Black Beauty Celebrities juin 2020

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SOMMAIRE

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Rokia Traoré

N° 4 JUIN - JUILLET CRÉDIT PHOTO COUVERTURE : Fotolala King Massasy Les prix ne sont donnés qu'à titre indicatif. Étant sujets à fluctuation, ils n'engagent en aucun cas notre responsabilité.

la couleur au cœur de votre beauté

www.bigen.eu

ÉDITIONS BLACK BEAUTY SASU Black Beauty Entertainment RCS Créteil Siège social 2, place Jean-Jaurès, 94410 SAINT-MAURICE Directrice de publication Catherine LASKI Directrice de Communication Catherine LASKI 0640.142.542 laski.blackbeauty@gmail.com blackbeautymag black_beauty_mag www.blackbeauty-mag.com Directeur commercial et de la Publicité Thierry Bernath thierrymichael.bernath@gmail.com Catherine LASKI 0640.142.542 laski.blackbeauty@gmail.com Espace publicitaire Web 0640 142 542 N° CPPAP : En cours Juin 2020 Graphiste Emmanuelle Perigault-Garnier contact@epg-freelance.com Imprimerie Rotimpress (Espagne) Dépôt légal à parution n° ISSN : 2680-6495

ACTU 6 Les news people 8  Rokia Traoré    Une cabale judiciaire    aux odeurs sexistes 32  La mode et la beauté    africaines à la rencontre    d'Israël 34  Un séjour historique 36  Le langage des femmes

MODE 22  Afrik Fashion Show    Un voyage talentueux    de la créativité 29  Metys : d'où l'on

vient et où on part 37  Aflé Bijoux 42  Pour quelle tendance    allez-vous craquer    cet été ?

BEAUTÉ 46  Huiles corporelles et    capillaires pour l'été 48 Éclat

CULTURE 52  Noire précieuse    Asya Djoulaït 55  Lucky Peterson     Le monde du jazz    pleure

56  « Papy Manu »    Les légendes ne    meurent pas 61  Saïna Manotte     Nouvelle voix de la    scène caribéenne    « Poupée Kréyòl » 65 Horoscope       du déconfinement

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ÉDITO

N

otre rédaction est heureuse de vous retrouver après cet arrêt brutal et inédit dans le monde. Nous vous espérons en pleine forme, malgré le départ précipité des plus fragiles d’entre nous. Bien sûr, nous pensons au Baobab musical qu’était et restera Manu Dibango, au joyeux Lucky Peterson, à Osange Silou Kieffer qui a tant fait pour le cinéma, la liste nécrologique serait trop longue ici. En cette période déstabilisante, nous avons choisi de soutenir une femme de combat exceptionnelle, l’artiste Rokia Traoré, cette Mère-Courage qui, d’habitude si discrète, doit à présent pouvoir compter sur la force des médias pour rétablir une injustice flagrante. L’artiste Malienne emprisonnée pendant la pandémie nous livre son combat contre une justice belge qui ne reconnait pas la souveraineté de son pays, le Mali. Un dossier complet qui éclairera le lecteur. Enfin, une période estivale qui s’ouvre sur, on l’espère… VIVA LA VIDA !

Catherine Laski Catherine Laski Directrice de publication

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OUPS DE CŒUR ONDISSEMENTS ET C B E R , E L U E U G E D S P COU DRAMES, CONFLITS,

E L P O E P S W LES NE DE CE PRINTEMPS

VAIMALAMA CHAVES T E N S I ONS FA M IL IA L ES

Argent, gloire et célébrité : grâce à son titre de Miss France, Vaimalama Chaves a été propulsée au rang de star. Mais pas de quoi impressionner sa famille, surtout son père qui rêvait pour elle d’une vie professionnelle plus classique, et surtout plus sécure. Dans les colonnes de Closer, elle a déclaré : « Mon père avait d'autres ambitions pour moi. Il aurait souhaité que je travaille à ses côtés pour avoir un revenu régulier et éviter une situation précaire. Il aurait aussi aimé que je construise ma maison pour être la plus indépendante possible. » Il gardait espoir d’une « carrière concrète » pour « l’aprèsMiss », mais la jeune femme a choisi de tenter sa chance en tant que chanteuse... « Pas un vrai métier » pour celui qui reste fier d’elle, envers et contre tout.

ARIANA GRANDE LE COUP DE GUEULE

Souvent traitée de diva et critiquée pour son caractère ingérable, Ariana Grande a dénoncé le sexisme ordinaire et l’injonction « Sois belle et tais-toi » subie par les femmes : « Dès que j’exprime une opinion ou que je me défends face à une attaque, on déforme mes propos pour me faire passer pour une diva. Être jolie et docile, c’est tout ce qu’on attend de moi alors que les hommes, eux, sont encouragés à s’exprimer. » D’un côté, cela lui donne envie de cesser de donner des interviews pour préserver son image ; mais de l’autre, elle confie en avoir ras le bol d’être ainsi réduite au silence et choisit d’être elle-même, quitte à ce que ses propos soient mal interprétés.

CHRISTIANE TAUBIRA D É RAPAG E S C O N TRÔ L É S ?

RACHIDA DATI

PIÉG ÉE DA NS Dans l’émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie sur Europe 1, l’ancienne garde des UN MA R IAG E Sceaux est revenue sur une période sombre de sa vie, celle de son mariage forcé. FOR CÉ

Elle a expliqué que, bien que sa famille ne lui ait pas imposé cette union, la pression culturelle et l’urgence de se marier à cause de son âge étaient trop fortes pour être ignorées. Dès le lendemain, elle a regretté d’y avoir cédé et souhaitait y mettre fin... pas par le biais d’un divorce, mais avec une annulation pure et simple : « Je voulais effacer cette page, y compris sur mon acte de naissance. » Son époux n’était pas de cet avis : « Pour lui, mon consentement était éclairé, j'étais lucide, je ne vivais pas chez mes parents, j'étais libre, autonome, donc au sens juridique, il n'y avait pas de pression... Mais c'était plus insidieux. » Pour obtenir cette annulation, elle a dû compter sur l’appui de personnalités politiques, dont la grande Simone Veil.

MEGHAN MARKLE

Depuis l’annonce de la prise de distances du VIC TIME D’INJU S TIC E couple de Sussex avec la famille royale britannique, Meghan a été critiquée, parfois violemment insultée, accusée d’avoir poussé le prince Harry vers la sortie. Le mot « Megxit » a été sur toutes les lèvres, de quoi mettre dans une colère noire le frère de William, qui a tenu à mettre les points sur les « i » et déclarer, une fois pour toutes, que l’idée de s’éloigner de sa famille venait de lui car il était malheureux dans ses fonctions depuis des années. Sa femme n’avait fait que le soutenir dans son choix, a-t-il insisté, demandant à ce que l’on cesse d’accuser sa douce de tous les maux.

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Une brève apparition... qui lui a valu un buzz monstre ! Christiane Taubira a fait les gros titres et déchaîné les internautes, non pas pour ses déclarations politiques, mais pour une raison des plus étonnantes... Filmée à son insu Invitée de Laurent Delahousse dans l’émission 20 h 30 le dimanche, en duplex depuis la Guyane, l’ancienne ministre de la Justice a assuré le show... à son insu. Alors que le présentateur passait une vidéo du danseur étoile Hugo Marchand, les téléspectateurs ont eu la surprise de voir à l’écran une Christiane Taubira en train de danser joyeusement sur le titre Let’s Dance, ignorant qu’elle passait encore à la télévision. Quand Laurent Delahousse lui a fait remarquer, après l’extrait musical, que ces images avaient été diffusées, la politicienne, visiblement gênée, a rétorqué : « C’est maintenant que vous me dites ça ! C’est maintenant qu’il me dit que j’étais à l’antenne ! » Taquin, le journaliste lui a lancé « Non, on a juste mis trois ou quatre secondes, mais on a gardé les rushs pour dans quelque temps », avant d’enchaîner sur des sujets plus sérieux.

Au cœur de la polémique Sibeth Ndiaye La vidéo a généré un tollé de réactions sur les réseaux sociaux, de la part d’internautes divisés. Si certains ont loué son naturel, sa simplicité, sa sympathie, sa joie de vivre... d’autres ont crié au « coup de com’ », l’accusant d’avoir su qu’elle passait toujours à la télévision, et dansé pour se donner une image « cool ». Beaucoup ont comparé cet extrait à un autre passage en direct : Sibeth Ndiaye, cigarette à la bouche, apparue sur BFM TV alors qu’elle ignorait être filmée. La séquence avait donné lieu à des commentaires des plus sévères, parfois violents, sur les réseaux sociaux, ainsi que des critiques et autres moqueries. Ces polémiques enflammées obligeront-elles les chaînes à plus de vigilance quant aux images de leurs intervenants qu'elles diffuseront ?

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ACTU

UNE CABALE JUDICIAIRE AUX ODEURS SEXISTES

Crédit photographique : © Fotolala King Massassy

« Une femme peut aller jusqu’à la mort pour protéger ses enfants, mais elle ne prendra pas le risque de ne pouvoir être à leurs côtés, ne pouvoir les nourrir, les protéger, les accompagner, les élever alors que sans aucun appui ni contribution d’aucun des pères elle est seule en charge de la totalité de leurs frais et leur éducation au quotidien. »

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Rokia Traoré

Chevalier des Arts et des Lettres françaises, Ambassadrice du Haut-commissariat des Réfugiés, Présidente de la Fondation Passerelle, Artiste auteure-compositrice-interprète malienne

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LES FAITS

ACTU

« AVEC MA FAMILLE, ON VA TE DÉTRUIRE ! »

L

e 20 mars 2020, en plein début de pandémie, éclataient sur les réseaux sociaux les nombreux soutiens face à l’emprisonnement abusif de la chanteuse malienne Rokia Traoré, diva à la dimension internationale, empêtrée sous le rouleau compresseur d’une justice partiale qui bafoue ses droits. Discrète de nature, Rokia, qui subit l’étau de la machine judiciaire depuis plusieurs mois, est bien décidée à protéger son enfant d’un père qu’elle juge dangereux. Face à certains articles de presse racoleurs relayant des versions tronquées des faits, articles qu’elle juge mensongers, la chanteuse a bien voulu s’exprimer dans Black Beauty Celebrities. Clamant haut et fort qu’elle n’est « ni une terroriste ni une criminelle » pour subir un tel sort, « mais juste une mère qui protège son enfant », nous avons souhaité lui donner la parole pour qu’elle puisse enfin dire la vérité sur une situation qu’elle pense être la preuve du mépris de l’Europe à l’égard des droits d’une Africaine et ses enfants. Une affaire compliquée, et surtout équivoque par la mise en lumière d’un réseau obscur de forces politiques et diplomatiques. La garde d’une enfant métisse au cœur d’un déchirement familial qui s’est déplacé sur la place publique ; au-delà de la situation se pose la question du respect des règles déterminant la compétence juridictionnelle d’un territoire dans un dossier en droit de la famille.

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Rokia Traoré, mère d’Uma Miriam Traoré Goossens, enfant de 5 ans, est arrêtée à son arrivée à Paris le mardi 10 mars 2020 à 6 heures du matin, en dépit d’un ordre de mission signé du gouvernement malien et de son passeport diplomatique.

Elle est incarcérée au quartier des femmes à la prison de Fleury-Mérogis, suite au mandat d’arrêt européen pour non-représentation d’enfant requalifiée en « enlèvement, séquestration et prise en otage » de sa fille.

Elle se préparait à comparaître librement à sa convocation devant la Cour d’appel de Bruxelles le même jour à 15 heures afin de s’opposer à la décision belge qui, en 2019, avait donné la garde exclusive d’Uma à son ex-compagnon, Jan Goossens, vivant à Marseille, soupçonné d’attouchements sur sa fille. La plainte en Belgique a été classée sans suite.

Rokia Traoré refuse de ramener à son père sa petite fille qui vit au Mali depuis ses 4 mois sur la base de ses craintes de soupçons d’attouchements, de perturbation de l’enfant liée au changement brutal de cadre de vie, de nombreux mensonges l’accusant dans le dossier et de l’incompétence juridictionnelle de la Belgique. Elle fait appel de la décision.

À la suite d’une grève de la faim pour dénoncer les dysfonctionnements et abus du système judiciaire, elle est libérée de prison fin mars, assignée à résidence en région parisienne, sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire français.

N’ayant pu se présenter à l’audience du fait de son incarcération, à la demande de son ex-conjoint, elle est déchue de son droit d’appel concernant la remise en question en second lieu de la compétence juridictionnelle de la Belgique.

Quelques semaines après, grâce à son passeport diplomatique, elle s’envole à bord d’un jet privé au départ du Bourget, saisissant l’opportunité de rentrer chez elle au Mali.

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INTERVIEW

ACTU

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« FUGITIVE », « EN CAVALE » ? TELS SONT LES GROS TITRES QU’ON A PU LIRE DANS LA PRESSE, SEMANT LE DOUTE SUR CETTE « MÈRE COURAGE »...

Jointe par téléphone, nous avons perçu une femme tranquillisée d’être rentrée parmi les siens, mais épuisée par plus d’une année d’une procédure éprouvante, et surtout révoltée par un étau judiciaire aux relents racistes et sexistes. Une chose est sûre ! Rokia est prête à se battre contre cette justice pourvoyeuse de non-droits. Comment te sens tu aujourd’hui ?

Rokia Traoré : Oh mon Dieu, mon Dieu ! Quelle histoire ! Je vous avoue que je n'en peux plus ! J’ai juste envie… En fait, ils ne se rendent pas compte, tous ceux qui parlent de voyages et carrière devenus impossibles en Europe ! Moi j’ai envie qu’on me laisse tranquille et juste élever mes enfants. Une renaissance pour toi d’être sur le sol malien ?

R. T. : C’est vraiment ça ! Pour les enfants aussi ! On ne pouvait rien leur dire jusqu’à ce que ça marche, de crainte qu’ils soient déçus, ils étaient... (vive émotion) C’était magnifique ! Des moments de magie que je n’oublierai jamais ! C’était inespéré ! Bon, on a beau me dire tout ce qu’on veut, une justice comme ça... C’est indescriptible, ce qui s’est passé pendant un an !

et mon public de ma version des faits m’ayant menée en prison. Je suis une personne honnête, ce que mon milieu personnel et mon public Les médias sont importants pensent de moi dans une situation pour rétablir la vérité ? d’emprisonnement m’est important. R. T. : On me reproche de médiatiser, Quand ça ne marchait entre nous et mais la partie adverse a présenté que je l’ai quitté, il m’a menacée : vingt-quatre témoignages de gens du « Je te détruirai ! Si tu crois que, milieu. Désinformés, transmettant comme ton premier mari, tu vas te dans le dossier une image négative, débarrasser de moi et continuer ta vie, mensongère de moi en faveur de mon tu te trompes ! Avec ma famille, on va ex-compagnon. Moi, dans le silence, te détruire ! » Et c’est ce qui se passe ! j’ai subi pendant un an ! Avec L’article paru dans Le Monde, je l’ai vu des arrestations, trois depuis 2019, venir ! C’était censé être un portrait de et c’est moi qu’on fait passer pour moi. Mais je suis décrite comme une une criminelle ! À la fois, je ne suis femme exigeante professionnellement pas surprise ! La mobilisation est et qui gère sa carrière avec fermeté. À importante, de toute façon, ça se serait su. Évidemment, ça les arrangeait de me partir de là, une déduction est faite de mettre en prison pour que je n’aie pas le ma personnalité en couple et en tant temps de faire appel et avant même que que mère qui ne supporterait pas les je puisse informer mes collaborateurs hommes dans la vie de ses enfants.

Des proches (anonymes) de mon ex-mari français (c’est la première fois qu’il est cité) auraient dit que c’était un enfer, une bataille pas possible. J’y apprends que j’aurais refusé le droit de visite de ce dernier par rapport à notre fils, mon aîné, situation qui n’a jamais existé. Encore des mensonges ! On remet sur le tapis votre premier divorce !

R. T. : Mon mari et moi avions divorcé par consentement mutuel et le partage de biens s’est fait à l’amiable. Je lui ai laissé tout ce qu’il voulait, maison et autres biens. Les documents notariés font foi. Nous avions convenu que je retournerais vivre au Mali avec l’enfant, mais au moment venu, il me refuse les autorisations nécessaires en tant que père de l’enfant et nie notre accord

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INTERVIEW

ACTU

en me rappelant qu’on n’avait rien écrit et qu’il n’avait rien signé. J’ai dû faire une requête pour quitter le territoire français avec mon fils et retourner vivre au Mali. La procédure fut extrêmement douloureuse et a duré plusieurs années. Le petit a même subi du un an sur deux en garde alternée, entre Bamako et Paris, et c'est à 11 ans qu’il a pu être entendu par le juge et dire avec ses petits mots sur une feuille de cahier (je l’ai encore), car il pleurait, qu’il voulait rester avec sa maman et voir son papa pendant les vacances. Un enfant traumatisé et déstabilisé pendant des années. Je suis passée par tout ça avec l’obligation d’avertir le père de mes déplacements, de mon planning de travail et de toute mon organisation. Quand ça ne lui convenait pas, c’étaient des échanges de soixante mails en deux jours ! Où je suis insultée, dénigrée, traitée de mère inconsciente, que je ne pense qu’à ma carrière, etc. rendant conflictuels nos rapports. Ne payant que les billets d’avion, se déclarant au chômage, il n’a jamais payé de pension alimentaire. Ce n’est qu’en octobre passé que mon avocate m’a conseillé de demander une pension

« COMPRENEZ LA JUGE, MADAME TRAORÉ, VOUS VOULEZ EMMENER VOTRE ENFANT AU MALI, CE N’EST PAS UNE VIE JOYEUSE POUR UN ENFANT, COMPARÉ À LA FRANCE ! »

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alimentaire, sachant qu’il était à présent en poste en Côte d’Ivoire. Je me souviens même d’une première avocate qui m’a dit : « Comprenez la juge, Madame Traoré, vous voulez emmener votre enfant au Mali, ce n’est pas une vie joyeuse pour un enfant, comparé à la France ! » Il a fallu que je me batte pour retourner dans mon pays en conservant la garde de mon fils ! On parle d’hommes qui ont vécu à mes crochets, aujourd’hui encore. Le père de ma fille, Jan Goossens, ne participe financièrement en rien à la vie de son enfant. Leur grande frustration est que je les ai quittés ! Mon mari était mon associé, donc une société en commun. Aujourd‘hui encore, il ne me verse aucune royalties sur mes albums produits par cette société ! C’est moi qui suis exploitée et c’est moi qui suis présentée comme l’horrible femme ? Au-delà du conflit privé, c’est un rapport de force entre deux continents ?

R. T. : Ça l’est devenu ! Avec une forte pression sur le Mali, car la loi malienne permet au père d’Uma de faire appel de la décision malienne sans

même être présent. Sachant que la loi belge m’a empêchée de me rendre à mon procès d’appel en m’arrêtant et m’emprisonnant ! On m’a déchue de mon droit d’appel à la demande de la partie adverse ! Une justice belge délictueuse ?

R. T. : Absolument ! Et dès le départ, il y a un problème : Uma vit au Mali, mais le juge n’en n’a jamais tenu compte ! Quand une justice couvre quelqu’un en s’appropriant la compétence juridictionnelle d’une enfant qui ne vit pas en Belgique ! Dès le départ, aucune trace de la petite, ni en crèche, ni en primaire en Belgique, malgré les faux témoignages, alors qu’au Mali, on a tous les certificats de scolarité depuis 2017 en maternelle et les attestations de scolarité au collège de son frère avec lequel elle vit. C’est de la falsification !

« VOUS JOUEZ OÙ, LÀ ? MAIS QUAND TOUS VOS PARTENAIRES SERONT AVERTIS QUE VOUS ÊTES EMPRISONNÉE POUR ENLÈVEMENT, VOTRE CARRIÈRE SERA TERMINÉE ! »

Qu’attendez-vous de la justice, à présent ?

R. T. : Je n’ai aucune confiance en la justice belge ! Que voulez-vous que j’attende ? Elle a démontré qu’elle n’est pas impartiale ! Et c’est pour cela que je n’emmène pas ma fille. Comment peut-on recevoir une assignation à

QUI EST SON EX-CONJOINT ?

Jan Goossens, après quinze ans passés au KVS (le Théâtre de la Ville bruxellois), est nommé directeur artistique du Festival de Marseille en septembre 2015, avant d’en assumer la direction générale un an plus tard.

Le père de sa fille, Jan Goossens

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INTERVIEW

ACTU

comparaître par email un 1er mai [2019, N.D.L.R.] pour une comparution le 6 mai ? Dans aucune loi du monde ce n’est possible ! Un jour férié et par email ! J’ai donc contesté la citation à comparaître et la compétence juridictionnelle de la Belgique car l’enfant et moi-même n’habitons pas en Belgique. Le père, qui se plaint sans jamais avoir eu de problèmes de droit de visite, habite à Marseille, en France. Le juge aux affaires familiales m’a reproché mon absence des audiences se tenant à Bruxelles. Lors d’une des audiences en juin 2019, mon ex-compagnon assure en toute mauvaise foi que je suis en France dans le cadre d’une production au théâtre du Châtelet, alors que tout le monde sait qu’il est fermé et en rénovation

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Vous aviez la pression sur les deux enfants, alors !

R. T. : Mais bien sûr, puisque Jan Goossens me l’a toujours dit : « Si tu crois que tu vas me quitter comme tu as quitté ton ex-mari, tu te trompes ! Je m’allierai avec lui et, avec ma famille, nous te détruirons. » Il est violent et tyrannique, et quand je lui disais « ça ne peut plus marcher entre nous ». Il m’a toujours menacée de faire ce qu’il fait. Que peut faire la justice malienne ?

R. T. : Elle continue sa procédure parallèlement à la procédure diplomatique liée au fait que j’ai été arrêtée à l’aéroport de Paris malgré mon immunité diplomatique. Le rôle de la France ?

depuis deux ans, et fournit un faux lien Internet au juge ! Le juge vérifie le site en pleine audience, voit que je suis annoncée au Châtelet ce jour même, alors que c’était impossible parce que cette représentation était prévue pour juin 2020, soit un an plus tard ! Vous voyez les méthodes ? J’étais bien chez moi au Mali dans l’impossibilité de me déplacer pour être à une audience à Bruxelles, où j’étais représentée de toute façon par mon avocate. À la base du dossier, il y a un père qui se bat pour des droits de visite qu’il a toujours eus, qui avoue dans ses propres conclusions ne pas avoir les moyens de participer à la vie que j’offre à notre enfant à Bamako en justification du non-respect de son

autorité parentale, il y a vingt-quatre faux témoignages de proches du plaignant. Mais pas un seul certificat de fréquentation ni de ma fille de 4 ans, ni de mon fils de 13 ans, qui vivent ensemble avec moi au Mali. J’ai perdu confiance en la bonne foi de la justice belge par rapport à une réelle recherche de l’intérêt de l’enfant. C’est pour cela que, soucieuse de l’avenir de mes enfants, je suis rentrée chez moi ! En pleine pandémie, sans école, je n’en pouvais plus de leur parler au téléphone. Et pendant ce temps, le père de mon fils se débrouillait pour le récupérer. Et mon garçon de résister en disant, du haut de ses 14 ans : « Je reste avec ma sœur ! » Que vouliez-vous que je reste en France ?

R. T. : Un mandat d’arrêt en droit de la famille sans aucun lien avec un dossier criminel est une mesure surdimensionnée. La France se retrouve dans l’obligation d’exécuter ce mandat d’arrêt avec très peu d’arguments pour ne pas coopérer. C’est la règle du mandat d’arrêt européen. Cependant, le fait de m’arrêter malgré mon immunité diplomatique, c’est la volonté de l’avocat général à Paris.

Pourquoi être repartie à Bamako ?

R. T. : Je devais rentrer chez moi et mon passeport diplomatique me le permettait. Je perdais quoi ? J’allais en prison en Belgique pendant qu’on me retire mes enfants ici ? Il était essentiel de retrouver mes enfants. On doit se méfier des hommes qu’on rencontre, après !

R. T. : Avec mon statut, ce n’est pas évident. C’est un classique, de tomber sur des hommes qui ne vous voient plus que comme une source de revenus ou qui ont un complexe d’infériorité par rapport à leur égo ; ça existe dans d’autres domaines pour des femmes qui ne sont pas forcément noires ! En ce qui me concerne, ces hommes se sont retournés contre moi de façon extrêmement inhumaine et cruelle. Quelle issue voyez-vous ?

R. T. : Qui va trouver cette issue ? Un système de justice qui n’a pas eu la sagesse de faire les choses selon les règles ? Raisonnable pour les enfants ? Le lieu de vie des enfants permet de mener une vraie enquête. Dans la nuit du 21 au 22 janvier 2020, après un échange téléphonique, puis par mails avec le juge d’instruction afin d’organiser ma venue à Bruxelles pour répondre à son mandat d’arrêt européen indûment émis à la place d’une convocation, je fais le ­­ voyage depuis Paris, me présentant à Bruxelles à l’adresse indiquée par le juge d’instruction. Une équipe de deux policiers m’entendent. Ils ne manquent pas de m’indiquer que « Jan Goossens a le plus grand avocat en pénal de Belgique ». Puis, à la fin de l’interrogatoire pendant lequel on m’informe de la plainte pour nonreprésentation, on m’annonce que je suis en garde à vue en vertu du mandat d’arrêt européen et que je voyais le juge le lendemain. Après photo et prise d’empreintes digitales, je suis placée en cellule. Ma nuit de garde à vue s’achève à l’hôpital à la suite d’une crise de tétanie. Le lendemain, vers midi,

après être restée menottée dans mon lit d’hôpital, surveillée par des agents toute la nuit, je suis menée de l’hôpital au juge d’instruction, placée à nouveau en cellule pendant deux heures avant de le rencontrer. Je découvre, en arrivant à son bureau, un avocat commis d’office pour assister mon avocat qui avait été jugé « pas en mesure de comprendre la loi belge » par le juge d’instruction. S’ensuit plus d’une heure d’intimidations et de menaces : risque de destruction de ma carrière si mes partenaires apprennent que je suis accusée d’enlèvement, possibilité de me mettre un bracelet électronique et de me garder en Belgique, de me mettre en détention pénitentiaire avec des femmes qui ne sont pas des « enfants de chœur »... Lui opposant la décision malienne qui me donne la garde de mon enfant, il me répond : « La décision malienne, ce n’est pas mon problème, je suis juge d’instruction pour la Belgique. » Voilà ce que j’ai subi ! On m’a fait toutes ces menaces et c’est moi qu’on présente comme celle qui détruit Jan Goossens ? Je ne suis pas une criminelle ! On fait des menaces pour coincer des criminels, mais pas une mère ! Vous pouvez l’écrire ! Voilà comment se passe la justice ! Et vous voulez que j’aie confiance ? C’EST MOI LA VICTIME ET CE SONT MES ENFANTS LES VICTIMES. UN LYNCHAGE JUDICIAIRE ! Aujourd’hui je suis sereine, tranquille avec moi-même. Ma priorité, ce sont mes enfants. Je suis évidemment une mère désespérée qui restera debout tant qu'elle le pourra pour défendre ses enfants… •

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ACTU

Communiqué de presse du 31 mars 2020 « La justice belge ne fut pas impartiale. Entre l’injustice et la violence de ce que je vis depuis plus d’un an, mon seul repère et ma source de force restaient mes enfants. Merci à tous de l’espoir que vous m’apportez à présent par votre soutien. Merci ! Il y a des unions bénies et sereines, malheureusement, il y en a qui ne marchent pas. Des drames de vie, des mères qui se battent pour leurs enfants, il y en a, et bien évidemment, jamais je ne vous aurais tous importunés avec les problèmes de ma vie privée, les drames de ma seule vie à moi. Ces problèmes-là, nous en avons tous et nous prenons sur nous et les gérons, nous souffrons, nous nous relevons et nous avançons encore ou pas... Mais il est inadmissible qu’au mépris de dégâts injustes dans la vie de femmes et d’enfants, les systèmes de justice européens cautionnent la violation de toutes les règles de souveraineté d'États africains, en niant, entre autres, la validité de leurs décisions de justice. Si la Belgique peut encore utiliser le mandat d’arrêt européen pour détruire une mère africaine afin uniquement de l’amener à leur livrer injustement son enfant métisse malienne-belge, et ayant toujours vécu au Mali, il faut alors nous avertir si nous devons retourner aux époques des chants et poèmes d’esclaves, de Martin Luther King, ou celles de Léopold Sedar Senghor, Aimé Césaire, Frantz Fanon, Nelson Mandela... Ces époques de combats pour rendre claire la notion d’égalité des races, des peuples du monde. [...] Une telle loi, le mandat d’arrêt européen, d’une si grande violence, utilisée ainsi, permettant un tel irrespect des droits de l’Homme souligne une inquiétante tendance à l’expression d’une suprématie et d’une toute-puissance européenne à l’égard de l’Afrique qui mérite questionnement et demande de clarification. Tous les grands drames d’oppression, d’asservissement, de maltraitance du monde : l’esclavage, la Shoah, la colonisation, l’apartheid... Toutes ces grandes violations des droits de l’Homme ont commencé et se sont développées sur la base de lois absolument officielles, déclarées légitimes et de règles acceptées, respectées et appliquées sans égard aucun pour les peuples qui subissaient.[...] Dans le traitement de ce dossier précis, l’attitude raciste de la justice belge est claire, elle est méprisante de la souveraineté d’un État africain, des droits d’une femme et d’une enfant africaine vivant en Afrique. »

Rokia Traoré

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FELWINE SARR

ACTU

QUE DIT

LA LOI ?

L’AFFAIRE ROKIA TRAORÉ

UN SCANDALE !

Propos recueillis par Audrey Poussines

de La Haye signée en 1989 qui règle les contentieux internationaux dans le domaine de la protection de l’enfance. La Déclaration de Genève de 1924 et la Déclaration des droits de l’enfant de 1959 mettent aussi en avant la nécessité de protéger les enfants. L’article 3.1 de la Déclaration des droits de l’enfant devra prévaloir lors du jugement. Dominique Kounkou martèle : « L’intérêt supérieur de l’enfant prévaut : c’est une notion qui est une épine dorsale du droit de la protection de l’enfance. La loi 3.1 peut dénouer à elle seule cette affaire judiciaire. Malheureusement, cet intérêt supérieur de l’enfant devient une question politique et diplomatique entre plusieurs pays. »

Dominique Kounkou, avocat engagé dans la défense des familles victimes de placements abusifs, nous renseigne de façon impartiale sur la situation juridique qui devrait être appliquée. S’étant renseigné auprès de connaissances d’origine malienne, il assure que c’est devenu une affaire politique au Mali : « Le ministre des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, a convoqué les deux ambassadeurs respectifs de France et de Belgique et demande à l’avocat du père et au père lui-même de venir sur place au Mali afin de trouver une solution ensemble. » Plusieurs conventions et lois éclairent les droits en lien avec « l’affaire Rokia

Traoré » et peuvent dénouer ce drame. Il s’agit d’abord de la Convention internationale des droits de l’enfant

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Dans le cas où Rokia Traoré arrive à prouver que sa fille n’est pas en sécurité en Belgique, notamment si elle prouve les accusations d’attouchements qu’elle soupçonne du père.

Autre loi à prendre en compte : le jugement doit s’effectuer au tribunal du Mali, lieu de résidence de l’enfant de Rokia. Dans la loi, il est mentionné que le lieu de résidence de l’enfant définit le lieu du jugement. À noter que les jugements émis par le tribunal de Belgique iraient à l’encontre des droits de l’homme : « Rokia Traoré a demandé de faire appel au jugement du tribunal de Bruxelles, qui a refusé. C’est une violation grave de ses droits. Le droit de faire appel est mentionné dans un article de la Convention européenne des droits de l’homme. »

Écrivain, professeur agrégé d’économie à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, cofondateur du Laboratoire d’analyse pluridisciplinaire des dynamiques des sociétés africaines et de la diaspora, il est l’une des grandes voix des intellectuels africains de notre époque. Il a signé une tribune que nous avons souhaité reproduire.

En faisant appel, et non opposition au jugement du tribunal malien, requérant le droit de garde en référé pour la maman, l’ancien compagnon d’origine belge a reconnu d’une certaine manière la juridiction malienne en faisant appel dans un cojudiciaire déterminé. Plusieurs autres manquements sont à pointer du doigt, comme

le non-lancement d’une expertise censée vérifier si les incriminations d’attouchements sexuels qu’exerce Rokia à l’encontre de son ancien compagnon sont vraies : « Il est possible de faire un avant-droit qui permet d’attendre la fin de l’expertise avant de débuter tout jugement. » Certains crient au racisme et à un manque de transversalité : « Le Parquet général de la Cour d’appel de Paris est accusé par la Belgique de ne pas avoir suivi son rôle de contrôle judiciaire des frontières. On lui reproche de ne pas avoir récupéré les passeports de Rokia, ce qui l’aurait empêchée de prendre l’avion jusqu’au Mali. On craint à présent que le tribunal de Bruxelles lance un mandat d’arrêt international, cette fois-ci contre le Parquet général de la Cour d’appel de Paris. » • Pour Dominique Kounkou, « n’importe quelle mère ferait l’impossible pour sauver ses enfants » : une vérité d’autant plus vraie pour Rokia, « menacée de tout côté », qui a déjà subi des séparations houleuses avec le père de son premier enfant, qui réclame, lui aussi, de récupérer son fils âgé de 14 ans.

« ELLE EST UNE FIGURE DE FORCE, DE COURAGE ET DE DIGNITÉ POUR DES MILLIONS DE JEUNES AFRICAINES. ELLE SE DRESSE. DRESSONSNOUS AVEC ELLE. »

« Cette affaire, bien que privée et qui devait le rester, est devenue politique et c’est à ce titre que je m’exprime. Elle reflète l’état des rapports politiques, juridiques et symboliques entre l’Afrique et le reste du monde. Si les mots ont toujours un sens, la petite fille en question n’a jamais été enlevée et séquestrée par sa mère qui en assurait la garde sur le sol du Mali. À ce que je sache, Rokia Traoré n’est pas une criminelle pour qu’un mandat d’arrêt international soit émis contre elle et qu’elle se voie arrêtée et jetée en prison comme un vulgaire malfrat, parce qu’elle a refusé de présenter sa fille quand la justice belge le lui a demandé.

La violence physique et surtout symbolique exercée par la justice belge contre Rokia Traoré dit ceci : “Tu as beau t’appeler Rokia Traoré, être une artiste d’une qualité exceptionnelle, mondialement reconnue, si un contentieux t’oppose avec l’un de nos ressortissants, nous avons les moyens au mépris de ta dignité de te jeter en prison et de traiter comme la dernière des criminelles, en mettant en branle notre appareil juridicorépressif et en te remettant à ta place. Parce que, disonsnous-le bien, après tout, tu n’es qu’une Africaine. Issue d’une région du monde qui a un faible pouvoir économique, politique, et donc symbolique.”

et structurelle. Les hommes aussi, quand ils sont africains. Cette affaire nous concerne en ce qu’elle rappelle notre condition incertaine et vulnérable qui que nous soyons face à la justice des pays du Nord. Nous sommes issus de pays qui sont incapables de défendre l’intégrité physique et morale de leurs ressortissants quand celleci est bafouée sous d’autres latitudes. De pays dont les décisions de justice ne pèsent pas et surtout qui, dans l’économie du contentieux, voient les droits de leurs ressortissants souvent ignorés, voire bafoués.

Sur cette affaire, une décision de justice avait été prise au Mali qui confiait la garde de l’enfant à Rokia Traoré et octroyait un droit de visite, à définir, au père. Cette décision, apparemment, ne pèse pas dans l’échiquier international. D’ailleurs, pour la plupart des couples mixtes, les femmes, quand elles sont africaines, perdent souvent à l’issue de contentieux postunion, leurs droits parentaux. C’est une donnée statistique

Il arrive que nos diplomates, malgré leur immunité, se fassent maltraiter dans des pays étrangers [...] Toutes sortes d’indignités sont infligées à nos ressortissant(e)s aux quatre coins du monde, au mépris de leurs droits et dignité. Rokia Traoré, plus qu’une artiste, est une figure de force, de courage et de dignité pour des millions de jeunes Africaines [...] Elle se dresse. Dressons-nous avec elle. » •

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MODE

Un show sous l'admiration des ministres

UN VOYAGE TALENTUEUX DE LA CRÉATIVITÉ

Des hôtesses splendides

Un discours porteur d'Isabelle Anoh

Seize stylistes renommés et créateurs prometteurs sont venus des différents pays du continent (le Sénégalais Lamine Diasse, la Congolaise Talansi Richevelvi, Wiredu du Ghana, Fadi Maïga du Mali, Côte d’Ivoire, etc.). Ils se sont relayés sur le T pour offrir au public un aperçu du talent et de la créativité de la mode africaine.

Tenues fonctionnelles et élégantes de la Ghanéenne Boatemaa Wiredu

Dans la prestigieuse salle du Palais des Congrès du Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire à Cocody, l’événement mode incontournable lancé par Isabelle Anoh il y a quatorze ans, a été salué par un parterre d’invités de marque. De nombreux officiels, le ministre du Tourisme et des Loisirs Siandou Fofana, le ministre de l’Éducation Kandia Camara, la ministre de la Communication Raymonde GoudouCoffie, ainsi que plusieurs ambassadeurs ont prouvé par leur présence que la mode est un haut lieu de créativité et d’avenir professionnel pour la jeunesse.

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Le concours Dessine-moi une robe a mis en avant de jeunes créateurs. Sammi Eric, vainqueur, remporte une machine à coudre et une formation à l’École Michel Yakice.

Fadi Maïga de la Maison Borthini et son mannequin égérie Sira Samoura, venues du Mali

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MODE

Le coup de cœur de la soirée à travers la collection Étincelle, hommage au styliste modéliste Éloi Sessou, disparu l’an dernier, par le couturier ivoirien Anderson Djakoure. Sous une ovation méritée de la salle, Fatime Sidimé a renversé le public grâce à sa sensualité féerique et magique.

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Tenues de la Congolaise Talansi Richevelvie Pathé’O, invité spécial de l’édition, a offert un show final, donnant à voir un festival de tenues de sa toute dernière collection, Sahel Suite, colorée et élégante, à l’image de l’Afrique qu’il promeut.

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© DR BBC

MODE

Collection Pathé’O SAHEL SUITE Shooting à KORAL BEACH GRAND-BASSAM 26 • BLACK BEAUTY CELEBRITIES #004 • 2020

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MODE

MODE

Florilège coloré sur du voile léger et faso da fani made in Africa

ENTRE DÉCOUVERTES ET CONSÉCRATIONS...

© DR BBC

METYS « D’OÙ L’ON VIENT ET OÙ L’ON PART » UNE JEUNE MARQUE DE L’AILLEURS

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DIANA GADIE EST UNE JEUNE DESIGNER D’ORIGINE AFRICAINE, PLUS PRÉCISÉMENT DE LA CÔTE D’IVOIRE, D’OÙ ELLE TIRE SA PLUS GRANDE INSPIRATION. « UNE DAME 4G » OU, COMME ELLE AIME LE DIRE, « UNE DAME QUI EST TRÈS PROCHE DE LA 4G ». AUJOURD’HUI, C’EST SUR LES DÉFILÉS QUE LA DESIGNER FAIT CONNAÎTRE SES COLLECTIONS, JEUNES, ÉLÉGANTES ET FÉMININES ; EN UN MOT... MODERNES.

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Costumes réalisés par Pathé’O pour le film Bal Poussière, du réalisateur Henri Duparc.

MODE

D’où vient le nom de ta marque, METYS ?

Diana Gadie : Citoyenne du monde et convaincue que le monde dans lequel nous vivons tend vers le métissage culturel, METYS voit le jour en 2012. Un monde où le métissage des cultures et la mixité sont inévitables, être africain, européen et comprendre, adopter des styles venant d’ailleurs. Le style METYS se veut classique, élégant et moderne. Des vêtements pour le quotidien comme pour les occasions, les cocktails. Les matières les plus souvent utilisées sont le chiffon, le lin, la soie, le jean, la dentelle...

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« IL FAUT ÊTRE PASSIONNÉ, C’EST LA BASE. L’UNIVERS DE LA MODE EST IMPITOYABLE. C’EST BEAUCOUP DE TRAVAIL ET DE DISCIPLINE. » travail sur la mode africaine, dont il est l’un des précurseurs. Mon rêve ? Participer au Festival de la Mode africaine qui a lieu tous les deux ans au Niger, en plein désert. Quelle a été ton inspiration pour la collection présentée à Afrik Fashion Show cette année ?

L'actrice Thérèse Taba en Pathé'O © FONDATION HENRI DUPARC

U

ne passion pour la mode qu’elle a depuis son enfance, inspirée dès son plus jeune âge par Barbie, s’amusant à découdre et recoudre ses vêtements. À cela s’ajoute la figure paternelle, une personne ambitieuse et un modèle qui l’a toujours soutenue et poussée à réaliser ses rêves, et un entourage pour qui le « bien mis » était de rigueur. Mais la mode n’étant pas encore considérée en Afrique comme pourvoyeuse, ses parents la poussent à faire des études : un BTS de gestion commerciale en poche, elle revient à sa passion première et part d’abord à Tunis pour se spécialiser en design mode, achevant sa formation à Montréal. En 2012, la marque METYS voit le jour, un mélange d’inspirations occidentales et africaines, des tissus souples, un mélange de style, d’état d’esprit, de vision, « d’où l’on vient et où l’on part ».

Envisages-tu le prêt-à-porter ?

D. G. : Pour cette dernière collection que j’ai appelée FÙREN, qui signifie « Femme », je suis partie d’un constat : la femme représente la nature, la vie, elle se bat au quotidien comme la nature de nos jours. C’est bien pour ça que toute la collection est en vert. Quelle clientèle vises-tu ?

Quelles ont été tes influences ?

D. G. : Avant tout, j’aime la mode, la transformation du simple tissu en vêtements. Plus tard, des créateurs comme Yves Saint Laurent pour l’élégance, Jean-Paul Gaultier pour son avant-gardisme et Pathé'O dans Bal Poussière m’ont inspirée. Quant à Alphadi, je trouve remarquable son

BOUTIQUES : LE COMPTOIR DES ARTISANS, METCHE

D. G. : Toute personne (femme et homme) qui est « jeune » et qui apprécie la simplicité et l’élégance au quotidien. Je confectionne des tenues pour la femme moderne, active, qui souhaite être élégante. Je puise mes inspirations de tout ce qui m’entoure, tout ce qui me touche. Il m’arrive de marcher de longues distances pour observer les personnes, le quotidien de manière générale.

D. G. : J’ai déjà une marque de prêtà-porter METYS. Elles peuvent se

rendre dans les différentes boutiques

où nous sommes exposés pour le prêtà-porter (le Comptoir des Artisans

ou chez Metche) et à l’atelier pour le sur-mesure.

Quelles difficultés rencontre une jeune styliste ?

D. G. : La première difficulté est le financement, à cela s’ajoute celui

de l’approvisionnement en matières premières et fournitures (mercerie, etc.) et du personnel qualifié. Des projets ?

D. G. : Je vise plusieurs grandes

Fashion Weeks sur le continent et j’aimerais créer des collections

communes avec d’autres créateurs. Un peu comme des featurings...

Une qualité de travail et un style

qui ne laissent pas indifférents les

professionnels de la mode, comme en attestent les prix de Best Emerging Designer Afro Canada en 2014 à

Toronto et Gagnante du Concours

Epick’conect en 2017 qu’elle a reçus •

RÉSEAUX SOCIAUX : @METYSBYDIANAGADIE

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LA MODE & LA BEAUTÉ AFRICAINES À LA RENCONTRE D’ISRAËL

INTERVIEW DE SSADEUR BA M L’A D’ISRAËL EN CÔTE D’IVOIRE

Comment est né ce projet de coopération ?

Fatime Sidimé et l'ambassadeur

Quelles étaient vos attentes ?

Leo Vinovezky : L’une de nos missions est de jeter des ponts entre les peuples de nos deux pays. Pour ce faire, nous encourageons la coopération dans différents domaines : affaires, développement, culture, politique, tourisme et bien d’autres. Nous recherchons constamment de nouvelles idées et de nouveaux domaines où nous pouvons le faire. La mode en fait partie et elle implique l’innovation, la créativité, tous les ingrédients qui correspondent aussi à l’esprit israélien. L’idée de se concentrer sur la beauté et la mode a commencé avec notre adhésion au populaire concours de beauté Awoulaba, qui célèbre les femmes traditionnelles du pays. Nous avons offert au gagnant une visite en Israël. Nous avons ensuite découvert un monde complet de la mode, que nous pensions être très intéressant pour l’industrie de la mode israélienne. Nous avons décidé d'inviter quelques reines de beauté d'Afrique de l'Ouest à nous rejoindre. Ce fut une expérience d’apprentissage mutuel, et j’espère que ce n’est qu’un début. Quelques jours après mon arrivée à Abidjan, et après avoir été invité aux Prix du Mannequinat africain 9 organisé par Sydney Conceptuel, dont la promotrice est madame Fatime Sidimé à Abidjan, il était naturel pour moi qu’elle soit dans cette délégation. Le 14 Afrik Fashion Show vient de le confirmer. Je tiens à remercier le ministère des Affaires étrangères et le ministère des Affaires de Jérusalem d’avoir soutenu cette étape importante.

L. V. : Nous voulions présenter Israël (et vice-versa) à travers les yeux des participants. Dans ce cas, les gens liés à la mode et à la beauté. Je crois que les reines de beauté sont devenues des ambassadrices de bonne volonté dans mon pays. Il existe également

« ISRAËL ET L’AFRIQUE SONT TOUJOURS CONNECTÉS. ÉGALEMENT GÉOGRAPHIQUEMENT. »

La coopération entre la Côte d’Ivoire et Israël est connue depuis le premier président de l’Indépendance, Houphouët Boigny. Soixante ans plus tard, les liens entretenus ne se sont pas distendus et s’adaptent à la modernité de notre temps. La mode et la beauté sont entrées dans le cadre du rapprochement des deux pays. Grâce à l’ambassadeur d’Israël en Côte d’Ivoire, Leo Vinovezky, cinq reines de beauté du concours Awoulaba, accompagnées de Fatime Sidimé, directrice de l’agence de mannequins bien connue en Côte d’Ivoire, Sydney Conceptuel, ont pu être les ambassadrices de la beauté d’Afrique de l’Ouest en Israël. Carène Yomb, gagnante d’Awoulaba 2019, la top-modèle Eva Chon du Sénégal, Ichabatou Gnongbo Tchoro, Miss Togo 2018, et la mannequin internationale Marie-Noëlle Graobe

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Le président Houphouët Boigny, entouré de David Ben Gourion et Golda Meir

du Cameroun : choisies pour leur beauté et leur implication dans le monde de la mode, bien sûr, mais aussi porteuses des valeurs de leur pays, elles ont pu découvrir un pays accueillant et chaleureux.

Le président Alassane Dramane Ouattara et Son Excellence l'ambassadeur d'Israël en Côte d'Ivoire

LES REINES DE BEAUTÉ SUR L'ESPLANADE DES MOSQUÉES À JÉRUSALEM

INTERVIEW

ACTU

un réseau de conception dans lequel ils peuvent créer un espace de collaboration indépendante. Les défilés de mode africains sont tout simplement incroyables. Une expérience unique. Les liens entre Israël et la Côte d’Ivoire ont une longue histoire, mais dans le domaine de la mode et de la beauté, cela semble nouveau, non ?

L. V. : La mode a évidemment un grand impact sur nos sociétés, et c’est la vitrine de la culture d’un pays. La beauté est également un concept qui est influencé par la culture et qui a de nombreuses formes dans différents pays. Nous pensions que ce serait une idée intéressante de rapprocher deux mondes différents. « Différents » apparemment, parce qu’ils peuvent leur trouver beaucoup en commun. L’une de nos récentes Miss Israël est d’origine africaine. Elle a visité sa mère patrie, l’Éthiopie, et nous lui avons réservé un

accueil chaleureux. J’ai servi en Éthiopie pendant quatre ans. Comme vous pouvez le voir, Israël et l’Afrique sont toujours connectés. Également géographiquement.

Quels sont les objectifs de connaissances et échanges entre les deux cultures ?

L. V. : Israël et la Côte d’Ivoire ont beaucoup à offrir. Israël a une société dynamique. La Côte d’Ivoire a également une société très dynamique avec de nombreux jeunes entrepreneurs talentueux. Ainsi, les deux pays ont beaucoup à gagner de l’échange, non seulement en tant que bonne expérience personnelle et humaine, mais aussi du point de vue des opportunités commerciales.

Un échange est-il prévu ?

L. V. : J’espère que nous pourrons bientôt lancer une telle coopération. Les Israéliens veulent découvrir l’Afrique, et nous servons de pont pour que cela se produise. N’y a-t-il pas certains préjugés des deux côtés ? Quelle est votre vision du rapprochement entre les deux peuples ?

L. V. : Vraiment ? Je n’en suis pas sûr. Je vois qu’il y a beaucoup d’amour et d’amitié, et c’est réciproque. Une fois que vous rencontrez une autre culture, les préjugés deviennent amitié. Quels sont vos ressentis en terre africaine ?

L. V. : Nous l’aimons. Cette terre est belle, colorée, passionnée. Un continent plein de talent et de créativité. Et Israël est le pays de l’innovation. Imaginez donc que les deux peuples rêvent ensemble... •

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UN SÉJOUR HISTORIQUE

L

orsque Fatime Sidimé invite l’ambassadeur d’Israël en Côte d’Ivoire à la neuvième édition des Awards du Mannequinat, elle ne se doute pas qu’elle s’envolera vers ce pays mythique quelques semaines plus tard, accompagnant une délégation de cinq très belles fashionistas incarnant la beauté du Continent. Nouvellement en poste, l’ambassadeur projette de faire découvrir Israël à des personnalités influentes du monde de la mode et de la beauté de différents pays d’Afrique de l’Ouest. Il trouve en la directrice de l’agence de mannequinat Sydney Conceptuel la personne idéale pour réaliser cette coopération.

Miss Awoulaba 2019 et Fatime Sidimé reçues par l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en Israël.

INTERVIEW

DE FATIME SIDIMÉ Comment la rencontre s’est-elle faite entre la Côte d’Ivoire et Israël ?

Fatime Sidimé : Des anciennes Miss et mannequins de grande renommée, du Cameroun, Sénégal, Togo et de Côte d’Ivoire, ont été choisies pour faire ce voyage et, compte tenu de ma carrière et de mon expérience, Leo Vinovezky souhaitait que je me joigne à la délégation. La visite de sites historiques, la rencontre avec des femmes israéliennes influentes et divers centres étaient prévues. Quels étaient les objectifs ?

F. S. : Je pense qu’Israël a été tellement marginalisé par beaucoup de pays et de peuples par leur histoire entachée de querelles qu’ils sont conscients que l’image propulsée

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par les médias n’est pas forcément loyale par rapport à la réalité de la vie dans ce pays. L’idée était de présenter la vraie face d’Israël. D’ailleurs, nous ne sommes pas restés à Tel Aviv, nous sommes allés dans beaucoup de villes : la Galilée, Jérusalem... Ils avaient vraiment cette envie de nous montrer la réalité de la vie israélienne. Je pense qu’un des objectifs, de façon spontanée et par ricochet, était que les personnes invitées deviennent des ambassadeurs de ce pays et puissent témoigner de la cohésion du vivre-ensemble, de la qualité de vie du pays. Peux-tu nous parler de ta découverte du pays ?

F. S. : Je dirais que je connaissais un

peu le peuple juif et la terre d’Israël à travers les livres saints. Il faut savoir qu’à la base, je suis musulmane, je sais très bien qu’après la Mecque, les musulmans aiment découvrir le Dôme du Rocher à Jérusalem, un lieu saint. Différents sites religieux nous ont été présentés, le parcours du Christ également. Personnellement, je suis très curieuse et passionnée par la spiritualité. Je sais que le Messie Jésus et sa mère sont mentionnés dans l’Islam. Très culturel et instructif, nous avons visité l’ensemble des lieux saints des trois religions monothéistes, l’église de l’annonciation, la grotte, le temple du roi Salomon, ce qui nous a permis de mieux comprendre l’histoire de cette région. Et puis je ne suis pas très étonnée, car je m’attendais à un

« MA PLUS BELLE RENCONTRE FUT LES ENFANTS. »

peuple très évolué question high-tech. Notre plus grande découverte a été de vivre un Shabbat où nous avons croisé des hommes avec un grand chapeau revenant de la synagogue, la célébration du repas. Quelles sont les rencontres que tu as faites (officielles et civiles) ?

F. S. : Des rencontres très variées et intéressantes : le ministre des Affaires étrangères, qui nous a expliqué le système politique du pays, une démocratie étonnante où les élections législatives se poursuivent tant qu’un accord n’est pas trouvé. On a aussi rencontré la première Africaine officier dans l’armée, une métisse nigérienneisraélienne arrivée très jeune dans le pays. Elle a évoqué son expérience, les difficultés d’être une femme dans un milieu d’hommes où elle devait faire ses preuves. Mais contrairement à ce que les gens pensaient, l’entourage avait été très conciliant avec elle pour qu’elle puisse aboutir à sa graduation.

Certaines rencontres t’ont-elles marquée ?

F. S. : Ma plus belle expérience était dans un centre d’accueil pour enfants malades du cœur, pris en charge avec leur maman depuis leur pays. Une fois soignés, on les ramène chez eux. On a pu voir que la médecine et la recherche sont à la pointe. En fait, il existe de nombreux centres, avec beaucoup d’idées dont on pourrait s’inspirer en Côte d’Ivoire. Un centre d’alphabétisation pour les femmes avec leurs enfants où elles apprennent aussi les métiers artisanaux qui assurent leur autonomie. Nous avons aussi visité un centre d’accueil qui offre un nouveau départ aux anciennes prostituées. Mais la plus belle de toutes, c’est cette mosquée où j’ai eu la chance de prier, la mosquée du Dôme qui renferme la pierre du patriarche Abraham qui a voulu immoler son fils et a été remplacé par l’offrande du bélier. Ce qui devenu la fête de Tabaski, Aïd el-Kebir chez les musulmans. La pierre est là, j’ai pu la toucher et prier. Quel bonheur !

INTERVIEW

ACTU

Une ex-Miss, très powerful et influente, qui a créé sa marque de cosmétiques et de thé amaigrissant. Comment avez-vous été reçue ?

F. S. : Très, très bien accueillie. Impressionnée par les critères d’élégance. Ça a été un voyage très enrichissant culturellement ; ces lieux naturels qui constituent l’histoire des trois religions monothéistes sont leurs plus grands trésors, tous les symboles sont là. Des projets et suites à venir ?

F. S. : Les contacts et échanges que nous avons eus devraient nous permettre de tisser des partenariats pour donner justement cette ouverture d’esprit aux jeunes d’ici, et pourquoi pas inviter des jeunes de là-bas à découvrir la Côte d’Ivoire... Mais pour le moment, l’heure est toujours à la prière afin que la vie puisse reprendre son cours, les frontières s’ouvrir et que la vie reprenne ! •

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Tobi Cohen, 28 tans, première Nigériane officier au sein de l’armée de défense d’Israël

ACTU

« J’AI TOUJOURS VOULU VENIR EN ISRAËL, DEPUIS QUE JE SUIS TOUTE PETITE. JE VOULAIS SAVOIR PLUS SUR CE PAYS EN DEHORS DES HISTOIRES QUE J’AVAIS SUIVIES. »

QUAND LA CRÉATION SE FAIT CULTURE

LE LANGAGE DES FEMMES « Absolument extatique de rencontrer cette délégation de l'Afrique de l'Ouest. Non seulement ils sont beaux, mais chacun, une ancienne Miss de leurs états individuels pave un nouveau terrain pour l'autonomisation des femmes. Ce fut un honneur de partager mon histoire et mes expériences et mes rêves. »

Parmi les rencontres qui ont marqué les reines de beauté, Tobi Cohen, officier de l’armée dans Tsahal a pu raconter son histoire. Née à Abuja au Nigéria, de mère nigériane et de père israélien, elle décide à 16 ans de partir vivre en Israël sans ses parents et de faire carrière dans l’armée. Une intégration pas toujours facile qui, malgré les obstacles de la langue et du mode de vie, devient un challenge pour cette adolescente décidée à suivre les pas de son père. À 21 ans, elle « tombe amoureuse » de l’armée et décide de poursuivre une carrière d’officier. Aujourd’hui mariée et toute jeune maman, elle souhaite être un exemple et montrer aux femmes à travers l'Afrique et dans le monde qu'avec un travail intelligent et une détermination, on peut atteindre les objectifs fixés. Et elle compte bien éduquer sa fille avec l’idée qu’elle peut tout faire, sans aucune limite liée à sa condition de femme. Tobi, ravie de faire découvrir à la délégation les opportunités que Tsahal

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offre aux femmes de divers horizons, a beaucoup apprécié cette initiative du ministère des Affaires étrangères. « J’ai adoré rencontrer cinq belles dames, témoignant chacune d’une forte puissance. La mode et la beauté servent de plateforme à ces femmes pour montrer leur potentiel. Lorsque les femmes se réunissent, vous savez que quelque chose de puissant est sur le point de se produire. Aussi excitée que j'étais de partager mon histoire, je l’étais encore plus d'entendre la leur : comment elles ont utilisé la beauté et la mode avec des objectifs qui ont du sens. Impressionnée, mais pas surprise de la façon dont ces dames ont surmonté chacune leurs obstacles. J’étais également fascinée que, quelle que soit notre nationalité, nous parlions toutes la “langue des femmes” ! » Quand on évoque un éventuel racisme de la population, la jeune femme répond sans tabou qu’il s’agit davantage d’ignorance et que, plutôt qu’être gênée ou se détourner, elle préfère voir dans sa différence « une merveilleuse occasion

PUBLI RÉDACTIONNEL

d'éduquer », et que l’image qu’elle porte d’elle, au lieu de l'affaiblir, la renforce. Désormais ambassadrice à travers le monde, grâce à son initiative ShareLovv, Tobi partage son récit en tant que premier officier nigérian à avoir servi dans les forces de de défense israéliennes, permettant ainsi de donner la réelle image d’un pays qui offre les possibilités à tous. Se rapprochant d’organisations privées et gouvernementales à la recherche de partenariats avec Israël, celle qui aura inscrit son nom dans l’histoire du pays côtoie autant les secteurs diplomatiques que privés avec, dans son cœur, toujours l’Afrique. « J'ai quelque chose de plus grand, une mission. [...] Je veux commencer à construire les ponts qui n'ont pas encore été construits pour combler le fossé, en particulier avec les communautés africaines. » • Sharelovv International sharelovvinternational@gmaill.com

Une invitation à aller plus loin, entre tradition et élégance Oukassa K. Wetzel est une jeune créatrice dynamique qui a fait de sa culture l’ADN de ses créations. Sa dernière collection de bijoux s’inspire d’une culture akan centenaire, traditionnelle et moderne valorisant la femme. Descendante de la famille royale d’Abengourou, région de l’Indénié-Djuablin au nord-est de la Côte d’Ivoire, frontalière du Ghana, la créatrice porte en elle les valeurs de cette noble lignée qu’elle désire transmettre à travers les bijoux qu’elle imagine. Aujourd’hui, après dix années de travail et de patience, ses créations sont reconnues par de grands magazines comme Glamour UK, Vogue ou encore Glitz Africa au Ghana. Grâce à une vision très claire et une foi inébranlable, cette jeune entrepreneuse a su dépasser les difficultés avec toujours cette maxime en tête : « Ne regarde pas en arrière, on ne copie que ceux qui sont devant car ce sont les meilleurs. »


PUBLI RÉDACTIONNEL

« À TRAVERS CETTE COLLECTION, JE RESTE FIDÈLE À MES RACINES, À MA CULTURE. »

« Ne regarde pas en arrière, on ne copie que ceux qui sont devant car ce sont les meilleurs. »

Quelle image de la culture akan souhaitez-vous transmettre ? Adinkrahene

Dua Afe

Gye Nyame

Nkatehono

marcher dans la ville avec de longs bâtons qu’on tapait au sol en scandant des chants afin que toute la ville sache que notre grand-mère était décédée. C’est un souvenir inoubliable. Je suis très attachée à ma culture akan. C’est celle que je connais le mieux car les enfants appartiennent à la maman. Nous avons grandi entourés de nos tantes maternelles. Ma grand-mère était très présente dans ma vie. Elle m’a appris à filer le coton. Ma fascination pour les perles vient d’elle. Elle portait des perles aux reins et aux mollets, symboles de beauté pour la femme akan. C’est toujours un plaisir pour moi de me rendre à la Cour royale. J’aime apprendre mon histoire. Je pose beaucoup de questions. Ce lien à la famille royale vous guide-t-il dans vos créations ?

notables qui occupent des fonctions bien précises, et un tribunal pour Oukassa K. Wetzel : La famille régler les différends coutumiers. royale d’Abengourou est très grande. J’ai de beaux souvenirs de nos séjours La grand-mère de ma grand-mère à Abengourou. Jeunes, notre grandmaternelle, Nanan Aya Kôkôrê, était mère nous racontait les histoires qui se la femme du fondateur d’Abengourou contaient à la Cour. Elle nous parlait Nanan Mian Kouadio. L’actuel roi de des traditions comme, par exemple, l’Indénié qui siège à la Cour royale la fête des ignames, qui est une d’Abengourou, Nanan Boa Kouassi III, grande célébration chez les Akans. descendant direct de Nanan Mian Je reste aussi fascinée par tout le Kouadio, est le dix-septième roi de cérémoniel qui s’est tenu à la Cour l’Indénié. Intronisé en 1997, c’est un lors de son décès : les préparatifs, homme connu pour son calme, son l’exposition du corps, les rituels, sens du partage et de la solidarité. les prestations culturelles. À titre La Cour royale est très bien d’exemple, tous les petits-enfants de organisée avec un cabinet, des la défunte, vêtus de blanc, devaient Descendante de la famille royale d’Abengourou...

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Obaa Pa

O. K. W. : Oui, bien sûr ! La marque porte avant tout la présentation et la préservation de nos traditions. Le roi est le premier garant des symboles du royaume. Lorsque je crée, je pense toujours au message que j’essaie de faire passer. Ce message estil en conformité avec ma culture akan ? Avec mon obligation de préservation ? Est-ce que j’ai bien saisi l’explication ? Est-ce que je transmets l’information correctement ? Appartenir à la famille royale d’Abengourou renforce cette pression personnelle que je m’impose quant à l’exactitude des informations que je présente.

O. K. W. : Celle d’une culture traditionnelle qui a toujours valorisé la femme et qui a encore un rôle à jouer dans son émancipation. Je ressens une telle fierté à expliquer que, dans ma culture, la femme est au centre de la société et que nous héritons du côté maternel ; un message très écouté dans le monde moderne, où les femmes doivent constamment s’imposer. La culture akan révèle l’incongruité de la vision paternaliste occidentale qui remet sans cesse en question les capacités de la femme.

Aflé Bijoux est-elle une marque engagée dans le féminisme ?

O. K. W. : Aflé Bijoux soutient toutes les causes liées à la promotion du bien-être de la femme. En tant que femme, et femme akan en particulier, je ne peux que me réjouir de voir de plus en plus de femmes à des postes de responsabilité. Chez nous, les Akans, la femme est au centre de l’économie. Elle participe à la prise de décisions politiques. Elle joue un rôle important dans la gestion de la société. Il n’y a donc pas de discrimination entre l’homme et la femme. D’ailleurs, dans la croyance

traditionnelle akan, Dieu est à la fois homme et femme : Nyame, le côté masculin, et Ngame, le côté féminin. Ce sont les missionnaires européens, indignés par l’idée d’un Dieu femme, qui ont effacé cette croyance et imposé l’idée d’un Dieu père. Ils ont propagé l’idée de la dominance des hommes sur les femmes. Cette idée est combattue encore aujourd’hui. Aflé Bijoux est résolument engagée pour la réussite des femmes. Notre mission est d’offrir aux femmes l’opportunité d’exprimer leur individualité et leur confiance en elles à travers des bijoux inspirés d’une tradition qui a toujours valorisé les femmes. Que représente le féminisme pour vous ?

O. K. W. : Chez les Akans, le féminisme est une notion qui n’existait pas dans la société traditionnelle, vu que la femme participait à la prise de décisions. Je ne dis pas qu’il n’existait pas des problèmes entre les hommes et les femmes ; cependant, cette idée de présenter la femme comme un être inférieur à l’homme n’existait pas. Cela vient du colonialisme : les Occidentaux ont transposé leur malaise avec les femmes dans leurs colonies. En Angleterre, par exemple, jusqu’au XXe siècle, la femme anglaise faisait partie des biens matériels de l’homme. Il pouvait la revendre s’il ne l’aimait plus. En France, les femmes étaient des demicitoyennes pendant très longtemps. Malheureusement, nous vivons aujourd’hui dans des sociétés qui ont été imprégnées de ces mentalités paternalistes et où les femmes doivent constamment se battre pour faire valoir leurs droits. Ainsi, même si la femme akan est respectée du fait de nos traditions, elle doit, comme la femme occidentale, lutter pour une égalité salariale, par exemple. Le féminisme est un mouvement universel. Toutes les femmes doivent s’unir pour abolir les inégalités hommes-femmes et promouvoir les droits des femmes dans tous les domaines de la société.

BLACK BEAUTY CELEBRITIES #004 • 2020 • 39


PUBLI RÉDACTIONNEL

sous-entend que le bijou africain doit impérativement être gros ou éclatant. Là réside l’unicité d’Aflé Bijoux. Pour moi, un bijou africain n’est pas forcément ostentatoire. Je confectionne aussi de grosses pièces, mais il n’y a pas que cela. On peut faire le même parallélisme lorsqu’on dit que l’Afrique, c’est la chaleur, le bruit, ou encore que « l’Africain a le sang chaud ». Mon Afrique n’est pas que bruit et chaleur. C’est bien plus. Il y a des Africains qui n’ont pas le sang chaud. D’ailleurs, le nom original d’Abengourou est Mpêkro, qui veut dire « je n’aime pas les histoires ». On aime aussi le calme, en Afrique. Le calme de la forêt profonde, ou encore le chant des oiseaux au petit matin au village sont propices au recueillement et à la méditation. Cela aussi, c’est l’Afrique. Cette image de l’Afrique chaude et bruyante a été largement

Comment définissez-vous l’élégance ?

O. K. W. : Comme une manière de se tenir, en privé comme en public. Être conscient de l’impact que nos mots, nos faits et gestes peuvent avoir. L’élégance est un tout. C’est une question d’éducation. C’est faire en sorte, par exemple, de ne pas mettre l’autre dans l’embarras. C’est faire preuve de retenue, d’empathie, de respect, de discrétion. Les Akans sont connus pour leur élégance, leur sens de la retenue. Ils sont souvent présentés comme des personnes qui observent beaucoup. Ils sont de fins stratèges. Pas d’élégance sans bijoux ?

O. K. W. : L’élégance sans bijoux est tout à fait possible. Le bijou vient uniquement compléter une image que l’on se donne à un moment donné, ou, dans le cas de notre nouvelle collection Adinkra, le bijou vient rappeler un principe culturel qui nous est cher et que nous voulons garder sur nous. Un bijou ne peut en aucune manière remplacer un manque d’éducation. Quelles valeurs gardez-vous de l’éducation que vous avez reçue ?

O. K. W. : Une grande fierté des valeurs inculquées par mes parents : la foi, la fidélité, le respect, le pardon, la résilience, le sens du partage, de l’appartenance, de l’engagement. Je les remercie d’avoir été des modèles pour leurs enfants. Ils nous ont montré comment ne pas baisser les bras..

2020, UNE APPLICATION POUR UNE NOUVELLE COLLECTION, AFIN D'ALLIER CULTURE ET BEAUTÉ

« MON AFRIQUE N’EST PAS QUE BRUIT ET CHALEUR. C’EST BIEN PLUS. »

travers ma marque également. Par mon éducation, j’ai appris à avoir beaucoup de patience. Pendant dix ans, j’ai travaillé à bâtir Aflé Bijoux. Comment transmettez-vous ces Je l’ai fait de manière sérieuse et valeurs à travers vos créations ? soutenue. Je n’ai pas abandonné. O. K. W. : Un exemple particulier est D’autres voyaient cela comme un la collection Adinkra. À travers cette collection, je reste fidèle à mes racines, passe-temps, mais pour moi, c’était très clair, dès le départ, que je à ma culture. Je rends hommage voulais établir Aflé Bijoux comme à l’héritage incommensurable une marque de bijoux africaine que nos aïeux nous ont laissé. connue et mondialement établie. Je transmets les valeurs reçues à

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répandue par le colonisateur qui a exporté sa perception de l’Afrique. Ainsi, ce qui a échappé à l’œil occidental (parce que pas africain) n’est pas présenté de manière spontanée comme étant africain. L’Afrique que je présente essentiellement à travers mes bijoux est l’Afrique subtile, silencieuse, discrète, profonde, celle des initiés. C’est ce que j’appelle l’Afrique profonde. Celle où l’on parle par symboles. L’Afrique de l’apprentissage, de la connaissance profonde, où le KinianPli (le tam-tam parleur akan) est compris. C’est toute l’essence de la collection Adinkra. Celui ou celle qui connaît la culture akan, ses symboles, comprendra la portée du bijou Adinkra, qui est bien un bijou africain. Aflé Bijoux est une invitation à aller plus loin. Comprenons les messages véhiculés par nos symboles. Parlons la langue de nos ancêtres.

Entre Allemagne, États-Unis, Afrique, diaspora... Quelles réactions des clientes vous marquent ?

O. K. W. : C’est très gratifiant de voir que des femmes et des hommes apprécient mon travail. Cela dit, la réaction que je reçois souvent lorsque j’expose et qui me marque toujours est la suivante : « C’est beau, c’est fin, on ne dirait pas que ce sont des bijoux africains. » Là, mon sang fait trois tours dans mon corps car cela

Une dernière question... Vous-même, quel symbole adinkra vous parle le plus ?

O. K. W. : C’est une question très difficile car j’aime plusieurs symboles. Cependant, je dirais le symbole Obaa Pa (présenté en publicité) qui représente la femme idéale. J’aime ce symbole pour sa beauté géométrique, mais aussi pour sa maxime qui dit que « la femme idéale copie sa mère dans

le foyer ». La réussite de la femme akan est donc un processus et non un état, car elle provient de toutes les femmes qui l’ont précédée. C’est un processus perpétuel qui est représenté par les formes géométriques qui se succèdent de manière continuelle dans le symbole. Ce symbole est très important car il souligne le principe matrilinéaire de la culture akan. •

L’application en tant que telle complète avant tout la nouvelle collection Adinkra, le but étant de lier le savoir traditionnel aux bijoux de la collection. L’idée d’une appli m’est initialement venue lorsque la question de l’impression des symboles et de leur signification s’est posée. Elle présente les significations et les proverbes de cent trente symboles adinkras. Chaque pièce de la collection Adinkra est un symbole ; je trouvais intéressant qu’une carte présentant le symbole accompagne le bijou correspondant. Disponible sur les smartphones et les tablettes, directement à porter de main, les clients s’informent sur un symbole avant de l’acheter. La collection Adinkra est synonyme de culture, d’héritage, mais également de lifestyle intégrant les symboles dans notre style de vie. L’application s’adresse à toutes les personnes qui s’intéressent aux symboles adinkras et à la culture akan. Une partie des revenus de l’application sera reversée au Center for Indigenous Knowledge Systems (CEFIKS) à Accra, au Ghana, qui œuvre pour la préservation de la culture akan. Disponible sur Apple Store et Google Play.

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MODE

Cet été 2020, tant attendu en cette période de pandémie, sera sans nul doute l'un des plus fashion et engagés des dernières saisons. Coïncidence ou pas, la Fashion Week printemps-été 2020 aura été marquée par la volonté des créateurs de montrer leur engagement pour une mode plus éthique. Entre la lutte contre le changement climatique, la tendance sustainable (développement durable) et le retour en force des années 1970 et 1990, cet été 2020 restera dans les mémoires des fashionistas, mais aussi du grand public.

POUR QUELLE

TENDANCE ALLEZ-VOUS CRAQUER CET ÉTÉ ?

1970S' SPIRIT

Par Prisce H.

BERMUDA SHORT/ TAILLEUR BERMUDA

Saint Laurent

Valentino

Philosophy

On craque sur le côté boyish du smoking version bermuda : l’une des tendances phares de la saison. Pour un look masculinféminin sophistiqué, on porte le tailleur bermuda avec une blouse légère ou un top court style 90s. Pour un effet girlboss assumé, on ose le total look smoking avec des chaussettes longues et des escarpins assortis.

Alberta Ferreti

ROBES FLOWY

VINTAGE DENIM

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Zimmermann

Versace

Etro

Sies Marjan

Givenchy

Rochas

Elie Saab

La folie et liberté des 1970s étaient présentes sur tous les podiums, et ce pour notre plus grand plaisir. Disco vibe avec les vestes en velours, lunettes rondes et pantalons pattes d’eph’ pour une attitude funky. Ou alors, mettez-vous en mode festival et sortez les looks bohèmes avec frange, foulard sur la tête ou autres robes amples... Free your mind !

Retour en force du denim, mais version 1970s ou 1990s. Coupes flare, jupes longues ou encore total look denim, cette tendance plaira au plus grand nombre. Pour un look stylé sans forcer, associer deux pièces denim de coloris différents : cela apporte du contraste et de la profondeur à la tenue.

Cet été, les robes sont fluides, légères et vaporeuses. Elles ont un côté très romantique et rappellent les balades sur la plage... Coté coupe, on note les robes flowy à col américain ou asymétrique : parfait pour mettre en valeur les épaules bronzées de l’été. Ou alors, optez pour des robes en mousseline aux motifs à pois ou à fleurs, encore très tendance cette Etro année.

Alberta Ferreti

Brandon Maxwell

Dior

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MODE

CROCHET

COSTUME BLANC

Définition du chic et de l'élégance, le costume blanc est une grande tendance cet été. En soirée ou en rendez-vous, vous ne passerez pas inaperçue avec ce look masculinféminin assumé. Les fashionistas le porteront avec une veste oversize ou déstructurée, ou avec un gilet d'homme et des escarpins. Prêtes pour les white parties de l'été ?

Giambattista Valli

Jonhatan Simkhai

Inspirée des 1970s et des tenues portées dans les Caraïbes, la tendance crochet se décline sous toutes les formes : tops courts, robes filets vues chez Isabel Marant, ou encore sacs et espadrilles. Le crochet version fashion se veut sexy et nostalgique à la fois.

Isabel Marant

Rejyna Pyo

MICROSHORT

À l'opposé des bermudas shorts, les microshorts sont une autre tendance de cet été. Dans une ambiance rock et sexy glam’ chez Saint Laurent, ou très estivale et hippie chic chez Isabel Marant. Dans tous les cas, l'été sera chaud !

Gabriela Hearst

Versace

Dolce & Gabbana

Badgley Mischka

Versace

Ermanno Scervino

BRALETTE OUT

Revival des années 1990 et des chanteuses comme Aaliyah, la bralette n’est plus qu’un simple sous-vêtement. En 2020, la bralette est visible et se porte sous un blazer oversize ou par-dessus une chemise. Ou alors, on ose carrément le look en portant la bralette comme un top court, que l'on associe avec une jupe ou un jean taille haute.

Dolce & Gabbana

Isabel Marant

TROPICAL

Laquan Smith

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Boss

Dion Lee

Prabal Gurung

Le défilé iconique de Jennifer Lopez pour Versace avait donné le ton : cet été sera tropical et caliente ! Motifs palmiers, transparence et tonalités tropicales feront la joie de nos dressings cet été. Entre esprit Saint Laurent d'aventure et tendance green, le sentiment d'évasion sera garanti. Allez-vous succomber à la jungle fever ? •

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Huilesl’été

BEAUTÉ

CORPORELLES ET CAPILLAIRES POUR Elles sont les stars des beaux jours : des huiles qui, en plus d’adoucir la peau et/ou les cheveux, les parent d’un voile délicatement parfumé. Tour des nouveautés... dont vous ne vous passerez bientôt plus !

Avec 90 % d'ingrédients d'origine naturelle, dont l’huile de marula nourrissante et assouplissante et le mica embellisseur, elle illumine la peau d'un irrésistible hâle doré ! Huile sèche sublimatrice, Sephora Collection, 100 ml, 12,99 €

Plus de 50 % d’huile d’Argan, pour une peau nourrie, sublimée et apaisée après un bain de soleil, et des cheveux satinés. Mention spéciale pour le sillage frais et pétillant dont elle nous pare ! L'Huile extraordinaire L'Or Bio, Melvita, 50 ml, 16 €

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Une synergie de plus de cinquante huiles végétales bio illuminatrices et réparatrices, pour une formule multifonction bio au toucher sec et au parfum addictif ! Huile visage, corps et cheveux Oil Lala, oOlution, 100 ml, 35 €

Avec une à deux applications par jour, les peaux les plus assoiffées retrouvent rapidement souplesse et élasticité, et les cheveux malmenés par les agressions estivales débordent de vitalité. Huile sèche corps & cheveux, Apicia, 100 ml, 26,90 €

Ses vertus hydratantes, nourrissantes et réparatrices en feront l’allié indispensable de votre été ! L’Élixir de Capucine sublime les peaux hâlées, redonne souplesse et douceur aux peaux sèches et apporte brillance aux cheveux abîmés ! Élixir de Capucine, À La Claire Fontaine, 100 ml, 31,70 € Riche en huiles de graines de kukui et de macadamia, cette formule onctueuse, mais légère, apaise et nourrit instantanément, pour une peau à l'apparence saine et rajeunie, et un grain sublimé. Huile de rose hydratante, Laura Mercier, 30 ml, 71 €

Nourrit et sublime intensément grâce à son actif star, l’huile de noisette riche en acides gras essentiels, et les huiles végétales bio de sésame, carthame et tournesol, pour améliorer la souplesse de la peau. Huile corps nourrissante régénérante, Nuxe Bio, 100 ml, 32,90 €

Comble de la sensualité : un parfum ambré décadent, et des reflets d'or et de feuille de platine qui subliment la peau d’un scintillement délicat. Huile scintillante pour le corps Soleil Blanc, Tom Ford, 45 ml, 42 € Véritable soin réparateur, ce spray a été formulé pour faciliter le démêlage et le coiffage. Sa formule réparatrice lisse la structure des cheveux et permet de limiter les frisottis. Huile réparatrice Argousier bio, Logona, 75 ml, 16,35 €

Amie des peaux sèches, sensibles et/ou matures, elle est aussi hydratante que tonifiante, raffermissante et régénérante. Les cheveux fragiles l’adorent également, pour le volume, la douceur et la brillance qu’elle leur apporte. Huile végétale bio Chanvre, Ladrôme Laboratoire, 100 ml, 15,35 € BLACK BEAUTY CELEBRITIES #004 • 2020 • 47


Crédit photographique : © Eben Odonkor

BEAUTÉ

Éclat

Halte au teint grisâtre ! On ré veille tout ça avec des soin s adaptés, un traitement de ch oc pour s’offrir une mine éclata nte tout en douceur, et sans décaper sa précieuse peau !

UN GOMMAGE DOUX ET PUISSANT

SÉRUM, LE MUST-HAVE !

L’indispensable pour redonner de l’éclat à votre visage, c’est bien le gommage qui élimine les peaux mortes, responsables de la grisaille du teint. Choisissez une formule douce qui désincruste efficacement les pores et permet l’oxygénation de l’épiderme. En prime, les acides de fruits réduisent les taches brunes et uniformisent la texture de la peau. Gommage enzymatique Yo Glow Wishful, Huda Beauty (en exclu chez Sephora), 39 €

Pas de routine beauté complète sans sérum qui, en plus d’apporter ses propriétés concentrées, aide à booster les effets de la crème de jour ou de nuit. Riche en vitamines, il uniformise le teint, estompe les irrégularités et dynamise la peau. Également hydratant, il lisse et assouplit la peau, renforçant davantage son éclat. Concentré éclat-vitalité Soskin, 45,50 €

UNE LOTION, MAIS PAS QUE !

Une lotion, c’est bien... Un peeling vitaminé qui exfolie la peau en douceur, sans jamais l’agresser, c’est encore mieux ! Plus qu’un simple tonique, optez pour un véritable soin enrichi en vitamine C antioxydante, qui contribue à neutraliser les radicaux libres. Ceux-ci causent en effet un stress oxydatif qui, en plus de ternir la peau, creuse les ridules. My Payot Peeling Éclat, Payot, 23,50 €

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LA NUIT, ON RENOUVELLE LES CELLULES !

Le soir, offrez-vous une cure de deux semaines d’acides pour parfaire l’exfoliation de votre peau et favoriser le renouvellement cellulaire. Deux semaines, pas plus, au bout desquelles elle deviendra plus uniforme et éclatante, ridules, imperfections et autres taches estompées. Night Switch PHA/AHA, Lixirskin, 25 €


BEAUTÉ

UN SOIN DE JOUR ? ÉNERGISANT, S’IL VOUS PLAÎT !

Et si vous remplaciez votre soin de jour classique par une EE (Energy Enhancer) crème ? Concentrée en actifs hautement énergisants et détoxifiants, elle a la particularité de réveiller la peau tout en l’aidant à lutter contre les attaques du quotidien... sans oublier l’hydratation, bien entendu. Comble de la perfection, elle est dotée d’un SPF pour protéger des effets néfastes du soleil, et d’une teinte encapsulée qui se libère au contact de la peau et s’adapte à toutes les carnations, de la plus claire à la plus foncée. EE crème à l’orange sanguine, Bernard Cassière, 25 €

Crédit photographique : © Godisable Jacob

DES YEUX DÉFATIGUÉS

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Parce qu’un regard fatigué joue un grand rôle dans l’effet « mauvaise mine », n’oubliez pas de miser sur un soin contour des yeux qui défroisse, hydrate et tonifie. Pour en renforcer l’effet, appliquez-le en un léger massage du bout des doigts, en tapotant du coin interne de la paupière inférieure à l’externe. Pour encore plus d’efficacité, vous pouvez le conserver au réfrigérateur, le froid ayant un effet drainant et décongestionnant. Gel yeux vitaminé hydratant défatigant, Jowaé, 14,90 €

AUX GRANDS MAUX, LES GRANDS REMÈDES !

Le glow, vous en avez besoin là, tout de suite, maintenant, après À VOS MASQUES ! une courte nuit ou avant un renEn complément d’une routine biquotidienne minutieuse, offrez dez-vous important ? Il existe des solutions d’urgence : un élixir à votre peau, une à deux fois instantané qui illumine votre par semaine, un coup de boost visage en quelques secondes, top illuminateur grâce à un masque. chrono, pour un effet qui dure On les aime en tissu pour leur côté pratique : laissez pénétrer le huit heures. Vous pouvez également opter pour un fluide enlumisoin le temps indiqué, avant de retirer et masser pour faire pénétrer neur ou une poudre lissante, qui l’excédent... et à vous le teint frais, vous apporteront immédiatement la dose d’éclat désirée. éclatant, naturellement ! Ampoules Lifting, Coup d’Éclat, Masque en tissu au Citron 7,50 € la boîte de 3 ampoules illuminateur, Blancrème, 5,90 € POUR PARFAIRE SON TEINT...

Beauty Amplifier, poudre lissante éclat, Sephora Collection, 14,99 €

Wonderful Cushion, enlumineur visage éclat naturel, Sephora Collection, 11,99 €

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UN PREMIER ROMAN POUR

« S’ACCORDER AU RYTHME DE SES ORIGINES »

Quand le service presse Gallimard nous a proposé le premier roman d’une jeune écrivaine, nous avons bien sûr accepté, en nous disant « pourquoi pas ? » Méfiance du préjugé avouée, un livre sur la dépigmentation ? « Mais Asya Djoulaït n’est pas ivoirienne ! » Et pourtant, quelle claque ! Cette jeune enseignante en Seine-Saint-Denis a écrit un roman qui plaît et qui interpelle dans un langage vrai et pétillant. Son héroïne, Céleste, nous pourrions la rencontrer entre le quartier SaintGermain et Château d'Eau à Paris. Étudiante, elle vit avec Oumou, sa mère aimante « qui sent les cendres » et « qui est à la tête de la plupart des magasins de “Tchatcholi” ». Le ton est lancé, le thème aussi, « le genre de pommade pour être “Kpata” », entendez « plus belle »... Mais comment avouer à sa fille que la couleur noire n’est pas le modèle de beauté qui inspire le respect ou l’amour ? Entre français « académique » et nouchi, l’argot ivoirien, Asya signe

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là un roman empreint de réalisme, de couleurs, des aspirations de cette population exilée qui vise le meilleur pour ses enfants, la fameuse « intégration », quitte à cacher la honte provoquée par des blessures identitaires. Noire précieuse est le récit de cette découverte avec l’urgence de connaître ses racines par un voyage sur la terre des ancêtres afin de découvrir la liberté d’être soi, « choisir ses chaînes en sachant que faire partie d’une lignée n’est pas un fardeau [...] et s’accorder au rythme de ses origines ».

INTERVIEW

NOIRE PRÉCIEUSE

père qui me contait des histoires de façon très vivante. À 22 ans, je me suis posé la question de l’écriture car j’avais quelque chose à raconter, à faire entendre. L’aboutissement de mon premier écrit m'a procuré une grande joie.

© FFRANCESCA MANTOVANI DR GALLIMARD

LECTURES

Un premier roman publié dans une collection prestigieuse, Continents Noirs, chez Gallimard, c’est une belle reconnaissance, non ?

Asya Djoulaït : Une belle reconnaissance, une fierté et surtout la chance d’être accompagnée dans cette belle aventure par un directeur de collection, Jean-Noël Schifano, qui croit en ses auteurs et en leurs œuvres. Vous êtes jeune et déjà plusieurs prix remportés : d’où vous vient ce goût pour l’écriture ?

A. D. : J’ai eu la chance d'avoir un

Votre écriture est qualifiée de « pétillante »... Et en effet, on est loin de s’ennuyer en vous lisant ! D’où vous vient cette énergie du langage ?

A. D. : Je suis une amoureuse des textes francophones. Les œuvres d’Ahmadou Kourouma, de Dany Laferrière, par exemple, m’ont fait comprendre qu’il est possible de dépoussiérer la langue française. J’aime quand il se passe quelque chose dans la langue. C'est ce que j’essaie de produire dans mes textes : de l’étonnement, un émerveillement.

Pourquoi ce thème ? Avez-vous été confrontée dans votre entourage à cette problématique ?

A. D. : Le « colorisme » est un leg de la colonisation. Au Maghreb, en Asie, en Inde, plus la peau d’une personne est claire, plus elle sera considérée. Cette idéologie raciste n’a pas quitté le sol africain en même temps que les colons. La psychologie collective a été traumatisée : encore aujourd’hui, la couleur sombre est appréhendée comme un marqueur identitaire péjoratif, associé aux classes socioéconomiques et culturelles les plus défavorisées.

À qui destiniez-vous ce livre ? Mamans ou enfants de mamans « dépigmentées » ?

A. D. : À tous ceux qui ont l’intuition que notre chair, notre sang sont porteurs d’une mémoire qu’on ne peut jamais ignorer totalement. En tout cas, il ne s’adresse pas qu’aux femmes. Les hommes aussi se dépigmentent la peau. Par ailleurs, ils sont nombreux à nourrir l’idéologie coloriste. À l’origine du traumatisme de mon personnage, Oumou, il y a un homme, qui ne la considérait pas, parce que trop foncée.

A. D. : Je me suis laissé porter par des personnes qui m’ont fait confiance, qui m’ont raconté leurs histoires migratoires, leurs luttes pour la survie, le rapport avec le pays d’origine. En somme, j’avais envie de dire la quête de tranquillité, plutôt que d’identité. Vous-même, avez-vous été confrontée à cette question d’identité ?

A. D. : Presque quotidiennement. Mais ça, c’est une autre histoire.

Pourquoi avoir ancré votre livre avec des personnages ivoiriens ?

A. D. : Je me suis d’abord intéressée au nouchi, que l’on entend si l’on tend l’oreille du côté de Château d’Eau. Le nouchi est un argot qui mélange le français à plusieurs langues de Côte d'Ivoire, il est apparu au début des années 1970 et il continue de se développer. Je veux faire entendre des voix nouvelles. Le nouchi s’inscrit pleinement dans ce désir. J'ai donc d’abord choisi des voix, avant de m’intéresser aux origines de ces porteurs de voix.

Est-ce aussi en vue d’un public jeune auquel vous désirez vous adresser ?

A. D. : Pas seulement mais, évidemment, j’aimerais que les plus jeunes se sentent concernés par ce qui s’écrit et par ce qui se dit. Pour ce faire, mieux vaut éviter les images éculées et les sonorités trop « ronronnantes », parfois synonymes d’ennui. L’écriture dynamique, condensée, voire nerveuse, permet de conserver l’attention du lecteur, qui se laisse donc plus aisément porter jusqu’à la fin de l’histoire.

Au-delà du blanchiment de peau, c’est toute l’identité que vous remettez en lumière.

La dépigmentation est un problème de santé publique. Les groupes communautaires se multiplient, la page Facebook « Née noire devenir blanche » compte des milliers de membres. D’après un article du journal Le Monde, d’ici à 2024, les profits issus de l’industrie du blanchiment de la peau pourraient atteindre vingt-cinq milliards d’euros à l’échelle mondiale. Dans le même temps, nous apprenions, il y a quelques mois, qu'une femme était morte à la suite d'une césarienne, sur sa table d’accouchement. Les médecins étaient dans l'incapacité de recoudre une peau trop abîmée par les produits éclaircissants.

On est surpris d’une telle connaissance d’Abidjan, de ses codes, de son langage... Comment avez-vous appris tout ça ?

A. D. : Cette connaissance me vient de journées entières passées à regarder, à écouter, à me taire, à parler, à prendre des notes au sein des cafés des quartiers que je décris. J'ai ensuite donné forme à Noire précieuse. Je n'ai rien inventé, Émile Zola nous avait indiqué la marche à suivre : le terrain, le terrain, le terrain. L’enquête précède l’acte d’écriture. Êtes-vous déjà allée en Côte d’Ivoire ?

A. D. : Je n’y suis encore jamais allée ! Quelle joie pour moi de lire et d’entendre des Ivoiriens me dire que mes paysages sont fidèles à


la réalité ! Je suis donc parvenue à imaginer les senteurs, les couleurs et les sonorités d’Abidjan. Je compte m’y rendre très bientôt, et je serai heureuse de rencontrer l’atmosphère que j’ai imaginée. La problématique « d’intégration » se veut universelle... Vous-même, y avezvous été confrontée ?

© FRANCESCA MANTOVANI

LECTURES

Lucky et Tamara Peterson, son épouse

A. D. : Bien évidemment, cette question « d’intégration », ou plutôt de son hétérogénéité en fonction des contextes, s’est posée très tôt dans ma vie. Noire précieuse était l’occasion d’un travestissement de ce que j’ai pu vivre. Céleste, c'est un peu moi, cachée sous la peau. En tant qu’enseignante, comment en parlez-vous à vos élèves ?

A. D. : Assurément, nous en parlons. Ils sont très conscients des disparités liées au milieu social, à la zone d’habitation, à la langue... Ils ont entre 12 et 16 ans et ils portent sur leurs épaules les espoirs des parents, et bien d’autres choses encore. J’essaie surtout de diversifier les textes sur lesquels nous travaillons. Je leur donne à entendre des personnages auxquels ils peuvent s’identifier et dont les modes d’expression leur parlent, par leur apparente modernité. Je veux qu’ils comprennent que la langue est un outil d’intégration. Il ne suffit pas de la manier correctement pour se sentir intégré, ni pour l’être, loin de là. Mais elle donne accès à soi. J’aimerais que mes élèves aient précisément conscience de ce qui se joue en eux. Avez-vous d’autres projets d’écriture ?

A. D. : J’ai en tête d’écrire un recueil de nouvelles, car je m’épanouis dans la forme brève. Je me laisse aussi le temps de construire la structure d’un deuxième roman, dans lequel la question de la filiation réapparaîtrait. •

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LUCKY PETERSON

LE MONDE DU JAZZ PLEURE... À 55 ans, dont cinquante de carrière, le célèbre bluesman a brutalement quitté le royaume des vivants : une terrible perte pour les amateurs de blues, l’occasion de revenir sur son incroyable destinée. Un enfant prodige

Lucky (« chanceux »), ce natif du Mississipi l’est pour avoir vécu une existence hors du commun. Biberonné au blues par son père James Peterson, grand guitariste et propriétaire d’un club de musique où se produisaient des maîtres et maîtresses du genre, Judge Kenneth Peterson, de son vrai nom, a appris des meilleurs. Nul n’aurait prédit qu’à 5 ans seulement, cet enfant prodige, après avoir donné ses

premiers concerts, serait repéré par le grand Willie Dixon, qui a choisi de croire en lui et de le prendre sous son aile. Depuis, tout s’est vite enchaîné. Investi d’une mission

Quelques mois à peine après avoir été découvert par son mentor, Lucky Peterson sortait son premier album, Our Future: 5 Year Old Lucky Peterson. La machine était lancée... pour ne plus s’arrêter. Des disques en son nom, mais également des collaborations avec d’autres artistes qui se l’arrachaient pour sa maîtrise de différents instruments de musique, en particulier la contrebasse, qui lui a valu le surnom de « Mozart du blues »... Rien que ça !

Tantôt accompagné sur scène de son épouse Tamara, chanteuse de soul, tantôt d’autres artistes, il enchantait des spectateurs toujours conquis. En France, dont il illuminait les festivals, il avait prévu plusieurs dates à la fin de l’année 2020... Autant de cœurs brisés, privés de ce génie qui se sentait investi d’une mission : « J’ai l’impression que Dieu m’a mis ici, sur cette Terre, pour une raison, et c’est pour livrer un message – qui est la musique. » Bien trop tôt, il a été rappelé par les anges, qu’il régale désormais au-dessus des nuages, entouré des légendes de la musique parties avant lui. •

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CELEBRITIES

Le 24 mars 2020 s’éteignait, à 86 ans, la légende du saxophone des suites du Covid-19. Une disparition soudaine qui a secoué le monde de la musique, que l’artiste a marqué de sa patte unique. Sa gentillesse et son rire franc résonneront toujours dans nos cœurs...

« Trois kilos de café »

« PAPY MANU » LES LÉGENDES NE MEURENT PAS 56 • BLACK BEAUTY CELEBRITIES #004 • 2020

Né dans un environnement familial mélomane, « Papa Manu » a baigné dans la musique depuis son plus jeune âge. Après un début de scolarité au Cameroun, ses parents l’envoient en France, espérant lui offrir ainsi un avenir meilleur. C’est ainsi qu’à 15 ans, le tout jeune Emmanuel quitte son pays avec, dans ses bagages, trois kilos de café (qui lui ont, plus tard, inspiré le titre de son autobiographie) destinés à payer ses premiers mois de séjour auprès de sa famille d’accueil. Après vingt et un jours de bateau qui l’ont mené à Marseille, il rejoint Saint-Calais. Dans cette ville de la Sarthe où une maison de la culture porte désormais son nom, il s’est investi dans ses études jusqu’à la rencontre qui allait changer son destin. Le jazz, une révélation

Dans une colonie de vacances « réservée aux jeunes Camerounais »

(sic), Manu croise la route d’un autre artiste aux multiples talents, Francis Bebey, qui l’initie au jazz. À Jeune Afrique, il a plus tard révélé : « C’était mon héros, évidemment,

UN MUSICIEN COMPLET QUI AVAIT DE L’OR AU BOUT DES DOIGTS ET DANS LA VOIX, AUJOURD’HUI DOULOUREUSEMENT REGRETTÉ. j’étais amoureux de lui. Il jouait très bien de la guitare et il m’a appris beaucoup de choses. » Plongé dans le genre musical, il n’en est plus ressorti... Il a découvert avec bonheur plusieurs

instruments, les maîtrisant tous à la perfection, jusqu’à tomber en amour avec le saxophone, le complice qui allait faire sa gloire. Consacré à la musique, il s’est moins intéressé aux études, auxquelles il échouait... au grand désespoir de son père, qui a décidé de ne plus lui envoyer d’argent. Devant compter sur son art pour vivre, il a enchaîné les scènes. Une aventure qui l’a mené jusqu’en Belgique, où il a rencontré Marie-Josée, dite Coco, celle qui allait partager sa vie jusqu’à la fin de ses jours. « Mama ko mama sa maka makossa » : un heureux hasard

C’est en Belgique qu’a réellement débuté sa carrière. Manu a enregistré des disques... et la légende était lancée. Par son indéniable talent, il s’est imposé dans le paysage du jazz en Europe. Idole, mais tout aussi fan, se décrivant presque

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Avant la pandémie, il prévoyait de se produire avec la célèbre chanteuse béninoise Angélique Kidjo lors d'un concert au Carnegie Hall pour marquer le soixantième anniversaire de l'indépendance de dix-sept nations africaines. « Il attendait avec impatience le spectacle, a déclaré Angélique Kidjo. Il disait : “Il est temps que nous racontions une histoire d'indépendance.” »

CELEBRITIES

« UN HOMME QUI A DONNÉ LA PREUVE QUE LE JAZZ EST UN INSTRUMENT D’ESPOIR, DE DIALOGUE ENTRE LES CULTURES ET DE PAIX. » Audrey Azoulay, directrice de l’Unesco

comme une groupie des grands Louis Armstrong et Lionel Hampton. En 1972, nouveau tournant dans sa carrière : sollicité pour enregistrer l’hymne pour l’équipe nationale lors de la Coupe d’Afrique des Nations, il y a ajouté une autre œuvre, un peu par hasard : « Nous avons sorti le morceau sur vinyle, et il y avait de la place sur la face B... J’ai enregistré un autre titre que j’avais composé bien avant et qui partait de ce refrain dont les sonorités faisaient rigoler les jeunes : “Mama ko mama sa maka makossa...” » Se réinventer, encore et toujours

Soul Makossa connaît alors un succès aussi phénoménal qu’inattendu sur le continent noir... avant de voyager, rapporté aux États-Unis par les AfroAméricains. Son titre arrivé au pays de l’Oncle Sam, tout s’est accéléré pour « le petit Africain », que l’on s’arrachait désormais outre-Atlantique et que l’on a voulu dans les salles les plus mythiques. Sa composition a été samplée par de nombreux artistes internationaux, dont Michael Jackson pour Wanna Be Startin' Somethin', mais aussi Jennifer Lopez, Rihanna, Jay-Z, Kanye West, Will Smith et d’autres.

Avec Charles Aznavour

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Une reconnaissance mondiale de son talent. Pourtant, il n’a jamais rien pris pour acquis et, à travers ses cinquantedeux ans de carrière, il n’a cessé de se réinventer et de prouver sa capacité à adapter son art aux époques, sans doute l’une de ses plus grandes forces, en plus de son don pour la musique, son travail acharné et sa capacité à diffuser de la joie là où il passait. Tout au long de sa vie, « Papy Groove » n’a cessé de défendre l’universalité de la musique et de s’ériger contre ceux qui le réduisaient à un artiste africain : « Quand tu es musicien, tu ne te dis pas quand tu te lèves le matin : “Je fais de la musique africaine.” Vous vous dites : “Je veux faire de la musique.” Et c'est tout. »

ILS LUI ONT RENDU HOMMAGE... Richard Bona « We are all Manu’s children. »

Youssou N’Dour « Une énorme perte pour l’humanité. »

Franck Riester, ministre français de la Culture « Le monde de la musique perd l’une de ses légendes ; la générosité et le talent de Manu Dibango ne connaissaient pas de frontières. Chaque fois qu'il montait sur scène, il se donnait sans retenue à son public pour le faire vibrer d'émotion. Je pense à sa famille et à ses proches. »

Le chanteur congolais Koffi Olomidé « Manu Dibango, c'est papa légende. Il appartient à tous les pays d'Afrique. Il n'est pas seulement camerounais. C'est un Congolais, il est aussi ivoirien. »

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CELEBRITIES

D’après la source de l’écrivain Arol Ketch

QUI ÉTAIT LE GRAND AMOUR DE MANU ?

« L’HOMME D’UNE SEULE FEMME »

Ode à Coco Elle était mon auvergnate... ma copine, mon adrénaline, ma vitamine, mon viatique. Elle m'a suivi partout, parfois malgré elle, mais incapable de me laisser aller à l'aventure tout seul. Elle a fait des miracles quand il fallait... chaque fois que je rentrais d'Afrique, toujours brisé, parfois ruiné. Elle ne s'est jamais fatiguée. Elle ne s'est jamais offusquée. Je ne l'ai jamais entendue se plaindre. A-t-elle été heureuse ? Elle le disait. 60 • BLACK BEAUTY CELEBRITIES #004 • 2020

MUSIQUE Une dame de l’ombre, comme souvent à l’origine du succès des artistes ! Coco, décédée en 1995, celle pour qui il affirmera « Je suis l’homme d’une seule femme », a sans doute accueilli son fidèle mari, réunis tous deux dans leur paradis musical. Coco était très belle. C’est en 1957, en Belgique, qu’il rencontre MarieJosée, celle qu’il appellera Coco : « C’était aux Anges Noirs, en haut de la ville que j’ai rencontré ma femme. Sur scène il y avait les Jacques Pelzer, Sadi Lallemand, Toots Thielemans... »

Saïna Manotte

Mannequin et actrice, elle le suivra au bout du monde, sur le continent africain d’abord, puis dans ses voyages entre Jamaïque et ÉtatsUnis afin de le soutenir et de vivre auprès de lui. Galères ou joies, elle sera toujours présente à ses côtés, avant même l’immense succès qu’il connaîtra avec Soul Makossa. Et même s’il reconnaît qu’un couple mixte ne posait pas de problème – « On s’est connus en 1957 et il n’y avait pas de problèmes. Les problèmes ont commencé avec les guerres, les indépendances, au Congo par exemple. Même en France, ça se passait bien – le pays où il y a le plus de mariages mixtes, c’est quand même la France » –, avec les parents de Manu, ce ne fut pas simple car ramener une étrangère « au pays » était loin d’enthousiasmer les parents de Manu, profondément ancrés dans la tradition camerounaise... mais ils ont fini par l’estimer. L’album Lamastabastani sorti en 1995, après le décès de sa femme, traduit la souffrance de l’homme et de l’artiste qui a perdu « son ange gardien ». Au milieu des chants religieux gospels du Cameroun, L’Hymne à l’amour d’Édith Piaf et le titre Mouna Maria traduisent toute la souffrance et la perte de la disparition de l’être aimé. •

NOUVELLE VOIX DE LA SCÈNE CARIBÉENNE « POUPÉE KRÉYÒL » BLACK BEAUTY CELEBRITIES #004 • 2020 • 61


MUSIQUE

La musique, pour cette Guyanaise au talent prometteur, est indissociable de sa terre natale, la Guyane. À Paris, venue pour intégrer un master de recherche en musicologie arts du spectacle, Saïna Manotte ressent le besoin vital de composer pour clamer l’amour qu’elle porte à sa terre créole d’origine.

« JE SUIS PROFONDÉMENT CONVAINCUE QUE LA MUSIQUE PEUT INFLUENCER NOS VIES. »

Cela donne un premier titre, Ti péyi, un succès immédiat, auprès du public guyanais d’abord, puis de l’Hexagone. Engagée, elle aime chanter son identité créole et féminine à travers des titres où elle exprime sa créolité. Trois récompenses à la cérémonie des Lindor 2016 de la musique guyanaise la sacrent révélation de l’année, meilleure auteure et artiste de l’année ; son titre Poupée Kréyòl remporte le prix du meilleur album/EP de l’année en 2019. Pianiste et chanteuse, Saïna sort son premier album, Ki Moun Mo Sa (« Qui je suis »), incontestablement la nouvelle voix de la scène caribéenne.

C’est important de livrer qui tu es au public ?

S. M. : C’était important, oui. Ma plus

« poupée » n’est pas anodin, il me vient d’un poème de Damas, Limbé. Te sens-tu une « héritière » de Christiane Taubira ?

S. M. : Oui, je pense pouvoir dire ça ! Je ne m’étais jamais posé la question de cette façon, mais je pense pouvoir dire oui. Elle est une femme qui aime la culture et qui mène des combats justes, un modèle pour moi, alors oui ! As-tu conscience d’être un modèle pour la nouvelle génération, et en particulier la femme noire new generation ?

Ki Moun Mo Sa, un album comme une carte d’identité ? Que souhaitestu qu’on découvre de toi ?

Saïna Manotte : Qu’on voie simplement qui je suis, sans me travestir ou jouer un rôle. La condition et l’histoire des femmes, ça compte énormément pour moi, alors j’en parle. L’histoire des populations noires m’intéresse aussi, alors j’essaie de l’intégrer à mon univers. Ça peut se glisser dans les clips, dans les paroles, dans les rythmes traditionnels. Dans cet album, on entend beaucoup le tambour, par exemple, il peut porter par son rythme la voix de la Guyane, mais aussi des Antilles, de la Jamaïque... La culture, c’est aussi l’identité. Je parle aussi d’amour, parce que je le vis. Et surtout, je veux donner du positif à ceux qui m’écoutent. Je suis profondément convaincue que la musique peut influencer nos vies.

« Rendez-les-moi mes poupées noires qu’elles dissipent l’image des catins blêmes marchands d’amour qui s’en vont viennent sur le boulevard de mon ennui Rendez-les-moi mes poupées noires qu’elles dissipent l’image sempiternelle l’image hallucinante des fantoches empilés fessus dont le vent porte au nez la misère miséricorde »

grande fierté, c’est de réussir à vivre de ma passion sans changer qui je suis. Ce milieu n’est pas facile, alors parvenir à rester soi, c’est une belle victoire ! Léon-Gontran Damas, Aimé Césaire,, tous les poètes de la négritude jusqu’à Frantz Fanon, Édouard Glissant, Léopold Sédar Senghor, Maryse Condé... ont guidé ta jeunesse. À quel moment as-tu pris conscience de ton identité, et en quoi ces auteurs t’ont-ils forgée ?

S. M. : J’ai commencé à lire ces auteurs au lycée, mais je n’avais pas vraiment conscience des pépites que j’avais entre les mains. Plus tard, à l’université, avec un regard plus mûr, j’ai compris que cette histoire était la mienne. Ces lectures m’ont poussée à me remettre en question,

j’ai commencé à vouloir trouver qui j’étais vraiment. J’ai tourné le dos à certaines croyances, par exemple. Que signifie porter haut les couleurs de la Guyane ? Quelles sont ces couleurs pour toi ?

S. M. : J’écris mes textes en créole et en français. Beaucoup d’artistes font le choix de chanter en anglais ou uniquement en français pour être compris de tous. Et à un moment, j’ai dû me poser aussi cette question. J’ai choisi d’amener mon public à ma culture, à mon histoire. Nos langues et nos traditions sont belles, je pense qu’on ne devrait pas les laisser tomber dans l’oubli. Je touche certes moins de monde, mais ceux que je touche voient la richesse de ma terre. Pour nos rites, traditions,

croyances, c’est pareil. Par exemple, dans le clip de Ki Moun Mo Sa, on voit la transmission d’un savoir, celui de concocter un remède traditionnel. Ce sont ces couleurs que je veux porter, des savoir-faire incroyables qui risquent d’être perdus si on ne prend pas conscience de ces richesses. Être loin de la Guyane t’inspire-til des sentiments d’exil ? Cette âme que tu as mise dans ton album, comment la décrirais-tu ?

S. M. : Je ne me sens pas exilée, parce que je m’organise pour passer beaucoup de temps en Guyane. J’y suis très souvent pour voir ma famille et, bien sûr, composer, travailler avec mes musiciens, tourner des clips et donner des concerts. Quand je n’y suis pas, la

Guyane est avec moi grâce à la culture. « Poupée Kréyòl » : comment définis-tu la femme créole ?

S. M. : Je suis totalement une féministe ! J’espère ne plus avoir à l’être bientôt. Cependant, tant qu’il y aura des inégalités, je les dénoncerai et me battrai pour les faire disparaître. En créole, on dit que la femme est un poto-mitan, ce qui signifie qu’elle est le soutien du foyer. À l’origine du mot, le poto-mitan est le poteau central du temple vaudou. Pendant toute mon enfance, j’ai vu des femmes porter des foyers : ma mère, ma grandmère, mes tantes. J’ai toujours admiré leur force et leur détermination. On peut tout à fait être une poupée et une femme de culture Le terme

S. M. : J’en prends conscience petit à petit, et ça m’aide à faire les bons choix. Quand j’hésite à prendre une décision, je me demande : « Est-ce qu’en faisant telle chose, tu donnes un bon exemple à la génération qui te suit ? » Et tout de suite, les choix deviennent plus simples.

On sent une grande culture musicale dans tes chansons. La musique est indissociable des paroles ?

S. M. : Merci, d’abord ! J’essaie de rendre ma musique riche de cultures et d’histoires diverses. Je donne autant d’importance à la musique qu’aux paroles. J’ai choisi de faire voyager avec le côté musical de l’album, grâce aux rythmes traditionnels particulièrement. Mon prochain voyage sera sur le continent africain, j’ai envie d’y découvrir plein de rythmes, plein de rites, plein d’histoires. Ce sera l’occasion d’enrichir ma culture musicale, et pas seulement...

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Horoscope dudéconfinement

ASTRO

Des influences très diverses inspirent tes créations musicales. Si tu devais définir ton style, quel serait-il ?

S. M. : C’est compliqué à définir. J’ai entendu le terme « pop créole », et je crois qu’il se rapproche assez bien de ce que j’ai fait sur cet album. Quelle est la part de ton conjoint dans tes créations ? N’est-ce pas difficile de travailler ensemble ?

S. M. : Maxime compose avec moi. Il est également musicien, alors on se comprend parfaitement. On vit quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre ensemble, quand on n’est pas en concert chacun de son côté. Nous travaillons tous les deux à la maison et ça se passe vraiment bien. « J’adore le live, la musique, ça se vit » : comment penses-tu gérer la situation actuelle ?

S. M. : Je vis de mieux en mieux la situation. Les concerts me manquent terriblement, mais je me concentre sur d’autres projets pour le moment, je continue de créer. Après le confinement, j’ai prévu

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de chanter cet album sur scène en Guyane, aux Antilles, en Haïti, en France hexagonale aussi, bien sûr, et puis j’espère ailleurs. Partout où on voudra l’entendre en live ! Pour le moment, j’en parle aux médias qui s’y intéressent, comme vous ! D’ailleurs, merci... Quelle carrière souhaites-tu ? Un modèle ?

S. M. : Je ne sais vraiment pas. J’ai des objectifs, bien sûr, mais ils sont à moyen terme. J’aimerais donner beaucoup de concerts, continuer de rencontrer du monde, continuer de créer et continuer d’apprendre. Je ne sais pas s’il y aura un deuxième album ou si je chanterai encore sur scène dans cinq ans. Peut-être que je serai en train d’écrire un livre ou de militer pour une cause qui me tient à cœur. En tout cas, je ferai ce qui me plaît et qui m’anime. Des modèles ? Énormément ! Mais ce ne sont pas forcément des chanteuses. Je les cite quand même ? Allez, j’en donne trois : Christiane Taubira, Harriet Tubman, Maryse Condé. •

« Quand je doute, il me rassure. Quand j’ai peur, il m’encourage. Quand j’hésite, il me pousse. La vie m’a donné un partenaire en or. J’ai passé des heures à écrire sous son regard affectueux. J’ai passé des heures au piano, tandis que lui, à la guitare, comprenait chaque élan sans un mot. Des heures à enregistrer, parfois mécontente de moi-même, mais toujours reboostée par ses conseils intelligents. J’ai passé des heures à me questionner, à questionner mon histoire et ma culture. J’ai passé des heures à lire, des heures à rire. Il a su s’effacer parfois pour me laisser le temps de me trouver. » Ki Moun Mo Sa : disponible sur toutes les plateformes de streaming et sur sainamanotte.com Enregistré fin 2019, coproduit avec Aztec Music, cet album de treize titres en français et en créole est le fruit de ses expériences musicales et de sa complicité avec le compositeur et musicien Maxime Bureau, qui n’est autre que son mari.

BÉLIER

21 MARS — 20 AVRIL

Par votre implication et votre envie de bien faire malgré les circonstances, vous avez fait très bonne impression à votre employeur... et votre sérieux pourrait bientôt être récompensé. Sans emploi ? Patience, une belle opportunité se profilera bientôt à l’horizon !

LION 23 JUILLET — 22 AOÛT

L’ère est au renouveau ! La crise vous a fait prendre conscience des nombreux couacs de notre mode de consommation et donné l’envie de vous lancer dans un avenir plus engagé. Une belle résolution à suivre, un pas à la fois !

SAGITTAIRE 23 NOV. — 21 DÉC.

Le manque de vie sociale vous avait tant pesé que, depuis la fin du confinement, vous êtes « tout feu, tout flamme », à papillonner entre les groupes d’amis, et à fêter inlassablement ces retrouvailles tant attendues. On ne vous fera pas la leçon sur les dangers des excès...

TAUREAU

21 AVRIL — 21 MAI

En couple, vous avez vécu le confinement comme une véritable épreuve, dont les tensions ont difficilement été supportables. Bien qu’il soit facile d’attribuer tous les torts au stress de la période, il serait temps d’ouvrir les yeux sur les failles de votre relation... et de prendre les décisions qui s’imposent.

VIERGE 23 AOÛT — 22 SEPT.

La prudence est mère de sûreté, n’est-ce pas ? Alors, plutôt que de prendre des risques inutiles, vous préférez miser sur la précaution et limiter vos sorties et contacts. Les retrouvailles n’en seront que meilleures !

CAPRICORNE 22 DÉC. — 20 JANVIER

Incroyable, mais vrai : grâce au confinement, l’extravertie que vous êtes a pris goût à un mode de vie plus calme et casanier, que vous appréciez désormais... à la grande surprise de vos proches ! Vous savez quoi ? Vous n’avez aucun compte à leur rendre !

GÉMEAUX

22 MAI — 21 JUIN

Vous savez faire preuve de raison : une reprise progressive d’un semblant de « vie normale », tout en faisant attention à respecter, tant que possible, les distances et gestes barrières. Déconfinement réussi, continuez ainsi !

BALANCE 23 SEPT. — 22 OCT.

La solitude et l’ennui vous ont fait faire des gaffes... qui ont mis à mal certaines de vos relations, et que vous arrivez difficilement à rattraper. Sachez faire preuve de patience et d’honnêteté envers ceux que vous avez blessés – et surtout envers vous-même.

VERSEAU 21 JANVIER — 18 FÉVRIER

La période n’est pas la plus propice aux rencontres et, pourtant, une nouvelle histoire se profile dans votre ciel amoureux si vous êtes célibataire. En couple ? L’heure est au doute... et au changement ?

CANCER

22 JUIN — 22 JUILLET

La période du confinement a été l’occasion de remettre en question un ou plusieurs aspects de votre vie... et de vous fixer sur les changements que vous souhaitiez opérer. Ne les abandonnez surtout pas ! Suivez ces envies et réfléchissez désormais aux façons de réaliser ces nouveaux projets.

SCORPION 23 OCT. — 22 NOV.

Au fond, vous êtes encore marquée par les moments difficiles traversés, et terrifiée pour l’avenir... si bien que vous arrivez difficilement à apprécier le présent. Vos émotions sont légitimes, ne cherchez surtout pas à les renier et acceptez de les ressentir, le temps qu’il le faudra !

POISSONS 19 FÉVRIER — 20 MARS

Vous oscillez entre l’envie d’aller de l’avant et les peurs liées au climat angoissant actuel. Pourquoi se précipiter ? Ne cédez pas à la pression sociale et trouvez le courage de refuser des sorties ou rencontres avec lesquelles vous ne seriez pas à l’aise, jusqu’à ce que vous soyez totalement rassurée !

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