Decroly - 100 ans - Portraits

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ĂŠcole Decroly cent ans sans temps

50 portraits d’anciens decrolyens 1907-2007 photographies nicolas van brande textes jacques ledent 1


Nicolas Van Brande Avide de rencontres humaines, Nicolas se lance dans la photo après ses études à l’école Decroly. C’est par cet art qu’il trouve le moyen de capturer des instants furtifs, des émotions, des états d’âme, des secrets, … la condition humaine. Il parcourt des pays, boîtier à l’épaule, que ce soit pour le plaisir ou pour des organismes humanitaires (MSF, Croix Rouge) avec ce même regard, celui qui tente de comprendre le genre humain. Très jeune, il fait le pari de monter une école de photo pour amateurs, dans le but de partager sa passion du “regard”. L’atelier de photographie CONTRASTE vit depuis 1994. Nicolas travaille ­d’arrache-pied pour son école, ouverte à tous, sans restriction. Au cours des années, celle-ci vogue, gardant son objectif d’un enseignement créatif, vers un lieu de rencontres… Son but est doublement atteint. Au cours de ce travail de longue haleine, Nicolas nous fait ressentir, dans ses photos, la magie d’un moment particulier de ces rencontres, toutes passionnantes par leur diversité. Il a su prendre avec émotion l’instant qui caractérise la personne. son travail d’équipe avec Jacques offre un échantillonage humain. Chaque sujet a suivi son propre chemin mais un point commun les relie tous : leur passage à l’école Decroly.

Jacques Ledent Professeur à l’école Decroly plus de 30 ans ! Et quel professeur ! Aimé de tous, il a su faire vivre des matières parfois rebutantes telles les mathématiques ou la chimie, passionner les élèves par des manips de physique ou de biologie auxquelles toute l’école aurait aimé participer. Jacques, peu doué pour être chercheur, choisit de transmettre avec passion son savoir. Il aurait pu, d’ailleurs, enseigner n’importe quelle matière, son public aurait été tout aussi enthousiaste. Mais qu’est-ce qui le caractérise ? Une gentillesse, reflétée par son sourire au-delà du commun et un humanisme peu courant. Il connaît les histoires de tout le monde, avec tout les détails…, une vraie pipelette, comme on dit en belge. Il sait faire parler “l’autre” comme il le veut et c’est ce talent qui est mis à profit dans ce travail. Non, il n’est pas écrivain mais plutôt altruiste, ce qui donne à ces textes une dimension d’une sensibilité plus intéressante que le récit d’un vaste curriculum vitae… Jacques n’a pas tout à fait pris sa retraite de l’enseignement. Les élèves actuels de l’école Decroly ne pourront plus apprécier une telle personnalité, mais son désir de transmettre le savoir bénéficie aujourd’hui aux instituteurs. Qui ne connaît pas Jacques Ledent ? Eh bien débrouillez-vous pour le rencontrer… M. K

En couverture : Pierre Cordier et un extrait de l’écho de l’école.


Cent ans_sans temps Pour la vie


À Marie, Louise, Nathan, Emile et Jules. À Martine, Gilles et Emmanuelle, Thomas et Véronique.

Une élève de l’école de la rue de l’ermitage, photographie anonyme, extraite d’un album conservé au centre d’études decrolyennes.


préface

L’idée d’éditer un livre est née de l’initiative d’un ancien et a immédiatement séduit l’école et le Centre d’études decrolyennes. Un comité éditorial, constitué d’anciens decrolyens, de parents, des directions de l’école, de professeurs, de responsables du centre d’études, a été mis sur pied pour envisager la faisabilité de ce projet. Et pour le porter à bout de bras durant deux années. Cent ans_sans temps est un livre double : Par la vie regroupe des mots clés retraçant vie de l’école durant ses cent ans d’existence, Pour la vie, un recueil de portraits d’anciens élèves racontant leurs souvenirs et évoquant leur parcours, parfois en devenir. Pour des raisons éditoriales évidentes, il était impossible de réaliser l’interview des quelques trois mille anciens repris sur notre banque de données ! Dès le départ, après avoir rêvé réaliser 100 portraits pour les 100 ans de l’école, nous avions finalement pris le parti de nous limiter à 50 témoignages sur 100 pages. Il a donc fallu faire des choix, souvent difficiles, les opinions des uns et des autres étant chaque fois très judicieuses et bien étayées. Le comité éditorial s’est réuni à de nombreuses reprises : il fallait équilibrer les différents âges de la vie, il fallait représenter des parcours très différents aboutissants à des situations très atypiques, plus fréquentes ou parfois banales ; il fallait plus ou moins autant d’hommes que de femmes, etc…

Les discussions ont été longues, les décisions prises parfois contrecarrées par un téléphone qui ne répond jamais ou un rendez-vous manqué… C’est cela aussi les aléas de la vie. Que tous ceux qui ne s’y trouvent pas sachent en tout cas qu’ils auraient pu y être, que la vie de tous ceux qui ont parcouru le début de leur chemin à l’école Decroly est aussi intéressante et importante à nos yeux que celle des cinquante personnes sollicitées. Les portraits que nous trouvons dans ce livre étant de qualité, il a semblé intéressant d’en faire une exposition afin qu’ils puissent être vu non seulement par les Decrolyens, mais aussi par un public plus vaste. Et pour ces anciens, devenir, le temps d’un accrochage, les ambassadeurs de l’histoire d’une école peu commune. Il nous a donc fallu trouver un lieu d’expo­ sition adéquat. Un parent nous a proposé LA LOGE, annexe de la Fondation pour l’Architecture qui occupe un ancien temple maçonnique, rue de l’Ermitage. Un des ateliers occupant ce temple, le Droit Humain a eu entre autres pour fondateur le docteur Decroly. Ce lieu est un endroit symbolique. En effet, c’est là que se trouvait en 1907 la propriété qui a accueilli l’Ecole de l’Ermi­ tage lors de sa création, et dont une partie a été démolie pour y construire le temple. Dans le fonds du terrain, subsiste la grande maison bourgeoise qui a abrité les premières classes de l’Ecole Decroly,

jusqu’en 1927 moment où l’école a démé­ nagé vers des lieux plus vastes, Drève des Gendarmes, à proximité du la forêt de Soignes. Cent ans_sans temps est le fruit d’un véritable travail d’équipe. Il nous faut remercier Michel Bries, initiateur et porteur du projet, les parents et anciens, le Centre d’études decrolyennes, ainsi que tout le corps professoral de l’École pour la part importante qu’il a prise dans l’élaboration de la partie Par la vie. Ce sont eux qui par leur connaissance de la vie de l’Ecole et les recherches sur son histoire ont permis de créer des textes signifiants et intéressants. Pour la vie, n’aurait pu être réalisé sans le remarquable travail de Nicolas Van Brande derrière son objectif et Jacques Ledent, passant du mp3 à la plume de rédaction. Ils y ont passé un temps considérable avec beaucoup d’enthousiasme. Ils ont droit à notre reconnaissance toute particulière pour le travail accompli. L’édition de ce livre n’aurait pas été possible si un certain nombre d’anciens n’en avait supporté une partie des frais par un soutien financier généreux. Sans eux nous n’aurions pas eu les moyens de mettre en route cette entreprise. Qu’ils en soient donc vivement remerciés. A tous donc et au nom de tous un très grand merci. Pierre Decroly Président de l’Ecole Decroly – l’Ermitage asbl

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Photographier, prétexte à la rencontre… Travailler avec Jacques c’est d’abord le laisser parler pour qu’il occupe le sujet pendant que je scrute le paysage à la recherche d’un cadre, et que je plante l’éclairage, installe la personne… Commence alors un long dialogue d’une heure et demi entre Jacques et le sujet, temps pendant lequel je guette l’instant, tel un chasseur sa proie, à la recherche du “bon moment”. Chaque fois, je disparais du rapport au modèle, m’offrant une totale liberté, la personne se détend, tout devient possible… Les moments sont forts, le sujet se confie, l’émotion est là, pas de concession. Retour au labo, vite découvrir si la “bonne photo” est bien là, si à travers les 60 images, une seulement pourra être retenue… Cette alchimie est la recette du livre, merci Jacques d’avoir été l’indispensable compagnon de route. Nicolas


en guise d’introduction

Lorsque Nicolas Van Brande m’a téléphoné au printemps 2005, je n’imaginais pas un instant qu’il allait m’entraîner, victime ô combien consentante, dans une aventure qui allait durer près de deux ans. Et quelle aventure ! Le projet : une cinquantaine de portraits d’anciens decrolyens, issus d’une liste tombée du ciel et accompagnés de quelques commentaires. Cela n’apparaissait pas insurmontable. C’est donc ainsi qu’un vieux maître devint le disciple de son ancien élève ! Car cette fois, le professionnel, c’était lui. La première prise de vue fixa la méthode de travail : Nicolas renifle la lumière, les ombres et les reflets tel un chien de chasse puis prend une soixantaine de clichés pendant que je discute avec le sujet. La parole étant une compétence que je maîtrise encore, je distrais, je fais oublier la caméra et extrais les informations qui me permettent de brosser mon petit portrait. En quelque sorte, une situation de reportage ! // Nicolas et Jacques, en duo, rencontrent Marion à l’école, par un après-midi d’automne.

J’ai aussi joué mon rôle d’apprenti, portant les pieds ou la valise de matériel, laissant à Nicolas la responsabilité de son précieux appareil photo. J’ai appris

à le charger de sa pellicule quand il fallait gagner du temps, et même poussé sur la croupe d’un âne qui s’obstinait à sortir du champ. Nous sommes donc partis, semaine après semaine, par tous les temps, à la rencontre d’anciens, jeunes ou vieux, anonymes ou célèbres, confiants ou inquiets, voire parfois méfiants. Rencontres qui, en fin de compte, furent toutes, sans exception, des moments privilégiés. Notre espoir à tous les deux est que cela se reflète dans le résultat. Il y eut aussi le travail obscur, au sens parfois strict du terme quand il s’est agi de développer quinze films d’un coup ! Là aussi, j’appris des gestes et musclai mes épaules. Il y eut les discussions sur les textes, le choix des photos. Nicolas, avec délicatesse, m’a toujours demandé mon avis sur des décisions qu’il avait souvent déjà prises avec une compétence incontestable ! Il y eut enfin le rush final où le téléphone a chauffé. Mais comment vais-je faire, dorénavant, pour me passer de Nicolas ? Jacques

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comme les anges

De ces cinquante portraits, beaucoup de photographes auraient sans doute tenté de n’en faire qu’un : celui de l’Homo Decrolycus. Dans la logique de la typologie des “Hommes du XXe siècle” d’August Sander, ils nous auraient fait la démonstration d’une appartenance com­ mune, multipliant les signes de ressemblance, les preuves du moule originel d’une pédagogie originale. Quelques-uns d’entre eux, particulièrement virtuoses, seraient peut-être même parvenus à nous convaincre que le passage sur les mêmes bancs gomme chez les individus les différences les plus saillantes. Un protocole semblable de prise de vue par exemple – même décor, même lumière – nous aurait laissé dans l’illusion d’une similitude des personnalités. Horreur de l’artifice, horreur tout simplement. Dans les images de ce recueil, Nicolas Van Brande, en fin observateur, fait tout au contraire le constat d’une franche diversité. Pas une personne qu’on puisse associer à une autre, aucune dont le portrait ne nous laisse deviner le passage par les mêmes classes. À travers son regard, leur seul trait commun est, si l’on ose dire, la différence. Différence évidente de l’âge, différence inévitable dans l’apparence ou dans les situations, différence dans les expressions. Cependant, s’il ne se laisse pas aller à la tradition du portrait sociologique, dont Sander reste la figure marquante, il ne

se laisse pas non plus gagner par la toute aussi vieille croyance en une révélation psychologique du portrait, cette ressemblance intime dont se targuait Nadar. Une illusion devenue par excellence, l’idée reçue de la photographie. Un peu comme si l’image faisait remonter le fond à la surface, un peu comme si l’âme modelait le corps, un peu comme si hommes et femmes étaient transparents. Horreur toute victorienne que cette idée de l’apparence physique comme reflet de la personnalité, autre horreur judicieusement évitée. Ni sociologiques, ni psychologiques, ces photographies se démarquent donc de la prétention séculaire de décrire le monde tel qu’il est. On sent bien que l’héritage positiviste ne les concerne plus. Et si l’on perçoit en elles une transparence, ce n’est pas celle de leurs sujets, mais bien celle de l’acte photographique qui les a conçues. Leur plus précieuse part de vérité étant précisément de ne rien cacher de leur côté construit. Ce que soulignent à l’envi les échanges de regard avec le photographe, car – et c’est-là une autre particularité de cet ensemble – les photos de Nicolas Van Brande nous apparaissent bien moins comme des “prises” de vue que comme des offres réciproques. De quoi porter une contradiction posthume à Roland Barthes qui voyait avant tout dans le photo-portrait “un champ clos de forces”.

Regardons bien ces images-là les unes après les autres, elles n’évoquent en rien le bras de fer. Elles ne relèvent pas de la pose classique, de cette mise en scène de soi au garde à vous devant un adjudant des conventions à laquelle pensait Barthes. Ce n’est pas la confrontation qu’on y voit, mais plutôt le partage d’un moment. Plus exactement, la construction à deux de ce moment que l’appareil suspendra. L’élaboration en connivence d’une photographie qui raconte avant tout une rencontre. Et qui la raconte en sachant que nous serons à l’écoute de tous nos yeux, scrutant ce qu’elle nous montre et ce qu’elle nous laisse entendre, nous, le troisième artisan de cette création commune. Passionnant dès lors de détailler l’infinité des indices qui font le pont entre ce que nous percevons et ce que nous ressentons. Passionnant d’aborder ce terme médiateur de l’image dont Merleau-Ponty disait qu’il est presque matière en ce qu’il se laisse encore voir, et presque esprit en ce qu’il ne se laisse plus toucher. Passionnant en somme de faire le saut entre le visible et l’invisible. D’un coup d’aile, comme nous le rappelle la merveil­leuse photo de Sarah. D’un coup d’aile comme les anges, messagers eux aussi – à l’instar de ces images – d’une autre réalité. Jean-Marc Bodson photographe, critique et ­commissaire d’exposition

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Au temps où Bruxelles bruxellait

léon loewe né en 1905 ingénieur commercial retraité uccle, août 2005

Il est vraisemblablement le plus ancien des Anciens ! En effet, Léon est entré, en 1915, en 5e année rue de l’Ermitage. C’est avec une fierté amusée, celle d’avoir été dans une des très rares écoles mixtes de l’époque, qu’il évoque des souvenirs précis de ce lieu, ancienne glacière située en pleine ville, où il a cultivé un potager et un jardin d’herbes médicinales, suivi les cours dans des classes de 12 à 15 élèves.

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Très sensible, il garde un sou­ venir plein d’affection et de mélancolie pour son institu­ trice, une femme débordante d’énergie et de vivacité, avec qui il est resté longtemps en contact lorsque, une fois à la retraite, elle fut dans le besoin. Comme tous ses condisciples d’alors, il a été confronté au fait que l’Ecole Decroly était encore une Ecole Moyenne. Il a donc terminé, comme bien d’autres, ses humanités à l’Athénée de St-Gilles avant de faire des études commerciales à Anvers. Son projet

initial était de parcourir le monde. Une santé fragile l’en a dissuadé. Cette sage décision lui a sans doute permis de feuilleter le siècle pour devenir le centenaire alerte et vif qu’il était hier encore, ­dernier témoin de sa classe, et d’attendre avec sérénité, entouré des photos de ses proches, que s’interrompe un temps qu’il estime parfois devenir long. Léon nous a quittés le 7 décembre 2006, dans sa 102e année.


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Un penseur solitaire

sébastien verkindere né en 1975

on ferme le livre et on entend la présence du monde, le bruissement des feuilles.

à l’INSAS à Bruxelles, une rencontre charmante ayant modifié les projets.

Déclaration dont la chaleur permet au jeune philosophe d’affronter plus sereinement que ses interlocuteurs la rigueur extrême de ce matin d’hiver !

Philosophe ? Il l’est toujours puisqu’il enseigne la philosophie aux futurs réalisateurs de l’INSAS comme aux futurs assistants sociaux de la Haute Ecole Paul-Henri Spaak, avec l’espoir d’armer les uns et les autres pour affronter la réalité sociale que leur profession va les amener à rencontrer.

philosophe, cinéaste bois de la cambre, janvier 2006

Le bois de La Cambre : ce lieu inspire la méditation. Se promener un livre à la main, le fermer tout à coup et regarder autour de soi pour constater que ce que dit tel philosophe, tel poète est là autour de soi, ce rapport entre l’intérieur du livre et l’extérieur du monde c’est ce que je trouve le plus beau et qui exprime le mieux mon métier. Le monde que l’on contemple est chargé de ce que l’on vient de lire, il se gorge de sens, de ce qu’on a cru percevoir, cela nous permet de voir les choses différemment. On lit un bouquin de Heidegger sur l’être,

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Passionné, Sébastien l’est aussi par le cinéma. Après avoir passé sa crise d’adolescence à la cinémathèque, engloutissant jusqu’à trois films par soirée et évitant ainsi quelques scènes à ses parents, il décide de s’inscrire dans une école de cinéma parisienne réputée qui lui impose un autre diplôme pré­ alable. Pourquoi pas une candidature en philo ? Pris au jeu, il poursuivra brillamment jusqu’au bout de la licence, n’ira jamais à Paris, mais bien

Cinéaste ? Tout autant puisqu’après avoir fait ses armes pendant quelques années à la réalisation du JT de la RTBF, il a réalisé un cours métrage et des documentaires parmi lesquels un film remarqué, réflexion sur l’évolution architec­ turale de la ville de Casablanca, dans lequel on retrouve inévitablement l’œil et les questions du philosophe.


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vincent vandeuren né en 1973 restaurateur restaurant “ventre saint gris”, août 2006

Allez les mauves ! !

Pratiquement né dans l’école, Vincent fit ses premiers pas, joua avec sa sœur et ses petits copains dans le jardin de l’avenue Hamoir, qui se confondait avec le sien mais n’était pas assez vaste pour l’enfant qui rêve d’être fermier et de vivre à la campagne au milieu des animaux.

sud de Bruxelles, à quelques empans de l’école Decroly.

En classe, il goûtait peu les plaisirs arides des démonstrations géométriques et comme il s’était trouvé dans le sillage de Daniel, cuisinier de l’école, à gagner ses premières thunes en l’aidant à des buffets, c’est tout naturellement qu’à 16 ans il se retrouva à l’école hôtelière de Namur. Enfin du pratique, malgré d’inévitables cours de chimie !

Sa passion de la verdure l’amène aussi au bord des terrains de foot. Supporter indéfectible d’Anderlecht, il suit son équipe fétiche dans tous ses déplacements en Europe. Il s’offre même d’aller soutenir les Diables rouges au Japon, lors de la coupe du monde 2002 où, rare Belge francophone sur place, il commenta régulièrement les rencontres sur RTL et la RTBF. Pour un supporter, une vraie cerise sur le gâteau !

Les études expédiées, Vincent se lança dans la vie professionnelle : ses 4 centres d’intérêt deviennent le bar, la cuisine, la salle pour aboutir à la gestion. Avec deux associés, le voilà à la tête d’un restaurant qui fait le bonheur de nombreux habitués du

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Il aime aussi le monopoly des affaires ! Il achète un bar en perdition pour le revendre quand il tourne, pense à une fromagerie, un wine-bar et, bien sûr rêve toujours d’une ferme remplie d’animaux.

Et dans ses rares moments de repos, en attendant le gîte champêtre de ses rêves, il bat la campagne en compagnie d’un chien qui, déjà, a la taille d’un veau.


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Le retour de Marion

marion hennebert née en 1952 éditrice école decroly, novembre 2006

Voilà près de 25 ans sans doute que Marion n’avait plus franchi la porte de l’école, ni cette plaine qu’enfant elle a piétinée avant d’y surveiller les jeux et arbitrer les conflits lorsque, professeur, elle dut prester, sous la pluie, la neige ou la canicule, ces heures que tout enseignant offre à la société. Pas facile sans doute de grandir, d’avoir envie de faire des bêtises puis d’ensei­ gner le français, le latin et le grec sous l’œil attentif d’une mère directrice ! Puis un jour, c’est le départ de la petite famille vers le soleil, dans un lieu magnifique propice au désœuvrement et à la nonchalance, éternelles vacances correspondant peu au tempérament de Marion

devenue drôle d’odalisque sur la Riviera* et qui virent s’accu­ muler, petit à petit, les nuages noirs des orages de la vie. Sans doute aussi la période où cristallisa l’idée de travailler dans le monde du livre. 1983 la trouve dans l’équipe d’Actes Sud où elle replonge enfin dans l’univers qui est le sien et rencontre celui qui va devenir dès lors son compagnon de route. Une famille recomposée et deux enfants supplémentaires plus tard, Marion et Jean se lancent dans l’aventure passionnée des éditions de l’Aube, engagée dans des batailles pour la liberté et les droits de l’homme, à travers l’art et la littérature, ou la découverte de traditions mal connues*.

Le métier d’éditeur demande, paraît-il, une bonne condition physique tant il y a de lourds cartons à déménager en permanence. Mais il demande aussi du flair. Et l’Aube en eut suffisamment pour éditer à ses débuts un dissident tchèque emprisonné et quasiment inconnu nommé Václav Havel, qui va fonder véritablement l’image de la maison. Il en fallut aussi, et du culot, pour éditer Gao Xingjian qui reçut le prix Nobel de littérature en octobre 2000. Aujourd’hui, l’Aube a un fonds de quelque 1000 titres, vend plus de 250 000 livres par an, édite deux livres par semaine ouvrable et nous promet que cela va continuer !

* Marion Hennebert, Jean Viard Histoire(s) d’Aube, 18 ans, 1000 titres. Éditions de l’Aube (2005).

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Alliance improbable du chêne, de l’acier et du petit granit

robin vokaer né en 1966 sculpteur jodoigne-souveraine, octobre 2005

Un beau presbytère du XVIIIe siècle qui n’a guère subi les ravages du temps, entouré d’un jardin sauvage généreusement ensoleillé et protégé par de grands murs percés d’un portail magnifique. C’est dans le calme et le recueillement de cet endroit splendide que Robin a posé ses outils, dans un grand atelier au confort spartiate où résonne une fugue de Bach. Dehors, des sculptures monumentales, alliance improbable du chêne, de l’acier et du petit granit, narguent les lois de l’équilibre et de la pesanteur. Ses souvenirs d’école sont un peu amers. Entouré d’une jeunesse dorée qui ne lui res-

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semblait en rien, il a souffert d’une différence injuste qui l’a poussé à la révolte et à l’isolement. Il reconnaît cependant avoir rencontré des éducateurs qui n’étaient pas obsédés par le programme et qui lui ont permis d’entrer dans le monde adulte avec le bagage nécessaire. Depuis l’enfance Robin a suivi des cours à l’académie de Boitsfort et s’est essayé au modelage, à la céramique, au dessin, à la peinture, à la gravure pour aboutir un jour à la sculpture. Et souvent en grand ! Travail du bois, de la pierre, de la brique et du métal qui produit des œuvres épurées et fortes, trouvant leur

place dans nombre d’expositions, de lieux publics et jardins privés en Belgique comme à l’étranger et qui valurent à leur auteur une dizaine de prix. Puis un jour, un accident fait voler tous les projets en éclat. Plus question de manipuler des matériaux lourds comme avant. Après un temps de réflexion sur son travail, Robin se tourne donc vers la peinture, domaine dans lequel il expérimente et cherche aujourd’hui, heureux d’avoir la chance de réunir ce qu’il estime être les quatre conditions nécessaires à la création : un peu d’argent, du temps, de l’espace et une santé retrouvée.


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Quand les rêves se réalisent

natacha et nicolas callens nés en 1979 et 1982 physicienne et expert en diamants knokke-le-zoute, août 2006

Unis comme les doigts de la main, Nicolas et Natacha adorent la mer du Nord car, vivant à l’étranger dans leur enfance, elle a toujours été synonyme de grandes vacances et de retrouvailles familiales. A l’école la grande sœur protectrice a épaulé le petit frère, l’aidant dans ses tâches et veillant sur lui. Aujourd’hui, la taille aidant, c’est lui qui joue garde du corps avec tendresse et prévenance. Nicolas est expert en diamants bruts, science acquise à Anvers auprès du Hoge Raad van Diamant, dans l’idée, sans doute de bourlinguer en Afrique. Mais la situation politique des pays producteurs rendant ce rêve un peu péril­ leux, il a sagement entrepris

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des études d’architecture d’intérieur qui lui permettent de valoriser ses talents d’artiste et l’or qu’il a dans les mains, en courant moins de risques. A la question que feras-tu plus tard ?, Natacha, au début de 12e année, répondit à son professeur éberlué et incrédule : je serai astronaute ! Force est de constater qu’elle est peut-être en train d’y arriver ! Durant les huit années qui suivirent cette étonnante déclaration, elle fit une licence en sciences de la matière à Orsay, une maîtrise en physique fondamentale à Lisbonne où elle retrouva un ami d’enfance qu’elle s’empressa d’épouser, un stage à l’ESA auprès des astronautes français Claudie et Jean-Pierre

Haigneré, un DEA en mécanique des fluides à Jussieu suivi d’une thèse de doctorat en cotutelle entre Jussieu et Bruxelles. Tout cela avec l’arrière-pensée de rendre incontournables des expériences en microgravité qui l’amenèrent à participer à une série de campagnes de vols paraboliques. Et elle mit au monde une belle petite fille. Difficile de faire plus ! On peut donc raisonnablement penser qu’une telle obstination, doublée d’une puissance de travail peu commune, lui permettront sans doute de réaliser son rêve : aller dans l’espace et qui sait, peut-être dans une station dont le confort sera dû à son frère …


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claire bareau

Une vie à l’école Decroly !

né en 1925 mathématicienne auderghem, novembre 2005

Claire est entrée à l’école à l’âge de 6 ans, en 1931 pour ne la quitter définitivement qu’en 1994 ! Elève, professeur d’observation-mesure, de sciences et de mathématique ainsi que de reliure, parent, formatrice, ses 63 ans de présence ne furent interrompus que par ses études universitaires, faites pendant la guerre à l’ULB, dans les difficiles conditions des cours clandestins. Comme pour d’autres, la vie de Claire à l’école se confond avec sa vie de famille. Nièce de Lucie Libois-Fonteyne (qui fut collaboratrice du Dr Decroly et longtemps directrice de l’école), elle fut condisciple

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de ses sœurs et de ses cousins à une époque où un titulaire ne craignait pas de conduire une classe durant les 12 années de la scolarité ; un temps où chaque enfant avait sa chaise longue et sa couverture pour la sieste, sa pelle, son râteau, ses sabots pour le cours de jardinage, où le Dr Decroly venait s’enquérir des progrès des uns et des autres en observant les animaux avec tous. Un temps qui la fait sourire, tant il est révolu… Elle connut aussi une époque où la liberté pédagogique permettait encore au professeur de mathématique qu’elle devint de prendre le temps de chercher avec ses élèves

les propriétés inconnues des figures et des espaces. Fille d’un avocat communiste qui fut déporté à Breendonk et à Buchenwald pour ses idées et ses actions courageuses, Claire fut, toute sa vie, une ardente militante syndicale, si­ tua­tion qui fut parfois très dure à vivre dans l’école, notam­ ment durant les grèves de 60. Claire partagea avec son époux la passion de la voile, bourlinguant à chaque vacance, pendant quelque trente ans, de la Bretagne à la Frise et de la Normandie aux Hébrides à bord du Santa Clara, aussi experte à faire le point qu’à démontrer n’importe quel théo­ rème de géométrie.


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sarah burette

La paix des profondeurs !

née en 1981 infirmière piscine “némo 33”, février 2006

Et pourquoi l’Ecole Decroly n’aurait- elle pas sa petite sirène ? Passionnée de plongée depuis une expérience de vacances vers l’âge de 13 ans, Sarah occupe une bonne part de ses loisirs à explorer le monde du silence, allant jusqu’en Mer Rouge acquérir un Dive Master au cours d’un séjour de trois mois. C’est donc tout naturellement, au bord de la piscine la plus profonde au monde que l’on peut la trouver, là où elle participe régulièrement à l’entraînement

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d’enfants et d’adolescents à qui elle communique son savoir, son enthousiasme et sa recherche de perfection. Après les années d’école dont le souvenir l’enchante encore, en particulier les deux dernières menées par une titulaire pour qui Sarah garde respect et affection, le désir de s’occuper des autres a été le moteur qui l’a poussée à entreprendre des études d’infirmière, formation qu’elle complète aujourd’hui par un post graduat en “santé communautaire” avec l’espoir

d’acquérir ensuite un master en gestion hospitalière qui lui permettrait de réaliser les pro­ jets humanitaires dont sa tête est pleine. Sarah rêve d’Afrique, d’Asie, d’îles du Pacifique et aimerait un jour allier son besoin d’aller vers l’autre, son attirance pour le grand bleu et une vie de famille. En attendant, la dure réalité la conduit dans le monde encore très masculin d’une grande caserne de pompier pour un stage destiné à évaluer, pour mieux le gérer, le stress des hommes du feu.


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décors de Claude Lyr et ­danser “l’histoire du soldat” (Stravinsky) avec Maurice Carême comme récitant !

jacques robert

Assurances ? Et le reste !

né en 1924 danseur, photographe, courtier en assurances ixelles, novembre 2006

Deux hérons s’envolent des étangs, les toits brillent dans la lumière d’hiver, l’appartement de Jacques, au sommet d’un immeuble construit par son père, domine Ixelles et offre une vue dont on se lasse difficilement. Discrètement présent dans l’école pendant de très nombreuses années, traversant régulièrement les lieux, porteur d’une austère mallette, le “monsieur des assurances” ne laissait guère les élèves imaginer qu’il fut lui aussi à lustrer ses culottes (courtes à l’époque) sur les mêmes bancs qu’eux avant de devenir président des élèves à l’issue d’une campagne électorale qui lui apprit ce qu’était la démocratie.

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Scolarité un peu chaotique et difficile : Jacques est entré en 3e année en 1933, non scolarisé à son retour d’Afrique où la famille avait suivi le père ingénieur parti construire des ponts et des infrastructures publiques. Une dizaine d’années de bonheur malgré la guerre au moment où aurait dû souffler le vent adolescent de la liberté. Difficile aussi d’imaginer que, intéressé dès l’enfance par la danse, il suivit des cours avec sa tante, la célèbre Akarova, danseuse puis peintre et sculptrice, (souvent qualifiée d’Isadora Duncan belge) pour devenir un jour son ­partenaire dans quantité de récitals devant, parfois, des

Ne voulant pas devenir un danseur vieillissant, il suivit les conseils de Géo Libbrecht, homme de lettres et assureur et entra dans la profession à un moment où elle se structurait pour évincer les Séraphin Lampion qui ternissaient son image. Comme l’art aussi doit être assuré, Jacques ne quitta pas le monde qu’il aime, créa avec son ami Jo Dekmine “La Poubelle”, “la Tour de Babel”, le “Cheval Blanc” qui lui permirent de rencontrer Léo Ferré et son saint-bernard, Francis Lemarque, Barbara débutante, … Pour achever de remplir un emploi du temps qui apparemment laissait des lacunes, Jacques monta avec un ami pionnier de la photo animalière, une entreprise d’agrandissements photographiques qui, paraît-il, mit du beurre dans les épinards et lui permit sans doute de retrouver ses sensations d’enfant, quand il regardait, avec son papa, l’apparition de l’image dans une cuve baignée de lumière rouge.


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stephan theunissen

Chanter, c’est prier deux fois !

né en 1971 professeur de religion protestante ixelles, novembre 2006

Rien ne permettait de penser que Stephan pourrait suivre la voie qui est la sienne aujour­ d’hui. Issu d’une famille non religieuse, voire anticléricale quant à son père, il suivait à l’école une filière artistique, tout en pensant se destiner à la géographie quand, dans un moment de doute et de recherche comme en vit tout adolescent de 16 ans, il fait la rencontre d’un jeune Français faisant partie d’un Club Biblique Lycéen. Invité à une rencontre œcuménique et charismatique, il fut touché par l’accueil qu’il y reçut

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autant que par la découverte de l’Evangile et eut envie de se rapprocher de cette communauté. Il décida donc de devenir chrétien. Surprise des parents ! Ceuxci respectèrent cependant son choix tout en offrant, parfois, une solide contradiction à ce jeune qui prétendait convertir son entourage avant le reste du monde. Convaincu par la proximité du message, Stephan embrassa la foi protestante et rejoignit l’Eglise Réformée et Méthodiste. Les interac-

tions familiales calmées, il fit des études de théologie à Strasbourg, Montpellier et obtint un master à Cardiff. Professeur de religion protestante dans les écoles d’une commune bruxelloise, il participe aujourd’hui à la vie et à l’animation d’une communauté très vivante, cosmopolite et bigarrée, où la foi s’exprime par la parole et le chant (Chanter, c’est prier deux fois), épaule un groupe de jeunes qu’il représente au consistoire et n’exclut pas, un jour, de devenir pasteur.


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Au temps où l’école Decroly était à la campagne

aude glatter-vanderhaeghe dite lyr née en 1924 bibliothécaire uccle, novembre 2006

Cadette de 5 enfants, Aude entra au jardin d’enfants de l’école Decroly lorsque sa famille déménagea à la campagne, avenue de la Sapinière à Uccle, exil médical exigé par l’asthme dont était atteint son frère Claude. Une grande maison dans un verger, pleine de placards, ce qui arrangeait son père, le poète René Lyr, qui après cet achat n’avait plus vraiment de quoi meubler les lieux. Voilà donc Aude, accompagnant Poulou, sa voisine et institutrice, et ses frères Claude et Guy, tous les matins vers l’avenue Montana et plus tard avec un autre voisin, le “petit Jacky” qui devint le grand Brichant. Epoque

insouciante des jeux dans le bac à sable, de l’entretien du potager, le passage en douceur à l’école secondaire dans la classe de mademoiselle Todtenhaupt, une autre voisine. Vint la rupture : la guerre surprend la famille. Un ami prévient : Les troupes allemandes sont entrées à Louvain. C’est le départ précipité. On entasse dans la voiture ce qui peut être emporté : des livres, des manuscrits, des photos, quelques vêtements, et aussi les toiles préférées, détachées de leur cadre et enroulées avec précaution.* Exode à Arcachon, puis Argelès, la tentation de l’Amérique et enfin le retour

amer à “la Sapinière” en novembre 40. Reprise des cours tant bien que mal avec la responsabilité du Courrier de l’Ecole, la fin de la scolarité prolongée artificiellement par la directrice qui offre des cours de philosophie à ses rhétoriciens, leur fournissant ainsi un certificat de fréquentation scolaire leur évitant temporairement le Service de Travail Obligatoire en Allemagne. L’époque aussi des petits actes d’espionnage pour aider son frère Guy engagé dans la résistance, des cours clandestins abandonnés un jour pour des raisons de sécurité. La libération sonne le réveil de la fête mais également la

période des incertitudes. C’est aussi la rencontre déterminante avec José qui allait partager désormais sa vie. Aude met au monde un fils et présente l’examen de bibliothécaire au Jury Central ce qui la mène pour quelque 30 ans à la rue des Six Jetons. Quel Bruxellois de l’époque n’a pas été emprunter un livre à “l’Heure Joyeuse”, sans doute conseillé par Aude ? Aujourd’hui, Aude coule des jours sereins, entourée de sou­venirs, de tableaux et sculptures témoignant de l’amitié portée à son père par les artistes belges de l’époque, des œuvres de son frère Claude et protégée par l’affection de son fils Daniel.

* Rolande Lyr : Le paysage d’une vie, Édition Dieu-Brichart, 1987

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didier van geluwe né en 1967 ornithologue étangs mellaerts, juin 2006

Le plus simple serait que ­j’attrape un cygne. Ce qui prit environ deux minutes, laissant l’animal soumis et sidéré d’être manipulé telle une contrebasse ! Les oiseaux ? Une passion qui envahit Didier dès l’enfance, qui fit parfois sourire ses petits camarades avant de forcer leur respect. L’école ? Que des bons souvenirs, même l’examen de passage en éducation physique où il lui fallut faire un tour du lac, au pas de course ­plutôt qu’au pas de l’oie. Il y a aussi cette escapade à Zeebrugge, à 17 ans, pour soigner des pingouins mazoutés, obtenue après négociation, en échange d’une causerie relatant le sauvetage. Sans diplôme supérieur, c’est au bas de l’échelle qu’il entre à l’Institut des Sciences Natu­ relles. Il y a gratté du papier, trié des os, rangé des collections, rempaillé, … bref, acquis sur le tas des connaissances

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qui, aujourd’hui, lui donnent des ailes. Didier est sur tous les terrains : étudiant les migrations, il fut confronté à la grippe aviaire, fit des centaines de prélèvements jusque dans le nord de la Grèce, détermina des périodes migratoires, évalua des facteurs de risques, identifia des zones naturelles sensibles… Il partage donc son temps entre travail de routine : baguage, gestion de base de données (700.000 oiseaux sont bagués chaque année) et missions conjoncturelles en rapport avec la conservation de la nature (problématique de l’introduction des oiseaux exotiques, comme les oies d’Egypte, plan de restauration d’un superbe delta de 10 000 ha, quelque part entre la Grèce et la Turquie, …) Une mission de dénombrement de manchots aux Falkland lui permit de rejoindre, en Antarctique une équipe

Il parlait aux oiseaux

de la RTBF avec laquelle il réalisa un film sur l’hivernage de de Gerlache et une très jolie série de 13 petites séquences dans laquelle il explique, à deux petits decrolyens, avec un indéniable talent pédagogique, les merveilles de la nature australe. Quand il lui reste du temps, Didier descend en rappel les falaises de la vallée de la Meuse, sur les traces des grands-ducs à baguer. Et s’il grimpe dans les tours de la cathédrale St Michel, c’est avant tout pour s’enquérir de la santé d’une nichée de faucons pèlerins…


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Des livres de psychologie, des poupées au ventre percé, des jouets d’enfants, des ailes d’ange. Le bureau de Sarah est sans doute le reflet de son histoire et de ses préoccupations.

sarah moon howe née en 1976 stripteaseuse, cinéaste, psychologue watermael-boitsfort, décembre 2005

Quand j’étais à l’école, je me sentais transparente, j’avais l’impression qu’on ne me voyait pas. C’est pourtant cette jeune fille pleine de doutes qui, à 19 ans, accompagne durant 3 mois une équipe du Musée d’Art et d’Histoire en Sibérie pour exhumer une femme Scythe, prisonnière depuis des millénaires du permafrost. Et déjà, faire un film. Depuis que je suis toute petite, je dansais devant mon miroir. A ces moments-là, j’avais l’impression d’exister. Le striptease, correspondait à mon besoin vital d’être vue, confrontée au regard des hommes. Ce métier, Sarah l’apprit au contact d’une professionnelle devenue une amie et l’exerça, le week-end et, remplie du regard des autres, elle fit, le reste du temps, des études de psychologie et un mémoire qui porta naturellement sur les structures de la personnalité chez la femme, à travers les propos des stripteaseuses. Le hasard lui mit un jour

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Est-ce que j’existe vraiment ?

dans les mains une caméra super 8 avec laquelle elle filma les copines de même qu’une rencontre annuelle haute en couleurs à Las Vegas. Des images s’accumulèrent pendant cinq ans, jusqu’au jour où un caméraman lui proposa de la filmer avec sa propre caméra. J’ai découvert alors des images que je n’avais pas envie de voir et ce fut le déclic pour passer à autre chose. Tout ce matériel devint un court métrage étonnant au titre évocateur : Ne dites pas à ma mère …, qui fut à l’affiche de la Mostra de Venise et passa récemment sur Arte dans une émission Thema. Le film a bouclé la boucle en laissant une trace. Je suis donc en paix avec cette aventure.

Sarah anime aujourd’hui des ateliers pour psychotiques, tourne avec eux des clips vidéo pour leur permettre de s’incarner dans un personnage de leurs rêves. Elle conserve dans ses tiroirs les rushes d’un film, qui attend un financement pour exister, sur les salons de beauté de Kaboul et la condition des femmes afghanes. L’école m’a permis d’avoir ce regard sur les choses et les gens que je rencontre, sans a priori. Je tire aussi les cartes. J’y crois dans la mesure où ça aide à formuler les questions, ce qui donne souvent les réponses… Et je suis une femme qui doute beaucoup et se pose beaucoup de questions.


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antoine d’hoop

Antoine et le Grand St Bernard

né en 1967 ingénieur commercial, travailleur humanitaire les marolles, mars 2006

MATTHIEU, 25 35. Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; 36. j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi. 40… Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes ­frères, c’est à moi que vous les avez faites. C’est dans le cadre grandiose des Alpes, dans la vallée du Grand St Bernard, lors d’une randonnée à ski en solitaire, près des étoiles, qu’Antoine a vu sa vie bouleversée par une révélation qui s’est installée

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petit à petit en lui comme une évidence et que débuta le long cheminement spirituel qui le conduisit, ingénieur commercial, de la banque et l’immobilier à “La Fontaine”, maison d’accueil et d’hygiène pour les SDF. Située au cœur des Marolles à Bruxelles et mise sur pied par l’Association Belge de l’Ordre de Malte cette maison ouvre ses portes aux plus démunis qui y reçoivent un peu de réconfort, pansent leurs plaies, lavent leur linge et retrouvent un peu de dignité. Antoine et son épouse portent une médaille miraculeuse sur laquelle ils firent graver leur nom lors de leurs fiançailles. C’est cette médaille qui, par

un concours de circonstances extraordinaires, lui permit de se retrouver dans le centre de Bruxelles, au service de l’Ordre de Malte. Et quand un jour, Antoine découvrit que, des décennies auparavant, ses grands-parents très pieux avaient possédé la même médaille sur laquelle était aussi gravé leur nom, il acquit définitivement la conviction que ce clin d’œil ne devait rien au hasard. Aujourd’hui, Antoine gère la maison d’accueil, reçoit tous les matins des dizaines de gens dont il s’occupe du linge pendant que deux infirmières, Filles de la Charité, soignent comme elles le peuvent les inévitables lésions et maladies créées par l’extrême pauvreté.


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Peut-être bien la dernière photo, en toge, de cette jeune pénaliste, au tournant de sa carrière. Et pourtant, toute petite déjà elle voulait être avocate, adorant la contradiction et la maniant avec panache, mettant parfois à rude épreuve les nerfs de ses proches et de ses professeurs.

céline noirhomme née en 1978 juriste palais de justice de bruxelles, octobre 2006

Elle a toujours manié la contradiction avec panache

Cet intérêt passionné pour le droit pénal est sans doute né au contact de son beaupère, avocat pénaliste, de ses amis et confrères, autour de la table familiale où Céline pouvait s’exercer à la polémique avec quelques ténors du barreau. A l’école, son profil de matheuse scientifique ne faisait pourtant aucun doute. Elle avait choisi ses options en fonction de ses goûts, sachant que le droit ne requérait aucune préparation scolaire particulière. Dès que l’occasion se présentait, et l’occasion fut royale durant la grève des enseignants en 96, Céline suivait l’un ou l’autre procès en correctionnelle ou aux assises. Si la passion du barreau est intacte, le cabinet, les audiences, les visites en prison, …, rendent difficile un projet familial que Céline souhaite concrétiser. La voilà donc partie dans une autre aventure. Son expertise en matière pénale, sa connaissance des armes à feu lui ont permis de rejoindre le ministère de l’intérieur. D’autres projets ? Bien sûr : suivre des cours d’œnologie avec sa maman.

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Passeur de mots

yves ringer né en 1966 scénariste, producteur etterbeek, mars 2006

Le “puzzle” : Clin d’œil poétique qui permet de faire des phrases un peu surréalistes comme un cadavre exquis, de choisir des mots qui vont ensemble ou pas du tout et qui créent des nouvelles images. Je pense que ce sont les mots et les associations de mots qui nous font vibrer à l’intérieur, qui me caractérisent le mieux. … Si j’ai un talent, ce qui est encore à vérifier, c’est celui de raconter des histoires. Qui se racontent avant tout avec des mots dont le choix est important car il induit des idées et travaille sur le subconscient. … Quand j’écris, que ce soit des textes de chansons ou un texte tout court, ou un scénario, cette écriture doit déjà créer dans la tête du

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lecteur un cinéma, des images et mettre son imaginaire en route. … La vie a fait que j’ai grandi un peu trop vite. Tout à coup la situation change par rapport à celle des petits camarades et on se met à se poser les questions nécessaires, les vraies : qui suis-je, comment est-ce que je fonctionne, quels sont mes éventuels talents ou qualités et comment est-ce que je peux gagner ma vie avec ça ? J’ai donc arrêté mes études après avoir fait semblant d’étudier à l’université, à la grande frustration de mes parents, en particulier de ma mère qui n’avait pas eu l’occasion de faire des études et qui trouvait que c’était important d’en faire. Mais ils l’ont accepté. Ils ont une confiance indéfectible en

leurs enfants : ils font ce qu’ils doivent faire. Yves a récemment produit un long métrage, réalisé par son frère Olivier, “le Poulain”. Une belle histoire s’adressant aux petits comme aux grands, tournée dans la forêt ardennaise, avec ses bûcherons, ses débardeurs et ses chevaux de trait. En fait, je suis un bon à rien prêt à tout (sauf peut-être à la physique nucléaire !). Prêt à tout, sûrement car on peut lire les chroniques de Yves dans de nombreux journaux, ses dessins humoristiques ont fait rire bon nombre de lecteurs de grands quotidiens bruxellois, ses textes de chansons sont sans doute fre­ donnés dans les embouteillages et ses poèmes forcent à la réflexion sur la nature humaine.


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marianne decroly née en 1961 restauratrice d’œuvres d’art saint-gilles, février 2006

Au centre de l’îlot d’un vieux quartier bruxellois, un atelier gigantesque, inondé d’une lumière généreuse provenant d’énormes vitrages dominant les toits, et qui ferait sans doute un loft de rêve, accueille des statues meurtries, de délicates porcelaines en perdition, des tapis anciens mar­ qués par l’usure du temps, tout un monde d’objets magnifiques mais blessés qui sont confiés aux mains expertes de Marianne et de ses collègues pour qu’ils retrouvent l’éclat originel ou simplement pour les stabiliser dans une seconde vie. Ici, à chacun sa spécialité. Marianne s’occupe essentiellement des bois polychromes. Si, après l’école, elle a commencé des études d’architec­ ture, c’est une visite inopinée à l’Institut Royal du Patrimoine Artistique, au moment où “la Cambre” ouvre une section “restauration de sculptures”, qui lui fit découvrir un monde qu’elle n’allait plus quitter. Des stages de perfectionne-

Entretenir l’éternité !

ment en Suisse, à Avignon qui, après un an et demi de soleil et de calme, permirent à Marianne d’apprécier l’agitation et les brumes du nord retrouvées. Vint enfin l’atelier indépendant et l’équipe qui l’anime où elle fait renaître patiemment des œuvres dont le sauvetage demande recher­che, technique, infinie patience, et dont elle a souvent beaucoup de mal à se séparer ensuite. Marianne est un des nombreux arrière-petits-enfants du docteur Decroly et a elle-même trois rejetons à l’école, ce qui démontre si besoin en est, la formidable vitalité de la lignée !

Marianne Decroly a partagé avec Jeanne-Françoise Vandervorst-Theyskens le Prix Jacques Lavalleye-Coppens (restauration d’œuvres d’art) pour la restauration des sculptures et des bustes du petit théâtre du château de Seneffe.

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jean-louis tison né en 1954 géologue, glaciologue ULB, octobre 2005

Où peut-on bien rencontrer un glaciologue ? A l’ULB, dans une chambre froide, bien sûr ! La chambre froide de son laboratoire, parcourue par un blizzard artificiel et rugissant, soufflant de l’air à –24°C capable de geler un appareil photographique et de faire apparaître des stalactites dans les narines du malheureux qui s’aventure en ce lieu. C’est dans ces conditions extrêmes que Jean-Louis Tison travaille une bonne par­ tie de son temps, conditions qui ne refroidissent guère son hyperactivité ni sa fougue à communiquer son savoir. Quand il n’enseigne pas, c’est là qu’il rabote, tronçonne, échantillonne des carottes de glaces multimillénaires, ramenées d’endroits dont les noms font rêver (bases antarctiques McMurdo-USA, Dumont Durville-FR, …), dans le but d’y retrouver les

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Chaud et froid

traces de notre atmosphère passée et de comprendre l’évolution du climat. Qui a connu, comme lui, un différentiel de température de plus de 100°C ? Jean-Louis a, en effet, par deux fois traversé le Sahara aller-retour en plein été, avec une joyeuse bande de durs à cuire, supportant des températures difficiles à imaginer, avant de partir en mission quelques semaines plus tard sur les glaciers antar­ ctiques, accompagnant des scientifiques certainement plus sérieux et résistant cette fois aux rigueurs de l’été austral. Fils de decrolyen (sa maman Francine fut condisciple d’Haroun Tazieff et longtemps

secrétaire de l’école), JeanLouis a enseigné quelques années à l’école, provoquant des vocations de géographes, avant de retourner à l’ULB pour y faire de la recherche. Depuis lors agrégé de l’ensei­ gnement supérieur, Jean-Louis aide les futurs géographes, agronomes, archéologues, …, à comprendre le système Terre, les climats, la circulation des polluants, …, ce qui ne l’empêche pas de consacrer ses loisirs à sa famille et à la musique : Jean-Louis joue de la guitare, chante et compose. Quelques privilégiés se souviennent d’une très belle chanson dédiée à une petite fille touarègue, trouvée dans les sables au milieu de nulle part, portant un bidon bleu…


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Œuvrer pour les autres

marie philippson-pensis né en 1939 ensemblier, administratrice de la fédération internationale de l’école des parents (FIEP) céroux-mousty, novembre 2006

Sans avoir fait toute sa scolarité à l’école, c’est haut et fort que Marie revendique son identité decrolyenne ! J’avais des yeux, des oreilles, l’école m’a appris à regarder, écouter, utiliser mes sens pour observer. C’est avec nostalgie qu’elle évoque le sandwich pendu au bout d’une ficelle et dans lequel il fallait mordre les mains dans le dos, la présence rassurante de Poulou, l’atelier de monsieur Spanoghe où elle découpa à la scie un petit cadre pour sa maman, objet qui figure aujour­ d’hui en bonne place dans les nombreux souvenirs de son salon et le goût des premiers radis de son potager d’un mètre carré, traversé d’un petit chemin. Peut-être estce ce dernier souvenir qui a fait naître le grand potager

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actuel, protégé des frimas par une haie vive, qui lui permet de garnir, même en hiver, une lasagne végétarienne d’anthologie. Economiste de formation, Marie monte, au sortir de l’Université, une entreprise de parachèvement et de décoration intérieure qui l’amène à chercher des antiquités, les vendre, les collectionner, avec un flair certain. L’entreprise est aujourd’hui dans les mains de sa fille mais l’amour des beaux objets est toujours là comme en atteste la splendide collection de sculptures contemporaines qui brille sous le soleil bas, dans le grand jardin. Marie, comme Alain, son époux, s’est toujours sentie

portée vers l’Autre. On ne sera donc pas étonné qu’elle soit active dans nombre de fondations, en particulier dans celle qu’elle a créée avec son mari et dont la vocation est d’aider les fondations qui se dédient au développement humain durable et à l’éducation, à faire le mieux possible ce qu’elles ont décidé de faire, à limiter les frais, les gaspillages d’argent et d’énergie, à faire en sorte qu’un maximum de moyens arrivent là où ils sont utiles. Marie sillonne donc le globe avec énergie pour voir comment se développent les projets qu’elle soutient. De retour chez elle, elle aime se retrouver dans cette pièce chaleureuse où la présence de ses proches est plus que palpable.


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Comme les doigts de la main

séverine et bérengère de laveleye nées en 1976 cadre ong, historienne de l’art uccle, juin 2006

Ou Bérengère et Séverine, comme on veut ! Pendant les 15 années heureuses qu’elles passèrent à l’école, il fut bien difficile, voire impossible pour ceux qui ne les côtoyaient pas directement, de discerner les 2 sœurs. Et pourtant, les parents avaient tout fait pour qu’elles puissent prendre un maximum d’indépendance : des chambres séparées, des classes différentes, … et jamais les petites n’ont joué sur leur étonnante ressemblance. Il a fallu le temps et les maternités pour que l’on puisse enfin les appeler par leur prénom sans trop risquer de se tromper. La ressemblance a aussi d’autres limites : si Séverine aime la marche et n’hésite pas à se hisser, même enceinte, au sommet d’un 4000m du Val d’Hérens*, Bérengère prétend

faire des enfants pour qu’on ne l’oblige plus à jouer les chamois ! C’est en 4e année que naquit la passion de Bérengère pour l’Egypte ancienne. Une leçon fascinante, un travail de recherche, un papyrus réalisé avec amour pour la fête des mères, voilà qui suffit à faire émerger une vocation qui se confirmera lors d’un voyage en Egypte après la 12e, organisé par un professeur de l’école, elle-même égyptologue. Aujourd’hui, Bérengère laisse l’égyptologie sur le côté pour s’occuper des collections du Musée de la Ville de Bruxelles où elle est collaboratrice scientifique. Séverine, licenciée en philosophie, anthropologue et spécialiste en santé publique,

une fois tous ces diplômes en poche, s’en fut gérer un hôpital pédiatrique à Kinshasa pour le compte de la Croix Rouge, expérience enrichissante et passionnante dans des conditions de travail parfois difficiles qui lui fit cependant comprendre qu’elle était peu tentée par une vie d’expatriée. Revenue dans la mère patrie et secrétaire générale d’une ONG, elle gère des projets d’éducation au développement. Si maintenant, les deux sœurs supportent d’être séparées, c’est toujours avec bonheur quelles se retrouvent et il n’est donc pas étonnant de les rencontrer dans le havre de paix qu’est la maison de leur enfance, par un bel après-midi d’été, au milieu de leurs enfants.

*Séverine détient toujours le record de l’école en saut en hauteur !

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pierre cordier

Connaissez-vous les effets hilarants du pola gratté ?*

né en 1933 chimigraphe saint-josse, décembre 2005

C’est dans son atelier exigu, débordant de souvenirs et de matériel accumulés au cours d’une vie, au cœur de la cité des artistes cachée sur la colline de Saint-Josse-tenNoode, que Pierre nous reçoit, rajustant ses lunettes pour examiner celui qui a l’outrecuidance de portraiturer ­l’artiste qui réalisa sans doute l’un des meilleurs auto­ portraits de l’histoire de la photographie. À part un box Kodak reçu en cadeau, rien ne semblait destiner Pierre à la photographie puisque après six années de franche rigolade, de contrepèteries, de plaisanteries échangées en javanais

avec de merveilleux condisciples à l’école Decroly, il présenta, faute de diplôme, l’examen d’entrée à l’ULB pour s’égarer en sciences politiques pendant trois ans. 1952 : année capitale de la rencontre avec Georges Brassens dont il deviendra l’ami et le photographe et qui l’encourage à suivre une route non fréquentée encore et pleine d’escarpements. Et le 10 novembre 1956, poussé par le hasard et la nécessité d’envoyer une dé­di­ cace à une jeune personne, il invente le chimigramme, enfant adultérin de la photogra­ phie abandonnant l’appareil photo pour s’unir à la gravure

sous le regard bienveillant de la lumière. Cet autodidacte, disciple d’Otto Steinert, renonce définitivement à la photographie en 1968 pour se consacrer à son invention dont il est aujourd’hui un des rares à explorer les infinies ressources**.

des plus grands musées du globe, connurent une rétrospective au musée d’Art Moderne de Bruxelles en 1988 et, récemment, au Musée de la Photographie de Charleroi. Il prépare une importante monographie qui va paraître prochainement.

Des images étonnantes reflétant la beauté des hasards de la matière, nous plongeant parfois dans l’infiniment grand ou dans le microscopique, hiéroglyphes venus d’ailleurs, bulles imaginaires, labyrinthes d’une étonnante régularité, photo-chimigrammes transfigurant des clichés célèbres… Les œuvres de Pierre qui figurent dans les collections

Aurais-je inventé le chimigramme, ultime aventure du gélatinobromure d’argent, si je n’avais pas été chez Decroly ? Je crois que non ! Le fait d’avoir inventé une technique aussi simple pour obtenir des choses aussi complexes et délicates, est sans doute un héritage de l’école.

* Pola = polaroïd dans la langue des photographes. ** Voir : www.pierrecordier.com, www.chimigramme.com, www.chemigram.com

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simon-marin ghys

Droit ou Histoire ?

né en 1986 étudiant en histoire et en droit ulb, septembre 2006

Douze ans passés à l’école Decroly, douze années que ce jeune intellectuel considère comme fondamentales dans l’élaboration de sa personnalité, depuis le rôle de rédacteur du “Petit Decrolyen” à l’école primaire jusqu’à la cohabitation amicale avec des jeunes qui pensaient au football et à la musculation quand Simon-Marin souhaitait leur décrire son émotion à la découverte d’un opéra de Mozart !

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La musique : une passion qui lui donna l’envie d’apprendre le violon dès l’âge de 5 ans et de suivre encore actuellement des cours de musique de chambre qui lui permettent d’aborder le répertoire baroque mais aussi de participer à des rencontres de jazz ou de musique populaire.

pris les deux ce qui lui donne des vacances studieuses au cours desquelles il se détend dans des stages de musique.

Quant aux études, SimonMarin a décidé de ne pas dé­ cider : tenté par l’Histoire mais aussi par le Droit, il a entre-

Et si cela se passe autrement, sans doute se consolera-t-il avec Lully, Bach ou Marin Marais.

L’avenir ? Simon-Marin ne s’en fait pas. S’il décroche les deux diplômes il aura sans doute le choix de la suite. Et pourquoi pas une thèse de doctorat ?


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thierry, alain et yves bosquet nés en 1937, 1933, 1939 écrivain, poète ; scénographe ; peintre, sculpteur rhode-saint-genèse, décembre 2006

Une dynastie d’artistes : un grand père pianiste, professeur au Conservatoire de Bruxelles, un autre chef ­d ’orchestre et directeur du Théâtre de la Monnaie, un père acousticien, organiste et pédagogue (ce qui lui valut en son temps de faire entendre sur son orgue, à des jeunes decrolyens sidérés, des sons qui n’étaient engendrés par aucun tuyau), une maman qui dessinait admirablement et faisait des tapisseries, voilà qui permet de revendiquer dans la famille un statut d’artiste sans risquer la contradiction. Les Muses, s’étant presque toutes penchées sur leur berceau, Alain, Thierry et Yves choisirent chacun un Art dans lequel ils ne risquaient pas de faire concurrence aux deux autres et c’est dès l’école qu’ils exprimèrent leur talent dans des textes pour le Courrier, des décors et des costumes pour le théâtre, des modelages et des dessins dans les marges de cahiers. Près d’un demi-siècle plus tard, chacun des frères trône au sommet d’une œuvre considérable. Yves a produit une grand nombre de tableaux et sculp­ tures dont des portraits troublants au regard intérieur et au sourire incertain semblant

issu de l’antiquité égyptienne, un cortège royal de 25 statues en terre cuite émaillée dans la station de métro Stuyvenberg, un iguanodon grandeur nature en bois de cèdre que tous les écoliers bruxellois ont contemplé devant le musée des Sciences Naturelles et qui nécessita l’agrandissement de son atelier, un quatuor de musiciens à l’échelle 1 pour le nouveau Musée des Instruments de Musique, … Thierry a créé plus de 200 décors et 6000 costumes, essentiellement pour l’opéra, travailla pendant plus de 20 ans à la Monnaie où il collabora étroitement avec Maurice Béjart pour nombre de ballets mais aussi pour des opéras mis en scène par le chorégra­ phe (comme cette Traviata qui demeure un très grand souvenir dans sa mémoire). Il enchante les yeux des spectateurs de l’ancien et du nouveau monde en collaborant avec la plupart des gran­ des scènes lyriques, travaille pour le cinéma, peint des fresques murales dans des grandes demeures privées européennes, expose ses toiles à de nombreuses reprises, illustre un ouvrage sur Versailles disparu, regrettant peut-être que la science lui interdise une incursion dans le siècle du Roi Soleil, …

Quand l’art est transmis par un gène dominant

Alain a publié des romans, des récits, des essais, des poèmes, toute une œuvre qui lui valut des prix dont le prix Rossel et une reconnaissance lui ouvrant les portes de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises. Mais c’est loin des ors, dans le calme de son petit bureau tapissé de livres et baigné de musique classique, devant son jardin, qu’il cisèle à la plume les derniers vers de son recueil à paraître “Mémoire de l’outil”. Car qui mieux que lui sait qu’ “Un poème est cuit Quand ses vers ne bougent plus.”*

* Bosquet de Thoran – Petite contribution à un art poétique. Ed. Jacques Antoine (1983).

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fatou aidara

Quelle heure est-il ?

nés en 1972 styliste bruxelles, novembre 2006

Pas facile de rencontrer cette jeune styliste talentueuse et pleine d’avenir qui semble vivre dans un autre espace-temps ! Un peu de persévérance et de patience nous ont permis de l’immortaliser devant une vitrine du centre historique de Bruxelles où un certain nombre de ses créations étaient exposées, ce qui provoqua les perturbations de trafic que l’on peut imaginer.

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En cherchant bien, on peut trouver aussi les traces d’une autre facette de son talent, comme en atteste cette page extraite d’un Courrier de l’Ecole Decroly datant d’une vingtaine d’années :


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michèle rouge

Apprendre – à faire – bien – tout seul

née en 1956 ergothérapeute l’irsa, décembre 2006

Voilà plus de 20 ans qu’avec patience, tendresse et compétence, Michèle prodigue aux enfants les plus démunis les bienfaits de son art. Isolée dans une petite cave enfouie sous les vastes constructions de l’Institut Royal pour Sourds et Aveugles, transformée au fil des ans en une incroyable caverne d’Ali Baba remplie d’objets sonnants, brillants, clignotants, sautillants destinés à éveiller et stimuler tous les sens, Michèle travaille avec des petits polyhandicapés dont il faut souvent tout deviner, tant ils sont démunis. Michèle est tout sauf une bricolo thérapeute ! Sa devise : “Apprendre – à faire – bien – tout seul”. Si l’ergothérapie

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eut pour vocation initiale de soigner par le travail, les enfants cumulant les déficiences auditive, visuelle et motrice que rencontre Michèle ne réclament pas de soins mais bien une éducation à l’autonomie qui leur permet de faire le mieux possible les gestes, parfois si simples pour nous, de la vie quotidienne. C’est à l’adolescence qu’elle sut que cette discipline répon­dait parfaitement à son désir d’aider les enfants handicapés. Après avoir un jour dû suivre le douloureux conseil de quitter le cocon decrolyen pour trouver ailleurs les options qui lui conviennent, et expérimenté brièvement une école du quartier où elle

apprit les points, la drague, le brossage et le tabac (sic), elle choisit de terminer sa scolarité en humanité sportive ou elle put s’éclater et se rendre compte de la richesse des expériences acquises depuis le petit jardin d’enfant, dans le pavillon de Poulou. Sans doute a-t-il fallu cette expérience pour cesser d’être la “fille ou la sœur de” et enfin exister par soi-même, comprendre d’où venaient ces souvenirs d’odeurs de peinture et de colle, cet appétit d’inventer les choses qui lui permet au­jour­d’hui de créer dans cette chambre noire, un univers magique qui puisse stimuler tous les sens de ces enfants “extra-ordinaires”.


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nicolas hamaïde né en 1976 restaurateur restaurant “la cuisine”, mars 2006

Les copains d’abord

Une ancienne boucherie, comme en témoignent les vigoureux crochets mais aussi les beaux carrelages reflétant le soleil qui pénètre généreusement par la grande vitrine. C’est là que Nicolas a choisi de s’engager dans ce qui semble bien avoir été une aven­ ture : son restaurant. Ayant acquis un diplôme de gestion hôtelière au sortir de l’école, il sut, après un stage dans un bar à whisky à la mode, le genre de vie qu’il ne souhaitait pas avoir. Un moment de doute qui nécessite un petit séjour en République Dominicaine, le temps de concevoir un enfant et d’y voir plus clair, et Nicolas, après la galère habituelle pour trouver un emprunt, rameute le ban et l’arrière ban de ses anciens condisciples pour les impliquer dans son projet. Le resto a vu le jour en un an

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et je n’ai travaillé qu’avec des decrolyens (Pierre, Valéry, Martin, Eric, …), c’est une force incroyable ! Je sais qu’à 70 ans, en cas de coup dur, ils seront là et que je ne serai jamais seul. J’ai signé l’acte de constitution de la société au moment de la naissance de mon fils : tous les bonheurs arrivaient en une fois. Aujourd’hui, dans cet établissement géré de manière plutôt familiale et paternaliste, il vaut mieux réserver sa table. Ici, pas de carte mais bien le grand tableau vert des suggestions, reflet du marché du jour. Et si on n’y trouve pas son compte, il y a toujours une valeur sûre plébiscitée par la clientèle : le Tatakki de bœuf ; sans oublier une carte de vins soigneusement sélectionnés. L’endroit est à mon image, convivial et un peu fou.


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Je suis gaucher

pierre alechinsky né en 1927 peintre et écrivain bougival, février 2007

« En 1934, en exergue de son livre Une semaine de bonté, Max Ernst cite un extrait des Tests mentaux, des docteurs Decroly et Buysse : “Si trois est plus grand que six, faites un cercle autour de la croix et si l’eau éteint le feu, tracez une ligne du seau à la bougie, en passant au-dessus du couteau, puis faites une croix sur l’échelle.” Ai-je réussi ces tests mentaux ? Aucun. Quant à l’enseignement de la lecture et de l’écriture par la méthode globale, aujourd’hui encore je me précipite sur le dictionnaire en souvenir d’une phrase d’institutrice, qu’il eût fallu qu’enfant j’englobasse : Mademoiselle apporte un oignon de jacinthe.

Et puis, dans ces années-là, jusque dans les écoles aux méthodes nouvelles, on ne tolérait pas le gaucher : on ne laissait pas un gaucher à gauche, on le forçait à droite. Je suis gaucher. Si je peins adroitement de ma main laissée en liberté (la gauche), je garde une sinistre écriture de ma main scolarisée (la dextre). D’où il fut établi, quoique je ne veuille pas avoir l’air de nier ma part de très forte responsabilité, que j’étais un cancre et que je le resterais. Un jour, le facteur apporta une lettre à la maison. Elle annonçait, non pas que l’on me fichait à la porte, mais que

j’étais un élève non réadmis. C’en était fait de mes études de médecine. J’avais seize ans. Adieu (si j’ose ainsi m’exprimer), adieu l’U.L.B. ! De bonnes idées du docteur Ovide Decroly, je dois dire, me servent encore. Ses regroupements d’activités, titrés “observation”, “association”, et sa préférence, laissant loin en arrière le mot “rédaction”, pour le terme : “travaux spontanés”… Coïncidence : la spontanéité – mais plus nordique, celle-là, scandinave – deviendra la particularité des peintres et écrivains de Cobra… * »

Extrait de : Un Cheveu, discours lu le 13 décembre 1994 lors de la Séance solennelle de remise des insignes de Docteur Honoris Causa de l’Université Libre de Bruxelles. In Pierre Alechinsky – Remarques marginales. Gallimard (1997).

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Un quatuor, c’est comme les équipiers qui se choisissent pour traverser l’Atlantique sur un frêle esquif

elsa de lacerda setas née en 1976 violoniste saint-gilles, décembre 2005

Quand Elsa fut engagée à 5 ans, pour chanter dans l’Opéra des Enfants de Paul Danblon, elle ne pouvait se douter que cette belle expérience allait déterminer sa vie future. Il a suffi qu’une jeune violoniste, touchée par ses larmes d’enfants, la distraie avec son instrument pour qu’Elsa rentre à la maison avec la conviction qu’elle aussi, plus tard, jouerait du violon. Dès lors, tout fut mis en œuvre pour favoriser le développement de cette passion précoce. Soutenue par la famille et par l’école, elle commence avec détermination ses études musicales à 7 ans et affronte son premier public dans un res­taurant bien connu du Quartier Latin

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bruxellois, dont ses pa­rents furent les propriétaires. Elle fut lauréate de tous les concours possibles ce qui lui vaudra de jouer en soliste, à 15 ans, avec l’Orchestre ­Phil­harmonique de Liège sous la direction de Pierre Bartholomée. S’en suivirent des stages aux USA, en Italie et bien sûr de brillantes études au Con­ser­vatoire royal de Bruxelles où Elsa cueillit un diplôme supérieur de violon et un premier prix de musique de chambre. Dans l’immensité du répertoire, c’est le quatuor à cordes qui a sa préférence, pour le bonheur de chercher et d’ob­ tenir un son unique, fusion des 16 cordes en un seul instrument. Avec le quatuor

Thaïs elle a enregistré six œuvres de Grétry dont l’interprétation claire et subtile illustre bien ce souci. Le Quatuor Alfama, qui entend, dans son travail, briser les frontières, les styles, les écoles, entre Nord et Sud, Est et Ouest, lui permet d’explorer actuellement un répertoire allant de Haydn à la musique contemporaine en passant par les compositeurs tchèques – Dvorak, Smetana, Martinu, Janacek – pour lesquels les membres de ce jeune ensem­ ble ont une affinité particulière, mais aussi de réaliser un travail d’ouverture sur le monde qui va bien au-delà de la musique. Une musicienne qui, sans fausse note, a compris, les ressources de la nouvelle Europe en construction.


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ève-marie vaes & thomas van hamme

Les copains d’alors

nés en 1969 journalistes & animateurs TV rtbf, août 2006

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Quand un beau jour, lors d’une rentrée scolaire en 9e année, Thomas vit débarquer dans sa classe Eve-Marie, une jeune adolescente aux lunettes rondes et au sourire radieux, il ne pouvait imaginer que les facéties du destin lui ferait par trois fois croiser son chemin.

C’est ainsi que Thomas se retrouva à l’ULB en journalisme, bientôt rejoint en licence par Eve-Marie, qui avait changé d’avis et d’orientation tout en complétant sa collection de médailles grâce à un septième titre de championne de Belgique de Judo.

Après avoir acquis à l’école la créativité, le culot, la débrouillardise et l’art de ­sortir des sentiers battus, ils s’en furent, l’une sagement faire des études de droit et l’autre, imprudemment et porté par l’air du temps, des études commerciales que le bon sens lui firent abandonner rapidement car, après tout, il avait toujours voulu faire de la télévision.

Pendant que Thomas fait ses premières armes à Radio Contact, puis à la télévision (“la bande à Carlos”) tout en étant rédacteur en chef de Kiosque, Eve-Marie assure des chroniques sportives et autres pour la RTBF ou Le Soir et débute à la télévision avec “Génies en herbe”. Puis un jour, le hasard d’un casting lui attribue un nouveau collègue : son ancien condisciple ! Les

voilà réunis pour animer pendant deux ans l’émission la moins decrolyenne que l’on puisse imaginer ! Eve-Marie abandonnera ­Thomas dans l’arène hurlante des lycéens et troquera son tee-shirt d’ado contre un chignon bien sage de présentatrice du concours Reine Elisabeth. Ayant toujours eu envie de travailler dans la culture, elle est aujourd’hui attachée de presse du Palais des Beaux Arts. Quant à Thomas, il ne quittera jamais l’écran et présente actuellement “GpiG”, ce qui démontre que les difficultés scolaires en sciences peuvent finir par induire les bonnes questions dans une émission de divertis­sement scientifique !


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La géométrie pourrait être la résultante de deux critères : la vision conique et le déplacement. Ceux-ci s’intègrent dans l’instant

pierre lallemand né en 1960 architecte, sculpteur, designer saint-gilles, décembre 2005

Il avait les cahiers les plus ­vilains de l’histoire de l’école. Il a donc dû s’adapter à un enseignement qui ignorait le manuel et muscler sa mémoire. Si Pierre écrivait mal, ses mains ont très vite été l’outil magique qui lui permit de dessiner et sculpter. Son premier bronze sortit du moule quand il n’avait que dix ans. Passionné par la mer, il voulait être architecte naval. Pas pour construire des cuirassés ou de porte-avions, mais bien des voiliers. Il présente donc l’examen d’entrée en polytechnique qu’un scrupule très personnel lui fait abandonner à la dernière minute.

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Le voilà donc en Architecture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles puis en stage, en Belgique, en Italie et à New York chez César Pelli, le con­ cepteur des tours Petronas de Kuala Lumpur, un vrai maître d’une grande rigueur morale. Deux semaines après la fin de son service militaire, il expose, à la Fondation pour l’Architecture, des luminaires conçus pendant ses loisirs. Le succès est tel qu’il doit monter une PME pour fabriquer les lampes qui remplissent son carnet de commande ! En 1989, il fonde, avec quelques associés, le cabinet d’architecture ART & BUILD

au sein duquel il concevra la Bibliothèque des Sciences Humaines de l’ULB, le Musée de la médecine et la rénovation pharaonique du Berlaymont, siège de la Commission euro­ péenne à Bruxelles. En 1997, le Musée d’Ixelles présentera ses maquettes, “objets d’architectures possibles”, sculptures certaines. Et comme il est têtu et que la passion de la mer ne l’a jamais quitté, il concevra un voilier de 48 pieds, avec lequel il régate, rassemblant des qualités techniques et esthétiques rare­ ment associées et saluées par la presse internationale.

Jamais je n’aurais réussi ailleurs qu’à Hamaïde et ­Decroly. Dans les grandes classes, j’ai eu des profs fantastiques qui motivaient les élèves et les écoutaient réellement. Ils m’ont donné confiance et j’ai pu vraiment connaître la confusion entre le travail et le plaisir. Le vécu pédagogique fut très fort. Son professeur d’Histoire lui avait prédit : “l’alcool et les femmes te perdront !” Cela montre que tout le monde peut se tromper.


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ode guissard

Quand la grandeur n’a rien à voir avec la taille

née en 1970 biologiste uccle, février 2006

Venez les enfants, on va faire les Dalton ! Dans un joyeux désordre et une grande com­ plicité, Ode et ses enfants s’alignent pour immortaliser l’instant. Toute jeune, Ode a deviné qu’elle ne grandirait pas. Et cependant, rien dans son comportement ne permettait de déceler qu’elle savait. Enfant joyeuse, entourée de copains et copines, elle a traversé sa scolarité en s’amusant comme si de rien n’était, s’adaptant à toutes les situations, debout sur sa chaise pour être aussi grande que les autres et faire entendre une voix qui n’était pas moins forte, laissant les enseignants perplexes lorsqu’elle parlait de l’avenir en commençant ses phrases par “quand je

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serai grande …” Tout le monde attendait une crise qui heureu­ sement ne vint jamais. Avec détermination et enthousiasme, Ode entreprit des études de biologie à l’ULB, cueillit le diplôme et un mari, fit une formation en aménagement du territoire, participa à la rénovation du Parc Royal puis revint à l’ULB pour s’occuper de l’élaboration du plan régional d’affectation du sol de la région de Bruxelles-Capitale et diriger une équipe de recherche pour aboutir un jour au département financier et gérer les contrats européens de recherche. Ma taille est finalement devenue une force, un outil. Et en plus on se souvient toujours de moi !


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Mon musée préféré est le Musée des Sciences Naturelles

bernard cogniaux né en 1960 comédien saint josse, théâtre “le public”, août 2005

Bernard est issu d’une classe dont tous les anciens se sou­ viennent car elle est sans doute la plus turbulente de ces trente dernières années. Capables d’un travail d’une rare qualité, lui et ses petits camarades pouvaient aussi commettre jusqu’à une plaisanterie (certains diront catas­ trophe) par jour, à laquelle aucun professeur n’échappait, sauf peut-être leur titulaire pour laquelle ils avaient un grand respect, et ont toujours une infinie affection. Leur sor­ tie de rhétorique laissa l’institution pantelante et épuisée ! C’est dans ce cadre plutôt bruyant que vint au jeune

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Bernard l’envie d’être comédien. Du théâtre, il adore en faire depuis qu’il est petit, à la maison et bien sûr à l’école où on lui offrit de monter sur les planches chaque année. Après une candidature en droit qui est peut-être le reflet d’un questionnement sur le côté sérieux du métier de comédien, Bernard s’en fut à l’INSAS puis au Conservatoire de Bruxelles, avant de monter sur une scène où il est omniprésent depuis lors. Plus de dix ans de participation à la ligue d’impro, “Chez Willy” joué 400 fois en quelque sept années, Bernard a fait rire un large public qu’il peut

aussi émouvoir avec des textes plus graves comme quand il a porté à la scène la prose d’Albert Cohen : “O vous frères humains”. S’il est essentiellement un hom­ me de théâtre, il prêta aussi sa voie à la télévision (Blabla), au cinéma (Marquis de R. Topor) avant d’écrire et de diriger “Etape au Motel”. Il est aussi professeur au Conservatoire de Mons. Et de loin en loin, avec régularité, il retrouve ses anciens condisciples pour entretenir ces cris de basse-cour qu’ils sont bien les seuls à pouvoir modu­ ler avec autant de variété.


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françoise begaux

Françoise au Tibet

née en 1960 kinésithérapeute rhode-saint-genèse, novembre 2006

— Tu veux toujours venir au Tibet ? — Oui ! Quand ? — La semaine prochaine, ça va ? —… Un coup de fil qui change une existence et une semaine pour mettre toute sa vie de côté !

Lorsqu’elle posa son baluchon à Lhassa, un jour d’hiver il y a 14 ans, époustouflée par la majesté des paysages, la limpidité de l’air, les ombres tranchées, la luminosité excep­tionnelle permettant de voir à des centaines de kilomètres le scintillement d’une nature rude ensoleillée 320 jours par an, Françoise sut que c’était là, au Tibet, qu’elle voulait vivre. Engagée au départ par MSF pour s’occuper de populations atteintes d’une maladie des cartilages très invalidante et compléter dans ce domaine la formation plus que rudimen­ taire des médecins locaux, Françoise est aujourd’hui responsable des programmes intégrés concernant la santé, la nutrition et l’hygiène des populations villageoises pour le compte de TERMA* Foundation. Depuis son arrivée, la ville a bien changé : les voitures ont remplacé les chevaux et on ne voit plus, dans les queues à la poste, le berger et son troupeau. Dans les villages

par contre, la vie est immuablement dure, l’équilibre entre les hommes et la nature peu généreuse demeurant fragile. Françoise arpente donc des régions immenses sur des chemins souvent vertigineux, en voiture, à cheval, portant son matériel de radiographie et les plaques qu’elle développe sous une couverture, allant à la rencontre d’une population qui l’accueille cha­ leureusement, elle qui se nourrit comme eux et partage le thé noir au beurre de yack, qui soigne leurs maux, qui les aide à utiliser au mieux leurs maigres ressources en retrou­ vant les cultures traditionnelles. Une fois l’an, elle rentre au pays, histoire de retrouver les siens, et de reprendre quelques kilos. Son retour nous a permis de la rencontrer devant le nœud infini qui symbolise l’interdépendance de tout et rappelle que rien n’existe par lui-même : un arbre n’est un arbre que parce qu’il y a de la terre, de l’eau, du soleil. Voilà qui limite l’arrogance et pousse à l’humilité.

*Terma : mot tibétain faisant référence à des livres mythiques, pleins de sagesse et de savoir, enterrés jadis par des divinités dans l’attente d’une époque où les hommes seraient capables d’utiliser ces connaissances.

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Serein et souriant

olivier van marcke de lummen né en 1963 ingénieur commercial linkebeek, mars 2007

C’est un homme serein et souriant, dans la force de l’âge, dont le calme ne laisse pas imaginer qu’il passe une bonne partie de sa vie en avion, qui nous reçoit dans un de ses moments de détente. Olivier ne garde que des bons souvenirs de son passage à l’école et le conseil, peut-être un peu rapide, de ne pas s’obstiner en “maths fortes” l’a heureusement poussé à donner tort à son professeur ! L’école m’a donné un regard particulier sur les choses. L’apprentissage expérimental des sciences m’a poussé à chercher à comprendre

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avant d’apprendre, ce qui me sert encore aujourd’hui. Il fut aussi dans la classe qui, la première, prit l’avion pour partir en voyage scolaire et troqua l’auberge de jeunesse contre un hôtel. Un scandale et une polémique à l’époque ! Diplômé de l’Ecole de Commerce Solvay, Olivier a passé une dizaine d’années dans la finance avant d’intégrer le groupe D’Ieteren et se retrou­ ver à Londres avec son épouse et ses trois enfants, un peu marris de devoir quitter la maison de leurs rêves à peine construite. Quatre ans

plus tard, le jardin bruxellois ayant eu le temps de pousser, il rapatrie sa famille devenue parfaite bilingue et propriétaire d’un petit chien très british. Menant une vie réglée comme du papier à musique, histoire de ménager sa famille, Olivier passe, chaque semaine, trois jours quelque part dans le monde pour revenir le mercredi soir prendre son repas avec ses enfants et gérer devant son jardin, grâce aux moyens techniques que lui offre notre époque, le réseau international des franchisés de Budget pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen Orient.


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Un grand corps à orner

jean-michel snoeck né en 1968 tatoueur bruxelles, septembre 2005

Le regard malicieux perpétuellement en mouvement, la moustache triomphante et impériale pointée vers le zénith, le crâne lustré, “Jean-Mich’”, est une figure familière pour qui hante le quartier de la Grand-Place. Présidant aux destinées du Blue’s Tattoo, studio de tatouage situé à un jet de pierre de l’Hôtel de Ville dans une maison fort petite pour son corps géantin, il y orne l’épiderme de ses contemporains depuis une dizaine d’années, avec un talent incontestable et un grand professionnalisme. Le parcours de Jean-Michel est tout sauf banal ! Petit-fils et fils de decrolyen, il s’est vu signifier, un 30 juin où il tentait de sortir de 10e, après 14

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années passés à l’Ecole Decroly, le fait que sa réinscription n’était pas souhaitée. Rien n’étant jamais totalement négatif, ce bouleversement l’a conduit pendant quelques mois dans une école d’Ixelles où il a pu cultiver l’art de boire des bières, de gagner au flipper et de donner des baffes. Ayant rapidement acquis toutes ces compétences, il décide de ne pas mourir idiot et présente l’examen d’entrée complet à l’ULB, ce qui le conduit en 1ère candidature en philosophie un an avant tous ses petits camarades decrolyens. Deux années plus tard, il s’oriente vers la sociologie et écrit un mémoire sur la réinsertion des détenus, après

une expérience d’un an comme professeur de français dans les prisons. N’ayant alors plus rien à prouver à personne, il s’engage chez les parachutistes où il prétend avoir été privé de son cerveau. Il est encore actuellement sous-officier de réserve, moniteur de premiers soins et de close combat, conseiller technique pour une revue française traitant des domaines militaires, mercenariat, aventure extrême, … Il est aussi l’époux d’une officière de marine, ce qui complique sa vie familiale mais lui laisse sans doute plus de temps, entre deux marées, pour exercer son art sur le corps de quelque politicien, professeur d’université ou ecclésiastique.


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catherine schotsmans-gutt née en 1925 chimiste, mère de famille et grand-mère active jandrenouille, mars 2007

Un village hesbignon dont le nom est presque une plaisan­ terie ! On peut y trouver une grande ferme en carré aux proportions harmonieuses ayant appartenu, à la fin du XVIIIe siècle, à une abbaye et dont le corps de logis accueille une lumière généreuse même un jour de bruine printanière. Voilà la demeure que Catherine et son mari Etienne ont pu acquérir il y a plus de 30 ans et patiemment rénover depuis lors. Un domaine où l’on sent que les petits-enfants ont leur place, tout comme le chien Xyla, labrador fugueur paraît-il, mais doux et affectueux au point d’apporter peutêtre les pantoufles au voleur. La petite Catherine, dont la maman, il y a cent ans, fut une des premières élèves de l’école de l’Ermitage, s’en fut d’abord à l’école communale d’Ohain, Uccle étant à l’époque bien trop éloigné du logis pour une petite fille. Ce n’est donc qu’en troisième primaire qu’elle se retrouva avenue Montana. S’en suivirent dix années de sa jeunesse où elle se construisit sans œillère, toutes les matières étant con­

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Bientôt cinq générations de Decrolyens !

fondues et acquit le plaisir de chercher, de recourir au livre et demander à gauche et à droite, ce qui lui fut bien utile par la suite. Une époque ou les voyages scolaires se faisaient en train, tram, bus ; voyages d’étude qui se hasardaient dans les carrières de Quenast, découvraient les coulisses du “Bon Marché”, exploraient les bras morts de l’Escaut pour y découvrir les cultures d’osier et où personne n’avait peur de transvaser, d’un esquif dans l’autre, une classe entière au milieu d’un fleuve ! Ce n’est que bien plus tard, à l’Univer­ sité de Bruxelles où elle obtint une licence en chimie qu’elle se rendit compte de l’avantage acquis sur ses collègues étu-

diants en matière de prise de notes et d’autonomie. La rencontre avec celui qui allait lui donner cinq enfants mit un terme à un début de thèse de doctorat sur la structure des protéines et, le temps d’y penser, elle se retrouva à la tête de 13 petits-enfants, “les bras bien chargés” ! Dans la grande et lumineuse cuisine de la maison où tout attend toujours les petits, il est possible que Catherine songe parfois à ce frère à peine plus âgé qu’elle, qui s’en fut un jour de guerre pour aider des fugitifs et ne revint jamais de Buchenwald.


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Marie et les enfants

marie lémans née en 1985 Infirmière étudiante uccle, décembre 2006

Ayant fraîchement quitté le cocon scolaire, la mémoire de Marie est encore pleine des souvenirs d’une époque pour laquelle elle garde une tendre nostalgie : les quelques gouttes d’acide mises sur une pierre crayeuse, en première année, sous le regard rassurant d’un professeur de sciences chenu et plus tard le petit potager, la course du soleil dans le ciel repérée jour après jour, la construction du coffre à jouets, occasion de calculer des volumes comme la peinture du goal de foot l’était pour la mesure des aires, …

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Toutes ces expériences forgent une adolescente au caractère bien trempé qui connaît ses devoirs mais aussi ses droits, chasse l’injustice et utilise avec intelligence toutes les failles du système ! Période des copains, des pièces de théâtre mémo­ rables, du grand voyage à Lisbonne où une table de nuit pulvérisée par une bataille de polochons fut recollée avec des chewing-gums. Le stage effectué en 12e année confirme son choix : Marie, qui depuis des années s’occupe d’enfants avec

patience et tendresse, sera infirmière pédiatrique. En attendant, elle teste sa détermination en partant une année au Panama où elle participe à un projet de développement puis travaille dans un centre de santé s’occupant de malnutrition enfantine. Expérience de vie, choc de cultures, cré­ ation de liens d’amitié si puis­ sants que Marie envisage d’y retourner après ses études. Et puis, pourquoi pas, fonder une famille, avoir des enfants, …


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maurice pasternak né en 1946 graveur uccle, juillet 2006

Une demeure en pleine ville dont le charme évoque les villégiatures de la fin du XIXe siècle, dotée d’un jardin insoupçonnable en pareil endroit et dont le maître des lieux est peut-être un très beau chat anglais, intouchable, au port majestueux et au pelage gris bleu. Dans cette atmosphère feutrée, Maurice et son épouse ont rassemblé au fil des années nombre de souvenirs, d’objets insolites, d’oiseaux empaillés, de masques et statuettes africaines, de dessins et peintures, …, tout ce qui peut capter le regard d’un artiste curieux. Une rencontre avec Claude Lyr, vers l’âge de 15 ans, déter­ mine peut-être la remarquable carrière de graveur qui est celle de Maurice Pasternak. Dès 17 ans, il s’inscrit à La Cambre où il est l’élève de Serge Creuz et membre de l’atelier de gravure de Gustave Marchoul dont il devient le disciple puis l’assistant. Rapidement, les participations aux manifestations internationales et les expositions personnelles se succèdent,

Manière noire en couleur

avec régularité jusqu’à aujour­ d’hui. Ses œuvres, qui lui valurent de nombreux prix se retrouvent dans les musées d’Art moderne belges mais aussi allemands, polonais, suédois, canadiens, américains, japonais, chinois … Un dessin d’observation rigoureux, nourri par la maîtrise de techniques anciennes, organisé selon de savantes stratégies, qui étudie l’être humain comme le papillon posé sur la branche ou épinglé sur la planche*. Maurice utilise la manière noire en couleur consistant à cribler avec patience la surface de cuivre de petits points dont la taille dépend de l’outil choisi, pour ensuite repolir les endroits

qui doivent être clairs et où l’encre, essuyée à la main, ne s’accrochera pas. Les formes sont donc extraites par un travail d’abolition ou de réduction des creux sous la contrainte d’un effort physique, qui acte progressivement, comme sous l’action d’une gomme très dure, les fermes attouchements qui provoqueront les disparitions et les émergences. La variété des apparitions est précisément celle des effacements*. Parallèlement à ses activités créatrices, Maurice trouve le temps d’enseigner à l’E.N.S.A.V. (La Cambre) dont il dirige actuellement le dépar­ tement Gravure.

* Georges Meurant – Paradoxes de la Pénombre – In Maurice Pasternak, L’œuvre gravé 1966-2001. Centre de la gravure et de l’Image imprimée de la Communauté française de Belgique

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nathalie watelet née en 1963 psychologue, enseignante l’irsa, novembre 2006

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Les parents de Nathalie, née sourde profonde, ont choisi de lui faire suivre une scolarité ordinaire dans l’espoir, imagine-t-on, d’une bonne intégration dans le monde des entendants. Choix peut-être risqué mais soutenu par une farouche détermination familiale et un accompagnement de tous les instants. Ce ne fut pas toujours facile et Nathalie a sans doute, au début du secondaire, travaillé deux fois plus que ses camarades, révisant chaque soir les cours, enregistrés, avec sa maman. Après un an ou deux de galère et de doutes, les choses s’arrangent d’elles-mêmes, Nathalie trouve un mode de fonctionnement qui lui convient et tout devient plus simple.

Dépasser la différence

Époque joyeuse où toute une classe, soudée autour d’elle et unie par une solidarité indéfectible se lance dans des projets un peu fous de pièce de théâtre musico-psychédélique ou de randonnée pédestre dans les Cévennes.

C’est aux Etats-Unis, dans une université pour sourds que Nathalie commence des études de psychologie, apprend la langue des signes, décroche un titre de Bachelor of Art, avant de revenir au pays pour faire une licence à L’UCL. Sportive accomplie, Nathalie fit partie de l’équipe nationale de tennis pour sourds avec laquelle elle a voyagé un peu partout dans le monde et obtenu une médaille de bronze en double dames aux championnats d’Europe. Elle en profita pour s’unir à son professeur de tennis et fonder une famille qui compte trois enfants.

Expérience très forte pour le groupe comme pour les enseignants que la présence de cette enfant différente dans la classe.

Aujourd’hui, Nathalie est psychologue à l’Institut Royal pour Sourds et Aveugles où elle enseigne aussi la langue des signes.


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francis michel

Le savant fou a encore frappé !

né en 1944 physicien, professeur de sciences et de mathématique. ath, mai 2006

Bon nombre de ses anciens élèves reconnaîtront ce cri du cœur poussé à l’issue d’un laboratoire de physique qui a vu Francis surprendre son auditoire par une démonstration spectaculaire et inattendue. Pendant quelque 35 ans, il a ainsi animé les cours de sciences, avec une imagination et une indépendance d’esprit peu communes. Fils d’anciens élèves et de professeur (sa maman a, en son temps, imprimé sa marque à l’institution), Francis a enseigné avec passion les sciences expérimentales, entraînant ses élèves dans des aventures qui les amenaient parfois à creuser le jardin de l’école, sous la pluie et dans la boue, pour y établir une

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mare, à transformer la classe en plan incliné de Galilée avec empilement de tables recouvertes de rails de trains électriques, à bricoler des jeux électroniques à une époque où personne n’avait d’ordina­ teur, à construire des télesco­ pes avec des tubes en cartons et des lentilles de récupération ou à passer la nuit sur le toit de l’école pour observer les étoiles, … n’hésitant jamais à payer de sa personne comme quand il voulut montrer à ses élèves le frétillement naturel des spermatozoïdes ! Si la physique théorique fut sa discipline initiale, son intérêt pour l’astronomie l’amena parfois à courir au bout de la France pour photographier une éclipse ou à réaliser un

site internet sur la comète Kohoutek à une époque ­pion­nière. Pédagogue de la mathé­matique, il publia régulièrement dans “Mathématique et pé­da­gogie”, s’impliqua dans l’orga­ni­sation de congrès et martyrisa ses élèves avec des calculatrices programmables. Comme chacun sait que le métier d’enseignant laisse du temps, Francis l’utilise à courir les marchés aux puces à la recherche de bijoux en plasti­que, de livres d’astronomie du XVIIIe siècle ou expérimente de nouvelles recettes de cuisine, accompagne au piano l’une ou l’autre cantatrice de ses amies quand il ne taille pas son buis (en forme de paon) avec des ciseaux à ongle.


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jean waterlot

La musique ? Tombé dedans quand il était petit !

né en 1981 musicien studio “caraïbe”, uccle, septembre 2006

Sanglé dans sa veste de cuir noir ajustée, la mèche rebelle filtrant un regard qui se veut sombre, Jean a bien du mal à nous donner l’image pure et dure du rockeur qui doit être celle du chanteur de Montevideo. La musique ? Tombé dedans quand il était petit, Jean a fait plusieurs années de piano, de la guitare acoustique puis basse vers 12 ans, accompagnant quelques notes hurlées dans un micro, largement encouragées par le professeur de musique lors d’une pièce de St Nicolas à l’école, avant de tirer quelques sons d’un vieux cornet à pistons traînant dans le grenier et d’entendre un disque de Chett Baker. Révélation ! La musique a sans

doute aussi été ce qui lui a permis d’avoir une identité distincte de celle de Pierre, ce grand frère protecteur si proche et à la présence puissante. Avant d’envisager une carrière dans la musique, Jean s’est essayé à beaucoup de ­choses : les options artistiques à l’école, la tentation de l’histoire de l’art, un séjour de 7 mois aux States, le temps de devenir bilingue et de combler un vide existentiel, 2 ans de stylisme à l’académie d’Anvers, le concours d’entrée à l’INSAS, un peu de philo et lettres puis de journalisme, … mais aussi la trompette devenue avec la musique le fil d’or de son existence. Jean a joué dans une forma-

tion rock puis ska, dont les cendres se retrouvent peutêtre aujourd’hui dans Montevideo, formation qu’il crée avec Pierre et deux autres musiciens. Les frères Waterlot partent à la conquête du rock belge ! Et rencontrent bientôt John, de Ghinzu, qui leur donne le coup de pouce nécessaire pour sortir définitivement de l’ombre. Présent aux Nuits Botaniques, au Cirque Royal (Nuit du Soir), le groupe tourne en France et en Hollande. Le premier album est salué par la presse comme l’une des meilleures choses musicales sorties en Belgique ces dix dernières années*. Un musicien qui a tant douté peut-il trouver meilleur encouragement ?

*Le Vif l’Express, 18/08/06

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Les ânes ont-ils aussi été à Decroly ?

sandrine willems

P. Alechinsky

née en 1968 ecrivain, cinéaste la hulpe, aôut 2006

J’aime les chiens et les ânes avec lesquels j’ai un chouette contact. Démonstration ! De plus ces animaux peuvent pousser la curiosité jusqu’à déguster une épreuve photographique et paraître satisfaits de l’expérience. Si les animaux sont un des fils rouges de la vie de Sandrine, il en est d’autres qu’elle suivit dès l’enfance. C’est à 13 ans qu’elle monte sur les planches de la Comédie Claude Volter, début d’une carrière de jeune comédienne qui la conduira, à 17 ans, à tenir de rôle titre dans “Psyché” de Molière et Corneille. Dépitée, en sortant de l’école,

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de ne pouvoir entrer au Con­ servatoire de Paris, elle fait quatre années de philosophie à Bruxelles puis revient au théâtre en décrochant à Strasbourg une licence d’étu­ des théâtrales qui lui permet de mettre en scène une pièce de Rilke. Comme il faut vivre, Sandrine, pour bénéficier d’une bourse FNRS, expédie en deux ans une thèse de doctorat sur Georges Bataille et n’en pouvant plus de vivre en bibliothèque, réalise une série de courts métrages parmi lesquels “la tendresse sur pattes”, conte inspiré par l’affec­ tion que lui porte son chien, ainsi que deux documentaires consacrés à la musi­que

baroque. Ne se satis­faisant pas de ces seuls moyens d’expression, Sandrine publie des pièces de théâtre, des essais, des romans. Parmi ceux-ci “les petits dieux”, série de onze romans miniatures, inspirés de la relation particulière imaginée entre des personnages mythiques et l’animal qui les accompagne, et dont la prose sans cesse repolie devient poésie et musique. Mon plaisir c’est de me mettre dans la peau de quelqu’un d’autre et d’essayer de trouver une voix. J’ai souvent l’impression que mon personnage écrit à travers moi. J’écris donc souvent à la première personne.

Je cherche à chanter à ma façon. Aujourd’hui, poursuivant sa quête, Sandrine termine des études de psychologie avec l’espoir de creuser les troubles du contact avec l’environnement, utiliser le caractère régressif que l’animal peut donner à l’adulte et travailler en liaison avec une institution psychiatrique qui serait intéressée par un projet de thérapie avec des animaux. Avec mon chien Balthazar, j’ai pu vivre une expérience d’abandon que je n’ai connu avec personne d’autre. Bien sûr, un chien ne remplace pas un humain !


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63 titres de champion de Belgique !

jacky brichant né en 1930 tennisman royal léopold club, mars 2006

106 matchs en coupe Davis, 63 titres de champion de Belgique ! Palmarès difficile voire impossible à égaler. Acharné de tennis dès l’âge de 7 ans, Jacky commence par se mesurer à tout qui tient une raquette dans son entourage : les gens du quartier, son père, sa mère, … Une fois en club, il accumule les victoires en championnats, en tournois et fut vainqueur junior à Roland Garros à 16 ans. Sportif accompli, il joue aussi au basket-ball et mène sa classe de 10e à la victoire du tournoi de l’école, écrasant les rouleurs de mécaniques des classes supérieures. Une première sélection à Wimble-

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don le contraint à un choix cornélien : être en Angleterre le 20 juin 1947 ou devant sa feuille d’examen de sortie de rhétorique. Il choisit le gazon, pensant naïvement passer cet examen en septembre. Ce qui fit qu’il se retrouva exclu de l’école, l’institution de l’époque ne plaisantant pas avec un tel geste d’indépendance. Autre temps, autres mœurs ! Un peu amer, Jacky se lança dans la carrière sportive tout en faisant des études de comptabilité, l’époque qui offrait un bon d’achat de quelques milliers d’anciens francs français au vainqueur du tournoi de Monte-Carlo ne permettant pas de vivre de

son art. Il a donc vendu des voitures, avec succès, grâce à son nom d’étoile montante, tout en s’entraînant 6 heures par jour. Ce furent ensuite les grandes victoires avec son ami Philippe Washer : finale de la zone européenne de la Coupe Davis en 1953 contre le Danemark et en 1957 contre l’Italie, devant 7000 personnes au Léopold Club à Bruxelles. Les vieux postes de TSF, émus, vibrent encore des accents lyrico-patriotiques de Luc Varenne. Les deux compères furent ré­ compensés cette année-là par le trophée du Mérite Sportif. Ce fut aussi, pour Jacky, 8 titres nationaux consécutifs de 55 à 62.

Jusqu’au jour où une entorse lors d’un match de basket-ball précipite la fin d’une carrière et la reconversion définitive : ce fut la gestion d’un grand parking, puis la représentation d’une ligne de vêtements de sport d’un de ses anciens adversaires et enfin, le retour à la comptabilité, activité qu’il exerce toujours. Aujourd’hui, Jacky a retrouvé un certain anonymat, pratique toujours le tennis, sans trop monter à la volée, retrouve ses amis au Léopold Club, présidé par son condisciple Pierre Van Omeslaghe, et devine peut-être qu’il brille toujours au firmament de la mémoire de ses contemporains.


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noëlle koning

architecte et d’une maman artiste dont les aïeux forment une lignée ininterrompue de peintres qui remonte au Moyen-Âge. La chose normale à faire à la maison, c’était peindre ou dessiner. On ne peut donc que s’étonner de la retrouver égarée, à l’école, dans une section scien­ tifique, peuplée de vigoureux adoles­cents mâles, matheux, bruyants et blagueurs qui resteront, pour la plupart, ses amis. Deux années de pur­ ga­toire scientifique qui ont définitivement confirmé sa vocation d’artiste, même si sa conscience la faisait étudier au point de ne plus avoir de loisir.

Quo non ascendet

né en 1960 artiste peintre braine l’alleud, août 2005

Un atelier gigantesque, ­tellement grand qu’un papa com­patissant y a construit un chalet pour que le travail hivernal ne soit plus une épreuve digne du goulag. Refuge d’une banque d’images ou véritable bibliothèque de fragments de papiers savamment déchirés pour éviter tout bord rectiligne, puis peints à l’horizontale pour être aban­ donnés parfois un an ou deux avant qu’un beau jour, Noëlle ne les retrouve pour les assem­ bler de manière cohérente. Je peins sans but précis, de manière impulsive, sans schéma directeur. Je restructure dans un deuxième temps. Quand j’ai l’impression que 3 ou 4 morceaux commencent à raconter quelque chose, à

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créer une sorte de corps, alors je passe à la verticale et en tâtonnant, cherchant des liens, j’essaye de reconstruire l’équilibre à partir du désordre. Si la composition de couleur est non figurative, elle capture le regard avec une force telle que l’imagination du spectateur en vient à reconnaître des formes, des paysages souvent structurés autour d’une échelle, seule clé de lecture que Noëlle s’autorise encore. C’est d’abord, structurellement, une ligne de force et, métaphoriquement, c’est l’échelle que j’essaye de monter et que je redescends très souvent. Noëlle est sans doute née un crayon à la main, fille d’un

Un jour, la famille s’exile en Australie, fuyant une Europe qui paraît au bord du gouffre. C’est la découverte d’une nature éblouissante, de coins paradisiaques, de la peinture aborigène, (mais que veut dire peindre pour ce peuple décimé) et d’une lumière qui a certainement influencé la suite de son travail. C’est donc naturellement que ses premières expositions ont eu lieu à Sidney. Aujourd’hui, Noëlle a retrouvé le sol natal tout en retournant régulièrement en Australie. Elle expose un peu partout en Europe et ses œuvres trouvent leur place naturelle dans les collections privées et publiques, mais aussi dans des musées comme le Musée d’art moderne d’Ostende, le Musée d’Ixelles, …


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Bonne-Maman

françoise bries née en 1935 grand-mère professionnelle, animatrice de stage beersel, juin 2005

Lovée au creux du bocage brabançon flamand, au milieu de vergers qui descendent jusqu’à la Senne, la maison de Françoise est bien celle où l’on imagine trouver la petite-fille d’Ovide Decroly : entourée d’agrès et de jeux d’enfants, de poulaillers et clapiers gardant des animaux dont la captivité semble très relative, d’ateliers débordant de matériel hétéroclite attendant qu’un artiste, jeune ou moins jeune, lui donne une nouvelle destination. La vie de Françoise, aussi loin que remontent ses souvenirs, est confondue avec celle de

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l’école. Petite fille, elle habite à l’institut Decroly, chez sa grand-mère avec sa maman et sa tante et suit sa scolarité avenue Montana à une époque où “la villa” a encore un carac­tère familial, où les petits côtoient les grands. Aujourd’hui, sa maison bruit constamment du joyeux vacarme des enfants : ses propres petits-enfants et puis tous ceux qui, pour rien au monde, ne rateraient un stage à Beersel, chez bonnemaman. Un masque à décou­ per, une boîte à chaussures à recycler, une cage de cobaye à nettoyer, … ­Françoise est

appelée, sans répit, de gauche à droite, par la horde d’enfants, passionnés et… forcément impatients. D’un geste sûr, d’une parole rassurante, d’un index pointé, … Françoise conseille, rassure, console parfois, bref, règne de manière débonnaire sur ce lieu, îlot decrolyen étrangement épargné par le temps. Personne ne sera donc étonné quand elle vous dira, avec un mélange d’amu­ sement et de fierté, qu’elle fut jadis élue “présidente” à l’école, dirigeant, comme représentante des élèves, les “Etats généraux” des “capitaines”.


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Chef, un petit verre, …

jean-yves dutrieux né en 1966 barman bruxelles, août 2005

En dehors de ses redoutables cocktails, le Belgica possède un chef-d’oeuvre de la culture brassicole : les plus belles pompes à bière du royaume. C’est donc avec une fierté légitime que le propriétaire pose à leur côté après les avoir briquées à la sueur de son front. Mais que fait donc cet hétérosexuel convaincu aux commandes du bar gay le plus branché de la capitale ? A l’école, il fut rapidement évident que Jean-Yves n’envisageait pas de faire par la suite un doctorat en physique théorique, atomique et nucléaire. Cependant, sa créativité bouillonnante lui fit proposer à l’un ou l’autre de ses petits camarades le défi surréaliste et combien risqué de colorier au feutre vert tendre, durant un cours de néerlandais, les parties les

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plus nobles de son anatomie. Défi réussi, dans la discrétion évidemment, sauf pour les quelques privilégiés qui purent s’assurer de sa réalité. L’émergence d’une jeune pensée politique lui fit fonder le GNAP (Groupe Nul Anti-Péteux), à l’emblème du schtroumpf noir, en opposition à la classe voisine, principalement peuplée de futurs ingénieurs commerciaux, chirurgiens ou avocats vêtus de vestes Milet et de chaussettes Burlington. Il exerça aussi ses talents artistiques sur toutes les tables de l’école qu’il couvrit de portraits de “Babutu empereur du Sénégal”, clin d’œil affectueux à l’un de ses amis.

période d’incertitude après l’école. Puis un jour : l’opportunité de travailler quelques heures dans un bar où il a ses habitudes. Il commence au bas de l’échelle : les verres, les cendriers, … Pour être, 15 ans après, derrière le bar, près de ses pompes et de tous les symboles désuets de la Belgique de papa, rassem­ blés au fil des ans. Certes, le public a changé, comme le quartier. Mais Jean-Yves aime cette clientèle exubérante, parfois extravagante, capable de faire la fête sans agressivité. Il est persuadé que son expérience decrolyenne a déterminé ce qu’il est aujour­ d’hui, dans ses rapports humains.

Inévitablement, un jour vient qui sonne la fin de la récréation. Petits boulots, chantiers, Jean-Yves traverse une

Tellement persuadé que tous les matins, c’est dans son ancienne école qu’il conduit sa petite Lucie.


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Quand un pédiatre ne fait pas que de la médecine !

philippe pourbaix né en 1937 pédiatre, graveur linkebeek, septembre 2006

Les champignons l’attestent, la fin de l’été s’annonce dans ce grand jardin, véritable arbo­retum peuplé d’arbres d’Europe et du Moyen Orient, issus de graines amoureusement récoltées aux cours de voyages. Au coin d’une maisonnette en restauration, destinée à recevoir des stages d’enfants, prospèrent des abeilles dans un important rucher. A quelques dizaines de mètres, un théâtre de verdure, gardé par trois oies défendant bruyamment leur territoire, attend une classe d’école pri­ maire en excursion botanique. C’est dans ce cadre que nous trouvons Philippe, entouré de sculptures, œuvres de sa maman, et de souvenirs

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d’enfance ­p récieusement conservés : Courriers de l’Ecole, linos anciens, son “cahier du capitaine” rempli d’extraordinaires caricatures de ses contemporains, … Dès l’école, il sut qu’il allait faire la médecine, choix idéal pour qui adore la biologie mais n’a qu’un amour modéré pour la chimie. Une fois son diplôme en poche, Philippe répond à l’appel de la jeune Algérie où il travaille pendant deux années, interrompues par des études de médecine tropicale, vite expédiées à Anvers. Il part alors pour Lwiro au Kivu prendre la responsabilité d’un petit hôpital pédiatri­ que. C’est donc sur le tas

qu’il a débuté cette spécialisation, concrétisée par la suite à Bruxelles. Mais le virus du voyage l’empêche de rester bien longtemps ici. L’Organisation Mondiale de la Santé l’envoie, comme médecin expert, en Inde, au Népal et en Tunisie et ce n’est que 5 ans plus tard qu’il se décide à rentrer au pays pour pratiquer la pédiatrie dans divers hôpitaux du pays et la médecine scolaire, notamment à l’Institut Decroly. Parallèlement à cette vie au service des autres, Philippe, qui avait toujours dessiné, a mené une remarquable carrière de graveur qui débuta chez Claude Lyr et Igor

Swingedau à l’Académie des Beaux Arts durant le temps laissé libre par les stages de médecine et qui a produit au fil du temps une œuvre consi­ dérable dont un joli recueil de gravures révélant aux enfants le grand mystère des dents de lait. C’est sans doute pour unir toutes ces passions qu’il s’est trouvé récemment à Qalqiliah en Palestine, à produire avec des enfants qui tentent d’oublier leur quotidien, un livre de contes écrit en arabe et en français que les petits ont illustré avec la méthode bien decrolyenne de la gravure sur lino. Une sorte de retour aux sources pour cet homme qui n’a jamais oublié ce qu’il doit à l’école.


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Docteur, quand dormez-vous ?

marie kroll née en 1968 gynécologue watermael-boitsfort, mars 2006

Enfant, Marie savait qu’elle serait médecin. Fascinée dès l’âge de 10 ans par le cerveau humain, il faudra l’université et un stage en neurologie pour qu’elle découvre que, si cette discipline permet de poser des diagnostics passionnants, elle n’autorise actuellement que peu de traitements. Réa­ lité frustrante qui la pousse à s’orienter vers la gynécologie, qui offre en sus l’avantage d’une patientèle souvent en bonne santé et que l’on peut toujours aider. Depuis plus de 10 ans, Marie travaille en hôpital et en privé, donne des cours d’obstétrique aux ambulanciers, aux pompiers, aux volontaires de la Croix Rouge, réorganise les cours d’éducation sexuelle

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dans plusieurs écoles, donne des conférences, des formations dans les centres PMS. Elle a dans ses cartons un projet un peu fou de 42 courtes émissions de télévision sur tous les aspects de la sexualité, associées à un site Internet qui soit un réel outil pédagogique. Marie s’occupe aussi d’enfants abusés. Ce qui lui vaut, avec 2 confrères des autres universités francophones du pays, de briguer une bourse du fonds Houtman destinée à financer une recherche sur la standardisation et l’har­ monisation bien nécessaire des interventions des différents acteurs (médicaux et juridiques) dans ces affaires douloureuses.

Hyperactive professionnelle, Marie l’est tout autant dans ses loisirs et, là comme ailleurs, elle se donne à fond. Partageant avec son papa la passion de la photo, elle mène dans ce domaine une activité quasi professionnelle, guettant dans les cuves la naissance magique de l’image, exposant ses clichés, ramassant des prix et rencontrant au passage le photographe de sa vie ! Enfin, quand les pellicules sèchent, que personne ne tente d’accoucher, que les deux enfants sont au lit, Marie prend un crayon pour croquer quelque scène ou régale les amis de petits plats concoctés avec expertise et se détend enfin dans un moment de franche convivialité.


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cent ans_sans temps Un livre tête-bêche est publié par l’école Decroly l’Ermitage dans le cadre du centenaire de l’école. Un tiré à part des portraits est édité par Contraste édition à l’occasion de l’exposition photographique (Archives d’Architecture Moderne La Loge // avril - mai 2007) Conception graphique et gestion de projet Michel Bries

Remerciements Jamais cet ouvrage n’aurait existé sans Michel Bries qui en est l’initiateur. Nous le remercions chaleureusement pour la confiance qu’il nous a accordée ainsi que pour la solidité de ses nerfs ! Thierry Julliand, précieux conseiller technique, n’a jamais bronché devant une avalanche de documents à mettre en page. Pourrons-nous jamais lui rendre la pareille ? Merci à Catherine, Olivier, Bernard qui, avec obstination, s’en furent à la recherche de fonds. Que soient remerciés également tous ceux qui, de près ou de loin, nous ont soutenus dans cette aventure.

Pour la vie Pierre Starquit, sans un soupir, a passé de très longues heures à retoucher les épreuves, nous lui en sommes plus que reconnaissants. Qu’aurait-on fait sans la relecture minutieuse de Marcelle et Martine, le regard critique de Marie ? Notre reconnaissance chaleureuse va à tous ces “anciens” qui ont accepté de nous livrer un peu d’eux-mêmes, qui nous ont reçus avec amitié et nous ont permis de finaliser ce projet. Et comment remercier assez nos épouses d’avoir supporté nos doutes, nos angoisses, nos absences mais aussi nos déficiences très momentanées quant aux tâches ménagères ?

Par la vie Merci à Alain Bosquet pour ses conseils et sa relecture bienveillante et attentive. L’élaboration de l’abécédaire a été une grande aventure dans l’école. Merci à tous ceux qui ont apporté idées, compétences photographiques et/ou rédactionnelles, merci surtout à celles et ceux qui ont, hebdomadairement mis en forme un travail minutieux, récompensé aujourd’hui par le bonheur de tenir cet ouvrage en main.

Comité éditorial Françoise Guillaume Hélène Gutt Marc Charlier Francine Dubreucq-Choprix Marcelle Clarinval Nicole Rombouts Pierre Decroly Olivier Belenger Bernard Richelle Nicolas Van Brande Jacques Ledent

Pour la vie Photographies Nicolas Van Brande Textes Jacques Ledent Illustrations Loïc Gaume

Par la vie Rédaction Les professeurs de l’école, sous la conduite d’Hélène Gutt Photographies Reportages // Michel Bries Archives // Centre d’Etudes Decrolyennes Merci également aux professeurs photographes Infographie & photogravure Pili.be Impression Druco Contact presse Métaphore // Press & Public Relations Avril 2007 - 1re édition © La reproduction des textes et images est strictement réservée.

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léon loewe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 sébastien verkindere. . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 vincent vandeuren . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 marion hennebert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 robin vokaer. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 natacha et nicolas callens. . . . . . . . . . . . . . 18 claire bareau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 sarah burette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 jacques robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 stephan theunissen . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 aude glatter-vanderhaeghe dite lyr. . . . . . . 28 didier van geluwe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 sarah moon howe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 antoine d’hoop. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 céline noirhomme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 yves ringer. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 marianne decroly . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 jean-louis tison. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 marie philippson-pensis . . . . . . . . . . . . . . . 44 séverine et bérengère de laveleye. . . . . . . . 46 pierre cordier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 simon-marin ghys. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 alain, thierry, yves bosquet. . . . . . . . . . . . . 52 fatou aidara . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 michèle rouge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 nicolas hamaïde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 pierre alechinsky. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 elsa de lacerda setas . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 ève-marie vaes & thomas van hamme . . . . 64 pierre lallemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 ode guissard. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68 bernard cogniaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 françoise begaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 olivier van marcke. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 jean-michel snoeck. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 catherine schotsmans-gutt. . . . . . . . . . . . . 78 marie lémans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 maurice pasternak. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 nathalie watelet. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 francis michel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 jean waterlot. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 sandrine willems. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 jacky brichant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 noëlle koning . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 françoise bries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 jean-yves dutrieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 philippe pourbaix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 marie kroll. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102


ISBN 978-2-9600675-0-7

1907 – 2007 L’école Decroly de Bruxelles fête ses cents ans ! Cent ans_sans temps, est un hommage à la méthode Decroly, du nom de l’illustre pédagogue belge, dont les principes, ont inspiré Freinet, ­Montessori, ou encore Hamaide… Ce recueil photographique, s’inspire de la devise de l’école Decroly Pour la vie, par la vie. Le photographe belge, Nicolas Van Brande a relevé le défi d’immortaliser une cinquantaine d’anciens élèves. Des portraits sans concession, tendres, drôles, émouvants, d’hommes ou de femmes dans leur cadre de vie (jeunes ou moins jeunes, illustres ou méconnus) unis, à travers un siècle d’histoire, par les valeurs humanistes de cette pédagogie active. Les textes de Jacques Ledent évoquent, en quelques mots bien choisis, ces rencontres avec des personnalités souvent étonnantes dont le regard a gardé les lueurs d’une enfance enchantée.

www.photo-contraste.com 45, 47 rue du Général Capiaumont 1040 Bruxelles Tel. 02 640 94 40

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