berthier, on poursuit la tradition et on prend même soin de faire voyager la boulangerie, pour répandre la bonne nouvelle!

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n m’a dit un jour: «Tu vas voir, c’est les meilleurs beignes du Québec!» Quelques semaines plus tard, avec des amis, je roulais vers Berthierville pour valider cette information cruciale. On sort de l’autoroute 40 à la sortie boulevard Gilles-Villeneuve, et hop! on y est. La boutique Délices d’Antan de Berthierville est charmante, comme une vieille maison de village. Vous dire à quel point le sac de beignes nature, au miel, au sirop d’érable, au sucre en poudre et à la cannelle, tous faits à base de patates, a été dévoré à vive allure… L’entreprise lanaudoise Délices d’Antan a entre ses mains une recette gagnante. À un point tel que son réseau de distribution a explosé

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dans les 15 dernières années. Nous en avons discuté avec son président, Steve Harnois, qui a repris les rênes en 2004 après l’achat de l’entreprise par son paternel l’année précédente. «La boutique de Berthier, on l’appelle la “original one”!, dit-il en riant. C’est là que mon père et moi avons commencé. On a créé le beigne à l’érable. Quand on l’a achetée, il n’y avait que le beigne nature. On a grossi les installations pour pouvoir fournir à la demande et on ne fait que grossir depuis ce temps-là. On a changé les friteuses, nos méthodes de production de pâtes, nos approvisionnements.» Malgré l’expansion constante de l’entreprise, le désir d’encourager les produits locaux n’a d’égal que

l’importance de rester ancré dans la région. «On fait beaucoup affaire avec les producteurs locaux. Les patates viennent de Lanaudière, c’est un producteur dans la famille de mon père. Le sirop d’érable vient de Lanaudière aussi. C’est important pour nous aussi d’avoir du sucre du Québec. On vient de se doter d’une usine à Berthier, un local de 30 000 pieds carrés. C’est en rénovation en ce moment, mais on prévoit l’ouverture au cours de l’été pour y transférer notre production. On pourra sortir des nouveautés, de nouveaux beignes. Le gros hit qui s’en vient, c’est qu’on est en pourparlers pour ouvrir des magasins à des endroits stratégiques – Montréal, Québec et Laval – où le beigne et le café seraient à l’honneur, mais

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où on aurait aussi un concept de quatre desserts glacés, un peu à la manière Queue de castor.» Et puisque ce n’est pas assez, Délices d’Antan célébrera son premier point de vente pied-à-terre à Montréal prochainement, puisqu’il vient de faire l’acquisition du O’Bagel au marché Jean-Talon. On devrait donc y retrouver des beignes en plus des bagels prochainement. «On a une crise de croissance à gérer!», dit le propriétaire. Steve Harnois nous raconte la petite histoire de Délices d’Antan qui, aujourd’hui, compte sur un réseau de distribution de Matane à Rouyn et possède 10 caravanes Beignes d’Antan nomades (de type food truck) qui font des beignes sur place, surtout dans les grandes chaînes d’épicerie, été ou hiver. «Mon père a acheté l’entreprise avec son meilleur ami en 2003. Après un an, son ami s’ennuyait de sa retraite et ils n’avaient plus la même vision. Je suis donc arrivé en octobre 2004. On a fait quelques années ensemble, juste mon père et moi. On a engagé un employé, puis un autre, et on avait l’ambition de faire connaître notre produit donc on a lancé notre petit réseau de distribution. On a engagé un vendeur et un camion et on se promenait de commerce en commerce. On livrait trois fois par semaine dans les dépanneurs. Ça a pris de l’ampleur comme ça. Mon frère s’est joint à temps plein avec nous. On a ensuite loué un local plus grand dans une ancienne pâtisserie, toujours à Berthierville. On a commencé à faire les beignes à plus grande échelle. Aujourd’hui, on est tout près de 35 employés à la fabrication des beignes. On a aussi développé un réseau de franchises. On a commencé avec un food truck qui fait la promo dans les IGA et Metro. On s’est franchisé pour se multiplier plus rapidement. Reste que c’est toujours nous qui faisons le beigne, donc nous qui contrôlons la qualité de notre produit.»

Lorsqu’on visite la petite boutique de Berthierville sur la route 158, on constate aussi l’ampleur de la production au-delà des beignes. Dans les frigidaires, les congélateurs et sur les tablettes, on y retrouve une centaine d’autres produits. «Au départ, on avait quelques sortes de pâtés, de sauces à spaghetti, le pain aux patates qui est assez populaire et le pain français qui est fait à la boulangerie chaque matin, se remémore le président. J’avais un bon ami qui avait pris de l’expérience dans un restaurant à Joliette. Il s’est joint à notre entreprise et est notre chef cuisinier depuis huit ans.» Pour les pâtés, les tourtières et les sauces à spaghetti, Délices d’Antan se base sur des recettes ancestrales du terroir québécois, d’où l’origine de son nom. «C’est comme si c’est ta grand-mère qui faisait ça et ça se sent dans nos plats», dit Steve Harnois. Dans ces cas-là, comme dans la fabrication des fameux beignes, on n’y retrouve aucun agent de conservation.

«Il y a une conservation naturelle dans la patate et lorsqu’on trempe les produits dans le miel ou le sucre, ça aide aussi», indique le président. Et la recette de ces délicieux beignes a-t-elle été appelée à changer au cours des années? «On s’affaire toujours à optimiser la recette en matière de contrôle. Les patates, c’est vivant, ça a une durée de vie d’environ un an. Quand il y a une récolte, ils les mettent en caveaux. Elles sont distribuées au courant de l’année, mais le taux de sucre change énormément. Donc à chaque recette, ça prend beaucoup d’expérience pour ajuster la bonne quantité de farine et de lait pour avoir un produit parfait. C’est avec les années qu’on vient à bout de s’ajuster au bon moment dans l’année.» Délices d’Antan Lanaudière 446, rang de la Rivière-Bayonne Sud, Berthierville 1 866 980-0548 delicesdantan.com

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Le Parc régional des Sept-Chutes  photo Louise Rivard

Saint-Donat Monter à Saint-Donat par la route 125 demeure un excellent plan pour se donner un goût de bout du monde. Idéalement situé sur les rives de l’immense lac Archambault, accessible par le parc des Pionniers d’où on peut prendre le large et de se baigner, le village offre un lieu parfait pour poser ses valises afin de

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partir en balade dans cette région où il est impossible de s’ennuyer. À proximité, le secteur de la Pimbina du parc national du Mont-Tremblant offre de multiples options pour se perdre dans les bois, en allant voir la chute aux Rats par exemple. Ceux qui caressent le rêve d’atteindre des sommets pourront aussi aller se frotter au sentier de la Montagne noire, tandis que le parc régional de

la Forêt-Ouareau permettra aux plus gourmands d’aller goûter encore à des dizaines de kilomètres de sentiers en pleine nature. Un conseil routier: pour vous rendre au village ou pour en revenir, allez rouler lentement sur le chemin du Nordet qui relie Saint-Donat au lac Supérieur dans les Laurentides. Non, ce n’est pas un raccourci, mais le coup d’œil vaut bien le détour!


L’Ange cornu 265, boulevard de l’Ange-Gardien, L’Assomption

Situé dans un bâtiment historique, et considéré comme un lieu de verdure en période estivale avec sa cour arrière qui accueille des spectacles intimes, ce bistro de la Rive-Nord réunit bon nombre de critères pour être une adresse à retenir. Dans la programmation annoncée, on compte entre autres Dumas en juin, Lydia Képinsky en juillet et Milk and Bone en août. La vocation culturelle y est clairement apparente et le retour de la saison estivale est synonyme du retour de l’ambiance café-terrasse. Tout cela en profitant du menu saisonnier, d’une carte de vins d’importation privée et d’une sélection de bières locales. Plusieurs artistes y ont offert une performance par le passé, comme Philippe Brach, Randome Recipe ou encore Charlotte Cardin, dans un mélange de relève et de noms plus établis.

Susanna Mälkki  photo MITO Settembre Musica

Le Festival de Lanaudière

Maltstrom

Bâtiment B

1655, boulevard Base-de-Roc, Joliette

557, route 131, Notre-Dame-des-Prairies

940, place Îles-des-Moulins, Terrebonne

Les solistes de la scène nationale et internationale se donnent annuellement rendez-vous pour une célébration classique des plus prestigieuses. Voilà près de 40 ans que l’événement rassemble les mélomanes à l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette et dans les différentes églises des municipalités de Lanaudière. Le coup d’envoi de l’édition 2018 sera donné le 7 juillet avec Soir de première, où l’une des plus grandes histoires d’amour du 19e siècle, Symphonie fantastique, reprendra vie sous la baguette de la cheffe d’orchestre Susanna Mälkki. En clôture, un symbole célèbre de la résistance contre le nazisme durant la Seconde Guerre mondiale: la 7e symphonie de Chostakovitch, avec Yannick Nézet-Séguin à la direction. On relève aussi la présence de Kent Nagano, Gregory Charles et Alain Trudel.

En début d’année, la jeune microbrasserie artisanale s’est retrouvée dans le top 10 des meilleures nouvelles brasseries du monde selon RateBeer. Une consécration pour l’atelier brassicole créé en 2016 à Notre-Dame-desPrairies. C’est à la hauteur du pari que s’est lancé le maître-brasseur Michaël Fiset et ses associés: une bière brassée à la main, créative et audacieuse. Adopter Maltstrom, c’est aussi adopter son manifeste, sa quête du bon goût. L’entreprise, intelligemment installée dans une région qui se distingue pour son agrotourisme, entend augmenter son volume de production et diversifier son offre, ce qui la maintiendra assurément sur la route du succès. Un des succès du moment: une India Pale Lager (IPL), la IXPL Des Prairies…

Une cuisine à saveur française et un emplacement idyllique: le Bâtiment B offre une charmante expérience sur le site historique de l’Île-des-Moulins à Terrebonne, où la vue sur la rivière des Mille-Îles vaut bien le détour. Manger son tartare de bison en pareil décor, dans la verrière ou sur la terrasse, n’aura jamais été si agréable. Le restaurant, installé dans un immeuble patrimonial du 19e siècle, une ancienne boulangerie, a été rouvert en 2015 à la suite de transformations. L’objectif: mettre en valeur le site et les produits régionaux en travaillant avec les producteurs avoisinants. Un passage dans ce pub gastronomique peut aussi mener à une promenade sur l’île, l’occasion d’improviser des pique-niques...

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Centre d’art Diane-Dufresne

Les Jardins sauvages

Brasserie Albion

17, chemin Martin, Saint-Roch-de-l’Achigan

408, boulevard Manseau, Joliette

À la table champêtre des Jardins sauvages, on décortique ce que c’est la gastronomie forestière. On nous propose un menu de dégustation de plantes sauvages, de champignons sauvages, de gibiers et de produits du terroir. Il s’agit aussi d’une entreprise consacrée à la cueillette durable et à la transformation de plantes sauvages comestibles. Les fondateurs désirent nous faire découvrir les vertus insoupçonnées de la flore. Les menus changent avec les saisons et, en cette période de l’année, on peut retrouver dans son assiette des plantes d’été, des plantes marines et une grande variété de champignons.

Par une belle journée de printemps, on a pris la route vers Lanaudière. Sur le chemin du retour, la soif nous a envahis. En sortant de la 40 à la hauteur de Berthier, on prend une route de village pour faire un petit détour vers Joliette. Les téléphones sont morts, mais la soif nous guide vers cette brasserie aux allures de pub irlandais. On s’installe en avant sur le grand balcon, mais on nous informe que la vraie terrasse est à l’arrière. Je ne connais pas les terrasses de Joliette, mais je peux vous dire que celle-ci est parfaite, grande et ensoleillée. Très bons choix de bières variées, brassées sur place. Sur le menu bouffe, on goûte au burger de cerf. Un peu plus cher, mais ça vaut amplement la peine.

11, allée de la Création, Repentigny

Inauguré en 2015, ce lieu de diffusion a non seulement été nommé en hommage à la chanteuse Diane Dufresne, également peintre, mais garde aussi en ses murs une exposition permanente des œuvres de cette artiste phare. Consacré à l’art contemporain, le centre de création est la première phase d’un projet culturel de la municipalité de Repentigny, qui comprend un théâtre et des jardins thématiques. Créé par l’architecte Maxime-Alexis Frappier, le bâtiment est d’une sophistication très moderne. Le premier regard se pose sur les colonnes d’inspiration classique, qui se reflètent sur les eaux du bassin au-devant du musée.


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Tour du QuĂŠbec Laurentides

Vignoble NĂŠgondos Le Baril roulant Sur la route


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Tour du QuĂŠbec Laurentides


( à boire ) Vignoble Négondos Mirabel mots. Sophie Ginoux photos. Léonie Rouette Tétreault

Vocation: viticulteur bio C’est sur un petit lopin de trois hectares à peine dans les Laurentides que le tout premier vignoble biologique du Québec a vu le jour en 1993. Vingt-cinq ans plus tard, le domaine du Négondos est toujours fidèle à ses valeurs et plus que jamais innovateur.

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arole Desrochers est une femme de terrain. Comme elle le dit elle-même, elle aime jouer dehors, fouler sa terre, bichonner ses ceps de vigne. Avec son mari Mario Plante, elle a troqué il y a 25 ans ses souliers d’universitaire pour des bottes d’agricultrice. Ils voulaient à la base acquérir un verger, mais l’appel du vin a été clair quand Carole a vu ce qui se faisait alors dans ce domaine. «Toute la viticulture québécoise était très chimique. Il fallait changer ça, offrir autre chose. Se lancer dans le bio pour faire sa part», dit-elle. Armé d’audace et de bonne volonté, le couple a alors cherché, défriché, enfoncé des portes et réalisé ce qui semblait auparavant impossible.

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«Nous avons trouvé une terre qui nous convenait, mais nous avons eu du mal à nous faire épauler au début. Le MAPAQ ne savait pas du tout quoi faire de notre dossier! On avait l’air de vrais granos», raconte Carole. Finalement, une agronome leur a fourni quelques connaissances sur les mauvaises herbes, un ami qui avait travaillé sur un vignoble alsacien les a un peu guidés… et pour tout le reste, il a fallu apprendre par soi-même. «Nous avons fait des voyages, des rencontres, des lectures. Nous avons aussi fait beaucoup d’essaiserreurs avant de vraiment avoir une vision plus claire de notre terroir et de l’exprimer dans nos

vins. Aujourd’hui, nous savons par exemple que le cépage seyval est bien adapté à notre terre et donne de bons résultats. Mais nous sommes toujours en phase de recherche pour faire des vins rouges de qualité», avoue humblement la viticultrice. La viticulture biologique selon Négondos Il faut beaucoup de passion et de dévouement pour s’occuper d’un vignoble. Et il en faut encore plus lorsqu’on se lance dans la viticulture biologique. Il y a plusieurs écoles de pensée dans ce domaine, mais chaque viticulteur développe sa propre recette, basée sur ses expériences et ses valeurs.


Pour Carole et Mario, travailler de manière biologique est un sacerdoce. «Il faut respecter la vigne et ne pas lui demander plus qu’elle peut nous donner d’elle-même. Il faut la voir dans un contexte plus global, plus écologique, privilégier l’équilibre de la nature avant tout.» Cette philosophie se traduit concrètement dans une grande autonomie des vignes du Négondos. «Elles s’autopollinisent. On les soutient simplement en favorisant la biodiversité autour des parcelles, en appliquant de la bouillie bordelaise et un peu de fertilisation naturelle de temps à autre. Et on travaille beaucoup manuellement. On enlève régulièrement les mauvaises herbes, on récolte et on trie au champ par petites équipes pour ne garder que les raisins mûrs. Et l’hiver, on réalise du buttage [les pieds de vigne sont recouverts de la terre qui les borde]. Il est hors de question qu’on utilise comme d’autres du géotextile, fait à base de pétrole et très polluant, pour les protéger.» La même approche guide les pas du couple dans la vinification: «Nous avons acquis une certaine confiance, alors nous intervenons de moins en moins pour produire des vins les plus naturels possible.» Transferts du moût par gravité, embouteillage sans sulfites, vins non filtrés, voire non débourbés...

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Tour du Québec Laurentides

Les tests sont nombreux et les résultats, souvent concluants. Les bons coups Être un pionnier de la viticulture biologique au Québec ne fait pas de soi un grand viticulteur. Pour concevoir des vins de qualité qui remportent un succès, et pour garder intacte leur passion pour leur métier, Carole et Mario ont misé sur l’ouverture et la créativité. «Nous avons observé ce qui se faisait ailleurs qu’au Québec, avons écouté ce que nos amis sommeliers suggéraient. Et nous avons eu de la chance, aussi, d’être là au bon endroit, au bon moment.» Ils ont effectivement eu la chance de goûter un soir au restaurant Les Fillettes de Montréal un vin orange italien pour avoir l’idée d’en concevoir un tout premier québécois, le Julep, que l’on s’arrache depuis pour sa facilité d’approche et son caractère fruité. Ils ont également développé deux mousseux secs, un blanc (le Noctambulles) et un rouge (le Redbulles), en méthode traditionnelle, parmi les plus populaires au Québec. Mais la chance ne fait pas tout. De l’instinct et une bonne dose d’audace sont nécessaires pour se lancer dans de tels projets

avant les autres. «Nous partons du principe que chaque année, de nouvelles idées germent. Il faut se montrer ouvert au changement, innover. Et faire confiance à ses vignes.» Carole en a d’ailleurs un bon exemple, puisqu’en 2017, elle a eu la surprise de voir que ses parcelles de maréchal Foch, qu’elle pensait retrouver à l’automne très endommagées en raison des pluies et du gel qu’elles avaient subi au printemps, se sont en fait montrées beaucoup plus résistantes que prévu. «J’étais vraiment surprise! Alors j’ai pris quelques belles boutures et les ai portées au pépiniériste. Qui sait, peut-être vont-elles permettre à ce cépage d’évoluer aussi vers le mieux dans d’autres domaines.» Destination Négondos Le vignoble du Négondos est devenu une destination de plus en plus prisée par les amateurs de bons vins de la métropole montréalaise et du Québec. «Mais comme nous ne voulons pas agrandir nos terres et ne pouvons produire qu’une quantité limitée de bouteilles, il n’en reste souvent plus quand les gens veulent nous rendre visite à l’automne.» Il vaut donc mieux appeler avant de passer au domaine et réserver pour pouvoir le visiter en groupe. «Si vous venez nous voir, il y a plein de choses intéressantes à faire dans le coin. J’adore les produits des Fromagiers de la Table Ronde, de la Boucannerie Belle-Rivière. Je conseille également à mes visiteurs de se balader dans les 14 jardins thématiques de la Route des Gerbes d’Angelica, où on peut aussi admirer des sculptures, ainsi qu’à SaintPlacide, un magnifique petit village face à un lac...» Vignoble biologique Négondos Laurentides 7100, rang Saint-Vincent, Mirabel 450 258-2099 negondos.com


«Il faut voir la vigne dans un contexte plus global, plus écologique, privilégier l’équilibre de la nature avant tout.» — Carole Desrochers



( à boire ) Le Baril roulant Val-David mots. Julien Abadie photos. Éric Gagnon & Val-Media

La bière angulaire Lové dans l’écrin bucolique de Val-David, le Baril roulant se décline aujourd’hui en un pub festif, une auberge-restaurant et une microbrasserie. Arrivé à maturité en ne partant de rien, cet établissement a réussi un véritable tour de force: devenir la bière angulaire de cette petite cité des Laurentides.

S

i ce n’est pas pour ses bières artisanales, ce sera pour sa bouffe. Si ce n’est pas pour sa bouffe, ce sera pour ses concerts. Et si ce n’est pas pour ses concerts, ce sera pour ses chambres. Ne cherchez pas une raison d’essayer le Baril roulant, il y en a forcément une. Mais dès que vous aurez poussé la porte de ce petit pub de Val-David, vous saurez de suite pour quelle raison vous y reviendrez: sa chaleur. À l’heure où «l’authenticité» est devenu un mot presque galvaudé, un concept vidé de son sens par le marketing, la chaleur, elle, ne se décrète pas sur PowerPoint ni au détour d’un plan d’affaires. Non, elle se joue sur des détails, comme ce plafond un poil trop bas qui resserre l’ambiance sans jamais l’étouffer. Sur des produits comme l’Orge d’Or, une barleywine décadente brassée à l’eau d’érable et vieillie en fût de bourbon. Sur des attitudes aussi, comme ces sourires croisés ce soir-là autour du comptoir, ou cette simplicité de chaque instant. Et sur des valeurs, surtout, comme celles que le Baril charrie depuis ses débuts en juin 2012 et qui

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transparaissent jusque dans son slogan: «Il n’y a pas que la bière dans la vie… mais elle améliore tout le reste!» «Nous rêvions d’un lieu qui nous ressemble», racontent Sonia Grewal et Patrick Watson, le couple propriétaire des lieux. «On voulait faire de la bonne bière, mais aussi communiquer des idéaux de partage, de communauté, de terroir, de bio, de commerce équitable...» Mission accomplie: elle, institutrice de formation, et lui, brasseur de son état, ont su faire du Baril roulant un haut lieu brassicole et gastronomique et, surtout, l’un des carrefours de vie de Val-David. Il suffit de s’y rendre après 17h30 pour comprendre que tout le village et ses environs s’y croisent au hasard de la cinquantaine de places disponibles. Ce chiffre peut sembler faible pour un endroit aussi populaire, mais l’ambiance est à ce prix. «Le Baril, c’est un micro-organisme, acquiesce Sonia. Les soirs de concert, ça se traduit par des shows vraiment intimistes, presque addictifs. Folk, jazz, musique du monde… Les groupes qu’on accueille donnent

énormément sur scène. Avec 165 concerts par an, ça nous assure un bon bouche-à-oreille.» Depuis le lancement du projet, la famille Baril s’est agrandie. Alors que Sonia et Patrick accueillaient leur premier enfant, le pub festif des origines a été rejoint en 2015 par deux frangines: une auberge située deux rues plus loin et une salle de brassage dressée au bord de la 117. Implantée au bord de la rivière, à deux pas de la piste du Petit Train du Nord, l’auberge offre six chambres absolument délicieuses, et même un dortoir pour les plus petits budgets. C’est aussi là que le restaurant principal a finalement élu domicile. Avec son menu où les burgers d’exception (essayez celui au bison) côtoient quelques-unes des meilleures poutines du pays (celle au confit de Canard du Lac Brome est déraisonnable), l’endroit mérite un détour d’autant plus prolongé que la carte des bières est quasi identique à celle du pub. De l’aveu même des propriétaires, cet agrandissement était devenu urgent afin de satisfaire la demande. «À la fin, ce n’était plus possible de fournir: les cuisiniers voulaient

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«On voulait faire de la bonne bière, mais aussi communiquer des idéaux de partage, de communauté, de terroir, de bio, de commerce équitable...» — Sonia Grewal & Patrick Watson

m’arracher la tête», rigole Patrick en désignant la minuscule cuisine du pub.

la structure originelle du projet que l’équipe est parvenue à sauver son âme.

Pour le couple qui avait toujours voulu monter une auberge de jeunesse, le rêve se concrétisait enfin. Même s’il aura fallu abandonner un morceau d’idéal en chemin. «Le Baril a d’abord été créé sous une forme de coopérative parce que ces valeurs nous rejoignaient, se souviennent Sonia et Patrick qui sont partis de rien. Mais au bout de deux ans, on s’est rendu compte que ça n’intéressait personne: les gens qui bossaient avec nous voyaient juste ça comme une job. Tout reposait sur nos épaules. On ressentait de la frustration: en voulant être équitables avec tout le monde, la situation devenait inique pour nous.» Basculer en société privée en 2014 a permis de relâcher la pression et d’assainir la situation. Le paradoxe est savoureux: c’est en sacrifiant

Aujourd’hui, le Baril roulant offre avec ses trois entités une sorte d’expérience globale à celui qui y pénètre. La seule chose que vous n’y trouverez pas, c’est un écran pour regarder du sport: «Et c’est volontaire! rétorque Patrick avec le sourire. Il y a quelques années, j’ai failli me battre au Brouhaha pendant les séries de hockey, juste parce que je gênais la vision de quelqu’un. Je me suis juré que ça n’arriverait jamais dans mon établissement.» Mis à part ça, tout y est: à quelques dizaines de mètres de distance, on peut boire une vingtaine de bières du Baril et d’ailleurs, s’enfiler des plats impeccables élaborés avec des ingrédients du terroir, se laver les oreilles avec des groupes locaux dans la salle confinée du pub,

s’effondrer quelques minutes plus tard dans l’un des lits de l’auberge, et finalement rentrer à la maison par la 117 avec quelques bouteilles de la microbrasserie dans le coffre (les tonneaux aperçus là-bas indiquent qu’une imperial stout s’en vient). «On a beaucoup voyagé en Europe et dans le reste du monde, conclut Sonia. Et régulièrement, on se disait qu’on ne trouverait jamais le lieu idéal, l’endroit qui réunirait tout ce qu’on aime en un même point: la bière, bien sûr, mais aussi la bouffe, la musique, l’ambiance, les valeurs, l’hébergement...» Le Baril roulant en est la preuve: les «brutopies» sont faites pour être réalisées. Le Baril roulant Laurentides 1430, rue de l’Académie, Val-David 819 320-0069 barilroulant.com

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Lac-Superieur à Mont-Tremblant  photo Photogolfer

Festival des arts de Saint-Sauveur 30, avenue Filion, Saint-Sauveur

Déjà à l’aube de sa 27e édition, le Festival des arts de Saint-Sauveur s’active tous les ans à faire découvrir et rayonner les artisans de la danse et de la musique par une programmation soigneusement ficelée. Sous la direction artistique

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de Guillaume Côté pour une quatrième année consécutive, le festival aura lieu cette année du 2 au 12 août. On y retrouvera le populaire rendez-vous la Soirée des étoiles, dont la mission est de partager avec le public de grands noms de la danse (cette année, le New York City Ballet, le Théâtre Mariinsky et le Ballet national du Canada, entre autres), ainsi qu’une nouvelle série

intégrant un cours de danse suivi d’un spectacle participatif (tango les jeudis, swing les vendredis et trad les samedis), afin de faire danser tout Saint-Sauveur. Organisme à but non lucratif, le festival est ancré dans la région qui l’a vu naître et continue de favoriser les échanges locaux, avec pas moins de 93% de ses fournisseurs provenant des Laurentides.


Palette de bine 2047, chemin du Village, Mont-Tremblant

À Mont-Tremblant, Christine Blais façonne avec soin ses délices chocolatés selon le principe bean to bar, littéralement de la fève à la tablette, d’où le nom très québécois de l’entreprise, Palette de bine. La propriétaire contrôle toutes les étapes de fabrication de son chocolat à partir de la réception des fèves de cacao des producteurs qu’elle sélectionne soigneusement. Son chocolat ne contient que des fèves de cacao et du sucre, mais sa qualité lui a valu de prestigieux prix (notamment une médaille d’or aux International Chocolate Awards 2017). La chocolatière remporterait haut la main une médaille de résilience si un tel concours existait: en octobre dernier, son local a pris feu, détruisant tout son matériel. Christine Blais a essuyé ses larmes et relevé ses manches et a trouvé un local juste en face de l’ancien. Au grand bonheur de ses clients, elle a réussi à recommencer sa production à temps pour Pâques, cinq mois à peine après le malheureux événement.

Miels d’Anicet 111, 2e rang de Gravel, Ferme-Neuve

Miels d’Anicet s’est vu récompensé du premier Laurier de la gastronomie québécoise, dans la catégorie producteur de l’année, en avril dernier. De passage à Ferme-Neuve, il est toujours possible de visiter la miellerie, ainsi que de profiter des petits plats de la Cantine Pollens & Nectars pendant la belle saison.

de fond et de motoneige l’hiver. Ils sont plus d’un million à avaler ses kilomètres chaque année, en tout ou en partie, faisant du parc linéaire un formidable moteur touristique et économique.

Centre d’exposition de Val-David 30, avenue Filion, Saint-Sauveur

Le parc linéaire Le P’tit train du Nord, entre Bois-des-Filion et Mont-Laurier Situé sur une ancienne voie ferrée dont on a enlevé les rails pour convertir le trajet en une majestueuse piste cyclable de 232 kilomètres, entre Bois-des-Filion et Mont-Laurier, le parc linéaire Le P’tit train du Nord a permis de revitaliser les environs de la gare de nombreuses municipalités, notamment celles de Val-David et de Prévost. Les points de vue agréables en cours de route ne manquent pas, notamment avec les chutes Wilson près de Saint-Jérôme. Empruntée l’été par les locaux se déplaçant aisément de village en village en vélo ou en patins à roues alignées, par les cyclistes de compétition vêtus de lycra ou simplement par les familles qui s’y baladent, la voie accueille aussi les amateurs de ski

Lieu de diffusion important pour les arts contemporains dans la région et grandement apprécié par sa communauté, le Centre d’exposition de Val-David propose des expositions de qualité sans coût d’entrée. Sous la direction de Manon Regimbald, qui souhaite que le public puisse avoir accès fréquemment aux œuvres des artistes et des artisans qui y sont mises en valeur, le Centre compte également un volet éducatif afin d’aider les étudiants et les enseignants à intégrer les arts visuels à leurs apprentissages. Le Centre est situé en plein cœur de Val-David et a longtemps été connu sous le nom de La Maison du village, signe de son implication dans la communauté. De nombreux artistes de renom y ont exposé, comme Richard Purdy, Hélène Dorion, Simon Beaudry et Andrée-Anne Dupuis Bourret.

Pour Anicet Desrochers et Anne-Virginie Schmidt, le miel incarne une fabuleuse occasion de goûter les richesses et les particularités d’un territoire. Dans le cas des Miels d’Anicet, ce territoire est celui des environs du 2e rang de Gravel, à Ferme-Neuve, dans les Hautes-Laurentides, et en résulte des miels bruts (sans filtration), crus (sans chauffage) et biologiques (la zone de butinage des abeilles est constituée de végétation sauvage et bio). Aux miels s’est ajoutée plus récemment une gamme de produits de soins pour le corps, Mélia, où miel, cire d’abeille et propolis tiennent une place prépondérante dans la fabrication. Signe d’une philosophie d’entreprise qui trouve écho chez les Québécois, Le parc linéaire Le P’tit train du Nord  photo Jean-Pierre Lavoie

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Boucannerie Belle-Rivière

Moulin Légaré

8871, rang Saint-Vincent, Mirabel

232, rue Saint-Eustache, Saint-Eustache

Cette entreprise s’avère un Le Moulin Légaré, situé à Saintincontournable pour tout carnivore Eustache, a été construit en 1762, à temps plein ou partiel de alors que la maison du meunier, plus passage dans la région de Mirabel. récente, remonte à 1902. Classé Comme son nom le laisse deviner, monument historique depuis 1976 et la Boucannerie Belle-Rivière a propriété de la Ville depuis 1978, il développé une expertise dans tout est le plus vieux moulin fonctionnant ce qui est fumé, en plus d’offrir un à l’eau et n’ayant jamais cessé de service très apprécié de débitage fonctionner en Amérique du Nord. et de dépeçage pour le gibier – les On y produit entre 30 et 40 tonnes chasseurs peuvent y amener leurs de farine annuellement selon les bêtes directement – et de la viande méthodes traditionnelles, grâce élevée localement. Dans ce lieu au meunier et à son assistant. attachant au service attentionné et Il est possible d’y acheter de la sympathique, chacun y trouve son farine de blé, produite depuis 1762, compte parmi les spécialités de de la farine de sarrasin, produite boucherie et de charcuterie, que depuis plus de 100 ans, ainsi qu’un ce soit le jerky, le baloney à l’ail ou mélange à crêpes maison. La encore les saucisses maison. Située Corporation du Moulin Légaré, un sur la rue Saint-Vincent, achalandée organisme à but non lucratif qui seulement pendant le temps des assure la protection et la mise en sucres, la Boucannerie est l’un de valeur du moulin, offre également ces secrets bien gardés que vous ne des activités d’interprétation pour découvrirez pas sur Pinterest. les visiteurs. MARCHE_ICI_PUB_Voir.qxp_Mise en page 1 18-05-01 14:40 Page1

Moulin Légaré  photo Joanne Lévesque

VAL-DAVID rue de l’Académie Samedi 9 h - 13 h | 26 mai - 6 oct. PRÉVOST Gare P’tit train du Nord Samedi 9 h - 13 h | 16 juin - 8 sept.

UNIQUEMENT agroalimentaires UNIQUEMENT des produits d’ici 146

Tour du Québec Laurentides

marchesdici.org |

SAINT-CONSTANT 121, rue Saint-Pierre Samedi 9 h - 13 h | 23 juin - 8 sept. LAC-BROME 48, rue Maple Samedi 8 h 30 - 12 h 30 | 2 juin - 6 oct. MIRABEL Premium Outlet Jeudi 14 h 30 - 19 h | 7 juin - 13 sept. SAINT-LAMBERT rue Aberdeen Jeudi 15 h - 19 h | 7 juin - 13 sept.

Marchés d'ici |

@marchesd'ici


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Tour du QuĂŠbec Mauricie

Microbrasserie Le Trou du diable Aux berges du Castor Microbrasserie La PĂŠcheresse Sur la route



( à boire) Microbrasserie Le Trou du diable Mauricie mots. Fanny Bourel photos. Clément Villemont

Frères de houblon Pendant longtemps, Shawinigan l’ouvrière a tiré sa prospérité des milliards de mètres cubes d’eau de la rivière Saint-Maurice, dont la puissance contribue toujours à alimenter une bonne partie du Québec en électricité. Au début des années 2000, un groupe de copains va transformer cette ville, durement frappée par deux décennies de déclin industriel, en un emblème québécois d’un autre or liquide: la bière. Pionnière de la production de bière artisanale, la microbrasserie Le Trou du diable fait désormais la fierté d’une ville en plein renouveau.

R

ien ne prédestinait André Trudel et Isaac Tremblay, deux enfants du pays qui ont fait les 400 coups à l’école secondaire de Saint-Mathieudu-Parc, à créer une microbrasserie connue jusqu’à l’autre bout du monde. Dans les années 1990, André travaillait derrière les fourneaux d’un restaurant mexicain de sa ville natale. Ayant commencé à brasser de la bière dans son soussol, il décide de partir en Europe se perfectionner à l’art du brassage. À son retour au Québec en 1999, sa décision est prise: il sera maîtrebrasseur. Après une expérience d’assistant-brasseur, il lui vient l’envie d’avoir sa propre brasserie. À l’époque, Isaac, machiniste sur des plateaux de tournage à Montréal, s’ennuie de la campagne mauricienne. Il accepte alors d’aider son ami d’enfance à se lancer dans la production de bière de microbrasserie. «Ça s’est révélé plus compliqué que je le pensais», avoue en riant celui qui dirige aujourd’hui le développement des affaires. En ce changement de millénaire, si Unibroue ou les bières Boréale ont déjà ouvert la voie au Québec,

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la bière de microbrasserie reste très marginale. Un alcool dont Isaac aime la diversité et la forte personnalité, loin de l’uniformité des bières traditionnelles: «C’est tout un monde stimulant à découvrir. C’est comme ouvrir un livre de 2000 pages qui va te demander des années [à lire].» C’est donc sur les plateaux de tournage, pendant les prises, qu’il rédige le plan d’affaires du Trou du diable. Sans argent et sans expérience entrepreneuriale, les deux chums vont mettre cinq ans à concrétiser le rêve d’André. Entretemps, trois autres gars se joignent à l’aventure: Franck Chaumanet, un Français, électricien dans le cinéma et adepte comme eux du Duché de Bicolline – un domaine de jeu de rôles médiéval situé à SaintMathieu-du-Parc –, Dany Payette, lui aussi un chum du secondaire, et Luc Bellerive, enseignant et voisin d’André. Le groupe déniche un triplex résidentiel à Shawinigan que le propriétaire accepte de rénover entièrement. Pourquoi Shawinigan?

«On avait identifié un besoin ici, explique Isaac. On a créé le pub que nous et nos amis voulions avoir pour boire des bonnes bières.» Le Trou du diable tire son nom des eaux particulièrement tourbillonnantes qui se forment à un endroit précis de la Saint-Maurice; un choix qui reflète autant l’ancrage dans le terroir de la microbrasserie que la force de l’énergie qui anime Isaac et ses acolytes. Le plus gros chai à bière du Canada Par une froide soirée de décembre 2005, Le Trou du diable accueille ses premiers clients. Deux minutes avant l’ouverture, les cinq associés, amaigris et les yeux cernés, s’affairent encore à ranger le bar. «On n’avait même pas de fourchettes, se rappelle Isaac. J’ai dû en emprunter au restaurant d’en face!» Les gens du coin se montrent au rendez-vous dès le premier soir. «Depuis, on n’a jamais cessé d’avoir du monde. Beaucoup de clients venaient, car ils trouvaient l’endroit beau. Ils se sont mis à boire de la bière de microbrasserie et ils ont été séduits.»

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En plus des bières régulières, Le Trou du diable produit également des brassins spéciaux, vieillis en fût de brandy de pomme, de bourbon américain ou encore de vin blanc. La cidrerie Michel Jodoin fut l’une des premières à fournir des barils usagés au Trou du diable. Puis, un jour, un client de passage s’intéresse aux barils entreposés dans le pub. Il se trouve que ce Québécois installé aux États-Unis est le plus gros fournisseur de fûts pour les vignobles californiens. Comprenant l’intérêt que représentent les fûts usagés pour les brasseurs de bière, il se lance dans la récupération de barils usagés et devient un partenaire de choix pour Le Trou du diable qui, avec 800 fûts, possède le plus gros chai à bière du Canada. Avec les années, les cinq associés apprennent à jongler entre le brassage, la restauration – le pub fabrique lui-même ses saucisses

et fume son bacon –, le service, la gestion… En 2007, Le Trou du diable ouvre son usine. En 12 ans, la production est passée de 1500 à 17 000 hectolitres par an. Démocratiser les bières de microbrasserie Bons vivants, les cinq gars du Trou du diable n’aiment pas que boire de la bière et bien manger. Ils trippent aussi sur l’art. Pour habiller les bouteilles de leurs bières, ils collaborent avec des illustrateurs comme Fred Jourdain et Alexandre Goulet. «C’est important de donner une personnalité à nos bières, de leur faire raconter une histoire, car la bière n’est pas un produit comme les autres. Pour nous, c’est comme un enfant que l’on voit évoluer, explique Isaac. La bière entretient une relation spéciale avec l’âme, elle peut faire sortir le meilleur comme le pire de l’être humain.» Passionnés de musique, les associés du Trou du diable ont aussi fait de leur broue-pub une salle de spectacle de 200 places, qui accueille des groupes comme Bernard Adamus, Lisa LeBlanc ou encore Canailles. Des shows qui attirent à Shawinigan des gens de partout au Québec.

Molson a résonné comme un coup de tonnerre dans le milieu de la microbrasserie et à Shawinigan. Après une douzaine d’éreintantes années consacrées à faire croître l’entreprise, cette transaction représentait l’occasion de revenir à la base, au plaisir de brasser la bière. Il s’agit aussi pour la brasserie d’explorer des marchés autrement peu accessibles comme les festivals et les arénas, de bénéficier d’un réseau de distribution fort et de démocratiser les bières de microbrasserie. «Le milieu tend à devenir élitiste, estime Isaac. J’aime beaucoup faire découvrir nos classiques à des consommateurs qui s’éveillent à ce genre de bières.» Ce souci de garder la passion pour la brasserie toujours aussi vive se double d’une volonté de transmettre leur style instinctif de gestion à des employés appelés à leur succéder. «Certains sont là depuis longtemps et sont devenus des amis, des confidents. Avec eux et les autres associés, nous sommes des frères d’armes.» Le Trou du diable Mauricie 412, avenue Willow, Shawinigan 819 537-9151 troududiable.com

En novembre dernier, l’annonce de la vente du Trou du diable – mais pas du pub – au groupe

Émilie Duchesne

La Pitoune, Le Sang d’encre ou encore La Buteuse... Les bières du Trou du diable sont pour la plupart sèches et houblonnées. «Elles se descendent mieux que des bières plus corpulentes, qui sont plus riches en sucre et en malt», souligne Isaac. Si la microbrasserie tient à utiliser des ingrédients de qualité, le secret de son succès réside aussi dans la bibliothèque d’une vingtaine de levures qu’elle a développée, chaque levure ayant sa signature.

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(ci-contre) photo. Photosmax; (en-haut) photo. JM Bourque


( territoire ) Aux berges du lac Castor Mauricie mots. Sophie Ginoux

Retour aux sources Au cœur de la Mauricie, après quelques kilomètres de piste forestière, on arrive à un centre de villégiature bien particulier. Niché entre lac et montagnes, et guidé par des valeurs communautaires, Aux berges du lac Castor propose de vivre ses vacances autrement.

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omment peut-on passer de la gestion d’un café-spectacle à Saint-Élie-de-Caxton à celle d’un centre récréotouristique au milieu de nulle part? Avec de l’audace, une vision… et beaucoup de monde. «Nous étions 21 au début de cette aventure», raconte François Chalifour, un des fondateurs. «Nous voulions offrir une solution de rechange plus économique et originale aux gros complexes hôteliers de la région, notamment pour les musiciens et les gens qui assistaient à leur spectacle à notre salle La Pierre angulaire. Nous avions même commencé à couler les fondations d’une auberge non loin de là. Et puis, nous avons appris que l’ancien camp de vacances Val Heureux était en vente.»

totalement coupés du monde, et bâti un premier bloc sanitaire. Nous sommes partis de loin!», avoue François.

Et là, ça a été le coup de foudre. Le site abandonné, majestueux et encore sauvage, offrait beaucoup plus de potentiel de développement que le projet initial. Planche à planche, le travail a commencé pour permettre aux premiers visiteurs de venir séjourner dans le chalet central à l’été 2000. «Tout s’est mis en place progressivement. Nous avons commencé avec l’auberge, puis rendu le chemin forestier plus praticable, passé une ligne téléphonique pour ne pas être

Les valeurs qui guidaient les 21 défricheurs les ont poussés à fonder une coopérative de travailleurs pour gérer Aux berges du lac Castor. «On voulait que les membres puissent vivre de leur activité, que les décisions soient prises collectivement, que notre projet ne repose pas sur les désirs d’actionnaires ou des subventions. Notre mission, depuis le début, c’est de favoriser une mission culturelle en milieu naturel, d’offrir un lieu de rencontre et d’hébergement original

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et abordable et de s’ancrer dans ce magnifique environnement de manière écologique et durable.» Du plaisir, simplement

La belle équipe n’a effectivement pas chômé. Après l’auberge, ils ont isolé six petites huttes où on séjourne à la chandelle, rénové trois chalets, installé des yourtes, aménagé un site de camping rustique, bâti trois lofts de création artistique et ouvert un petit caféresto estival. Chaque année a réservé son lot de nouveautés, comme cette barge flottante sur le lac qui hébergera ses premiers visiteurs cet été, ou encore ces deux simples hamacs munis de moustiquaires si l’on veut s’isoler en pleine forêt.

Cette philosophie a aussi coloré les installations, les activités et la qualité d’accueil du centre, qui est aujourd’hui ouvert tout au long de l’année et mené à temps plein par 4 des 21 anciens membres fondateurs. «Ici, il n’y a pas d’étoiles à l’entrée du site ni dans l’ameublement, mais dans le cœur des gens et au-dessus de nos têtes», indique François. Alors oui, tout est vu simplement aux Berges du lac Castor. L’ameublement est rustique, les cuisines et les installations sanitaires, communes. On n’y dispose pas de salle informatique, encore moins d’ondes cellulaires. On apporte sa literie, on vit sans électricité dans plusieurs structures, on va s’approvisionner dans les petites épiceries et chez les artisans à plusieurs kilomètres de là. Mais le jeu en vaut la chandelle lorsqu’on veut vraiment se déconnecter et vivre une expérience hors des sentiers battus. «Nous tenons à la tranquillité de l’endroit, mais nous proposons des activités en toutes saisons, explique

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«Ici, il n’y a pas d’étoiles à l’entrée du site ni dans l’ameublement, mais dans le cœur des gens et au-dessus de nos têtes.» — François Chalifour


disparu aux Berges du lac Castor. Au contraire, pour encourager les artistes à se rendre dans cette retraite, les propriétaires ont conçu des lofts de création, équipés et insonorisés, qui ont reçu des artistes locaux comme Les Sœurs Boulay, Philippe Brach ou encore Misteur Valaire.

Musique!

Aux berges du lac Castor a réussi son pari un peu fou. En l’espace de 18 ans, cette coop a fait émerger au milieu de nulle part un centre qui

La première vocation musicale et artistique de l’équipe n’a pas

Le 21 juin, ainsi que deux fois au cours de l’été, le centre anime également des petits spectacles intimes. «Ça nous fait parfois vivre des moments magiques, comme quand Juan Sebastian Larobina a joué sur un rabaska sur le lac. Ou bien des histoires cocasses, comme quand un groupe de visiteurs est arrivé ici avec un camion bourré de speakers, pour organiser à notre plus grande surprise un rave qui a fait trembler les murs de toutes nos installations! Nous posons un peu plus de questions à nos hôtes depuis cette aventure», raconte en riant François.

a réuni familles, groupes d’amis, groupes scolaires, touristes et même entreprises. «Ailleurs, les gens rentrent directement dans leur chambre regarder la télévision après leur réunion ou leur repas. Mais ici, on échange, on cuisine et on mange côte à côte, on se recentre. On va s’amuser sur le lac ou dans la forêt, on va chercher ses légumes aux Potagers sauvages, acheter de la truite fumée au petit boucanier Fumés des monts, vider quelques verres au vignoble Le Cavalier du Versant, ou visiter le village de Saint-Élie-de-Caxton. On a toute la liberté et l’autonomie que l’on désire.» Une formule de vacances différente, profondément humaine et inspirante. Alors, qu’irez-vous chercher aux Berges du lac Castor? La sérénité, vos racines, la rencontre, la surprise? Peut-être tout cela à la fois. Aux berges du lac Castor Mauricie 3800, chemin des Allumettes, Saint-Paulin 819 268-3339 laccastor.com

(page de gauche, en-haut) photo. Geneviève Philibert; (en-haut) photo. Jean-Yves Lévesque; (ci-contre) Mary Ann St-Cyr

François. L’été, des canots, des kayaks, des rabaskas et des pédalos sont mis à la disposition de nos visiteurs. Ils peuvent aussi improviser une partie de volleyball ou de pétanque, se regrouper autour d’un feu ou se balader à travers la trentaine de kilomètres de sentiers pédestres que nous avons aménagés. Ils peuvent accéder à un point de vue exceptionnel sur les Montérégiennes, observer un imposant barrage de castors, croiser une faune et une flore préservées...» L’automne, la forêt se pare de couleurs incroyables. Et l’hiver, on peut se tenir occupé en faisant du patin sur le lac, de la raquette sur les sentiers et de la glissade sur tubes. «Nous croyons fermement en cette approche. Nous organisons même, deux fois par an, des corvées pour nettoyer le site en logeant et en nourrissant gratuitement tous les volontaires qui veulent nous donner un coup de main. C’est ça, l’esprit qui habite notre centre.»

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«L’idée, vraiment, c’est de faire rayonner la région au maximum et je pense qu’à date, on réussit et on est bien contents!» — Michael Martineau


( à boire ) Microbrasserie La Pécheresse La Tuque mots. Marie Villeneuve

Bonne à s’en confesser La 155 qui longe le Saint-Maurice est une des plus belles routes du monde. Quiconque visitera ce coin de pays devra la parcourir lentement jusqu’à La Tuque, ville de naissance de Félix Leclerc. Un arrêt s’impose, car c’est là, sur la rue Saint-Zéphirin, qu’on peut désormais aller à la rencontre d’une pécheresse qui gagne à être connue.

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ans le vaste sous-sol de La Pécheresse, Michael Martineau s’adonne au brassage tout en racontant les origines de ce projet qui mijotait dans la tête de ses deux créateurs depuis un bon moment déjà. Sans véritablement se connaître, Michael et Marc-André Ayotte avaient pourtant le même désir: brasser leur propre bière à La Tuque, leur ville natale. «J’ai eu une opportunité d’emploi comme enseignant en musique, après avoir fini mes études à Québec. Marc travaillait dans une distillerie à Montréal. Il est revenu ici; on se connaissait, pas tant que ça, mais il avait aussi en tête de partir quelque chose en revenant à La Tuque. On a commencé à travailler sur le projet en voulant créer quelque chose de nouveau ici, parce que notre région nous tient à cœur et qu’il n’y a pas des millions de trucs qui sortent de l’ordinaire. On voulait créer quelque chose de différent de tout ce qu’on avait vu par le passé.» Enseignant pendant cinq ans, Michael a quitté son poste pour se consacrer entièrement au projet. «Je faisais du brassage maison

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depuis environ deux ans, mais vraiment à petite échelle, de façon autodidacte, avec des chums dans le milieu.» Le 22 juin 2015, leur permis en main, Michael et Marc-André ouvrent La Pécheresse sur la rue Saint-Zéphirin, pour d’abord offrir des produits qui font la promotion de la région. «Au départ, on a commencé avec des produits plus génériques, raconte Michael. Une IPA plutôt standard, une Irish ale, la Windigo, qui est comme une rousse, et une oatmeal stout, la Poudre Noire. Elles portent toutes des noms qui ont des liens avec notre région, comme la Wayagamack (une kölsch), le lac où on prend l’eau pour brasser, qui est notre bière blonde un peu houblonnée, ou bien la C.I.P.A. qui est un jeu de mots avec la C.I.P. (la Compagnie internationale de papier), la vieille shop de pâtes et papiers qui a aujourd’hui changé de nom.» Le brassage s’est rapidement intensifié et a donné lieu à une grande variété de bières. Les deux partenaires sont allés chercher des produits du terroir pour donner une touche unique à leurs confections:

la camerise, un fruit dont la culture est répandue en Haute-Mauricie, au goût se situant entre le bleuet, la framboise et la mûre, des produits de l’érable du Domaine du Sucrier, à Saint-Boniface, et du miel de la région. «Notre Miss Ghost (une gose lime poivrée) est une bière sure lactofermentée et c’est un créneau qu’on veut aller chercher, on est vraiment efficaces sur ce côté-là. On ajoute du zeste de lime, de citron, il y a de la coriandre, du sel et on ajoute un côté poivré aussi. On a une petite nouvelle, une bière blonde (la Mr. Coffee), qui est infusée au café, mais qui n’est pas du tout foncée. On a Mme Rose qui est une bière sure à la camerise. D’ailleurs, on essaie d’utiliser le plus de produits locaux possible. C’est des camerises du coin, et pour le miel qu’on utilise, c’est le même principe (pour la création de la triple belge Mr. Honey). On essaie le plus possible d’utiliser ce qui passe par chez nous.» La Pécheresse brasse également la Rapide Blanc, une blanche d’inspiration allemande, un nom en référence à l’un des barrages

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hydroélectriques les plus populaires en terre latuquoise. On retrouve aussi la Mr. Poe, une New England IPA, un produit bien populaire et recherché au goût prononcé de café, de noisette et de cacao. Les magnifiques et énigmatiques illustrations des bouteilles ont été réalisées par Kristofer Dompierre, un artiste visuel natif de La Tuque. Le brassage, qui atteint en moyenne 100 000 litres par année, est toujours fait par Michael et MarcAndré, aidés de maîtres-brasseurs. «C’est quand même assez énorme pour notre infrastructure et notre équipement!» Les bières de La Pécheresse jouissent d’une belle distribution partout au Québec, avec plus de 350 points de vente, mais aussi une visibilité dans les festivals d’ici. «On a fait le Festival l’aurore boréale de Trois-Rivières, le Festival des bières d’Alma. Cette année, on a réussi à se libérer, et comme nos aides-brasseurs sont plus habitués et qu’ils vont assurer le brassage, on

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pourra aller tous les deux à Trois-Rivières, à Alma, au Festival des bières du monde de Saguenay et au Festibière de Québec, qui est quand même un gros festival!» «On a un sentiment d’attachement, Marc-André et moi, on vient d’ici. On voulait créer quelque chose de différent pour les personnes qui aiment La Tuque comme nous, pour qu’il n’y ait pas que des trucs axés sur la foresterie, la pêche. On est deux personnes qui aiment beaucoup le bois; je suis quelqu’un qui aime cueillir les champignons, les herbes... On est aussi deux musiciens, alors on met l’accent sur la culture en présentant des spectacles. On a reçu dernièrement Mononc’ Serge, on a Émile Bilodeau qui s’en vient, entre autres. Avec le Complexe culturel Félix-Leclerc, qui est la corporation culturelle à La Tuque, on s’est dit qu’on ferait affaire avec eux. On est une petite ville, et tant qu’à aller chercher dans leur clientèle, on s’est dit que

ce serait intéressant de faire affaire avec eux.» L’endroit fait aussi affaire avec Le Boké, un restaurant qui a concocté un menu exclusif et qui assure la livraison pour les clients de la microbrasserie ayant une fringale en cours de soirée. Des soirées d’improvisation, un dimanche sur deux, avec des soirées open mic qui débuteront sous peu animent les soirées à La Pécheresse. Des idées plein la tête avec la région à cœur, Michael et Marc-André travaillent présentement à un projet d’expansion et de collaborations spéciales déjà en branle. «L’idée, vraiment, c’est de faire rayonner la région au maximum et je pense qu’à date, on réussit et on est bien contents!» Microbrasserie La Pécheresse Mauricie 355, rue Saint-Zéphirin, La Tuque 514 903-5844 lapecheresse.ca



Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

photo Le Baluchon

Le Baluchon 3550, chemin des Trembles, Saint-Paulin

Ouvert depuis les années 1980, ce centre d’écovillégiature s’est depuis bien agrandi, comptant aujourd’hui quatre auberges et un chalet et raflant au passage de nombreux prix de tourisme, d’innovation

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et de développement durable. Le Baluchon est installé en plein cœur de la campagne mauricienne: ses 40 kilomètres de sentiers aménagés offrent des promenades dans les prés, les pâturages et les forêts, où l’on croise des chutes d’eau, une vieille chapelle ou un moulin à vent. On peut aussi profiter d’un massage

au bord de l’eau, du studio de yoga et du spa nordique installés sur place. Côté bouffe, le centre compte un restaurant réputé ainsi qu’un écocafé convivial. Bref, retraite détente et nature au programme, le tout dans un cadre magnifique.


Vignoble et Domaine Beauchemin 380 rue Gérin Lajoie, Yamachiche

Situé à une vingtaine de minutes de route de Trois-Rivières, ce vignoble familial a été planté en 2010. Le père, le fils et le cousin Beauchemin travaillent ensemble à créer des vins de climat nordique qui reflètent le terroir québécois. Ils produisent un rouge et un blanc en assemblage (chambourcin, frontenac noir et sabrevois pour le rouge, vidal et louise swenson pour le blanc), ainsi qu’un chardonnay, le tout dans le respect de l’environnement. Les quelque 7000 bouteilles de ce vignoble mauricien sont distribuées dans les épiceries et restaurants de la région, mais ont aussi séduit des sommeliers jusqu’à Montréal, Ottawa ou Québec. Des vins minéraux, légers et faciles à boire qui fleurent bon le terroir local – et qui se vendent en plus à prix abordables.

Distillerie Mariana 531, avenue Dalcourt, Louiseville

1  Vignoble et Domaine Beauchemin  photo Matthieu Delaunay 2  Distillerie Mariana  photo Acolyte

Mariana vient de l’appellation latine de l’épinette noire; avec ce nom, la distillerie veut mettre en avant son attachement à la région, très forestière. Créée en 2014, Mariana est la première microdistillerie de la Mauricie. À sa tête, Jonathan et Jean-Philippe, deux amis d’enfance et forestiers de formation. Ces passionnés de spiritueux proposent une belle gamme d’alcools québécois de qualité aux noms poétiques: vodka Azimut, gin forestier Canopée, rhum épicé Morbleu, absinthe Balzac, liqueurs amères Amernoir et Amermelade, et depuis peu, amaretto Avril – le premier amaretto québécois. Et avec le nouvel alambic dont s’est récemment dotée la distillerie, un whisky devrait s’en venir prochainement! L’équipe prépare également un espace pour recevoir le public directement sur place et lui expliquer les richesses des spiritueux...

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La vieille prison de Trois-Rivières  photo Fralambert

La vieille prison de Trois-Rivières

FestiVoix

Microbrasserie À la fût

800, rue du Fleuve, Trois-Rivières

670, rue Notre-Dame, Saint-Tite

C’est la 10e édition de ce festival de chanson, qui se tiendra cette année du 28 juin au 8 juillet. Les quartiers du Vieux-TroisRivières, du centre-ville et les abords du fleuve accueilleront 15 scènes, dont trois gratuites. La programmation? Une centaine de spectacles, aussi bien d’artistes de renommée internationale qu’émergents, dans des genres de musique très différents: Random Recipe, Dumas, Vincent Vallières, Matt Holubowski, Charlotte Cardin, Les Trois Accords, Bad Religion, Tire le Coyote... L’année dernière, 300 000 personnes sont venues profiter des concerts du FestiVoix. Bref, l’arrêt obligatoire des artistes québécois, et un beau festival en région à découvrir – d’autant qu’il est très abordable (43$ pour 9 jours).

Très populaire, À la fût a dû doubler sa production cette année et ouvrir une nouvelle usine. En voie de devenir l’un des gros joueurs de l’industrie des microbrasseries au Québec, l’entreprise mise toujours sur une ambiance intime à sa succursale de Saint-Tite, établie dans le premier magasin général de ce village western. Avec ses 20 lignes de fût et son menu en ardoise qui change chaque semaine, mais qui comprend toujours ses classiques indéfectibles que sont ses pogos de lapin, sa poutine à la sauce à la bière British et ses «pépites d’or» (un fromage en grains pané accompagné d’une sauce rosée), le resto-pub s’impose comme une destination de choix en Mauricie.

200-A, rue Laviolette, Trois-Rivières

Construite en 1822, cette prison a été en fonction jusqu’en 1986, devenant ainsi le plus vieil établissement carcéral au Canada. On peut maintenant visiter le bâtiment d’origine classé immeuble patrimonial. Si l’endroit était fait pour accueillir 40 détenus, il en a parfois hébergé jusqu’à une centaine. La prison est aujourd’hui rattachée au Musée québécois de culture populaire et sert de centre d’interprétation de la vie carcérale. Les visites des cellules et des cachots sont guidées par d’anciens détenus, qui témoignent de la réalité du quotidien en prison. Les plus téméraires peuvent tenter la «Sentence d’une nuit» et découvrir la vie de prisonnier le temps d’une nuit… Mais la visite d’une heure est amplement suffisante pour se rendre compte de la réalité carcérale et observer ce bâtiment historique.

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Montérégie 164 168 172 176

Ferme des Quatre-Temps Marché public de Saint-Hyacinthe Ô Bokal Sur la route



( terroir ) La Ferme des Quatre-Temps Montérégie mots. Marie Pâris

La ferme de l’avenir Située à Hemmingford, la Ferme des Quatre-Temps a été lancée par André Desmarais pour montrer un nouveau modèle d’agriculture. À sa tête, l’écrivain et chantre de la microferme maraîchère bio, Jean-Martin Fortier, qui a ainsi propulsé la Montérégie dans l’agriculture mondiale.

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ndré Desmarais est venu me voir en 2015.» La Ferme des Quatre-Temps a commencé comme ça, par une rencontre inattendue. Inattendue, car «quand on veut faire la révolution, on ne travaille pas pour les riches!» rigole JeanMartin Fortier. Mais le milliardaire l’approchait avec un beau projet: celui de lancer une ferme holistique d’agriculture régénératrice… Une ferme du futur. Desmarais avait déjà mis l’agriculteur et chercheur

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américain Eliot Coleman sur l’élaboration du projet. Ce dernier oriente alors le milliardaire vers Jean-Martin Fortier. «Eliot m’a encouragé à le rencontrer, raconte le jeune fermier. Il se faisait vieux pour gérer cette ferme, donc il m’a poussé à la prendre en main.» Quand Jean-Martin voit le projet, il constate que c’est exactement ce qu’il fait pour sa propre ferme maraîchère, les Jardins de la

Grelinette à Saint-Armand. «Mais là, on me proposait un plus grand terrain de jeu!» Il laisse alors la gestion de ses jardins à sa conjointe et se fait embaucher à Hemmingford. Depuis, l’équipe a grandi, jusqu’à atteindre aujourd’hui dix personnes affectées aux légumes, trois aux animaux, une à l’administration et une à la cuisine. Ici, les travailleurs sont engagés pour deux saisons. «Je cherche des profils de réussite, pas forcément

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dans le domaine de l’agriculture, précise Jean-Martin. Je suis surtout intéressé par des gens qui sont super bons et que je vais pouvoir former à ma manière. C’est plus la personnalité qui vient me chercher que l’expérience…» Montrer qu’on peut faire autrement Les grandes lignes du projet étaient dressées, et depuis l’équipe s’ajuste et s’améliore au fur et à mesure. Ils ont notamment comme projet de faire des légumes en hiver. «On est à la troisième saison de production. Cette année, on travaille sur les fleurs coupées. À la cinquième saison, on arrivera à maturité, avance Jean-Martin. Ici, on ne réinvente pas l’univers, mais on veut montrer que le bio c’est beau, que c’est aussi beaucoup d’efforts. On veut montrer à la communauté

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agricole qu’on peut faire autrement. On veut montrer aussi qu’il y a des jeunes motivés dans le domaine.» Le but? «Changer la société», tout simplement, en formant des gens qui lanceront ensuite leurs propres fermes sur le même modèle. On peut d’ailleurs suivre le quotidien de la Ferme des Quatre-Temps et son équipe dans la série Les fermiers, qui documente le travail de producteurs agricoles pendant une dizaine d’épisodes, disponibles en intégralité tout l’été sur unis.ca. L’occasion de découvrir à l’écran les coulisses de cette ferme du futur… Si Jean-Martin a de l’expérience en maraîchage bio – ses Jardins de la Grelinette existent depuis plus de 15 ans –, il confie avoir réappris un nouveau métier à la Ferme des Quatre-Temps: «J’ai découvert

plein de choses, comme gérer une grosse équipe, etc. J’ai l’impression que je ne connaissais rien avant d’arriver.» Le grand changement par rapport à sa précédente ferme, c’est qu’ici il ne gère pas les finances. Un aspect plutôt reposant qui lui permet de se consacrer entièrement au maraîchage: «Je n’ai plus à me préoccuper juste de ma survie, donc je peux voir au-delà…» Mission sociale Prévoir, se projeter, anticiper, car il n’y a pas d’autre modèle à regarder; il n’y avait en effet aucun projet de ce genre en maraîchage bio avant au Québec. L’agriculteur prévoit que la Ferme des Quatre-Temps deviendra rentable d’ici l’année 5, pendant laquelle elle devrait être capable de générer des profits. Car en attendant, c’est André

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Desmarais qui paie les pertes. «Certains veulent le démoniser, mais quand on a de l’argent, financer ça au lieu de s’acheter un terrain de golf, c’est beau. Je trouve ça fantastique même», confie Jean-Martin. Si au début la ferme a été accueillie avec beaucoup de scepticisme, aujourd’hui elle remplit bien son rôle, assure le fermier. Un rôle qui comprend notamment une mission sociale, celle du partage des connaissances. L’équipe de la Ferme des Quatre-

Temps fait en effet beaucoup de transfert technologique en produisant et partageant des documents techniques. La porte est aussi ouverte pour faire visiter l’exploitation aux agriculteurs de l’extérieur. «C’est une très belle aventure, et c’est important de partager ça. Ça crée un engouement», s’enthousiasme Jean-Martin. Les documents sont tous en français, mais l’auteur du Jardiniermaraîcher dispense aussi des cours en ligne en anglais à des étudiants

de 40 pays différents. En plus de son travail quotidien à la Ferme des Quatre-Temps, Jean-Martin donne six à sept conférences annuelles dans le monde, et on a pu aussi l’écouter parler de permaculture et de bio sur le plateau de Tout le monde en parle en mars dernier. Bref, la révolution agricole est en marche. La Ferme des Quatre-Temps Montérégie 740, chemin Williams, Hemmingford fermequatretemps.com

V O Y E Z L’ I N T É G R A L I T É D E L A S É R I E LES FERMIERS SUR UNIS.CA

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( pignon sur rue ) Marché public de Saint-Hyacinthe Saint-Hyacinthe mots. Carl Vaillancourt photos. Maggie Boucher

Donner de l’oxygène L’emphysème est une maladie pulmonaire qui peut entraîner la mort si on ne trouve pas un moyen d’alimenter l’organisme en oxygène. La Ville de Saint-Hyacinthe a justement fait le choix en 2016 de donner un nouveau souffle au marché public au cœur du centre-ville maskoutain.

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lors que les grandes villes du Québec se tournent tour à tour vers les magasins à grande surface situés dans des quartiers périphériques souvent peu accessibles, Saint-Hyacinthe a fait le pari d’investir une somme considérable dans son marché public pour préserver la vitalité économique d’une région qui se refait une beauté depuis quelques années. Ce lieu que tous considèrent comme un précieux bijou historique de la région maskoutaine est encore aujourd’hui le véritable poumon du centreville de la municipalité. Son apport en oxygène pour les différents commerces situés dans le bas de la ville est primordial, sans quoi ceux-ci auraient une durée de vie écourtée. Construite en 1877, la structure vieillissante du bâtiment s’était toutefois essoufflée au fil des dernières années, elle qui avait eu sa dernière cure de rajeunissement il y a environ 35 ans. Inquiets de sa solidité, les conseillers municipaux n’ont eu d’autre choix que de se questionner sur la viabilité du bâtiment patrimonial. Ce n’est toutefois qu’en 2016 qu’une

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réflexion s’est amorcée pour les conseillers municipaux. Est-ce que le temps était venu de greffer un nouveau poumon ou simplement alimenter ce dernier d’une source nouvelle d’oxygène qui permettrait au quartier de respirer comme dans ses belles années? Le conseil municipal était unanime, il fallait impérativement préserver ce joyau économique et patrimonial. Hors de question de tourner une page d’histoire pour le moment. Le conseil municipal a donc fait le choix d’investir une coquette somme qui dépasse les 7 millions de dollars pour quatre phases de construction qui permettront de donner une nouvelle vie au marché. Pour Claude Corbeil, maire de Saint-Hyacinthe depuis 2013, la préservation du patrimoine et la vitalité économique vont de pair: «Il va de soi que le marché public est le cœur de notre centre-ville de par son histoire, mais également de par son attrait touristique et économique. Sans aucun doute, les membres du conseil voulaient garder notre marché public, qui est synonyme de vitalité économique dans notre centre-ville.»

Issu d’une famille d’agriculteurs de plusieurs générations, celui qui agit à titre de grand manitou de la municipalité depuis maintenant cinq ans n’a que de bons souvenirs de jeunesse liés au monument qui a eu de nombreuses utilités pour la Ville: «On y allait l’été chercher des légumes et des fruits. L’Hôtel de Ville a déjà été installé au deuxième étage. Le palais de justice également il y a plusieurs années. Il a servi de salle communautaire pour les résidents du secteur. Maintenant, il y a le centre d’expression qui permet aux artistes de faire voir leur travail.» Une offre sans égale Malgré l’arrivée des supermarchés de grande surface dans la région maskoutaine, la clientèle n’a jamais été aussi fidèle depuis quelques années. Son emplacement demeure son atout le plus important selon les différents acteurs qui exploitent leurs entreprises à l’intérieur ou même à proximité du marché qui a fêté ses 140 ans l’an dernier. «C’est assurément le cœur du centre-ville. Sans le marché public situé à cet endroit, les petits commerces autour

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n’auraient pas le même succès sans l’ombre d’un doute», a fait valoir une employée d’un commerce ouvert depuis près de 20 ans près du marché public. Pour leur part, les commerçants locataires qui sont installés à l’intérieur de l’édifice centenaire sont heureux de la décision prise par la Ville. D’ailleurs, les dernières années ont été fastes malgré les travaux de construction qui paralysent certaines activités à l’extérieur du bâtiment. «Les ajouts auront sûrement un effet positif. Il y aura l’ajout d’un nouveau stationnement pas très loin, ce qui était un enjeu majeur depuis plusieurs années. Ça va permettre aux gens de pouvoir facilement venir nous rendre visite», a fait remarquer Michel Charron, propriétaire de la Boucherie Charron qui est installée au cœur du marché depuis 51 ans maintenant. Pour sa part, Mélanie Tétreault, copropriétaire de la Poissonnerie

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Charron, estime que le marché public offre une ambiance qui ne se retrouve nulle part ailleurs dans les supermarchés. «Il y a des gens qui viennent ici depuis des années. C’est un endroit où il y a une expertise et des produits frais de qualité supérieure. Je reçois chaque jour environ six à sept livraisons de poissons et fruits de mer, ça fait une grande différence auprès de notre clientèle», a-t-elle assuré en mentionnant que son chiffre d’affaires a connu une croissance intéressante depuis 2001. Le marché de tous Rares sont les endroits qui peuvent se vanter d’attirer des foules aussi diversifiées que celles qui se présentent chaque semaine au marché public maskoutain. Employé à la boulangerie depuis près de trois ans, Simon Drapeau estime que la diversité de sa clientèle est vraiment impressionnante. «Il y a les gens d’affaires des banques, les aînés, des collégiens qui étudient

au cégep, des familles, des gens issus de minorités ethniques, des gens dans une situation financière plus difficile. J’ai rarement vu un endroit qui réunit autant toute la communauté d’une ville», a-t-il avoué. Depuis quelques années, la Ville a même profité de l’esplanade qui borde le marché public pour présenter des spectacles de différents groupes des communautés ethniques de la municipalité chaque dimanche et offrir des dégustations. Une initiative qui permet aux Maskoutains de s’ouvrir sur le monde dans un endroit qui représente une page d’histoire importante de la région. Le Marché public de Saint-Hyacinthe Montérégie 1555, rue des Cascades Ouest, Saint-Hyacinthe 450 774-8602


Destination plein air par excellence à deux pas de Montréal, la région regorge d’attraits et d’événements, sans oublier les nombreuses activités à faire à l’intérieur !


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( pignon sur rue ) Ô Bokal Saint-Basile-le-Grand mots. Sophie Ginoux photos. Caroline Bergeron

Faire la différence Dans la petite commune de Saint-Basile-le-Grand, une épicière surprenante souhaite changer la vision que les Montérégiens ont de leur consommation et de leurs voisins.

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alérie Sirois a ouvert sa boutique Ô Bokal en 2016 après avoir travaillé pendant plus de dix ans dans le domaine de l’alimentation. Dix ans au cours desquels elle a pris conscience qu’il fallait proposer une alternative à l’épicerie traditionnelle. «J’étais vraiment mal à l’aise avec plusieurs choses. Je trouvais dommage que par manque de temps ou par facilité, les gens achetaient sans cesse des produits transformés dont ils ne regardaient pas le contenu. Je voyais le gaspillage énorme qui s’opérait dans les magasins, qui jetaient une quantité impressionnante d’aliments qui étaient encore bons. Et plus globalement, ça me révoltait de constater à quel point nous, les consommateurs, encouragions l’ultraconsommation. Assiettes monstrueuses dans les restaurants, achats inutiles de grandes quantités de denrées, séduction malsaine des promotions deux pour un… C’était épouvantable.» Ouvrir une épicerie en région qui encourage la consommation responsable et s’intègre dans la mouvance zéro déchet, c’est courageux. «Je me souviens que lorsque j’ai sondé le terrain avant d’ouvrir Ô Bokal, les gens me regardaient comme si j’étais folle! Ça n’existait vraiment pas dans le coin, cette façon de faire, d’apporter des contenants réutilisables pour

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faire son épicerie et de n’acheter que ce dont on a besoin.» Malgré tout, Valérie a tenu bon et a concrétisé son projet. Puis, jour après jour, elle a gagné de la clientèle et est parvenue à faire de son épicerie une destination. «La grande force d’Ô Bokal, c’est de toucher un large public. Parce que s’approvisionner dans une épicerie zéro déchet, ce n’est pas être automatiquement un granola! Mes visiteurs apprécient le fait d’avoir accès à des produits de qualité et frais en vrac, de n’acheter que ce qui leur est nécessaire et de faire du même coup des économies.» La clientèle de l’épicerie est effectivement très bigarrée. On y croise des petites familles dont les enfants s’occupent avec des jeux de société pendant que leurs parents font leurs courses, des jeunes de la génération Y, ou encore des retraités. On ne se sent pas du tout fiché ou ostracisé au Ô Bokal. «Nous avons une très belle ambiance ici. Les gens s’y sentent comme chez eux. Ils se parlent, posent des questions à notre personnel. Et reviennent, ce qui est toujours bon signe.» Épicier responsable Valérie se bat contre les stéréotypes. Elle a constaté sur le terrain à quel point les produits des épiceries traditionnelles

manquaient de rotation, étaient mal gérés sur les étals, sujets au suremballage et à l’information trompeuse. Un portrait peu reluisant qu’elle tente de faire oublier dans sa propre épicerie en mettant en place des normes de qualité assez strictes. Les aliments sont frais et pour la plupart biologiques, les pots qui les contiennent sont désinfectés régulièrement et fermés hermétiquement, et chacun d’entre eux dispose de sa propre pelle pour éviter tout risque de contamination. «Ces principes nous assurent la confiance des gens, c’est très important.» L’épicière attache également beaucoup d’attention au choix de ses fournisseurs. «Je veux encourager les producteurs locaux qui acceptent de jouer le jeu. Il y a plein de produits que je n’ai pas pu accepter parce qu’ils étaient trop emballés, par exemple.» Cette logique d’approvisionnement est valable pour le miel fourni par l’apiculteur Jardins Abeilles de Varennes et les huiles de La Goutte d’or située à Farnham, comme pour le sirop d’érable provenant de l’érablière Normand Fontaine de Saint-Marc-sur-le-Richelieu et les linges de nettoyage réutilisables et compostables de la petite entreprise Kliin, à Belœil. On ne trouve pas de tout au Ô Bokal, mais on sait que ce qui

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s’y trouve correspond à la mission que s’est donnée sa propriétaire. Valérie a d’ailleurs fait le choix assumé de ne pas disposer de beaucoup de produits rapidement périssables. On peut acheter sur place du lait, des œufs, mais aucun légume ou fruit. «Ce type de produits est difficile à gérer, alors j’ai préféré mettre en place, pendant la période estivale, des visites de producteurs dans ma boutique pour pallier ce manque. Éco Jardins RiveSud de Sainte-Julie vient ici vendre régulièrement ses productions de la semaine par exemple.» Dynamiser le quartier En ouvrant son commerce, Valérie voulait qu’il réussisse, bien sûr. Mais elle avait aussi à cœur de valoriser son quartier, un peu oublié des

clients en raison de travaux majeurs et de grandes surfaces situées à proximité. «La montée Robert a besoin d’amour. Elle dispose de petites boutiques comme la mienne qui méritent d’être encouragées, comme la boulangerie Au bec sucré et la Boucherie Lapointe gourmande.» Dans cette optique, Ô Bokal s’est diversifié. On y trouve maintenant un café-bistro – au mobilier récupéré, évidemment – qui propose un petit menu santé et fait maison qui compte des options végétariennes et véganes pour les personnes qui souffrent d’intolérances ou ont fait ce choix alimentaire. Valérie a également choisi d’encourager la relève locale, que ce soit en vendant des œuvres d’artistes du coin exposées

sur ses murs, en organisant des conférences sur l’alimentation durable ou bien l’environnement, ou encore en présentant des spectacles de chansonniers et d’humoristes. «Ma prochaine étape, c’est de mieux alimenter le site web et les réseaux sociaux d’Ô Bokal, pour amener notre offre en ligne et pousser encore plus loin notre mission.» Valérie est vraiment inarrêtable! Ou simplement passionnée. Gageons qu’elle fera la différence comme elle le désire tant. Ô Bokal Montérégie 53, montée Robert, local 101, Saint-Basile-le-Grand 450 441-4144 obokal.com

V O U S AV E Z U N E I D É E I N C R O YA B L E ? D E S J A R D I N S , E N PA R T E N A R I AT AV E C D E S O R G A N I S M E S PA R T O U T A U Q U É B E C , A P P U I E D E S C E N TA I N E S D ’ I N I T I AT I V E S L O C A L E S C O M M E Ô B O K A L P A R L E B I A I S D U P R O G R A M M E C R É A V E N I R . P R E N E Z P A R T À L’A V E N T U R E !



Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Les îles de Sorel  photo Louise Rivard

Les îles de Sorel L’archipel des îles de Sorel, situé au sud du lac Saint-Pierre, compte 103 îles, ce qui en fait le plus important archipel du Saint-Laurent. De mai à octobre, pour explorer les richesses que recèlent sa flore et sa faune et les multiples dédales que prennent ses chenaux, rien de mieux qu’une promenade sur l’eau, qu’elle

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se déroule en bateau, en ponton, en canot ou en kayak. On y trouve le refuge faunique de la Grande-Île, qui abrite la plus grande héronnière connue en Amérique du Nord, avec ses 5000 hérons. C’est au sein de cet archipel qu’on trouve près de la moitié des milieux humides du SaintLaurent, ce qui permet d’observer chaque année des milliers d’oiseaux aquatiques migrateurs, ainsi que de

nombreuses espèces d’oiseaux, de poissons et de plantes rares. Après une visite sur l’eau, on peut terminer son expérience au musée Biophare, qui présente des expositions et offre des activités culturelles et éducatives autour de la réserve de la biosphère du Lac-Saint-Pierre, inscrite au patrimoine de l’UNESCO depuis 2000!


Festival Artefact Pour sa septième édition qui aura lieu du 26 au 28 juillet, le Festival Artefact s’extrait du Valleyfield qui l’a vu naître et grandir pour planter ses racines à VaudreuilDorion. Planté dans un décor plus urbain, il propose encore cette année une sélection musicale de qualité à la hauteur de sa réputation, avec comme têtes d’affiche Galaxie et Lydia Képinski le samedi, Klô Pelgag et Hubert Lenoir le vendredi ainsi que Random Recipe et Gazoline le jeudi. Artefact comptera pour la première fois sur un volet d’art contemporain et mettra à profit la tour d’eau adjacente au nouveau site, dans le secteur Dorion, grâce à des projections. Grâce à un enthousiasme palpable de la part de la municipalité et un appui de la communauté d’affaires de Vaudreuil-Dorion qui s’est traduit par de nombreuses commandites, l’accès au festival sera gratuit cette année.

Zaricot 1460, rue des Cascades, Saint-Hyacinthe

À la fois bar et salle de spectacle faisant rayonner la musique émergente et locale à SaintHyacinthe et ses environs, le Zaricot célébrera toute l’année ses 15 ans d’existence, ce qui n’est pas un mince exploit dans le contexte actuel. Après avoir accueilli Patrick Watson en mai pour le lancement des festivités (les billets se sont envolés en trois heures à peine!), la petite salle de la rue des Cascades se garde des beaux moments en réserve d’ici décembre: Fred Fortin s’y produira le 15 juin, alors que Hubert Lenoir, Beyries, Salomé Leclerc, Alaclair Ensemble et Pépé et sa guitare suivront. Si le Zaricot est reconnu comme un merveilleux tremplin hors de Montréal pour les groupes émergents, on salue aussi son ouverture d’esprit face à sa clientèle variée qui compte des jeunes comme des plus vieux, et la qualité d’écoute exceptionnelle de son public, qui est appréciée autant en salle que sur scène.

photo Bières et saveurs de Chambly

Bières et saveurs de Chambly 2379, boulevard Industriel, Chambly

Incontournable pour tout amateur de produits brassicoles québécois, Bières et saveurs sera de retour au parc du Fort-Chambly pour une 17e édition lors de la fin de semaine de la fête du Travail. L’événement se veut un lieu de rencontre entre les différents producteurs, microbrasseries, vignobles et cidreries, et les 65 000 festivaliers qui se déplacent pour faire le plein de découvertes gustatives. Les exposants de tout le Québec convergent donc chaque année vers Chambly pour ce rendezvous majeur qui constitue pour eux une fabuleuse vitrine. Depuis maintenant trois ans, le festival s’est donné comme mission de faire rayonner les produits québécois à l’étranger et parcourt les rencontres brassicoles autour du monde. Bières et saveurs compte depuis deux ans un petit frère hivernal, Caribü, qui se déroule à Longueuil.

Le Circuit du Paysan Si la Montérégie est aussi réputée pour son agrotourisme aujourd’hui, le Circuit du Paysan, qui célèbre ses 20 ans d’existence cette année, n’est certainement pas étranger à ce rayonnement. Les agriculteurs, les producteurs et les entrepreneurs de la région ont compris rapidement que l’union fait la force. S’imposant rapidement comme l’une des meilleures routes gourmandes de la province et longeant la frontière américaine, et délimité d’une part et de l’autre par la rivière Richelieu et le lac Saint-François, le Circuit propose un trajet en boucle sur 194 kilomètres, à suivre dans son ensemble ou en partie, en vélo ou en auto. Si de nombreux commerces reviennent année après année, le Circuit du Paysan prend soin d’intégrer des nouveautés chaque année: cette saison, la toute nouvelle brasserie et distillerie Champ libre, qui a ouvert ses portes en mai dans Mercier, se joint à la proposition touristique.

Tour du Québec Montérégie

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La Ferme d’André 1082, chemin Upper Concession, Ormstown

Camp de vacances destiné aux enfants de 5 à 15 ans, la Ferme d’André a été fondée en 1969 à Ormstown par l’enseignant (maintenant à la retraite) André Giguère, qui lui donne son nom. Il est alors convaincu qu’un séjour en milieu agricole bénéficie aux enfants à de multiples niveaux, et les années continuent à lui donner raison. À la Ferme d’André, les activités proposées sont nombreuses: on peut y monter à cheval, promener un lama ou un alpaga, aller chercher les œufs au poulailler, flatter des lapins, se baigner, partir en randonnée,

jardiner ou relaxer dans un tipi en cèdre. Là où la formule se distingue, c’est qu’en dehors des heures de lever et de coucher et des repas, le déroulement de la journée est établi par l’enfant lui-même, qui peut moduler son horaire au gré de ses envies. La Ferme d’André est un organisme à but non lucratif depuis 2013, et tous les profits sont réinvestis dans les services et les infrastructures du camp afin de poursuivre la mission d’André.

Domaine des Salamandres 196, chemin de Covey Hill, Hemmingford

Le Domaine des Salamandres est une entreprise familiale, spécialisée

en produits vinicoles et poirés. Le domaine compte depuis 2006 environ 300 poiriers, divisés en trois variétés (Beauté flamande, Bosc et Bartlett), qui servent à fabriquer les poirés de glace, ainsi que près de 8000 ceps de vigne, qui donnent des vins blancs, de vendange tardive et de glace. Il est situé à Covey Hill, en Montérégie Ouest, un lieu qui jouit d’un microclimat exceptionnel où l’on retrouve en grand nombre la salamandre sombre des montagnes. Le Domaine des Salamandres récolte de nombreux prix en raison de la très grande qualité de ses produits. Faisant partie du Circuit du Paysan, il est possible de le visiter.


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Tour du Québec Outaouais

Montebello Rockfest Joual de Bataille Soif Bar à vin Sur la route



( culture ) Montebello Rockfest Outaouais mots. Olivier Boisvert-Magnen photos. Rockfest de Montebello

Revitaliser l’Outaouais Grâce au succès du Rockfest, festival qu’il a fondé en 2005 dans son village natal de Montebello, l’entrepreneur et musicien Alex Martel a donné une impulsion insoupçonnée à la région outaouaise.

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l faut déjà avoir mis les pieds à Montebello pendant le Rockfest pour comprendre l’ampleur du phénomène. Au-delà des têtes d’affiche internationales qui s’y produisent chaque année, c’est l’accueil et la générosité des gens du coin qui frappent aux premiers abords. Au lieu de se cloîtrer dans leurs maisons quand des centaines de milliers de festivaliers bruyants prennent d’assaut leur paisible village, les Montebellois partent à leur rencontre, les convient à prendre une bière ou les invitent à camper sur leur terrain pour une modique somme. «Les résidents ont été super cool avec nous dès le départ», observe Alex Martel. «Historiquement, je

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crois qu’ils sont habitués de voir des gens de l’extérieur débarquer chez eux, que ce soit au Château Montebello, au Parc Oméga ou au Manoir Papineau. C’est certain que cette expérience-là avec les touristes a aidé à favoriser l’arrivée d’un gros événement comme le Rockfest. Il y a évidemment eu un clash culturel lors des premières éditions, mais les gens d’ici ont fini par comprendre que nos festivaliers étaient du monde relativement normal et qu’il fallait pas se fier aux apparences.» Pourtant, rien ne laissait présager qu’un jour, un village d’à peine 950 habitants «à la population vieillissante» allait devenir la Mecque québécoise du rock.

Au début des années 2000, la jeunesse de ce que tous appellent encore la PetiteNation (une ancienne seigneurie maintenant regroupée dans la MRC de Papineau et dont fait partie Montebello) se butait à un criant manque de lieux de diffusion, malgré le nombre considérable de groupes rock et punk qui fourmillaient dans les garages et les sous-sols. La version embryonnaire de la formation d’Alex Martel, Deadly Apples, a vu le jour en plein cœur de ce néant. «On devait jouer dans les centres communautaires de la région ou bien s’arranger comme on peut. J’me rappelle qu’on a joué dans le gazon devant le chalet de mon père. C’était du gros n’importe quoi», se souvient le

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«Peu à peu, le cliché de la région plate se brise, observe Martel. Les jeunes aident vraiment à redorer notre image, à en montrer une nouvelle facette.»

photo Antoine Bordeleau

— Alex Martel

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chanteur, en riant. «Il y avait aussi le défunt festival Musique en nous, qui organisait toujours une soirée pour les jeunes, mais rien de consacré uniquement au rock.» C’est donc en grande partie pour donner une vitrine à son groupe qu’Alex Martel a organisé le premier Rockfest en 2005 sur un terrain de baseball de son patelin. Sans le savoir, le passionné de 19 ans allait changer la dynamique de son coin de pays. «Avant ça, j’avais une tout autre vision de la région. Je l’associais à sa métropole, Gatineau, un endroit que j’avais toujours trouvé vraiment plate et qui m’apparaissait comme une ville de fonctionnaires où les gens se couchent à 9 heures. C’était peut-être juste des stéréotypes, mais je voulais rendre tout ça plus intéressant.» Depuis, ça bouge en Outaouais, et tout particulièrement à Gatineau. Du happening électronique Riverside jusqu’au tout nouveau festival de radio numérique Transistor, en passant par le Festival d’humour de Gatineau et le populaire Festibière, la «ville de fonctionnaires» profite d’un

dynamisme éclatant, notamment animé par l’élan qu’a donné le Rockfest à la région. Ajoutez à ça l’avènement d’Orkestra, ambitieuse boîte événementielle et marketing, de Glitch, initiative proposant une programmation taillée sur mesure pour les jeunes de 14 à 25 ans, et de L’ambassade culturelle, compagnie de gestion et de promotion d’événements musicaux intimement associés au bar-spectacle Le Minotaure, et on peut sans aucun doute parler d’une effervescence culturelle gatinoise, manifestement propulsée par de jeunes entrepreneurs. «Peu à peu, le cliché de la région plate se brise, observe Martel. Les jeunes aident vraiment à redorer notre image, à en montrer une nouvelle facette.» En revanche, le Montebellois de 31 ans remarque que ce bouillonnement n’est pas partagé dans toute la région outaouaise. Dans sa Petite-Nation, qui s’étend de Fassett jusqu’à Thurso, la construction du tronçon de l’autoroute 50 reliant Lachute et Gatineau (finalisé en 2012) a changé bien des choses pour les commerçants qui, auparavant, pouvaient compter sur

davantage de touristes longeant la rivière des Outaouais, par l’entremise de la route 148. «Depuis l’ouverture de la 50, les gens partent. C’est dommage, mais tu peux presque compter le nombre de restos abandonnés en chemin vers Gatineau», déplore-t-il. «Montebello, c’est la seule place où il y a encore beaucoup de vie, et j’ai l’impression que le Rockfest en est responsable en partie. Certains commerces font leur argent de l’année durant notre festival.» Encore et toujours résident du village, Alex Martel se dit fier de représenter Montebello. «Je voyage vraiment beaucoup, et cet endroit-là m’aide à garder les deux pieds sur terre. C’est un mélange de nostalgie et d’habitude. Mais, bon, c’est certain que je détonne, car j’ai rien à voir avec les gens super tranquilles qui vivent là-bas. Pour eux, je suis le gars de campagne qui a l’air d’un gars de la ville. Je suis vraiment le mouton noir.» Montebello Rockfest Du 14 au 16 juin Outaouais Montebello montebellorockfest.com

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«On s’est fait beaucoup dire: “Je pensais que c’était plate la poésie, mais c’est vraiment le fun ce que vous faites”» — Karo Gravelle


( culture) Joual de Bataille Outaouais mots et photos. Maryse Boyce

L’oralité comme matériau poétique Joual de Bataille est né d’un désir d’affirmer la part d’identité contenue dans l’oralité, à travers la poésie. Le collectif, né modestement en Outaouais il y a environ quatre ans, façonne et diffuse depuis ses brûlots poétiques là où on ne s’attend pas nécessairement à les trouver.

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e noyau dur de la formation est constitué de Benoit Legros et Alexandre Deschênes, les deux fondateurs, ainsi que de Karo Gravelle et JF No. Si Joual de Bataille a d’abord revêtu la forme d’un blogue, où sont publiés les textes d’une douzaine d’auteurs outaouais, c’est surtout en spectacle que la bande atteint sa force de frappe. Le collectif a ainsi ralenti ses publications et multiplié ses apparitions dans les événements littéraires, musicaux (dont les deux dernières éditions du Festival de l’Outaouais émergent) et politiques. Comme son nom le laisse entrevoir, Joual de Bataille souhaite explorer les possibilités qu’offre la langue orale et en affirmer la richesse. Alexandre Deschênes est catégorique: le joual «est un matériau fantastique: y a un rythme dans cette langue-là, une profondeur, une cadence, une musicalité qui est extrêmement dense et créatrice pour quelqu’un qui s’y attarde.» «C’est comme si on avait mis une couche de stainless steel qui étouffe

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la belle terre noire en dessous, résume Benoit Legros. Nous autres, tout ce qu’on fait, c’est sortir des poignées de terre et les garrocher dans le stainless.» Il ajoute: «Le plein poids en arrière de tout ça, c’est toute une démarche éminemment politique d’arrêter de s’haïr, pis de s’autoriser.» En n’utilisant pas dans leurs textes le langage scriptural et formaté auquel on s’attend, et en participant à des événements pas forcément littéraires, le collectif donne «l’occasion à la poésie de faire irruption là où on l’attend pas», confirme Benoit Legros. Pour les membres de Joual de Bataille, le matériau poétique ne plane pas au-dessus du monde, sacré, mais se trouve plutôt au ras du sol et participe aux beautés du monde comme à ses travers. «Comme si on faisait juste de la poésie quand t’es en contemplation devant un paysage ou d’une expérience mystique, s’insurge Benoit Legros. Non, non, man, ça a de la valeur quand tu te souviens de t’être sali les mains après un vieux ski-doo orange dans une shed qui sent

le propane, c’est aussi précieux que n’importe quelle expérience mystique. Nous autres, on fait des shows avec ça, et forcément [que ceux qui se reconnaissent dans cette expérience] s’identifient. Et là, ils se disent: mon vécu, c’est un bon matériau légitime!» La force de cette nouvelle rencontre avec la poésie, inclusive plutôt que rébarbative, vivante plutôt que figée, se trouve décuplée. «On s’est fait beaucoup dire: “Je pensais que c’était plate la poésie, mais c’est vraiment le fun [ce que vous faites]”», se réjouit Karo Gravelle. Il s’agit du plus beau compliment qu’on peut faire à la bande, qui leur sert de carburant pour continuer de sévir. Depuis février, ce contact avec la poésie libre est plus régulier grâce aux soirées Dimanche Toé, qui ont lieu chaque quatrième dimanche du mois au Troquet, véritable antre de la scène littéraire gatinoise. Il s’agit d’un micro ouvert dont Joual de Bataille est l’hôte, avec la présence de musiciens invités qui viennent soutenir les textes présentés,

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des projections et une diffusion live sur Facebook. «C’est vraiment un laboratoire qui vient compléter un peu ce que Slam Outaouais fait depuis 10 ans», explique Alexandre Deschênes. «Ça amène une autre clientèle: c’est plus ouvert, c’est accessible à tout le monde, c’est pas un concours, ajoute Karo Gravelle. C’est important qu’on ait cette place-là, parce qu’il y avait beaucoup de jeunes qui avaient beaucoup de talent» et qui cherchaient une plateforme pour s’exprimer. «La seule contrainte, le seul cadre, c’est que si t’es fasciste ou raciste ou sexiste, ben on va te fermer le micro», spécifie Benoit Legros. «T’as une place avec nous autres si t’es vrai, si tu nous garroches ça et que tu mets tes tripes sur la scène, résume Alexandre Deschênes. Si tu les mets pas tout de suite, mais qu’on sent que tu veux les mettre, inquiète-toi pas, on va t’aider à t’ouvrir le ventre.» Et en ce sens, la présence d’autres gens sur scène qui soutiennent les lecteurs vient donner un sentiment galvanisant.

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«L’écriture, c’est déjà un processus qui est assez solitaire, conclut Karo Gravelle, ça me motive beaucoup plus d’aller sur scène quand y a d’autre monde avec moi.» Devant cette scène littéraire en pleine ébullition, que ce soit à travers Joual de Bataille et des initiatives comme Slam Outaouais, la Maison des auteurs et le Salon du livre de l’Outaouais, Benoit Legros voit une explication régionale: «C’est pas anecdotique que la poésie roule tellement fort en Outaouais: on est une région d’oralité, et nous autres, on se revendique les héritiers directs des soirées de contes, de toute l’oralité des draveurs.» Dans cette Outaouais de dichotomies et de contrastes, où les emplois bien rémunérés du fédéral côtoient les usines désaffectées et les ouvriers désœuvrés, Joual de Bataille cherche à générer de la fierté et de l’ancrage. «Y a beaucoup d’artistes qui, une fois que ça marche ici, s’en vont ailleurs, affirme Alexandre Deschênes. Mais on est une gang qui reste ici pis

on a une fierté d’être dans cette espèce de ville morte là, où t’as des soubresauts de défibrillateur. Y a un esprit combattant.» Alors que les poètes outaouais se taillent une place sur la scène québécoise – ce qu’on peut notamment constater dans le catalogue des Éditions de l’Écrou dont font partie Alexandre Deschênes (Buckingham Palace) et Marjolaine Beauchamp (Fourrer le feu, etc.), amie de longue date de Joual de Bataille –, les membres du collectif se réjouissent de constater un certain rayonnement. «Quand on a créé Joual de Bataille, Ben [Benoit Legros] pis moi, on voulait vraiment que dans cinq ans, ça devienne un incontournable en poésie en Outaouais, explique Alexandre Deschênes. Pis crisse, on est en train de réussir notre coup!»

Joual de Bataille Outaouais Gatineau joualdebataille.wordpress.com




(à boire ) Soif Bar à vin Gatineau mots. Marie Pâris

Avoir soif en Outaouais Meilleure femme sommelière du monde, Véronique Rivest accumule les titres et les récompenses dans le domaine. Après s’être retirée des compétitions, elle a choisi Gatineau pour ouvrir son bar à vin, un incontournable dans la région.

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n peut aujourd’hui lire les chroniques de Véronique Rivest dans plusieurs médias et l’entendre régulièrement à la radio et à la télé. Aux côtés de François Chartier ou d’Élyse Lambert, elle a contribué à donner au Québec une belle place au niveau mondial dans l’univers de la sommellerie. Son palmarès ferait pâlir le plus carmin des crus: Meilleur Sommelier du Canada en 2006 et en 2012, Femme du Vin 2007 à Paris, Meilleur Sommelier des Amériques en 2012, première femme de l’histoire à atteindre le podium avec sa deuxième place au Concours du Meilleur Sommelier du Monde en 2013... «Je voyageais beaucoup, et chaque fois que j’arrivais dans une nouvelle ville, je googlais “bar à vin”, raconte Véronique. Quand on est dans le milieu du vin, on joue toujours avec l’idée d’avoir sa place à soi un jour. L’idée a mijoté une dizaine d’années dans ma tête, mais avant j’étais trop prise par les concours de sommellerie. Ça demande beaucoup d’investissement, c’est comme les Olympiques! J’aurais jamais pu faire les deux ensemble...» La sommelière vise le podium, mais elle n’a pas l’obsession d’arriver première à tout prix. En 2013, l’objectif est atteint, et elle passe donc à autre chose.

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Pour celle qui a commencé dans la restauration à 16 ans et y est restée toute sa vie, ouvrir un bar à vin était une suite naturelle. Elle se lance donc en 2014 en ouvrant Soif à Gatineau. On lui dit alors: «Pourquoi Gatineau? Il ne s’y passe jamais rien...» Véronique ne se démonte pas: «C’est tant que vous continuerez à penser comme ça qu’il ne se passera jamais rien.» L’Outaouais, c’est chez elle, et à part sept ans passés en Alsace, elle y a toujours habité. «J’avais envie de m’y poser après avoir beaucoup voyagé. À mes débuts, personne à part ici ne me connaissait. Mes seuls soutiens étaient ici. C’était donc le moment de rendre un peu à la région ce qu’elle m’a donné.» D’autant qu’avant Soif, «il n’y avait pas de vrais bars à vins à Gatineau ni à Ottawa», indique la sommelière. Elle choisit pour son établissement un coin de la ville qu’elle adore, «Hull la dull», même si c’est moins passant; mais depuis, d’autres restaurants ont ouvert dans le quartier. «Je voulais créer un lieu de rassemblement, une espèce de plaque tournante...» Quatre ans plus tard, Soif est devenu un arrêt obligatoire pour les fanas de vin – et les autres aussi. À la cave, près de 200 bouteilles attendent le client. «Au Québec, on n’a rien à envier

à New York ou Londres! On peut mettre la main sur presque tous les vins ici.» Apprendre et transmettre La carte se concentre notamment sur le bio et la biodynamie. «Ce qui m’allume, c’est les vins de terroir. Ceux qui ont la gueule du terroir qui les a vus naître. Les vins issus d’une terre vivante, décrit Véronique. Mais je veux avant tout un vin qui est bon.» Son but: faire sortir les clients de leur zone de confort. La sommelière tient beaucoup au volet éducation de son bar, dans lequel sont régulièrement donnés des cours sur le vin et des ateliers de dégustation. «Je me dois d’être super inclusive. Et tant mieux, car ça fait partie de ma vision.» Soif ratisse large dans sa clientèle, aussi bien en âge qu’en connaissances en vin. La job première d’un sommelier, c’est d’apprendre et de transmettre, répète Véronique, qui fait beaucoup de coaching avec des jeunes désireux de se lancer dans la compétition. Tous ses serveurs ont une formation en sommellerie – «même en cuisine, c’est tous des trippeux de vin!» «Ce qui m’allume le plus, c’est apprendre. Ici, on est toujours en mode formation. Mes serveurs sont à la fois à l’école et au

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travail! Et j’adore quand quelqu’un demande à être dans la section de tel ou tel serveur, sans demander à me voir moi.» Les plats ne sont pas en reste pour autant: «Vin et cuisine vont ensemble. Ça nous prend de la bouffe pour que les gens boivent plus! rigole Véronique. Ici, c’est la cuisine au service du vin.» Bref, le bilan est plutôt positif, avec notamment beaucoup de clients qui viennent de l’extérieur. «Y a une dame du Yukon qui allait à Toronto et qui a prévu un arrêt ici pour nous voir. Ça fait chaud au cœur», se souvient la sommelière. Elle tempère pourtant; ça reste la restauration et ce n’est pas toujours facile, même si elle savait dans quoi elle s’embarquait. Ne serait-ce qu’avec les barrières gouvernementales en matière d’alcool au Canada... «Sans mon nom et ma notoriété, je sais pas comment j’aurais fait pour aller chercher du soutien et des investisseurs.» L’Outaouais, la nature omniprésente En attendant, Gatineau est bien marqué au feutre rouge sur la carte des curieux du vin et des touristes de passage. Si Véronique a su mettre sa région en avant, elle

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a également montré qu’on peut arriver très haut dans le milieu en étant une femme – ce qui n’est pas encore une vérité évidente pour tout le monde. «Quand j’étais conseillère en vin à la SAQ, quelques clients (surtout des hommes d’un certain âge) préféraient être conseillés par un gars qui n’y connaissait rien plutôt que par une fille qui s’y connaissait», se souvient-elle. Mais plus tard, en avançant dans la sommellerie, elle n’a plus connu de discrimination ou de machisme. «Ayant évolué au Québec, ça ne m’a pas frappée. Mais ça dépend dans quel pays on est...» Si aujourd’hui la moitié des étudiants en sommellerie dans la province sont des femmes, reste qu’en compétition internationale, Véronique voit toujours très peu de représentation féminine – le maximum s’élevait à 7 femmes sur 60 candidats. La compétition, s’y verrait-elle y retourner? «Je n’ai pas encore fait de croix officielle dessus, répond la sommelière. Mais plus ça va et moins ça me semble évident.» Quant à ouvrir un autre établissement, elle reste un peu évasive, mais évoque des projets dans la région. «Je veux m’assurer qu’à Soif, tout est bien rodé avant de passer à autre chose.»

Aujourd’hui, si elle voyage encore un peu, Véronique essaie de ne jamais partir plus de deux semaines à la fois. Elle est si contente de profiter de son coin de pays: «J’habite dans le bois, au bord d’un lac. En Outaouais, la nature est omniprésente, c’est pour ça que j’y suis revenue. En face de mon bureau, il y a un ruisseau et un parc... Y a jamais à rouler plus de 10 minutes pour être dans la nature.» Elle énumère tout ce qu’on peut faire en habitant Gatineau, du ski au canot, en passant par le patin sur le canal Rideau. Le réseau cyclable est de plus en plus développé, et la ville compte aussi de superbes galeries d’art et musées. Côté gastronomie, l’offre est aussi de plus en plus grande – la sommelière cite notamment Edgar et son chef extraordinaire. «Il y a plein de choses à faire, aussi bien en culture qu’en nature. C’est une belle escapade de sérénité...» Soif Bar à vin Outaouais 88, rue Montcalm, Gatineau 819 600-7643 soifbaravin.ca


«Ce qui m’allume, c’est les vins de terroir. Ceux qui ont la gueule du terroir qui les a vus naître. Les vins issus d’une terre vivante. Mais je veux avant tout un vin qui est bon.» — Véronique Rivest


Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Musée canadien de l’histoire  photo Jean Gagnon

Musée canadien de l’histoire 100, rue Laurier, Gatineau

Installé au centre-ville de Gatineau, sur les berges de la rivière des Outaouais, le Musée canadien de l’histoire est l’institution muséale la plus fréquentée au pays, avec plus d’un million de

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visiteurs par année. L’expérience commence d’abord par la beauté du bâtiment, dessiné par l’architecte autochtone Douglas Cardinal, et inauguré en 1989. Fondé en 1856, le Musée canadien de l’histoire (anciennement Musée canadien des civilisations) est l’une des plus anciennes institutions culturelles de l’Amérique du Nord. Au nombre

des incontournables: la Grande Galerie et ses mâts totémiques, la salle des Premiers Peuples qui raconte 20 000 ans de présence autochtone, la salle de l’histoire canadienne (inaugurée en 2017), le Musée des enfants et les expositions temporaires et permanentes.


Le sentier culturel du centre-ville de Gatineau

La Filature

Parc Oméga

82, rue Hanson, Gatineau

399, route 323 Nord, Montebello

Inauguré en 2017, le Sentier culturel traverse l’île de Hull (aujourd’hui le centre-ville de Gatineau), reliant ainsi le parc Jacques-Cartier, sur la rive québécoise de la rivière, et La Fonderie, aux abords du ruisseau de la Brasserie. Le but premier du projet réalisé par la Ville, Tourisme Outaouais et Vision centre-ville était de trouver une façon de profiter de l’affluence au Musée de l’histoire et à l’exposition des Mosaïcultures pour faire entrer les visiteurs dans le cœur du centre-ville, du pôle ludique jusqu’à l’axe culturel. En suivant la ligne rouge tracée au sol sur trois kilomètres, les marcheurs découvrent des panneaux d’interprétation, des interventions temporaires en art urbain, des lieux patrimoniaux et une panoplie de restaurants, boutiques et attraits. S’ajoutera cette année au sentier la première phase d’un projet de murales permanentes grand format pour embellir l’expérience.

En 2002, le centre d’artistes AXENÉO7 et le centre de production DAÏMÕN quittent un édifice municipal en décrépitude qu’ils habitaient depuis 1982 et investissent le bâtiment industriel patrimonial du 82, rue Hanson, autrefois la Hanson Hosiery Mills, une manufacture installée sur le ruisseau de la Brasserie. Lieu d’effervescence artistique, la Filature est animée par AXENÉO7, qui fait la promotion des pratiques actuelles en arts visuels, et DAÏMÕN, qui offre des programmes de création en arts médiatiques. La Filature propose notamment trois salles d’exposition, des laboratoires de photo argentique et d’impression numérique et des studios d’expérimentation, en plus d’accueillir des artistes en résidence. AXENÉO7 et DAÏMÕN sont des acteurs importants de la scène artistique gatinoise.

Le Parc Oméga est un parc animalier unique en son genre au Québec qui s’étend sur 890 hectares et présente aux visiteurs des dizaines d’espèces animales principalement issues de la faune nord-américaine. À bord de votre véhicule, sur une quinzaine de kilomètres, vous découvrirez dans leur habitat des bisons, des wapitis, des ours, des cerfs, des loups et de nombreux autres animaux des prairies, de la forêt, de la montagne ou de la région boréale vivant en liberté. Attrait populaire tant auprès des enfants que de leurs parents, le Parc Oméga propose aussi des sentiers pédestres, une cabane à sucre, un poste de traite, une ferme d’antan, des aires de jeux, d’observation et de pique-nique. Le Parc Oméga est situé à quelques minutes du cœur de la municipalité de Montebello, à 45 minutes de Gatineau.

Le sentier culturel du centre-ville de Gatineau

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Pont Félix-Gabriel-Marchand  photo Colocho

Les Fruits du sommet

Pont Félix-Gabriel-Marchand

La Fab – centre des arts

9, chemin Potvin, Messines

Situé à Messines, dans la Vallée-de-la-Gatineau, le domaine Les Fruits du Sommet propose une riche expérience nature dans un heureux mariage entre golf et agriculture. Le site est enchanteur et vous pouvez y jouer au golf sur un parcours de 9 trous tout en vous régalant de nombreuses variétés de petits fruits. Vous n’êtes pas golfeur? Qu’à cela ne tienne, vous pouvez vous y rendre pour vous adonner à la cueillette et choisir parmi les 10 variétés de framboises, dont la framboise noire, et les sept variétés de bleuets. Pour ceux qui ne sont pas adeptes de l’autocueillette, le domaine a pensé à tout et propose un kiosque où vous pourrez vous procurer ces petits fruits frais ainsi que leurs excellents produits du terroir.

Situé dans la municipalité de Mansfield-et-Pontefract, le pont FélixGabriel-Marchand se déploie sur plus de 152 mètres, ce qui en fait le plus long pont couvert au Québec. Construit en 1898, il enjambe la rivière Coulonge, affluent de la rivière des Outaouais, et présente la particularité d’être revêtu de planches de pin à clins de couleur sang-de-bœuf, d’être coiffé d’un toit à deux versants de 45 degrés et d’être soutenu par cinq piliers de bois remplis de pierres et dotés de brise-glace. Classé immeuble patrimonial par le ministère de la Culture et des Communications en 1988, le pont a été fermé d’urgence à la circulation en 2014. Le gouvernement a annoncé en janvier 2018 l’octroi d’une subvention de 5,1 millions de dollars pour sa réfection.

Installée dans l’ancien presbytère de l’église St. Stephen de Chelsea, qui aurait été démolie, n’eût été ce projet mené par des citoyens, des artistes et des gens d’affaires, La Fab est une coopérative de solidarité vouée à mettre en valeur la créativité artistique et culturelle de Chelsea et de ses environs. Animé par des peintres, des sculpteurs, des potiers, des musiciens, des écrivains et des historiens, ce magnifique bâtiment patrimonial loge une galerie d’art, une boutique, des studios d’artistes et des espaces pour accueillir des lancements, des concerts, des groupes de discussion, des cours d’art et autres activités du genre. Sise à un jet de pierre du parc de la Gatineau, dans le paysage pittoresque de Chelsea, La Fab participe au renouveau de ce coin de pays à découvrir.

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1-212, chemin d’Old Chelsea, Chelsea


Saguenay — Lac-Saint-Jean 196 200 204 208

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Gaston, cueilleur de bleuets sauvages La Peuplade Arthur Villeneuve / La Pulperie Sur la route


«Y en a qui se payent des retraites fermées au monastère. Moi, je viens cueillir des bleuets et je repense à ma vie.» — Gaston Robert


( terroir ) Gaston Robert Nestaocano mots et photos. Guillaume Roy

Pèlerinage aux bleuets sauvages Pour Gaston Robert, la récolte des bleuets sauvages est comme un pèlerinage annuel dans les forêts du Lac-Saint-Jean. Malgré ses 79 ans, une jambe de bois, un œil de vitre et quelques dents en moins, rien ne l’empêchera de profiter de la manne bleue, pas même son stimulateur cardiaque.

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ux premières lueurs du matin en cette matinée du mois d’août, Gaston sort de son campeur installé dans un village de cueilleurs nomades en pleine forêt boréale, dans le secteur Nestaocano, à près de 200 kilomètres au nord de SaintFélicien. Après un petit-déjeuner rapide, il monte sur son quatre-roues pour aller explorer un secteur de récolte des bleuets sauvages, situé à quelques kilomètres. «Je veux profiter de la fraîcheur matinale», lance l’homme de 79 ans, sourire aux lèvres.

Dès qu’il descend de son bolide, Gaston scrute les collines avoisinantes pour déceler les secteurs bleutés, dans ce territoire dépourvu d’arbres. «C’est après un feu ou après la coupe de bois que l’on trouve les meilleurs spots pour cueillir des bleuets», dit-il, en pénétrant dans un territoire ravagé par le feu il y a 10 ans. Équipé d’un gros peigne avec des dents de métal et un manche en fibre de verre, il gratte les plants de bleuets comme le ferait un ours pour faire tomber les petits fruits bleus dans son grand panier. Dans le silence de la grande forêt boréale, ce son est comme de la musique aux oreilles de Gaston. «Quand ça vaut la peine

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de récolter, on entend les bleuets tomber dans le panier», dit-il, content d’avoir enfin trouvé une talle décente. C’est que les années se suivent, mais elles ne se ressemblent pas dans le monde de la cueillette des petits fruits. C’est toujours Dame Nature qui décide si la récolte sera bonne, et à l’été 2016, un gel a frappé en juin, détruisant une bonne partie de la récolte. Dans les meilleures années, Gaston pouvait récolter plus de 250 livres de bleuets par jour et décrocher un salaire de plus de 10 000$ pendant la saison de récolte. Même si la récolte ne passera pas à l’histoire, Gaston profite pleinement de l’instant présent, appréciant le calme, le silence et la beauté du territoire. Pour lui, la cueillette du bleuet est comme une retraite fermée au pays du silence. En scrutant le terrain en quête de fruits et en effectuant le geste précis, le mouvement devient mécanique et répétitif. Il entre dans une zone de contemplation sereine. «Y en a qui se payent des retraites fermées au monastère. Moi, je viens cueillir des bleuets et je repense

à ma vie, dit-il. Et j’en profite aussi pour faire mon entraînement annuel et perdre 10 livres.» Et il vaut mieux opter pour une attitude zen pour tolérer les insectes qui se pointent dès qu’il commence à faire chaud. Après quelques heures de récolte, Gaston s’arrête, essoufflé, puis il met un genou au sol. «Je viens de me rappeler que ça fait quatre jours que je n’ai pas pris mes pilules. On dirait que ça me ralentit.» À mes yeux, il fonctionne pourtant à plein régime, car malgré sa jambe de bois, il se déplace avec une aisance surprenante à travers les marécages et les pentes escarpées! Après une courte pause, ragaillardi par la beauté du paysage, il repart de plus belle en lançant: «On est chanceux d’avoir autant de territoire qui nous appartient en quelque sorte. Le gars de Montréal dans son deuxième étage a pas cette chance-là.» Les neuf vies de Gaston À écouter les histoires de Gaston, on dirait parfois qu’il est rendu à sa neuvième vie. À 17 ans, un morceau de métal lui a fait perdre l’usage d’un œil alors qu’il apprenait le métier d’électricien. Un métier qu’il

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a pratiqué jusqu’à l’âge de 45 ans, lorsqu’il a eu envie de changer de vie. Il s’est alors acheté un verger à Saint-Hilaire. Puis, dans les années 1980, un chauffard en état d’ébriété est venu lui faucher un pied lors d’une balade en moto (avec ses enfants!). À peine sorti de l’hôpital, il partait déjà cueillir des pommes au verger. Il y a quelques années, c’est son cœur qui a commencé à montrer des signes de fatigue. Après deux crises cardiaques, les médecins lui ont fait quatre pontages et lui ont installé un stimulateur cardiaque. «Une chance que j’ai ça, parce que je suis mort le printemps dernier et ça m’a reparti», raconte-t-il comme si de rien n’était. Dans une de ses multiples vies, il a aussi fait partie d’une bande de motards sobres, les Gorilles. Et lors d’un voyage en France, il en a profité pour fraterniser avec Johnny Hallyday. Puis, c’est en 2004 que Gaston a commencé à faire des pèlerinages aux bleuets sauvages, tout juste après avoir vendu son verger. Malgré ses 79 ans, Gaston est un nouveau venu, car ça ne fait que 13 ans qu’il s’est mis à cueillir des bleuets au Lac. Pour plusieurs familles, la cueillette de bleuets est une tradition annuelle qui

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génère d’importants revenus, car certains cueilleurs peuvent faire jusqu’à 25 000$ en une seule saison, hors de la portée de l’impôt. C’est d’ailleurs une des dernières ressources où le marché au noir est toléré. Sylvain Larouche, un professeur au cégep âgé de 30 ans, a hérité de cette passion du petit fruit bleu. «On partait camper en famille dans le bois pour plusieurs semaines avec plein de bonne bouffe pour faire du bel argent au noir, lance Sylvain qui a commencé à cueillir les bleuets vers l’âge de 6 ans. C’était pas de la torture.» Lors de ses meilleures années, Sylvain pouvait amasser 10 000$ en six semaines. «Pis mon père n’a jamais acheté une voiture à paiement, dit-il. Ils les achètent toujours cash avec l’argent des bleuets.» Cette tradition culturelle remonte presque jusqu’à l’époque de la colonisation du Saguenay–LacSaint-Jean (interdite avant 1842). À peine une trentaine d’années après l’ouverture de la région, le grand feu de 1870 ravage 3800 kilomètres carrés de terres entre Saint-Félicien et La Baie, soit une distance de 120 kilomètres en deux heures. Après la dévastation, la nature reprend ses droits. Sans

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compétition pour les rayons de soleil, le bleuet est un des premiers plants à coloniser les terres brûlées. Les colons en profitent dès lors pour générer une économie autour du petit fruit. Graduellement, les forêts repoussent, mais l’empreinte du bleuet demeure marquée à jamais dans l’écosystème de la région. Au fil des ans, le bleuet devient un jalon important de la culture régionale, car chaque année les familles s’organisent pour la récolte. On s’installe alors en forêt pour générer un revenu supplémentaire qui permettra de payer les fournitures scolaires ou des gâteries pour l’année à venir. C’est le pèlerinage annuel familial en forêt. Après six heures de cueillette, Gaston rentre vendre ses bleuets. Arrivé au campement, l’acheteur lui offre une canette de Budweiser, une bonne façon pour fidéliser les cueilleurs. Les bleuets sont empilés sur la balance, qui affiche 106 livres, ce qui lui vaudra 79,50$. Une maigre récolte qui n’inquiète pas Gaston outre mesure, car il n’a pas besoin de ce revenu supplémentaire pour bien vivre. «Je ne viens pas ici juste pour cueillir des bleuets, soutient l’homme qui réside à SaintCyrille-de-Wendover. Je viens pour faire du social aussi. Après avoir passé toute la journée seul dans le bois, ça prend du monde pour t’entendre raconter tes aventures.» Ce qui l’inquiète davantage, c’est l’arthrite, qui a fait son apparition cet hiver, lui infligeant des douleurs aux genoux et aux poignets. Pour atténuer la douleur, le cueilleur prend des doses de cortisone en se préparant à aller passer une partie de l’été à travailler à la pourvoirie de son fils, à Chibougamau. «J’espère que je vais être capable de marcher dans mes talles, mais même si je ne suis pas capable, je vais aller passer quelques semaines en forêt, pour aller voir les gars.»



photos (haut) Sophie Gagnon-Bergeron; (bas) Stéphanie Tremblay

«Créer une maison d’édition dans un contexte rural et vouloir l’imposer dans un contexte international, c’était quand même audacieux.»


( culture ) La Peuplade Chicoutimi mots. Valérie Thérien

Visiter l’éditeur Le métier d’éditeur, c’est d’ouvrir des fenêtres afin de permettre un regard sur le monde. Une des plus actives d’ici se trouve au Saguenay–Lac-Saint-Jean et fait rayonner des auteurs de partout du Québec.

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n entre dans les bureaux de La Peuplade, rue Racine, comme on entre dans une librairie. Les livres ornent presque tout le mur d’un côté de l’espace et les bureaux de l’autre. La maison d’édition basée à Chicoutimi a façonné son environnement de travail pour qu’il devienne aussi une boutique où les échanges avec les lecteurs et les curieux sont plus que bienvenus. «L’idée de la porte ouverte, ici, c’est de faire en sorte que le métier d’éditeur, on puisse en parler, que ce ne soit plus perçu comme élitiste, indique Simon Philippe Turcot, directeur général. On veut arriver à discuter d’égal à égal avec les lecteurs jusqu’à se faire déranger dans notre travail quotidien, parce que c’est important d’aller vers les gens.» Simon Philippe avait 25 ans et Mylène Bouchard en avait 28 lorsqu’ils ont eu envie de fonder une entreprise culturelle en 2006. Ils étaient alors à Saint-Henri-deTaillon près d’Alma. «Créer une maison d’édition dans un contexte rural et vouloir l’imposer dans un contexte international, c’était quand même audacieux, mais on est très audacieux dans la vie! Au départ, on rentabilisait chaque livre un à la fois. On publiait un prochain livre avec les recettes du premier. On y allait tranquillement. Ça a pris sept ou huit

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ans à resserrer, professionnaliser les opérations, assurer des salaires. Depuis cinq ans, la maison est très forte, on a des bases solides et on voit loin.» Grâce à son riche catalogue de romans, d’essais, de recueils de poésie d’ici et d’ailleurs, La Peuplade a réussi au fil des années à devenir une maison d’édition qui jouit d’une communauté grandissante de lecteurs assidus. «On propose une littérature de découverte contemporaine, on s’intéresse à la jeune littérature, on veut être bousculés. Y a aussi une teinte assez féministe à notre catalogue. Les lecteurs s’y retrouvent en lisant une œuvre puis une autre, ils savent quelle teinte on propose.» Si l’équipe est encore petite – Simon Philippe partage les bureaux avec Mylène Bouchard, directrice littéraire, en plus de l’éditeur Paul Kawczak et de Stéfanie Tremblay, responsable des communications – malgré la forte progression de la maison d’édition ces dernières années, c’est que La Peuplade ne souhaite pas devenir «une usine à saucisses». «On pourrait publier beaucoup plus de livres, mais notre intention est d’accompagner chaque auteur et chaque livre

et de trouver les lecteurs qui pourraient s’y intéresser, soutient Simon Philippe. On veut faire en sorte que la rencontre se produise entre l’œuvre et le lecteur. Et ça, ça prend du temps. Pour nous, lorsqu’on publie un livre, c’est là que l’histoire commence vraiment, donc on ne passe pas tout de suite au prochain.» Lorsqu’on consulte les listes des prix littéraires les plus importants au pays, La Peuplade fait bonne figure, signe que cette mentalité est bénéfique pour le rayonnement des auteurs et de la maison d’édition. Christian Guay-Poliquin a remporté entre autres le prestigieux Prix du Gouverneur général en 2017 avec Le poids de la neige et Jean-François Caron est finaliste pour le Prix des libraires cette année avec De bois debout. Il s’agissait respectivement d’un deuxième et d’un cinquième titre chez La Peuplade pour ces auteurs. S’il y a de plus en plus de lecteurs fidèles à l’entreprise saguenéenne, les auteurs aussi restent bien accrochés au navire. «On a publié beaucoup de primoromanciers, de jeunes poètes, et ce sont des auteurs qui évoluent avec nous. Leur œuvre fleurit et on arrive à un moment donné à une maturité qui pousse les jurys de prix à les reconnaître.»

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La Peuplade soutient ses auteurs et en voyant loin, les bénéfices se multiplient. Qui aurait cru que l’ambition de deux jeunes Saguenéens allait les mener jusqu’à propulser des œuvres littéraires à l’étranger une dizaine d’années seulement après la création de leur entreprise? «On est en train de vendre Le poids de la neige à travers le monde. Les droits de traduction ont été cédés en Espagne, en Italie, en République tchèque, en Ukraine, en France, en Albanie, en Arménie... C’est génial de voir qu’à partir de Chicoutimi, on peut réussir à atteindre un succès international pour certaines de nos publications. L’ouverture sur le marché européen, à partir d’ici au quartier général au Saguenay, un lieu loin des grands centres urbains, c’est inusité, mais ce n’est plus impossible.»

Une autre grande et bonne nouvelle pour La Peuplade est l’exportation de ses titres: depuis le 1er mars, la maison distribue et diffuse ses livres dans la francophonie, en Europe, avec le Centre de Diffusion de l’Édition (CDE) de Paris, qui fait partie du Groupe Gallimard. «J’ai travaillé sur ce projet pendant deux ans pour arriver à ça, précise Simon Philippe. Y a des gens qui travaillent en France pour nous, mais on n’a pas de bureau physique. C’est comme si on avait deux ailes complètement différentes. Le fonctionnement change pas mal en ce moment parce qu’il faut réussir à synchroniser nos productions pour éventuellement sortir nos livres en même temps ici et en Europe. C’est un bon défi parce qu’au Canada, on travaille avec environ 200 points de vente et en Europe, c’est pratiquement 2000 librairies.»

Pour la suite des choses, La Peuplade travaille fort sur la sortie de la traduction de The Bleeds du Canadien d’origine libanaise Dimitri Nasrallah, un nouveau recueil de Charles Sagalane et un nouveau roman de Marie-Andrée Guay, entre autres. Et pour pousser encore plus loin l’idée de faire de son local un lieu de rencontre et de réflexion autour de la littérature, La Peuplade prévoit y enregistrer des balados cet automne devant public. La Peuplade Saguenay–Lac-Saint-Jean 339 B, rue Racine Est, Chicoutimi 418 602-0522 lapeuplade.com

(photo) Sophie Gagnon-Bergeron

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Cet été, tracez

votre chemin saguenaylacsaintjean.ca

La famille Gagnon Ambassadeur du Saguenay–Lac-Saint-Jean


Maison Arthur-Villeneuve, détails façade avant, 1959. La Pulperie de Chicoutimi / Musée régional.


( culture) Arthur Villeneuve / La Pulperie Chicoutimi mots. Joël Martel photos. Paul Cimon

Cette toile dans la vitrine On se demande bien ce qui n’a pas été déjà dit, au juste, sur Arthur Villeneuve, ce peintre-barbier entré dans la légende avec l’œuvre de sa vie… sa maison! Certains ont découvert ses créations en entrant dans celle-ci, d’autres au hasard d’une promenade à Chicoutimi. Récit d’une rencontre mémorable.

J

e venais tout juste de m’installer à Chicoutimi et ce soir-là, j’étais à la découverte de ce qui allait devenir mon nouveau centre-ville pour les prochaines années. Et puis hop! c’est en longeant la rue Racine que j’ai vu ce tableau dans une vitrine. Maintenant, je vais être très franc avec vous. Ça aurait été très chouette que je vous raconte que j’ai aussitôt commencé à m’enthousiasmer devant la vitrine en hurlant un truc comme «Que Dieu soit loué! C’est un Arthur Villeneuve!», mais non. La vérité, elle est plutôt nulle, car en fait, j’ai seulement remarqué le tableau. Et là, qu’on se comprenne bien, je n’ai pas remarqué que c’était un Villeneuve, j’ai juste remarqué le tableau. Dans les jours qui ont suivi, je suis repassé à quelques reprises devant cette même vitrine et chaque fois, je remarquais à nouveau ce tableau tout en continuant mon chemin, sans chercher à en savoir plus. Ce petit manège a duré jusqu’au jour où, constatant que mon attention était sans cesse captée par cette mystérieuse toile,

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je me suis avancé vers la vitrine pour enfin regarder qui en était l’auteur. Ça m’a complètement déstabilisé de réaliser que tout ce temps, je croisais sans le savoir un de ces «fameux» Villeneuve. Ça m’a troublé pour plusieurs raisons, car il faut savoir que lorsqu’on habite au Saguenay–LacSaint-Jean, quand bien même qu’on ne connaîtrait rien sur le travail d’Arthur Villeneuve, l’idée comme quoi cet homme était un genre de surhomme finit impérativement par s’incruster dans notre ADN. Et puis une fois qu’on vous raconte qu’il s’agissait d’un barbier qui avait soudainement décidé de peindre entièrement sa maison en s’en servant comme toile, la première chose qu’on se dit, c’est que tout ça, c’est une espèce de légende. Un peu comme celle où il y a ces types qui se fabriquent un canot volant. Évidemment, il y a tout ça qui vous frappe la première fois où vous réalisez que vous êtes en présence d’un Villeneuve, mais il y a aussi les nombreux questionnements intérieurs que suscite son approche artistique. Je me ferai peut-être

quelques ennemis, mais pour bien des gens, la première question qui leur vient à l’esprit est un truc du genre: «Est-ce que c’est vraiment beau?» Je fais justement partie de ceux et celles qui se sont questionnés à cet effet et si je le dis sans gêne, c’est que ça m’a permis de découvrir que je m’étais trop souvent posé la mauvaise question. En regardant un Villeneuve, il n’est pas question de se demander si c’est beau ou non, mais plutôt de tenter de comprendre pourquoi son œuvre a attiré notre attention. Je me suis dit que j’arriverais peutêtre à comprendre ce «pourquoi» en piquant un brin de jasette avec Chantale Hudon, la propriétaire de la galerie La Corniche. Cette femme, elle connaît tout sur Villeneuve et pour la petite histoire, c’était justement dans la vitrine de sa galerie que j’avais vu pour la première fois cette fameuse toile de Villeneuve. Pour être franc avec vous, j’ai quand même ressenti une certaine crainte d’expliquer à une spécialiste de Villeneuve qu’à l’origine, je m’étais

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demandé si son art était vraiment beau. Mais sa réponse allait vite me rassurer: «Ce qui a aidé Arthur Villeneuve à se faire remarquer, c’est que son art ne laissait jamais personne indifférent. Sinon, il faut savoir que nous étions alors à une époque où les gens se faisaient un honneur de découvrir les différents artistes qui donnaient une couleur à leurs régions. Par exemple, de nombreux artistes visuels établis comme Armand Vaillancourt ou Alfred Pellan étaient allés à la rencontre de Villeneuve, car ils voyaient en lui un certain idéal qu’ils cherchaient tous à atteindre, soit une pureté et une authenticité dans sa démarche, et ce, étant donné qu’il ne subissait pas l’influence de ses confrères.» Près de 30 ans après le décès de Villeneuve, il suffit maintenant de se rendre au musée La Pulperie de Chicoutimi pour s’offrir une visite chez le peintre-barbier. Sa mythique maison qu’il avait transformée en gigantesque fresque y réside aujourd’hui, reposant dans une grande salle à l’humidité et à l’éclairage contrôlés.

D’ailleurs, dès la première visite, il est pratiquement impossible de rester de marbre en entrant dans ces lieux d’où émane une espèce d’atmosphère sacrée. «Tout ça est donc vrai», qu’on se dit. On revoit par exemple cette fois où cet homme d’un âge respectable qui titubait devant un petit bar de la ville nous avait raconté qu’il avait grandi à quelques maisons de Villeneuve: «Crois-moi, mon p’tit gars, le gars avait peinturé sa maison de bord en bord avec des p’tits bonhommes. On pensait qu’il était viré sur le top, mais finalement, y ont dit que c’était un artiste.» Cette fois-là, on avait bien rigolé en se disant que les gens manquaient sérieusement de flair à l’époque, mais maintenant qu’on est là devant cette maison qu’on a déménagée dans un musée, on se surprend à se dire que peut-être que nous aussi, on se serait dit que le gars avait sauté un plomb. Tout ça, c’est quand même fou, parce que lorsque j’y repense, pendant les sept années où j’ai vécu à Chicoutimi, Arthur Villeneuve a toujours été là. Il était là dans cette

vitrine de la rue Racine. Il me semble l’avoir vu à quelques reprises quand je travaillais à la bibliothèque. Je crois aussi l’avoir vu à l’université. Je pense même l’avoir aperçu une fois chez un dentiste chez qui ça m’avait coûté très cher. J’ai aussi découvert sur le tard que son esprit était constamment dans les environs quand on se rejoignait entre musiciens au Bocal dans le quartier du Bassin, car on était justement dans les mêmes rues où la maison de Villeneuve trônait autrefois. Et puis ça va vous sembler un peu convenu, mais il est même là quand il n’est pas là. Parce que peu importe où vous jetez le regard à Chicoutimi, vous pouvez toujours percevoir au moins un petit recoin du décor qui semble vouloir imiter ce que voyait Villeneuve. La Pulperie Saguenay–Lac-Saint-Jean 300, rue Dubuc, Chicoutimi 418 698-3100 pulperie.com/expositions/ archive/arthur-villeneuve

Déménagement de la Maison Arthur-Villeneuve, 1994. Archives La Pulperie de Chicoutimi / Musée régional.

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Anima Lumina  photo Moment Factory

Anima Lumina 2230, boulevard du Jardin, Saint-Félicien

Moment Factory, studio montréalais qui perfectionne l’art des productions immersives, propose cette expérience multimédia enrichissante au Zoo sauvage de Saint-Félicien depuis 2016. Anima Lumina est un

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parcours nocturne magique qui rend hommage au parc, à la faune et à la flore en mettant en lumière tous les sons de la Boréalie et de la vie animale. La nature n’aura jamais été si fantastique. Évidemment, cette expérience multisensorielle est parfaite pour une sortie en famille. Si vous avez déjà vu les animaux de

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vos yeux propres, Anima Lumina fait appel à votre imagination alors que vous parcourez les sentiers. Dans la nuit, sous les lumières colorées et les sons, tout est possible. Moment Factory propose aussi des expériences similaires à Coaticook et à Chandler.


Coop O’Soleil  photo Philippe Boily

La maison coupée en deux

Coop O’Soleil

251, rue du Saguenay, Saint-Fulgence

505, 5e Chemin,

Parc de la caverne du Trou de la Fée

Métabetchouan–Lac-à-la-Croix

Chemin Trou de la Fée, 7e Avenue, Desbiens

Cette coopération de Métabetchouan fondée il y a 10 ans, tout près de la Véloroute des Bleuets et des plages du lac Saint-Jean, a plusieurs fonctions. C’est un bistro et un bar, avec au menu des burgers, des pâtes et des salades, par exemple. Il y a aussi un volet spectacles d’artistes québécois aux genres musicaux variés. Chaque semaine pendant la saison estivale, l’endroit propose des concerts. Pour les amateurs de plein air, il y a aussi une panoplie d’activités à faire l’été, puisque O’Soleil a un accès direct au lac Saint-Jean. Vous voulez apprendre le SUP (Stand-Up Paddleboard)? C’est là que ça se passe. Kayak, vélo et kitesurf sont d’autres options sportives. Chose certaine, on ne s’ennuie jamais à la Coop O’Soleil et l’accueil est toujours hyper chaleureux.

La légende veut que ce parc situé à Desbiens soit une merveille naturelle du Saguenay–Lac-Saint-Jean. L’endroit touristique, ouvert de juin à octobre, offre une expérience complète pour jeunes et moins jeunes. On y va, évidemment, pour la fameuse caverne sculptée dans le granit, mais aussi pour des sentiers où l’on croise de belles chutes, pour les tyroliennes qui surplombent la rivière Métabetchouane et pour les passerelles d’observation sur le canyon. Fait intéressant: la caverne du Trou de la Fée est le seul refuge naturel protégé pour chauvessouris au Québec. Toutefois, le site n’en compte aujourd’hui presque plus puisqu’une maladie appelée museau blanc a emporté presque la totalité de la communauté de chauves-souris en 2012. Malgré cette perte, le parc reste un site enchanteur de la région.

Une maison coupée en deux qui agit comme lieu de théâtre les soirs d’été, n’est-ce pas merveilleux? Cela fait trois ans que l’auteur Jimmy Beaulieu et son équipe présentent des pièces dans un décor qui fait penser à une maison de poupées à échelle humaine. Il faut le voir pour le croire. Une première pièce avait été produite dans le cadre du 175e anniversaire de la municipalité de Saint-Fulgence. En cette quatrième année, l’auteur présente Pour le meilleur et pour le pire, une production testée et approuvée dans le village de Saint-Eugène-d’Argentenay. Du théâtre d’été comme on l’aime, divertissant, léger, mais qui souhaite aussi, dans ce cas-ci, nous en apprendre sur la région. Pour le meilleur et pour le pire, vous l’aurez deviné, est autour d’un mariage.

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La Noce 49, rue La Fontaine, Chicoutimi

Après une première édition réussie l’an dernier, l’événement musical et artistique La Noce grossit, passant d’une journée à trois (5 au 7 juillet). Les initiateurs du festival et le porte-parole Philippe Brach sont tous originaires de la région. Cette Noce de coton ancrée dans la zone portuaire de Chicoutimi accueillera du rock, du rap et beaucoup de déjanté aussi. Parmi la programmation, on retrouve Karkwa (occasion unique de revoir le groupe), Galaxie, Loud, Plants and Animals, Alaclair Ensemble, Mononc’ Serge, Fred Fortin, We Are Wolves, Random Recipe, Hubert Lenoir, WD-40, Lydia Képinski, Laura Sauvage et Brown. Fait inusité: vous pouvez vous marier pour 10$ à La Noce. Officiellement ou non, on ne le sait pas trop, mais voilà une initiative plutôt originale.

Microbrasserie du Lac-Saint-Jean

Keith Kouna à La Noce   photo Le Petit Russe

Riverbend 945, avenue Sicard, Alma

120, rue de la Plage, Saint-Gédéon

Grande fierté de la municipalité de Saint-Gédéon, la Micro du Lac, comme on l’appelle communément, célébrait ses 10 ans l’an dernier avec la délicieuse imperial stout Rang 10. En plus de son quartier général tout près de la Véloroute des Bleuets, l’entreprise a ouvert récemment son Bistro, en plein centre-ville d’Alma. On peut y manger des plats variés (pizzas, nachos, mac and cheese, fish and chips, côtes levées, etc.) tout en dégustant nos bières favorites, comme la Gros mollet (bière brune forte), la Tante tricotante (bière triple) et la Vire-capot (bière blonde). En 11 ans, la Micro du Lac a réussi à tirer son épingle du jeu avec des produits de qualité et une belle constance. Les illustrations signées Patrick Doyon qui ornent les bouteilles sont un autre élément clé dans le succès de l’entreprise.

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La vieille fromagerie Perron 148, avenue Albert-Perron, Saint-Prime

Ce ne sont pas les microbrasseries qui manquent au Saguenay–LacSaint-Jean, mais Riverbend, jeune depuis 2015, a su s’imposer dans le milieu avec sa variété de bières délicieuses et rafraîchissantes, offertes en format cannette de 473ml. Son réseau de distribution s’est rapidement développé jusqu’à Montréal et même Gatineau. Les amateurs de bières apprécient particulièrement l’imperial stout et quelques bonnes Berliner weisse, entre autres. Une bière blanche au miel a été brassée l’an dernier spécialement pour le 150e d’Alma, où est établie la brasserie, et Riverbend a collaboré avec Brasserie Harricana pour une bière forte, une saison fort appréciable. Dans sa boutique d’Alma, Riverbend offre des dégustations de ses bières et d’autres articles en vente. Vous pouvez aussi visiter les installations gratuitement.

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Cet endroit propose une excellente activité familiale: participer à un atelier de fabrication de fromage! Voilà une heure bien investie à la suite de laquelle vous repartirez fièrement avec votre propre fromage. L’histoire du cheddar est essentielle à la Vieille fromagerie Perron, qui, en raison de sa création il y a plus d’un siècle et du fait qu’elle est la dernière fromagerie artisanale du genre au Québec, est considérée comme un monument historique et a reçu un statut de bien culturel national dans les années 1980. La fromagerie est aussi un musée, doté de centaines d’objets de collection liés à la production de fromage. L’établissement souhaite aussi encourager la production locale de fromage en offrant une variété issue de la route des fromages de la région.


Région de la CapitaleNationale 212 216 219

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Tour du Québec Région de la Capitale-Nationale

Entente sur les paysages de la Capitale Nationale La Taverne Saint-Casimir Sur la route


«Ce parc met en valeur une vue à la fois sur le fleuve, mais aussi sur l’île d’Orléans.» — Françoise Roy


(territoire) Entente sur les paysages de la Capitale-Nationale Beaupré mots. Mickaël Bergeron photos. Michel Roy

Sauvez notre âme Les paysages sont une richesse. On le réalise surtout lorsque, un peu trop tard, on remarque qu’on les a passablement abîmés. Mais il n’est jamais trop tard pour s’en rendre compte et renverser la vapeur. Parlons de restauration du patrimoine naturel.

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n a plus tendance à les remarquer quand on va à l’étranger. On s’émeut facilement de la magnificence des paysages quand nous sortons de chez nous. Le panorama du Grand Canyon. La vue des Rocheuses à partir de Calgary. Les côtes de la Bretagne. Les paysages ont une puissance et une valeur inestimables. Le Québec aussi a ses lieux épatants. Un lever de soleil sur les montagnes et les lacs du parc de La Vérendrye pendant qu’on roule sur la 117 marquent à jamais l’esprit. La taïga de la Basse-Côte-Nord est un poème qui remue de profondes émotions. La mer qui vient frapper les Chic-Chocs en Gaspésie est un spectacle médusant. Les berges du Kamouraska. La rivière Rouge. Le fjord du Saguenay. Des lieux qu’on tient facilement pour acquis. Dans la région de Charlevoix, on essaie de protéger ses paysages. Née à l’époque des Conférences régionales des élus (CRÉ), structure abolie au début du mandat de Philippe Couillard, l’Entente sur les

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paysages de la Capitale-Nationale réunit différents ministères, élus et organismes de la grande région de Québec afin de mettre en valeur ses paysages. Si Charlevoix est bien reconnue pour une chose, c’est bien ses paysages, que ce soit le long de la route 138 ou dans le parc national des Grands-Jardins. Instagram est rempli de selfies immortalisant des gens heureux de leur présence dans ces lieux qui semblent bénits. Conserver la vue Françoise Roy, chargée de projet pour l’Entente, nuance le rôle du programme. «Je sais qu’ailleurs, des citoyens utilisent l’argument de la valeur du paysage pour créer une pression politique», ditelle, en faisant référence à des développements industriels ou à des lignes d’Hydro-Québec, par exemple, «mais nous, on ne prend pas de position politique, on ne souligne pas les mauvais coups». Cela n’empêche pas la responsable de suivre l’actualité. «Je suis à l’affût des projets, je suis les dossiers, afin

de noter s’il y a des changements», et donc peut-être influencer, ou du moins, sensibiliser les élus sur l’impact des décisions. Cette influence peut se traduire dans l’adoption de règlements municipaux afin de mieux protéger ou mettre en valeur le paysage ou le patrimoine. Comme cette entente en est à son deuxième renouvellement et, surtout, a été reprise par les élus de la région lorsque les CRÉ ont disparu, on peut deviner qu’il y a une écoute particulière sur ces enjeux dans la région. D’ailleurs, Françoise Roy ne sait pas si les autres ententes du genre au Québec ont pu bénéficier de la même proactivité des élus locaux à la mort des CRÉ. «À ma connaissance, dit-elle, il n’y en a pas d’autres au Québec. On ne sait pas s’il y a eu une relève ailleurs.» Cette entente, qui couvre principalement la Côte-de-Beaupré, Charlevoix, l’île d’Orléans et la région métropolitaine de Québec, encourage surtout les projets qui mettent en valeur le paysage,

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proposent des formations et des rencontres ou partagent leur expertise avec les élus et les organismes de la région. La chargée de projet sait que les paysages de Charlevoix ont une valeur économique, «on sait que c’est un atout et un appel d’intérêt», mais il n’y a encore eu aucune étude concrète qui l’a évalué – un exercice particulier s’il en est un. Lors de la première signature de l’Entente, il y a huit ans, on a plutôt répertorié le paysage. «On est parti du principe de ce qu’on peut voir sur les routes principales», explique Françoise Roy. Gestes modestes mais concrets Il faut dire que le budget est mince. Avec seulement 125 000$ sur trois ans, l’Entente appuie des projets qui sont à première

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vue modestes, mais qui ont tout de même un impact. «On oublie vite comment c’était avant les améliorations», raconte la chargée de projet. Il y a un an, la Côte-de-Beaupré inaugurait le parc riverain Espace Fillion, situé le long de la 138, à L’Ange-Gardien. «Ce parc met en valeur une vue à la fois sur le fleuve, mais aussi sur l’île d’Orléans», souligne Françoise Roy. Plus encore, l’architecture s’est inspirée du patrimoine, mettant de l’avant le bois et le lien fluvial qui existait avant entre la côte et l’île avec les ponts de glace. «C’est un bon exemple de projets que nous soutenons avec l’Entente», ajoute la chargée de projet. Elle ne dira jamais que le boulevard Sainte-Anne manque de charme, mais elle soulignera

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plusieurs améliorations réalisées ces dernières années. Elle donne en exemple un restaurant sur le boulevard qui a fait de l’aménagement paysager devant sa façade, reléguant ainsi le stationnement à l’arrière du bâtiment, loin des regards. Non seulement cet aménagement se marie mieux aux rives du fleuve, mais le chiffre d’affaires de l’entreprise a même augmenté. Qui a dit que la beauté de la nature n’était pas payante? Les paysages sont inspirants, apaisants, réconfortants, et plus encore. Ils façonnent notre territoire et donc notre façon de vivre. Mettre en valeur nos paysages et les préserver, ce n’est rien de moins, finalement, que sauver l’âme de nos régions. notrepanorama.com

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Un engouement et un renouveau qui s’expliquent en bonne partie par l’engagement socioculturel très concret des Tessier.


( à boire ) La Taverne Saint-Casimir mots. Catherine Genest

Le comté des possibles C’est à mi-chemin entre Québec et Trois-Rivières qu’on repère l’affiche de Saint-Casimir, ce petit village de 1500 âmes qui fait courir les meilleurs musiciens de la province.

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utoroute 40, sortie 250. Un couple de dindons sauvages picosse la gravelle en bordure de la route des Grondines, celle-là même qui donne son nom à la fromagerie. C’est le chemin à emprunter pour rejoindre la rivière Sainte-Anne et son petit pont avant que nos yeux ne croisent le bâtiment vert émeraude de La Taverne Saint-Casimir, coquet exemple d’architecture vernaculaire américain, une construction stylée des années 1950 qui n’a jamais changé de vocation. Les Tessier en sont aujourd’hui les tenanciers, une famille qui a fait son nid sur une rue prédestinée, la leur. C’est là que les fils brassent leurs bières, que la fille et le père, aidé de sa douce, étanchent la soif des mélomanes dans tous les sens du verbe. Âgée de presque 175 ans, la paroisse de Saint-Casimir jouit pourtant d’un coup de pep historique. Depuis 2011, Daniel Tessier et son clan appâtent les musiciens en cavale. Leur salle est devenue un arrêt quasi obligé pour

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toutes les tournées qui passent entre Québec et Montréal, une destination de choix. «Les bands aiment ça venir ici, ils se le disent tous entre eux autres.» Forte d’un bouche-à-oreille enviable, La Taverne a accueilli de grandes vedettes comme le chanteur City and Colour ou le troubadour australien Xavier Rudd, des morceaux de patrimoine vivant comme Klô Pelgag ou le grand Pag. Des anglos, des francos, des poètes du franglais, peu importe. Leur mur des célébrités touche presque le 7e ciel, et les visiteurs, des amants de la culture de Portneuf comme d’ailleurs, se passent le mot eux aussi. La rumeur fait son œuvre. «Pour les Sheepdogs, l’autre fois, y a trois gars qui sont arrivés ici sur l’heure du souper, ils arrivaient du New Hampshire. On a eu un couple de l’État de New York, aussi, qui est venu pour voir le show.» Si Daniel sait tout ça, c’est parce qu’il est du genre placoteux, naturellement accueillant. Des liens se tissent entre lui et ses clients

dans cette ambiance à la bonne franquette. Puis, c’est sans parler de la proximité du public avec les artistes. Une fois les amplis fermés, il n’est pas rare de voir les musiciens trinquer avec ceux qui les ont applaudis. «Dallas Green de City and Colour, quand y a fini le show, y est venu jouer au pool avec moi ici à la fin de la soirée. Bien souvent, les gros bands de même, ils arrivent ici en autobus, ils voyagent de nuit. C’est le matin quand ils sortent dehors. Quand ils voient la rivière, ils se disent: “Voyons, où est-ce qu’on est, là?” Parce que, t’sais, sont habitués d’être en ville, c’est rien que des buildings, du béton alentour d’eux autres. Ici, ils peuvent sortir. Ils ont pas besoin de bodyguard. De toute façon, rien qu’avec les gars de la micro, on fait toutes en haut de six pieds.» Avant de négocier avec les tourneurs qui le courtisent de plus en plus, Daniel Tessier a successivement vendu des voitures, travaillé dans le domaine des assurances et loué des chapiteaux.

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Il a aussi tenu ce même bar de 1988 à 2000. «C’était différent, c’était plus un bar sportif. Les clubs de balle, de hockey. C’était vraiment plus local. On faisait plus des shows de chansonniers ou avec des bands de covers dans ce temps-là.» En rachetant la bâtisse sept ans plus tard, le sympathique commerçant l’a transformée en lieu de diffusion pour les créateurs en tous genres, de la chanson au houblon. Il n’y offre plus que des récitals d’auteurscompositeurs et les bières de la maison, celles de la Microbrasserie Les Grand-Bois. La Superpause, La 4e dimension, La Préparation Hache… De doux nectars concoctés par les alchimistes d’à côté, les fils Tessier et leurs associés, des gars de la place qui ne manquent pas de

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rendre hommage à ceux qui leur ont pavé la voie. Leur Portneuvoise, ils la doivent aux premiers brasseurs du comté. Ce n’est pas la même recette, mais le nom et le bouquet d’avoine du logo sont restés. «Ça avait ouvert en même temps que St-Ambroise et Boréal. C’était en 1988, ils ont fermé en 1992. Si on recule dans les années 1980, vraiment, partir une micro à SaintCasimir, là… Disons que le monde n’était pas très réceptif dans le coin.» Heureusement, les choses ont bien changé. À la fois bien enracinés et ancrés dans le présent, les membres du clan cultivent leur goût de la fête et tendent leurs mains vers le plus

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grand nombre. Attirés par cette vitalité toute fraîche et l’appât des maisons vendues pour une bouchée de pain, nombreux sont les jeunes gens qui rentrent au bercail ou choisissent Saint-Casimir pour y faire leur nid. Un engouement et un renouveau qui s’expliquent en bonne partie par l’engagement socioculturel très concret des Tessier. La Taverne Saint-Casimir Capitale-Nationale 365, rue Tessier Est, Saint-Casimir 418 339-2422


Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Île D’Orléans  photo Concierge.2C (Wikipédia)

Chocolaterie de l’Île d’Orléans 8330, chemin Royal, Sainte-Pétronille

Des hordes de voitures se donnent rendez-vous dans le stationnement de la Chocolaterie de l’Île d’Orléans chaque jour de beau temps. C’est presque un passage obligé!

Depuis presque 30 ans, on se bouscule au portillon pour déguster les meilleures glaces du coin, des crèmes molles trempées dans une mixture de cacao dégoulinante qui se solidifie et devient croquante au contact du froid. À moins que vous préfériez goûter à l’une de leurs

24 saveurs de sorbets artisanaux préparés à base de crème 35%, de lait et de fruits réduits en purée? Difficile de repartir sans une petite boîte de chocolats fins confectionnés sur place et avec le plus grand soin, à la manière des Belges.

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La Traite  photo Catherine Genest

La Traite 5, place de la Rencontre, Wendake

Force est d’admettre que l’hôtel des Premières Nations de Wendake est bien plus qu’un simple lieu de villégiature. Avec son musée, son restaurant et ses maisons longues plantées dans la cour, l’endroit fait

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office de véritable centre culturel. Les traditions huronnes-wendat y sont fièrement célébrées à travers des soirées de contes, un impressionnant corpus d’artéfacts, des toiles d’artistes locaux et, bien sûr, les créations culinaires du chef Olivier Bernardet. Dans ses assiettes? Beaucoup de viandes

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de chasse accompagnées du fameux pain bannique, ça va de soi, mais également des épices boréales et des légumes de saison apprêtés avec grand soin. Une cuisine savoureuse et inspirée par l’héritage autochtone qui comblera les estomacs carnivores à coup sûr.


Vignoble Sainte-Pétronille 8705, chemin Royal, Sainte-Pétronille

Célébré bien au-delà des frontières québécoises pour son Voile de la mariée, le Vignoble Sainte-Pétronille s’impose comme l’un des plus réputés de la Belle Province. On s’y rend, forcément, pour goûter à ce doux nectar reconnu pour la fraîcheur de ses notes, un blanc sec aux arômes d’aneth, de pamplemousse et de fleurs. C’est aussi là, à travers les champs de vignes, que l’Auberge Saint-Antoine a stationné son Panache Mobile. Une cantine sophistiquée à souhait qui sert de bons petits plats mettant en vedette le terroir insulaire. Des mets qu’on arrose des vins de la maison tout en se prélassant sur son patio. La vue sur le fleuve et les chutes Montmorency y est, par ailleurs, imprenable!

Musique de chambre à Sainte-Pétronille

Parc Maritime de Saint-Laurent

21, chemin de l’Église, Sainte-Pétronille

120, chemin de la Chalouperie, Saint-Laurent-de-l’Île-d’Orléans

Située sur la pointe de l’île, la petite municipalité de Sainte-Pétronille accueille depuis une trentaine d’années la crème de la crème des artistes classiques internationaux et locaux à l’intérieur des murs de sa magnifique église en pierres, devenue au fil du temps le véritable emblème des concerts estivaux. Les quelque 300 places disponibles créent une ambiance conviviale et intime entre le public et l’artiste dans cette oasis de paix – située à quelques kilomètres de la ville – et dont la qualité de l’acoustique fait de Sainte-Pétronille un endroit prisé par les mélomanes. Un sympathique festival qui a su s’établir parmi les grands et qui continuera de bercer les oreilles des mordus de classique longtemps.

La chalouperie Godbout (fondée au 19e siècle) et le défunt chantier maritime revivent dans ce centre d’interprétation adapté aux petites familles. C’est un pan méconnu de l’histoire des insulaires qui nous est racontée dans ces bâtiments de bois remis à neuf et sur ce vaste terrain qui a servi d’atelier à ciel ouvert pour la construction des goélettes de la famille Fillion jusqu’en 1967. Un voyage dans le temps animé par des guides passionnés, une visite dynamique agrémentée par cette vue imprenable sur les berges de Beaumont et le fleuve qui donne son nom à cette paroisse autrefois industrielle de l’île de Bacchus. Excusions en zodiac également offertes moyennant un supplément.

Vignoble Sainte-Pétronille  photo Xavier Girard

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Confiturerie Tigidou  photo Brigitte Thériault

Confiturerie Tigidou

Les Brunantes

Aliksir

5508, chemin Royal,

423, rue Principale, Saint-Alban

1040, chemin du Roy, Grondines

La forêt se marie aux projecteurs dans le cadre de ces soirées de cinéma naturaliste. Pour un second été consécutif, le vaste domaine portneuvois nous convie à une improbable rencontre entre nature et 7e art, entre passé et présent, classiques patrimoniaux et créations d’avant-garde. La programmation est extrêmement variée. On pourra y apprécier l’indémodable Blinkity Blank de Norman McLaren, le trait de crayon si singulièrement mignon de Diane Obomsawin, l’intense et onirique Soif de Michèle Cournoyer… Ce n’est qu’un tout petit échantillon. Des images de lanternes magiques et des gifs animés s’ajoutent à l’offre pour deux fins de semaine des plus féériques. Les 4 et 5 août, puis les 17 et 18 août.

C’est à même la cour de la maison mère que les distillateurs d’Aliksir récoltent leurs précieux herbages qu’ils transformeront en huiles essentielles et en hydrolats. Camomille, genévriers, menthe poivrée, sapin baumier, thuya occidental… Chacune de ces plantes est reconnue pour ses propriétés aromatiques, ses bienfaits, et l’équipe sur place se fera un plaisir de vous les exposer. Profitez-en aussi pour vous renseigner sur les produits de beauté concoctés avec ingrédients naturels, une solution de rechange peu coûteuse, éthique et naturelle aux grandes marques de cosmétiques. On dit beaucoup de bien de leur pommade verte qui hydrate la peau du visage en combattant les rides, de même que de leur crème contour des yeux à base d’eau de rose et d’huile d’avocat. En plus, tout est certifié biologique.

Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans

Juchée au sommet d’un cap aux abords du chemin Royal, la Confiturerie Tigidou a fait son nid dans une grange entièrement réaménagée, décorée dans un style shabby chic tout en nuances pastel et meublée de trouvailles antiques. C’est dans cet écrin joliment vieillot qu’on découvre les petits pots de la maison, des délices préparés avec les produits frais du grand jardin adjacent. Les mélanges sont aussi étonnants que sophistiqués: confiture de fraises au champagne, beurre de pommes au whisky, «jamelade» au zeste de citron et miel crémeux baratté aux fleurs sauvages… On profite de notre visite pour faire des provisions et (qui sait!) peut-être même passer la nuit dans l’une des coquettes chambres à l’étage.

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Guide restos SĂŠlection de bonnes adresses Ă visiter au fil de vos escapades.


Légende Si le chapeau te fait ...

Couronne Dans un restaurant Couronne, on s’attend à être reçus comme des rois et des reines. Signes distinctifs: les assiettes servent d’écrin à une cuisine de haute voltige; le décor est soigné, les couverts sont de grande qualité, la carte des vins est recherchée, et le service, professionnel. Bref, c’est la totale! Toqué!, Maison Boulud, L’Atelier Robuchon, Europea, le Laurie Raphaël et l’Initiale sont d’illustres représentants de cette catégorie.

Borsalino Ce chapeau de feutre mythique, symbole de classe et de style, est attribué aux bistros classiques ou aux restaurants qui servent une cuisine de type bistronomique. L’Express, Chez Victoire et Ophélia, par exemple, sont des établissements Borsalino.

Casquette Établissement sans prétention qui offre une bouffe simple dans un décor sans flaflas. Le service y est amical, voire familier. Ce peut être le petit resto sympa qu’on a adopté comme cantine du midi, par exemple. Dans un resto Casquette, pas besoin de mettre de gants blancs!

Les prix indiqués représentent le prix moyen pour un repas du midi ou du soir, pour deux personnes, avant les boissons, les taxes et le pourboire. La légende indique également si le restaurant offre le déjeuner ou le brunch, s’il dispose d’une terrasse, d’une salle privée, d’une carte des vins recherchée, ou s’il s’agit d’un «apportez votre vin». On y mentionne également si l’établissement accepte ou non les réservations.


Bas-Saint-Laurent

Bas-Saint-Laurent

Amérique du Nord

Amérique du Nord

Auberge du Mange Grenouille

Chez Saint-Pierre

148, rue Sainte-Cécile-du-Bic, Le Bic 418 736-5656

129, rue du Mont-Saint-Louis, Le Bic 418 736-5051

On entre ici dans un décor de théâtre, tout en tentures, antiquités, fleurs et feuillages… L’atmosphère est feutrée et le service digne des grandes tables, mais avec une touche de convivialité notable. Le menu de cuisine française aux accents du terroir québécois offre, par exemple, en entrée, des crevettes de la Côte-Nord, guacamole et roquette ou des pétoncles aux lardons, purée de courge vanillée et poireau, avec un bel équilibre de saveurs. L’omble de Gaspé, présenté sous forme étagée avec légumes de saison, pleurotes et sauce au riesling, est cuit comme il se doit. Sinon, on peut opter les yeux fermés pour les filets de veau ou de bœuf Angus. Un seul regret: le menu dégustation 5 services qui n’est offert que pour deux personnes ou plus.

Une visite s’impose, un détour, un pèlerinage annuel, même, pour certains. La magnifique et ô combien talentueuse chef propriétaire Colombe Saint-Pierre vous reçoit dans une ambiance feutrée qui se prête très bien aux célébrations familiales ou aux déclarations amoureuses (ou simplement à un très bon moment). Le menu dégustation permet de se délecter d’un éventail de produits de la région si bien mis en valeur. Légumes, viandes et poissons sont ainsi sublimés et travaillés de manière originale. Les accords mets et vins sont l’œuvre d’une sommelière et sont très étudiés. Comme l’endroit est situé en face de l’église, on regrette juste de ne pas pouvoir monter au ciel après un repas pris ici. À noter que Chez Saint-Pierre est ouvert d’avril à décembre.

Midi -

Soir 100 $

Réservation Oui

Midi -

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch

Soir 110 $

Réservation Oui

Carte des vins recherchée

Salle/Espace privé Terrasse

Cantons-de-l’Est

Cantons-de-l’Est

Amérique du Nord

France

Auguste

Cellier du Roi par Jérôme Ferrer (Le)

82, rue Wellington Nord, Sherbrooke 819 565-9559

400, chemin Compton, Bromont 450 534-4653 poste 222

Lieu phare du centre-ville sherbrookois, Auguste représente un bel exemple d’expérience bistronomique où convivialité et raffinement font bon ménage. La convivialité s’exprime dans le service amical et dans les plats signature que sont le hambourgeois de porc effiloché, le tartare de bœuf local ou de truite des Bobines, le boudin noir croustillant et le foie de veau de lait poêlé. Le raffinement se perçoit dans le décor épuré et contemporain, et dans le soin que le chef Julien Hamont apporte au choix et à la préparation des ingrédients. Secret bien gardé: le risotto et le pouding chômeur sont deux valeurs sûres que les clients redemandent. Le resto propose un menu «tôt ou tard», servi avant 18h et après 21h. Un lieu bien agréable, à visiter et revisiter.

Réputé parmi les meilleures tables de la région, offrant une vue panoramique époustouflante sur les montagnes environnantes, le gastronomique Cellier du Roi du très connu Jérôme Ferrer a de quoi épater. Le chef accueille ses invités avec soin et raffinement, apposant son sceau sur chaque détail et entremets. Risotto de crevettes nordiques, noix de carré d’agneau rôti en croûte d’herbes, raviolis maison à la courge; la carte varie au gré des saisons et les produits locaux sont travaillés de manière exquise et originale. Le menu Signature propose un accord vins et mets étudié avec soin et choisi dans le foisonnant cellier. Cordial, avenant et professionnel, le service rehausse l’expérience, que l’on vienne après une journée de golf, pour un brunch en famille ou un souper en tête-à-tête.

Midi 50 $ Soir 70 $

Midi 45 $ Soir 110 $

Réservation Oui

Réservation Oui

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch

Salle/Espace privé Terrasse

Salle/Espace privé Terrasse

Tour du Québec Guide restos

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Cantons-de-l’Est

Europe de l’Est

Bistro Kapzak 108, rue Principale, Granby 579 365-3008

Le chef Jason Kacprzak a fait ses preuves dans les Cantons-de-l’Est, et c’est maintenant à Granby qu’on le retrouve. Chaque saison, il nous présente du frais, des plats généreux et des saveurs robustes, nous faisant voyager entre classiques polonais et produits québécois. L’orge est servie façon porridge aux champignons sauvages, la cuisse de canard laquée à l’érable côtoie les spätzles crémeux et l’araignée de veau est tendre à souhait. Les curieux apprécieront la plyta polonaise et ne sauront refuser, en finale, le délectable paczkis (beignet maison) et son coulis de fruits du moment. À boire, une belle variété de vodkas, de whiskeys, de vins d’importation privée et de cocktails signature. Avec un personnel aussi affable et une joyeuse ambiance décontractée, on y retourne à coup sûr pour toute occasion. Midi 45 $ Soir 85 $ Réservation Oui Midi Réservation Carte desSoir vins recherchée Salle/Espace privé Terrasse photo Geneviève Arsenault

Cantons-de-l’Est

Cantons-de-l’Est

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2018-05-24 10:12 AM

France

Amérique du Nord

Manoir Hovey

Riverain (Le)

575, rue Hovey, North Hatley 819 842-2421

700, chemin Ripplecove, Ayer's Cliff 819 838-5340

Distinction, finesse et élégance: on ne s’attendrait pas à moins d’un si renommé établissement Relais & Châteaux. Le site enchanteur au bord du lac Massawippi crée une ambiance propice à un souper romantique. Ayant développé une nouvelle approche en cuisine québécoise (selon sept profils de saveurs de saison), le chef Francis Wolf continue à offrir des plats raffinés et exécutés à partir de produits locaux et responsables. Et chaque fois, il ne manque pas d’innover dans la présentation et le mariage des saveurs et des couleurs. Omble de l’Arctique, agneau nourri aux algues et magret de canard glacé au miel et à la rose ne sont que des exemples des délices soigneusement apprêtées à sa table. On ne saurait également omettre l’irréprochable, attentionné et courtois service du maître d’hôtel, des serveurs et du sommelier.

C’est indéniable: Le Riverain et ses quatre diamants nous transportent ailleurs. Une fine cuisine du terroir dont le raffinement n’a d’égal que la qualité des produits qui la composent, un décor somptueux et romantique ainsi qu’une vue spectaculaire sur le lac Massawippi en font un véritable trésor des Cantons-de-l’Est. Le menu séduit, du beurre à la marguerite fait maison jusqu’au dessert, en passant par une divine bisque de homard et un sublime magret de canard servi avec chou-rave, fraises, rhubarbe et épinards. Les saveurs sont recherchées et parfaitement maîtrisées. On termine l’expérience en prenant un digestif sur le quai en été, en y combinant des soins de détente ou, pourquoi pas, un séjour idyllique en région.

Midi 65 $ Soir 150 $

Midi 90 $ Soir 140 $

Réservation Oui

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch Salle/Espace privé Terrasse

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Tour du Québec Guide restos

Réservation Oui

Carte des vins recherchée Salle/Espace privé Terrasse


Charlevoix

Charlevoix

Amérique du Nord

Amérique du Nord

Auberge des Trois Canards

Labours (Les)

115, côte Bellevue, Pointe-au-Pic, La Malbaie 418 665-3761

50, rue de la Ferme, Baie-Saint-Paul 418 240-4123

Juchée dans les hauteurs de Pointe-au-Pic, avec vue sur le fleuve, cette demeure de prestige construite en 1904 offre à la fois un voyage dans le temps et une exploration du terroir local. Au menu, des plats certifiés «Table agrotouristique de Charlevoix», mettant en valeur, par exemple, le canard de la ferme Basque et les fromages des alentours. L’aventure culinaire, sans fautes, nous en met plein les papilles dans une ambiance d’hôtel chic mais sans snobisme inutile. Outre le foie gras, impeccable, nous avons été séduits par une chaudrée de palourdes parfaite et une somptueuse caille fondante aux champignons. Pour terminer la route en douceur, une création de la maison a su marquer nos mémoires: un Fleurmier de Charlevoix flambé au Sortilège et nappé de sirop d’érable. Impeccable.

Si le dada de ce restaurant est d’utiliser des produits locaux, c’est aussi le lieu par excellence où s’attabler pour une agréable soirée champêtre. Produits du canard de la Ferme Basque, omble des Éboulements confit, fromages et terrines du terroir charlevoisien ainsi que fruits et légumes du potager d’à côté font tous partie de la carte, et de très belle façon. Le foie gras au torchon aux fraises et aux arachides ainsi que le flanc de porc fondant accompagné de pétoncles tout juste saisis sont à se rouler par terre. On en redemanderait, mais ce serait devoir faire une croix sur tout le reste, tout aussi fabuleux. Le service est affable, dégourdi, et avec ce décor donnant sur les panoramas bordant le fleuve, on se croirait au paradis. Une oasis de saveurs mémorables.

Midi -

Soir 110 $

Réservation Oui

Midi -

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch Terrasse

Soir 130 $

Réservation Oui

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch Salle/Espace privé Terrasse

Charlevoix

Chaudière-Appalaches

France

Amérique du Nord

Mouton Noir

Greg (Le)

43, rue Sainte-Anne, Baie-Saint-Paul 418 240-3030

265, rue Drouin, Scott 418 387-5060

Établi depuis 1976 au bord de la rivière du Gouffre, c’est un établissement fort connu de la région pour sa cuisine aux influences bretonnes réalisée avec de succulents produits charlevoisiens. La carte est intéressante, variée, et propose une bistronomie de fort belle qualité: boudin noir artisanal, cocotte d’épaule de porc bio de Charlevoix à l’érable et à la coriandre (la spécialité de l’endroit), longe d’agneau rôtie, assiette de la mer, acras de morue, magret de canard ou gnocchis de patate douce ne sont que quelquesuns des possibles s’offrant à vous pour vous sustenter dignement. C’est une cuisine du terroir relativement bien faite, créative et exécutée avec de beaux produits frais bien de chez nous. Une valeur sûre de la pittoresque ville de Baie-Saint-Paul!

À moins d’une heure de route de Québec, la Cache à Maxime - hôtel, spa et vignoble - abrite le restaurant Le Greg, qui offre un menu gastronomique d’une qualité irréprochable et qui vaut le déplacement. En soirée, nous avons pu goûter une cassolette de ris de veau préparée avec précision où la sauce foie gras et pomme se mariait magnifiquement à ce délice carnivore et goûteux. Une raviole de canard d’une finesse exemplaire a aussi su nous convaincre avant d’attaquer la suite qui met les viandes en vedette. On donne une note parfaite à cet onglet de bœuf qui fondait en bouche. Pour les gourmands plus curieux, la table d’hôte découverte permet de goûter plusieurs plats et de voyager dans un menu qui met en valeur les produits du terroir. Valeur sûre.

Midi 50 $ Soir 80 $ Terrasse

Réservation Oui

Midi 60 $

Soir 120 $ Réservation Oui

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch Salle/

Tour du Québec Guide restos

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Côte-Nord

Îles-de-la-Madeleine

Espww Amérique du Nord

Amérique du Nord

Chez Mathilde

Quai 360

227, rue des Pionniers, Tadoussac 418 235-4443

360, chemin du Quai, Cap-aux-Meules 418 986-7680

Au cœur de Tadoussac se niche Chez Mathilde, antre distingué tenu par un couple sympa aux valeurs contagieuses, qui transparaissent autant dans l’établissement qu’à la table. L’expérience culinaire s’amalgame à leur passion pour la musique (prestations fréquentes), mais aussi à leur penchant littéraire, avec un menu proposé sous forme d’introduction, de développement et de conclusion. Ce qui s’en dégage séduit rapidement: l’ambiance côtière se juxtapose à merveille à la carte des repas, qui marie bien entendu les fruits de mer, mais aussi les savoureuses grillades, toujours accompagnés d’étonnants produits marins, voire de trouvailles locales savamment apprêtées. S’entourant d’artisans et de créateurs du coin, le resto permet une incursion gustative franchement chaleureuse, à mi-chemin entre fine gastronomie et table accueillante.

Qualifiée de cuisine du marché, l’approche de l’établissement est venue parfaire l’offre du paysage gastronomique madelinot. C’est ce qui explique en partie la réponse rapide et enthousiaste de la clientèle. L’autre partie de la réponse se trouve dans une maîtrise certaine des plats inspirés par la fraîcheur des produits locaux. On peut y sortir de notre zone de confort organoleptique sans craindre une coûteuse déception. Ainsi, une entrecôte bleue et une queue de homard légèrement cuite réussissent à nous faire apprécier l’étonnante variation de saveurs que peut conférer un simple degré différent de cuisson au même aliment connu. Les amateurs de vin auront plaisir à partager leur passion avec le propriétaire qui ne manque pas de proposer un accord mets/vin inspiré de ses propres explorations. Le service allie professionnalisme et bonhomie.

Midi 40 $ Soir 90 $

Réservation Oui

Midi 70 $

Déjeuner + brunch Terrasse

Soir 120 $ Réservation Oui

Carte des vins recherchée Salle/Espace privé Terrasse

Îles-de-la-Madeleine

Lanaudière

Amérique du Nord

Amérique du Nord

Table des Roy (La)

Auberge du lac Taureau

1188, chemin de La Vernière, L'Étang-du-Nord 418 986-3004

1200, chemin de la Baie-du-Milieu, Saint-Michel-des-Saints 450 833-1919

Une triade décrit bien la cuisine de la chef propriétaire Johanne Vigneau: recherche, maîtrise et constance. Peu de tables au Québec peuvent se vanter de maintenir une telle qualité gastronomique sur une si longue période. La déco minimaliste et le service discret laissent toute la place aux plats qui, eux, nous entraînent dans une délicieuse ronde organoleptique locale. Loup-marin subtil, fin ris de veau, flétan juteux, faux-filet de bœuf bien épais; vous pouvez sans crainte pousser l’audace à commander le mets qui vous fait hésiter puisque, de main de maître, chef Vigneau vous les sublimera à coup sûr en utilisant avec justesse des ingrédients peu communs comme le poivre des dunes, le persil de mer et la baie de genévrier. De l’art en bouche.

Cette auberge est un endroit de choix pour vivre une expérience gastronomique mettant en vedette le terroir de Lanaudière, notamment ses champignons forestiers. Construit en bois rond, le restaurant offre une ambiance champêtre avec une terrasse surplombant un lac ensemencé de truites où viennent s’abreuver les chevreuils. La très grande majorité des clients optent pour le buffet où l’on retrouve un vaste choix de plats de qualité comme les vol-au-vent aux fruits de mer, les moules à volonté ou de délicieuses longes de porc. Sur l’heure du lunch, le bistro propose aussi d’excellents burgers de gibiers et des poutines maison dont une au homard - à ne pas manquer. Le soir, une table d’hôte 5 services est offerte, étonnamment moins savoureuse que le buffet du midi.

Midi -

Soir 160 $

Réservation Oui

Carte des vins recherchée

Midi 35 $ Soir 120 $

Réservation Oui

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch Salle/Espace privé Terrasse

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Laurentides

Laurentides

Amérique du Nord

France

Bistro à Champlain

Express gourmand (À l')

39, boulevard Fridolin-Simard, Estérel 450 228-2571

31, rue Morin, Sainte-Adèle 450 229-1915

Transplanté au cœur d’un luxueux centre de villégiature, le célèbre Bistro à Champlain et sa fabuleuse cave à vin n’a plus rien d’un bistro, mais tout d’un établissement de classe supérieure. Sa salle à manger aux larges baies vitrées évoque un bateau voguant sur le lac Masson. Le nez dans l’assiette d’une table d’hôte 5 services à prix honnête (sauf suppléments), on pénètre avec bonheur dans le riche univers du chef Jean-Luc de la Bruère. Crabe et thon ouvrent notamment le bal des entrées avec grande délicatesse, tandis que la morue charbonnière, le carré d’agneau ou la déclinaison de canard (crème brûlée au foie gras, magret, confit) étonnent par leurs parfums et choix d’accompagnements. Le fondant au chocolat obtient la meilleure note au palmarès des desserts.

En plein cœur du village de Sainte-Adèle, ce sympathique établissement est tenu depuis des années par un charmant couple qui se fait un point d’honneur de faire affaire avec de petits producteurs. Lui est en cuisine, elle en salle, virevoltant de table en table avec son sourire engageant. La carte est assez courte mais bien équilibrée, avec de belles propositions en plats principaux. La spécialité des lieux est la cuisson lente. Elle donne au suprême de pintade, comme à l’épaule de chevreau ou à l’agneau des prés-salés, une distinction de tendreté hors pair. Les choix d’accompagnements varient selon les plats et tous dénotent un souci de bon accord entre saveurs et textures. Les desserts maison (crumble, macaron, panna cotta…) ne sont pas du tout à négliger.

Midi -

Soir 130 $

Réservation Oui

Midi -

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch

Soir 110 $

Réservation Oui

Carte des vins recherchée Terrasse

Salle/Espace privé Terrasse

Laurentides

Laurentides

Amérique du Nord

France

sEb l'artisan culinaire

Table des gourmets (La)

444, rue Saint-Georges, Mont-Tremblant 819 429-6991

2353, rue de l'Église, Val-David 819 322-2353

Ne vous attendez pas à retrouver ici les mêmes plats de visite en visite: la table d’hôte et la carte changent avec les saisons, gage d’une bonne cuisine de marché (d’inspiration française), faisant la part belle aux produits du Québec, et d’une brigade qui aime se réinventer. Les assiettes sont belles à regarder et, à la dégustation, on s’extasie encore. Les entrées sont particulièrement réussies. Du côté des plats principaux, l’équilibre serait mieux atteint si les sauces étaient plus mesurées, et les garnitures plus abondantes. On se rattrape sur les desserts? Mieux vaut avoir le bec bien sucré si on opte pour l’original pouding au bacon fumé. Bon point: le restaurant au style contemporaincampagnard est divisé en plusieurs espaces, mais l’intimité est partout préservée.

C’est le travail et le talent de Thierry et Maxime Rouyé qui contribuent à faire de cet établissement familial l’une des meilleures tables des Laurentides. Ce duo de chefs père-fils arrive à nous faire découvrir des produits inusités, à nous faire vivre des expériences gustatives hors du commun. Connaissez-vous beaucoup d’endroits où l’on peut retrouver sur le même menu de l’esturgeon, du pigeon, des amourettes d’agneau ou encore du foie gras servi avec de la rhubarbe et des fraises, agrémenté de Voatsiperifery (poivre sauvage de Madagascar)? L’origine bretonne des deux toques s’exprime au rayon des desserts, dans un richissime kouign-amann et dans un granité de chouchen (alcool de pomme et miel). Sur le plancher, Pascale, épouse du premier et mère de l’autre, veille à tout. Que du bonheur.

Midi -

Soir 120 $

Réservation Oui

Carte des vins recherchée Salle/Espace privé Terrasse

Midi 50 $ Soir 100 $

Réservation Oui

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch Terrasse

Tour du Québec Guide restos

229


Mauricie

Mauricie

Amérique du Nord

Amérique du Nord

Auberge Le Bôme

Poivre Noir

720, 2e avenue, Grandes-Piles 819 538-2805

1300, rue du Fleuve, Trois-Rivières 819 378-5772

Dans l’ancien magasin général de Grandes-Piles, cette sympathique auberge surplombe la rivière Saint-Maurice. L’ambiance y est conviviale. De sa cuisine ouverte, la chef Mathilde discute gaiement avec les clients, pendant que son conjoint Jean-Claude assure le service escorté par leur chien Pépito. Car c’est surtout pour la table que citadins et touristes européens y affluent depuis près de 30 ans. À l’ardoise, on retrouve poissons, viandes et petit gibier, toujours servis avec légumes de saison. Peu importe le plat, l’équilibre des saveurs est parfaitement maîtrisé. La délicatesse du cumin dans la souris d’agneau, la touche de pastis dans cette sauce nappant les quenelles de brochet, et cette riche purée de topinambours... La finesse de la cuisine fait vite oublier le service qu’on aimerait un peu moins familier.

Ici, le talent du chef n’a d’égal que sa créativité. Le format moyen des plats à la carte permet d’en découvrir plus d’un, surtout si l’on partage. Mais c’est le menu dégustation cinq services à l’aveugle qu’il faut s’offrir, si l’on veut surprendre nos papilles (minimum deux personnes). On constate alors toute la recherche et le travail dans les assiettes, comme ces crevettes roses d’Argentine servies avec espuma de babeurre, huile d’aneth et granité de yogourt de chèvre. Pour compléter l’expérience, optez pour l’accord mets et vins. En salle à manger, la magnifique vue sur le Saint-Laurent sauve la mise du décor moderne un peu froid. Durant la belle saison, la cuisine extérieure propose une formule tapas, très conviviale.

Midi -

Soir 105 $

Réservation Oui

Midi 50 $ Soir 120 $

Salle/Espace privé

Réservation Oui

Carte des vins recherchée Salle/Espace privé Terrasse

Mauricie

Mauricie

Amérique du Nord

France

Temps d'une pinte (Le)

Zélé

1465, rue Notre-Dame Centre, Trois-Rivières 819 694-4484

3230, chemin de Sainte-Flore, Shawinigan 819 729-0466

À Trois-Rivières, quand la soif vous donne faim, on dit que c’est le «temps d’une pinte»! Cette microbrasserie propose une cuisine bistronomique frôlant délicieusement les quatre étoiles, ce qui permet de pardonner un service parfois un tantinet bâclé. On retrouve les désormais classiques scotch eggs, tartares et malakoff à la carte, alors que l’ardoise propose des options variant au gré des saisons, comme un duo de pétoncles et boudin, sur chou frisé et de Bruxelles, accompagné d’un gratin de légumes racines et cipollinis poêlés. On y va aussi pour les breuvages houblonnés du maître brasseur, le café torréfié sur place, l’ambiance sympathique, le joli Biergarten, les brunchs du week-end, ou simplement le temps d’un spectacle.

Cet établissement est un secret bien gardé, au cœur du village de Sainte-Flore-de-Grand-Mère. Dans un ancien magasin général, ce petit bistro propose une cuisine d’inspiration française. Servis dans une jolie vaisselle dépareillée semblant tout droit sortie de la brocante, les plats mettent en valeur les produits du terroir et de la saison. Sur l’ardoise, qui varie selon les arrivages, difficile de faire un choix entre les trotoles au lapin de Saint-Tite, les linguinis frais aux fruits de mer, ou la morue sur nage de céleri rave, légumes et caramel de tomate. Au dessert, il est permis de succomber à la tarte au sucre dans un verre, si elle est disponible. Le mercredi, les plats à petit prix incluant un verre de bière en fût sont à surveiller.

Midi 28 $ Soir 80 $

Midi -

Réservation Oui

Déjeuner + brunch Terrasse

230

Tour du Québec Guide restos

Soir 90 $

Réservation Oui


Outaouais

Outaouais

Amérique du Nord

France

Baccara (Le)

Chantignoles (Aux)

1, boulevard du Casino, Gatineau 819 772-6210

392, rue Notre-Dame, Montebello 819 423-6341

La cuisine française à son meilleur, tout simplement! L’expérience est sublime du début à la fin. Tout au long du repas, on est traité aux petits oignons, grâce à un service un brin altier. Exécutée à la seconde près, chaque petite attention rend l’expérience mémorable. Soigneusement pensé, le menu gastronomique propose un éventail de choix savoureux. Le tartare de thon au kiwi est divin, sans parler du foie gras, poêlé ou en terrine. De jolies fleurs comestibles rendent souvent le coup d’œil tout aussi épatant que les saveurs. Le resto est d’un classicisme chic, non démodé. Demandez une table près de la fenêtre, on ne se lasse jamais de la magnifique vue sur le lac, avec les gratte-ciel en arrièreplan. Idéal pour célébrer une occasion spéciale ou pour un rendez-vous galant.

Situé dans le luxueux Château Montebello aux abords de la rivière des Outaouais, Aux Chantignoles est une table classique. En terrasse, on apprécie la magnifique vue et le cadre extérieur verdoyant. À l’intérieur, les somptueux murs de pierres nous transportent à l’époque de la vie de château. Amusegueules et granités sont servis d’office. Dans les assiettes, les portions sont savamment calculées et les recettes, bien pensées. Carré d’agneau, cerf rouge, feuilleté de poisson, tout est apprêté selon les attentes mais sans surprise. Le service est rapide et courtois mais sans attentions particulières. Il vaut la peine de prolonger un peu son séjour pour profiter des multiples activités environnantes en plus de vivre une expérience gastronomique.

Midi -

Soir 200 $ Réservation Oui

Midi 60 $ Soir 120 $

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch Salle/Espace privé

Réservation Oui

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch Salle/Espace privé Terrasse

Outaouais

Outaouais

Amérique du Nord

Amérique du Nord

Edgar

Fougères (Les)

60, rue Bégin, Gatineau 819 205-1110

783, route 105, Chelsea 819 827-8942

Chef de file de la gastronomie en Outaouais, ce tout petit resto de la rue Bégin a fait ses preuves. Le populaire mac and cheese est incontestablement un incontournable, en version pimentée ou non. Le menu est frais et tout simplement délicieux en tout temps. L’endroit est minuscule toutefois. Quatre tabourets près de la fenêtre et quelques tables entourant la cuisine à aire ouverte constituent la salle à manger. La terrasse est une meilleure option, mais il faut souvent faire la queue pour y avoir une place, surtout pour le brunch du week-end. On se fait servir le midi et pour le brunch, sinon on se laisse tenter par un des délicieux plats pour emporter. Sans oublier les desserts qui sont absolument divins. Le beignet au citron est un must.

Cette sympathique propriété entourée de verdure est un véritable sanctuaire culinaire depuis plus de 20 ans. La fraîcheur y est assurément une marque de commerce. Les aliments utilisés en cuisine sont cultivés avec amour dans les jardins environnants. La spécialité de la maison, le canard confit avec sa cuisson irréprochable et accompagné de röstis, poire pochée et chèvre, est un vrai délice! Tous les détails de l’assiette sont réfléchis pour que l’expérience en bouche soit renversante. Gâteau aux olives pour dessert? Faites confiance au chef! Décor tout nouveau tout beau, d’un chic contemporain. À la sortie, le magasin gourmand vaut la visite. On peut aussi flâner dans les jardins ou dans la galerie d’art à l’étage. Recommandé pour les occasions spéciales.

Midi 30 $ Soir -

Midi 100 $ Soir 120 $ Réservation Oui

Réservation Non

Déjeuner + brunch Terrasse

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch Terrasse

Tour du Québec Guide restos

231


Outaouais

Saguenay—Lac-Saint-Jean

France

Amérique du Nord

Orée du bois (L')

Auberge-bistro Rose et Basilic

15, chemin Kingsmere, Old Chelsea 819 827-0332

600, boulevard des Cascades, Alma 418 669-1818

À l’arrivée, on est immédiatement charmé par les allures rustiques de l’ancienne ferme, la nature environnante et le potager prospère. Cet établissement traditionnel met en valeur la cuisine française et les produits du terroir québécois. Lapin, canard et volaille de fermes de la province sont apprêtés de façon originale et intrigante. Le pot-au-feu de la mer et le feuilleté de pétoncle font partie des spécialités. La carte offre tellement de choix qu’il est impossible de goûter à tout. Table d’hôte de saison, menu de groupe et menu végé sont aussi offerts. La viande et le poisson sont fumés sur place. Les desserts et chocolats sont préparés minutieusement à même la cuisine. Un resto unique en son genre, très apprécié dans la région.

Avantageusement située entre rivière et centre-ville, l’auberge-bistro offre des découvertes culinaires et expérientielles, assurément épicuriennes. Les attentions n’y sont pas prises à la légère: couverture qui patiente sur la terrasse et en-cas servi par le chef sont parmi les petites séductions qui s’arriment à merveille à l’atmosphère apaisante et authentique des lieux. Le menu ouvert accommode tous les appétits: 5 ou 7 services, menu bar et assortiment de desserts à partager permettent de jongler avec les découvertes. Filet mignon primé ou pâtes artisanales almatoises sont à l’honneur, ainsi que d’autres sélections gastronomiques inspirées du terroir. Choix intéressant de vins et de bières de microbrasseries locales à l’honneur.

Midi -

Midi 40 $ Soir 115 $ Réservation Oui

Soir 100 $ Réservation Oui

Carte des vins recherchée Déjeuner + brunch Salle/Espace privé

Salle/Espace privé Terrasse

Saguenay—Lac-Saint-Jean

Saguenay—Lac-Saint-Jean

Amérique du Nord

Amérique du Nord

Bergerac (Le)

Draveur (Le)

3919, rue Saint-Jean, Jonquière 418 542-6263

169, avenue Roberval, Roberval 418 275-0111

Se sentir chez soi tout en étant reçu avec tous les égards de la haute gastronomie, voilà ce que nous réserve le Bergerac. La coquette demeure centenaire métamorphosée en restaurant offre une atmosphère chaleureuse unique, sereine, avec une teinte chic. Les brassins régionaux et l’offre étonnante de cuvées exclusives mettent la table à une fine cuisine qui met en vedette viandes (bœuf, canard), pâtes et poissons, avec lesquels flirtent nombre de légumes de saison, champignons sauvages et fromages du Québec, entre autres saveurs locales judicieusement sélectionnées. Rigueur et perfectionnisme se constatent illico, autant dans l’assiette que dans les attentions et le service. Les sophistiqués desserts coiffent ce moment unique offert.

Avec ses murs en bois de grange tapissés de vieilles photos de l’époque de la drave, des arbres entiers en guise de poteaux et un canot d’écorce qui surplombe le bar, le resto, qui se transforme en bar après 23 heures, offre une ambiance chaleureuse et festive. Inspiré par les recettes de grands-mères, le chef Simon Côté prépare du comfort food de luxe à la sauce boréale, misant sur plusieurs épices et produits du terroir régional. Les spécialités: pâté chinois déconstruit du foreman, tartare de cerf et canard fumé, viandes de gibier et grillades, ainsi que les incontournables inspirations du chef, offertes du jeudi au dimanche. En misant sur des produits frais et des agencements raffinés, tout est carrément délicieux, du cornichon frit à l’émincé de courgettes grillées en passant par les frites et les desserts!

Midi 40 $ Soir 110 $ Réservation Oui

Midi 65 $ Soir 100 $ Réservation Non

Carte des vins recherchée Salle/Espace privé

Salle/Espace privé Terrasse

232

Tour du Québec Guide restos


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