n'GO n°35

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C O OPÉ R AT ION AU DÉ V E L OPPE M E N T E T R E L AT ION S H U M A I N E S

“Dire que l’aide a développé une région est un pur mensonge.”

Reginald Moreels Le volon­ tourisme pas toujours charitable

Lutter contre les préjugés par le jeu dans les écoles

Aicha Adahman féministe voilée, la troisième voie

π35 juin 2017


π35

n’GO juin 2017

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| édito Miguel de Clerck

radar P.3 blog-notes P.33 Aminata Traoré

Directeur Echos Communication

Passerelles Aicha Adahman

P.15

Reginald Moreels a développé

outil P.21

Lutter contre les préjugés Du jeu rigolo à un véritable appel d’air

“Dire que l’aide une région est un pur mensonge. ”

interview P.7

COUVERTURE : © ALEXTYPE - FOTOLIA

backstage P.37 Près de chez vous

Ce numéro vous invite à sortir de 3 boîtes enfermantes : paradigmes, préjugés et représentations. Réginald Moreels nous engage à nous libérer du paradigme du développement : « Il ne faut pas aider à développer, mais développer la collaboration », dit-il. Aicha Adahman, questionne la pseudo-égalité femmes/ hommes, à la lumière de son parcours de migrante en Belgique. Sa façon d’apporter sa contribution à sa patrie d’accueil. Aminata Traoré, elle, croise les regards et renverse la représentation : « Il faut que l’Europe sache que c’est l’Afrique qui est en train de l’aider. » Ici, à aucun moment, il n’est question de transferts (de savoir, de systèmes ou de technologies) : il nous faut réinvestir dans l’humain, dans la relation, dans l’estime et la confiance en soi. Et ce, tant au niveau interpersonnel qu’au niveau des règles qui régissent les relations entre continents. À cogiter! n’GO fait peau neuve à la rentrée : vous retrouverez votre lecture préférée avec plus de qualité sous un format plus accessible. D’ici là, toute l’équipe d’Echos Communication vous souhaite un été reposant et ressourçant.

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Black, queer and free! Photo du mois

Découvrez cette magnifique série

© MIKAEL OWUNNA

Mikael Owunna est un photographe américano-nigérian. Son projet Limit(less) met en images et en texte les expériences d’Africains homosexuels, lesbiens, bisexuels ou transgenres (LGTBQ) en Europe et aux États-Unis. À cause de son orientation sexuelle et comme beaucoup de ses semblables, Owunna a grandi avec l’idée qu’il incarnait lui-même une contradiction et qu’être LGTBQ était non africain, une maladie de Blancs. « C’est un héritage colonial néfaste », déclare Owunna. « Les Blancs considéraient les Noirs comme une masse homogène et les Africains ont intégré cela. Pourtant, être Africain a toujours été lié à l’abondance, à la richesse et aux possibilités ! Je dédie ce travail à tous les queer Africans qui ne peuvent s’afficher. Chacun a le droit d’être qui il ou elle est, sans devoir cacher une partie élémentaire de lui/d’elle-même. »


changement de regard

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© LYDIE - FOTOLIA

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Débugge ta langue ! Mawuna Koutonin est écrivain et militant. Il voit dans les logiciels un modèle dont s’inspirer pour apaiser les tensions sociales. Chaque application contient des bugs qui provoquent des ratés, dit-il. Ce qui explique que le débug-

gage occupe tant de place lors du développement des logiciels. Dans la société, il n’en va pas différemment. Les gens utilisent le langage, mais l’application sociale pour gérer la famille ou la carrière présente des bugs. Il se trouve toujours quelqu’un pour dire quelque chose d’idiot ou de blessant. Tout comme dans les logiciels, les gens doivent débugger leurs logique, grammaire et vocabulaire afin d’améliorer leurs interactions. Dans la vie, la

réussite dépend en grande partie de l’habileté avec laquelle nous utilisons notre langue. S’il revient aux parents d’aider leurs enfants à débugger le langage social, les adultes, eux, doivent activement chercher des regards extérieurs pour débugger leur schéma de langage.

http://siliconafrica.com/ debug-your-language/


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© .WIKIMEDIA

changement de regard

avons 360° Nous lu pour vous Inédite, l’idée du revenu universel ? Absolument pas ! Au 16e siècle, l’humaniste Thomas More en rêvait déjà et de nombreuses têtes pensantes l’ont suivi. Utopique et peu exploité ? Encore moins. Partout dans le monde – du Brésil à l’Ouganda, de la Finlande jusqu’en Inde – des communautés se sont penchées sur le sujet. Il y a quatre ans, dans un article engagé, Rutger Bregman plaidait en faveur du revenu universel comme instrument de développement. Un système pervers et coûteux ? Que dire alors de la sécurité sociale qui a dégénéré en un système de contrôle social ? Et que penser de nos coûteuses équipes de Blancs en SUV, envoyées en mission dans le Sud ? Ou de l’argent détourné par des fonctionnaires corrompus ? « Avec un revenu universel, le choix est entre les mains des pauvres. Car nous n’avons aucune idée de ce dont ils ont besoin », résume un travailleur humanitaire. L’argent gratuit aide. Vraiment. À lire absolument.

L’argent gratuit aide http://www.ulyces.co/rutger-bregman/ tout-prouve-que-nous-devrions-donnergratuitement-de-largent-a-tout-le-monde/


changement de regard

6 © YOUTUBE

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| Vidéo du mois

Manitoumani, un cri du cœur Une chanson, un clip… Il y en a des milliers. Et pourtant. Le dernier opus du chanteur français Matthieu Chedid (M) et du musicien malien Toumani, joueur de kora, touche une corde particulièrement sensible. Peu savent

traduire avec tant d’intensité la beauté d’une rencontre authentique. Images, texte et musique se répondent si bien qu’ils nous rendent heureux. Un mariage réussi entre deux mondes : un message de beauté, de joie, de dignité

et d’égalité. Allumez écran et hautparleurs, et profitez !

Voir la vidéo


© MSF/AZG

interview

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Reginald Moreels

Ancien ministre, chirurgien et témoin de guerre

“Dire que l’aide a développé une région est un pur mensonge.”


interview

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1949

| bio

Naissance à Gand

1974

Docteur en médecine (UGent)

1980-06

© FOTOSAGA - FOTOLIA

Reginald Moreels. Un nom qui suggère un “idéalisme engagé”, ce qu’il a souvent dû défendre à contrecourant. Comme ministre de la Coopération au développement dans les années 90 et aujourd’hui comme chirurgien de guerre au Moyen-Orient, Reginald Moreels n’hésite pas à bousculer les codes. « Dans sa forme actuelle, la coopération au développement ne répond qu’à quelques besoins. Elle n’a jamais développé un pays. »

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1994

Spécialisations en Master in Interchirurgie générale national Relaet en médecine tions (ULB) d’urgence et de catastrophe (VUB, KULeuven, UZG)

1995-99

Secrétaire d’État/ ministre de la Coopération au développement

2001-03

Représentant humanitaire dans la région des Grands Lacs (ministère belge des Affaires étrangères)

Depuis 82

Médecins sans frontières : cofondateur de la division belge, président de 1986 à 1994, médecin/chirurgien de guerre en Afrique et au Moyen-Orient


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“Je crois que l’homme naît mauvais et perd lentement cette nature au contact des autres. C’est en soi une vision positive : l’être humain est capable de s’améliorer.”

© MSF/AZG

R

eginald Moreels est partout sur la scène médiatique. Alors qu’il revient à peine de Mossoul et qu’il se prépare déjà à repartir pour le Yémen, la télévision et la presse se bousculent pour interroger le chirurgien au sujet de ses expériences en Irak et en Syrie. « Je dois témoigner, c’est mon rôle. Je suis d’abord chirurgien de guerre, mais mes réflexions dépassent l’humanitaire pur, je réfléchis à ce que l’homme et le monde doivent faire pour avancer. » Moreels a été très touché par les scènes apocalyptiques auxquelles il a été exposé. On n’en sort pas indemne, mais c’est le prix à payer, selon lui : « On n’a jamais le droit de devenir indifférent, de prendre de la distance par rapport à ce que l’autre vit ».


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© ANATOLIYCHERKAS - FOTOLIA

Le respect est définitivement la clé pour vivre ensemble dans la différence. Le Respect et la Responsabilité priment toujours sur la Liberté.

n’GO   Êtes-vous un idéaliste ? « Probablement, mais à ma façon. L’idéalisme en tant que poursuite d’un “idéal dangereux”, où les individus s’accrochent à un rêve et luttent avec violence pour le réaliser, très peu pour moi. Je suis en faveur d’un idéal qui sert simplement à améliorer les choses. Malgré la nature intrinsèquement mauvaise de l’humanité – c’est du moins ce que je crois –, certaines personnes parviennent à dépasser cette nature et à se montrer solidaires”.  » n’GO   Croyez-vous réellement que l’être humain est foncièrement mauvais ?

« Cette question me taraude, oui. L’idée générale veut que l’homme ait autant de bon que de mauvais en lui, mais cette vision ne me satisfait pas. Je veux savoir ce que l’homme est à l’origine : est-il d’abord bon puis corrompu par les expériences et l’éducation, ou naît-il mauvais pour ensuite perdre lentement cette nature au contact des autres ? Je rédige en ce moment un

essai dans lequel j’analyse cette question à la lumière de tous les points de vue possibles : neurologie, psychologie, philosophie, religion, etc. J’ai tellement vu et vécu que je serais tenté de croire en la deuxième option. Mais c’est en soi une vision positive : l’être humain est capable de s’améliorer. J’ai énormément d’admiration pour ceux qui parviennent à reléguer leur mauvaise nature au second plan. Heureusement, on connaît tous de telles personnes dans notre entourage. »

n’GO   Pourquoi continuez-vous à vous engager ? L’idéalisme paie-t-il ?

« Je suis quelqu’un d’engagé, mais je ne me considère pas comme un pur altruiste. Seuls les saints font le bien sans rien attendre en retour. Je reçois des compensations sous la forme de gratitude, d’admiration ou d’intérêt de la part des médias. Mais ce goût de la réciprocité disparaît un peu avec les années, l’approbation des autres m’importe de moins en moins. Vous ne pourrez jamais tout dire de vos histoires et expériences


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L’Occident vit actuellement un moment historique de déclin éthique. Nous sommes devenus un continent particulièrement peu accueillant et le fait que nous n’ayons pas à lutter pour notre survie nous a enlevé toute résilience.

les plus intimes, même à vos proches. Oui, chaque engagement a sa part de mystère qui ne pourra jamais être dévoilée. Et c’est une bonne chose. Mon plus grand moteur est la Curiosité, avec une majuscule : une curiosité énorme pour tous ceux qui pensent et vivent autrement. Je viens récemment de vivre sept semaines avec des musulmans en Irak. Ils ne boivent pas d’alcool, vivent leur foi au travers de rituels quotidiens et ont des habitudes culturelles spécifiques, mais je n’envisage à aucun moment ces différences comme des obstacles. Le respect est définitivement la clé pour vivre ensemble dans la différence. Le Respect et la Responsabilité forment un tout et priment toujours sur la Liberté, qui est un concept relatif : ma liberté s’arrête là où commence la vôtre. La Responsabilité est, quant à elle, absolue. On ne vit qu’à travers le regard et le visage de l’autre. L’autre me fait et me définit. C’est la philosophie du personnalisme, portée par des penseurs tels que Paul Ricœur et

Emmanuel Levinas. Le président français Emmanuel Macron s’inspire lui aussi fortement du personnalisme de Ricœur, son mentor. » n’GO   Le contact avec des personnes fondamentalement différentes, nous le vivons aujourd’hui de près avec la crise des migrants.

« Absolument. Nous devons continuer à gommer les frontières et les migrants doivent continuer à venir ici. Chaque migration rendra notre monde plus tolérant, parce que la tolérance est basée sur la connaissance acquise lors de la rencontre avec l’autre. Si nous voulons cohabiter de manière tolérante, il faudra consentir à des efforts. Lorsque j’étais ministre, je me suis retiré dans l’abbaye d’Orval avec huit penseurs africains pour réf léchir ensemble à un nouveau paradigme pour la coopération au développement : collaborer dans toutes les dimensions pos-

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La théorie à l’épreuve de la pratique : le private for non-profit Reginald croit beaucoup en une forme de développement qui intégrerait un facteur économique et commercial aux projets humanitaires. Il veut démontrer que cette vision peut passer l’épreuve de la pratique au moyen d’un projet private for non-profit qu’il met sur pied avec d’autres acteurs au Bénin et au Nord-Kivu. Le projet vise à créer un service de chirurgie de qualité, associé à une entreprise de matériel médical locale. Une structure juridique est aussi établie : une holding avec une ASBL et une SPRL qui signent ensemble une convention. Les actionnaires reçoivent un dividende, mais 25 à 35 % des bénéfices sont réinvestis dans l’ASBL afin que les pauvres puissent bénéficier de services d’aussi bonne qualité que les riches. L’ASBL doit à son tour veiller à un bon équilibre avantages-coûts. Selon Moreels : « Investir au Bénin comporte des risques, mais la garantie que tout est investi dans les individus est un facteur convaincant. L’honnêteté est ma marque de fabrique. »


interview

© SOLIDMAKS - FOTOLIA

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sibles du terme : économique, culturelle, sociale, humaine…1 Nous devons absolument prendre de la distance avec la rigidité intellectuelle du sentiment de supériorité occidental. Attention, je ne suis pas un altermondialiste : je n’ai pas honte de ma propre culture et ne m’adonne pas à l’autoflagellation. Je reconnais les fautes qui ont été commises, mais ma vision est centrée sur l’avenir. D’un autre côté, je crois que l’Occident vit actuellement un moment historique de déclin éthique,   L’exercice de réflexion a donné naissance à un livre : R. Moreels, J.M. Ela, A. Traoré, M.A. Savané, A. Tévoedjré, E. Wamba dia Wamba, E. Ki-Zerbo, J. Kane-Sy, A. Ould Abdallah, M. Cissokho, T. Verhelst, M. Colpaert, L. de la Rive Box : Seul l'homme peut guérir l'homme 1

comme tous les grands empires qui voient leur essor et leur chute se succéder. Nous sommes devenus un continent particulièrement peu accueillant qui s’accroche désespérément à sa richesse et son mode de vie. Pourtant, cette démocratie qu’on croit fantastique est marquée par beaucoup d’hypocrisie dans notre politique internationale. Pensez au commerce des armes, qui reviennent toujours dans des mains clandestines. Notre sentiment de supériorité alimente l’opinion anti-occidentale du reste du monde. Nous pouvons être très fiers de notre culture, mais il faut s’éloigner de toute forme de domination et de désirs missionnaires. Dans cette chute, nous ne trouverons notre salut que dans ce que le Sud a à nous apprendre : la convivialité, la chaleur humaine et surtout la résilience. Comme nous vivons depuis

longtemps dans la paix et l’abondance, nous avons oublié la lutte pour la survie et sommes devenus foncièrement paresseux. Il faut que nous nous battions pour survivre et développer de la résilience. C’est parce que nous évitons la lutte que nous avons entamé la chute. » n’GO   Vous êtes difficile à mettre dans une case : idéaliste mais pas altruiste, critique mais pas altermondialiste…

« Et j’en rajoute un : activiste non violent, mais pas pacifiste. L’escalade de la violence est l’une des évolutions les plus alarmantes sur la scène internationale, ce que les statistiques prouvent aussi. Je vois de vraies horreurs humanitaires à Mossoul, en République centrafricaine et au Kasaï. La violence y est d’une cruauté sans précédent

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© ALISTAIR COTTON - FOTOLIA

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et déshumanisante. Et pourtant, je ne suis pas un pacifiste pur et dur. Je suis d’accord avec Mandela lorsqu’il dit “face au choix entre lâcheté et violence, je conseillerais la violence”. Mais ceci ne vaut que dans des conditions très strictes : la violence ne peut être utilisée que pour mettre fin à une injustice qui échappe à notre contrôle, comme lors d’un génocide ou d’une violation des droits de l’homme à grande échelle. J’ai vu beaucoup d’atrocités causées par la violence, mais faire la morale ne me tente pas. La violence engendre la violence, elle déshumanise les hommes. Un cœur paisible peut soudainement se remplir d’agressivité s’il voit ses proches abattus devant ses yeux. Il faut être un superhéros pour pouvoir pardonner cela. Mettez-vous à la place de ceux qui commettent les actes de violence, même s’ils ne sont pas beaux à voir. Même si j’ai une expérience extrêmement violente du monde, je ne crois pas en une génération

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Des pays tels que le Congo, le Bénin et le Burkina Faso s’en sortiraient bien avec un entrepreneur aux commandes. Il est impossible de développer ces pays avec l’aide unique des ONG.

perdue. Je fonde mes espoirs dans un avenir où la technologie transhumaine – non, ce n’est pas l’évolution humaine naturelle – fera apparaître de nouveaux individus, un peu moins destructeurs, j’espère. » n’GO   La coopération au développement a-t-elle encore un rôle à jouer dans cette agitation internationale ?

« Oui, mais pas sous la forme dans laquelle elle opère depuis 70 à 80 ans. Le paradigme de la main qui donne et celle qui reçoit reste un modèle qui a la vie dure. Dans les situations d’urgence, l’autre main doit évidemment toujours être là. C’est notre devoir éthique indiscutable. Mais dire que l’aide a développé une région est un pur mensonge. La coopération au développement ne répond qu’à quelques besoins. Seuls les échanges économiques et culturels peuvent amener le développement. Le paradigme doit être

renversé : il ne faut pas aider à développer, mais développer la collaboration. Dans cette collaboration à armes égales, des facteurs commerciaux et économiques doivent aussi intervenir dans les projets humanitaires. Je mets d’ailleurs sur pied un projet private for non-profit de ce type (voir encadré à la p. 11). Comme ministre de la Coopération au développement, je militais déjà en faveur de cette approche et je me réjouis de constater qu’elle se retrouve aussi dans la politique du ministre De Croo. Nous devons en finir avec l’opposition ridicule et intellectuellement pauvre entre le corbeau blanc (ONG) et les vautours noirs (entrepreneurs). Elle est fondamentalement injuste et totalement inefficace. Mes opinions ont évolué au travers des activités commerciales de mon fils, et il a lui aussi de plus en plus d’intérêt pour ma vision sociale. Cette interaction renforce l’entrepreneuriat éthico-social et rend le social plus durable. »

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“Chaque migration rendra notre monde plus tolérant.” n’GO   De nombreux acteurs du développement sont ouverts au changement. Qu’est-ce qui coince alors ?

« Une des choses qui me dérangent dans le monde du développement, c’est le manque déplorable de collaboration. Les ONG sont maintenant bien obligées de mettre en place des synergies, mais celles-ci n’ont guère plus qu’un impact financier. Il n’y a pas l’ombre d’une véritable collaboration durable. Beaucoup croient en cette approche, mais les structures ne suivent pas. Les conseils d’administration de nombreuses ONG sont remplis de “vieux rats” de la coopération au développement alors que ces ONG pourraient bénéficier de structures beaucoup plus flexibles. Sans oublier l’insupportable bureaucratie qui mine le secteur du développement : que des personnes doivent plancher pendant six mois sur un projet pour obtenir des subsides d’État, c’est tout simplement incroyable ! » n’GO   Comment les pays africains

peuvent-ils développer eux-mêmes cet aspect économique ?

« Je suis très optimiste pour l’Afrique. Au Congo, si Kabila laisse de la place au candidat de l’opposition et homme d’affaires

Katumbi, le pays peut vraiment se relever en 10 à 15 ans. Il regorge de matières premières comme les métaux, l’eau et le soleil, ce qui peut en faire un paradis pour l’entrepreneuriat et les énergies alternatives. Des pays tels que le Bénin et le Burkina Faso s’en sortiraient bien avec un entrepreneur de formation politique aux commandes. Un homme d’affaires de ce type a construit lui-même sa fortune et ne doit pas piller les finances publiques. Il est impossible de développer ces pays avec l’aide unique des ONG. Les Africains devront le faire euxmêmes, même s’il est évident que nous devons continuer à collaborer. Comme je l’ai dit : les échanges internationaux et interculturels sont la clé d’un monde meilleur. » n’GO   Vous êtes surtout actif dans le travail humanitaire. Celui-ci connaît-il des règles différentes ?

« Le travail humanitaire et la coopération au développement ont chacun leurs objectifs, mais ne sont pas des mondes séparés. J’essaie de les relier et d’effacer/gommer la frontière entre l’aide d’urgence et l’aide durable (voir encadré p. 11). L’aide d’urgence est notre devoir éthique indiscutable auquel nous ne pouvons jamais nous soustraire. L’aide durable doit tenter de faire progres-

sivement sortir les individus de l’impasse en leur attribuant une sorte de fonds de lancement lorsque l’aide d’urgence arrive à son terme. Avec ce fonds, les gens peuvent créer des entreprises en phase avec leur environnement culturel, qui est très important. Le sujet de la ponctualité, par exemple, est un concept plus relatif en Afrique qu’ici, mais il faut le comprendre dans son contexte. La soi-disant “paresse” africaine est un mythe total. Le climat empêche de travailler à un rythme soutenu, et personne chez nous ne le pourrait. Une pointeuse ne peut pas être un instrument adéquat dans cette culture. Par contre, encourager un travailleur à continuer sa tâche une fois les grands moments de chaleur passés, c’est tout à fait possible. A côté de cela, la démesure du chômage et les régimes qui ne tournent que pour eux-mêmes mettent les gens à terre. Ils les mènent malgré eux à des jobs nonéthiques. » SYLVIE WALRAEVENS

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passerelles

Aicha Adahman

Féministe voilée, à la recherche d’une troisième voie

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passerelles Aicha Adahman

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Passerelles : cette nouvelle rubrique a pour objectif de donner la parole à des personnes issues de l'immigration pour qu’elles partagent la manière dont elles vivent, échangent et cohabitent dans et avec leur société d’accueil. Comment entrent-elles en contact ? Comment surmontent-elles au quotidien les préjugés et la discrimination ? Comment créent-elles des passerelles entre leurs pays d’origine et d’accueil ? Comment se réinventent-elles, contribuent-elles et interpellent-elles ?

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Si, dans notre société, les préjugés et la discrimination peuvent détruire les liens sociaux en éloignant les communautés les unes des autres, il nous semble essentiel de mettre en lumière des hommes et des femmes, qui au quotidien, construisent des passerelles entre leur ici et là-bas, et développent ainsi des capacités à mettre en dialogue des cultures, des histoires, des lieux, des langues…

“Toujours chercher une troisième voie, qui ne soit ni dans la peur de l’autre ni dans le repli sur soi…”

N

ée au Maroc dans les années 70, Aicha Adahman quitte son pays natal à 14 ans pour vivre en Belgique auprès de son père. Cette jeune femme, qui rêve alors de se construire un avenir, vit ce départ comme un bouleversement. Aujourd’hui, ses racines sont profondément ancrées, quelle que soit la tempête, ce qui lui permet d’avoir un pied à la fois dans la société belge et dans la communauté maghrébine. Et d’interpeller les représentations, de part et d’autre. Pour nous, elle revient sur les éléments marquants de son parcours qui l’ont amenée à créer l’association Génération Espoir et à apporter ainsi sa contribution.


passerelles Aicha Adahman

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acheter des bonbons. Dans le quartier, on parle de lui et de sa différence. Prendre conscience de cette cohabitation dans mon pays d’origine m’a aidée lors de mon arrivée en Belgique. © ROBYPANGY - FOTOLIA

Une intuition d’équité homme-femme

L’école comme une chance

Les premiers souvenirs qui me viennent en tête, en pensant à mon enfance au Maroc, sont mes premiers pas vers la connaissance. J’ai grandi dans un petit village dans le nord. L’école étant loin et les conditions d’accès difficiles, elle n’est fréquentée que par quelques garçons du coin. Mon grand-père, pour pallier ce manque, nous réunit chez lui et nous apprend l’alphabet ainsi que les Sourates du Coran. J’ai 8 ans quand mon père prend la décision de déménager en ville pour nous permettre d’aller à l’école. Dans un pays où la scolarité n’est, à l’époque, pas obligatoire, c’est une chance. Si je suis plus âgée que les autres, on me respecte et me reconnait

une certaine sagesse. Je suis la confidente des filles, celle sur qui on peut compter malgré tout.

Premiers regards sur les différences

Je repense ensuite à notre quartier et aux différences qui s’y côtoient au quotidien. Il y a ce prêtre espagnol, qu’on appelle Padre, faisant les cent pas sur le trottoir avec sa Bible. Avec les sœurs, il organise les maternelles alors que notre système ne prévoit une entrée à l’école qu’en primaire. Je regarde, admirative, ces tout petits sortir avec leurs tabliers. Un peu plus loin, il y a aussi un Juif qui tient un magasin très spécial. J’y rentre de temps en temps pour

Je me rappelle, très tôt, dans mon enfance, n’être pas convaincue par les discours traditionnels que j’entends autour de moi, des discours qui marquent la différence entre garçons et filles. Alors quand je vois, dans la cour de récréation, que les garçons s’approprient une partie du territoire, je me révolte et cours au plus vite avec mes copines pour occuper cet espace. Poser un regard juste, d’équité, est une intuition que j’ai presque dès le départ.

Ruptures et continuité

Lorsque j’ai 14 ans, mon père, qui travaille en Belgique depuis 1964, prend la décision de nous ramener auprès de lui. Les souvenirs de cette période sont très vagues. Tout s’est passé si vite. Je ne pense même pas avoir averti l’école. Si je suis heureuse à l’idée de partir en Europe, je me sens stressée aussi. Mes études secondaires me permettent de construire mon avenir. Je veux devenir quelqu’un ! Ce départ vers l’inconnu m’inquiète. Une fois là-bas, que vais-je devenir ? Lorsque nous arrivons en Belgique, nous occupons d’abord une maison de la paroisse. Les Sœurs nous accueillent


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© KAJZRPHOTOGRAPHY.COM - FOTOLIA

“Contrairement aux maisons marocaines, avec les toits en terrasses, ma maison ici a un toit fermé. Je me sens comme en prison.” et nous donnent le matériel nécessaire à notre installation. Contrairement aux maisons marocaines, avec les toits en terrasses, cette maison a un toit fermé. Je me sens comme en prison. C’est aussi un changement de repères d’un point de vue familial. Au Maroc, nous avions l’habitude de tout demander à notre mère, mon père n’étant présent que le temps des vacances. Et tout à coup, elle ne définit plus les règles. Ne pouvant pas décoder cette nouvelle société et ses habitudes différentes, elle nous renvoie à lui. Je ne sais rien d’ici ! Premier jour d’école. Ne sachant pas comment me comporter, je demande aux Sœurs de nous accompagner, mon frère et moi. Il n’y a pas d’encadrement spécifique pour les enfants qui ne maîtrisent pas le français. Si certains professeurs font atten-

tion à nous, je n’ose pas leur dire quand je n’ai pas compris. Je galère aussi avec mon journal de classe et mes devoirs. Pour les leçons théoriques, je m’en sors en apprenant tout par cœur. Sinon, je me fais des copines facilement et retrouve mon statut de confidente, comme au Maroc. Et, comme au Maroc, je suis révoltée par l’injustice, ce qui me vaut un accrochage avec un garçon de l’école. À y repenser, je ne sais comment j’ai osé, alors que je parlais très peu le français et que j’avais très peu de repères dans cette nouvelle société.

Affirmer ma différence

Par la suite, je change d’école, avec l’intention d’intégrer un établissement qui rassemble davantage de jeunes de mon origine. Mais très paradoxalement, c’est


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avec les filles de ma classe qui ne sont pas marocaines que je passe tout mon temps. Je me sens toutefois très différente. J’adhère à un certain système de valeurs et de comportements. Et, par loyauté pour ma culture et ma religion, je ne veux pas transgresser ses codes. Quand je vois mes amies avoir un petit ami ou autre, je me dis : C’est leur culture et j’ai la mienne, même si je trouve difficile de me comporter autrement. Il m’est arrivé d’en vouloir à mes parents (?). Pourquoi notre éducation est-elle comme ça ? Ces reproches se sont apaisés lorsque j’ai réalisé que certaines filles avaient des parents plus stricts que les miens et que, au fond, je me situais au milieu.

Conscience des discrimina­tions et tentatives de réponses

De temps à autre, certains professeurs me lancent des remarques et je sens qu’elles traduisent une dévalorisation de ce que

(?) nous sommes. Lorsque j’effectue mon stage de secondaire, on ne me confie pas les mêmes tâches que les autres. Si j’avais déjà conscience des différences, je ne pensais pas qu’elles puissent mener à un traitement différencié, voire à de l’exclusion ou à du rejet. Alors, j’aime regarder les débats à la télé et écouter les arguments. Quand j’entends ce qui s’y dit sur les musulmans, je me sens en colère. Mais je continue à les regarder pour comprendre ce qui amène les gens à penser cela. Percevoir leur analyse pour, par la suite, pouvoir y répondre. Par ailleurs, je me pose aussi beaucoup de questions par rapport à ma vie et au chemin que je veux choisir. Les discours que j’entends à la maison par rapport au statut de la femme me dérangent toujours. Je décide d’apprendre ma religion pour trouver des réponses par moi-même. Par la suite, je suis une formation en Sciences

“Dans le choix de mon équipe, je fais de la discrimination positive avec l’intention de mobiliser les forces de personnes qui ne me ressemblent pas.”


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islamiques. J’y trouve une réponse. Les hommes tiennent ce discours pour dominer les femmes et décider à leur place. C’est une prise de conscience et je veux pouvoir contribuer à faire évoluer les mentalités. C’est aussi à ce moment-là que je décide de porter le voile. Cela peut sembler paradoxal, mais, à mes yeux, ce n’est pas un acte de soumission, mais un acte de foi. Je suis féministe et voilée.

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Contributions

En 1999, nous créons l’Asbl Génération Espoir pour organiser un soutien scolaire pour les jeunes en difficultés et mettre en place des activités à destination des femmes d’origine maghrébine. L’association est passée par plusieurs étapes avant d’être reconnue par les pouvoirs publics puis agréée pour mettre en place le parcours d’intégration. Dans le choix de mon équipe, je fais de la discrimination positive avec cette intention de mobiliser les forces de personnes qui ne me ressemblent pas. À mon sens, plus une équipe est diversifiée, plus elle est riche, car nous ne réfléchissons pas de la même manière. Nous avons tous un parcours différent et c’est avec ces regards

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personnels que nous allons ensemble construire nos projets. Je souhaite surtout fondamentalement pouvoir donner un espoir aux jeunes. L’espoir qu’ils peuvent être acceptés dans la société pour ce qu’ils sont. Qu’ils aient confiance dans leur société d’accueil. Je veux leur donner un espace d’expression et une responsabilité. Quand certains se plaignent du voile qui n’est toujours pas accepté, je les interpelle : Que fais-tu pour que ça change ? Nous ne sommes pas des consommateurs passifs. C’est l’avenir de nos enfants qui en dépend. Quand on rejette quelqu’un pour sa différence, vers quoi le pousse-t-on ? Par contre, si on l’accueille, peut-être que, par la suite, il sera possible de reconstruire ses croyances. Au-delà des réponses sécuritaires, l’éducation reste essentielle. Nos jeunes sont paumés et ils n’ont pas de lieu où se sentir en sécurité pour se poser et apprendre. Toujours chercher une troisième voie, qui ne soit ni dans la peur de l’autre ni dans le repli sur soi… faire quelque chose pour concilier. AICHA ADAHMAN, PROPOS RECUEILLIS PAR WIVINE HYNDERICK


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Le formateur Pierre Biélande revient du Maroc, où se déroule le programme d’Ecole du Vivre Ensemble mis en place par Echos Communication. L’objectif : former des animateursformateurs marocains dans la mise en place d’animations avec des enfants de primaire. Ces animateurs à leur tour, accompagnent les équipes pédagogiques d’une trentaine d’écoles.

Lutter contre les préjugés

du jeu rigolo à un véritable appel d’air

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Ces animations simples et ‘marocanisées’ ont suffi à créer un espace de dialogue incroyablement riche.

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Deux enjeux sous-tendent le programme. Le premier consiste, grâce à une série d’animations, à amener les enfants à s’ouvrir à la différence, un enjeu prépondérant au niveau de l’intégration, à l’école, des enfants de migrants subsahariens. Le second est d’accompagner les enseignants dans l’appropriation de ces animations. Pierre nous livre ici les retours de terrain qu’il a observés.

“E

motion, surprise et prise de conscience. Tel est mon état d’esprit après mon séjour au Maroc. Je m’y suis rendu pour écouter les retours de la quinzaine d’animateurs qui, surtout en arabe, parfois en français, mènent les animations sur le Vivre Ensemble et les préjugés. A l’unisson, ces animateurs, dont le plus jeune a à peine plus de 20 ans et les plus âgés

frôlent la soixantaine, nous ont envoyé un message simple : « il faut continuer à soutenir ce type de projet dans notre région de l’Oriental », la plus pauvre du Maroc. Pour avoir le privilège de les connaître et de les avoir formés aux animations qu’ils utilisent aujourd’hui, ce qui m’a profondément marqué est le changement qui s’est opéré en eux. Ce qui était perçu, il y a quelques mois à peine, comme des jeux rigolos a pris un tout autre sens lorsque ces animateurs


“Il ne fallait pas grand chose : des animateurs bienveillants, venus de l’extérieur, une participation des enseignants, voire de la direction de l’école, et quelques jeux.”

furent amenés à travailler – de concert avec les enseignants – avec les enfants. Ce que vivent les enfants les a bouleversés. Et pour cause ! Les éclats de rire ont côtoyé les moments d’émotion, de gravité, de sagesse, mais aussi des moments de révolte face à ce que subissent certains enfants. Les témoignages évoquent trop régulièrement des violences physiques et sexuelles1, souvent au niveau familial. Bon nombre d’enseignants qui ne soupçonnaient pas l’ampleur de ces réalités furent estomaqués.   Des propos qui corroborent l’étude menée par l’Unicef au Maroc : « La violence éducative ordinaire : définir, repérer et prévenir dans un contexte de respect de la diversité », 2016, Unicef.

Des espaces de dialogue incroyablement riches

Ces révélations résultent du premier et plus grand impact produit par ces animations : la transformation de l’espace de dialogue sécurisé qui est créé en véritable appel d’air. Il ne fallait pas grand-chose : des animateurs bienveillants, venus de l’extérieur, une participation des enseignants, voire de la direction de l’école, et quelques jeux (voir p.33). Ces animations simples et “marocanisées2” ont suffi à créer un espace de dialogue incroyablement riche. Tantôt

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Les animateurs prennent un canevas de base pour l’animation puis l’adaptent aux réalités locales à travers des exemples ou des phases supplémentaires. 2

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“Ce que vivent les enfants a bouleversé les enseignants. Bon nombre d’entre eux furent estomaqués.” bouleversant, tantôt plein de sagesse. Le même phénomène se produit avec de telles animations en Belgique. La spécificité des écoles publiques de la région de l’Oriental est que des animations de ce type n’y avaient, semble-t-il, jamais été menées. Leur impact a donc été amplifié. Les exemples d’intégration abondent. Tel cet enfant handicapé qui dit aujourd’hui avoir enfin des copains et se déclare bien mieux intégré. Tels ces enfants de migrants subsahariens qui prennent aujourd’hui une vraie place dans le groupe. Le plus cocasse étant ce témoignage d’un animateur qui évoquait un changement de comportement réjouissant. Il avait remarqué, lors de sa première

animation, que, dans les rangs, filles et garçons étaient bien séparés : filles d’un côté, garçons de l’autre. Après un second passage où il utilisa notamment le jeu des dominos, il retrouva les rangs bien mélangés, filles et garçons se côtoyant allègrement. Discussions, débats, changements de représentations, de comportements : l’impact est considérable. Mais ce n’est qu’une partie du chemin. Demain, si l’action s’arrête, ces avancées pourraient n’avoir été qu’un mirage. » PIERRE BIÉLANDE

Pierre Biélande est chargé de projet pour l’ONG Echos Communication. Il est en charge des formations sur la déconstruction des préjugés et du projet de l’École du Vivre Ensemble, qui se déroule en Belgique et au Maroc.


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Quatre jeux de base à faire soi-même Les boîtes Prenez deux petites boîtes. Etiquetez la première Europe, la seconde Maroc. Transformez-les en urne. Prenez une paire de mots (paix-guerre, tolérance-respect, richesse-pauvreté, etc.), donnez-les aux enfants et demandez-leur de placer le premier mot dans une boîte (ex. richesse au Maroc) et, par conséquent, son alter ego dans l’autre boîte (ex. pauvreté en Europe). Demandez-leur ensuite d’expliquer leur choix.

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Qui suis-je ? Parler de soi est toujours difficile. Parler de soi autrement est un art. Demandez aux enfants de choisir trois photos qui parlent d’eux et de raconter leur histoire. Effet garanti.

Le domino genré Formez des paires : un garçon et une fille, par paire. Demandez-leur d’identifier, au-delà des grandes évidences (deux yeux, deux oreilles,

etc.), leurs points communs physiques. Puis demandez-leur de faire la même chose à propos de passions qu’ils partagent, de ce qu’ils ont déjà vécu comme expérience dans la vie, de ce qu’ils aiment (manger, écouter, faire, jouer etc.). Installez un zeste de compétition : le record est de xx points communs. Laissez les enfants papoter. Puis faites-les s’exprimer. Etonnant.

Le Millepotes Prenez deux cents cartes. Sur chaque carte, une petite phrase comme par exemple : « Respecter les autres », « Accepter le point de vue des autres », « Vivre en paix » ou encore « Ne pas imposer son point de vue ». Prenez un plateau avec cinq emplacements et demandez aux enfants de discuter pour savoir quelles sont les cartes les plus importantes pour le Vivre Ensemble. Jouez “l’animateurposeur de questions” et écoutez les enfants. Edifiant. Le jeu existe en français et en arabe.


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Le volontourisme, pas toujours charitable Réflexions sur les stages internationaux dans l’enseignement supérieur

Les téléspectateurs sont fans du concept : de jeunes idéalistes qui partent dans une région précaire pour mettre leurs connaissances et leur savoir-faire au service de la lutte contre la misère. Du feel good pur et dur. Le monde académique en est, lui aussi, friand. En attestent les nombreuses expériences internationales qu’il propose. Cette démarche est-elle totalement positive, ou l’expérience montre-t-elle ses limites ? Les objecteurs cherchent-ils le mal là où il n’est pas (“mais comment donc s’opposer à la charité ?”) ou un débat de fond s’impose-t-il ?


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Si un médecin n’a pas encore accès au marché du travail ici en raison de son manque d’expérience, il ne servira pas vraiment le développement dans le Sud.

L

e volontariat a la cote. La globalisation, une prise de conscience à l’échelle mondiale et la médiatisation de nombreuses crises humanitaires éveillent chez beaucoup de jeunes un besoin de “faire quelque chose d’utile”. De partager leurs richesses et leurs connaissances. Ils plongent dès lors la tête la première dans l’offre de stages internationaux offerts dans le cadre de leurs études. Depuis quelques années, l’Ucos et l’Usos, les organismes responsables du développement à la Vrije Universiteit Brussel (VUB) et à l’Universiteit Antwerpen (UA), offrent aux étudiants sur le point de partir, un large parcours de formation. Celui-ci comprend notamment une réflexion critique sur le rôle du stagiaire, une initiation à la citoyenneté mondiale et à la pauvreté ainsi

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qu’aux inégalités extrêmes. Ils accordent une importance particulière à l’attitude du stagiaire pour garantir la réussite de son expérience internationale.

Piratage commercial

La demande croissant, les universités et hautes écoles se font aujourd’hui concurrencer par les acteurs commerciaux du tourisme. À côté de l’accompagnement des institutions scolaires, une véritable industrie professionnelle s’est développée. Elle propose du volontariat et des stages dans le cadre d’un programme touristique : le volontourisme. Un marché qui génère des profits considérables. Les prestataires commerciaux misent beaucoup sur l’accompagnement pratique et la limitation des risques de sécurité. Et il n’est pas rare non


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En savoir+ Vous pouvez trouver le document très complet relatif au séminaire “Voluntourism in het Vlaams Hoger Onderwijs: effectief en verantwoord?” (Le volontourisme dans l’enseignement supérieur flamand : efficace et responsable ?) organisé par Janus Verrelst de l’USOS et Sebastian Van Hoeck de l’UCOS sur cette page : https://www.uantwerpen.be/images/uantwerpen/container2009/files/ Voluntourism%20Final%20version_MDR%20(002).pdf

Vous retrouverez également le témoignage très franc (en néerlandais) de Daisy Scholte, “Waarom ik spijt heb van mijn vrijwilligerswerk in India” (Pourquoi je regrette mon volontariat en Inde) à l’adresse suivante :

http://www.alldayeverydaisy.com/persoonlijk/waarom-ik-spijt-heb-vanmijn-vrijwilligerswerk-in-India/

Le stage : une contribution responsable ?

La première question qui s’impose est de savoir si, dans l’optique du développement, un stage international d’un étudiant en obstétrique, par exemple, est pertinent. Le travail effectué dans le Sud aura-t-il un impact positif tangible sur la situation làbas ? Les avis sont partagés. Les plus critiques appellent à la plus grande prudence lorsqu’il s’agit de mettre des étudiants au travail dans des environnements fragiles. Bon nombre d’étudiants, en médecine surtout, souhaitent avant tout acquérir de l’expérience pratique. Ils ne s’intéressent que relativement peu à la découverte des réalités locales. Si un médecin n’a pas encore accès au marché du travail ici, en Belgique, en raison de son manque d’expérience, il ne servira pas vraiment le développement dans le Sud. Il arrive qu’une

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plus qu’ils jouent sur la corde sensible. Ils connaissent très peu les personnes qu’ils envoient dans le Sud et ne s’intéressent pas davantage aux compétences et à l’état d’esprit de celles-ci. Une approche aux antipodes des valeurs clés des institutions d’enseignement. Elles qui se préoccupent avant tout de l’impact du séjour des étudiants et leur offrent des parcours de préparation en conséquent. Le secteur académique peut toutefois lui aussi se remettre en question. Lorsque l’on envoie de bonne foi des étudiants dans le Sud, il convient de se demander si tout cela a bel et bien du sens… Le 18 mai dernier, un séminaire rassemblait un grand nombre d’acteurs du monde enseignant flamand soucieux de déterminer si le volontourisme est bel et bien efficace et responsable, dans un contexte scolaire. Un principe que l’Usos et l’Ucos remettent fortement en question.


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personne se jette simplement dans l’aventure, sans aucune expérience du terrain ou prive des étudiants locaux d’une possibilité de stage. Beaucoup s’accordent à reléguer l’intérêt pour le développement au second plan pour mettre l’accent sur la pertinence de l’expérience, dans le cadre de la formation de l’étudiant. Celui-ci acquiert en effet des compétences interculturelles et une connaissance de certains contextes qui pourront lui être utiles dans ses contacts futurs avec des patients ou clients allochtones.

Le contexte plutôt que la théorie

Johan Bastiaensen, professeur spécialisé dans l’inspection et l’évaluation des politiques de coopération au développement, revient sur ses années d’expérience au Nicaragua. Il constate que, parmi la popu-

lation locale, nombreux sont ceux qui perçoivent les stages occidentaux comme une offense coloniale. Pourtant, il ne veut pas les rejeter totalement, « tant qu’on ne les considère pas comme un apport de civilisation ». « Il importe surtout d’apprendre soimême, et la bonne attitude – travailler dans un état d’esprit de respect et sur un pied d’égalité – est la clé du succès. Plutôt que de connaissances théoriques, les stagiaires peuvent se prévaloir d’une connaissance du contexte. Finalement, c’est surtout le Sud qui investit dans nous et pas le contraire. Pour donner une véritable chance de réussite à cette collaboration sur un pied d’égalité, un parcours de préparation tel que ceux offerts par l’Ucos et l’Usos est d’une valeur inestimable, voire une étape incontournable. Et c’est précisément ce que les prestataires commerciaux n’offrent pas dans leur volontariat touristique. »

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“C’est surtout le Sud qui investit en nous et pas le contraire.”


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Les projets trop isolés ou qui ne s’inscrivent pas dans une logique de collaboration à long terme ont peu voire pas d’impact. Ils sombrent vite dans la caricature du développement fly in, fly out.

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Le développement, autrement

Tout le monde ne fait cependant pas l’impasse sur la question de la pertinence de ce volontariat pour le développement. Ainsi, pour Frank Verstraeten, coordinateur de l’Ucos, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, mais plutôt redéfinir le terme “développement”. Et ce, afin d’éviter que certains stages n’aient plus d’autre objectif que de servir de moyen pour acquérir une expérience. Et Verstraeten d’ajouter : « Si l’objet de développement n’est pas le Sud mais le monde, un stage a bel et bien son intérêt du point de vue du développement. Il ne faut pas se limiter à l’impact direct que les étudiants exercent sur place. Le partenaire du Sud est souvent intéressé par les connaissances théoriques des volontaires, mais l’est encore plus par les possibilités de réseautage. Il souhaite intégrer une plus grande structure et l’étudiant fait alors of-

fice d’intermédiaire. Si l’on considère ceci dans une vision large du développement, il y a toujours un réel intérêt pour le développement ». En revanche, selon Verstraeten, un enseignement qui contribue à la commercialisation de ses missions clés – la combinaison de formation et d’engagement global – pose question. La première préoccupation d’une entreprise commerciale est de générer du profit. Et des études montrent que l’on accorde très peu de place à la remise en question de l’impact des expériences sur le Sud et sur les responsabilités communes.

Des hubs de volontaires

Comment jeter des ponts entre ces considérations critiques et la demande croissante d’internationalisation au sein de l’Europe ? Les candidats stagiaires sont-ils trop nombreux pour garantir à tous une expérience riche de sens et une véritable contribution ?


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4 questions à se poser avant de partir

D’aucuns seraient tentés de penser qu’il y a assez de lieux dans le monde où un vrai travail est nécessaire, mais c’est un raisonnement à nuancer. Les projets trop isolés qui ne s’inscrivent pas dans une logique de collaboration à long terme, avec un partenariat honnête, ont peu voire pas d’impact. Celui qui ne sait pas exactement avec qui et comment la collaboration a lieu sombre vite dans la caricature du développement hit-and-run ou fly in, fly out. La coopération très encadrée n’est toutefois pas non plus exempte de dangers. Dans leur volontariat international, beaucoup de jeunes se retrouvent dans de véritables “foyers” de volontaires : des endroits attrayants et

des projets accessibles, avec un va-et-vient constant d’étrangers qui y vivent ensemble “le plus beau moment de leur vie”, mais pas forcément avec la population locale. Il va sans dire que ces environnements laissent le champ libre à la naissance de mécanismes néfastes.

Héros et pauvres gens

On peut encore longuement débattre de l’intérêt des stages internationaux dans une logique de développement ou de formation. Mais il ne faudrait pas non plus négliger une troisième facette de la question. Lorsque les stagiaires reviennent de leur expérience internationale, ils sont por-

Sian Ferguson, une écrivaine sud-africaine, remet sérieusement en question le phénomène de volontourisme. Selon Ferguson, celui-ci peut porter atteinte à l’économie locale, réduire des enfants vulnérables au statut de marchandise et perpétuer de dangereux stéréotypes néocoloniaux. Elle avance néanmoins quatre questions que ceux qui décident de partir avec un organisme commercial devraient se poser : 1. Feriez-vous aussi ce volontariat sans un appareil photo à la main ? 2. Partagez-vous les mêmes valeurs que l’organisme avec lequel vous partez ? 3. Votre contribution pourrait-elle apporter plus de mauvais que de bien ? 4. Vous feriez-vous suffisamment confiance pour exercer une même fonction dans votre propre pays ?

À lire absolument par tous ceux qui souhaitent préparer sérieusement leur départ : https://matadornetwork.com/life/dear-volunteers-africa-please-dont-come-help-youve-asked-four-questions


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“ teurs d’une image auprès du grand public. Et peuvent contribuer au développement d’une vision plus juste et plus nuancée du Sud par l’intermédiaire de blogs, expositions photographiques, médias sociaux ou récits de voyage. Les productions télévisées qui montrent de jeunes médecins se comportant en véritables héros lors d’un accouchement difficile dans un village africain, des professionnels qui partent au Sud à la rencontre de collègues et qui, confrontés à la réalité, enchainent les déceptions… Tout cela génère des chiffres d’audience enviables, mais renforce aussi la vision erronée d’un Sud sans défense face à un Nord omniscient et civilisé, mettant de l’eau au moulin du volontourisme. C’est bien à cela qu’il faut absolument mettre un terme. La mission est évidemment difficile. Car la réalité que les volontaires ont découverte au cours de leur expérience est tellement

complexe que trouver les mots et angles d’attaque adéquats relève du défi. Manon Pigolet, médecin à l’Universitair Ziekenhuis d’Anvers, est d’avis que nous attendons beaucoup de la part des étudiants qui ne font que mettre le nez à la fenêtre. Et on ne peut lui donner tort. Le pavé est jeté dans la mare. Le débat est ouvert. Qu’on l’alimente et le fasse évoluer pour que la forme la plus responsable de rencontre interculturelle finisse par en sortir. SYLVIE WALRAEVENS

Beaucoup de jeunes bénévoles se retrouvent dans de véritables “hubs” de volontaires : des endroits attrayants et des projets accessibles, avec un va-et-vient constant d’étrangers qui y vivent ensemble “le plus beau moment de leur vie”, mais pas forcément avec la population locale.


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Aminata Traoré

Aminata Dramane Traoré est née en 1947. Cette Malienne est écrivaine, femme politique et militante. Ministre de la Culture et du Tourisme de 1997 à 2000, elle a aussi été coordinatrice du Programme des Nations Unies pour le Développement. Aujourd’hui, elle dirige le Forum pour l’autre Mali et est Associate Coordinator de l’International Network for Cultural Diversity. Elle a été choisie en 2005 pour diriger l’International Press Service. Aminata Traoré est également membre du comité scientifique Fundacion IDEAS, le think-tank du Parti Socialiste espagnol.

L’aide au développement, un discours à déconstruire

E

n Occident, des mots tels que “civilisation”, “développement”, “libéralisation” sont les mots-clés utilisés pour décrire les relations Nord-Sud. Or, je pense que, si on fait un état des lieux de la relation Nord-Sud, si on regarde où cette relation a mené, on se rend compte qu’il est de la plus grande importance, aujourd’hui, de dépolluer les esprits, de part et d’autre, et de déconstruire ce discours convenu.

Le “modèle” européen, auto-persuasion d’une supériorité irrattrapable

Alors que l’Occident est dans l’impasse la plus totale, il reste droit dans ses certitudes quant à la supériorité de ses valeurs et de ses insti-


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“Alors que l’Occident est dans l’impasse la plus totale, il reste droit dans ses certitudes quant à la supériorité de ses valeurs et de ses institutions et quant à son droit de piller la planète pour aller chercher des réponses à ses questions.” tutions et quant à son droit de piller la planète pour aller chercher des réponses à ses questions. C’est de cela qu’il faut débattre aujourd’hui. Nous sommes retombés dans une forme de dépendance, de servitude qui passe d’autant plus facilement qu’elle se cache derrière le mot “mondialisation”, qui aurait dû être une aventure heureuse. Notre malheur, en Afrique de l’Ouest, c’est que nous nous sommes approprié ce discours occidental univoque. Nous sommes devenus victimes de l’image que nous nous renvoyons de nous-mêmes. C’est cela qui doit changer.

Croiser les regards pour ébranler les certitudes

Aucune société n’est parfaite. Mais ce qui est douloureux, c’est quand l’autre en face continue de vous dire : “Vous n’êtes rien. Sans nous, vous n’êtes même rien

du tout”. Quand je regarde les débats qui ont agité la scène européenne, notamment autour du TAFTA, je me demande pourquoi l’Europe ne veut pas de ces traités alors qu’elle nous les a déjà imposés. Les Britaniques disent que les Etats-Unis n’ont pas de leçons à leur donner. Mais que font-ils avec l’Afrique ? Que penser du sommet organisé par David Cameron sur la corruption, qui montre du doigt le Nigéria comme le pays le plus corrompu au monde1 ? C’est de la folie. On prend les Britaniques la main dans le sac et ils continuent de dire que la seule réponse au “drame africain” serait la bonne gouvernance. Mais quelle gouvernance ? Au profit de qui ? Quand on nous parle de “l’Afrique   Voir notamment https://www.lesechos. fr/12/05/2016/lesechos.fr/021922988188_ polemique-autour-du-sommet-anti-corruption-organise-par-cameron.htm 1


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“Les Africains doivent construire des économies locales qui marchent et ils doivent alimenter ces économies euxmêmes. Ils doivent faire comprendre que chaque achat est un acte politique dans les circonstances actuelles.” émergente”, on parle de quelle émergence ? De quelle croissance parle-t-on ? Je refuse de continuer l’autoflagellation et de dire que si l’Afrique est passée à côté du développement, c’est parce qu’elle est mauvaise. Mon souci, c’est d’abord le modèle de développement qu’on nous impose : c’est-à-dire un processus extraverti, inégalitaire, guerrier et raciste. On humilie l’autre pour mieux le déposséder. Nous ne pouvons sortir de l’autoflagellation admirative que si l’on donne la possibilité aux gens de jouer au jeu des regards croisés. Il faut que les Africains sachent

aujourd’hui que la solution ne viendra pas de l’Europe. Il faut que l’Europe sache que c’est l’Afrique qui est en train de l’aider. C’est elle qui a besoin de l’Afrique plus que nous n’avons besoin d’elle.

Rompre avec la dépendance

Nous devons absolument rompre avec notre dépendance, surtout dans le cas du Mali : nous sommes un pays enclavé, sahélien, nous n’avons pas de pétrole, nous ne définissons pas le prix de notre coton ni celui de notre or. Tout le monde

connaît la solution : la transformation de ne fût-ce qu’une partie de nos matières premières et la construction d’une véritable économie africaine autonome. Mais avec les règles de l’OMC, on n’a pas le droit de se protéger. Le Mali produit du coton de qualité. Cependant, 93% de ce coton est exporté. Même les tee-shirts ne sont pas fabriqués localement parce que le marché est inondé. Tout ce qui n’est pas consommé au Nord est envoyé au Sud. Donc, nous faisons de beaux tissus, mais nous ne pouvons pas les vendre parce qu’ils entrent en concurrence avec des

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“Il n’y a de richesses que d’êtres humains et toute terre deviendrait nostalgique sans les gens.” produits bas de gamme. Par ailleurs, si on lutte contre les produits bas de gamme, ceux qui n’ont pas de pouvoir d’achat ne pourront plus s’habiller. J’attends avec impatience le jour où les jeunes qui se font tuer sur les routes migratoires comprendront cette problématique de la dépendance et de l’impérieuse nécessité de changer de regard sur nous-mêmes, de changer de comportement économique, de consommer davantage malien et africain et d’échanger un minimum entre pays africains. Nous devons construire des économies locales qui marchent et nous devons alimenter ces économies nous-mêmes.

Nous devons faire comprendre que, dans les circonstances actuelles, chaque achat est un acte politique. Nous pouvons créer des emplois. Nous pouvons aller à l’encontre du désespoir des gens. On peut réenchanter le monde à travers la créativité qui est politique, artistique et sociale. Il nous faut réinvestir dans l’humain. Comme on dit chez nous : “Il n’y a de richesses que d’êtres humains et toute terre deviendrait nostalgique sans les gens”.

Texte adapté de la capsule vidéo Aminata Traoré - “L’aide au développement, un discours à déconstruire”, réalisée par Quinoa : Quinoa propose ses capsules ‘Alternatives’ dans le but de « sensibiliser aux inégalités Nord-Sud et aux impasses de notre modèle de développement, en présentant des pistes d’engagement alternatives, citoyennes et politiques, existant dans notre environnement social direct ». Voir les capsules

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E-zine bimestriel édité par Ec hos Communication Verte Voie, 20 1348 Louvain-la-Neuve - Belgique +32(0)2 387 53 55 Éditeur responsable Miguel de Clerck Rédacteur en chef Sylvie Walraevens Journalistes Wivine Hynderick Pierre Biélande Sylvie Walraevens Création de la maquette Bertrand Grousset Metteur en page Thierry Fafchamps Traduction Bruno Brunetta Relecture Alice Coyette Réalisé avec le soutien de :

Abonnez-vous gratuitement au magazine en cliquant ici Retrouvez Echos Communication sur Internet www.echoscommunication.org


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ent, n ig jo e r e s s e raigné ’a d s e il o t s e d phant.” lé é n u “Quand r e n n o n empris t n e v verbe zambie u ro e P p s e ll e Gilles tif de Sainta ci o Morocco ss a u ss women from y b e Appui au ti d a tr ons ir nous développ andmade fa collaboration, uits En od e. pr ur femimain, H de le e in omie sociale contempora

n avec e collaboratio “Grâce à notr n. C’es so ai m la us à on ne reste pl is qu’o fo la première nous toutes, mais n ja on i io éc ra ct d’ et ur lle et té po co oj ui e ne pr un un souci d’éq k visant un ai travail ! Je ns rie vr on da femimain est ab m n, of ai de lan é m Pi Be la l. cid a dé l’a.s.b. faits à uits vendus en omoment où on e. On a vécu d créé au sein de ciale et écon lité. Les prod bi so em ra n s io du iv de sit r at de po ér ée ainsi de cr propre coop la à renforcer la oc. Nous assis e permettent pense que ce de milieux mmes au Mar iciles mais je s et des giqu onnes issues ff e rs di ive nt mique des fe at pe ai s ér m de op a s ur co n river. O plois po ons des e de Saint-Gille aidé pour y ar tons et souten trop leurs premiers . La commun is riés su de nt ris je rs co lo vo e, iv fa es en at m dé et m oj propre coopér ateliers de fe soutien au pr reprise. Des d’un Leila A a marqué son onde de l’ent à la création qui t s en le m el pas dans le m re d’ s ciè re de an sû fin es et opéra t m es co an m m la fe bu s no de de to ation pour femmes au et la mobirm ce fo an de nd re pe nt ce l’indé aga. ain.com recherchent sentielles à rurale de Regr www.femim la commune mme cartes es lei m e vi lité sociale co e un ur lutte pour jouer dans le

de Putte

Expo 10 ans de coopération Nord-Sud à Saint-Gilles

Cet été, la commune bruxelloise de SaintGilles fête ses 10 ans de coopération avec le Sud. L’occasion pour la commune de mettre en lumière les partenariats noués avec la ville de Berkane, au Maroc, et de Likasi, en République Démocratique du Congo. Une exposition sera organisée pour permettre une meilleure compréhension de l’action publique en matière de développement et de solidarité internationale. Valoriser ces collaborations, c’est avant tout valoriser l’humain, le partage d’expé© Kobe Van

Juillet à septembre 2017 - Bruxelles

riences, la rencontre d’égal à égal entre élus, fonctionnaires et personnel administratif du Nord et du Sud. Cette exposition fait partie d’un aménagement paysager temporaire sur la place Bethléem, de juillet à septembre. Î ÎOù : Place Bethléem, 1060 Saint-Gilles (Bruxelles). Î ÎQuand : 7 juillet – début septembre


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