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Juin-Juillet #28

Ariane Labed / Garbage / Marilou Berry /

KRISTEN STEWART Cannes Numéro Special

Bogdan Mirică / Claudio Giovannesi & Daphne Scoccia / Kevin Mischel / Tom Odell / / Fleur East / Edouard Collin / Charlotte-Sophie Husson / Vanessa guide / / Gregoire leprince-ringuet / Huang Lu / Simón Mesa Soto / Sang-Ho Yeon / NAWAZUDDIN SIDDIQUI / Florence Loiret-Caille & Samir Guesmi


CONTRIBUTEURS

FONDATEUR, DIRECTEUR DE LA REDACTION, REDACTEUR EN CHEF CINEMA & DIRECTEUR DE LA CREATION FRANCOIS BERTHIER REDACTEUR EN CHEF, REDACTEUR EN CHEF MUSIQUE DINE DELCROIX RÉDACTRICE EN CHEF BEAUTE AURIANE BESSON JOURNALISTES Auriane Besson, Dine Delcroi x, François Berthier. PHOTOGRAPHES François Berthier, Florian Fromentin, Martin Lagardère Nicolas Larrière. PRODUCTION PHOTO Dine Delcroix + François Berthier PHOTO DE COU V’ François Berthier CONTACT REDACTION/PUB theblindmagazine@gmail.com

The BlindMagazine est édité par la société Ten Feet Under / Tous les textes et photos sont soumis par leurs auteurs qui acceptent leur publication et n’engagent que leur responsabilité.


EDITO #28

Chers lecteurs, chères lectrices, certain d’entre vous l’auront remarqué, votre magazine se fait plus rare. nous avons décidé de passer à un rythme bimestriel lorsque l’actu le nécessite. Nous reviendrons à un rythme mensuel des que possible. Pour ce numéro d’étéTheBlindMagazine vous a concocté un numéro bien fourni pour ce numéro spécial post festival de Cannes avec Kristen Stewart en couverture et un portfolio exclusif. Nous espérons qu’il vous plaira. Bonne lecture. L’équipe TheBlindMagzine


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L’INSTANT Live L’instant LIVE

LITTLE MIX Trianon, Paris


par Dine Delcroix / Photo : Richard Issac

Le 23 Juin 2016, les Little Mix donnaient leur premier concert en France sur la scène parisienne mythique du Trianon dans le cadre de leur Get Weird Tour. Accompagnées de leurs danseurs, les quatre anglaises ont enchaîné les tubes et ont défendu férocement leur dernier album Get Weird qui a été certifié disque de platine au Royaume­Uni et qui est, à ce jour, le disque le plus vendu du girls band. Un spetacle puissant et sans temps mort.


DECOUVERTE MUSIQUE

TOM ODELL Par Dine Delcroix / Photos : Martin Lagardère

Trois ans après un premier album très remarqué grâce au tube Another Love, Tom Odell est de retour avec Wrong Crowd, un second opus minutieusement co-porduit avec Jim Abbiss qui a notamment travaillé avec Arctic Monkeys, Kasabian ou encore Adele. L’auteur-compositeur-interprète anglais sera sur la toute nouvelle scène de l’Élysée Montmartre le 30 Novembre 2016.

de deux ans. J’ai eu besoin de temps et je me suis plus ou moins dit que je n’avais rien écrit depuis un moment. Un mois ou deux après, j’étais de retour à l’écriture et je me suis senti incroyablement inspiré. C’était le point de départ du nouvel album. Ce temps de répit était vraiment important, autrement, j’aurais fait un alTu es de retour dans les bacs avec un deuxième album. Qu’as-tu appris de la première ère de ta carrière ?

bum qui aurait été intoxiqué par ma soudaine notoriété et la fatigue de la tournée.

L’expérience était toute nouvelle. Je n’avais rien fait fait de tel auparavant. C’était très stimulant et cela m’a plu parce que j’ai dû faire énormément de

Comment te sens-tu à l’idée te lancer

spectacles et jouer avec des musiciens.

à nouveau dans l’exercice de la promo-

J’étais incroyablement occupé et, quand

tion ?

cela s’est un peu arrêté, je me suis en quelque sorte regardé dans le miroir et je me suis dit que j’avais besoin d’un peu de répit à cause de tous ces voyages. Les valises sous mes yeux commençaient à prendre de l’ampleur. J’avais l’impression d’avoir vécu dix années en l’espace

C’est agréable quand on me pose des questions comme celle-ci. Ce genre de questions est intéressant car c’est un peu comme si j’avais une conversation banale avec n’importe qui, n’importe où. Parfois, tu fais des interviews où




tu dois répondre à des questions aux-

sonne. Il semble y avoir un constant be-

quelles tu as déjà répondu 200 fois mais,

soin d’explication alors que je ne pense

la plupart du temps, c’est agréable. Faire

pas qu’il y en ait un pour moi.

un album requiert beaucoup de soi. Je me suis tellement investi dans ce disque que j’y pensais en me couchant, j’en rêvais en dormant… Tout était concentré sur cet album. J’ai tout fait pour qu’il soit

Qu’à tu à répondre à certains médias qui

le meilleur possible. Du coup, quand tu

ont pu te trouver parfois désagréable en

mets autant d’efforts dans un truc, tu

interviews pendant la promotion de ton

t’en soucies et tu veux que les gens l’en-

premier album ?

tendent alors la promotion est importante.

Quand je regarde en arrière et que je me penche sur cette période du premier album, je me souviens que tout était nouveau pour moi. Tous ces gens qui venaient me voir avec des questions,

Penses-tu que le fait de parler de tes chansons en interviews peu altérer

je trouvais cela un peu intrusif. J’étais comme un lapin sous les projecteurs, je

leur sens ?

ne savais pas vraiment quoi dire et je ne

Je n’aime vraiment pas décomposer les

peut-être pas être capable de répondre

chansons et en parler. C’est très difficile.

à cette question. J’essaie toujours d’être

À mon sens, expliquer une chanson est

gentil. Peut-être qu’eux ne l’ont pas été

un peu inutile car, pour moi, l’écriture

(rires).

comprends toujours pas alors je ne vais

d’une chanson n’est pas un truc intellectuel mais plutôt émotionnel. Assez souvent, lorsque je termine une chanson, je ne l’analyse pas et je ne pense jamais vraiment à la façon dont je l’ai écrite.

Ton nouvel album s’intitule Wrong

Quand j’essaye d’expliquer une chan-

Crowd. Y a-t-il un double-sens à ce titre ?

son, mon avis est aussi bon que celui de n’importe qui d’autre. L’interprétation

C’est intéressant parce qu’en commen-

de n’importe qui est aussi bonne que

çant la promotion de l’album, j’ai dé-

la mienne. C’est pareil quand tu vois

couvert qu’en Europe, l'expression «

une peinture, tu n’as pas besoin que le

Wrong Crowd » n’est pas toujours bien

peintre te l’explique. Les gens la voient

traduite. On pourrait penser que cela fait

et ils ressentent une émotion qui les

référence au public alors qu’en Angle-

renvoie à une expérience ou à une per-

terre, « Wrong Crowd » signifie « Mau-


vaises Fréquentations » et c’est une expression que j’ai beaucoup entendue lorsque j’étais enfant.

À l’écoute des textes de ce nouvel album, on a l’impression que tu es passé par des moments sombres... Oui, je suis passé par pas mal de choses

Par rapport à ton premier disque, qu’est-ce qui a changé dans ta manière de travailler ? Tout a massivement changé ! J’ai été beaucoup plus prolifique. J’ai fini bien plus de chansons que pour le premier album et, je pense que mon approche a changé du fait que j’écrivais justement 3 à 4 chansons par semaine et je que je mettais toujours un point d’honneur à les terminer. Par ailleurs, j’ai davantage composé au piano. J’avais écrit trois chansons à la guitare pour le premier album mais, pour celui-ci, toutes les chansons ont été écrites au piano.

et cela fait partie de la croissance. Je me rends compte que la vie est encore plus fragile que ce que je ne pensais. Je pense que j’ai exploré plus d’idées et que je suis allé un peu plus loin sur ce disque. C’est un album un peu plus sombre mais, étrangement, je pense qu’il est aussi plus optimiste. Il a un optimisme que le premier album n’a pas eu. Another Love, sur le premier, est une forme de résignation disant que je serai toujours amoureux de la même personne. Il en est de même avec Till I Lost. En somme, il y avait bien plus de chansons de renonciation dans lesquelles je ne peux résoudre les problèmes alors que dans ce nouvel album, le personnage se retrouve dans de plus sombres endroits mais il est plus optimiste. Il dit que tout ira mieux

Pensais-tu au live pendant l’écriture de ces nouvelles chansons ? Non, je ne pensais pas au live en travaillant mais je crois que j’étais influencé par

comme, par exemple, dans « Constellations » dont le gros du message est « Je sais que les choses sont merdiques mais ça va aller mieux, maintenant ». C’est pareil avec Concrete et Sparrow.

le live car j’avais beaucoup de concerts à mon actif et je pense que l’album s’en est inspiré à un certain degré. Avant de faire le premier album, j’avais fait pas mal de concerts mais pas au point de partir en

As-tu le sentiment de laisser une cer-

tournée.

taine jeunesse derrière toi avec ce deuxième album ? Je pense que je me sentirai toujours


jeune mais ces dernières années ont

j’ai aimé mais je ne connaissais pas suffi-

certainement apporté une maturité. J’ai

samment la ville pour savoir exactement

réalisé que, quand j’avais 21 ou 22 ans,

où j’allais et c’était important parce que

je m’obstinais sur la musique et je m’en

je voulais être un touriste, je voulais être

foutais des amis et de la famille. Je n’ai

mal à l’aise. Los Angeles, c’est parce que

pas beaucoup d’amis mais, aujourd'hui,

j’avais une petite amie là-bas alors j’al-

je prends soin plus sérieusement du

lais lui rendre visite. J’ai aussi écrit une

peu que j’ai. Je prends soin de mes re-

bonne partie de l’album à Londres.

lations plus profondément. J’ai compris que l’amour que tu reçois est égal à celui que tu donnes et c’est aussi cela, grandir. As-tu éprouvé une certaine solitude dans ces grandes villes ? Ce nouvel album est un mélange de ballades et de chansons plus entraînantes. As-tu sciemment voulu cet équilibre dans le disque ?

Oui, j’avais passé tellement de temps en tournée que j’avais vraiment besoin d’une période de réflection et de solitude.

L’ombre et la lumière sont certainement des choses que j’ai voulu explorer sur cet album. Ce qui semblait évident pour moi, c’est qu’une ballade est bien placée

En général, préfères-tu être seul ou en-

lorsqu’elle est entre deux chansons en-

touré ?

traînantes. J’ai écrit beaucoup de chansons pour cet album et, pendant que je

Il y a une bonne phrase qui dit « Seul

faisais la tracklist du disque, j’étais vrai-

mais pas solitaire. » et je pense que c’est

ment à la recherche de cet équilibre et

une phrase clé. Tu peux être seul mais

je ne voulais pas avoir deux fois la même

pas solitaire. Ce n’est pas la même chose.

chanson.

Pour un certain temps, je suis content d’être seul parce que c’est important de passer du temps seul. Je trouve qu’il est aussi important d’éteindre mon téléphone le soir. Dernièrement, à quelque jours de

Pourquoi as-tu choisi New York et Los

la sortie de l’album, je me suis réveillé un

Angeles pour travailler sur ce disque ?

matin et, la première chose que j’ai faite a

Je suis allé plusieurs fois à New York et

déçu moi-même (rires).

été d’aller sur Twitter. Je me suis vraiment



Sur ce nouvel opus, on retrouve un mor-

Comment cela continue ? Je ne sais pas

ceau intitulé Still Getting Used To Being

mais j’y crois.

On My Own. Y évoques-tu justement la solitude ? Oui. La chanson dit que je ne suis pas habitué à cette solitude et que je suis encore en train de m’y accoutumer.

En référence à ta chanson Jealousy, également présente sur ce nouvel album, es-tu de nature jalouse ? Jealousy

parle

du

fait

d’être

conscient d’être jaloux. Je pense que la Toujours dans ce disque, sur le titre

jalousie est, souvent, un sentiment mas-

Somehow, tu chantes que tu ne sais pas

culin que nous pouvons avoir lorsque

ce qui se passe après la mort. Crois-tu

nous aimons quelqu’un. Cette chanson

qu’il existe une suite après la vie ?

est une sorte d’admission de ce sentiment

Comme, j’en suis sûr, beaucoup de gens, j’ai passé de nombreuses années à contempler la religion et la mort et c'est une question à laquelle aucun d'entre nous ne sera jamais en mesure de répondre et c’est, probablement, ce qui la rend si fascinante. Mais quand je vois

comme une façon de dire « Je suis désolé, je suis jaloux et je n’y peux rien ». Je me rends compte que la jalousie est un sentiment très toxique qui m’a bien souvent valu de grandes disputes avec mes petites amies et j'aimerais pouvoir m’en débarrasser.

la beauté de l’existence que nous avons sur la planète, le bel amour que les gens peuvent avoir les uns envers les autres, le coucher du soleil et un tas d’autres trucs clichés, j’éprouve un optimisme qui ne peut être trouvé dans aucune religion ou organisation du même genre. Il y a un truc au plus profond de certains d’entre

Maintenant que est revenu au devant de la scène, quelle serait la meilleure manière pour toi d’éviter l’excès et la fatigue durant cette nouvelle ère ?

nous qui me fait croire qu’il doit y avoir

Ne pas avoir de mauvaises fréquenta-

quelque chose. Il n’y a pas forcément de

tions.

vie après la mort mais je vois la chose au sens biologique : la matière qui compose notre corps ne peut pas disparaître, elle survit. Je ne pense pas que tout se termine nécessairement. Cela continue.


DECOUVERTE MUSIQUE


FLEUR EAST

En 2014, Fleur East était l’une des candidate phares de l’émission britannique X Factor avec ses prestations scéniques explosives et son énergie à revendre. Sa performance sur Uptown Funk » de Mark Ronson & Bruno Mars a même valu au titre orignal son succès au Royaume Uni. Signée par Simon Cowell sous son label Syco Music ainsi que par Columbia Records à l’échelle internationale, la chanteuse anglaise vient de sortir en France son premier album intitulé Love, Sax and Flashbacks.

Interview : Dine Delcroix / Photos : Nicolas Larrière


Avant de faire l’émission The X Factor UK en 2014, tu avais passé le casting une première fois en 2005 avec ton groupe Addictiv Lady. Penses-tu pouvoir à nouveau faire partir d’un girls band, aujourd’hui ?

Mes deux parents sont de grands mélomanes. Ils mettaient de la musique avec des écouteurs contre le ventre de ma maman quand elle était enceinte de moi. Depuis que suis en âge de parler et de faire des sons, je chante (rires). Je regardais des clips avec mon père toute la journée, je passais des journées à danser, à écouter Michael Jackson, Bob Marley, Stevie Wonder… J’ai eu plusieurs influences et cela a commencé dès le plus jeune âge.

Non. J’ai aimé faire partie d’un groupe parce que j’ai aimé avoir de la compagnie et avoir d’autres personnes avec moi mais, avec le recul, je me dis que c’était surtout parce que je n’avais pas confiance en moi et que j’avais besoin de m’appuyer sur le soutien d’autres personnes autour de moi. Je pense qu’avec l’âge, j’ai appris à avoir confiance en moi et j’ai désormais une vision claire de ce que je veux. Je pense qu’il est très difficile de trouver plusieurs autres personnes qui pensent et travaillent de la même manière que moi.

Te souviens-tu du premier disque que tu as

Peu avant de repasser cette audition en 2014,

D’où te vient ce don pour le chant et la danse ?

acheté ? Oui, le premier disque que j’ai acheté, c’est un album des Spice Girls. J’étais obsédée par les Spice Girls.

Quel est ton girls band préféré ? Les Spice Girls (rires).

Laquelle des 5 Spice Girl préfères-tu ? Scary Spice, évidemment. 18

tu étais en dépression et tu ne voulais plus faire de la musique. Que s’est-il passé ? C’était à un moment où je n’avais rien dans mon agenda, ni rendez-vous, ni spectacles… Rien ! Je me suis demandé comment j’allais pouvoir continuer sans gagner d’argent. J’essayais depuis déjà plusieurs années et rien ne fonctionnait alors j’ai envisagé un changement de carrière. C’était un temps effrayant durant lequel j’ai perdu toute motivation. Ensuite, mes amis et ma famille m’ont convaincue de faire l’émission « The X-Factor ». J’ai pris le risque en me disant que je n’avais rien à perdre et, heureusement, cela a payé.


VINCENT MACAIGNE



Pendant la durée de l’émission, quel juge qui t’impressionnait le plus ? J’aime Simon Cowell ! C’est lui que tu as besoin d’impressionner. Quand j’ai découvert qu’il allait être le juge de ma catégorie, je n’étais pas très contente mais plutôt effrayée à l’idée qu’il ne m’aime pas mais, en fait, il m’a beaucoup aidée et j’ai adoré travailler avec lui. Il a été un grand mentor pour moi.

Tes prestations scéniques sont assez spectaculaires. Es-tu une travailleuse acharnée ? Un peu (rires). Je repousse mes limites, je crois. J’aime essayer de nouvelles choses, j’aime les challenges et je n’ai pas peur de travailler dur. Je mets toujours tout dans ce que je fais. J’aime divertir, j’aime danser et j’aime combiner beaucoup de choses dans un show.

Certains te comparent à Janet Jackson. Comment trouves-tu cette comparaison ? Je trouve cela inouï (rires) ! Je suis, évidemment, une grande fan de la famille Jackson. Je pense que Janet est incroyable. C’est une performeuse puissante avec une forte identité. J’ai cette référence depuis le plus jeune âge. En grandissant, je ressemblais un peu à Janet et, quand j’ai commencé à me produire sur scène, c’était intéressant d’être comparée à elle. C’est un compliment incroyable !

Que penses-tu des récentes directions artistiques empruntées par Janet Jackson ? Le son old-school de Janet Jackson m’a manqué. Je me souviens que j’étais en plein enregistrement de mon album à Los Angeles lorsqu’elle a dévoilé son single de retour, No Sleep, et j’étais ravie car c’est le genre de sons qui me manquait. Ma chanson préférée de son répertoire est d’ailleurs That’s The Way Love Goes. Peu après, j’ai vu de nouvelles vidéos d’elle sur le net et je trouve qu’elle a toujours autant de présence. Toutefois, je n’ai jamais eu l’occasion de la voir en concert mais il le faut !

Sais-tu que tu as donné un gros coup de pouce commercial au tube Uptown Funk de Mark Ronson et Bruno Mars grâce à ton interprétation du morceau dans The X Factor ? C’est toujours incroyable. Quand quelqu’un m’en parle, je n’arrive toujours pas à croire ce qui est arrivé. Pour moi, c’était une chanson exceptionnelle. J’ai su qu’elle était spéciale dès que je l’ai entendue et c’est la raison pour laquelle j’étais si heureuse de l’interpréter


mais j’ignorais que les réactions allaient être aussi grandes après ma performance. Je ne m’attendais à rien de tout cela et le fait d’apprendre juste après que la chanson était numéro 1 des ventes sur iTunes était incroyable ! La chanson était déjà sortie en Amérique mais n’était pas encore sortie au Royaume-Uni. Simon Cowell m’a téléphonée la veille du show pour me dire de modifier le choix de ma chanson. C’était un truc de dernière minute d’autant que je ne connaissais pas la chanson donc j’ai dû l’apprendre et changer la chorégraphie un soir à peine avant la prestation.

Ton premier album s’intitule Love, Sax and Flashbacks. Pourquoi ce titre ? Je parle d’amour dans l’album. Sax est la première chanson qu’on a pu entendre de moi. Les flashbacks concernent toutes les expériences passées de ma vie et cela implique aussi bien les souvenirs que les musiques old school que j’écoutais.

Quel est, justement, ton meilleur flashback, à ce jour ?

As-tu eu l’occasion de rencontrer Mark Ronson, l’un des auteurs et producteurs du mor-

Un de me souvenirs préférés, c’est le fait d’aller jusqu’à la finale de « The X-Factor ».

ceau original ? Oui, je l’ai rencontré aux Brit Awards et je l’ai trouvé sympathique et agréable. Il n’a pas parlé directement de ma prestation mais il m’a dit « Je crois que je te dois un verre » (rires).

Ce tube a-t-il eu une influence sur ton premier single, Sax ? Je pense que cette chanson a définitivement inspiré Sax. Lorsque j’ai entendu Uptown Funk, j’ai immédiatement adoré le son funk et je me suis dit que ce serait exactement le genre de sons que j’aimerais proposer en tant qu’artiste donc il aurait été stupide de ma part d’ignorer cette chanson pendant que j’enregistrais.

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Ce premier album est arrivé assez rapidement après l’émission. Était-ce une forme d’obligation, pour toi, de le sortir aussi vite ? J’ai senti que c’était le bon moment. Pour les gens qui regardent l’émission, dès que tu t’en vas pour travailler sur ton album, tu pars trop longtemps. À leur yeux, j’avais déjà disparu rien qu’en m’absentant quelques mois. J’ai senti une demande et les gens avaient besoin de savoir ce que j’allais proposer alors j’ai préféré sortir mon album plutôt tôt que tard.



autre compétition, celle du monde réel.

Là, en l’occurrence, quand tu sors d’un tel programme, tu te retrouves en compétition avec d’autres artistes grands et déjà établis. C’est flippant !

Parle-moi de la chanson Paris sur l’album. Qu’est-ce qui a inspiré ce morceau ? Paris est la ville de l’amour et une de mes villes favorites à visiter. Ce qui est amusant, c’est que quand j’ai rencontré mon petit ami, nous sommes venus à Paris et nous avons ressenti tous ces sentiments que suggère une nouvelle romance, une romance excitante sans la moindre idée de ce qui va se passer ni où cela va nous mener. Il n’est question que de vivre l’instant présent et de profiter des étapes préliminaires et c’est précisément ce dont parle le titre « Paris ». C’est d’ailleurs une me chansons préférées de l’album.

Tu as eu l’occasion de retourner te produire dans l’émission qui t’a révélée. Cela fait quoi d’y revenir sans être dans la course ? C’était très effrayant. J’étais plus nerveuse à l’idée d’y retourner que quand j’étais dans l’émission. J’étais terrifiée de me dire que tous les participants, le public et les juges seraient là à me regarder. En tant qu’artiste, tu es constamment jugée. À peine tu quittes une compétition que tu te retrouves déjà dans une 24

Personnellement, as-tu un objectif à atteindre en tant qu’artiste ? Mon grand objectif, c’est de partir en tournée dans le monde entier. Je travaille dur pour que cela se fasse. J’aimerais monter un spectacle et divertir les gens. J’ai envie d’essayer d’être cette personne qui propose des performances audacieuses. Je pense qu’il faut s’attendre à être surpris à chaque fois avec moi.

Y a-t-il une salle de concert qui te tient particulièrement à cœur ? L’O2 Arena est un lieu emblématique à Londres pour quelqu’un qui vient de làbas. J’y ai déjà chanté dans le cadre de la tournée de The X Factor mais j’aimerais pouvoir m’y produire par moi-même. Ce serait fou complètement différent pour moi !



BLIND TRUTH

EDOUARD COLLIN Habitué des planches avec des pièces telles que Les Amazones, Panique au Ministère ou encore Lady Oscar, Edouard Collin s’invite aussi dans le petit écran. Il sera dans la saison 2 de la série Nina à l’automne 2016 sur France 2 ainsi que dans le téléfilm Les liens du cœur avec Hélène de Fougerolles dont la diffusion est attendue prochainement sur France 3. Côté théâtre, l’acteur reprendra son rôle auprès d’Amanda Lear dans La candidate à partir du 9 Novembre 2016 au Théâtre de la Michodière et partira en tournée avec cette pièce à succès dans toute la France ainsi qu’en Suisse et en Belgique dès 2017.

PAR Dine Delcroix / Photos : FRANÇois BERTHIEr

Stylisme : Dine Delcroix, Coiffure & maquillage : Francesco Spadaro (Laura Mercier cosmetic)


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Lorsque tu te regardes dans la glace le matin, que te dis-tu ? « Qui êtes vous ? ».

Quel super héros aurais-tu aimé être ? Petit-Pied, le dinosaure. Il avançait coûte que coûte… Un petit gars vrai, un bon petit diplodocus.

À qui voulais-tu ressembler quand tu étais enfant ?

Quel pouvoir magique aimerais-tu avoir ?

À quelqu’un que j’admirais plus que

Savoir quand je reverrai certaines per-

tout. J’essaye toujours de m’en rappro-

sonnes.

cher tout en m’efforçant de ne pas reproduire pour autant les mêmes schémas.

Quel prénom aurais tu-aimé porter ? Si tu avais une baguette magique, que chan-

Valentin ou Yann.

gerais-tu ? Cela fait une heure que j’essaye de répondre à cette question…

Que peut-on entendre comme message d’accueil sur ta boite vocale téléphonique ? « Bonjour, je ne suis pas disponible pour Si tu devais emporter une seule chose sur une île déserte, laquelle serait-ce ? Une arme pour en finir. 28

le moment mais laissez-moi un message et je vous rappellerai dès que possible. ». OK, je change d’annonce dès que j’aurai fini de te répondre.


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Quand et comment as-tu cessé de croire au

Que ferais-tu s’il ne te restait que 24 heures

père Noël ?

à vivre ?

Quand ma mère lui a demandé au télé-

v

phone d’apporter les cadeaux le 24 au soir au lieu du 25 au matin.

De quelle question aimerais-tu avoir la réponse ? « Quand ? ». Que peux-tu me dire de négatif sur toi ? Rien, évidemment.

Quel a été ton dernier instant de solitude ? « Non, je ne suis jamais seul avec ma soEt de positif ?

litude… ».

Tu t’obstines ?

As-tu menti pendant cet entretien ? Qui veux-tu épater le plus ? Mes grands-mères.

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Oui, dans la question sur l’île déserte.



GARBAGE

Quelques mois à peine après avoir célébré les 20 ans de leur premier disque par une tournée anniversaire, les membres de Garbage sont de retour avec un sixième album studio intitulé Strange Little Birds. Publié en indépendant le 10 Juin 2016 via le label de la bande, Stunvolume, ce nouvel opus est un véritable retour aux sources pour le groupe américano-écossais avec des morceaux atmosphériques et des paroles sombres. Après deux décennies dans l’industrie musicale, les quatre piliers du groupe que sont Shir-


PAR Dine Delcroix / Photos : François Berthier & DR

ley Manson, Steve Maker, Butch Vig et Duke Eriskon parviennent encore à surprendre en laissant libre cours à leurs envies artistiques et à leurs expériences personnelles. Le groupe mythique est d’ores et déjà en tournée et, en attendant le concert parisien qui se tiendra le 5 Novembre 2016 à la Salle Pleyel, nous avons rencontré la fameuse Shirley Manson.


GARBAGE

Votre nouvel album renoue avec les sonorités de vos débuts. L’avez-vous produit avec l’intention de revenir aux sources de Garbage ? Non, nous n’avons pas travaillé de cette manière. Je pense que le secret de cet album est que nous n’avons rien coupé et c’est la première fois. Nous avons gardé les choses entières parce que nous avons l’impression que tout le monde coupe tout aujourd’hui et qu’il y a de plus en plus d’impatience dans la société. Il y a ainsi beaucoup de pistes longues sur cet album. Nous avons voulu garder les choses telles qu’elles étaient et nous ne voulions rien perdre dans le but de plaire à un public imaginaire. Nous avons tenu à nous faire plaisir en faisant le disque que nous voulions faire sans nous soucier de passer en radio et c’est ce


qui a donné son identité à l’album. Dès lors que tu arrêtes de couper, tu te retrouves finalement dans un terrain de jeu ouvert et tu es obligé de t’auto-discipliner à rendre chaque partie intéressante et chaque atmosphère importante.

N’avez-vous pas toujours construit vos morceaux avec ce même élan créatif ? Nous nous sommes toujours sentis libres mais j’imagine que parce que nous sommes plus âgés aujourd’hui et meilleurs dans ce que nous faisons, maintenant, nous nous sommes en quelque sorte élevés. Lorsque tu te lances dans une aventure, il y a comme une cercle vicieux. Le premier album était un succès et il nous a permis de commencer à explorer d’autres domaines de la production musicale et d’autres sons. En tant que musiciens, nous avons toujours essayé de nous défier, de ne pas nous répéter et nous venons donc de boucler la boucle. Nous en sommes venus, là, à faire un disque qui me semble bien refléter l’époque dans lequel nous vivons : sombre et un peu chaotique.

Cet album est votre second disque en sortie indépendante. Ressentez-vous encore aujourd’hui les changements qui se sont opérés lorsque vous avez monté votre propre label, Stunvolume, en 2012 ?

Oh mon Dieu, oui ! Nous profitons vraiment de notre liberté. Nous n’avons pas besoin d’attendre après les idées de qui que ce soit. Nous pouvons tout à fait avoir une idée en plein milieu de la nuit et y donner suite. C’est tellement agréable de ne pas avoir à quémander après d’un label en disant « S’il vous plaît, monsieur, puis-je faire ceci ou cela ? ». Toutefois, ce n’est pas facile car tu ne peux pas rivaliser avec la distribution d’une grande maison de disques.

Quel est votre plus grand plaisir dans le fait d’être un groupe indépendant ? C’est de ne pas avoir à endurer l’absurdité de la part de personnes qui ne comprennent même pas ce que nous essayons de faire. Tout ce qui intéresse les maisons de disques, c’est faire de l’argent. C’est une donnée, une entreprise institutionnelle conçue pour générer autant d’argent que possible avec un artiste et personne ne se soucie de savoir s’il est en bonne santé ou s’il est heureux et je ne peux pas supporter cela. Bien sûr, avoir de l’argent est nécessaire dans notre monde. Je ne dis pas que je n’aime pas l’argent, c’est très agréable d’en avoir et tu en as besoin aussi bien pour te payer une tasse de café que pour te permettre d’aller rendre visite à ta mère malade mais je n’adore pas l’argent et je ne veux pas pendre des décisions dans ma vie qui soient basées sur l’argent. Je pense que c’est de la folie !


Vous livrez votre sixième album studio et vous n’apparaissez toujours pas sur les pochettes. Pourquoi ? Je suppose que nous avons toujours voulu nous éloigner des codes. Beaucoup d’artistes mettent effectivement des photos d’eux en pochettes d’albums, particulièrement les groupes dont la voix principale est féminine. Les maisons de disques sont toujours prêtes à exploiter les filles pour essayer de vendre des disques. Je pense qu’il est intéressant de proposer quelque chose de différent. J’imagine aussi que cela doit être lassant de voir constamment la même photo pendant toute la durée de promotion d’un album.

Quel est le thème principal de cet album ? Je pense que le sujet principal de l’album est « Que signifie le fait d’être un humain avec les qualités et les défauts que nous avons ? ». Je suis en train d’essayer de donner un sens au monde qui nous entoure. Il est question de regarder le monde mais aussi de se regarder soi-même en tant qu’individu. Comment pouvons-nous nous intégrer ? Où allons-nous ? Quel est notre avenir ? Je ne peux pas vraiment l’exprimer clairement, mais, pour être honnête, c’est un peu une manière de recenser les erreurs...


Personnellement, as-tu des regrets ? Oui et j’en parle dans le disque. Il y a des choses que j’ai faites dans ma vie avec lesquelles j’ai beaucoup de mal à vivre, dont je ne peux m’éloigner, que je ne peux pas lâcher et je pense que c’est un problème universel : nous, en tant qu’êtres humains, nous avons du mal à nous pardonner à nous-mêmes et donc à pardonner aux autres. Et le manque de pardon est ce qui conduit au chaos dans nos civilisations. Nous ne sommes pas capables d’aller de l’avant parce que nous sommes occupés à nous blâmer les uns les autres pour le passé. Nous devons apprendre à vivre et à pardonner.

Pourquoi avez-vous baptisé ce nouvel album Strange Little Birds ?

©François Berthier

C’est une phrase extraite de la chanson « Even Though Our Love Is Doomed ». Cette phrase parle de l’humanité en général avec l’idée que tout le monde peut paraître bizarre. Tous les êtres humains se regardent grandir. Nous essayons tous de comprendre qui sont les gens autour de nous. Nous sommes tous les suspects les uns des autres. Nous luttons tous pour être tolérés les uns des autres etc. C’est donc, essentiellement, une question d’humanité. « Strange Little Birds », c’est tout le monde. Tout le monde est un étrange petit oiseau.


Quel genre d’oiseau es-tu ? Un oiseau chanteur, bien sûr ! Je veux être un rossignol !

C’est justement dans Even Though Our Love Is Doomed que tu demandes « Why we kill the things we love the most ? » (« Pourquoi tuons-nous les choses que nous aimons le plus ? ». Est-il question d’autodestruction, ici ? Oui. De sabotage de soi, d’autodestruction, du fait de ne jamais apprendre de ses erreurs, de refaire tout le temps les mêmes chutes… Nous disposons de toutes les informations dont nous avons besoin mais nous les négligeons et nous continuons à nous détruire, à nous détruire les uns les autres, à détruire les gens que nous aimons, à gâcher nos relations, à tromper nos partenaires… Nous sommes insouciants : nous ingérons trop de nourriture, nous fumons, nous buvons, nous prenons des drogues… Tout est là !

Sometimes, la première piste du disque, est très différente du reste. L’avez-vous conçue d’emblée comme un morceau d’ouverture ? Durant le premier jour d’enregistrement de cet album, Steve a apporté cette piste instrumentale. Il nous l’a jouée et nous avons trouvé cela crispant. Il est très difficile d’obtenir une tension cor-

rect en musique, surtout lorsqu’il n’y a pas de visuels qui peuvent faire ressentir cette tension. Duke a immédiatement voulu que ce soit la première chanson du disque et nous n’étions pas tous d’accord parce que nous avions déjà choisi notre chanson d’ouverture. C’était surprenant. Quand tu es dans les parages pendant 21 ans, tu veux être en mesure de surprendre les gens. Steve a justement surpris le groupe avec cette chanson et nous avons donc compris qu’elle allait aussi surprendre l’auditeur. Cela a donné le ton et l’ambiance de tout le disque. Pour ne parler que de moimême, je me suis sentie en compétition avec Steve après cela. J’avais le sentiment qu’il avait relevé le niveau du jeu, qu’il fallait être à la hauteur et je pense que nous avons tous été compétitifs sur ce coup-là. Ce qui est intéressant, c’est que ce n’est pas une chanson, c’est vraiment une piste qui capture une humeur.

L’album comporte aussi des balades langoureuses comme Teaching Little Fingers To Play. Quelle est l’histoire de cette chanson ? Cette chanson parle du fait de devenir adulte, de perdre ma mère et de réaliser que suis l’ingénieur de mon propre bonheur. Duke avait apporté cette musique qu’il avait faite au piano et qu’il avait déjà baptisé ainsi. Ils nous as demandé si nous trouvions le titre du morceau joli et nous étions tous d’accord sur le fait que c’était un titre fantastique parce qu’il évoquait beaucoup de choses. Au fur et à mesure que les paroles progressaient, le thème des petits doigts qui apprennent ou réapprennent à jouer s’est


transposé au temps. Lorsque tu vieillis, tu retournes en arrière. En vieillissant, les gens perdent leur curiosité, perdent leur esprit d’aventure, ils sont fatigués, ils abandonnent, ils pensent qu’ils ne sont plus attrayants alors ils ne se soucient plus de leur apparence et ainsi de suite. Je pense que nous devons revenir à des choses concrètes, nous devons être prêts à apprendre, à écouter, nous devons continuer à être curieux et aventuriers, sinon, nous diminuons littéralement notre propre vie.

Dans

cette même

chanson,

tu

chantes « I’m a big girl, now » (« Je suis une grande fille, maintenant »). Quand as-tu commencé à te sentir grandie ? Quand ma mère est morte. À ce moment-là, j’ai réalisé que j’étais seule sur mes deux pieds, que ma Jeanne d’Arc venait de quitter l’immeuble et qu’elle avait pris son épée avec elle. C’est là que j’ai compris que le jeu devenait sérieux et que je devais prendre soin de moi car personne n’allait le faire, dorénavant. C’est ainsi que j’ai grandi !

En grandissant, te sens-tu moins provocatrice que tu n’as pu l’être dans le passé ? À certains égards, je me sens plus provocatrice - et je vais y revenir - mais j’essaie d’être plus gentille, d’être plus patiente, de faire des choses que j’aimerais voir dans le monde mais que je ne vois pas beaucoup... Toutefois, je suis très ef-

frayée par la culture dans laquelle nous vivons qui est incroyablement narcissique, incroyablement égoïste, incroyablement vaniteuse, pleine de vantardise, de gens qui ont de l’argent et qui l’étalent sur leur visage antipathique et je veux combattre tout cela avec chaque fibre de mon être. Voilà ce que j’entends quand je dis que je suis plus provocatrice à certains égards que je ne l’étais quand j’étais plus jeune. J’ai les idées claires à propos de ce contre quoi je me bats aujourd’hui alors que ce n’était pas le cas avant. Quand j’étais plus jeune, je me battais tout simplement. Maintenant, j’ai mon faisceau laser orienté sur ce contre quoi je me bats. Je me battrai pour des valeurs spécifiques qui sont importantes pour moi, je me battrai l’égalité de tous, je parlerai quand je verrai de l’injustice et je ne veux pas que les médias me dictent ma conduite…

À quel diktat des médias es-tu particulièrement réfractaire ? Je rejette tous les médias qui me disent que, parce que je suis une femme de 50 ans, je dois injecter du Botox et des comblements dans mon visage pour avoir l’air d’une dame gracieuse qui veut paraître 10 à 15 ans plus jeune que son âge. Je ne veux pas jouer à ce jeu-là et je pense que, aussi longtemps que les femmes chercheront la validation de leur apparence, nous ne pourrons jamais vraiment apprécier l’égalité. Nous sommes traités comme des objets et ce n’est tout simplement pas bon. Nous devons nous battre contre cela. Bien sûr que nous aimons entendre que nous sommes beaux mais, plus nous grandissons et plus nous ré-


alisons que nous n’avons plus 12, 15 ou 30 ans. Sans ce combat, nous nous éloignons de nous-mêmes, nous nous voyons comme des monstres et nous sommes horribles envers nous-mêmes au point de nous demander qui va nous aimer si nous ne sommes plus beaux. Le fait est qu’un milliard de gens t’aimeront si tu es une bonne personne et si tu es quelqu’un d’intéressant. Si tu passe ton temps à te focaliser sur la surface, tu n’auras probablement pas une belle vie.

Pendant que le groupe était en pause entre le quatrième et le cinquième album, as-tu envisagé une carrière solo ? Je crois beaucoup en mon groupe et cela a toujours été le cas. J’ai toujours été attirée par les groupes et je le suis encore. Si mon groupe continue d’être un lieu sain de création où je peux grandir, alors je n’ai pas besoin d’être une artiste solo. Même s’il faut parfois faire des compromis dans un groupe et tenir compte des opinions et des désirs de chacun, le jeu en vaut la chandelle. J’aurais envie de travailler en tant qu’artiste solo si je ne pouvais pas faire de la musique autrement mais je ne veux pas.

Quel genre de rôles voudrais-tu jouer ? J’aimerais encore jouer un robot. J’aime vraiment la science-fiction. J’ai une vraie curiosité pour tout ce qui attrait à la science fiction et j’aimerais en faire plus.

As-tu une série ou un film de prédilection dans ce genre cinématographique ? Ils ont détruit toutes les bonnes séries de science-fiction en Amérique ! Il y en avait de très bonnes. Le dernier film de science-fiction que j’ai vu et que j’ai vraiment aimé, c’était Ex Machina avec Oscar Issac. J’ai adoré !

Pour finir sur un exercice un peu délicat, quel est ton album préféré de Garbage ? À l’heure actuelle, c’est absolument Strange Little Birds mais, peut-on le mettre de côté juste pour l’exercice ?

Tu as toutefois profité de cette pause pour jouer un robot dans la deuxième saison de la série Terminator : The Sarah Connor Chronicles entre 2008 et 2009. Aimerais-tu refaire de la comédie ? Oui !

D’accord ! Le nouveau est probablement mon préféré mais, si on le met de côté, je dirais Version 2.0.



CANNES 2016, ANNÉE 69 par Dine Delcroix

Des journées imprévisibles, des tenues somptueuses, des montées des marches prestigieuses, des soirées uniques mais surtout… De l’art ! Car oui, c’est avant tout de cinéma qu’il est question pendant 10 jours. Un laps de temps durant lequel le monde ne tourne plus qu’autour du septième art. Et comme chaque année, il y a eu les spéculations, les révélations, les découvertes, les attentes, les déceptions, les habitués, les novices mais aussi les surprises et leurs conséquences. Retour sur cette 69 édition du Festival de Cannes avec un portfolio exclusif, une compilation d’entretiens ainsi que la palmarès

LONGES MÉTRAGES Palme d’or : I, DANIEL BLAKE (Moi, Daniel Blake) réalisé par Ken LOACH - Grand Prix : JUSTE LA FIN DU MONDE réalisé par Xavier DOLAN - Prix de la Mise en scène (ex æquo) : Cristian MUNGIU pour BACALAUREAT (Baccalauréat) Olivier ASSAYAS pour PERSONAL SHOPPER - Prix du Scénario : Asghar FARHADI pour FORUSHANDE (Le Client) - Prix du Jury : AMERICAN HONEY réalisé par Andrea ARNOLD - Prix d’interprétation féminine : Jaclyn JOSE dans MA’ ROSA réalisé par Brillante MENDOZA - Prix d’interprétation masculine : Shahab HOSSEINI dans FORUSHANDE (Le Client) réalisé par Asghar FARHADI - Le jury de la CST a décidé de décerner le PRIX VULCAIN DE L’ARTISTE-TECHNICIEN à :


SEONG-HIE RYU, pour sa direction artistique, d’une grande inspiration, du film MADEMOISELLE réalisé par PARK Chan-Wook. - Caméra d’or : DIVINES réalisé par Houda BENYAMINA, présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs

COURTS MÉTRAGES - Palme d’or : TIMECODE réalisé par Juanjo GIMENEZ - Mention spéciale du Jury A MOÇA QUE DANÇOU COM O DIABO (La Jeune fille qui dansait avec le diable) réalisé par João Paulo MIRANDA MARIA


SPECIAL CANNES

Bogdan Mirică

Interview : Dine Delcroix / Photos : François Berthier

Remarqué avec son court métrage Bora, Bora qui avait notamment été acclamé au festival Premiers Plans d’Angers en 2012, le réalisateur roumain Bogdan Mirică était, cette année, à Cannes pour présenter Dogs, son premier long métrage dans la catégorie Un Certain Regard qui s’est vu décerner le Prix FIPRESCI. Un coup d’essai réussi sur la nature humaine et la corruption.



Tu avais été plébiscité au festival Premiers Plans d’Angers pour ton court métrage « Bora, Bora » en 2012 et tu étais, cette année, à Cannes avec « Dogs », ton premier long métrage. Serais-tu en train de construire une relation avec la France ? Il y a quelque chose d’étonnant, oui, comme une sorte de sensibilité commune. Mon court métrage est allé dans plusieurs festivals mais la projection qui a eu lieu à Angers était incroyable. Je n’ai jamais vécu une telle projection. Les gens comprenaient tout même si, parfois, mes blagues peuvent être un peu « territoriales » avec un côté typiquement roumain. J’ai été très surpris de voir le public français réagir de façon aussi précise à ce que je fais. Je suis heureux et flatté d’avoir cette communication avec les français. Quand as-tu appris que ton film allait être en 46


sélection officielle au Festival de Cannes dans

mélange de western, de thriller, de film

la catégorie Un Certain Regard ?

noir, de drame et qu’il a un peu les élé-

Je suis mauvais avec les dates mais je crois que le producteur du film a dû m’en informer environ un mois avant le festival. J’étais très excité !

ments d’un film policier. J’aime vraiment jouer avec les attentes. J’adore mettre en place des intrigues qui n’aboutissent pas toujours car c’est ce qui se passe dans la vie. Beaucoup de personnes m’interrogent, par exemple, sur la scène avec le pied pour tenter de savoir à qui il ap-

Comment t’es-tu senti à l’idée de dévoiler ton

partient et j’aime cela. Ce n’est pas une

premier long métrage au monde entier par le

scène qui a été décidée au moment du

biais du Festival de Cannes ?

montage, elle était sur le papier et je voulais justement avoir un fil qui ne va nulle

Je n’ai pas d’autres points de comparai-

part. Pour moi et plus que tout, ce film

son dans la mesure où c’est ma première

ne repose pas sur l’histoire mais plutôt

fois. Pour être honnête, j’ai assisté à

sur l’atmosphère et sur les personnages

la projection et j’étais congelé dans mon

qui sont tellement centrés sur eux-même

siège car, à chaque fois que je regarde le

qu’ils ne voient pas qu’ils sont fonda-

film, j’y vois les erreurs, les petits trem-

mentalement en train de se tuer eux-

blements de la caméra, un truc hors

mêmes et de s’enterrer. Ils sont esclaves

champ ou alors je vérifie les sous-titres…

de leur propre nature humaine. Ils sont

De ce fait, je n’ai pas vraiment eu la li-

tellement guidés par leur ego et par

berté de me connecter à l’auditoire mais

leur besoin de dominer les autres qu’ils

je pouvais sentir parfois que les gens ré-

ne voient pas qu’ils sont en train de s’au-

agissaient et je ne parle pas spécialement

to-détruire.

des moments où ils ont ri car le rire est la réaction la plus évidente. Je pouvais, par moments, sentir qu’ils étaient plongés dans film durant des scènes fortes et cela m’a plu. Je pense que le public à Cannes est probablement le meilleur public du monde.

Pourquoi as-tu baptisé ton film Dogs ? Ce titre fait référence aux gens. En roumain, il y a un dicton qui dit « Se comporter comme un chien », ce qui est la pire

Comment qualifierais-tu ton film ?

chose qu’on peut dire à une personne. Bien sûr, ce n’est pas un compliment

Je n’aime pas le dogme, je n’aime pas

pour les chiens car les chiens sont des

m’enfermer dans un genre. Je sais que

animaux merveilleux. La chienne du film

mon film est un hybride, qu’il est un

est probablement le personnage le plus 47


innocent.

tements ? À la campagne, tu es bien plus exposé à la

Était-ce facile de tourner avec un animal ? Oui ! En comparaison, nous avons tourné une scène avec une centaine de cochons. Dans cette scène qui n’a pas été retenue, un des cochons était censé sauter par-dessus d’autres cochons mais c’était très compliqué. La chienne, à côté, ce n’était vraiment rien ! Elle a été bien dressée et elle était très sympathique.

mort que dans une zone urbaine. Là-bas, on voit des animaux se faire abattre et on tue des poulets à l’âge de 10 ans. Je suppose qu’à force de voir le sang et la mort, on finit par s’y habituer. Je ne blâme pas ces gens, c’est juste une manière différente qu’ils ont de s’exprimer. Leur rapport à la mort est très naturel. Je me souviens qu’une fois, pendant un déjeuner, ma grand-mère me parlait de sa voisine qui venait de juste de mourrir d’un accident de voiture et elle me racontait que ce sa cervelle était répandue. Ma grand-

Ton film montre une certaine violence gra-

mère était très décontractée à ce sujet,

tuite entre les êtres humains. Est-ce une chose

non par sadisme mais simplement parce

courante, en Roumanie ?

que c’était, en quelque sorte, quelque

Je ne veux pas généraliser car, à chaque fois qu’on généralise, on a tendance à dire des choses fausses. Néanmoins, il y a beaucoup de zones dans la campagne roumaine où les gens se battent vraiment pour rien, sans enjeu ni cause, juste parce que c’est leur langage à eux de la même manière que des philosophes se battent avec des mots et des idées. C’est leur manière d’avoir le dessus et si cela implique qu’ils doivent tuer quelqu’un au passage, ils le feront, même si c’est juste pour une bière.

chose de normal pour elle. D’un côté, il vaut mieux que ces gens aient cette notion de la mort car ils y sont exposés. La mort est une partie organique de la vie. Pour nous, c’est différent : nos beaux vêtements et nos appareils sophistiqués rendent la mort très lointaine et très abstraite mais, pour eux, c’est vraiment quelque chose de proche. Voilà, je pense, pourquoi ils ne s’inquiètent pas vraiment

si quelqu’un

meurt.

Pour l’anecdote, le vrai propriétaire de la ferme dans laquelle nous avons tourné une des scènes du film a tué quelqu’un lorsqu’il avait 18 ans. Il m’a raconté tous les détails sur la manière dont il a tué cet homme qui était son ami. Il l’a tué avec une bouteille de Pepsi juste parce qu’ils avaient eu une petite dispute. Il a

Comment expliques-tu ce genre de compor-

fait 15 ans de prison et il en parle avec


des « C’est comme ça, c’est la vie ! ».

répété et nous avons beaucoup parlé. L’acteur a pris la chose très sérieusement. Par cette scène, je tenais à montrer

Le policier de ton film utilise des méthodes propres à lui pour faire régner l’ordre. Que penses-tu de la justice roumaine, en général ?

que le personnage du policier n’est pas très minutieux dans ses recherches. Il essaye simplement de trouver son chemin. Ce qu’il fait est d’ailleurs plutôt ridicule

Je ne veux pas parler du système judi-

: il utilise des gants de vaisselle pour exa-

ciaire en Roumanie dans le sens où je ne

miner le pied. J’ai juste voulu montrer

peux rien affirmer mais, apparemment, il

qu’il est plutôt obsédé que profession-

est serait très corrompu...

nel. Ce n’est pas un flic, là, c’est juste un gars obsédé par la vengeance et par le besoin de trouver des indices.

Qu’en est-il du policier de ton film ? En fait, le policier de mon film n’en est

Le scénario de ton film a des allures de wes-

pas vraiment un, c’est juste un gars en

tern. As-tu été influencé par ce genre ciné-

mission qui veut se venger et tuer son en-

matographique ?

nemi sans se soucier de la loi. D’une certaine manière, il impose la loi mais

Je suppose qu’il y a des influences du

il ne suit pas celle du gouvernement. Il

genre mais elles ne sont pas spécifiques.

a simplement sa propre loi. Le fait qu’il

On retrouve peut-être le schéma du

soit flic est une chose formelle. Il est

film « Le Bon, la Brute et le Truand » avec

dans les forces de l’ordre mais il n’est pas

mes trois personnages. Je ne regarde

pour autant meilleur que les autres. Il est

pas beaucoup de westerns. Bien sûr, j’ai

tout aussi corrompu que les autres et il

vu les piliers du genre mais je n’ai pas

est esclave de son propre ego tout autant

vu de bon western depuis un moment. Je

que les autres.

pense que le genre devient un peu obsolète et démodé. Si on s’en tient au genre, on risque de s’ennuyer. Je n’ai pas en-

Tu en parlais tout à l’heure : le film comporte un long plan séquence où l’on voit ce policier examiner un pied humain qu’il a trouvé. Cette scène était-elle complexe à réaliser ?

vie d’être religieusement accroché à un genre. Je préfère me dire que le genre est là et qu’on peut y piocher ce que l’on veut pour faire son propre truc.

En fait, cette scène dure maintenant 5 minutes mais, initialement, elle durait 10 minutes. Avant de tourner, nous avons 49


KEVIN MISCHEL PAR Dine Delcroix Photos : François Berthier


Danseur professionnel depuis de nombreuses années, Kevin Mischel s’est vu offrir son tout premier rôle au cinéma par la réalisatrice Houda Benyamina dans le film Divines. S’il ne savait déjà pas à quoi s’attendre en rejoignant le projet, le jeune homme ne se doutait pas non plus que ce premier long métrage irait cette année à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs où il décrocherait la prestigieuse Caméra d’Or ainsi que la Mention Spécial Sacd. Un bel accomplissement dans la carrière de l’artiste qui avait justement besoin d’un virage lorsque le cinéma est venu lui tendre les bras, réveillant, peutêtre, une nouvelle vocation.


film qui allie la danse et l’acting, pour mon rôle, en tout cas. Je pensais que les deux disciplines étaient beaucoup plus éloignées mais elles se rapprochent énormément. Pendant des mois, Houda, la réalisatrice, m’a beaucoup formé et m’a donné pas mal de clés. Du coup, j’ai énormément travaillé sur le rôle et je me suis rendu compte, à force, qu’il y avait des similitudes. En danse, on va s’exprimer avec les corps alors que, dans l’acting, on va plutôt utiliser la voix et le regard. Houda a réussi à faire en sorte que je parvienne à utiliser mon corps d’une autre manière et c’était très intéressant. Cette année marque ta première fois à Cannes. Était-ce comme tu l’imaginais ? J’avais l'image de Cannes qu’on voit à la télévision avec un côté effervescent et plein de célébrités. Finalement, la réalité n’est pas si loin de cette image que j’avais mais j’ai pu découvrir, en plus, l’intérieur des salles de projection, faire la montée des marches et entendre des retours sur un film après sa projection.

Tu es avant tout danseur professionnel. En explorant la comédie pour le film « Divines» de Houda Benyamina, as-tu trouvé des similitudes entre la danse et l’acting ? Cela fait 15 ans que je danse et 10 ans que j’en fais mon métier. C’est vrai que ce n’est pas directement lié au cinéma mais, bizarrement, avant la danse, j’avais fait du théâtre pendant plusieurs années. J’ai toujours eu envie de jouer et d’interpréter à ma manière. C’est passé par la danse et cela rejoint le cinéma par ce 52

Comment tu t’es retrouvé au casting de ce long métrage présenté cette année à la Quinzaine des Réalisateurs ? Pierre-François Créancier, le directeur de casting m’avait vu dans un spectacle. Il a alors cherché à me rencontrer. Au départ, je ne prenais pas la chose très au sérieux et, finalement, on s’est vu et la chose a pris énormément d’ampleur. Il m’a rapidement mis devant le fait accompli et j’ai dû directement faire des essais en improvisation. Je n’avais pas énormément d’informations et je me demandais d’ailleurs où cela allait mener. Je ne connaissais personne de l’équipe et c’est, peut-être, ce que j’ai aimé, finalement. J’aime prendre des risques et là, c’était vraiment une prise de risque parce que j’étais totalement dans l’inconnu.

Dans le film, tu joues un danseur de banlieue. Comment as-tu perçu ce rôle avant


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de t’y plonger ? Je viens de banlieue, à la base. Je dansais tranquillement dans mon quartier quand j’étais jeune et là, on me demandait de revenir à ce que je faisais il y a près de 8 ans pour le besoins du film...

Le fait de retourner dans ce milieu familier de manière fictive a-t-il été facile pour autant ? Au début, je me suis dit que ce serait simple de retourner à mes 18 ans, à cette période où j’étais un peu impulsif et un peu plus agressif puis, finalement, quand je me suis retrouvé à jouer, à devoir incarner plusieurs couleurs pour donner des sensations, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas vraiment revenir à ce que j’étais avant parce que je n’étais tout simplement pas comme mon personnage avant, j’étais plus brut. Au départ, c’est facile mais, devant le fait accompli, c’est complexe. Il y a aussi eu une évolution car la génération d’aujourd’hui n’est pas la même qu’il y a 10 ans.

Appréhendais-tu le regard d’autres danseurs issus de la banlieue où tu as grandi sur ta participation à ce film ? Il y a un jugement important. J’ai dansé avec beaucoup de jeunes de banlieue qui sont devenus très proches aujourd’hui

et, le fait de s’entraîner ensemble et d’échanger énormément faisait que je pouvais aller les côtoyer et leur poser des questions pour le film. Je voulais tenir compte de la réalité alors j’ai essayé d’être à l’écoute des ces gens-là tout en étant aussi à l’écoute de Houda et de son équipe et cela m’a énormément appris. Si je repense à moi quand j’avais 17 ou 18 ans, j’étais habillé en Sergio Tacchini avec une casquette de travers sur la tête mais Houda a voulu que mon personnage ait un côté intemporel pour éviter les clichés.

Que redoutais-tu le plus dans cette première expérience devant une caméra ? Quand j’ai lu le scénario, ma première crainte était de jouer nu parce qu’il y a une scène de nu. J’ai toujours refusé de danser nu pour des chorégraphes assez connus, d’abord par pudeur, mais aussi parce que le nu n’ai jamais été bien utilisé en danse, pour moi. J’avais peur que ce soit mal joué ou un peu trop gratuit. De plus, je n’étais pas très emballé à l’idée de me mettre nu devant des gens, des techniciens, mais il y a une grande force dans le cinéma qui n’est, peut-être, pas autant présente en danse : la préparation mentale. Au cinéma, on voit les choses à l’avance, on prépare le terrain, on lit, on joue sur des perceptions, des images… Après, j’ai eu la peur de ne pas y arriver. Le processus a été long. Je suis passé par plusieurs états et j’en suis venu, parfois, à me questionner sur moi-même car je n’avais plus confiance en moi. 55


Étais-tu conscient qu’une bonne partie de l’histoire du film allait reposer sur ton personnage ? C’est effectivement le personnage masculin principal. Pour Houda, c’est un rôle important et elle m’a toujours dit que ce personnage représentait un peu l’idéal d’une rencontre, d’une relation imaginée, abstraite avec un peu d’onirisme.

Personnellement, as-tu vécu ce genre de rencontres ? Je n’ai pas eu le chance de vivre des histoires comme celles du film. Quand j’ai rencontré ma femme, un truc s’est passé mais il n’y avait pas ce côté poétique que peut nous offrir le cinéma.

Tu es souvent en déplacement dans le cadre de tes spectacles de danse. Comment concilies-tu ta vie professionnelle et ta vie sentimentale ? C’est une très très bonne question ! Je sais que ce métier m’a coûté une histoire de couple il y 4 ou 5 ans pour avoir été tout le temps en tournée sur les routes. À l’époque, j’étais avec quelqu’un qui n’était pas du tout dans ce milieu et qui ne comprenait plus. Aujourd’hui, je suis avec une personne magnifique qui accepte ma vie, qui la comprend et qui est toujours là. 56

As-tu un objectif en tant que danseur ? Sans prétention, j’ai vraiment eu la chance de danser avec les chorégraphes avec lesquels je rêvais de danser. J’ai travaillé avec des danseurs étoiles et des chorégraphes de renom et certains étaient vraiment des exemples pour moi. Ils m’ont donné leur confiance et m’ont offert des rôles. J’ai aussi accompagné des artistes sur leurs concerts… Je suis arrivé à un stade où je tourne en rond au point de m’ennuyer un peu. J’ai l’impression d’avoir fait le tour et c’est pour cela que le film de Houda est arrivé au bon moment. Ce film, c’était un summum pour moi. Il était question de jouer, d’aller dans une autre méthode et de danser à des moments. Bien sûr, j’aurais rêvé de travailler avec Pina Bausch mais elle n’est malheureusement plus de ce monde. La première fois que j’ai pleuré devant un spectacle, c’était un des siens.

Cette première expérience au cinéma t’at-elle donné envie de continuer dans ce domaine ? Oui, bien sûr ! Au départ, j’ai eu un premier choc. Je me souviens que j’étais un peu anxieux durant la première journée de tournage. Le peu de choses que j’avais à mon actif en termes d'images jusqu’à ce film, c’était des spots de danse mais j’ai clairement envie de renouveler l’expérience, aujourd'hui.


Quel genre de rôles aimerais-tu explorer au cinéma ? J’aimerais une prise de risque avec un rôle de composition, à l’opposé de ce que je peux être même si je n’ai pas un parcours d’acteur typique.

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SANG - HO YEON PAr Dine Delcroix Photos : DR.

Pour son premier film en prises de vues réelles, le réalisateur et scénariste sud-coréen Yeon Sang-Ho a choisi de filmer des zombies qui opèrent dans le milieu clos d’un train en direction de Busan. Une histoire qui réunit tous les ingrédients pour ravir autant les fans du genre que les plus novices en cette matière horrifique. Dernier Train Pour Busan a été présenté cette année à Cannes hors compétition en Séance de Minuit et sortira dans nos salles le 17 Août 2016.

On te connaît surtout pour tes films d’anima-

ment la société. Il y a un message sociale

tion. Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de parler

qui est inhérent au zombie. Par rapport

de zombies pour ton premier film en prises de

à L’Enfer, à The King Of Pigs et à The Fake,

vues réelles ?

j’ai pensé que je pourrais développer une

J’avais fait un court métrage qui s’appelle L’Enfer et dont Dernier Train pour Busan reprend d'ailleurs beaucoup d’éléments fantastiques. Après ce court métrage, j’ai d’abord eu l’idée de faire un film d’animation qui allait s’appeler Seoul Station et je n’ai pas pu le réaliser tout de suite après mais j’ai néanmoins gardé cette idée dans un coin de ma tête. Ce n’est qu’après avoir fait les films d’animation The King Of Pigs et The Fake que j’ai commencé à faire le développement du film d'animation Seoul Station dans lequel il y avait déjà la figure du zombie. Je pense que cette figure représente vrai58

sorte de film de genre, en ayant un message social qui soit beaucoup plus fort et c’est ce qui a donné « Seoul Station » : un film d’animation vraiment très sombre avec un message social mais je voulais y ajouter une sorte de sentiment un peu personnel et c’est à partir de là que l’idée de Dernier Train pour Busan m’est venue. J’en ai alors parlé à mes producteurs et ils m’ont dit « Pourquoi ne ferais-tu pas un film en prises de vues réelles ? ». J’ai donc accepté !


As-tu souhaité surfer sur la vague à suc-

lequel des zombies apparaissaient juste-

cès des films de zombies qui est assez pré-

ment. C’était vraiment situé au Japon

sente en Occident, ces dernières années ?

avec des japonais. C’est en voyant ce

À la base, je ne suis pas un grand connaisseur ou un grand fan de films de zombies mais il y a le film Dawn Of The

film que j’ai pris confiance en moi en me disant que je pourrais peut-être faire un blockbuster réaliste et asiatique.

Dead de Zack Snyder qui m’a particulièrement touché. Ce film est un remake du film Zombie de George A. Romero et j’y

ait vraiment pensé. Bien sûr, après ces

L’absence de scènes gores dans Dernier

films-là, il y a eu World War Z ainsi que

Train pour Busan est-elle liée à une envie

la série The Walking Dead qui sont des

de rendre ton film accessible ?

productions beaucoup plus commerciales mais c’est vrai qu’en Occident, il

Comme je le disais, c’est le film de Zack

y a une certaine tendance de ces films-là

Snyder m’a donné un peu cet inté-

et je me suis demandé, au début, s’il ne

rêt dans les films de zombies et, à par-

serait pas difficile de situer mon film en

tir de là, je me suis dit que les films de

Corée pour le public coréen. Au Japon,

zombies pouvaient justement devenir

il y avait un film qui avait été très bien

commerciaux et très populaires. Mon

réalisé qui s’intitule I Am a Hero et dans

film, ce n’est que pour les fans de films 59


de zombies que je l’ai fait car j’ai aussi

a reconstitué un train et on a filmé dans

pensé aux personnes qui n’ont jamais

ce décor.

vu de films de zombies. C’est pour cette raison qu’en termes de maquillages et de visuels, la violence est peut-être un peu moindre.

As-tu fait appel à une expérience personnelle en particulier pour donner du réalisme à ton film ? C’est un rêve ou plutôt un cauchemar que je fais souvent : une sorte de cas d’urgence qui se présente et où je dois pro-

As-tu utilisé des effets spéciaux pour les mouvements de corps des zombies ? C’est assez drôle parce que, dans les mou-

téger ma famille. J’ai éprouvé, dans ces rêves-là, des choses très particulières et je pense que ce sont ces sentiment-là qui m’ont aidé à faire ce film.

vements des acteurs, il n’y a finalement pas eu tellement d’effets spéciaux. Il y avait une équipe qui était chargée des mouvements des acteurs. C’était une sorte de chorégraphie de break-dance de l’épaule. Le chorégraphe était venu expliquer aux acteurs comment se mouvoir justement comme des zombies et c’était

Vas-tu retourner au cinéma d’animation pour ton prochain film ?

vraiment le mouvement que je voulais. Il

Je pense que je continuerai à faire des

y a eu un entrainement des acteurs et des

films d’animation mais mon prochain

figurants pour pouvoir faire cette danse

film sera aussi un film en prises de vues

de l’épaule.

réelles. Je pense que ce sera un film de genre, certainement un thriller fantastique coréen.

L’histoire de ton film se déroule principalement dans un train. As-tu tourné dans un vrai train ? À part quelques scènes qui ont véritablement été tournées dans un train, on 60


61


NAWAZUDDIN SIDDIQUI Par Dine Delcroix Photos : DR

Désormais habitué du Festival de Cannes et des tapis rouges, Nawazuddin Siddiqui a présenté cette année le film Psycho Raman à la Quinzaine des réalisateurs. Dans ce long métrage haletant de Anura Kashyap, l’acteur indien incarne un déséquilibré qui veut succéder à Raman Raghav, un tueur en série qui a marqué l'Inde dans les années 60.

62


Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir

Psycho Raman est mon quatrième film

acteur ?

avec Anurag Kashyap qui est un immense

Après mes études, j’ai travaillé en tant que chimiste dans une usine pétrochimique mais j’ai réalisé que je n’aimais pas ce boulot répétitif en allant voir une pièce de théâtre et j’ai été attiré par l’alchimie qu’il y avait entre l’audience et les acteurs. J’ai compris que je ne pouvais plus exercer ma profession tous les jours de 9h à 17h et j’ai voulu jouer la comédie. J’ai commencé par un tout petit rôle dans un film où j’avais une phrase de texte puis, j’ai intégré la National School of Drama à New Delhi pour me former.

réalisateur dans notre pays. C’est un réalisateur moderne et c’était amusant de tourner avec lui car nous nous connaissons très bien. Je ne peux pas vraiment expliquer le genre de rapport que nous avons. Je ne peux pas dire que c’est un ami et je ne peux pas dire que c’est mon réalisateur mais il me connaît très bien. Si je m’assois avec lui pendant 5 heures, il peut très bien ne pas me parler et il peut en être de même pour moi. Voilà le genre de rapport inqualifiable que nous pouvons avoir.

Ce que je pensais de la comédie avant de jouer est complètement différent de ce que j’en pense maintenant que je prends les chose plus sérieusement.

Comment as-tu travaillé sur ton personnage dans ce film ? Mon personnage est un serial ailler qui a opéré dans l’Inde des années 60. Il y

Tu étais à Cannes cette année pour pré-

avait une véritable peur de Raman Ra-

senter le long métrage Psycho Raman à la

ghav dans les années 60, particulière-

Quinzaine des Réalisateurs. Pourquoi y

ment chez les enfants. C’est un person-

a-t-il « 2.0 » dans le titre original du film

nage très difficile car il a une mentalité

qui est Raman Raghav 2.0 ?

particulière, une raison spécifique et une

C’est en référence à l’adaptation de l’histoire du personnage historique Raman Raghav. Le réalisateur a choisi de l’adapter de manière contemporaine et c’est pour cette raison qu’il a tenu à baptiser

logique propre. Il n’agit pas normalement. Il m’a fallu croire en sa philosophie car je ne suis pas comme lui sur le plan social. C’était la tâche majeure de mon travail d’acteur.

son film « Raman Raghav 2.0 ». Où as-tu découvert le film terminé pour Comment s’est passée ta collaboration

la première fois ?

avec le réalisateur Anurag Kashyap sur

J’ai découvert le film à Cannes. Lorsqu’il

ce film ?

se voit dans un film à l’écran, un acteur

63


se focalise toujours sur lui-même. Moi,

As-tu l’impression qu’il y a un renou-

je voyais l’ensemble de l’histoire, un peu

veau dans le cinéma indien avec des films

comme un réalisateur. J’ai réalisé que le

moins légers ?

film était très différent de ce que je pensais qu’il serait, notamment en raison de la chronologie des scènes.

Oui. De plus en plus de cinéphiles vont voir des films plus sombres. Avec Internet, ce genre de films est devenu plus accessible et la nouvelle génération peut

Y a-t-il un autre festival de cinéma où tu aimerais aller promouvoir ce film ?

ainsi voir n’importe quel film. Les goûts changent…

Le Festival du film de Sundance. J’aime la programmation et le public de ce fes-

Quel genre de films aimes-tu aller voir,

tival.

généralement ? J’ai une préférence pour les films légers

Te souviens-tu de ton premier tapis rouge ?

et les comédies romantiques.

Mon premier tapis rouge était justement à Cannes. La première fois que je suis allé au Festival de Cannes, c’était en 2012 avec 3 films. Il y avait « Gangs Of Wasseupur - Première et Deuxième partie » qui étaient présentés à la Quinzaine des

As-tu des acteurs préférés ? J’aime Paul Newman, James Dean et Jean-Louis Trintignant que j’ai adoré dans Amour de Michael Haneke.

Réalisateurs ainsi que « Miss Lovely » qui était dans la section Un Certain Regard. L’année suivante, j’y suis retourné avec 3

Quel est ton plus grand souhait en tant

nouveaux films : « The Lunchbox » dans

qu'acteur ?

le cadre de la Semaine de la Critique ainsi que « Monsoon Shoutout » et « Bom-

J’aimerais me découvrir davantage en

bay Talkies » qui étaient tous les deux

tant qu’acteur. Nous avons beaucoup de

présentés en Séances Spéciales.

personnes en nous. Nous sommes la fille, l’ami, la mère, le père… Nous sommes

Après un rôle sombre de tueur en série,

tout ce que nous avons en nous ! C’est

qu’aimerais-tu jouer ?

une richesse de la vie que je veux ex-

Là tout, tout de suite, après avoir incarné un serial killer, j’aimerais bien jouer un personnage romantique.

plorer en tant qu’acteur à travers différents personnages. L’acteur est la seule personne au monde à pouvoir vivre plusieurs vies en une seule.




FLORENCE LOIRET-CAILLE & SAMIR GUESMI


Présenté cette année au Festival de Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs où il a remporté le prix Sacd, L’effet aquatique met en scène les acteurs Florence Loiret-Caille et Samir Guesmi dans une histoire d’eau, d’amour et de dépassement de soi. À la fois drôle et émouvant, ce film est malheureusement le dernier de Solveig Anspach puisque la réalisatrice a succombé en Août 2015 à une récidive de cancer, cette même maladie dont elle parlait dans son premier long-métrage, Haut les cœurs ! en 1999. Nous avons rencontré le duo phare du film. par Dine Delcroix / Photos : DR

mier long métrage, Haut cette sélection et cela était Les Cœurs !, il y a 17 ans. très important pour nous. On naviguait entre deux Samir : On avait peur que eaux, pour filer la méta- cette sélection soit perçue phore. On a eu à la fois de comme quelque chose de la joie et de l’émotion. On charitable.

Pendant

une

passait du rire aux larmes des projections cannoises, en deux temps trois mou- quelqu’un nous a demanComment avez-vous vécu le vement. C’était un peu les dé quel sera le prochain fait d’aller à Cannes pour montagnes russes

mais film de Solveig Anspa-

y présenter le film L’Effet c’était très fort. On a aus- ch. En lui expliquant que Aquatique dans la section si été frappé par l’attention Solveig n’était plus là, on Quinzaine des Réalisateurs ? qu’Edouard

Waintrop, a compris aussi qu’une

le délégué général de la bonne majorité du puFlorence : D’aller à Cannes Quinzaine des réalisateurs, blic n’était pas au courant. avec le film de Solveig Ans- a porté au film. Ce n’est pach, c’était l’occasion rê- pas parce que Solveig n’est vée parce que c’est à la plus là que le film a été Quinzaine des réalisateurs choisi mais parce qu’il a Qu’est-ce qui vous a amequ’elle a montré son pre- vraiment sa place au sein de nés

à

intégrer

ce

pro-



jet de

long

métrage

? ans. Après, on s’est croisé Le fait de devoir montrer son et on a notamment parti- corps ajoute-t-il une complexi-

Florence : Vas-y, raconte le cipé au précédent film de té à la préparation du rôle ? dîner chez Jean-Luc (rires). Solveig, « Queen Of MonSamir : Jean-Luc Gaget, le treuil », même si on n’avait Florence

:

Forcément.

co-scénariste du film qui a pas de séquences ensemble. Je crois que c’est Cathetravaillé avec Solveig Ans-

rine Deneuve qui dit que

pach pendant environ 10

dès qu’une actrice appa-

ans, nous a invités à dîner

raît nue à l’écran, ce n’est

chez lui avec Solveig et Flo- Comment décri- plus l’actrice qu’on voit rence. À la fin du repas, Sol- riez-vous l’histoire d’amour mais veig a demandé à Jean-Luc entre

Samir

et

la

femme. Toute-

Agathe, fois, même si j’avais dû ne

d’aller chercher les des- les personnages que vous porter qu’une feuille de serts. Il s’est éclipsé et il incarnez dans le film ? vigne, je n’aurais pas eu peur du ridicule avec Sol-

est revenu avec deux exem-

plaires du scénarios du film. Florence : C’est difficile veig et c’est ce qui est bien. à décrire... Une histoire Samir : J’ai fait des essais d’amour se vit pas à pas. de maillots de bain deSamir : Non mais c’est su- vant Solveig et Marie Le Quelle a été votre réaction per : le mec, il la voit au Garrec, la costumière, et à la lecture du scénario ? café et il tombe amoureux je ne me sentais pas ridid’elle. Un coup de foudre ! cule. On a beaucoup ri. Samir : J’ai trouvé cela in- Il se retrouve très loin et il croyable et je me souviens est là où il avait envie d’être. avoir envoyé un texto à Solveig qui m’a répon-

L’eau est un des ingrédients

du qu’elle venait de rece-

principaux du film. Y a-t-il

voir un texto de Florence Il est question d’amour mais une difficulté dans le fait de disant

la

même

chose. aussi de natation dans le tourner dans cet élément ? film. Faut-il être à l’aise avec son propre corps pour pouvoir Florence : Je pense aux tourner en maillot de bain ? scènes où la caméra est sous l’eau. On avait un peu froid

C’est comme si vous étiez

connectés, tous les deux.. Samir : Si j’avais été à parce qu’ils avaient cou.

l’aise

Florence : On est connecté, je

avec

crois

corps, pé les moteurs des chauf-

mon que

Solveig fages de la piscine mais

oui. C’est avec Samir que j’ai ne m’aurait jamais pris. les images sont très belles. eu ma première expérience Florence au cinéma quand j’avais 19 c’est

:

Pour

pareil

moi, Samir : Oui, l’eau est un (rires). élément de jeu. On en tient



compte comme d’un vrai je

crois

que,

mainte- précise de ce qu’elle veut.

partenaire de jeu. Il fallait nant, je suis plus Terre. Elle déconstruit beaucoup au tournage. Il y a le scéna-

se laisser porter et flotter.

rio qui est très écrit mais, au fur et à mesure des Que vous évoque la pis- Avez-vous cine,

en

général

été

marqués prises, elle aime bien être

? par une scène en particu- la première spectatrice et lier durant le tournage ? la première surprise de ce

Florence rais

:

bien

Moi, aimé

qu’elle voit. On joue avec

j’au-

faire Florence : J’ai été marquée les éléments puis il y des

comme Agathe, mon per- par la scène de fin qui a été scènes qui ne sont pas présonnage, à savoir aller dans tournée au Blue Lagoon en vues alors il se passe autre une piscine vide parce que, Islande. J’avais vraiment chose. Nous étions une pepour moi, la piscine, c’est l’impression d’être dans tite équipe et nous avions le brouhaha, les enfants… la

quatrième

dimension notamment très peu de

Samir : Pour moi, c’est un avec ce paysage complè- temps de tournage en Ispeu l’angoisse d’être en- tement lunaire et cette va- lande. Je me souviens que fermé. C’est aussi le fait de peur. Il faisait 3°C à l’exté- c’était des grosses journées. mettre un temps fou à se rha- rieur et 45°C à l’intérieur. Solveig

collabore

avec

biller après avoir nagé… Ils étaient tous en anorak des gens qu’elle connaît alors que nous, on était depuis 20 ans et, du coup, dans l’eau. C’est un souve- tout va très vite. Sans nir hallucinant ! On savait qu’elle ait besoin de me Lequel

des

quatre

élé- aussi qu’on tournait les der- dire les choses, je savais

ments vous définit le plus ? nières images du film donc quand elle était contente c’était un rendez-vous dont et quand elle ne l’était pas. Samir : J’aime beaucoup il fallait vraiment profiter. l’eau mais je ne crois pas que ce soit mon élément. Aimez-vous

J’adore être dans l’eau

l’improvisation

mais, au bout d’un mo- Quelle était votre relation avec sur un plateau de tournage ? ment, j’ai froid. Quand je la réalisatrice Solveig Anspasuis dans la mer, je ne suis ch pendant le tournage du film ? Florence : Bien sûr ! C’est comme le fait de continuer

pas tranquille. Je n’arrive pas à faire la planche, par Florence exemple.

Mon

élément, la

: C’est

réalisatrice

!

elle une conversation, en fait. Elle Samir : C’est la continuité

je crois que c’est l’Air. est têtue et elle sait ce de ce qui se passe, oui. On Florence : Moi, j’ai long- qu’elle veut. Toujours avec ne se dit pas que c’est de temps

été

Feu

mais humour, elle a une idée l’improvisation. En fait, tu


es sur un fil mais tu n’as pas danger alors que tu es au Samir : Moi, j’y ai vu de du tout peur de te faire mal. bord et que tu peux tomber. la grâce. J’ai d’ailleurs deJe n’ai jamais rencontré une Florence : … Oui parce que mandé à Florence si c’était telle bienveillance. Solveig, c’est une comédie donc il mon regard qui voulait voir tu sens qu’elle se casse- fallait jouer sur le tempo de la grâce dans ce film ou ra la gueule avec toi si elle et les rythmes de chacun. s’il était vraiment gracieux. doit se casser la gueule et

Ce qui fait très plaisir, c’est

tu sens aussi qu’elle prend

ce que j’entends de la part

du plaisir avec toi. Elle te

des gens qui le voient. Les

tient par la main et elle fait Quel a été votre point de vue gens le trouvent gracieux. tout avec toi ! Il n’y a pas de en découvrant le film fini ? Florence : Je suis d’ac-


cord pour

Samir, Votre expérience

avec une

fois

(rires). théâtre travail

nourrit-elle au

Florence : Vous

avez

chacun

dans plusieurs théâtre. tention

pièces

Avez-vous

du votre

cinéma Le

?

théâtre

joué aide. C’est quand même de du sport, c’est très phyl’in- sique. Au cinéma, on est

d’aller davantage plutôt sur la personnalité

vers le cinéma, désormais ? des gens. Dans le monde actuel, je trouve que les Florence :

Non.

Moi, acteurs

prennent

beau-

je vais là où il y a des coup d’importance alors choses à dire et à jouer. c’est bien aussi de faire du Samir : Pareillement. Moi, théâtre, cela enseigne le lanje viens du théâtre. J’ai gage et le travail d’équipe. commencé par le théâtre Samir : Oui. Le théâtre reet c’est là qu’on m’a ouvert vient à la langue, aux fondes portes. Quand on est damentaux, au théâtre, on a envie de faire du cinéma et, quand on est au cinéma, on a envie de faire du théâtre...

aux

mots.



Gregoire LEprince-ringuet Révélé par André Téchiné dans Les Egarés en 2002, Grégoire Leprince-Ringuet a, depuis, multiplié les collaborations brillantes, de Nicole Garcia dans Selon Charlie en 2006 à Bertrand Tavernier dans La Princesse de Montpensier en 2010, en passant doublement par Christophe Honoré avec Les Chansons d’Amour en 2007 et La Belle Personne en 2008. Avant de retrouver la caméra d’André Téchiné pour tourner « Nos Années Folles » aux côtés d’Adèle Exarchopoulos et de Pierre Deladonchamps, Grégoire Leprince-Ringuet était, cette année à Cannes pour présenter, en Séance Spéciale, son premier long-métrage en tant que réalisateur. Intitulé La Forêt de Quinconces, cette fable dévoile une toute nouvelle facette de l’artiste qui a mis sa passion pour la poésie au profit d’un récit mystique et de dialogues entièrement écrits en prose et en vers. PAR Dine Delcroix / Photos : Martin Lagardere

Coiffure & Maquillage : Talyndia


77


Gregoire LEprince-ringuet Avec quels réalisateurs as-tu le plus appris ? Les Chansons d’Amour m’a beaucoup marqué en tant qu’acteur et en tant qu’homme. Cela a été fondateur pour moi et c’est à Christophe Honoré que je dois d’avoir eu l’audace de m’éloiTu as longtemps voulu réaliser mais tu

gner à mon tour du naturalisme. D’autre

t’es d’abord consacré à ta carrière d’ac-

part, je ne vous cacherai pas qu’Arnaud

teur. Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans

Desplechin est un maître pour moi. Je

la réalisation pour « La Forêt de Quincon-

ne pense pas que mon film ressemble

ces » ?

aux siens mais il est clair que « Rois et Reine » est pour moi le meilleur film du

Quand j’ai tourné dans Les Égarés d’An-

monde.

dré Téchiné, j’avais 14 ans et je voulais déjà être celui qui dit « Action ! ». J’avais compris que c’était celui qui prenait le plus de plaisir dans toute cette histoire. Ce qui était nécessaire pour passer au long métrage, c’était d’avoir une légitimité d’auteur. Je ne voulais pas écrire pour me donner un rôle. Il fallait que j’aie une histoire à raconter. C’est venu

Beaucoup

de

réalisateurs

commencent

par réaliser des courts métrages. Te sentais-tu suffisamment préparé pour travailler directement sur un format long ?

en écrivant de la poésie. La versification

Pour tout vous dire, je n’aime pas telle-

m’a donné cette légitimité à mes propres

ment les courts métrages. Je n’y trouve

yeux.

pas assez de place pour m’exprimer alors c’était assez naturel pour moi d’entrer tout de suite dans le vif du sujet.

Le fait d’avoir déjà mis en scène une pièce de théâtre a-t-il appuyé ton travail sur ce film ? J’avais effectivement déjà dirigé Pauline 78


79


80


Caupenne au théâtre et cette première

forme de complicité plus intense depuis

expérience de metteur en scène a tout

que je suis passé, comme eux, derrière la

simplement changé ma vie. C’est là que

caméra. C’est une forme de baptême, un

j’ai appris à diriger un acteur. Au théâtre,

rite de passage : une fois que vous l’avez

l’acteur est responsable de tous les effets

fait, le regard de vos pairs change.

de la mise en scène : le temps et l’espace lui appartiennent.

L’histoire de ton film est née d’une suite de poèmes que tu avais écrits il y a longY a-t-il une difficulté dans le fait de réaliser

temps. D’où te vient cette passion pour

tout en incarnant un des rôles principaux du

la poésie ?

film ?

J’aimais les vers très jeunes, j’en ai ap-

Je dois dire que c’est confortable d’être

pris par cœur très tôt. Ensuite, vers l’âge

acteur dans son propre film car on est en

de 20 ans, j’ai découvert Paul Valéry qui

prise directe avec la mise en scène, on

m’a littéralement révélé à moi-même

dirige de l’intérieur et puis tout le monde

puis Beaudelaire, Rimbaud, Mallarmé,

voit que vous prenez un risque alors tout

Aragon, René Char… Philippe Jaccottet

le monde est solidaire. Les autres acteurs

m’a réconcilié avec la poésie contempo-

me dirigeaient en même temps que je les

raine.

dirigeais. À la fin d’une prise, je disais ce que je pensais d’eux mais je leur demandais aussi ce qu’ils pensaient de moi. Cela responsabilise les acteurs. Une confiance s’instaure et cela tire tout le monde vers le haut. À quel âge as-tu écrit ton premier poème ? J’en écrivais de très naïfs quand j’étais au lycée. Je crois que j’avais 16 ans quand Maintenant que tu es passé derrière la caméra, perçois-tu la relation entre un réalisateur et son acteur différemment ? Quand je travaille comme acteur pour

j’ai écrit une sorte de pamphlet contre la société de consommation, quelque chose de très révolté. Le résulta était très ridicule mais témoignait déjà de mon désir d’écrire.

d’autres cinéastes, je sens qu’il y a une forme de respect qui s’instaure, une 81


Tu as justement choisi d’écrire les dialogues

En tant qu’acteur, est-il nécessaire d’être

du film en prose et en vers. Ne craignais-tu

passé par le théâtre pour interpréter de tels

pas que cela puisse manquer de clarté pour

textes ?

le spectateur ?

Oui. La joie du texte est plus présente au

Les vers, au contraire, clarifient la pen-

théâtre qu’au cinéma mais il y de nom-

sée. J’ai toujours eu à l’esprit la compré-

breux contre-exemples.

hension du spectateur. Je pars du principe que si le spectateur accepte de se concentrer un peu, il sera récompensé de cet effort par le fait de comprendre. Il y a un plaisir à comprendre. Déontologique-

Ton film porte une dimension fantastique.

ment, en tant qu’artiste, je trouve qu’il

Était-ce une direction souhaitée dès le départ ?

est assez grave de revendiquer un droit à l’obscurité. Ceux qui le font laissent

Les évènements fantastiques devaient

le spectateur hébété, devant le vide et je

servir une vérité des personnages. C’est

trouve cela tout à fait révoltant.

le principe du conte : un élément de la réalité est exagéré jusqu’à devenir invraisemblable mais plus pertinent. Le sortilège, dans mon film, en est l’expression la plus forte : c’est un événement ma-

Faut-il diriger ses acteurs d’une manière spé-

gique mais Camille dira plus tard que

ciale lorsqu’ils ont ce genre de textes à dire ?

c’était juste une prière, qu’elle a simple-

Là encore, c’est la clarté le plus impor-

c’est vraisemblable. Il fallait maintenir

tant. Il faut que le sens de ce qu’ils jouent

une ambiguïté entre le merveilleux et le

soit parfaitement clair pour eux. Ce qui

vraisemblable pour que ni l’un ni l’autre

compte, ce n’est pas les mots qu’ils disent

ne paraissent superficiels.

ment espéré que ce garçon l’aime et ça,

mais la situation qu’ils jouent. Dans la comédie musicale, les chansons simplifient le sentiment tout en l’amplifiant. Avec les vers non chantés, je crois qu’on peut davantage aller vers une certaine com-

Pourquoi as-tu opté pour différents formats

plexité du rapport. On entre dans un

d’images à l’écran ?

débat. Les personnages s’expliquent, se disputent, argumentent.

J’ai essayé de tirer le film vers une souplesse de mise en scène : une caméra qui bouge, des plans-séquences, de l’épaule, des travellings, du steadicam… J’ai voulu

82



varier le plus possible avec le principe de

La ville de Paris est un personnage à part

choisir ce qui était le mieux pour chaque

entière dans ton film. Était-ce important se

séquence. De la même manière, les chan-

s’approprier l’espace, à tes yeux ?

gements de format se sont imposés par nécessité esthétique : le format 2.40 pour les scènes les plus spectaculaires, le 1.33 pour tout le ventre du film, les scènes de folie pour lesquelles on avait besoin d’isoler les éléments dans l’image et le 1.66 était le format d’équilibre entre les

C’est important pour moi qu’on se réapproprie la ville. On doit pouvoir poser une caméra et dire : « C’est à nous, je vous le montre ! ». Et puis ce sont tout simplement les quartiers de Paris que je connais le mieux avec cette idée de ne pas cher-

deux.

cher trop loin ce qui est sous nos fenêtres

Il y a une scène de danse très théâtrale dans le

Quelle est ta scène préférée du film ?

film. Comment as-tu travaillé sur sa construction et sur la chorégraphie ?

J’aime beaucoup la dernière scène : la lune et l’eau.

Georgia Ives a écrit la chorégraphie en fonction des mouvements que j’arrivais à faire... C’était plus facile pour Pauline

Tu es allé au Festival de Cannes pour la pre-

Caupenne qui a une formation de dan-

mière fois à l’âge de 14 ans afin d’y présen-

seuse. Tchaïkovski s’est imposé très vite

ter « Les Égarés » d’André Téchiné. Cette an-

sur cette scène pour une orchestration

née, tu y as présenté ton premier film en tant

spectaculaire. Cette idée de la fête, du

que réalisateur en Séance Spéciale. Qu’est-ce

spectacle, est très importante pour moi.

qui change, dans l’exercice ?

À chaque étape de la création du film, j’ai essayé de faire en sorte que le spectateur

J’étais très fier d’être invité à Cannes pour

ressente du plaisir. Les scènes spectacu-

mon film. C’est une reconnaissance très

laires l’invitent à cette confiance. C’est

importante pour le jeune cinéaste que je

important car, du coup, on est prêt à ac-

suis. Bien-sûr, c’est toujours un plaisir d’y al-

cepter d’autres scènes qui vont demander

ler en tant qu’acteur mais, pour son propre

un peu plus d’effort de concentration.

film, il y a plus d’enjeu. Du coup, c’est plus effrayant avant et on exulte d’avantage quand la presse est bonne.

84


Penses-tu déjà à réaliser un second long métrage ?

De quoi parlera-t-il ? De beaucoup de choses ! J’aimerais qu’il

Je recueille en ce moment mes notes

y ait de nombreux personnages, chacun

éparses pour construire un scénario.

avec un destin particulier.

C’est une étape très plaisante : le film se dessine et s’efface sans cesse…


SPECIAL CANNES


ARIANE LABED

Par Dine Delcroix / Photos : FRANCOIS BERTHIER

Voir du Pays des sœurs Delphine & Muriel Coulin met en scène deux jeunes militaires françaises campées par Ariane Labed et Soko qui reviennent d’une mission en Afghanistan et pour qui l’armée a organisé un séjour de décompression dans un hôtel chypriote. Attendu en salles pour le 7 Septembre 2016, le film était présenté cette année à Cannes dans la section Un Certain Regard, raflant sur son passage le Prix du Scénario. Entretien avec Ariane Labed.


même dans la production. J’aime savoir, par exemple, où et comment on a trouvé l’argent, quel focale on utilise… Il m’est déjà arrivé d’être derrière la caméra à observer tout ce qui se passait et d’oublier qu’on m’attendait devant la caméra. J’adore l’idée de la fabrication et je ne me sens pas à part de cela en tant qu’acAvant d’être actrice, tu t’es d’abord intéressée au théâtre d’un point de vue de la mise en scène. As-tu totalement abandonné l’idée de

trice. Cela vient du théâtre. En compagnie, il y a un truc très horizontal et on est tous au même niveau.

faire de la mise en scène, un jour ? Il y a une compagnie de théâtre grecque avec laquelle je travaille un peu. J’ai récemment passé trois semaines à travail-

Tu as souvent joué dans des films qui ont été

ler de manière collective. On met tous

présentés en festivals. Y a-t-il un festival de ci-

un peu la main à la pâte dans tous les

néma que tu affectionnes particulièrement ?

postes donc c’est quelque chose que j’ai quand même l’impression d’avoir déjà fait et de faire encore. Après, le fait de prendre tout un projet sur mon dos et de le signer de mon nom… Non ! J’admire les metteurs en scène et les réalisateurs mais moi, j’ai l’impression que j’ai besoin des autres et que j’ai besoin d’hésiter. Pour l’instant, non, mais cela m’inté-

Venise ! C’est mon premier festival avec mon premier film. À Venise, il y a un truc moins fou qu’à Cannes. C’est très beau ! Il y a l’eau, une humidité et une atmosphère vachement plus organiques. C’est un festival très agréable. J’y suis allée trois fois et j’ai même été jury, là-bas. Je m’y sens plus à la maison qu’à Cannes.

resse énormément…

Y a-t-il une forme de redondance dans le fait Gardes-tu toutefois un regard curieux sur cette fonction lorsque tu es en tournage ? Généralement, je suis vraiment dans ma scène et dans mon personnage mais j’ai toujours une curiosité, oui. J’aime bien savoir comment les choses se fabriquent, 88

de promouvoir un film en festival puis, une nouvelle fois à sa sortie en salles ? Non parce qu’au final, en festival, on fait deux ou trois jours de promotion et encore un peu à la sortie du film. C’est toujours facile de faire de la promotion pour



un film quand on l’aime. Ce qui est dif-

ment elles fonctionnent mais on a passé

ficile, c’est quand cela bute et qu’il faut

un peu de temps ensemble et j’ai com-

trouver des raisons d’être enthousiaste.

mencé à comprendre leurs différences et voir là où elles se complètent. Elles sont différentes tout en étant très proches. Ce qui est beau, parce que c’est une famille, c’est qu’elles peuvent tout se dire et se

Cela t’est-il déjà arrivé de faire la promotion

pardonner dans la seconde. Il y a un truc

d’un projet qui, justement, butait ?

très facile quand il n’y a pas de politesse et pas d’effort à faire, ce qui est très ras-

Oui mais je n’ai dirai pas plus (rires).

surant. Après, il arrive qu’elles se contredisent mais pas plus qu’un seul réalisateur ou une seule réalisatrice.

Tu as été à Cannes cette année pour promouvoir le film Voir du Pays des sœurs Delphine et Muriel Coulin. Comment t’es-tu retrouvée dans ce projet ? Sur le tournage, les sœurs Coulin étaientLes sœurs Coulin avaient vu mon pre-

elles toujours d’accord ?

mier film, Atenberg. Plus tard, j’avais participé un à projet avec Guy Maddin dont

Elles allaient quand même toujours dans

le tournage se passait à Beaubourg et

le même sens. Elles ont juste, peut être,

auquel les gens pouvaient assister. Elles

des petites façons différentes de faire

étaient venues voir le tournage, m’ont

passer un même message. C’était même

abordée et m’ont fait part de leur désir

plutôt riche, car, comme elles sont deux,

de travailler avec moi. Par la suite, j’ai re-

elles ont plus de temps pour développer

gardé ce qu’elles avaient fait et on s’est

certaines choses.

revu. Peu après, j’ai reçu le livre ainsi que le scénario du film et j’ai beaucoup aimé le projet. Comment t’es-tu préparée pour incarner Aurore, cette jeune militaire qui revient d’Afghanistan ? Comment travaille-t-on avec un duo de réalisatrices ?

90

Là, ce qui était génial, c’est qu’on avait le livre comme outil en plus du scéna-

Pour être honnête, j’avais un peu la

rio. C’est énorme et je ne l’avais jamais

trouille parce que je me demandais com-

fait. Du coup, toutes les zones d’ombre




du scénario étaient emplies par une

Comment s’est passée la collaboration avec Soko

voix intérieure qui donnait de la richesse

qui partage l’affiche avec toi dans ce film ?

au personnage d’Aurore que j’incarne car tout est à travers ses yeux dans le livre. C’était très riche et, à chaque fois que je me sentais un peu paumée, j’y revenais. Après, je me suis intéressée à l’armée et à la guerre. Je suis allée dans une caserne militaire de Clermont-Ferrand avec les sœurs Coulin où on a rencontré des femmes militaires. J’ai rencontré des gens qui avaient des traumatismes après la guerre. C’était excitant de pouvoir m’intéresser à un univers vers lequel je ne serais jamais allée si je n’avais pas fait ce film. J’ai pu dépasser mes clichés sur l’armée et je pense que j’en avais énormément. Physiquement, j’ai dû faire de la musculation et prendre des protéines pour devenir un peu plus épaisse parce

J’ai adoré travailler avec Soko. Il y avait un vrai dialogue. Les gens ont une image d’elle un peu particulière mais c’est une fille super sage et je ne retrouve pas du tout ce que les gens projettent sur elle. Je pense qu’il y a un vrai personnage qu’elle a construit en tant qu’artiste et les gens projettent là-dessus des trucs plutôt fantasques, plutôt punk. C’était très simple de travailler ensemble parce qu’on a toutes les deux des parcours un peu particuliers. Elle fait de la musique. Moi, j’ai fait pas mal de théâtre et je n’ai jamais rêvé de cinéma. On a un rapport naturel et pas dans la fabrication. On est vachement dans le moment présent et à l’écoute avec la même façon de tra-

que j’étais très maigre.

vailler. C’était bien !

Quelles scènes du film ont été, pour toi, les

Une partie du film a été tournée en Grèce. Toi

plus délicates à tourner ?

qui es née et qui a aussi vécu dans ce pays,

La scène à la frontière où Soko balance

pour un tournage ?

tout a été un peu difficile. C’est très cinématographique et naturel à l’image mais ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus naturel au jeu. Il y a eu aussi le fait de se baigner alors qu’il faisait froid.

comment as-tu réagi à l’idée d’y retourner

C’était génial d’y retourner ! C’était un cadeau. J’ai un lien super fort avec la Grèce et cela me vient sans que je le décide. Quand les sœurs Coulin m’ont dit qu’on allait tourner sur un île grecque, à Rhodes, je n’y croyais pas. Je me sens chez moi, là-bas. C’était super parce qu’il y avait une co-production avec la Grèce alors j’ai retrouvé des gens dont la deuxième assistante du tout premier film que j’ai tourné. De même, l’acteur grec avec 93


lequel je couche dans l’histoire avait fait

un resort en rentrant d’une mission de 6

du théâtre avec moi.

mois en Afghanistan.

Le film évoque les séjours de trois jours or-

As-tu déjà eu l’occasion d’expérimenter des

ganisés par l’armée pour les militaires qui

vacances organisées avec un programme

reviennent d’Afghanistan après 6 mois de

prédéfini ?

mandat. Connaissais-tu l’existence de ces escales appelées « sas de décompression » avant

Non, c’est vraiment un truc que j’évite

de travailler sur ce film ?

et je comprends mal qu’on opte pour

Pas du tout ! On est d’ailleurs allé visi-

(rires).

ce genre de vacances. Cela m’angoisse

ter le vrai sas à Chypre et les soldats sont vraiment lâchés au milieu des touristes et des bikinis… Je ne pouvais pas imaginer un truc pareil.

Quel est ton point de vue sur ces sas de décompression ? Il y a un peu tous les points de vue dans le film, ce que je trouve très juste même si on voit bien que les choses partent en vrille car, ce sont quand même des bombes à retardement donc ces trois jours sont, de toute façon, absurdes et dangereux. Après, ce que je trouve bien, c’est qu’il y a au moins une reconnaissance des troubles de la guerre. Ces trois jours ont surtout été créés pour détecter les personnes qui ont été détruites, en fait. Je ne peux avoir idée de ce qu’est la guerre mais on doit forcément perdre le sens des réalités quand on passe par 94

Aujourd’hui, en tant qu’actrice, de quoi astu envie ? Je n’avais même pas prévu de faire du cinéma. J’ai l’impression que tout m’arrive sans que j’ai calculé quoique ce soit. Je n’ai aucun plan de carrière donc je ne prévois rien à tel point que c’est même un peu drôle. Jusqu’à présent, cela me réussit. Je fonctionne vachement à la rencontre et je n’ai pas de but à atteindre. Il y a, bien sûr, des réalisateurs avec lesquels j’aimerais beaucoup travailler comme Paul Thomas Anderson, par exemple, mais je ne me projette pas. C’est peutêtre une façon de me protéger...


Ariane est en Chanel Maquillage : Delphine Sicard Coiffure : Alexandrine Piel


CLAUDIO GIOVANNESI & DAPHNE SCOCCIA par Dine Delcroix /

Photos : François Berthier



Présenté cette année à Cannes à la quinzaine des réalisateurs, Fiore, de Claudio Giovannesi, raconte une histoire d’amour entre deux adolescents enfermés dans un centre pour délinquants. Un film poétique dont Daphne Scoccia, l’actrice principale, fait, ici, ses premiers pas devant une caméra et se révèle magnifiquement sous la direction du metteur en scène italien.

Comment est née l'idée du film Fiore, présenté cette année à la Quinzaine des Réalisateurs ? Claudio : L’idée est venue de mon désir de raconter une histoire d’amour. Je voulais une histoire d’amour entre deux adolescents. J’ai découvert que les établissements pénitentiaires pour mineurs à Rome séparent les filles des garçons. Ainsi, ils ne peuvent pas se rencontrer, ils ne peuvent pas échanger et n’ont droit à aucune forme de contact. C’est là que j’ai eu l’idée de placer mon histoire d’amour dans ce décor.

Le fim montre les différents types de relations qui peuvent se créer dans le milieu carcéral et met notamment l’accent sur une relation homosexuelle. Par ces thèmes, le film va-t-il à l’encontre d’un certain traditionalisme italien ? Claudio : Ma référence à ces établissements pénitentiaires pour mineurs est très stricte en termes d’interdiction de la délinquance juvénile. La loi veut punir ces jeunes pour leurs crimes tout au long de la sentence. Elle les force à être isolés. Concernant l’homosexualité, nous parlons, bien sûr, du pays où se trouve le Vatican et, bien que la religion chrétienne soit une merveilleuse religion, un certain conservatisme est en vigueur et on le doit davantage à l’institution qu’est le Vatican qu’à la religion elle-même. 98


Pourquoi avoir choisi de donner aux personnages principaux du film le même prénom que celui de leur interprète ? Claudio : Lorsque je travaille avec des acteurs non professionnels, j’ai l’habitude d’utiliser leur vrai prénom car il est ainsi plus facile eux pour de s’identifier aux personnages qu’ils incarnent. C’était d’autant plus important dans le cas des personnages de Josh et de Daphne car leurs expériences passées reflètent beaucoup leur caractère.

Dans le film, Daphne tombe assez rapidement amoureuse de Josh. Elle se fait même tatouer le prénom du garçon sur le corps. Est-ce sa manière de marquer sa dévotion pour lui ? Claudio : La vitesse à laquelle Daphne tombe amoureuse de Josh dépend du vide qu’elle a en termes d’amour. Elle a désespérément besoin d’amour et, par consé99


quent, elle tombe amoureuse de ce garçon. Je ne sais pas si le tatouage est réellement un signe de dévotion. C’est très commun, en prison, de se faire tatouer des prénoms de gens aimés.

Daphne a pourtant une certaine carapace. Josh la rend-il vulnérable ? Claudio : L’amure qu’elle porte vient de son manque d’amour. Elle est agressive et violente parce qu’elle est toute seule. Elle doit se tenir sur ses deux jambes et personne ne l’aidera. Elle tombe amoureuse de Josh parce qu’il est gentil avec elle. C’est la première personne qui fait preuve de gentillesse et de douceur envers elle. Ils se reconnaissent dans la solitude de chacun. Ils ont tous les deux été abandonnés. Josh a une petite amie au Nord de l’Italie qui ne se soucie pas de lui. Il se casse la main en frappant dans un mur parce qu'elle ne lui téléphone pas. Daphne, elle, est en quelque sorte negligée par son père. Les deux sont dans une position similaire.

Le film montre une scène de fête qui a lieu dans l’établissement pénitentiaire à l’occasion du 31 Décembre. Ces fêtes existent-elles vraiment dans ce type d’établissements en Italie ? Claudio : Tout ce qu’on voit dans le film existe vraiment et je l’ai expérimenté moimême en passant 6 mois dans un établissement pénitentiaire pour mineurs afin d’être capable de dépeindre la réalité de la vie dans ces lieux. Les lettres, la fête… Tout ce qu’on voit dans le film provient d’un témoignage direct de ma part. Le réveillon du Nouvel an est l’un, si ce n’est l’unique moment où les garçons et les filles peuvent se rencontrer à l’intérieur des prisons, en Italie. Nous n’avons jamais assisté à une de ces soirées mais nous en avons recréé une pour le film et nous avons décidé d’y inclure une scène de danse pour la magie du moment où les deux personnages peuvent enfin se rencontrer et entrer en contact l’un avec l’autre.

Daphne, en tant qu’actrice non professionnelle, qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler sur ce film ? Daphne : Je me suis beaucoup retrouvée dans le personnage de Daphne, particulière100


ment pour le manque d’amour et d’affection que j’ai eu moi-même l’occasion d’expérimenter à cette période de ma vie donc j’ai tout simplement voulu la représenter. Y a-t-il eu, toutefois, un travail de préparation plus élaboré ? Daphne : Tout est parti d’une conversation que j’ai eue avec Claudio au sujet de ma vie et c’est là que j’ai découvert qu’il y avait des points communs entre mon personnage et moi-même. Pour le reste, j’ai dû aller à l’encontre de ma propre nature car je suis un peu introvertie et timide. J’ai éprouvé de la honte à l’idée de montrer mes sentiments à quelqu’un que je n’a jamais rencontré. J’ai dû apprendre à m’ouvrir et à donner de l’amour à quelqu’un que je ne connais pas vraiment. C’était dur car cela relève de l’émotion personnelle mais Claudio nous a aidés et il a fait en sorte que l’on se rencontre avec Josciua Algeri, qui incarne Josh, avant de travailler sur les personnages. On a également tourné là où on avait répété nos scènes et j’ai ainsi eu l’occasion de me familiariser avec les lieux.

Quel genre d’adolescente étais-tu ? Daphne : Je n’étais pas si différente du personnage que j’incarne. Claudio : Fais attention à ton téléphone (rires).

C’est la toute première fois que tu joues la comédie et tu te retrouves à Cannes dès le premier film. As-tu conscience de la vitrine que représente le Festival de Cannes pour un début de carrière ? Daphne : Oui et je suis reconnaissante à Claudio pour ce cadeau… Je suis sur le point de pleurer (rires). Claudio : Ne pleure pas maintenant, Daphne (rires).

Aimerais-tu continuer la comédie ? Daphne : Pourquoi pas...

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par Dine Delcroix / Photos : François Berthier

LU HUANG

Neuf ans après avoir présenté « Blind Mountain » dans la section Un Certain Regard, Lu Huang a une nouvelle fois posé ses valises sur la Croisette pour « A Yellow Bird », sélectionné cette année à Cannes par la Semaine de la Critique. L’actrice chinoise qui semble ne pas avoir changé depuis son premier Festival de Cannes nous parle de son métier.


As-tu relevé des transformations particulières dans la ville de Cannes depuis la dernière fois ? Je n’ai pas vu de grandes différences. Ce n’est pas comme à Pékin, où j’habite. Si je m’absente de Pékin ne serait-ce que pendant 15 jours, je vais trouver beaucoup de changements à mon retour alors qu’en France, cela ne change pas vraiment. À Cannes, j’ai retrouvé les lieux tels qu’ils étaient dans mes souvenirs d’il y a 9 ans.

Physiquement, tu n’as pas beaucoup changé non plus. Quel est ton secret ? Tu étais allée à Cannes une première fois en 2007 pour présenter le film Blind Moutain dans la section Un Certain Regard. Tu y es retournée cette année pour promouvoir

Je ne sais pas… Garder le cœur pur, se focaliser sur les films, se relaxer, manger sainement. En revanche, je me couche tous les jours tard...

le film A Yellow Bird à la Semaine de la Critique. Comment as-tu vécu cette deuxième fois au Festival de Cannes ? Cette fois-ci, je n’étais pas aussi nerveuse que la dernière fois. La première

Comment t’es-tu retrouvée au casting du film A Yellow Bird, présenté cette année à la Semaine de la Critique ?

fois, c’était très déroutant car je ne savais

Le producteur du film et moi avons des

pas ce que j’allais faire et, chaque jour, il

amis en commun et je connaissais éga-

fallait se presser en talons aiguilles. Pour

lement le réalisateur. Il avait vu mes

cette deuxième fois, j’avais plus d’expé-

films. Je pense que le cercle du cinéma

rience parce que j’ai tourné dans plus

d’art et d’essai est très petit. Ce sont tout

de films, ces neuf dernières années. J’ai

le temps les mêmes réalisateurs et les

aussi expérimenté beaucoup d’autres fes-

mêmes producteurs. D’ailleurs, je vois

tivals de cinéma comme celui de Berlin,

toujours les mêmes personnes quand

par exemple. Bien entendu, le fait d’être

je vais à des festivals de cinéma. De plus

moins nerveuse ne signifie pas que les

en plus de gens me connaissent de par

journées sont moins chargées.

mes films alors quand il y a besoin de jouer une chinoise dans un film d’art et

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d'essai, on pense à moi.

de dire toutes les vulgarités de mon personnage. Le réalisateur m’a alors mise en condition en me disant que je ne de-

Concentres-tu ta carrière sur le cinéma d’art et d’essai en priorité ?

vais plus être moi-même et que je devais me mettre dans la peau d’une fille qui n’a pas d’argent, qui ne peut plus vivre

J’aime les films d’arts et d’essai mais je

correctement et qui, par conséquent, ne

fais aussi des films commerciaux. Je ne

doit sûrement pas soigner son langage.

pense pas que les deux genres soient très différents, ils ont chacun leur bons et leurs mauvais films.

Y a-t-il une scène pour laquelle tu as eu du mal à faire plusieurs prises durant le tournage ?

Dans ce film, tu incarnes une prostituée chinoise. As-tu accepté ce rôle rapidement ?

Il y a la scène où je parle longuement de ma famille. La première fois qu’on a

Lorsque le producteur du film m’a pro-

tourné cette scène, le réalisateur et moi-

posé le rôle, je venais tout juste de don-

même n’étions pas satisfaits alors nous

ner naissance à ma fille. J’ai d’abord vou-

avons dû la refaire 7 ou 8 fois. Ce n’était

lu décliner l'offre mais le producteur m’a

pas toujours dans un souci de perfor-

dit qu’il me voulait et il a laissé passer 3

mance. Nous avions besoin de filmer la

mois pour me donner le temps de récu-

scène sous différents angles. Lors de la

pérer.

dernière prise dédiée aux gros plans, j’avais déjà tellement pleuré qu’il ne me restait plus de larmes alors le réalisateur

Comment t’es-tu préparée pour incarner au mieux ce rôle à l'écran ?

a suggéré d’attendre le lendemain pour refaire une nouvelle prise.

Nous sommes allés à Geylang, le « quartier rouge » de Singapour où travaillent

Sur quoi te concentres-tu pour pleurer faci-

beaucoup de prostituées asiatiques mais

lement dans ce genre de scènes ?

nous n’avons rien vu car tout le monde est caché, là-bas. Le réalisateur m’a tou-

À cette époque, je venais d’accoucher

tefois rapporté beaucoup d’histoires

et ma fille ma manquait vraiment alors,

après avoir interviewé des filles qui tra-

avant de tourner, je n’avais qu’à regarder

vaillent là-bas. Le scénario du film était

une photo du bébé pour pleurer littéra-

vraiment très sombre à la lecture et, en

lement.

répétant le texte, il m’était compliqué 107


Lorsque que tu as découvert le film fini, qu’en

monde, y compris à Cannes où j’avais

as-tu pensé ?

un chauffeur qui ne parlait pas anglais.

J’ai pleuré ! Quand je regarde le film, j’ai l’impression que ce n’est pas moi. C’est comme si je regardais la vie d’une

Par ailleurs, il m’est arrivé d’être obligée d’imiter le cri du bœuf pour acheter de la viande dans un supermarché (rires).

autre personne dont je peux ressentir les émotions. C’est un film très touchant et j’ai vu beaucoup de personnes pleurer en le regardant, particulièrement des femmes et notamment à cause du personnage masculin principal et de sa fille malade.

Quels sont tes projets cinématographiques à venir ? Je m’apprête à tourner dans un film chinois et je dois normalement aussi jouer dans le film d’un réalisateur belge à Paris. J’avais déjà tourné à Paris pour les besoins du film « Sway » dans lequel

Durant le tournage, quels étaient tes rapports

j’incarne une fille qui vit à Montmartre.

avec l’acteur Sivakumar Palakrishnan, ton

J’aime beaucoup ce quartier de Paris.

partenaire principal dans ce film ? Nous étions bons amis et c’est nécessaire pour bien travailler ensemble. Il est très professionnel. Il m’a raconté que, chez lui, il avait choisi de dormir dans la cuisine au lieu de s’allonger à côté de sa femme pour éprouver ce que ressent le personnage qu’il incarne dans le film. Nous avons partagé quelques secrets. Il m’a dit qu’il n’avait jamais vu la neige car il fait très chaud à Singapour.

Le film évoque notamment les problèmes de communication que peut engendrer la barrière de la langue. As-tu déjà rencontré ce genre de situations ? Oui et notamment en voyage. Je parle anglais mais ce n’est pas le cas de tout le 108



SIMÓN MESA SOTO Lauréat de la Palme d’or du court métrage en 2014 pour son film Leidi, Simón Mesa Soto est revenu à Cannes, cette année, pour y présenter Madre, son nouveau court en compétition. Rencontre avec le réalisateur colombien.

Par Dine Delcroix / Photos : François Berthier

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J’ai fait beaucoup de recherches et j’ai même regardé ce genre de films pornographiques. J’étais très intéressé par le visage et la présence à l’écran de ces jeunes filles avec des expressions telles que la peur et l’innocence. Du coup, j’ai tenu à me focaliser sur mon actrice pour voir ce visage. Le film met en avant ce qu’on ne voit pas forcément lorsqu’on regarde ce genre de vidéos.

Ton film comporte plus de détails visuels que de dialogues. Est-ce un parti pris sur la narration ? Oui, il y a beaucoup de détails et de cinématographie à l’image. L’histoire est, disons, très basique, ciblant les problèmes de l’exploitation de jeunes filles et je voulais décrire ce processus à travers l’image et le personnage principal. Tout nous rapproche d’elle : l’image, la mise en scène et sa présence, bien sûr.

Cette année, tu as présenté ton court métrage Madre en compétition officielle à Cannes. Comment es né ce projet ?

Comment as-tu choisi l’actrice principale

J’ai été invité par le producteur David Harries de la société de production suédoise Momento Film à participer à un projet de long métrage composé de quatre courts métrage issus de différents coins du monde et traitant du problème de l’abus sexuel d’enfants. Au début, j’étais un peu inquiet, je ne savais pas si je voulais le faire parce que c’était quelque chose de difficile mais, dans mon pays, en Colombie, j’ai remarqué que ce problème était très présent.

Le casting de l’actrice principale a été l’étape la plus compliquée. Nous sommes passés par un long casting en Colombie avec deux directeurs de casting. Nous sommes allés dans des lycées et dans quelques quartiers. Nous avons fait beaucoup d’essais caméra pour savoir quel allait être le visage du film. C’était long ! Le processus a duré 3 à 4 mois et nous avons finalement retenu une jeune lycéenne de 16 ans qui n’avait jamais joué.

de ton film ?

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Est-il plus difficile de mettre en scène une ac-

La figure maternelle est également impor-

trice non professionnelle dans un film où il y

tante dans ce film. Quel rôle joue la mère,

a peu de dialogues ?

dans l’histoire ?

Cela dépend. Des fois, il est plus simple d’obtenir une bonne performance de la part d’un non-acteur car, bien souvent, les acteurs sont déjà trop dans le jeu et il peut-être difficile de se débarrasser

Avec sa mère, l’héroïne redevient la personne qu’elle est vraiment : une petite fille. Au début du film, elle fait semblant d’être une femme mais plus le film avance et plus on voit la petite fille qu’elle est jusqu’à qu’à voir qu’elle est tout simplement la petite fille de sa mère.

du jeu. Toutefois, avec un non-acteur, tu as tout à créer à partir de zéro. Je crois que les deux cas ont leurs difficultés. Si tu tombes sur une personne qui n’est pas actrice mais qui a une sorte de capacité et qui n’est pas anxieuse devant la camera, tu obtiendras une bonne performance.

L’héroïne de ton film choisit de passer un casting pour un film érotique de son plein gré alors qu’elle ne manque de rien. Pourquoi ? Quand je faisais mes recherches sur les jeunes filles qui sont dans cette situation, j’essayais de comprendre pourquoi mais c’est très compliqué parce qu’il n’y a pas qu’une seule raison et le film n’a pas la prétention de répondre à la question mais plutôt d’apporter une réflexion sur le sujet. Le question demeure et le projet tend justement à générer un débat à ce sujet. Pourquoi fait-elle cela ? Pourquoi va-t-on regarder ce genre de films pornographiques ? Il est très difficile de combattre les abus sexuels.

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Qu’est-ce qui t’a poussé à baptiser ton film d’après le personnage de la mère ? Parce que cette jeune fille est, en quelque sorte, à la recherche de sa mère en permanence. Elle pense notamment à elle lorsqu’elle se rend au casting pour vaincre sa peur. Sa mère est omniprésente pour elle. Ce film est le deuxième court métrage que tu présentes au Festival de Cannes après avoir remporté la Palme d’Or du court métrage avec Leidi en 2014. Pourquoi revenir avec ce format plutôt qu’avec un long métrage ? Je travaillais justement sur mon premier long métrage qui est toujours en préparation au moment où j’ai été approché par cette société de production suédoise pour réaliser ce court métrage dans le cadre d’un projet de quatre petits films. Je l’ai donc fait et c’est d’ailleurs cette même société qui a envoyé mon film au comité de sélection du Festival de Cannes.



Comment as-tu réagi en apprenant que te allais retourner dans la compétition cannoise ? Je me suis senti plus détendu à l’idée de revenir. J’étais davantage nerveux, la première fois.

La mère est décidément un sujet qui te tient Convoite-t-on moins un prix lorsqu’on l’a déjà décroché une première fois ? J’étais déjà très content d’être pris dans la compétition et c’est suffisant pour moi. Le fait d’être en sélection officielle garantit que beaucoup de personnes vont voir le film et nous sommes tous ravis de savoir que le sujet qu’il traite va atteindre plus de gens.

à cœur… Probablement (rires). C’est une bonne remarque ! Je n’avais pas réalisé cela… Mon premier court métrage parlait d’une jeune mère, en effet. La mère est une figure assez forte. La mienne est une personne très importante. Finalement, c’est un peu comme si je faisais toujours le même film mais pas de la même manière. Aimerais-tu présenter ce futur premier long

À quoi faut-il s’attendre avec ton futur premier long métrage ? Mon premier long métrage parlera d’une mère.

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métrage à Cannes ? Je dois d’abord le faire ! Nous verrons…



PORFOLIO CANNES



michael o’shea


davide del degan


sabrina seyvecou


Peter Simonischeck


kristen stewart


Ariane Labed



soko



shai avivi


Thanos Anastopoulos



george clooney & julia roberts


nick cage & willem dafoe


marina fois


stefano modrini


Alessandro Comodin


Bil Paxton


Adele Haenel


ken loach



Backstage 6x6 shooté au Yashica Mat 124G

portfolio photographié par françois berthier assisté de martin lagardere merci à clotilde lecuillier, sarah lafrontiere, marie borel chez getty images pour la prod, DINE DELCROIX et tous les services de RP du festival


EN COUVERTURE

VANESSA GUIDE Vanessa Guide était cette année à Cannes avec l’association Eroin qui tend à valoriser la création féminine au cinéma et qui a sélectionné, dans le cadre d’une carte blanche spéciale Cannes, le court métrage Ictus Etorique de Keren Marciano dans lequel l’actrice tient le rôle principal. Par Dine Delcroix / Photos :Françoisberthier



VANESSA GUIDE

en leur vision des choses. Ils sont de très bons conseils et, en général, nous sommes en accord sur mes choix. Tu es fréquemment associée à des comédies. Est-ce ton registre de prédilection ? C’est vrai que le grand public me connaît plutôt dans ce registre et je l’affectionne énormément. Je trouve cela formidable de provoquer du rire chez les gens, sur-

Tu es un actrice active autant au cinéma

tout par les temps qui courent mais j’ai

qu’à la télévision et au théâtre. Comment

débuté ma carrière par des rôles beau-

choisis-tu tes projets ?

coup plus sombres dans des pièces dra-

Il est vrai que, depuis quelques temps, j’ai l’immense privilège de pouvoir faire des choix et c’est un luxe que j’apprécie à sa juste valeur parce qu’il y a encore 3 ans, personne ne m’appelait pour me dire « Je te propose un rôle ! ». La plupart du temps, je fonctionne au coup de cœur mais je dirais qu’il faut que le

matiques et cela me manque un peu. J’espère que les gens penseront aussi à moi dans ce registre. Mon idéal serait de pouvoir passer d’un drame à une comédie comme peuvent le faire Marina Foïs ou Karin Viard, par exemple. Ce serait formidable parce que je n’aime pas tellement être rangée dans une case.

sujet, l’écriture et ce que le personnage a à défendre me plaisent. Parfois, il m’arrive aussi de choisir de manière plus rationnelle. Par exemple, on m’a proposé, il y a peu, un scénario qui me plaisait mais dont le thème et les personnages étaient trop similaires au film que je venais de tourner.

Ton implication et ta manière de travailler varient-elles en fonction du format du film ? Oui, bien sûr ! Plus le film dure longtemps et plus je m’investis. Sur un court métrage de 10 minutes, je ne suis qu’à 5% de ce que je peux donner (rires). Je plaisante, bien sûr ! Ce serait horrible de raisonner comme cela. Non, je pense

Lorsque tu es déterminée à participer à un

m’impliquer à fond dans tous les projets,

projet, qui pourrait te faire changer d’avis ?

quels qu’ils soient.

Personne... Sauf peut-être mes agents. J’ai une grande confiance en eux et 142




Lorsque tu tournes une scène, sais-tu toujours précisément quel va être son rendu à l’écran ? Non, je pense qu’on ne sait jamais précisément ce qu’une scène va rendre à l’écran. On s’en fait une idée mais cela ne dépend pas que du jeu des acteurs. Il y a aussi la réalisation, la lumière, le cadrage, le son, le montage… Il y a toujours une part d’inconnu. On ne peut pas tout maîtriser en tant qu’acteur et cela ne me déplaît pas. Il faut apprendre à donner le maximum de soi mais aussi à savoir écouter les autres. Pour ma part, je pourrais recommencer les prises à l’infini. Je suis exigeante envers moi-même alors je fais souvent confiance au réalisateur. Quand il me dit « C’est bon, on l’a, c’est la bonne ! », j’essaye de m’y fier.

Tu as été à Cannes dans le cadre du court métrage Ictus Erotique de Keren Marciano dans lequel tu incarnes l’un des rôles principaux aux côtés de Benjamin Lavernhe. Comment t’es-tu retrouvée dans ce projet ?

As-tu déjà été déçue en découvrant un film

Avec Keren Marciano, on se connaît de-

fini ?

puis pas mal d’années. On avait tourné

Cela m’est peut-être arrivé il y a longtemps sur un court métrage parce que le rendu n’était pas à la hauteur de mes espérances. C’est souvent pour des raisons techniques mais cela m’arrive très rarement. On peut être déçu par certaines

dans un court métrage ensemble et j’ai suivi de près sa carrière de jeune réalisatrice. J’aime beaucoup son travail et son univers et quand elle m’a proposé de faire partie de son nouveau court métrage, j’étais, bien sûr, très emballée.

scènes à l’intérieur du film ou en découvrant qu’une scène qu’on affectionnait a été coupée au montage mais de là à être déçu sur tout un film... En général, on sait un minimum à quoi s’attendre en lisant le scénario. J’ai plus souvent été agréablement surprise que l’inverse.

Comment as-tu préparé ton interprétation du personnage ? En faisant des lectures avec Keren Mar145


ciano et Benjamin Lavernhe. On s’est

Streep, Jessica Chastain, Isabelle Hup-

aussi renseigné sur les symptômes d’un

pert, Marion Cotillard, Fanny Ardant,

ictus amnésique. Avec Benjamin Lavern-

Audrey Hepburn, Romy Schneider, In-

he, le courant est tout de suite bien pas-

grid Bergman, Isabelle Adjani, Golshif-

sé donc cela a été assez naturel. C’est

teh Farahani, Adèle Haenel… Je crois

un partenaire de jeu très généreux et à

qu’elles ont en commun d’incarner des

l’écoute.

femmes fortes mais avec une grande sensibilité.

Le film a été présenté à Cannes par l’association EOROÏN qui tend à valoriser la créa-

Que représente le Festival de Cannes à tes

tion féminine dans le domaine du cinéma.

yeux ?

As-tu le sentiment que le septième art a souvent privilégié des créations masculines ?

C’est un condensé d’émotions et de ta-

Oui. On ne va pas se mentir, le milieu

de prostitution et de dérapages en tout

du cinéma est quand même majoritaire-

genre. Ce soir, « Immersion au Festival

ment masculin mais je suis plus que ra-

de Cannes et ses excès » dans Enquête

vie de voir, depuis quelques années, une

Exclusive (rires).

lents mais aussi d’alcool, de drogue,

nouvelle génération de femmes de grand talent prendre le devant de la scène comme Maïwenn, Céline Sciamma, Valérie Donzelli, Julie Delpy, Emmanuelle Bercot, Deniz Gamze Ergüven, Rebec-

Quel est ton tout premier souvenir du Festi-

ca Zlotowski, Julia Ducournau… J’aime

val de Cannes ?

beaucoup le regard des femmes au cinéma et j’aime tourner avec elles.

J’y suis allée pour la première fois quand j’étais Talent Cannes Adami et aussi pour promouvoir le film La Bifle de Jean-Baptiste Saurel qui était sélectionné à la Semaine de la Critique. J’ai toujours voulu

Quelles sont les figures féminines qui ont pu éventuellement t’inspirer ?

d’y être et, même maintenant, je n’envi-

Il y en a énormément ! Si je me foca-

à y faire.

lise sur les comédiennes et pour n’en citer que quelques-unes, je dirais Meryl 146

aller au festival en ayant une vraie raison sage pas Cannes si je n’ai rien de spécial


Au Festival de Cannes, tu préfèrerais mon-

L’année dernière, tu donnais des conseils

ter les marches dans une belle robe pour un

pour profiter au mieux de la Croisette pen-

mauvais film ou monter les marches dans une

dant le festival dans le programme court

robe hideuse pour promouvoir un bon film ?

Suivez Le Guide à Cannes diffusé sur Ca-

La vraie question est : « Qu’est-ce que la

nal+. As-tu suivi tous tes conseils ?

laideur et comment détermines-tu qu’un

Je crois que ce serait une très mau-

film est mauvais ? ». En vrai, je préfère

vaise idée pour quiconque d’appliquer

bien évidemment la deuxième option.

mes conseils dans « Suivez Le Guide à

C’est le festival du cinéma, pas la fashion

Cannes ».

week ! Et puis, une robe que tu trouverais hideuse serait peut-être belle à mes yeux.

147


SOPHIE-CHARLOTTE HUSSON

Après avoir terminé le tournage de la troisième saison de la série « Les Hommes de L’Ombre » avec Carole Bouquet et Aure Atika qui sera prochainement diffusée sur France 2, Sophie-Charlotte Husson prépare un album sous le pseudonyme SOCHA dont la couleur musicale oscillera librement entre la pop, le rock et la folk avec des textes qu’elle a écrits en français et en anglais. En attendant cette sortie musicale, l’actrice qui est actuellement à l’affiche du film « L’Outsider » de Christophe Barratier aux côtés d’Arthur Dupont et de François-Xavier Demaison nous raconte ses premières fois.

148


149


Premier baiser ? Vivien Leigh et Clark Gable dans Autant En Emporte Le Vent. J’étais Scarlett, si mon souvenir est bon.

Premier souvenir ? Un pis de vache, une lumière aveuglante et le bleu du ciel. Ce serait le premier sou-

Premier Amour ?

venir métaphorique de ma naissance : le

Christophe. J’avais 3 ans et lui, 6. J’adorais

gant du médecin, la lumière artificielle du

son bonnet à pompon.

bloc opératoire et la couleur des blouses des médecins.

Premier rapport sexuel ? Première Voiture ?

Je ne l’ai pas bien comprise, cette ques-

La Citroën DS de mes parents. Insen-

activité sexuelle ? Comme un rapport de

sé ce qu’on pouvait y caler d’enfants non

stage ou de Police ? C’est perturbant parce

attachés, d’animaux et de valises dans un

que le mot rapport a des significations

brouillard de Gitanes sans filtre.

très diverses : un lien, un profit, une rela-

tion. Il faut faire un rapport de sa première

tion, des points communs, un compte rendu… C’est pas loin aussi de la dénonciation, non ? En revanche, j’ai bien compris le mot « sexuel » (rires). Premier métier ? Fermière. Sûrement un lien émotionnel créé avec le pis de vache (rires). Premier chagrin d’amour ? Christophe, toujours. Il ne m’a pas invitée à son anniversaire. Grande découverte : j’ai compris qu’un amour pouvait être à sens unique. 150




Premier animal de compagnie ? Agathe, un teckel à poil ras, est arrivée

thétique de ce cinéma mélodramatique et pour mon coup de foudre avec le cinéma.

dans ma famille quand j’avais 6 ans. Une grande intelligence et drôlerie, les teckels. J’ai remarqué qu’ils ont souvent des noms d’humains.

Premier livre culte ? Les journaux intimes d’Anaïs Nin avec lesquels j’ai découvert que l’on peut faire de sa vie une œuvre d’art.

Premier disque acheté ? Message In a Bottle de The Police quand j’avais 10 ans. Le son était nouveau pour moi et la voix de Sting incroyable. J’étais assez fière car je comprenais le texte du refrain.

Premier prof détesté ? Je n’ai jamais détesté un enseignant ou j’ai oublié.

Premier Concert ? Les VRP dans la salle de concert L’Usine

Premier prof adoré ?

à Reims dans les années 90. C’était un

Mon instituteur en CM1. Il m’a appris l’au-

groupe parodico-punk de textes français à

to-dérision et l’autonomie. Un pédagogue,

l’humour noir et potache. Ils étaient gri-

en somme.

més et jouaient d’instruments home made ou de récupération. C’était jubilatoire !

Premier choc dans la vie ? Premier film culte ?

Je crois que confondre un pis de vache avec le gant d’un médecin peut créer des

À 8 ans, Autant En Emporte Le Vent de Vic-

dommages collatéraux certains (rires).

tor Fleming pour la dimension épique de l’histoire, pour la complexité et la multiplicité du personnage de Scarlett, pour l’es-

153


Premier Voyage ?

Premier sentiment de fierté ?

Dans mes rêves.

À 8 ans, je remplace ma sœur aînée au dernier moment dans le solo de la chorale. Je suis terrorisée mais je chante la chanson jusqu’au bout. Je ne sais pas si c’était bien chanté mais j’étais fière d’avoir surmonté

Premier péché ? « J’ai péché en pensée, en parole, par action et par omission; oui, j’ai vraiment péché...».

Premier Job ? À 10 ans, je fabrique avec mes frères et sœurs des balayettes avec des herbes hautes que je vends aux voisins. Je réalise le lendemain qu’elles font plus de poussière qu’elles n’en ramassent. Fin d’une carrière d’artisan !

Premier Vote ? Élection des délégués de classe en classe de 6ème. J’admire le courage de ceux qui se présentent.

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ma peur.



THE BLINDTRUTH

MARILOU BERRY

Baignant dans le cinéma depuis le plus jeune âge, Marilou Berry a d’abord fait ses preuves en tant qu’actrice avant de passer derrière la caméra. Et pour sa première réalisation, la jeune femme a choisi de tourner la suite du long métrage Joséphine dans lequel elle tenait le rôle principal en 2013. Intitulé Joséphine S’arrondit, le film amorce une nouvelle étape dans la vie du personnage qui découvre qu’elle est enceinte. Le film est disponible en Blu-ray et DVD depuis le 16 Juin 2016. par Dine Delcroix / Photos : Florian Fromentin

Ta Madeleine de Proust ?

Ton antistress ?

La Petite Sirène.

Le yoga Bikram.

Le film qui raconte ta vie ?

La tendance mode que tu détestes ?

Big.

Le pantalon taille basse, les pantacourts et les ras-de-cou.

Ton livre de chevet ? L’Écume Des Jours de Boris Vian.

Le détail chic pour toi ? Du rouge à lèvres.

Ton secret de beauté ? Le yoga Bikram.

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Ta série du moment ?

Le Bureau Des Légendes.



Ta chanson pour te sentir bien ?

Un autre métier qui t’aurait plu ?

La reprise qu’Izia a faite pour mon film :

Archéologue ou pâtissière.

Raindrops Keep Fallin’ On My Head.

Qui inviterais-tu à ton dîner idéal ? Ton proverbe fétiche ?

Jim Carrey en tête à tête

« Lentement mais sûrement ».

Le défaut que doit avoir une personne pour L’insulte que tu préfères ?

te séduire ?

« Pignouf ».

Être gentille.

Le compliment qui t’énerve le plus ?

Le cadeau que tu rêves d’offrir ?

« Je vous avais adorée dans ce film ! De

Une maison.

quoi ça parlait, déjà ? ».

Le pays où tu pourrais immigrer ? N’importe où tant qu’il y a du soleil, du wifi et les droits de l’homme.

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Libé ou le Le Figaro ? Aucun des deux. Plutôt Courrier International.



Le disque que tu as honte d’avoir acheté ? Un album de Violetta

pour ma pe-

tite sœur.

Le talent que tu aimerais avoir ? Être musicienne ou polyglotte.

La question qu’on ne doit pas te poser ? Celle-là, je vais la garder pour moi.

Stylisme : Gayanée Pierre t(Le Choix du Style) CRÉDITS MODE : Body: Lyubov Paris Jupe: Jean-Paul Gaultier Bijoux: Paulette à Bicyclette Maquillage : Francesco Spadaro (Laura Mercier Cosmetics)

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Stylisme Audrey Jehanno Make up :Cyril Nesmon chez Backstage Agency coiffure: Nadeen Mateky

MODE

Manteau : Jonathan Cukierman Chemise : Boden Pantalon : Marina Yachting Collier et Bague : Sylvia Toledano



Pull : Emilie Renard Top: Just Fab Jupe : Kocca Bracelet : Oggi Paris


Pantalon : Marina Yachting Collier et Bague : Sylvia Toledano


Veste : Jonathan Cukierman Top : Ryujee BO : Sylvia Toledano


Manteau : Jonathan Cukierman Robe : David Vincent Camuglio Lunettes : Komono Bague : Atelier RenĂŠe


Veste : See you Soon Top: Kocca Sac : Emilie Renard BO : Oggi Paris


Veste : See you Soon Top: Kocca Sac : Emilie Renard



LA FILLE QUI REND BLIND

Photos : François Berthier L’actrice chinoise était à cannes et nous en avons profité pour réaliser une seance photo sexy dans une magnifique villa sur les hauteurs de la ville.


Whang Zhi maquillage

: Francesco Spadaro


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