Mémoire - Le monstre dans la littérature jeunesse

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LE MONSTRE

DANS LA LITTÉRATURE JEUNESSE





THOMAS LE GUERN ESA PYRÉNÉES – SITE DE PAU

LE MONSTRE

DANS LA LITTÉRATURE JEUNESSE



Le monstre dans la littérature jeunesse

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AVANT-PROPOS

J’ai choisi de m’intéresser à la littérature jeunesse car elle joue, à mon sens, un rôle fondamental chez l’enfant. En ciblant le lectorat le plus jeune, elle propose des ouvrages dont la pédagogie est souvent sous-jacente. Il ne s’agit alors pas forcément de pédagogie éducative, de didactique ou de de transmission directe de savoirs, mais plutôt du sens premier de ce terme, c’est à dire l’art d’élever, de rendre plus intelligent. Ainsi les histoires pour enfants ne nécessitent pas obligatoirement de conseils précis, de morale ou de directives pour apporter du savoir et de la curiosité.

enfant s’il peut être aussi captivant pour l’adulte qui le lit, si il offre des clés de compréhension du monde intéressantes, voire différents niveaux de lecture. En cela, je rejoins Bill Watterson, qui déclarait, par l’intermédiaire de son alter ego, père du turbulent Calvin, dans la série de bande dessinée éponyme :

J’ai moi-même été fortement marqué par des albums et des bandes dessinées lues dans ma jeunesse, souvenirs confus et éparpillés de lectures autodidactes ou accompagnées par mes parents. Souvenirs d’autant plus présents que je prends toujours aujourd’hui plaisir à retrouver ces trésors enfouis dans l’enfance. Par nostalgie ? Oui bien sûr, mais pas toujours. J’estime d’autant plus un livre pour

Cela faisait donc longtemps que je souhaitais réaliser un livre s’adressant aux enfants, un livre qui m’aurait plu étant jeune. Je considère ce principe comme fondamental et même si la société a évolué depuis mes années d’enfance, j’ai souhaité réaliser un livre qui m’aurait intrigué, enthousiasmé et captivé à l’époque...

« De même que les architectes devraient être forcés de vivre dans les bâtiments qu’ils dessinent, les auteurs de livres pour enfants devraient être forcés de lire leurs histoires tout haut chaque soir de leur foutue vie. »



... Or, ce qui retenait au plus haut point mon attention étaient les monstres en tout genre, créatures à la fois effrayantes et capables d’aiguiser ma curiosité...


SOMMAIRE

PARTIE I - Historique du livre jeunesse et de la pédagogie sous-jacente Sous-partie 1 - Des prémices aux XXe siècle Sous-partie 2 - Des années 1960 à 2000 Sous-partie 3 - Actuellement

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PARTIE II - Le monstre dans la littérature jeunesse Sous-partie 1 - Définition et étymologie Sous-partie 2 - Le monstre à combattre Sous-partie 3 - Le monstre comme défouloir Sous-partie 4 - Le monstre comme double Sous-partie 5 - Le monstre à éduquer Sous-partie 6 - Encyclopédies de monstres Sous-partie 7 - Le monstre pédagogique

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PARTIE III] Projet de diplôme Sous-partie 1 - Travaux antérieurs Sous-partie 2 - Recherches Sous-partie 3 - Projet final

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Avant tout il nous faut définir ce qu’est la littérature d’enfance et de jeunesse car ce terme englobe un grand nombre de réalités différentes. En effet, on y trouve des albums illustrés pour enfants, des contes, des ouvrages documentaires, des « livres‑jeux » pour les plus jeunes qui sont invités à toucher des matières, à écouter des sons ou à les emporter dans leur bain. Voire même des livres sous la forme de jouets. Les formats sont extrêmement variés, les papiers, les couleurs et les thématiques sont très diversifiés. Des romans, réalistes ou fantastiques pour les adolescents complètent l’offre en proposant aux lecteurs confirmés des livres adaptés à leur niveau de compréhension. Nous nous intéresserons donc à la littérature d’enfance qui concerne les lecteurs débutants. Afin de répondre à l’impératif commercial actuel, nous pourrons dire que ce travail aura pour cible un lectorat âgé de 5 à 9 ans. La littérature jeunesse est un genre très vaste et j’ai choisi d’axer mon propos sur un thème récurrent, mais comportant néanmoins une infinité de variations : le monstre. Cette figure incontournable dont les racines plongent jusqu’aux

plus anciennes mythologies, mais dont la symbolique s’est depuis fortement diversifiée. Bien que, beaucoup plus récente que la littérature classique, celle destinée à la jeunesse possède une histoire complexe qu’il nous faudra étudier. Nous nous intéresserons principalement à sa fonction pédagogique, au sens large. Le monstre en lui-même est un puissant outil de pédagogie, tantôt symbole de nos peurs et vecteur de morale, tantôt possibilité d’ouverture vers la différence. Comment, dans les livres pour la jeunesse, le monstre a‑t‑il évolué, à partir de la bête effrayante dévorant les individus sortant du droit chemin, jusqu’aux monstres qu’il est possible de rendre bons dans des ouvrages contemporains ?


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I HISTORIQUE DU LIVRE JEUNESSE

et de la pédagogie sous‑jacente


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Des prémices au XXe siècle

Pour en arriver au marché du livre jeunesse tel que nous le connaissons aujourd’hui il a fallu que l’enfant acquière un statut de « personne » et qu’il soit reconnu comme tel. Ainsi, les spécialistes du Moyen Âge nous expliquent que l’enfant était considéré comme un adulte en miniature et qu’on ne considérait pas qu’il puisse avoir des attentes et des besoins spécifiques. La mortalité infantile était élevée, ne permettant pas un attachement très fort des parents. De plus, les jeunes garçons devaient très rapidement travailler, tandis que les filles fondaient vite une famille. Le temps d’enfance était alors très court et le peu de scolarisation ne permettait pas l’alphabétisation suffisante pour lire des histoires aux plus jeunes. Seuls ceux issus de l’aristocratie pouvaient prévaloir d’un statut plus privilégié et accéder à des livres. Malgré tout, ils n’avaient accès alors qu’en grande partie à des ouvrages destinés aux adultes. Les

lectures disponibles pour les enfants se composaient donc en général de romans de chevalerie, de bréviaires, d’abécédaires ou d’almanach. A cette époque prévalait plutôt l’oralité du récit. En effet, c’était grâce aux contes populaires racontés génération après génération que les enfants pouvaient se familiariser avec l’imaginaire. Le premier livre destiné exclusivement aux enfant est l’Orbis Sensualium Pictus (littéralement Le monde des choses sensibles en images), œuvre d’un pédagogue tchèque, Jean Amos Comemius, publiée en 1658. Son but était alors uniquement pédagogique, et il proposait un ouvrage intermédiaire entre alphabet, traité de morale et encyclopédie d’histoire naturelle. A la fin du XVIIe siècle, on assiste à un véritable engouement pour les contes. En 1697, Charles Perrault publie Histoires ou Contes du temps passé avec des moralités, plus connu sous son autre titre : les Contes


de ma mère l’Oye. Cet ouvrage connaît un succès retentissant pour l’époque en couchant sur le papier les contes populaires de la tradition orale. Au XVIIIe siècle, Antoine Graland traduit Les mille et une nuits de 1704 à 1717, introduisant ainsi la mode des contes orientaux au public français. En 1757, Mme Le Prince de Beaumont publie un conte qui fera date et deviendra mondialement connu, La belle et la bête. Nous avons ici une représentation du monstre bien particulière, celle de l’homme transformé en bête par un sortilège. Le cabinet des fées de Charles‑Joseph de Mayer, lui, paraît en 1785. Mais à la fin de ce siècle, les pédagogues commencent à dénigrer les contes. A partir de 1744, John Newberry publie des centaines de titres à destination des enfants en Angletterre. Pendant le XIXe siècle, la scolarisation devient systématique. Ainsi en 1833 l’enseignement primaire est instauré. À la suite de ces mesures, de nombreux livres scolaires à destination des écoliers sont édités et les tirages se révèlent être parfois très importants : l’Alphabet des écoles (500.000 exemplaires), le Livret élémentaire de lecture (100.000 exemplaires), etc. Ici la pédagogie est directe, il s’agit de proposer aux enfants un ouvrage didactique servant de support aux leçons des instituteurs.

À cette époque se développent également les romans scolaires, sorte de « morceaux choisis » des grands classiques. Ces sélections d’extraits rendent les récits compliqués plus facilement accessibles aux enfants et leur permettent de découvrir des histoires complexes. Au delà de ces tentatives, deux grandes figures émergent et deviennent des incontournables de la littérature jeunesse : la Comtesse de Ségur et Jules Vernes. Deux éditeurs sont très influents, Hachette et Hetzel et se livrent une véritable guerre. Les romans d’aventure, et particulièrement les robinsonades, histoires dérivées de celle de Robin Crusoé sont très populaires. La presse enfantine se développe, notamment le Journal des enfants (1832 – 1897) et la Semaine des enfants (1857 – 1876). Ces publications font partie d’un courant de presse bien-pensant et moralisateur. Dans un genre plus populaire, d’autres revues à destination des enfants sont publiées : L’épatant (1908 – 1939), Fillette (1909 – 1956), etc. Les Pieds Nickelés de Louis Forton, dont le premier tome est publié en 1908, s’inscrivent dans cette veine populaire et potache, loin de toute vertu pédagogique. A la suite des romans de chevalerie ceux d’Alexandre Dumas, de Maurice Leblanc, d’Agatha Christie ou de Marcel Pagnol sont « récupérés » par les enfants. Entre les deux guerres, on assiste à une véritable profusion d’albums de littérature


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jeunesse et la première bibliothèque pour enfants ouvre à Paris, offerte par les États Unis dans le cadre de la reconstruction de la France. Parmi les livres pour enfants les plus influents de l’époque, on trouve : - L’histoire de Babar, le petit éléphant de Jean de Brunhoff (1931), devient le premier ouvrage français comportant un héros animalier. - Les premiers albums du Père Castor par Paul Faucher (1931) - Le journal de Mickey (1934) - Le petit Prince (1943) La bande dessinée, dont les origines remontent aux histoires en images du Suisse Töpffer (vers 1820) se développe : de Bécassine par Pinchon et Caumery en 1900, on arrive à des titres tels que Zig et Puce d’Alain de St-Ogan en 1925 et surtout Tintin de Hergé en 1929. Après la Seconde Guerre Mondiale, la scolarisation devient obligatoire jusqu’à 14 ans, l’alphabétisation progresse et les écoles sont pleines grâce au baby-boom. On peut noter que juste après la guerre, les livres pour enfants sont investis d’une mission de paix et de tolérance, suite au traumatisme. Colette Vivier propose, elle, des romans de la vie quotidienne, à l’opposé de la veine populaire des romans de chevalerie, fantastiques ou de cape et d’épée. Elle ouvre ainsi la voie à de nombreux auteurs qui utiliseront le quotidien et des personnages communs pour écrire des

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centaines d’histoires qualifiées, peut être à tort, de « réalisme ». Son premier roman la maison des petits bonheurs est publié en 1939 et propose une conception moderne de l’enfant lecteur, à la manière des albums du Père Castor. Dans les années 50, suite à l’augmentation rapide du niveau de vie et à la modernisation des techniques de production, la diffusion de masse s’impose comme modèle économique. Il faut réduire les prix et augmenter les tirages. On publie alors des séries de romans, dont la plus connue, Le club des 5 qui, malgré des traductions françaises tronquées, connaît une longévité importante. Dans une veine similaire, les éditeurs proposent des séries d’albums pour enfants : Caroline (1953, Pierre Probst) et surtout Martine (1954 chez Casterman, par Gilbert Delahaye et Marcel Marlier). Les histoires de cette dernière proposent une représentation fortement idéalisée du monde mais recevront un succès populaire important.


Orbic Pictus, Jean Amos Comemius, 1658

Contes de ma mère l’Oye, Charles Perrault, 1697


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Mille et une nuits, Antoine Graland, 1704

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La Belle et la Bête, Mme Le Prince de Beaumont, 1754


Jean de Brunhoff, Babar, 1931

Histoires du père Castor, Rimbambelles, Nathalie Parain, 1932


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Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry, 1943

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Une fête chez Caroline, Pierre Probst 1953


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Des années 60 à 2000

Les larmes de crocodile de l’artiste André François est publié en 1956 et avec son humour et sa fantaisie, annonce la révolution graphique des années 60. Désormais, à l’inverse des idées du Père Castor, seule compte la qualité esthétique de l’illustration, sans volonté d’éducation ou d’explication du monde. De la même manière que Roger Delpire qui déclare « J’ai toujours fait des livres sans du tout me préoccuper du public, parce que je n’avais aucune idée de la manière dont il pouvait réagir », l’idée est de ne pas cibler particulièrement les enfants. Deux livres en provenance des États Unis marqueront fortement cette époque : Max et les Maximonstres, de Maurice Sendak, publié en 1963, et en 1967 en France, ainsi que Le géant de Zeralda de Tomi Ungerer, paru en 1967, puis en 1971 en France. Dans la suite de ces ouvrages innovants, l’éditeur Ruy-Vidal propose des albums illustrés par des artistes d’avant-garde et traite de sujets complexes, qu’il n’aurait

pas été envisageable de proposer aux enfants quelques années auparavant : la mort, le deuil, l’agressivité, etc. Le graphisme de ces albums, et de beaucoup d’autres est en totale rupture avec celui des années précédentes, offrant aux plus jeunes des illustrations aux couleurs chatoyantes, des mises en pages originales et des cadrages empruntés au cinéma. De plus le format est libéré de toute contrainte et l’on peut voir des albums de toutes les formes dans les rayons des librairies. Certains sont même percés de trous, comme La chenille qui faisait des trous, d’Éric Carle publié en 1972. La place de l’image devient prépondérante et le jeune lecteur est jugé capable de comprendre des signes complexes ou volontairement amigus. Les albums s’intéressent également au lectorat adolescent. En effet, c’est dans les années


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60-70 que les adolescents deviennent socialement visibles et revendiquent un mode de vie et des besoins particuliers. Les éditeurs, suivant le mouvement à la manière des autres entreprises, leur proposent donc un choix de lectures adapté à leurs préoccupations. Judy Blume traite ainsi des premières fois (premier soutien-gorge, premières règles ou premier flirt) intéressant des jeunes réticents à la lecture. Le livre documentaire se développe fortement dans les années 1980. Pierre Marchand, fondateur de Gallimard Jeunesse, est un des principaux acteur de tournant. Grâce à la généralisation de la P.A.O et la multiplication des coproductions internationales, le prix de ce type de livre baisse considéralement et ils peuvent désormais toucher un large public.

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Les larmes du crocodile, AndrÊ François, 1953.

Max et les maximonstres, Maurice Sendak, 1963.


Le monstre dans la littérature jeunesse

Le géant de Zéralda, Tomi Ungerer, 1967.

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La chenille qui faisait des trous, Éric Carle, 1972.


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Actuellement

Aujourd’hui, le taux de croissance de l’édition pour la jeunesse est supérieur à celui de l’édition en général. Les principaux éditeurs, Hachette, Éditis, Bayard et Gallimard se partagent près de la moitié du marché, mais n’empêchent pas d’autres maisons d’édition de vivre, tel que l’École des loisirs, Actes Sud Jeunesse ou à d’anciennes maisons de créer une branche jeunesse (Albin Michel, Didier, Le Seuil, Belin,...). Enfin, aux cours des vingt dernières années, sont nés des « micro-éditeurs », tels que l’Atelier du poisson soluble, Esperluète, Passage Piétons, MeMo, etc. La publication annuelle de livres pour la jeunesse est donc en continuelle augmentation, dépassant les 10 000 titres depuis quelques années déjà, alors que dans les années 60 on en comptait 1500. Malgré tout, il existe une disparité énorme entre les différents ouvrages, certains best seller profitant de tirages énormes, tandis que de nombreux livres créatifs

ne reçoivent qu’un succès limité, noyés dans la masse. On voit ainsi paraître de nombreux livres d’artistes, aux antipodes de la création commerciale actuelle. On pourra citer en exemple Forêt Wood d’Olivier Douzou ou Dans la nuit noire de Bruno Munari. De nouveaux secteurs sont également en voie de développement : le marché du livre pour bébé n’en finit pas de croître. Ces albums et livres d’éveil représente aujourd’hui un tiers de l’édition jeunesse. En général, des histoires sont déclinées sur différents supports, autour d’un unique personnage charismatique. Par exemple, Dora l’exploratrice (arrivée en France en 2004), un personnage mondialement connu par les 2-5 ans vit de nombreuses aventures grâce à une centaine d’album publiés, des dessins animés et un très grand nombre de produits dérivés : coloriages, logiciels, jeux, cartes d’anniversaire, site internet, etc.


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Depuis les années 90, les mangas sont de plus en plus populaires parmi les enfants (Dragon Ball, le fer de lance des bandes dessinées nippones, sort en France en 1993). Malgré de nombreuses critiques et débats sur leur intérêt, voire leur dangerosité ils représentent aujourd’hui 40% de la production de BD en France.

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Féroce, Jean-François Chabas, David Sala, 2012.

Le Roi des oiseaux, Gwendal Le Bec, 2012.


Le monstre dans la littĂŠrature jeunesse

ForĂŞt-wood, Olivier Douzou, 2013.

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Dans la nuit noire, Bruno Munari, 1999.


II LE MONSTRE dans la littĂŠrature jeunesse


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Définition et étymologie

Si l’on se réfère à l’étymologie du terme monstre, on se rend compte qu’il possède deux origines. D’une part le verbe latin monstranum qui signifie montrer, ce qui impliquerait que monstre désignait à l’origine un phénomène montré dans les cirques ou les foires. D’autre part le mot pour avoir comme origine la racine latine monstrum, signifiant présage, sans connotation péjorative. Le monstre et la peur qu’il engendre sont décrits depuis les prémices de l’humanité, preuve que ce sujet est universel et intemporel.

cela nous éloignerait de notre propos. On peut dire que le monstre – hydre, gorgone, cerbère, cyclope, harpies, sirènes, minotaure, sphinx, etc. – agit comme un élément perturbateur, troublant l’ordre établi.

Le monstre mythologique, tout d’abord, est généralement opposé à un héros qui doit le combattre pour que l’équilibre du monde soit rétabli, que la paix s’impose ou qu’il franchisse une étape de sa propre expérience. Nous nous garderons d’entrer dans des analyses psychologiques poussées, qui peuvent être trouvées dans de nombreux textes d’universitaires, car

Le monstre des contes, que ce soit le loup, la sorcière ou l’ogre est présent dans la tradition orale et investit les livres lorsque Perrault et les frères Grimm écrivent leurs ouvrages. Le monstre a alors un aspect pédagogique dans le sens où il est celui qui punira les enfant sortant du droit chemin. On retrouve également des créatures fantastiques dans les contes

Au cours du Moyen Âge, tout ce qui est monstrueux, difforme, hors‑norme en somme, est associé au Diable. On considère diaboliques les êtres malformés et on associe souvent difformité physique à perversité de l’esprit.


des autres cultures, africaine ou orientale. Les légendes et les romans de chevalerie popularisent d’autres monstres tels que la bête du Gévaudan, les dragons ou les farfadets. Certains monstres ont été inventés plus récemment. Ainsi le vampire, bien qu’ayant pour origine les contes de différents folklores, est popularisé au XVIIIe en Europe. Mais c’est surtout Dracula, paru en 1897 qui marque les esprits durablement. Le zombie (ou zombi) est lui popularisé par La nuit des morts‑vivants en 1968, même s’il s’agit de la réinterprétation de créatures fantastiques présentes dans la culture vaudou et européenne. Au delà de ces deux exemples, d’innombrables bêtes ont été inventées par les auteurs de fantastique médiéval ou de science fiction et forment désormais une culture populaire du monstre. Notre propos n’est pas de les lister ici, mais il est important de noter que les auteurs de livres pour enfants puisent abondamment dans cet imaginaire commun, interprétant à nouveau certains clichés et présentant leur propre vision du monstre. Cette liberté offerte aux auteurs permet donc à la littérature jeunesse de proposer

une pléthore de monstres différents, des plus effrayants aux plus sentimentaux.


Le monstre dans la littĂŠrature jeunesse

Enluminure reprĂŠsentant des dragons

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La nuit des morts‑vivants,

1968


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Le monstre à combattre

Lorsque les peurs des enfants sont indistinctes, leur imagination produit la nuit des formes effrayantes et mouvantes : Les monstres dans le placard ou sous le lit sont ainsi un grand classique de ces peurs enfantines indéterminées. Dans l’obscurité, les contours des objets familiers s’estompent et peuvent se transformer en formes qu’il sera facile d’interpréter comme dangereuses. C’est en général grâce à l’arrivée rapide d’un adulte appelé au secours qu’elles s’évanouiront et redeviendront le décor familier et rassurant de la chambre à coucher. Pour aider les parents à lutter contre ces peurs nocturnes universelles, et probablement en souvenir de leurs propres angoisses, de nombreux auteurs créent des histoires afin de montrer aux enfants que ces monstres si hideux possèdent aussi des faiblesses et qu’il faut les combattre et remporter le combat.

combattre ces ennemis qui l’effrayent. Les points faibles des monstres sont détaillés, montrant aux jeunes lecteurs qu’ils ne sont pas invincibles et qu’avec un peu d’imagination il est facile de les vaincre... et donc de ne pas se laisser dominer par la peur. Ainsi, les gros monstres se révèlent lents et facilement bloqués par des bâtiments, les dragons aisément aveuglés par une lumière réfléchie sur un miroir, et que les plus hideux ont eux-mêmes peur de leur propre image. Devant le succès populaire de l’ouvrage d’autres albums sont publiés et permettent cette fois de lutter contre les dinosaures, les loups, les sorcières, etc.

Dans Comment ratatiner les monstres, l’auteur propose des techniques pour

Dans Lilou chasse les monstres, une jeune lapine combat les monstres qui peuplent

De nombreux livres racontent l’histoire d’une véritable traque aux monstres. Malgré tout, bien souvent ils se révèlent plus ou moins inoffensifs à la fin de la recherche.


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son esprit durant la nuit, et ce avec l’aide d’un médecin qui lui conseille de lire un livre. Cette mise en abyme montre l’intérêt que renferment ces ouvrages, permettre aux enfants de lutter contre leurs peurs en leur présentant leurs ennemis imaginaires et en pointant du doigt leurs vulnérabilités.

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Comment ratatiner les monstres ? Catherine Leblanc, Roland Garrigue, 2008.

Comment ratatiner les loups ? Catherine Leblanc, Roland Garrigue, 2008.


Le monstre dans la littĂŠrature jeunesse

Comment ratatiner les mĂŠchants ? Catherine Leblanc, Roland Garrigue, 2010.

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Lilou et la chasse aux monstres, Philip Waetcher, 2006.


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Le monstre comme défouloir

Mais le monstre n’est pas que cet être horrible qui terrorise les enfants. Dans de nombreuses histoires, la créature représente l’enfant, comme son double. Le monstre peut alors servir de défouloir. Max et les maxi-monstres est l’exemple le plus probant de ce type d’histoire. Écrit par Maurice Sendak et publié en 1963 aux États Unis et en 1697 en France. L’histoire débute lorsque Max, le jeune protagoniste est puni par sa mère qui le traite de « monstre ». On extrapole alors rapidement que le petit héros au costume de loup a multiplié les bêtises. Seul dans sa chambre et sans nourriture, notre héros se sent abandonné. Il pourrait retourner voir sa mère, demander pardon et devenir un enfant exemplaire, mais il décide plutôt d’abandonner à son tour. Alors, décidant qu’il n’a besoin que de lui-même il s’engage dans un voyage intérieur qui va lui permettre d’affronter et de mieux comprendre ses pulsions. Lorsque Max ferme les yeux, le réel s’efface devant l’imaginaire, la chambre

devient progressivement une jungle et seule la lune qui n’a pas changé de place rappelle qu’il s’agit d’un voyage intérieur. Aussitôt sacré roi des monstres, Max s’empresse d’organiser une « fête monstre ». Mais alors qu’elle bat son plein, Max assène la phrase qu’il connaît trop bien « Ça suffit ! Au lit, tout de suite et sans manger ! ». De cette façon il apprivoise les choses sauvages qui le gouvernaient auparavant, donnant tout son sens au titre original « Where the wild things are ». Alors apaisé, en paix avec lui-même, Max peut faire le chemin inverse et retrouver sa chambre où l’attend un repas chaud, symbolisant le fait que sa mère ne l’a pas oublié. Ce livre fit d’abord scandale, accusé de montrer un mauvais exemple ou de présenter des illustrations trop effrayantes pour les enfants, avant de recevoir un immense succès populaire et critique, ce qui fit qu’il a encore aujourd’hui une énorme influence sur les productions pour la jeunesse.


Le monstre dans la littérature jeunesse

Lorsque Sendak reçoit la médaille Caldecott en 1694, pour le meilleur livre pour enfant américain de l’année, il déclare : « Max le héros de mon livre décharge sa colère contre sa mère et il retourne au monde réel ensommeillé, affamé et en paix avec lui-même. Bien sûr, nous voulons tous protéger les enfants contre des expériences douloureuses qui dépassent leur capacité de compréhension émotionnelle et sont source d’anxiété. Cela paraît évident. Cependant, ce qui est tout aussi évident, mais souvent négligé, c’est que tous les enfants, dès les premières années de leur vie, ont affaire à des émotions qui les perturbent, que la peur et l’anxiété sont une partie intrinsèque de leur vie quotidienne et qu’ils gèrent en permanence leur frustration le mieux qu’ils peuvent. La fantaisie reste la meilleure arme dont l’enfant dispose pour apprivoiser ses parties sauvages. Ce qui confère à mon travail toute la vérité et toute la passion qu’il peut éventuellement avoir. C’est mon engagement dans ce fait inévitable de l’enfance, la terrible vulnérabilité des enfants et en même temps leur lutte pour devenir les rois de toutes les choses sauvages. » Des livres plus récents tels que Au lit, petit

monstre s’inscrivent dans la continuité du chef‑d’œuvre de Maurice Sendak.

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Max et les maximonstres, Maurice Sendak, 1963

Max et les maximonstres, Maurice Sendak, 1963


Le monstre dans la littĂŠrature jeunesse

Max et les maximonstres, Maurice Sendak, 1963

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Max et les maximonstres, Maurice Sendak, 1963


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Le monstre ridiculisé

Dans la littérature jeunesse, les monstres sont souvent ridiculisés. Ils sont peureux, tristes, maladroits et ne parviennent pas à faire peur comme ils le devraient en théorie. Bref, ils sont détournés de leur fonction première, celle d’être effrayant. Le but est de montrer aux enfants soit qu’ils ne sont pas très différents d’eux, soit qu’ils sont pathétiques et dans les deux cas qu’il n’y a pas de raison d’en avoir peur. Dans Tous les monstres ont peur du noir, les monstres sont tournés en dérision. Ils sont représentés comme peureux, effrayés par une ombre. Le monstre poilu, quand à lui, explose littéralement sous les moqueries des enfants. Dans Monstres malades de Emmanuelle Houdart, l’auteure nous propose un angle différent pour parler des points faibles des monstres : leurs maladies. L’ogresse a la varicelle, le géant fait une dépression nerveuse, le loup‑garou saigne du nez. En pointant leurs faiblesses

et en détaillant leurs symptômes, les monstres perdent de leur étrangeté effrayante. Leonardo, le monstre épouvantable essaye tant bien que mal d’être effrayant, mais sans succès. A la fin de l’histoire, il se rendra compte qu’il n’est pas doué pour faire peur et décidera de changer de technique afin de se faire des amis.


Le monstre dans la littérature jeunesse

Tous les monstres ont peur du noir, Michaël Escoffier, Kris Di Giacomo, 2008.

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Léonardo le monstre épouvantable, Mo Willem, 2007.


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Le monstre comme double

Les monstres peuvent également être traités comme une espèce à part entière, dont les mœurs seraient très proches des humains. Ici, il s’agit donc de remplacer des personnages humains par des personnages monstrueux, sans forcément changer leur comportement. Le bain de bébé monstre vert ou Little monster’s bedtime sont des exemples de ce genre d’histoires, représentant une famille tout à fait normale, à l’exception de leur apparence. Et comme l’inquiétude majeure des enfants lecteurs est de penser qu’un monstre habite dans leur chambre, certains auteurs retournent la situation et exliquent que les monstres ont peur des enfants qui pourraient se cacher sous leur lit. On retrouve cette thématique dans Maman, il y a un enfant sous mon lit, ainsi que dans Papa ! de Philippe Corentin. Dans ce dernier, un petit garçon et un jeune reptile partagent le même lit et se réveillent

alternativement pour appeler leur père au secours et lui expliquer de la même façon « Il y a un monstre sous mon lit ». Entre rêve et réalité et grâce à cette similitude parfaite, le livre devient amusant et permet de rire de ce qui fait normalement peur.


Le monstre dans la littĂŠrature jeunesse

Little monster’s bedtime, Mercer Mayer, 1991.

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Papa !, Philippe Corentin, 2002.


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Le monstre à éduquer

La littérature jeunesse présente régulièrement des monstres créant un véritable chaos au début de l’album. Au fur et à mesure, le personnage principal – en règle général un enfant – se charge de lui enseigner les bonnes manières. Il s’agit donc d’une transposition. L’enfant devant éduquer le monstre, de la même manière que ses parents le font avec lui. En plaçant l’enfant dans le rôle d’éducateur, l’auteur espère ainsi lui faire prendre conscience de ses droits et de ses responsabilités. Par exemple, dans Le géant de Zéralda, l’héroïne apprend au monstre gigantesque les bienfaits d’une alimentation variée afin qu’il arrête de se nourrir de chair humaine. D’autres créatures sont apprivoisables par le biais de techniques diverses. Ainsi, Le monstre qui aimait les histoires devient calme lorsque le héros lui lit un livre. De même, Le gros monstre qui aimait trop lire se demande d’abord à quoi servent ces assemblages de papier étant donné qu’ils

ont très mauvais. C’est tout seul et grâce aux livres qu’il pourra s’éduquer et devenir sociable.


Le monstre dans la littĂŠrature jeunesse

Le gĂŠant de ZĂŠralda, Tomi Ungerer, 1967.

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Le monstre qui aimait les histoires, Sabine De Greef, 2004.


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Encyclopédie de monstres

De nombreux livres proposent aux enfants des bestiaires de monstres. Il s’agit de dresser un inventaire plus ou moins exhaustif des créatures imaginaires en détaillant leures différentes caractéristiques. Les auteurs de ces livres s’inspirent de références de la mythologie, de la littérature fantastique et du cinéma. Ces livres sont dans un mélange intéressant des univers imaginaires humains et de toutes les créatures imaginées depuis l’Antiquité. Les titres de ces ouvrages sont en général évocateurs : Le monstrueux livre des monstres ou Le grand livre des monstres pour ne citer que ces deux exemples. A noter qu’il existe une multitude de livres spécialisés dans un domaine précis : certains traitent exclusivement des Korrigans, des fées ou des dragons etc.


Le monstre dans la littĂŠrature jeunesse

Le monstrueux livre des monstres, L. Hamilton, J. Duddle, A. Bitskoff, 2012.

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Le grand livre des monstres, C. Sultani, N. Vial, 2002.


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Le monstre pédagogique

Certains auteurs se servent du monstre dans des livres pédagogiques. La figure du monstre sert alors à attirer le jeune lecteur vers un livre qui pourrait sembler reboutant sans lui. Ainsi, grâce à une créature fantastique et attachante, les enfants sont invités à découvrir l’alphabet ou les nombres. Nous pouvons citer deux exemples, l’un français Compter avec un monstre, l’autre anglo-saxon Little monster’s book of numbers qui traitent des mathématiques à destination des enfants avec des figures monstrueuses. De la même façon, des auteurs proposent des abécédaires de monstre. M is for monster par exemple ou l’Encyclopédie de la frousse.


Le monstre dans la littĂŠrature jeunesse

Compter avec un monstre, Patrick Pasques, 2012.

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Little Monster’s book of numbers, Frances Thomas, Ross Collins, 2006.


III PROJET de livre pour enfant


Le monstre dans la littérature jeunesse

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Travaux antérieurs

Afin de proposer ma propre vision du monstre, j’ai donc décidé de réaliser un livre pour enfant, d’écrire son scénario, de le mettre en page et de dessiner les illustrations. On retrouve déjà dans mes travaux antérieurs des points communs avec ce projet. Tout d’abord un intérêt certain pour le monstrueux et le fantastique, que l’on retrouve dans nombre de mes illustrations. Mes inspirations à ce niveau sont fortement variées, que ce soit les bandes dessinées franco-belges ou les animés japonais (le bestiaire imaginé par Hayao Miyazaki figure ainsi en bonne place parmi les oeuvres m’ayant le plus marqué graphiquement). Pour parler de mon travail à proprement parlé, j’ai passé beaucoup de temps à dessiner des monstres et toute sorte de personnage fantastiques, la plupart du temps en noir et blanc. Ainsi, ne me suis intéressé à la couleur que tardivement.

Une autre caractéristique de nombre de mes travaux, et qui a un rapport avec le projet que je développe pour le diplôme du DNAP est le côté simple des trucages. En effet, j’ai plusieurs fois utilisé des techniques sans passer par le numérique pour réaliser des affiches ou des mises en page. Pour un projet d’agenda, j’ai découpé de petites silhouettes de personnages dans du papier et les ai photographiées dans divers endroits. De la même façon, afin de réaliser une pochette d’album fictive j’avais utilisé de vrais morceaux de papiers dans une mosaïque de photographies. Enfin, il y a quelques années, j’avais réalisé une maquette de livre pour enfant, Octet et Gigatonne, dont l’histoire mettait en scène une baleine venue des eaux du cercle polaire rencontrant un petit poisson tropical lors de son périple. Il s’agissait d’un travail à but pédagogique, vantant les mérites d’un tourisme responsable.


Illustration de monstres, 29,7 x 42 cm 2010.

Illustration de monstre, 21 x 29,7 cm 2011


Le monstre dans la littĂŠrature jeunesse

Illustration de monstre paysage, 29,7 x 42 cm, 2010.

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Illustration de monstre, 29,7 x 42 cm, 2009.


Illustration de dragon, 29,7 x 42, 2008.

Personnages en papier, 12 x 15 cm, 2010.


Le monstre dans la littérature jeunesse

Pochette d’album de musique, 12 x 12 cm, 2011.

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Affiche pour les journées Marcel Duchamp, 21 x 29,7 cm, 2011.


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Recherches

J’ai commencé par des recherches graphiques. Comment allais‑je représenter mes personnages et mes décors ?

dessins dans les marges de mon mémoire, comme un clin d’oeil à l’endroit d’où ils sont tirés.

La solution s’est rapidement imposée à moi : le « gribouillis ». En effet, j’ai tendance à toujours dessiner de petits personnages, que ce soit dans les marges de mes cahiers d’école ou sur n’importe quelle feuille volante à ma portée. Il est très fréquent qu’il s’agisse justement de monstres. Pourquoi alors ne pas se servir de ce bestiaire personnel pour en faire un livre ?

L’autre question essentielle était l’histoire que je voulais écrire et la façon dont j’allais traiter la narration. Étant parti, d’éléments chaotiques, il m’a paru intéressant de réaliser une compilation et non un ensemble construit. J’ai donc commencé à écrire de très courtes histoires, pédagogiques ou totalement absurde et ait créé un personnage de monstre qui servirait à la fois de fil rouge et de présentateur.

J’ai donc récupéré des dizaines de petits dessins sur des feuilles de toute sorte, cours, feuilles blanches ou au dos d’impressions ratées. Je les ai scanné, agrandis et imprimés, formant ainsi un ensemble d’illustrations faites rapidement de quelques coups de crayons. Il ne me restait plus alors qu’à m’en servir pour développer les personnages de mon livre pour enfant. A noter que j’ai réutilisé ces

Dans un deuxième temps, j’ai réalisé que je pourrai me servir de ces gribouillis pour parler du dessin en tant que tel, et pour faire intéragir les enfants avec le livre.


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Le monstre dans la littĂŠrature jeunesse

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Projet final

Le projet final comporte deux éléments quie je développe en ce moment : - un livre imprimé - une version numérique disponible sur tablette numérique ou smartphone Pour le premier point il s’agira de proposer aux enfants un ouvrage comportant plusieurs histoires variées présentées par un personnage récurrent. On peut distinguer trois grand types d’histoires : les histoires absurdes, les histoires pédagogiques et les histoires participatives. Les premières proposent des thèmes légers, drôles et sans aucune vertue particulièrement exceptée celle de plaire à l’enfant. Les secondes, au contraire, présentent des thèmes sérieux et utilisent le monstre comme vecteur de transmission de savoir. Enfin, les histoires participatives proposent à l’enfant de venir intéragir directement sur l’ouvrage en dessinant sur les pages. Il est ainsi guidé par les conseils du personnage présentateur qui lui explique, par exemple,

une technique pour dessiner les monstres ou d’imaginer des personnages de l’histoire. Au fur et à mesure de l’évolution du projet, il m’est apparu que l’aspect participatif devait prendre plus de place que ce que j’avais imaginé au départ. Les histoires écrites et dessinées entièrement par mes soins devenant alors secondaires et ne servant que de support ou d’exemple à l’intéraction proposée. La version numérique propose une intéractivité à la manière de l’application Drawnimals : les enfants sont invités à dessiner non pas sur la tablette à l’aide d’un stylet, mais sur une feuille posée en dessous. Dans l’application précédemment citée, l’utilisateur devait compléter sur le papier des formes d’animaux en plein écran. L’application que je souhaite développer se base sur les mêmes principes, à la différence qu’il s’agit ici d’histoires de monstres.


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CONCLUSION

Comme nous l’avons vu, le monstre revêt aujourd’hui de nombreuses réalités différentes et des techniques pédagogiques variées. Il peut être utilisé comme avertissement ou vecteur de savoirs, comme il peut être dédramatisé par les auteurs qui voient dans sa représentation le moyen d’aider les enfants à vaincre leurs peurs. En faisant un inventaire de ces albums si différents, j’ai découvert le monde du livre jeunesse que je connaissais finalement très peu avant d’entamer ce projet. Ainsi j’ai pu nourrir ma réflexion et surtout mon inspiration afin de proposer un album pour enfants qui me corresponde parfaitement mais qui soit également accessible au public visé. Je proposerai donc mes histoires de monstres dans un album pour la jeunesse et sur sa déclinaison en numérique. Mais surtout, j’inviterai les enfants à inventer leurs propres monstres pour mettre en

valeur l’imagination et la pratique du dessin. Je compte également proposer cette maquette à des éditeurs afin de connaître leurs réactions et de me situer dans ce vaste domaine qu’est l’édition pour la jeunesse. Le monstre est aujourd’hui plus que jamais universel et vecteur de messages puissants. Il nous reste encore beaucoup à apprendre de lui, que ce soit en se réappropriant les créatures du passé ou en inventant de nouvelles.


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Le monstre dans la littérature jeunesse

Monstrueusement réalisé par l’effrayant Thomas Le Guern dans le but de semer la panique au sein de l’ÉSA des Pyrénées. Imprimé sur un abominable papier Clairefontaine 80g / m² au format 17x17 cm. Les deux terrifiantes polices de caractère utilisées sont Verdana et Helvetica.

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«  Un adulte va lire un livre pour se distraire, un enfant lit un livre pour se construire. »

Joann Sfar


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