Israel à l’assaut de l’Afrique

Israel à l’assaut de l’Afrique Par Ahmed JEBRANE

Il est politiquement connu que l’Etat d'Israël déteste perdre.

Membre observateur de l'Organisation de l'unité africaine jusqu'en 2002, date à laquelle il a été dissoute et remplacée par l'Union africaine, Israël ne cessera de maudir feu le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, pour lui avoir refusé le droit de retour à la cité. Sharon Bar-Li, directrice des affaires économiques africaines au ministère israélien des Affaires étrangères, a déclaré que l'établissement du statut d'observateur auprès de l'Union africaine était une priorité de son gouvernement. En tant qu'observateur de l'UA, Israël aura le privilège de s'adresser à l'UA au meme titre que l’etat palestinien, poussant ainsi son agenda en étendant son implication diplomatique en Afrique.

La politique africaine d'Israël est une stratégie à deux volets.

Israël était le pays le plus condamné par l'ONU en 2018. Par conséquent, il a besoin d'alliés pour soutenir ses actes contre les Palestiniens en Israël et dans les territoires occupés à Gaza et en Cisjordanie. L'Afrique compte 54 états internationalement reconnus, ce qui représente un vaste paysage à partir duquel il serait judicieux de dénicher des politiciens et des hommes d'état qui pourraient soutenir l'agenda d'Israël au Moyen-Orient.

Ce qui a mis encore plus mal à l’aise Israel dans sa tentative de phagocytose de l’afrique, est le récent vote africain majoritaire contre Israël à l'ONU en ce qui concerne la récente résolution contre la décision des États-Unis de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël et de déplacer officiellement son ambassade. Et pour jeter plus d’huile sur le feu, l'Union africaine (UA) a donné en 2013 à l'État de Palestine le statut d'observateur auprès de l'UA , alors qu’Israël le perd en 2002.

Bien qu'Israël lutte diplomatiquement pour obtenir ce statut d'observateur auprès de l'Union africaine dans un souci de soutien des nations africaines à l'ONU, la sensibilisation d'Israël aux états africains est nettement moins amicale en ce qui concerne les migrants et les réfugiés africains en Israël. Israël veut finalement être en Afrique, tout en veillant à garder les Africains hors d'Israël.

En effet, Israël mène une politique très peu accueillante et même menaçante envers les réfugiés africains . Netanyahu a qualifié les migrants africains d'infiltrés, qui ont soit le choix de quitter le pays, soit de passer le reste de leur vie dans une prison israélienne. Les migrants reconnus comme victimes de la traite des êtres humains doivent verser 20

pour cent de leurs salaires et leurs employeurs 16 pour cent supplémentaires à un fond public. Le montant est ensuite remboursé après que les migrants aient quitté le pays, une stratégie considérée par les experts comme encourageant les migrants à partir comme l'a déclaré Netanyahu.

Fait intéressant, une politique similaire est adoptée envers les Juifs africains locaux qui souhaitent s'installer en Israël. Malgré le fait qu'Israël ait ouvert ses frontières à des milliers de Juifs à travers le monde au cours de ses premières années, y compris des Juifs africains, il semble que les Juifs d'Afrique ne soient plus nécessaires . Dans les années 1950, l'objectif était de changer la démographie de la région en faveur des Juifs en encourageant les immigrants juifs de partout dans le monde à être plus nombreux que les Palestiniens dans ce qui est aujourd'hui Israël et les zones occupées restantes de la Palestine. Maintenant, on parle de la « menace africaine » un terme utilisé par les politiciens israéliens de divers partis quand il s'agit d'Africains, qu'ils soient juifs ou non.

Les propos de Netanyahu lors du sommet Afrique-Israël au Libéria ont révélé le grand écart de sentiments quand il s'agit de l'Afrique. Il a déclaré au sommet : "Je suis profondément honoré d'être ici aujourd'hui et je vous suis reconnaissant de votre hospitalité." Cependant, il a également qualifié les Africains en Israël de « menace concrète pour le caractère juif et démocratique du pays ».

Compte tenu des controverses entourant les relations et les efforts d'Israël en Afrique, il est frappant de constater le peu d'attention qui lui est accordée dans les cercles universitaires et politiques. Il existe un corpus considérable de littérature qui explore les activités israéliennes sur le continent dans les années 1960, et ces dernières années, plusieurs chercheurs israéliens ont revisité cette période et ont produit des travaux nouveaux et innovants sur sa dynamique et son éthique.

Au cours des années 1950 et même jusque dans les années 1960, Israël a établi des relations avec au moins 35 pays africains. Les liens forts comprenaient une aide à la fondation de colonies de type Nahal, amenant environ 7 000 étudiants pour des cours de formation en Israël, l'envoi de près de 2 000 médecins, conseillers agricoles et économiques, et une importante présence diplomatique dans ces pays. Les guerres de 1967 et 1973 ont mis fin à ces relations et elles ne sont jamais revenues à ce qu'elles étaient réellement.

Les engagements israélo-africains, qu'ils concernent les exportations d'armes, le soutien politique, le lobbying aux États-Unis, la propagande, la gestion des migrations, le développement minier ou agricole, ont un impact sur la dynamique politique et les sociétés en Israël/Palestine et en Afrique. Un autre est que le contrôle du récit autour des activités d'Israël en Afrique a toujours été important pour la hasbara israélienne. Tout au long de l'histoire, les politiciens israéliens et les organisations et acteurs pro-israéliens ont vu dans l'implication d'Israël en Afrique un moyen de remodeler le récit international autour de la situation en Israël/Palestine et de contrer les critiques d'Israël en tant qu'État colonialiste et discriminatoire.

Qui est Israël en Afrique ? Dans les années 1960, l'engagement d'Israël avec les pays africains était à la fois dirigé par l'État et soutenu par une vision nettement « étatique » de la modernisation et de l'édification de l'État. Mais depuis lors, les acteurs privés, dont beaucoup sont d'anciens agents de sécurité, sont devenus des acteurs de plus en plus dominants.

En septembre 2016, Netanyahu a rencontré le président Macky Sall du Sénégal à New York et a annoncé : « Bien sûr, nous avons d'excellentes relations entre le Sénégal et Israël, et nous allons les approfondir. (Lors de la réunion, Netanyahu a rappelé à Sall que Léopold Senghor, le premier président du Sénégal après l'indépendance, s'était déjà rendu en Israël. Ce qu'il a oublié de mentionner à Sall, c'est qu'à la fin, Senghor a estimé qu'Israël n'était pas sérieux au sujet de la paix avec les Palestiniens.)

Israël a été choqué par le fait que l'un des sponsors de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU adoptée en décembre de l'année dernière critiquant les colonies israéliennes était le Sénégal. Un autre État africain, l'Angola, a voté en faveur de la résolution. Les responsables israéliens ont affirmé qu'ils avaient des assurances des diplomates angolais qu'ils s'opposeraient à la résolution. Netanyahu a riposté en annulant une visite du ministre sénégalais des Affaires étrangères en Israël, en interdisant les visites de l'ambassadeur sénégalais non-résident en Israël et en ordonnant l'annulation de toute aide prévue au pays (bien qu'il ne soit pas clair si une telle aide existe). Il a également ordonné à l'ambassadeur d'Israël à Dakar de retourner à

Jérusalem. (Cet ambassadeur n'est pas revenu depuis .)

L'ambassadeur d'Angola a été convoqué à une réunion au ministère israélien des Affaires étrangères pour le réprimander pour le comportement de son pays. (Quand il a quitté le bureau du Premier ministre, l'ambassadeur a découvert qu'il avait reçu une contravention de stationnement. La municipalité de Jérusalem a déclaré que sa voiture perturbait simplement la circulation).

Ensuite, le gouvernement israélien a annoncé que les activités de l'Agence israélienne pour la coopération internationale au développement avec l'Angola seraient arrêtées. Mais encore une fois, cela semble être plus un acte symbolique qu'un acte avec des significations pratiques importantes. Mais il y a une présence israélienne importante en Angola, et il est important de faire la distinction entre ce que fait Israël officiellement (guidé par une politique étrangère), et ce que font les entrepreneurs privés (ou mercenaires ), même s'ils se chevauchent très souvent.

Les années 90 ont été caractérisées en Israël comme la décennie de (néo)libéralisation de ses relations avec l'Afrique. Les pays africains post-indépendance étaient désireux de faire des affaires et en l'absence de relations réglementaires entre Israël et ces pays, de nombreuses entreprises et investisseurs privés israéliens ont afflué vers le continent. Le résultat fut des relations commerciales non réglementées et non supervisées, qui impliquaient souvent une implication directe dans les affaires militaires et gouvernementales.

L'Angola, par exemple, a une présence commerciale israélienne significative . Mais le gouvernement israélien ne mélange pas souvent sa stratégie envers les pays africains avec les affaires commerciales de certaines sociétés et hommes d'affaires du pays. Si c'était le cas, il lui faudrait bloquer les transactions d'armes entre les entreprises israéliennes et le Soudan du Sud (qui incluaient peut-être ironiquement dans ce cas un intermédiaire sénégalais) ou accepter d'exposer les livraisons d'armes israéliennes aux milices rwandaises en 1994, un combat qui était encore qui a eu lieu dans un tribunal israélien.

En juin 2017, Israël et le Sénégal ont annoncé dimanche la reprise de leurs relations diplomatiques, qui avaient été gelées quand le

Sénégal avait co-présenté la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui vise les implantations israéliennes en Cisjordanie.

Pendant le sommet de la CEDEAO au Liberia, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a rencontré Macky Sall, le président du Sénégal. Les deux dirigeants ont annoncé la reprise des relations totales après leur rencontre. Israël renverra son ambassadeur au Sénégal, et le Sénégal soutiendra la candidature d’Israël au poste d’observateur à l’Union africaine.

Ces dernières années, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, aidé par Donald Trump, a cherché à obtenir une légitimité pour Israël au-delà de Washington. Au second semestre 2020, Israël a rétabli partiellement ou totalement ses relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis et Bahreïn au Moyen-Orient, ainsi qu'avec le Soudan et le Maroc en Afrique.

Malgré le départ de Trump, la campagne d'Israël pour la normalisation n'est pas encore terminée – et l'Afrique est particulièrement intéressante. Comme Netanyahu l’a dit aux ambassadeurs israéliens en Afrique en 2017, la majorité contre Israël à l'ONU est composée avant tout de pays africains. Il y a 54 pays. Si vous modifiez le schéma de vote d'une majorité d'entre eux, vous les faites passer d'un côté à l'autre. En modifiant la balance des voix contre nous à l'ONU, le jour n'est pas loin où nous y serons majoritaires.L'une des choses qui ont poussé Israël à revenir en Afrique il y a une dizaine d'années, ce sont les tentatives palestiniennes de mobiliser la communauté internationale pour reconnaître l'État palestinien, ce qui a rappelé aux Israéliens qu'ils avaient besoin du soutien diplomatique de l'Afrique.

Dans un récent épisode de AIAC Talk, l' émission hebdomadaire d' Africa Is a Country , William Shoki et Sean Jacobs ont parlé avec Yotam Gidron, auteur d' Israël en Afrique, de la ruée d'Israël pour l'Afrique . Comme le note Gidron, la présence d'Israël sur le continent n'est pas seulement un phénomène récent. Tout au long de l'histoire, écritil, « les politiciens israéliens et les organisations et acteurs pro-israéliens ont vu dans l'implication d'Israël en Afrique un moyen de remodeler le récit international autour de la situation en Israël/Palestine et de contrer les critiques d'Israël en tant que colonisateur colonialiste. Dans les années qui ont suivi sa formation violente, Israël a tenté de se positionner en tant que membre du monde anticolonial montant. Et aujourd'hui, malgré son rôle

évident d'occupant, Israël tente d’établir des liens avec les pays africains pour protéger Israël des critiques selon lesquelles il s'agit d'un État d'apartheid.

Dans les années qui ont suivi la création de l'État en 1948, Israël a cherché à faire partie du monde anti colonial naissant et a réussi à forger des liens avec des dirigeants postcoloniaux comme le Ghanéen Kwame Nkrumah et le Tanzanien Julius Nyerere. Les réalités de l'occupation israélienne ont détruit ces liens au début des années 1970, alors que les pays du continent – à l'exception de l'Afrique du Sud de l'apartheid – ont coupé les relations diplomatiques. Mais aujourd'hui, comme Gidron le décrit dans l'interview suivante , Israël cherche à nouveau à redorer sa réputation en se retournant vers l'Afrique.

Netanyahu en juillet 2016 est devenu le premier Premier ministre israélien à se rendre en Afrique depuis des décennies. Il a visité quatre pays d'Afrique de l'Est au cours de son voyage , l'Ouganda, le Kenya, le Rwanda et l'Éthiopie. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a souligné, à Nairobi, que l’obtention par son pays du statut d’observateur au sein de l’Union africaine (UA) aurait une «très grande importance».

Les membres observateurs auprès de l’UA ont la possibilité d’accéder à tous les États membres et de s’adresser à eux collectivement.

C’est l’occasion de renforcer les liens politiques avec le continent. Voici l’une des raisons pour lesquelles le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a fait pression pour obtenir le statut d’observateur afin de pouvoir contrer l’influence de la Palestine auprès de l’UA, qui a toujours adopté une position plutôt pro-palestinienne. La Palestine a obtenu le statut d’observateur en 2013, comme la Turquie en 2005.

Les responsables israéliens affirment aussi que leur intérêt pour l’Afrique est motivé par leur intérêt mutuel en matière de commerce, de développement et de sécurité. Ces activités ont également caractérisé leur rayonnement dans les pays d’Amérique latine et d’Asie du sud, en particulier en Inde. La détermination d’Israël à forger de nouvelles amitiés avec les nations africaines dépend toutefois de sa capacité à obtenir de l’ONU un soutien à ses politiques, voire des financements.

Tel-Aviv a investi dans une offensive de charme tous azimuts

sur le continent au cours de la dernière décennie, emboîtant le pas à ses entrepreneurs, qui ont déjà installé de prestigieuses entreprises en Afrique.

Alors que les sympathies africaines ont traditionnellement penché en faveur des Palestiniens, aujourd’hui, de nombreux dirigeants africains sont plus enclins à privilégier leur intérêt personnel, associé à une approche plus pragmatique de la politique étrangère. Cela s’est traduit par des relations de travail avec Israël plus ouvertement publiques, alors qu’elles ont longtemps été beaucoup plus discrètes.

La CEDEAO est un bloc sous-régional qui s'attaque à l'intégration politique, sécuritaire et économique entre les 15 pays membres. En décembre 2016, Jérusalem a accueilli sept ministres et de nombreux autres hauts responsables de plus d'une douzaine de pays d'Afrique de l'Ouest lors d'une conférence agricole en Israël, coparrainée par la CEDEAO et Mashav, l'Agence israélienne de coopération internationale pour le développement, rapporte le Times of Israel.

En 1984, quelque 7 000 Juifs éthiopiens ont été transportés par avion par Israël à un moment où le pays était confronté à la famine et à l'instabilité politique sous le régime de Mengistu Haile Mariam. En 1990, un autre pont aérien important a vu jusqu'à 14 000 autres vols. Aujourd'hui, on estime que quelque 130 000 Juifs éthiopiens vivent désormais en Israël depuis le premier pont aérien de 1984. L'Éthiopie a été l'une des premières en Afrique à établir des relations diplomatiques avec Israël, leurs liens remontant aux années 1960. Le pays a à plusieurs reprises rompu ses liens avec Israël, notamment lors de la guerre arabo-israélienne en 1973.

Ils ont rétabli les liens dans les années 1980 après qu'Israël et l'Égypte ont signé un traité de paix.

Historiquement, les liens entre l'Éthiopie et Israël remontent à très loin. La famille royale éthiopienne, qui a été renversée en 1974, a fondé son droit de régner sur une lignée dynastique remontant au roi Salomon et à la reine de Saba.

En juin 2018, les autorités israéliennes de l'immigration ont annoncé qu'elles avaient commencé à envoyer des lettres aux migrants les informant qu'ils avaient 60 jours pour quitter « volontairement » le pays. Étant donné que beaucoup d'entre eux , les Soudanais et les Erythréens en particulier , ne peuvent pas retourner dans leur pays d'origine par peur

d'être torturés ou de mourir, on ne sait pas où ils iront. Un endroit qui revient sans cesse en tant que destination est le Rwanda, pays d'Afrique centrale.

La relation bilatérale entre le Rwanda et Israël a longtemps été conçue en termes de leurs expériences communes de génocide. Lors d'une cérémonie dans la capitale du Rwanda, Kigali, pour marquer la Journée internationale de commémoration à la mémoire des victimes de l'Holocauste au début de ce mois, un représentant du gouvernement rwandais a déclaré que le Rwanda et Israël sont «unis par une vision commune de lutter contre l'antisémitisme, les idéologies génocidaires et toutes les formes de négationnisme, car nous connaissons les terribles conséquences de ces problèmes s'ils ne sont pas traités. À la lumière de cette profonde perspective commune, les récentes initiatives entreprises conjointement par les gouvernements rwandais et israélien semblent particulièrement embarrassantes, y compris des rapports selon lesquels le Rwanda accepterait des immigrants et des réfugiés africains que les Israéliens appellent des « infiltrés » – voire dérangeants. À la méme annee, Israël a soutenu une initiative controversée menée par le Rwanda « réécrire le récit historique » du génocide de 1994 au Rwanda pour le déclarer un génocide des Tutsis uniquement, déclenchant des accusations de révisionnisme du génocide. Des milliers de Hutus et d'autres ont également été assassinés par des fanatiques hutus. Pire encore, le soutien d'Israël à la résolution aurait été motivé par son désir d'expulser des dizaines de milliers de demandeurs d'asile africains vers le Rwanda, un programme cruel et raciste auquel s'oppose un nombre croissant d'organisations juives traditionnelles dans le monde.

Le 26 janvier 2018, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution visant à réviser la journée internationale de commémoration afin de remplacer les références au « génocide au Rwanda » par le « génocide contre les Tutsi au Rwanda ». En réduisant le langage pour spécifier les Tutsis comme cibles du génocide, cette décision a été interprétée comme « minimisant » la mort des Hutus et d'autres qui avaient été tués pour avoir refusé de se joindre aux massacres. C'est une décision longtemps souhaitée par le président rwandais Paul Kagame et des groupes comme Ibuka , qui représente les rescapés tutsis.

L'ambassadrice du Rwanda auprès des Nations Unies, Valentine Rugwabiza, a déclaré à l'Assemblée générale que le but de la résolution était de « corriger les inexactitudes » en clarifiant la cible du génocide, et de lutter contre « la négation du génocide et le révisionnisme », en particulier contre ceux qui sont là pour promouvoir les théories du « double génocide » affirmant que les Tutsis et les Hutus sont également responsables des atrocités. Israël a soutenu avec enthousiasme la résolution, la décrivant comme rien de plus qu'une « représentation correcte des faits ». C'était le seul pays « occidental » à être co-parrain, mais il a été rejoint par plus de trente pays africains, dont l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Éthiopie, l'Ouganda et le Kenya.

Ce soutien a surpris l'Union européenne, les États-Unis et le Canada, qui ont exprimé de profondes réserves ; les États-Unis ont fait valoir que la nouvelle formulation « ne rend pas pleinement compte de l'ampleur du génocide et de la violence commise contre d'autres groupes ». Des responsables américains avaient contacté Israël des mois plus tôt pour obtenir son aide pour persuader le Rwanda de retirer la résolution, et ont été choqués par le refus d'Israël. La décision de Netanyahu de prendre le parti de Kagame contre le président américain Donald Trump a fait froncer les sourcils en Israël , d'autant plus que le vote a eu lieu au milieu de la fureur contre le projet de loi controversé de la Pologne sur l'Holocauste , une proposition de loi criminalisant les accusations de complicité polonaise dans le massacre de Juifs en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale.

Comme l'a dit un responsable israélien au journaliste Barak Ravid, « une ligne relie le révisionnisme de Kagame sur le génocide et le révisionnisme polonais sur l'Holocauste. C'est triste que nous coopérions avec Kagame à ce sujet. Le président du Parti travailliste israélien, Avi Gabbay, a également critiqué la résolution, accusant Netanyahu d' imiter la propre réécriture de l'histoire par le gouvernement polonais.

La volonté d'Israël de s'associer à une initiative largement considérée comme un révisionnisme du génocide est encore plus inquiétante à la lumière des aveux des officiels. L'une des raisons pour lesquelles Israël a coparrainé la résolution était une faveur en échange de son « accord d'expulsion » avec le Rwanda, qui a accepté d'accepter les demandeurs d'asile africains qu'Israël essaie d'expulser. Cette année, Israël a considérablement intensifié son programme de longue date qui

vise à expulser plus de 34 000 demandeurs d'asile érythréens et soudanais, qui se sont vu accorder trois mois pour quitter le pays ou sont confrontés au choix entre une « détention illimitée » ou une expulsion vers un « tiers non divulgué ». Le gouvernement de Netanyahu n'a pas précisé les pays tiers où les déportés seront envoyés, mais il est bien connu qu'ils incluent le Rwanda.

En novembre, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a déclaré qu'ils étaient prêts à accepter 10 000 demandeurs d'asile « s'ils sont prêts à venir », et les médias ont confirmé qu'Israël paierait 5 000 $ au gouvernement rwandais pour chaque demandeur d'asile qu'il accepte. Cependant, le vice-ministre rwandais des Affaires étrangères Olivier Nduhungirehe a nié l'existence d'un accord explicite , qualifiant les informations contraires de « fausses nouvelles », et a insisté sur le fait que le Rwanda n'acceptera que les personnes qui viennent volontairement »,sans aucune forme de contrainte », et seulement si elle est conforme au droit international.

Les assurances du Rwanda n'ont pas fait grand-chose pour apaiser la peur et la colère qui se sont accumulées face aux expulsions imminentes. En janvier, des demandeurs d'asile érythréens ont organisé une simulation de « vente aux enchères d'esclaves » à l'extérieur de la Knesset, arguant que les déportés finiront probablement sur les marchés d'esclaves libyens. Au moins 4 000 demandeurs d'asile ont déjà été « volontairement » expulsés d'Israël vers le Rwanda entre décembre 2013 et juin 2017, et des témoignages récemment publiés présentent un sombre avertissement, avec des histoires de vol, de refus du statut de travail au Rwanda et de trafic vers le Rwanda. Faisant écho aux théories du complot d'extrême droite, Netanyahu a également affirmé que les protestations croissantes contre les expulsions étaient financées par le milliardaire juif George Soros. Décidément George est à toutes les sauces.

Le soutien d'Israël à la résolution de l’assemblée générale des Nations Unies du Rwanda doit également être compris dans le contexte de la « ruée vers l'Afrique » d'Israël , alors que Netanyahu s'efforce de renforcer ses mauvaises relations diplomatiques sur le continent. Kagame est l'un des plus proches alliés africains d'Israël ; il s'est rendu en Israël deux fois au cours des deux dernières années, a toujours un record de votes pro-israéliens à l'ONU et a affirmé que « le Rwanda est, sans aucun doute, un ami d'Israël ». Pour sa part, Netanyahu a été le premier Premier

ministre israélien à se rendre au Rwanda, et en novembre 2017, il a annoncé qu'Israël ouvrirait une ambassade dans le pays.

Kagame a également élargi ses liens avec la communauté pro-israélienne au sens large. Lors de sa visite aux États-Unis en 2017, Kagame a été le premier dirigeant africain à s'adresser à l' AIPAC , et il a reçu un prix pour son bilan pro-israélien , présenté par le rabbin d'extrême droite Shmuley Boteach. Kagame a une relation personnelle avec Boteach, qui a défendu Kagame contre des allégations de violations des droits humains. Alors que Kagame prend ses fonctions de nouveau président de l'Union africaine, Netanyahu cherchera à obtenir le statut d'observateur pour Israël, car les efforts à ce jour ont été entravés en raison de l'opposition d'autres États africains.

Une UA dirigée par Kagame pourrait en effet ouvrir des relations plus solides avec Israël et Trump ; lorsque l'UA a exprimé sa « profonde préoccupation » concernant la déclaration de Trump de Jérusalem comme capitale d'Israël, le Rwanda était l'un des 35 pays à s'abstenir d'un vote qui aurait annulé la déclaration. En fin de compte, Kagame et Netanyahu sont les catalyseurs du pire comportement de l'autre. Le soutien de Netanyahu à la motion de Kagame est certainement discutable, car il donne au moins l'apparence d'un révisionnisme grossier du génocide, mais en fin de compte, c'est la collusion de Kagame avec Israël dans son programme de déportation massive, un programme qui déploie clairement une rhétorique de nettoyage ethnique, qui marquera à jamais leur héritage d'internationalisme voyou.

Les liens d'Israël avec les principaux pays d'Afrique du Nord (Maroc, Algérie et Tunisie) sont inhabituels parmi les relations araboisraéliennes. Ces pays n'ont jamais été ouvertement en état de guerre avec Israël, mais pas non plus en paix avec l'État juif. Au moment de la création d'Israël, ces pays étaient encore soumis à la domination coloniale.

Après avoir accédé à l'indépendance, ils faisaient partie intégrante du conflit arabo-israélien (par exemple, Tunis a abrité le quartier général de l'OLP de 1982 à 1994, le Maroc a envoyé des troupes en 1973 sur le front syrien du Golan), malgré leur éloignement géographique important de l'épicentre du conflit. Au fil du temps, le Maroc et la Tunisie ont poursuivi leurs relations avec Israël, tandis que l'Algérie est restée hostile,

considérant Israël comme une relique du passé colonial de la région. La Mauritanie, située en Afrique du Nord-Ouest, est considérée à la fois comme faisant partie de l'Afrique du Nord et de la région du Sahel en Afrique de l'Ouest.

L'intérêt d'Israël pour les relations avec le Maroc et la Tunisie a d'abord été motivé par des préoccupations pour les communautés juives de ces pays et par la facilitation de l'immigration juive en Israël. Cela a été suivi par des intérêts régionaux plus larges enracinés dans sa « doctrine périphérique », qui cherchait à cultiver des liens avec des pays en marge du conflit arabo-israélien. Le Maroc et la Tunisie avaient leurs propres raisons de cultiver des liens avec Israël, allant des préoccupations de sécurité intérieure dans le renforcement de leurs régimes, à un intérêt marocain ultérieur pour la médiation entre Israël et les pays arabes (comme il l'a fait entre l'Égypte et Israël en 1977) et le renforcement de la puissance du royaume.

Les positions modérées de la Tunisie vis-à-vis d'Israël au début des années 1960 n'ont pas conduit à une coopération avec Israël.

Le Maroc, quant à lui, a intensifié ses liens de sécurité avec Israël, qui a fourni au royaume des armes, une formation, une technologie de surveillance et une formation pour le service de renseignement marocain.

Israël aurait également offert des conseils sur le développement rural et aidé à promouvoir la vente de coton marocain sur les marchés européens.

Cette coopération ne remplaçait pas le ferme soutien du Maroc à la cause palestinienne, mais témoignait d'une reconnaissance tacite de l'existence d'Israël. Au-delà de ces considérations officielles, de nombreux musulmans marocains au fil des ans ont gardé de bons souvenirs de leurs relations avec d'anciens voisins juifs qui s'étaient installés en Israël et considéraient les relations possibles avec l'État juif comme une restauration symbolique de ces liens.

Après des années de contacts secrets, à la suite des accords d'Oslo signés entre Israël et les Palestiniens, le Maroc a établi des relations diplomatiques de bas niveau avec Israël en 1994, et la Tunisie a emboîté le pas en 1996. La principale raison d'être des missions diplomatiques ouvertes dans chaque pays était de faire progresser le commerce et le tourisme, et de promouvoir les échanges culturels et économiques. Mais le développement de ces relations est resté atone (à l'exception du tourisme israélien), reflétant l'hésitation du Maroc à les faire

avancer en l'absence de progrès sur la piste israélo-palestinienne. Les islamistes marocains et d'autres groupes, qui s'opposaient farouchement à la normalisation, ont également affecté la réticence du Maroc à aller de l'avant, bien que les contacts de sécurité soient restés intacts. Le drapeau israélien, par exemple, ne flottait pas à l'extérieur du bureau de liaison à Rabat. Les efforts pour établir des vols directs entre les pays ont échoué.

Une semaine culturelle israélienne organisée en 1996 a fait l'objet de vives critiques et d'une fréquentation réduite.

Le Maroc et la Tunisie ont rompu ces liens en 2000, à la suite du déclenchement de la deuxième Intifada, mais ont maintenu à des degrés divers des contacts officieux avec Israël (la Mauritanie a rompu ses liens un peu plus tard, en 2009). En effet, depuis 2000, le Maroc a démontré une forme de « normalisation sans normalisation », qui comprenait l'autorisation du tourisme israélien, du commerce et, dans une moindre mesure, des réunions et contacts diplomatiques. Ces liens discrets ont semblé satisfaire le Maroc qui s'est abstenu de les élargir. Le Maroc a demandé l'aide d'Israël pour obtenir le soutien américain de sa domination sur la région contestée du Sahara occidental, qui s'est finalement transformée en formule de normalisation avec Israël.

L'engagement de la Tunisie avec Israël était plus modeste, limité principalement à l'acceptation de touristes israéliens, et a effectivement cessé après la révolution tunisienne en 2011.

Les relations israélo-nord-africaines ont connu des développements dont la plus importante est l'annonce du 10 décembre 2020 concernant le renouvellement des relations diplomatiques de bas niveau entre Israël et le Maroc, une décision facilitée par les États-Unis et l'administration Trump sortante. La décision du Maroc faisait partie d'une percée diplomatique plus large pour le royaume, qui a reçu la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur la région contestée du Sahara occidental en échange du renouvellement de ses liens avec Israël. Pour le Maroc, cela a été le principal facteur de motivation de cette décision, comme en témoigne l'annonce officielle marocaine, qui a largement souligné la reconnaissance américaine sans trop mettre en relief la reprise des relations avec Israël. C'est là que réside le principal défi de cet accord. Le lien apparent de Rabat entre ses relations avec Israël et la question plus large du Sahara occidental pourrait potentiellement affecter la portée et le rythme de l'expansion de ces liens (qui dépendra de l'engagement continu des États-Unis envers la position

marocaine).

Le Maroc a souligné que le renouvellement des liens avec Israël ne s'apparentait pas aux « Accords d'Abraham » entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn. Bien que l'annonce de décembre ait évoqué la perspective d'une amélioration des relations marocoisraéliennes, les responsables marocains n'ont pas indiqué qu'ils étaient pressés de le faire. De plus, la reprise des liens formels a suscité des critiques de la part des groupes d'opposition au Maroc et a placé le gouvernement actuel dirigé par les islamistes dans une position délicate.

Le roi du Maroc Mohamed VI en contact avec les dirigeants palestiniens, ne cesse de réitérer son attachement à la cause palestinienne et à la solution à deux États. Le Maroc semble indiquer clairement qu'il entend procéder avec beaucoup de prudence dans la gestion de ses relations avec Israël, et être attentif à la question palestinienne.

En ce qui concerne la nature des relations bilatérales, le Maroc a jusqu'à présent officiellement fait des progrès. Le monarque marocain a eu une conversation téléphonique avec le Premier ministre israélien Netanyahu (qui l'a invité à se rendre en Israël), une délégation officielle israélienne s'est rendue à Rabat pour officialiser l'accord, des bureaux de liaison ont été rouverts, et des responsables marocains, notamment du secteur touristique, ont pris la parole. avec enthousiasme à l'idée de faire progresser les relations et d'accueillir un grand nombre de touristes israéliens dans le royaume. Une mesure qui dépasse le cadre des liens bilatéraux antérieurs est un accord aérien signé entre les deux pays, qui facilite les vols directs entre eux : il s'agit d'une légère évolution des liens existants, qui ont permis à des milliers de touristes israéliens de visiter le Maroc via l'Europe.

D'autres domaines de coopération potentielle incluent la technologie agricole et l'irrigation, les projets de santé et médicaux et les initiatives éducatives. Pour le Maroc, le principal défi qui sous-tend ces relations sera la transition de la plate-forme « normalisation sans normalisation » vers un cadre bilatéral plus formel et établi. La critique des relations avec Israël a été exprimée à travers l'éventail politique marocain, des groupes de défense des droits de l'homme aux cercles politiques islamistes. Le lien avec la question du Sahara occidental, la sensibilité de l'opinion publique et la cause palestinienne dicteront probablement un rythme lent aux développements dans un proche avenir.

Le directeur général du ministère des Affaires étrangères, Alon Ushpiz, en visite dans le royaume d'Afrique du Nord, a remis l'invitation écrite de Lapid lors de sa rencontre avec M. Bourita. Lapid a souligné dans sa lettre que le rétablissement des liens entre Israël et le Maroc était une étape historique. Le haut diplomate israélien a également exprimé sa volonté de faire progresser la coopération bilatérale dans les domaines du commerce, de la technologie, de la culture et du tourisme. Dans un communiqué, Lapid a déclaré que l'invitation montrait que l'établissement de relations diplomatiques et de connexions directes entre les deux pays et leurs citoyens était « une priorité absolue » pour Israël. « Je remercie Sa Majesté le roi Mohammed VI pour le leadership et l'inspiration qu'il a donnés au processus », a déclaré Lapid. « Je suis impatient de renforcer les liens politiques entre Israël et le Maroc et de construire une coopération économique, technologique, culturelle et touristique entre les deux pays. » Ces commentaires sont intervenus après la visite d'Ushpiz sur les tombes des anciens rois marocains Mohammed V et de son fils, le roi Hassan II, le père du monarque actuel.« Nous tenons à remercier les rois du Maroc… pour leur amitié et leur soutien aux Juifs du Maroc à travers l'histoire, un héritage que sa majesté le roi Mohammed VI perpétue », a écrit Ushpiz dans le livre d'or en hébreu et en arabe. Il a ajouté : « La tradition de tolérance et de modération qui nous a été laissée ainsi qu'aux générations futures est une inspiration pour le renouveau des liens entre Israël et le Maroc ».

Au cours du même mois, le 04 juillet 2021, un avion de la force aérienne marocaine a touché le sol dans Hatsor la base aérienne d'Israël, qui aurait été de prendre part à un exercice Israeli Air Force multinationale. L'atterrissage très inhabituel de l'avion cargo C-130 de l'armée de l'air royale marocaine sur la base aérienne de Hatzor près d'Ashdod était visible sur un logiciel public de suivi des vols ‘’Flight radar’’, où il a été rapidement repéré par un certain nombre d'observateurs radar amateurs, dont l'un a partagé l'information. avec le Times of Israel.

Les perspectives de poursuite des autres pays d'Afrique du Nord avec Israël restent faibles. Ni la Tunisie ni l'Algérie n'ont manifesté d'intérêt pour la normalisation. En 2018, le parlement tunisien a discuté d'une initiative législative qui aurait criminalisé les liens avec Israël, qui n'a pas été approuvée par le défunt président Essesbi, mais a indiqué une opposition généralisée. Le président tunisien Kais Saied a été un farouche

opposant à la normalisation, affirmant que les liens avec Israël étaient une « trahison nationale », et le Premier ministre tunisien a affirmé que les relations avec Israël n'étaient pas à l'ordre du jour du pays.

Le récent accord maroco-israélien est un autre facteur de complication pour les autres pays d'Afrique du Nord. C'est certainement le cas de l'Algérie, qui s'oppose aux revendications du Maroc sur le Sahara occidental et a maintenant encore plus de raisons de rejeter les relations avec Israël.

La Mauritanie a également été récemment mentionnée par d'anciens responsables de l'administration Trump comme un pays avec lequel ils étaient en contact pour rétablir ses liens antérieurs avec Israël.

En tant que bénéficiaire d'une aide économique substantielle des Emirats Arabes Unis, il pourrait potentiellement suivre les traces des Emiratis. Ces perspectives ont généré une opposition substantielle en Mauritanie, allant des injonctions religieuses émises par quelque 200 imams interdisant les relations avec Israël, à une déclaration conjointe publiée par des députés de plusieurs partis politiques appelant à une législation qui criminaliserait la normalisation avec Israël. Cela est en grande partie lié à la politique interne mauritanienne et à l'étendue de la volonté du président ElGhazouani de faire face à une importante opposition islamiste s'il décidait de poursuivre ses relations avec Israël.

Les mois à venir indiqueront la direction et la vitesse des relations nord-africaines-israéliennes, alors qu'une nouvelle administration américaine prend ses fonctions et examine à la fois les concessions diplomatiques faites par son prédécesseur et calibre l'effort qu'elle prévoit d'investir pour préserver et encourager davantage l'effort de normalisation.

Contrairement à d'autres États de la région, y compris ceux qui ont également commencé à officialiser leurs relations avec Israël l'année dernière, le Soudan n'a jamais eu de relations diplomatiques formelles ou informelles avec Israël, jusqu'à ce qu'il rejoigne les Accords d'Abraham en janvier 2021. La position idéologique du Soudan sur l'Israélo-Palestinien conflit s'est reflété dans sa politique à l'égard d'Israël.

Plus symboliquement, en 1967, la Ligue arabe a organisé un sommet à Khartoum au cours duquel elle a énoncé les fameux « trois non » : pas de paix avec Israël, pas de reconnaissance d'Israël, pas de négociations avec Israël.

Sous le régime d'Omar el-Béchir (1989-2019), le Soudan était connu pour soutenir des groupes tels que le Hamas et le Hezbollah, qu'Israël a classés comme des organisations terroristes, et a entretenu pendant une période des relations étroites avec l'Iran. En avril 2019, une révolution populaire, initialement coordonnée par l'Association des professionnels soudanais (SPA), a conduit à la chute d'al-Bashir. Après que les forces armées soudanaises ont commis des atrocités contre des manifestants non armés, des médiateurs ont négocié un accord de partage du pouvoir qui prévoyait un gouvernement de transition composé de dirigeants civils et militaires, censé conduire à de nouvelles élections après trois ans. Les principaux objectifs du gouvernement de transition soudanais sont d'unifier le Soudan et de transformer l'économie décrépite du pays ; Le camp civil ajouterait à cela l'objectif de transformer le Soudan en un État démocratique.

Afin d'attirer les investissements étrangers, le gouvernement de transition a déployé de grands efforts pour retirer le Soudan de la liste des États américains parrains du terrorisme. Avant même la révolution, la normalisation avec Israël était considérée comme la clé de l'amélioration des relations avec les États-Unis et donc attrayante, malgré des considérations idéologiques. Depuis la révolution, le principal partisan de la normalisation est le général Abd al-Fatah al-Burhan, président du Conseil de souveraineté du Soudan. La composante civile du gouvernement s'oppose généralement à l'idée de normalisation.

En utilisant les journaux soudanais comme sources, cet article vise à faire la lumière sur l'éventail des opinions sur les relations soudanoisraéliennes et à relier ces opinions aux défis actuels auxquels le Soudan est confronté. Premièrement, il analysera les opinions notables sur le sujet publiées avant la révolution ; deuxièmement, il examinera les opinions exprimées après la rencontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avec al-Burhan en Ouganda en février 2020 ; et troisièmement, il présentera l'éventail des opinions soudanaises exprimées lorsqu'il est devenu clair que le Soudan normalisait ses relations avec Israël.

Après que le Tchad voisin a normalisé ses relations avec Israël en novembre 2018, des articles soigneusement rédigés sont parus dans les journaux soudanais pour discuter de la question de savoir si Omar el-Béchir devrait emboîter le pas. Le prédicateur islamiste Mohamed Hashem al-Hakim, affilié à l'Université du Saint Coran et à la Fondation

des sciences de Wad Medani, était favorable à une « réconciliation tactique » avec Israël. Il a précisé qu'il considérait cela comme une mesure temporaire dans le but de la survie du Soudan, et que la normalisation pure et simple n'est pas autorisée.

Yousef al-Kuda, le chef du Parti du centre islamique, est allé plus loin et a même privilégié la normalisation des liens avec Israël. Il a justifié sa position par des analogies avec l'histoire islamique et a souligné que l'Égypte et la Jordanie avaient également normalisé leurs relations avec Israël. Ces deux dirigeants ont supposé qu'un rapprochement avec Israël conduirait finalement au retrait du Soudan de la liste des États américains parrains du terrorisme. Ces voix inhabituelles, cependant, ne devaient être significatives qu'après la révolution populaire de 2019.

Quand al-Burhan s'est rendu en Ouganda pour rencontrer Netanyahu afin de discuter de la possibilité d'une normalisation, les journaux soudanais ont souligné qu'il avait « fait cavalier seul », sans en informer le reste du gouvernement de transition soudanais. Zain al-Abidin al-Tayyib, un leader du mouvement de protestation civile, les Forces de la liberté et du changement (qui comprend la SPA), a affirmé que la réunion n'était pas acceptable parce que l'accord de partage du pouvoir qui était en vigueur ne permettait pas à l'armée de prendre des décisions unilatérales en matière de politique étrangère. Il a ajouté que « nous croyons fermement en la justice de la cause palestinienne, mais nous soutenons la normalisation avec tous les pays du monde qui aiment la paix, la démocratie et la liberté.

L'écrivain et analyste soudanais Altaqi Mohammed Othman a déclaré que les négociations comme celles qu'al-Burhan a menées avec Netanyahu ne sont pas conformes à l'esprit du "nouveau Soudan basé sur la liberté, la justice et l'égalité.." Il ajoute qu'il ne s'oppose pas à la normalisation avec Israël « en tant que pays voisin de la Palestine ». On pourrait en déduire que ces commentateurs considéraient la réunion d'alBurhan comme problématique non pas pour son contenu intrinsèque, mais surtout parce qu'elle testait l'équilibre fragile entre les composantes civiles et militaires du gouvernement de transition.

En octobre 2020, il est devenu clair que le gouvernement de transition était prêt à aller de l'avant pour normaliser les relations avec

Israël, que les États-Unis pressaient Khartoum de le faire comme condition préalable à l'amélioration des relations bilatérales, et que la plupart des dirigeants civils soudanais s'y opposaient. La SPA et les alliances de l'opposition politique soudanaise telles que la National Consensus Alliance (NCA) et le Sudan Call ont toutes exprimé leur solidarité avec les Palestiniens. D'autres ont exprimé leur inquiétude quant au fait que la normalisation était imposée au Soudan par les États-Unis et les Émirats arabes unis en échange d'une aide financière : le National Umma Party, qui fait partie de la NCA, a qualifié cela de « chantage inacceptable » ; le mouvement Sudan Change Now l'a vu comme un « accord bon marché au détriment de l'intégrité du Soudan » ; et le commentateur soudanais Abd al-Rahman Haneen a déclaré qu'au lieu que les Palestiniens reçoivent « de la terre contre la paix », le Soudan a reçu « de la nourriture contre la paix ».

Il va sans dire que les partis islamistes les plus radicaux se sont opposés avec véhémence à la normalisation. De nombreux Soudanais sont descendus dans la rue pour protester contre cette décision pour des motifs idéologiques. Il est cependant intéressant de noter que la principale plainte exprimée par la plupart des parties civiles est que la décision de normaliser les liens du Soudan avec Israël a été prise par un gouvernement de transition et non par un gouvernement élu. À leur avis, l'armée a pris des décisions importantes sans consulter l'opinion populaire, tout comme elle l'avait fait sous el-Béchir. La manière dont la normalisation a été décidée allait donc à l'encontre de l'esprit démocratique de la révolution. » Il va sans dire que les partis islamistes les plus radicaux se sont opposés avec véhémence à la normalisation. De nombreux Soudanais sont descendus dans la rue pour protester contre cette décision pour des motifs idéologiques. Il est cependant intéressant de noter que la principale plainte exprimée par la plupart des parties civiles est que la décision de normaliser les liens du Soudan avec Israël a été prise par un gouvernement de transition et non par un gouvernement élu.

D'un autre côté, certains partis politiques et alliances rebelles soudanais ont salué la normalisation, précisément parce qu'ils considéraient l'accord comme incarnant l'esprit de la révolution. Le Parti du Congrès soudanais alors qu'il faisait partie de l'ANC qui s'opposait à l'accord , a souligné que la normalisation améliorerait les relations

étrangères du Soudan, qui avaient été ruinées par l'ancien régime. Après la mort du célèbre chef du parti Umma Sadiq al-Mahdi, le nouveau chef du parti Umma a déclaré qu'il n'était « pas contre la paix avec Israël ». La coalition des mouvements rebelles des provinces du Darfour, du Kordofan du Sud et du Nil Bleu, ravagées par les conflits, a estimé que la normalisation était nécessaire pour que le Soudan renoue des contacts avec les nations du monde.

Le débat ouvert sur la normalisation avec Israël qui s'est déroulé dans les journaux soudanais démontre que la révolution soudanaise de 2019 a ouvert la voie à une plus grande liberté d'expression. C'est en soi une victoire pour l'esprit de la révolution.

Pourtant, il est difficile de mesurer dans quelle mesure les opinions publiées dans les journaux soudanais reflètent le discours « dans la rue ».

De plus, la société civile dynamique du Soudan est encore fragile. Pour qu'elle se renforce, la liberté d'expression doit être renforcée et renforcée au Soudan afin qu'elle devienne une institution durable. Pour mettre les relations soudano-israéliennes en perspective : force est de constater que cette question n'est pas la priorité principale du gouvernement de transition soudanais. Même les relations avec Israël ne sont pas une préoccupation majeure pour le Soudan en matière de normalisation. La plupart des Soudanais, qu'ils soient pour ou contre la normalisation y voient surtout un moyen d'améliorer les relations avec les États-Unis. Cela pourrait expliquer pourquoi le rythme de la normalisation entre le Soudan et Israël pourrait être considérablement plus lent que celui des autres États en voie de normalisation de la région. Et tandis que le rapprochement avec Israël a ouvert la porte au retrait du Soudan de la liste des États américains parrains du terrorisme, les principaux défis du gouvernement de transition demeurent : transformer cette opportunité en un véritable changement pour l'économie soudanaise.

Compte tenu des récents changements dans les relations d'Israël avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc, il convient d'examiner les perspectives de relations diplomatiques avec d'autres pays qui ne reconnaissent pas Israël. Sur les 29 États membres de l'ONU qui n'ont toujours pas de relations diplomatiques complètes avec Israël, neuf sont des pays africains : l'Algérie, les Comores, Djibouti, la Libye, la Mauritanie, la Somalie et la Tunisie (tous également membres de la Ligue arabe), ainsi que le Mali. et le Niger.

Cette partie de cet article aura pour vocation d'étudier les chances que les pays qui n'ont pas encore reconnu Israël établissent une certaine forme de relations diplomatiques avec lui dans un proche avenir. Il se concentrera sur les pays de la Corne de l'Afrique, une région d'une importance stratégique particulière pour Israël, en raison de sa proximité avec la mer Rouge, la péninsule arabique et le golfe d'Aden.

Au début des années 1960, de tous les États africains nouvellement indépendants au sud du Sahara, seules la Somalie et la Mauritanie ont refusé d'établir des relations diplomatiques avec Israël. Bien que la plupart des États africains aient rompu leurs relations diplomatiques avec Israël en 1972-1973, en particulier après la guerre du Yom Kippour, les relations bilatérales avec Israël ont progressivement repris après les années 1980. Même avant la vague de normalisation la plus récente dans le monde arabe, Israël a connu un succès significatif au cours de la dernière décennie dans le renouvellement et l'approfondissement des relations en Afrique.

Comme indiqué, en raison de son importance géostratégique et de sa proximité géographique, la Corne de l'Afrique a toujours été une cible cruciale de l'intérêt et des préoccupations diplomatiques israéliens.

Alors que les relations diplomatiques avec deux des pays de la Corne, l'Éthiopie et l'Érythrée, sont aujourd'hui assez stables, les relations avec les deux autres pays, la Somalie et Djibouti, sont beaucoup plus compliquées. La Somalie est sans doute l'État africain le plus intransigeant au sud du Sahara sur la question de l'établissement de relations diplomatiques avec Israël. Ce pays turbulent et déchiré par la guerre, qui depuis 1991 a été défini à plusieurs reprises comme un cas extrême d'État défaillant, a traditionnellement voté contre Israël dans divers forums internationaux, quel que soit le problème en cause.

En 2019, un directeur somalien au ministère des Affaires étrangères, Abdullahi Dool, a été licencié à cause de tweets controversés qu'il a publiés concernant Israël et la Palestine. Bien qu'il y ait eu des rumeurs occasionnelles sur des contacts préliminaires entre Israéliens et Somaliens à différents niveaux, elles sont systématiquement démenties par la partie somalienne. Un regard plus large sur les possibilités diplomatiques entre Israël et la Somalie peut cependant éclairer une autre option pour établir des relations diplomatiques, qui est le Somaliland.

Le Somaliland est un pays autoproclamé depuis 1991, que les communautés diplomatiques internationales et africaines considèrent comme faisant partie de la Somalie. À bien des égards, il est considéré comme une réussite rare dans la réalité turbulente de la Corne. Malgré l'isolement politique et des investissements étrangers limités, le Somaliland affiche des réalisations politiques, économiques et technologiques impressionnantes, et est même considéré par certains experts comme la seule démocratie performante dans la Corne de l'Afrique.

Par rapport à l'opposition véhémente de la Somalie à toute forme de relations diplomatiques avec Israël et à son soutien sans équivoque aux positions palestiniennes, de nombreuses voix officielles et officieuses au Somaliland soulignent ses points communs avec Israël. Les deux étant des « success stories malgré les obstacles » et le Somaliland embrasse les avantages potentiels de coopération économique et technologique avec Israël. Pour Israël, les avantages potentiels de la coopération avec le Somaliland stratégiquement situé sont évidents. Dans le même temps, les chances qu'Israël devienne l'un des premiers pays à reconnaître officiellement le Somaliland sont minces, car une telle démarche pourrait être considérée comme une provocation (reconnaissance d'entités séparatistes) qui menacerait les aspirations diplomatiques d'Israël en Afrique.

Le deuxième pays de la Corne à rester catégorique dans son refus d'établir des relations diplomatiques avec Israël est Djibouti. Avec moins d'un million de citoyens, le petit pays qui n'est devenu indépendant de la France qu'en 1977 est progressivement devenu l'un des points chauds les plus stratégiques et économiques de la Corne. Outre ses alliances stratégiques avec les puissances occidentales qui y entretiennent des bases militaires (au premier rang desquelles le Camp Lemonnier, ancienne base de la Légion étrangère française louée par Djibouti aux États-Unis en 2002, et qui abrite actuellement de nombreuses forces internationales et africaines), la Chine a récemment inauguré un port militaire à Djibouti, et a étendu ses activités et ses investissements à d'autres secteurs, dont la construction d'infrastructures.

L'intérêt pour la situation géostratégique et le potentiel économique de Djibouti (en tant que port majeur de la Corne) s'étend audelà des États-Unis, de la France et de la Chine. Le refus de Djibouti

d'établir des relations diplomatiques avec Israël a été récemment renforcé en novembre 2020 par le président Ismail Omar Guelleh, qui a déclaré en référence au conflit israélo-palestinien : Les conditions ne sont pas mûres.

Tout ce que nous demandons au gouvernement d'Israël c'est de faire un geste de paix, et nous en ferons 10 en retour. Mais j'ai peur qu'ils ne fassent jamais ça. Dans le même temps, le président a ajouté que Djibouti n'avait aucun problème avec les Juifs en tant que peuple, ou avec les Israéliens en tant que nation : Certains d'entre eux viennent même à Djibouti pour affaires avec leur passeport, et les citoyens djiboutiens ont pu se rendre en Israël. depuis 25 ans maintenant. Ainsi, il semble que contrairement à la Somalie, Djibouti adopte une position un peu plus pragmatique.

Il existe cependant un autre problème indirectement lié à Djibouti qui pourrait indiquer une autre voie à suivre pour les efforts diplomatiques d'Israël en Afrique. C'est le domaine de l'importance croissante des organisations régionales pour les formes de coopération et de collaboration économiques, politiques, écologiques et autres entre les pays africains. Au cours des deux premières décennies du XXIe siècle, la coopération régionale est devenue plus visible et s'est étendue avec une fréquence croissante dans des domaines tels que la résolution des conflits et l'intervention dans les transitions démocratiques de nombreux pays africains.

Depuis 1986, le siège de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) est situé à Djibouti. La création de cette organisation régionale, dont les États membres sont Djibouti, l'Éthiopie, le Kenya, la Somalie, le Soudan, l'Ouganda et l'Érythrée, a été motivée principalement par des raisons environnementales, mais l'organisation est de plus en plus impliquée dans les efforts de sécurité et de résolution des conflits. L'une des principales réalisations de l'IGAD a été son rôle de médiateur dans les différentes phases des négociations entre le nord et le sud du Soudan, depuis les pourparlers initiaux jusqu'à la signature de l'Accord de paix global (CPA) en 2005, qui a conduit la fondation à l'indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011. Plus tard, l'IGAD a effectivement servi de médiateur entre les parties rivales dans la guerre civile au Soudan du Sud qui a éclaté en 2013.

On peut se demander en quoi les efforts de médiation d'une organisation régionale telle que l'IGAD sont pertinents pour les

perspectives diplomatiques d'Israël dans la Corne de l'Afrique ? L'une des principales préoccupations des États membres de l'IGAD est la crise environnementale. La plupart d'entre eux partagent des vulnérabilités communes, telles que 80% des plaines arides et semi-arides, qui, combinées à une série de catastrophes écologiques, ont conduit à des vagues récurrentes de famine depuis les années 1970. En tant que force pionnière et innovante dans des domaines tels que les énergies renouvelables, l'agro-technologie et la gestion de l'eau, la coopération d'Israël avec l'IGAD pourrait offrir une base à partir de laquelle il pourrait établir des liens plus étroits avec les États membres de l'IGAD, y compris ceux qui refusent actuellement d'établir des relations avec Israël. Jusqu'à présent, la coopération d'Israël avec l'IGAD est faible, voire inexistante.

Le renforcement de ses liens avec l'IGAD ainsi qu'avec d'autres organisations régionales en Afrique, telles que la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest à l'Ouest et La Communauté de développement d'Afrique australe au Sud, pourrait également servir les aspirations israéliennes à retrouver le statut d'observateur auprès de l'Union africaine (UA). En fait, Israël était observateur auprès du prédécesseur de l'UA, l'Organisation de l'unité africaine (OUA), mais l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a bloqué le renouvellement du statut d'observateur d'Israël lors de la création de l'UA en 2002. En tant qu'observateur auprès de l'UA, Israël pourrait mobiliser un soutien diplomatique, établir des partenariats stratégiques et accéder aux marchés africains.

Les récents accords diplomatiques d'Israël ont cependant révélé que les perspectives d'Israël en Afrique, à la fois dans la Corne de l'Afrique et ailleurs sur le continent, ne sont pas très brillantes pour le moment. Son accord avec le Maroc a été considéré par certains observateurs comme une « gifle face à l'Union africaine » (en raison de son brouillage avec la reconnaissance par les États-Unis des revendications du Maroc au Sahara Occidental). Ces perspectives dépendent évidemment de développements futurs plus larges, tels que les politiques de l'administration Biden concernant l'Afrique, les priorités de politique étrangère d'Israël à la suite de ses prochaines élections de mars 2021, et les attitudes des dirigeants et de l'opinion publique dans divers pays africains envers la collaboration israélo-africaine.

Avant de clôturer cet écrit, il serait judicieux de mettre l’accent sur les principaux secteurs économiques visés par Israël en dehors de sa fixation sur le statut d’observateur à l’Union Africaine. En effet, certains produits ou services israéliens sont très sollicités par de nombreux pays africains comme ceux liés à la sécurité. Les mines et les diamants sont également des matières premières ayant permis à de très puissants hommes d’affaires israéliens de jouir d’une influence très significative auprès de quelques leaders subsahariens.

Israël joue depuis plusieurs décennies la carte de son savoirfaire sécuritaire pour remporter des marchés en Afrique. La plus emblématique des relations sécuritaires en la matière est probablement celle avec le Cameroun. Les services de renseignement israéliens s’occupent depuis le début des années 1990 de la « surveillance électronique » des palais d’Etoudi et de Mvomeka’a où vit et travaille le président Paul Biya lorsqu’il n’est pas à Genève. Le Bataillon d’intervention rapide (BIR), unité d’élite camerounaise créée en 1999, est quant à lui toujours dirigé par un ancien militaire israélien. Ancien colonel de Tsahal, également ex-attaché militaire de l’ambassade d’Israël à Yaoundé, Ivan Abrahim Sirvan a été longtemps rémunéré par la présidence camerounaise pour des missions de sécurité après avoir pris sa retraite. Il était devenu le point focal de l’industrie de défense israélienne jusqu’à son décès en 2010 lors d’un accident d’hélicoptère.

Depuis quatre ans, c’est le général de brigade israélien Baruch Mena qui gère cette coopération depuis la présidence camerounaise.

Une coopération soutenue est également en place avec le Kenya. Celle ci a débuté dès les années 1970 lorsque les deux services de renseignement travaillaient ensemble à la suite de l’attentat manqué de 1976 lors duquel un avion israélien de la compagnie El Al a failli être atteint par un tir de roquette à l’aéroport de Nairobi. Les quatre personnes responsables de cette action ont été jugées à Tel Aviv. Les services kenyans avaient aussi fourni des informations au Mossad lors du détournement en 1976 par des militants palestiniens d’un avion d’Air France qui avait atterri à l’aéroport d’Entebbe en Ouganda. Bien plus tard, en septembre 2013, une unité de contre terrorisme israélienne avait épaulé les autorités kenyanes lors de la prise d’otages dans un centre commercial de Nairobi par les Shebabs somaliens42. Au Rwanda et en Ouganda, le référant du secteur des affaires et de la sécurité a été pendant de longues années le businessman Hezi Bezalel, consul

honoraire du Rwanda en Israël. Toujours dans le domaine de la sécurité, l’ancien lieutenant-colonel de l’armée de l’air israélienne Gaby Peretz est très impliqué depuis les années 1980 via sa société AD Consultants dans la vente de matériel militaire aux gouvernements d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Il a notamment approvisionné le Gabon, le Sénégal, la Guinée Conakry, le Rwanda, la Centrafrique ou encore le Tchad.

Enfin, certaines compagnies de sécurité et de renseignement se sont largement focalisées sur l’Afrique. C’est le cas du MER Group dont le fondateur, Chaim Mer, a beaucoup investi dans les services liés aux télécommunications et au renseignement avec l’ouverture de filiales en RDC (depuis 2006), en Tanzanie (depuis 2007), en Zambie (depuis 2014) et au Kenya (depuis 2016). Pour certains pouvoirs africains, utiliser le matériel d’Israël et l’expertise de ses services s’apparente à une garantie d’indépendance et de sécurité face aux ex-puissances coloniales soupçonnées de vouloir influencer les processus politiques lorsqu’elles le peuvent et permet une solide protection face aux tentatives de coups d’État. En impliquant les firmes israéliennes de sécurité systématiquement dirigées par des anciens militaires de Tsahal et/ou du Mossad, les dirigeants africains achètent une certaine stabilité. Un coup d’État emportant un dirigeant africain, lui-même protégé par des firmes israéliennes, porterait un coup sévère à la réputation d’Israël comme État offrant des solutions de sécurité (armée, renseignement) d’excellence.

Ainsi, ces relations ne s’expliquent pas forcément par un profond sentiment d’amitié vis-à-vis de l’État hébreu. Paul Biya a fait très tôt le choix d’Israël pour gérer son dispositif de sécurité personnel afin de matérialiser son indépendance face à la France et s’assurer d’une certaine tranquillité face aux nombreuses menaces de coup de force. De plus, la bonne relation entre la France et Israël empêche que cette stratégie ne soit trop mal interprétée par Paris.

Les échanges entre Israël et l’Afrique restent plutôt faibles en valeur. Cependant, certains hommes d’affaires israéliens, bien que peu nombreux, exercent la quasi-totalité de leurs activités sur le continent où ils sont basés pendant une partie de l’année, y sont résidents, voire y sont nés. Ces businessmen ne rentrent pas forcément dans les chiffres officiels israéliens, ne pouvant avoir finalement qu’un lien ténu avec Israël. Ils sont parfois même peu disposés à épauler les autres sociétés israéliennes car ils envisagent leur position dans certains pays africains comme un pré

carré. Dans certains cas, ces hommes d’affaires ont acquis une influence politique importante dans leur pays d’activité. Les plus puissants et prospères d’entre eux ont fait fortune dans les mines et la vente d’armement, la première activité servant parfois également la seconde.

L’un des cas les plus emblématiques de ce type de profil est celui du diamantaire Dan Gertler. Ancien consul honoraire de la RDC en Israël, ce dernier représentait, depuis la fin des années 1990, l’un des principaux soutiens financiers et en armes du président congolais Laurent-Désiré Kabila (1997-2001) puis de son fils Joseph Kabila (2001-2019). Il a obtenu des positions très importantes dans les mines du pays, notamment dans le diamant et le cobalt. Dan Gertler a également acquis en 2010 les blocs pétroliers les plus prometteurs du pays, situés sur et autour du lac Albert au large duquel, côté ougandais, plus d’un milliard de barils ont été mis au jour depuis 2006. Cependant, depuis les élections de la fin 2018 en RDC et l’arrivée de Félix Tshisekedi à la présidence, l’étoile de Dan Gertler a largement pâli. En mai 2018, les États Unis l’ont d’ailleurs placé sous sanctions, personnellement, ainsi que quatorze de ses sociétés.

Washington l’accuse d’avoir bâti sa fortune à travers des transactions minières et pétrolières opaques. Dan Gertler est très influent dans les réseaux juifs ultra-orthodoxes israéliens disposant d’importants moyens. Il est également très proche des milieux du renseignement de son pays.

Toujours dans le secteur des mines, d’autres profils d’hommes d’affaires israéliens puissants sont à souligner comme celui du milliardaire Lev Avnerovich Leviev, très impliqué dans le diamant, la construction (avec son groupe Africa-Israël) et la chimie. Il est l’un des concurrents du géant minier De Beers dont il a repris une partie des positions en Angola via Ascorp. Lev Leviev a acheté, depuis les années 1990, une partie significative de la production des diamants dans ce pays. Il a d’ailleurs investi dans la plus grande mine d’Angola, Catoca , qui produit près de 80 % des diamants du pays, dont il détient 18 % via la Catoca Mining Company. Un autre gisement, Luaxe, lui appartient en partie grâce à ses parts dans cette même société. Et l’homme d’affaires contrôle toujours aujourd’hui des usines de taille de diamants en Angola, en Namibie et en Afrique du Sud. L’un des partenaires de Lev Leviev au sein du groupe AfricaIsrael, Arcadi Gaydamak, a également été par le passé très influent en Angola grâce à sa relation avec l’homme d’affaires français Pierre Falcone. C’est lui qui aurait introduit Lev Leviev en Angola dans les

années 1990. À partir du milieu de la décennie, Arcadi Gaydamak et Pierre Falcone ont notamment fourni à plusieurs reprises à l’Angola des armes venant de Russie d’où le businessman est originaire en échange de pétrole acheté par le célèbre trader Marc Rich. Ces activités ont valu aux deux hommes un procès en France, l’« Angola Gate », entre 2008 et 2009. Arcadi Gaydamak fait aujourd’hui assez peu d’affaires en Afrique.

Sa dernière tentative, un projet de raffinerie à Cabinda en Angola, en 2019 a échoué.

L’autre homme d’affaires israélien de premier plan impliqué dans les mines sur le continent est Beny Steinmetz. Ce dernier, disposant d’une des premières fortunes d’Israël, achète depuis les années 1990 des diamants en Angola. Il a également acquis des mines en RDC et en Sierra Leone via son groupe Beny Steinmetz Group Resources. Il a été l’un des détenteurs d’une partie du gisement de fer géant de Simandou en Guinée Conakry avant de trouver un accord avec le gouvernement pour abandonner tous ses droits en 2020. Beny Steinmetz était accusé de ne pas avoir acquis ses permis de manière transparente sous l’ère de l’ancien président Lansana Conté, décédé en 2008.

En dehors des domaines de la sécurité, du renseignement et des mines, certains acteurs cherchent à accroître leur poids dans d’autres secteurs dans lesquels Israël est en pointe. C’est le cas du milliardaire israélien Yosef Abramowitz qui investit massivement dans les énergies renouvelables via sa société Energiya Global Capital et des projets notamment au Rwanda. L’homme d’affaires n’est d’ailleurs pas tout à fait satisfait de la politique africaine du Premier ministre Benyamin Netanyahou, qu’il juge sans réelle vision de long terme. L’agriculture de pointe l’agrotech est également un secteur dans lequel certaines firmes israéliennes cherchent à se positionner en Afrique. Cependant, les succès dans la pénétration des marchés africains demeurent encore modestes.

Des hommes d’affaires, tel l’ancien diplomate Daniel Pinhasi, incitent les compagnies israéliennes à s’implanter dans ce secteur. Lui-même mène plusieurs projets avec son entreprise Green 2000, dont un au Sénégal. La firme Netafim, fondée en 1965 en Israël mais rachetée par le conglomérat mexicain Orbia en 2017, a travaillé sur plusieurs initiatives agricoles notamment sur des solutions d’irrigation au Ghana, en Éthiopie ou encore au Sénégal. Évidemment, d’autres hommes d’affaires israéliens agissent

sans particulièrement communiquer publiquement sur leurs activités.

Certains sont des consuls honoraires comme celui de RDC, Aslan Piha, qui a occupé par le passé de hautes fonctions au sein de la Fédération des entreprises du Congo, le patronat congolais, Ayant fait la totalité de sa carrière professionnelle au dans le pays, Aslan Piha peut aisément aider des sociétés israéliennes à s’implanter, contrairement à certains autres hommes d’affaires politiquement davantage exposés.

Il faut donc bien dissocier les hommes d’affaires israéliens implantés de longue date dans certains pays africains et ayant tissé des relations politiques importantes leur permettant de gagner d’importantes parts de marché (mines, défense, armement) avec ceux tentant leur chance pour la première fois et ne pouvant que marginalement se faire aider par l’État israélien.

Cette relative impuissance d’Israël dans les affaires africaines est également le résultat du manque de moyens consentis par le Premier ministre Benyamin Netanyahou pour son administration compétente : le ministère des Affaires étrangères. Ce déséquilibre peut rappeler la situation d’autres pays de la région du Golfe, comme le Qatar où le continent africain fait pourtant l’objet d’une forte communication.

Cependant, l’absence d’actions concrètes conduit à une capacité d’influence quasi nulle sur le terrain. Dans les cas israélien et qatari, c’est aussi le nombre réduit de fonctionnaires en charge des dossiers qui empêche un suivi rigoureux. C’est alors davantage le politique, très personnalisé par Benyamin Netanyahou en Israël depuis 2009, qui s’empare des questions africaines. Or celui-ci ne peut en aucun cas seul, ou aidé de quelques conseillers, faire vivre cette relation avec un continent de 54 pays. Benyamin Netanyahou se contente de coups politiques sporadiques et non de réelles politiques de long terme. Il n’est d’ailleurs pas certain que l’arrivée d’un nouveau Premier ministre, Benyamin Netanyahou sera théoriquement remplacé dans deux ans par l’actuel vicePremier ministre Benny Gantz , change fondamentalement la donne.

En fait, l’Afrique n’est pas considérée comme un relais majeur de croissance pour les firmes israéliennes. De plus, l’intérêt politique de l’État hébreu sur le continent demeure faible. En dehors des enjeux autour de la communauté des Falasha ou Beta Israel , les Éthiopiens venus en Israël depuis les années 1930, avec une accélération de leur nombre dans les années 1970-1980, et tournant aujourd’hui autour de 150 000 citoyens , les sujets africains sont peu discutés en Israël. Des manifestations et

protestations dénoncent depuis quelques années les conditions de vie et le traitement des demandeurs d’asile politique, principalement érythréens et soudanais en Israël – estimés à 38 000 personnes, mais leur sort ne fait pas partie des débats principaux pendant les campagnes électorales et ce sujet n’est pas de nature à accroître l’intérêt de l’État hébreu à l’égard de l’Afrique.

Il n’en demeure pas moins que le principal objectif d’Israël visà-vis du continent, à savoir obtenir le soutien dans les instances internationales de ses positions sur la question palestinienne, reste pour le moment un échec. Certains des hommes d’affaires israéliens interrogés entre mars et mai 2020 feront valoir que l’essentiel est que le business, porté par le secteur de la sécurité, fonctionne entre Israël et nombre de pays africains. Et que malgré les faibles moyens en fonctionnaires dédiés aux ministères des Affaires étrangères et de l’Économie, le cabinet du Premier ministre et le Mossad arrivent à obtenir ce qu’ils veulent d’un nombre croissant de présidents du continent. Est-ce que ce type de fonctionnement, sous les radars , va évoluer en politique d’influence plus globale de l’État d’Israël ? Il est probable que, sous Benyamin Netanyahou, cela ne soit jamais le cas.

L'ambassadeur israélien Aleli Admasu a présenté jeudi 22 juillet 2021, ses lettres de créances au président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, selon des communiqués de l'organisation panafricaine et de la diplomatie israélienne. «Cela corrige une anomalie qui a perduré pendant près de deux décennies et représente une partie importante du renforcement des relations extérieures d'Israël», s'est félicité dans un communiqué le ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid.