Dossier terra incognita

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Théâtre 2 l’acte


Terra Incognita, une exploration... Echapper au bruit du monde, non pour fuir une réalité angoissante ou catastrophique, mais pour gagner les profondeurs comme un plongeur en apnée. Certes ce n’est pas nier l’air libre, on y reviendra pour sûr, mais face à la pollution vibrionnante des informations qui traversent en tous sens la globosphère, j’ai ressenti le vif besoin, tel l’escargot de retourner au plus profond de ma coquille. Pour un état des lieux intérieur. On n’a qu’une vie et c’est la sienne, creuser cette singularité dans un grand huit mémoriel, n’est pas contraire à l’aspiration à l’universalité. Le Théâtre 2 (de) l’Acte au cours de son histoire s’est trouvé plusieurs fois à opérer ce volte vers ses ressources intérieures ; un chemin tracé de Nous Sommes Vivants (1976) à Qui Vive ! (2010) en passant par Phosphore (1989). Cette fois-­‐ci, le voyage est plus personnel, il s’appuie au départ sur un nombre important de planches graphiques conçues dans l’esprit du dessin automatique, depuis plusieurs années. Les dessins ont donné des situations, les situations des textes, et tout ceci s’est retrouvé à l’épreuve du plateau avec sept navigatrices et navigateurs et le porte-­‐voix d’un façonneur de sons. Il n’y a pas ici de récit à proprement parler, mais des faits qui se succèdent dans une logique qui leur est propre, tel que le rêve nous l’enseigne. On dira de ce spectacle qu’il est un rêve matériel, un rêve incarné.

Depuis plusieurs années, je tournais autour des textes du grand écrivain, peintre et dramaturge polonais Stanislas Witckiewicz , promoteur d’un « théâtre de la forme pure », en bref disait-­‐t-­‐il, pour se faire comprendre : le cerveau d’un fou sur la scène . Je me suis autorisé à devenir ce fou. Je me suis autorisé à une succession libre d’événements, sonores, visuels, émotionnels passant du concret à l’abstrait, du verbe au son ou au geste, de l’anecdote à la danse. Un arbitraire qui renoue notre confiance en l’océan intérieur qui nous habite tous, vaste comme nous le connaissions dans l’enfance, aussi inattendu que les bizarres créatures des profondeurs. Nous n’avons pas la prétention d’être les premiers à nous laisser emporter en toute confiance et contre toute raison par les souffles des déflagrations poétiques ; les surréalistes en leur temps ont ouvert largement la voie, mais nous pensons qu’en ces temps de totalitarisme de la raison économique, il est plus nécessaire que jamais de se perdre et disparaître sans laisser de trace dans quelques zones qui gardent pour nous une relative virginité. Il est des ZAD sur les cartes d’état-­‐major, ceci se veut une ZAD sur le territoire de l’esprit. Michel Mathieu


PARTI-PRIS

Le jeu Nous avons cherché avec les comédiens un engagement qui bouleverse l’interprétation psychologique selon les cas, tantôt en interrogeant directement les pulsions sous-­‐ jacentes pour atteindre le flux organique des émotions, tantôt en allant vers une formalisation proche de la marionnette, tantôt encore quand étaient évoquées des situations réalistes, en tordant et forçant celles-­‐ci pour leur faire dégorger leur étrangeté.

Objets et matières Le dialogue entre l’acteur et l’objet se fait à part égale. La matière s’impose pour elle-­‐même à certains moments ; ici une chute de morceaux de charbon, là un cône gigantesque en aluminium traversant l’espace, ou encore le combat entre un pantin de bois articulé et l’acteur qui le manipule. Plus loin un doux visage maternel gigantesque traversé de projections vidéo torturées…

Le son

Le son est événement à part entière dans ce spectacle. Ici diffusé en quadriphonie afin de Les mots suggérer le déplacement de la source supposée, il L’écriture est en phase avec les situations du fait partie intrinsèquement du déroulé de l’action, canevas et la parole connaît la même perturbation hors de l’usage classique des sons d’ambiance. que l’action. Il devient proprement musical dans les moments Divers modes d’élocution, diverses catégories du où il dialogue avec le chant des interprètes, ou discours coexistent. quand il rentre en confrontation avec la gestualité D’une poésie sonore cherchant à traduire le à l’œuvre sur le plateau. travail secret des émotions, jusqu’à l’énoncé d’un théorème mathématique, en passant par des La lumière dialogues décalés, la langue ne s’interdit rien. La lumière répond à deux exigences qui pourraient sembler contradictoires, rendre présent à tout L’espace moment le lieu de l’action pour lui-­‐même, afin de L’action se déroule dans un volume blanc de trois signifier l’étrangeté de la succession des choses en cloisons en entonnoir ouvert sur le public, un un même endroit matériel, et par ailleurs répondre espace à la fois fermé et ouvert, ménageant deux à la spécificité des instants qui forment la trame du baies latérales et un passage étroit en fond. Une jeu. Une pièce donc traversée par la lumière pièce donc appelant par sa structure même les changeante des heures. diverses apparitions qui vont la traverser. Un vide qui est en même temps un appel. Le sol blanc également. Cette blancheur, comme celle des cloisons n’est pas totalement uniforme, les imperfections de la peinture évitent l’obstruction de l’imaginaire tout en laissant la cruauté de la tonalité chromatique.


GUIDE DE VOYAGE EN TERRA INCOGNITA

Dès votre arrivée, vous rencontrerez un individu travaillé au tréfonds de lui-­‐même par une angoisse métaphysique, cherchant à extraire du fond de sa gorge des sons, mais n’arrivant à émettre que des grognements, crissements, craquements et caquètements – kré korikré cornacru -­‐ au milieu d’un carnaval de branches mortes s’agitant autour de lui. Vous croiserez des amants en transe d’amour, submergés par un irrépressible désir, happant une orange suspendue dans le vide et l’emportant entre leurs dents pointues au fond de quelques grottes secrètes pour y assouvir leur passion, l’orange jutant sur leurs poitrines dénudées Vous compatirez avec l’individu à quatre pattes cherchant comme un damné ses lunettes perdues au milieu d’une foule de passants insoucieux, écrasant de leurs chaussures aveugles les binocles à terre. Vous serez terrifié par l’arrivée de miliciens en armes exécutant l’homme, au cri muet de « CREVURE ». Mais l’individu de Terra Incognita n’appartient pas à la race des mortels. D’un formidable retournement de situation il apostrophe la milice en armes. La fumée des cigarettes efface le crime. Un éclair luit dans la lumière bleue, le chant envahit tout l’espace et une corde descend d’un astéroïde. Vous resterez muet devant la femme au visage d’autrefois, légère comme l’air, ses vêtements en rotation autour de l’Homme pendu. Il voudrait les saisir, mais reste figé dans un passé disparu. « Déjà fini déjà », murmure –t-­‐il. VIDÉ. VIDÉ. Vous vous écarterez devant la ronde infernale qui emporte la femme blanche et muette, pantin désarticulé dans les bras de trois vautours sans âme. Vous chercherez l’oiselle au doux ramage. Suivez son gazouillis « Ramelica ricamel y soussi soushi sa mer amer y croi » -­‐ Il vous conduira jusqu’à l’antre du Grand Squelette. Elle s’amusera de votre peur l’oiselle, en picorant ses grains de raisins. Mais ne vous approchez pas trop ; il pourrait vous saisir et alors … Vous serez tétanisé soudain devant un aquarium géant. Surtout ne bougez plus ! Vous allez assister à un spectacle inouï : un groupe d’humanoïdes d’un autre temps y rejoue à l’infini une scène énigmatique. Semblables à des pingouins sur une banquise en dérive, ils se déplacent sans but précis, et cependant avec une grande détermination, en échangeant au départ des propos d’une grande banalité, mais peu à peu mots et phrases vont se percuter, se mélanger, se tordre jusqu’à la profération d’une langue inconnue…


Il ne nous est pas permis de vous dévoiler dans le détail ce spectacle. Sachez seulement que chacun de ces êtres sera soudain ébranlé par la violence d’un désir immaitrisable l’amenant aux portes de la MORT au milieu de rires dantesques.

Un maelstrom de cartons en folie vous emportera alors au-­‐delà de l’espace temps. Montres, horloges, pendules vous riront au nez. Là vous goûterez le plat d’oreilles flambées qu’un groom narquois déposera à vos pieds. Mangez et partez dans le grand rêve de la Planète Blanche : des créatures aux couleurs de l’arc en ciel vous envelopperont ; elles vous procureront les plus intenses joies comme les pires douleurs, celles des amours trahis.

Vous vous noierez dans la douceur d’un visage lunaire inaccessible et une pluie de charbon vous plongera dans l’oubli. « Qu’est-­‐ce donc que je suis » répètera l’écho à l’infini. Il n’y aura pas de réponse, et cela vous sera égal.

Vous naviguerez à l’aveuglette dans un labyrinthe de miroirs qu’une formidable cantatrice traverse en tous sens. Elle vous poursuivra de sa voix puissante jusqu’à ce qu’un individu « passe muraille » surgisse du néant et emporte tout sur son passage.

Dans le vide et le silence revenu, vous verrez valser autour de vous des formules mathématiques étranges que deux créatures au visage indéchiffrable ânonnent avec délectation. Une formidable explosion vous tirera de votre stupeur : vous comprendrez alors que votre « Terre Bien Connue » vient d’être réduite en poussières d’étoiles. Et si vous vous interrogez sur le sort de la cantatrice, surtout ne posez aucune question. Cela serait très mal vu.

Accrochez vous fermement au train de chaises rouillées : il vous conduira vers la dernière merveille de Terra Incognita, le but ultime de votre voyage, cet ailleurs que cherchent les deux amants fous de désirs inassouvis : L’ATLANTIDE.

Mais avant ATTENTION ! Un grondement puissant venu du centre obscur de la planète annonce l’arrivée d’un engin qui pourrait vous transpercer, détruire tout votre groupe. Il avance avec lenteur, mû par une force inexorable et envahit tout l’espace.

RESTEZ GROUPÉS ET SUIVEZ LE CONDUCTEUR DES CHAISES.

Devenus légers comme des plumes vous traverserez le TEMPS et atteindrez enfin cette terre inconnue. Là vous serez entourés d’un nuage vaporeux de jeunes filles. Elles déposeront entre vos dents ravies, les radis de la reine Irène. Une volupté infinie vous envahira. Une volupté qui atteindra un climax presque insupportable lorsque la reine apparaîtra, fleur fabuleuse, dans une splendeur de feuillage vert. Sa voix chaude vous enveloppera d’un bien-­‐être tel qu’au comble de cette volupté vous laisserez se répandre le flot de vos humeurs liquides. Vous deviendrez vous-­‐même eau, rivière, ruisseau, fleuve, mer, flux continu, écoulement, sans plus aucune douleur ou inquiétude. Vous aurez atteint l’EXTASE.


Extraits de Texte Séquence 1 Un homme âgé est assis sur une chaise, tête dans les mains, il semble absorbé dans de sombres réflexions ; il marmonne, des figures de bois calcinés, sorte de grands pieux plus ou moins articulés, entrent pour l’entourer en une sorte de danse lente et muette. L’homme amplifie ses ruminations. Kré korikré corps corkoricré karicroricra calciné kérastase kérastaroth auricrocrifcracruf coricérosacri castré Christi christ équarri carie caritas satirac racorni et cornacru cocu corps à cri cri nu crà cramé qui l’eût cru cuit D’un geste l’homme fait mine de chasser ses idées noires, elles se retirent progressivement. On entend le battement d’un cœur amplifié, l’homme s’endort. Une orange descend des cintres, de part et d’autre de l’espace apparaissent deux jeunes gens, très émus : face à face. Ils se retrouvent devant l’orange qu’ils dévorent, tout en commençant à enlever leurs habits. l’homme : azin to rebeleps…ô la femme : lilipi you…adzi leu kami lispi l’homme : ralispari…occis lou la femme : sipa sipo sou atsi mima mou nou ni l’homme : ravaaa…ravi…ro raminima raminimoi la femme : vrivriya minimisni ensuite ensemble : l’homme : fri fra fri la femme : osti fro astara ra ri ro car cara rou ram ra ramam ramamour ramour amamour amour Ils disparaissent laissant l’homme seul.

ostira ostrari rirari ora ora ri ro marmor marmara marmamour


…/… Séquence 10 Dans le sens opposé surgit l’amoureux tirant une femme rousse par ses longs cheveux, les deux ont une conversation sans rapport avec la violence de l’action. Homme c’était comme un oiseau qui retrouvait son nid ta main

Femme

une fois encore Aussitôt à l’écoute une voix inouïe qui me traversera dans la mienne comme si elle y était née de tout temps mienne et qui dira mon nom depuis très loin comme si elle n’avait jamais quitté sa couche et me transpercera jusqu’à l’âme et avait déplié en un éclair nos vies futures et allumera le feu dans mon ventre et gonflera mes seins fleurira mes lèvres une voix seule main veuve ardente pour être neuve intacte ô braise d’avenir non née encore oiseau d’éternité un souffle Reviens buée Ils traversent ainsi l’espace pour laisser la place à une nouvelle apparition, celle d’un impressionnant cône métallique horizontal, long et acéré qui va presque prendre tout le plateau. L’apparition est accompagnée d’un puissant grondement qui dure jusqu’au retrait du cône. (son : mer, feuillages agités)


DISTRIBUTION Conception, mise en scène, scénographie et écriture Michel Mathieu Assistance à la mise en scène Marie-­‐Angèle Vaurs Avec Julie Castel-­‐Jordy, Julien Charrier, Diane Launay, Orens Mallard, Michel Mathieu, Xristine Serrano, Sofie Sforzini Création lumière & Régie générale Alberto Burnichon Création sonore Arnaud Romet Costumes Odile Duverger Construction Philippe Artois, Fabien Le Prieult et Basile Robert Chargé de production Lionel Boireau Chargée de communication Brigitte Bécanne Diffusion Sophie Berneyron Photos ©Visages vagabonds

PARTENAIRES


Serge Pey nous écrit… TERRA INCOGNITA : UN CHEF D’ŒUVRE DU POÈME SANS MOT Terra incognita est un des plus beaux poèmes sans mot que j’ai lu dans la nuit obscure du théâtre. Un poème qui m’écrit avec ses couteaux en arrachant des mots, un à un, de ma gorge. Le Théâtre de l’Acte reste incontestablement, depuis sa création, le théâtre du poème. En inventant sans cesse le mythe de notre propre vie, il est un théâtre de la vie. Il est l’écriture incarnée et le corps ressuscité de ce que le poème de nous dit de faire. Chaque mot, chaque geste, chaque lettre, se mue en un verbe majuscule qui met à mort le spectateur et la poésie qui dévore ainsi son propre spectacle. Voix, corps dénudé, érotisme cosmique, subversion des situations, pureté des hasards, pornographie sublime, ici les plus petit gestes du quotidien se bouleversent et se muent en légende pour nous raconter ce que nous ne voyons pas, mais que nous attendons. Terra incognita est un mouvement de parole et de corps, mais aussi de guérison. Il est la porte étroite, la blessure, le trou infini où nous pénétrons avec ce que nous ne savons pas de notre propre poésie et la réveille. La splendeur de la scénographie de Michel Mathieu n’est pas celle de la beauté commune, mais celle chère à Artaud du double du théâtre. Terra incognita est un théâtre de la folie, un théâtre de fous créé par des fous pour des fous. Ici pas de public et dépassement des ateliers de l’expression, mais l’expression d’un laboratoire qui est à la fois celui du travail et celui de la prière. Ici cette folie qui sait mettre ses inconscients dans les vases communicants de la tradition. Un théâtre aussi, avec des acteurs qui ne le sont plus à force de l’avoir été et qui nous permettent de jouer, nous les spectateurs qui ne le sommes déjà plus à force d’avoir joué ce rôle. Pas de distance mais la même orgie. Non une pièce dont nous vomissons le nom de pièce au nom d’un nouveau théâtre, mais la prolongation d’un poème que nous écrivons ensemble, acteurs et spectateurs détruits par le poème lui-­‐même, dans un dépassement sublime. Terre incognita est dans la longue lignée des œuvres inclassables et de la signature de son fondateur mythique Michel Mathieu. Un aboutissement majeur. Avec ses acteurs, dignes de ce nom d’acteurs, nos complices de la poésie en acte : Marie-­‐Angèle Vaurs dans la manipulation de l’invisible ; à l’incarnation des métaphores : Arnaud Romet ; aux feux et autres fusions froides : Alberto Burnichon ; aux constructions de pantins et de golems: Basile Robert, Philippe Artois, Gil Pretssnitzer, Fabien Le Prieult ; sans oublier les sorcières magnifiques de cette nuit alchimique, même si tous ne sont pas des femmes : Julie Castel-­‐Jordy, Julien Charrier, Diane Launay, Orens Mallard, Christine Serrano, Sofie Sforzini. Merci à l’Acte d’avoir découvert cette nuit notre terre inconnue, dans le poème qu’ensemble nous récitons et qui parfois nous récite. Serge Pey poète, performeur président de la Cave Poésie de Toulouse


REVUE DE PRESSE 20 minutes Toulouse – 19/10/2015

Dépêche du Midi – 22/10/201


Revue de presse … Le clou dans la planche – 25/10/2015

…/…


Revue de presse… Le clou dans la planche – suite article


CONTACTS

Directeur artistique Michel Mathieu

Production -­‐ diffusion Lionel Boireau administration@theatre2lacte.com

Communication Brigitte Bécanne communication@theatre2lacte.com


Compagnie Théâtre 2 l'Acte 151 route de Blagnac -­‐ 31200 Toulouse Tél : +33 (0)5 34 51 34 66 -­‐ www.theatre2lacte-­‐lering.com association loi 1901 -­‐ SIRET 389 530 569 00034 – APE 9001Z contact@theatre2lacte.com


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