3090_0720_Top-500_FINANCE_GF-CAMEROUN_Obj-SENEGAL

Page 1

OBJECTIF

NO 3090 – JUILLET 2020

SÉNÉGAL 18 pages

PAUL KAGAME INTERVIEW EXCLUSIVE

Macron, Tshisekedi, Covid-19, George Floyd, Kabuga, Burundi, droits de l’homme, Arsenal vs PSG, etc.

TUNISIE

Saïed-Ghannouchi : La guerre froide

PEULS ET JIHADISME Le grand tabou

CAMEROUN Spécial 18 pages

De g. à dr. : Sébastien Kadio-Morokro (Pétro Ivoire), Abdul Samad Rabiu (BUA Group), Fatma Rekik (Stifen) et Hassanein Hiridjee (Axian)

CLASSEMENT

LES 500 .

.

Algérie 420 DA Allemagne 9 € • Belgique 9 € Canada /A 12,99 $CAN • Espagne 9 € • France 7,90 € Grèce 9 € DOM 9 € • Italie 9 € Maroc 50 MAD • Pays-Bas 9,20 € Portugal continental 9 € • RD Congo 10 USD • Suisse 15 CHF Tunisie 8 TND • Zone CFA 4800 F CFA ISSN 1950-1285

.

.

21e ÉDITION PALMARÈS EXCLUSIF 2020

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES


SE MOBILISER. RÉINVENTER. CONTINUER À AVANCER. Nous sommes à vos côtés, présents dans 19 pays sur le continent africain, pour vous accompagner dans tous vos projets d’avenir.

Société Générale, S.A. au capital de 1 066 714 367,50 € – 552120222 RCS PARIS – Siège social : 29, bd Haussmann, 75009 PARIS. Crédit photo : Vitaly Yurasov – Juin 2020.


Marwane Ben Yahmed @marwaneBY

Un nouveau crève-cœur algérien

D

écidément, les relations de Jeune Afrique avec les dirigeants algériens ne s eront jamais un long fleuve tranquille… Dernière secousse en date : l’interdiction de la distribution du numéro 3089 de JA, daté de juin. Notre première livraison depuis la suspension de notre édition papier, décidée à la mi-mars en raison des mesures de confinement. Pour quelle raison ? Mystère. Nul besoin cependant de verser dans l’art de la divination pour imaginer que l’objet du « délit » doit être notre enquête de six pages consacrée à la refonte de l’armée et des services de renseignements décidée par le président Abdelmadjid Tebboune. Enquête objective et étayée, faut-il le rappeler, et qui, de surcroît, n’avait rien d’un pamphlet anti-El Mouradia. Allez comprendre… Cela est d’autant plus étrange que depuis l’élection de Tebboune en décembre 2019, il y a à peine six mois, tout était rentré dans l’ordre. Après une longue éclipse, JA était de retour sans carcan en Algérie. Rappelons, en effet, que depuis le 23 avril 2018 JA avait disparu des kiosques. Lecteurs de longue date et plus récents, citoyens lambda, acteurs politiques, opérateurs économiques, responsables d’institutions publiques ou privées, diplomates ou confrères, tous n’avaient cessé de nous interroger

sur les raisons de cette absence et sur sa durée. Las, nous étions bien incapables de leur répondre avec précision. Seule certitude : cela ne relevait aucunement de notre choix mais d’une décision unilatérale du gouvernement algérien. À la fin de mars 2018, notre distributeur sur place avait alors reçu une notification du ministère de la Communication – si l’on peut l’appeler ainsi ! – lui enjoignant de ne plus importer JA ni d’autres titres de Jeune Afrique Media Group (The Africa Report), ou proches de lui,

LA DISTRIBUTION DE NOTRE DERNIÈRE LIVRAISON, DATÉE DE JUIN, A ÉTÉ INTERDITE SANS AUCUNE EXPLICATION. comme La Revue, éditée, comme l’on sait, par Béchir Ben Yahmed, ou Afrique Magazine, qui appartient à Zyad Limam. Seuls une poignée d’exemplaires de JA étaient autorisés à franchir la frontière. Ils étaient destinés au gouvernement, à la présidence et à diverses institutions, qui ne pouvaient apparemment pas se passer de leur lecture hebdomadaire…

Officiellement, il s’agissait de faire des économies en devises en supprimant la diffusion de la presse internationale. Une mesure d’austérité imposée, disait-on, par la crise économique. Cette décision devait être temporaire, nous avait-on précisé à l’époque. Hélas ! ce temporaire était, comme souvent, appelé à durer. Mais comment croire que quelques milliers d’exemplaires d’un hebdomadaire, quel qu’il soit, puissent grever à ce point les finances publiques d’une nation ?

Vous avez dit changement?

En creusant un peu, et même beaucoup tant il est difficile dans ce pays d’obtenir la moindre information officielle, nous nous sommes aperçus qu’il existait un motif officieux. En gros : JA était trop négatif visà-vis de l’Algérie. Et, bien sûr, trop indulgent avec le voisin marocain… Aujourd’hui, Bouteflika et son système sont tombés, Tebboune a été élu, l’Algérie « change ». Depuis la présidentielle du 12 décembre 2019, un élément de langage significatif s’est frayé un chemin dans le discours public : « l’Algérie nouvelle ». « Il faut tout rebâtir », nous expliquait encore récemment l’entourage d’Abdelmadjid Tebboune. Notamment la relation trop longtemps mise en coma artificiel du pays avec le reste de l’Afrique, défini comme sa « véritable profondeur stratégique ».

no3090 – JUILLET 2020

3


SOMMAIRE

Depuis notre retour en Algérie, en 1998, après vingt-deux longues années d’interdiction – quand on vous dit que notre relation n’a jamais été un long fleuve tranquille! –, près d’une dizaine de numéros de JA ont été saisis. Pour des motifs très variés. Les sujets des articles incriminés allaient, pêlemêle, du vote des généraux (2004) aux relations algéro-marocaines (2005), en passant par les caricatures du Prophète (2006), la chute du tycoon Rafik Abdelmoumen Khalifa (2007) ou le malaise kabyle (2008).

3

PROJECTEURS 6

10 12 14 16

4

no3090 – JUILLET 2020

L’homme du mois Mohammed VI, ou les deux corps d’un roi 10 choses à savoir sur… Hamida Chatur Kamerhe Comme le temps passe… Le match Emmanuel Macron vs Recep Tayyip Erdogan Esprits libres

LA GRANDE INTERVIEW 18

Paul Kagame

LES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

Un cas unique

27

Classement

AFRIQUE SUBSAHARIENNE

68 Peuls Le grand malentendu 74 Côte d’Ivoire Henri le Conquérant 80 RD Congo Kabila, chef un jour, chef toujours? 84 Centrafrique Bangui, nid d’espions

MAGHREB & MOYEN-ORIENT

88 93 94

Mauritanie Libre comme Ghazouani Tribune Requiem pour Ouyahia Tunisie Saïed-Ghannouchi: la guerre froide 98 Algérie Diaspora mon amour 100 Liban Haschich à vendre

133 Maroc La galaxie de Mohamed Hassan Bensalah 134 Égypte Le Caire, nouvelle oasis pour les start-up 136 Interview de Tony Blair « L’Afrique peut couper le cordon de l’assistance » 138 Panafricain Powerscourt, l’agence tous risques des VIP en détresse 140 Débats

DOSSIER

142 Finance

CULTURE(S) & LIFESTYLE

152 100 ans de 7e art noir Black cinema matters 158 Antiracisme Quand la lutte devient culte 162 Mode La fée Hayet 165 Tendance De la rue aux podiums

GRAND FORMAT

167 Cameroun État stationnaire

VOUS & NOUS

209 Le courrier des lecteurs 210 Post-scriptum

Abonnez-vousà

OBJECTIF

104 Sénégal PHOTOS DE COUVERTURE : OLIVIER POUR JA, BUA, HICHEM, RINDRA RAMASOMANANA, VILLAGE URUGWIRO

Plus récemment, une enquête intitulée « Bouteflika et les femmes » (2015), qui n’avait naturellement rien à voir avec la manière nauséeuse dont les tabloïds britanniques ou la presse people traitent ce genre de sujet, mais qui se penchait sur la vie de l’un des rares chefs d’État d’Afrique et du monde arabe restés célibataires – et dont la réputation de séducteur était jadis bien établie –, n’a pas échappé aux foudres de la « censure ». Depuis notre retour officiel, en février dernier, la raison semblait avoir prévalu. S’agissant d’un pays qui, depuis la guerre d’indépendance (que nous avions, à l’époque, suivie de très près), compte beaucoup pour nous, nous ne pouvions que nous en féliciter. Ce brusque retour en arrière, totalement incompréhensible à l’ère du digital et unique en Afrique, est pour nous un véritable crève-cœur. Qui aime bien châtie bien, dit-on. Peutêtre sommes-nous trop exigeants avec cette Algérie dont le potentiel inouï nous semble mal exploité. Mais tout de même ! Nous ne désespérons pas pour autant des autorités algériennes. Nous voulons croire qu’elles reviendront sur cette décision, qui lèse avant tout leurs concitoyens. En attendant, nous présentons à nos lecteurs algériens nos plus sincères excuses pour cette (nouvelle) absence, fût-elle indépendante de notre volonté. Et les invitons à nous lire sur notre site ou sur notre application, ce qu’ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à faire.

Éditorial par Marwane Ben Yahmed

ÉCONOMIE

Découvrez toutes nos offres d’abonnement sur

128 Chine-Afrique À la recherche d’un nouvel équilibre

jeuneafrique.com ou contactez-nous au +33 (0)1 44701474

Fondateur: Béchir Ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à Tunis bby@jeuneafrique.com

Directeur de la publication: Marwane Ben Yahmed mby@jeuneafrique.com

Édité par Jeune Afrique Media Group Siège social: 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél.: +33 (0)144301960 Fax: +33 (0)145200969 Courriel: redaction @jeuneafrique.com

Directeur de la rédaction: François Soudan f.soudan@jeuneafrique.com

Directeur général: Amir Ben Yahmed Vice-présidents: Danielle Ben Yahmed, François Soudan

La rédaction et l’équipe de Jeune Afrique sont à retrouver sur www.jeuneafrique.com/quisommes-nous/

Diffusion et abonnements Ventes: +33 (0)144301823

Abonnements: Service abonnements Jeune Afrique, 56, rue du Rocher 75008 Paris Tél.: +33 (0)144701474 Courriel: abonnement-ja @jeuneafrique.com

Tél.: +33 (0)144301960 Fax: +33 (0)145200823 +33 (0)144301986 Courriel: regie@ jeuneafrique.com

Communication et publicité

DIFCOM (Agence internationale pour la diffusion de la communication) S.A. au capital de 1,3 million d’euros Régie publicitaire centrale de Jeune Afrique Media Group 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris

Imprimeur: Siep – France Commission paritaire: 1021c80822 Dépôt légal: à parution ISSN 1950-1285



PROJECTEURS L’HOMME DU MOIS

Mohammed VI, ou les deux corps d’un roi

L

FRANÇOIS SOUDAN

es deux événements n’ont bien sûr rien de commun, si ce n’est la date – le 14 juin 2020 – et l’identité de leur singulier acteur : celui par lequel, au Maroc, tout devient un, le roi Mohammed VI. Ce dimanche-là, dans la clinique du Palais royal de Rabat, cinq cardiologues réputés procèdent avec succès à une opération « techniquement simple, relativement courte, peu risquée et avec d’excellents résultats », si l’on en croit les spécialistes : une ablation cardiaque par radiofréquence destinée à débarrasser le monarque d’une arythmie récidivante du cœur, pour laquelle il avait déjà été soigné dans une clinique de Neuilly en février 2018. Ce même 14 juin, commence dans l’aéroport de Casablanca une opération d’un autre type. Étalée sur quatre jours et mobilisant huit avions de la RAM, elle consiste à livrer à une quinzaine de pays subsahariens plusieurs millions de masques et d’équipements sanitaires, mais aussi ce qui manque le plus dans les dons chinois au continent: des traitements, en l’occurrence 90 000 boîtes de chloroquine et d’azithromycine made in Morocco. Plutôt que de participer à des visioconférences de chefs d’État sur le coronavirus, dont l’utilité est souvent inversement proportionnelle à la médiatisation, M6 a choisi ce que l’on pourrait appeler l’action directe, même en faveur de pays

6

no3090 – JUILLET 2020

qui ne lui sont pas a priori acquis sur le dossier du Sahara, comme la Tanzanie et l’Angola. Et il a attendu, pour ce faire, que la production marocaine en équipements et en médicaments ait dépassé un seuil que le royaume a été, sur le continent, le seul à atteindre : celui de l’autosuffisance.

Réactivité

Toute la gestion de la riposte à la pandémie au Maroc porte la marque d’un roi qui, dès le début, a prescrit la plupart des mesures drastiques prises sur fond de volontarisme politique et sanitaire. Le premier cas de Covid-19 est détecté le 2 mars dans le royaume. Le 15 mars, un fonds spécial consacré à la riposte et doté d’un budget de 10 milliards de dirhams (près de 915 millions d’euros) est créé. À titre d’exemple et puisque ce fonds est ouvert aux dons privés, M6 l’abonde de 2 milliards via le holding royal Al Mada. Le 16 mars, les écoles et universités sont fermées. Le 20 mars, alors que le nombre de cas n’atteint pas les 90, le confinement des 35 millions de Marocains est décrété ainsi que l’état

LA CAPACITÉ DU ROYAUME D’EXPORTER DES MASQUES JUSQU’AU MEXIQUE OU EN FRANCE EST UN EXPLOIT AUQUEL ON NE S’ATTENDAIT PAS.

MAP

La gestion de la riposte à la pandémie au Maroc porte la marque d’un souverain capable d’être à la fois sultan, chef d’État et commandeur des croyants.

d’urgence. Le 23 mars enfin, M6 décide de passer au « tout-chloroquine » et ordonne le rachat de l’intégralité du stock de Nivaquine et de Plaquenil détenu par la filiale marocaine du laboratoire Sanofi. Police, gendarmerie et blindés dans les rues, contrôles, sanctions, arrestations de contrevenants: l’encadrement du confinement est immédiatement strict, avec le souci permanent d’éviter les débordements. Quatorze semaines plus tard et après un lockdown (en grande partie levé le 10 juin) parmi les plus longs au monde, les résultats sont là : une pandémie globalement maîtrisée et relativement peu létale si on la compare aux voisins algérien et espagnol. Outre cette réactivité, ce qui frappe les observateurs, c’est aussi la capacité d’adaptation dont l’industrie marocaine a su faire preuve tout au long de la crise. Reconfigurer l’outil industriel pour la production intensive de masques, de gel hydroalcoolique et de respirateurs au point d’être en capacité de les exporter vers la France, le Mexique, l’Arabie saoudite ou encore l’Afrique du Sud, est un exploit auquel


Ils ont dit « Je crois que Poutine pense qu’il peut aisément se jouer de Donald Trump. Poutine est quelqu’un d’intelligent et dur. Il sait qu’il n’est pas confronté à un adversaire sérieux. » JOHN BOLTON, ancien conseiller à la sécurité nationale aux États-Unis

on ne s’attendait pas. À moins de se remémorer cette phrase de l’historien Daniel Rivet expliquant l’entrée des Marocains dans la modernité par « leur aptitude à surfer sur la complexité des mondes, à faire avec l’hétérogène et à se débrouiller avec le composite ». Pour ce faire, nombre d’entrepreneurs et de start-up ont eu recours à des solutions numériques innovantes – notamment dans le partage de l’information – qui seront demain autant d’accélérateurs de la transformation digitale du royaume.

Appui au secteur informel

Bien évidemment, l’épreuve du confinement, qui a fait perdre l’équivalent de 100 millions de dollars par jour à l’économie marocaine, a été rude et ses lendemains s’annoncent douloureux. La communication a été trop longtemps aléatoire, voire calamiteuse par moments, lorsque le Premier ministre Saadeddine El Othmani, avant de se rattraper, a avoué le 8 mai sur la chaîne officielle qu’il n’avait « pas de vision » pour la sortie du tunnel. Mais cette singularité du plan de soutien à l’économie qu’est l’ampleur,

voulue par le roi, de l’appui au secteur informel (5 millions de ménages à revenus modestes ont été financièrement aidés) fait que le Maroc sortira sans doute du choc dans une situation sociale moins dégradée que ses voisins. À la fois point de convergence, carrefour névralgique et dynamo spirituelle d’une nation dont il actionne la plupart des fils, Mohammed VI a joué, tout au long d’une crise pendant laquelle ses compatriotes ont traversé un mois de ramadan particulièrement difficile, un rôle de sultan et de chef d’État moderne, mais aussi d’imam: c’est en réponse à sa demande de fatwa que le Conseil des Oulémas a procédé, dès le 16 mars, à la fermeture des mosquées. Conscient du fait que c’est surtout en recherchant les voies de leur salut que les Marocains, depuis des siècles, font société, ce souverain de 56 ans incarne comme peu de ses prédécesseurs ce que l’historien allemand Ernst Kantorowicz appelle dans un livre devenu culte « les deux corps du roi »: un corps d’homme sujet comme tout autre aux aléas de la complexion, logé dans le corps immortel de son royaume.

« Ce que j’ai appris de la colonisation, à l’école, au Sénégal, devrait pouvoir se conjuguer avec ce que j’ai appris en France de la décolonisation. » SIBETH NDIAYE, porte-parole du gouvernement français « Nous sommes aux côtés de nos amis et parents aux États-Unis en ces temps difficiles et éprouvants, et nous espérons que la mort tragique de George Floyd inspirera un changement durable dans la façon dont l’Amérique affronte les problèmes de haine et de racisme. » NANA AKUFO-ADDO, président du Ghana

VINCENT FOURNIER/JA/REA

M6 (au centre) lors de la célébration de la Nuit du destin, le 20 mai, au Palais royal de Rabat.

« Le racisme ne disparaîtra pas. Les progressistes blancs qui vous encouragent dans cette lutte antiraciste sans issue sont ceux qui ne veulent pas que vous vous préoccupiez des réelles urgences que sont l’autodétermination et la séparation vis-à-vis du colon. Aucune révolution ne s’est faite en prônant l’intégration à la maison de l’oppresseur. » KEMI SEBA, activiste

« J’ai failli demander à Usain Bolt de venir témoigner de ma probité morale. C’est un athlète de renommée internationale, et il sait ce que l’IAAF a fait pour la Jamaïque. » LAMINE DIACK, ancien président de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF)

no3090 – JUILLET 2020

7


CÔTE D’IVOIRE Le bien-être des populations

Le PIB par tête d'habitant a augmenté de 33 % depuis 2012. Et le taux d'investissement global est passé lui de 12 %, en huit ans, en 2012 à 19,5 % en 2017, grâce aux secteurs public et privé. Le climat des affaires a été amélioré, comme le montre le renforcement du classement de la Côte d'Ivoire dans « Doing Business » : le pays est passé de la 167e place en 2012 à la 142e place en 2017 ! Le taux d'inflation en moyenne annuelle est maintenu en dessous de la norme communautaire de 3 % depuis 2012 et le revenu national s'est accru de 80 % entre 2012 et 2015 (Banque mondiale). Le niveau de pauvreté est à la baisse, 46 % contre 51 % en 2011 ; mais il reste encore trop élevé et le gouvernement a décidé en 2018 de faire de cette année « l'année du social » traduisant ainsi en actes la volonté d'accélérer son action dans les secteurs sociaux, pour y remédier.

© JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE

C'est ainsi que le Programme Social du Gouvernement (PSGouv) a vu le jour. Ses actions touchent principalement :

Q École de statistiques : université d'Abidjan.

PUBLI-INFORMATION

Q La « Cité Ado », logements sociaux à Yopougon, banlieue d'Abidjan.

© JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE

Entre 2012 et 2017 le pays a connu une croissance annuelle moyenne d'environ 8 %, faisant de son économie l'une des plus dynamiques de l'Afrique de l'Ouest et des plus performantes à l'échelle mondiale.

Q Laboratoire d'analyse à la clinique Indénié à Abidjan.

- la santé et le renforcement du programme de gratuité ciblé, la mise en place progressive de la couverture maladie universelle et la protection sociale ; - l'éducation et l'amélioration des conditions de vie des élèves en milieu scolaire, tout en renforçant l'accès et le maintien à l'école des enfants de 6 à 16 ans, notamment pour les jeune filles. L’accès aux biens de première nécessité, au logement, à l'eau potable, à l'énergie et aux transports, aux biens de grande consommation ; - et enfin l'emploi en faveur des jeunes et des femmes. Ce dernier point est important, basé sur les compétences et leur développement, pour renforcer les capacités des jeunes à travers des formations qualifiantes de reconversion et d'apprentissage.


© RENAUD VAN DER MEEREN

© RENAUD VAN DER MEEREN

33 %

d'augmentation de PIB par habitant depuis depuis 2012.

142 e

place

dans le « Doing Business » pour le climat des affaires (167e en 2012).

80 %

de revenu national en plus entre 2012 et 2015 (Banque mondiale).

© THIERRY GOUEGNON / REUTERS

Q Électrification.

Développement aussi de l'entreprenariat qui consiste à financer des projets structurés de créations d'entreprises formelles. Et d'autre part, l'action du gouvernement s'est attachée à créer des conditions de mieux-être des populations, en milieu rural et d'assurer la sécurité alimentaire. Cela prend en compte la maîtrise des charges de transports grâce au reprofilage de 120 000 km de routes ou de pistes rurales, Ce qui améliore les conditions d'acheminement des produits agricoles vers les centres urbains et crée bien sûr des emplois.

Pour mettre en place ces mesures et les diverses actions qui en découlent et par souci d'efficacité, le Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly a fixé les dispositifs de pilotage actifs et réactifs : un comité de pilotage, un coordinateur général et des responsables pour chacune des mesures du plan ; auquel s'ajoute un personnel dédié à la gestion du programme c’est-à-dire un contrôleur financier, un agent comptable et un audit annuel. Rien n'a été laissé au hasard dans sa mise en œuvre le PSGouv requérant l'adhésion et la participation de tous.

Développer l'entreprenariat des jeunes en finançant des projets structurants Q Centre commercial Playce à Marcory.

DIFCOM/DF - © PHOTOS : SUIVANT MENTION.

© JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE

Q Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d'Ivoire en compagnie du Premier Ministre, Amadou Gon Coulibaly.


PROJECTEURS

HAMIDA CHATUR KAMERHE Le 20 juin, la justice congolaise a condamné son mari, Vital Kamerhe, à vingt ans de prison pour détournement de fonds publics et corruption. AVEC UN « H »

Née le 6 novembre 1976 à Kinshasa, elle a été baptisée Hamida, mais son nom est souvent orthographié sans H, comme dans certains passages du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Kinshasa-La Gombe, le 20 juin.

INDIENNE ET BAYOMBE

Son père, Chatur Shabudin, était de nationalité indienne. Sa mère, Élisabeth Ndenge Vangu, issue de l’ethnie bayombe, était quant à elle originaire de Seke-Banza, une localité du Kongo-Central.

FAMILLE RECOMPOSÉE

MAELYS IMAGE

À la barre, elle s’est présentée comme la mère d’une famille recomposée « de quatorze enfants ». Il faut dire qu’on lui connaît trois

unions: une avec la star congolaise de ndombolo, JB Mpiana, avec qui elle a eu trois enfants (Daida, Soraya et Junior), une autre avec l’homme d’affaires congolais Didi Kinuani, dont elle a eu un fils, Diams. Et, enfin, avec Vital Kamerhe, en février 2019. De leur mariage est né un enfant, Isaac. Il y a quelques années, elle était réputée proche de Maurice Nguesso, grand frère du président du Congo, Denis Sassou Nguesso.

FEMME D’AFFAIRES

Elle commence à travailler dès l’âge de 20 ans: dans le prêt-à-porter, puis dans le commerce de produits vivriers et dans l’importation de meubles. Aux juges qui ont condamné son mari, elle a expliqué exercer désormais dans l’immobilier.

FASTE

Les images de son fastueux fa mariage avec Vital Kamerhe avaient fait le tour des réseaux sociaux. La dot remise à sa famille (trentte-deux vaches et une forte somme d’argentt dont le montant n’a jamais été confirmé) avait en particulier alimenté les fantaasmes. Devant les magistrats, elle a égalem ment détaillé plusieurs des cadeaux de maariage qu’elle et son époux avaient reçus. Parmi P ceux-ci: quatre voitures neuves.

COLOMBEE

Elle a beau être ê connue pour son goûût du luxe et des vêtem ments griffés, elle a aussi créé unee fondation, La Colombe, qui inteervient dans les domaines de l’édducation et de la santé, ainsi qu’en soutien aux personnes vulnérabbles et aux femmes entreppreneuses.

VISITES

Elle a sa carte de membre à l’Union pour la nation congolaise (UNC), mais ne participe pas à la vie du parti de son mari, auprès duquel elle joue davantage un rôle de conseillère officieuse. Depuis l’incarcération de ce dernier, le 8 avril, elle se rend tous les jours à la prison de Makala.

PROCHE DES TSHISEKEDI

Elle a été aux côtés de son mari – et donc du couple Tshisekedi – pendant toute la campagne électorale. Elle est depuis restée proche de Denise Nyakeru Tshisekedi, devenue première dame.

SOUS PRESSION

À l’issue du procès, la justice a ordonné la confiscation des fonds placés sur son compte ainsi que sur celui de sa fille Soraya Mpiana. La saisie d’une propriété à son nom, située dans la commune de N’Sele, a également été décidée. Citée par Hamida Chatur comme étant la personne qui gère certaines de ses transactions, Marie Josée Mengi, l’une de ses proches collaboratrices, a été placée sous contrôle judiciaire.

PATRIMOINE

La justice congolaise souhaite désormais identifier les biens qu’aurait acquis le couple avec des fonds détournés. Pendant les audiences a notamment été évoqué un hôtel particulier que les Kamerhe posséderaient à Paris. Ce que conteste l’avocat PierreOlivier Sur, qui cite une propriété à Maule (Yvelines, France), acquise par le couple en 2019, et une autre à Orgeval (toujours dans les Yvelines), achetée en 2011 et mise au nom de Hamida Chatur. STANIS BUJAKERA TSHIAMALA, À KINSHASA



EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA

FREDERIC POLETTI/OPALE/LEEMAGE

PROJECTEURS

CÉLESTIN MONGA

Après trois ans passés à la BAD, au poste d’économiste en chef avec rang de vice-président, le Camerounais Célestin Monga, 60 ans, a repris du service à la Banque mondiale comme conseiller-directeur. C’est à Washington qu’il a fait l’essentiel de sa carrière. Diplômé de la Sorbonne, Monga est également passé par Harvard et le MIT. Il a d’ailleurs cosigné, en février 2019, The Oxford Handbook of Structural Transformation, avec son collègue et ami l’économiste chinois Justin Yifu Lin. Jeune banquier en poste à Douala dans les années 1990, il s’était fait remarquer en adressant une lettre ouverte à Paul Biya intitulée « Démocratie truquée ». La philippique lui avait valu un séjour en prison. En avril, il est sorti de son habituelle réserve dans un tweet en hommage à Odile Tobner – veuve de l’écrivain Mongo Béti et fondatrice de l’association Survie. Il en a profité pour titiller « les opportunistes zélés qui prétendent aujourd’hui combattre les régimes qu’ils servaient hier ».

C’est à l’initiative du Groupe des pays africains que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a entamé à Genève, le 17 juin, un débat historique sur le racisme, en présence notamment du frère de George Floyd, l’Afro-Américain décédé, le 25 mai aux États-Unis, des suites d’une intervention policière. Les nations africaines et nombre d’activistes réclamaient plus que les habituelles condamnations: une commission d’enquête internationale sur « le racisme systémique ».

12

no3090 – JUILLET 2020

SOUMEYLOU BOUBÈYE MAÏGA

En avril 2019, Soumeylou Boubèye Maïga, 66 ans, présentait sa démission juste avant que l’Assemblée nationale examine une motion de censure contre son gouvernement. Il cristallisait le mécontentement autour de la crise sécuritaire et des problèmes sociaux. Depuis, le « Tigre » se consacre à son parti, l’Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques. « Je m’exprime uniquement lorsque je le juge nécessaire. Je me dois d’observer un devoir de réserve », explique-t-il. Sa formation a remporté quatre sièges à l’issue des législatives et est toujours membre de la majorité présidentielle. Il suit de près la vague de mécontentement qui secoue le pays, mais prend le contre-pied de ceux qui réclament la démission d’Ibrahim Boubacar Keïta. Il estime néanmoins que le chef de l’État pourrait dissoudre l’Assemblée. En novembre 2019, l’ex-Premier ministre avait été mandaté par la Cedeao pour observer la présidentielle en GuinéeBissau. « Une expérience enrichissante », dit-il aujourd’hui.


MERCI

À TOUS NOS

Dans le contexte inédit de la crise sanitaire actuelle, les collaborateurs de Bolloré Transport & Logistics ont su s’adapter pour assurer la continuité des activités et maintenir la cohésion au sein du réseau. Merci à tous nos héros du quotidien pour leur implication, leur motivation et leur efficacité malgré les conditions de travail complexes liées au Covid-19.

SC BTL-05/20

HÉROS DU QUOTIDIEN


PROJECTEURS

EMMANUEL MACRON

Président de la République française

S

RECEP TAYYIP ERDOGAN

Président de la République de Turquie

MATHIEU GALTIER, À TUNIS

ur terre, dans les airs et maintenant en mer… Le contentieux entre la France et la Turquie autour de la question libyenne ne cesse de s’étendre. Le 10 juin, dans le cadre de la mission Sea Guardian de l’Otan, un bâtiment tricolore, le Courbet, veut arraisonner un navire battant pavillon tanzanien, soupçonné de transporter des armes pour les forces de Tripoli. Mais celui-ci est protégé par une escorte turque qui menace de tirer sur le Courbet. Aussitôt, Paris convainc ses alliés au sein de l’Otan d’ouvriruneenquêtesurl’«agressivité»delaTurquie. Quelques jours plus tard, le 22 juin, dans un entretien avec son homologue tunisien, Kaïs Saïed, le président français déclare qu’Ankara « joue en Libye un jeu dangereux et contrevient à tous ses engagements pris lors de la conférence de Berlin [du 19 janvier] ». En début d’année, déjà, Emmanuel Macron avait accusé Recep Tayyip Erdogan d’avoir violé l’embargo sur les armes en Libye. Des Rafale tricolores avaient en effet repéré une livraison de véhicules blindés turcs à destination de Tripoli. Au Palais blanc, la réponse avait été immédiate: le navire protégé par les forces navales du Bosphore contenait uniquement du « matériel médical ». Quant aux véhicules résistant aux explosions de mines, c’est à la demande du gouvernement d’union nationale, reconnu par l’ONU, que la Turquie les avait envoyés, respectant ainsi ses engagements vis-à-vis de la communauté internationale… contrairement à la France. Il est facile pour Erdogan de rappeler l’hypocrisie de l’Élysée en Libye. Bien que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la France aurait apporté un soutien militaire direct à Khalifa Haftar dans son offensive contre Tripoli. En juin 2019, quatre missiles antichars Javelin ont été

14

no3090 – JUILLET 2020

retrouvés dans la ville de Gharyan – dans l’Ouest libyen –, alors poste de commandement de l’autoproclamée Armée nationale libyenne. Paris avait alors expliqué qu’il s’agissait de l’équipement d’« une mission de renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme » qui avait dû partir précipitamment à cause de la situation sécuritaire dans le pays. Une justification qui n’a pas convaincu grand monde du côté des Libyens de l’Ouest. La débandade des hommes du maréchal Haftar en Tripolitaine, due notamment aux renforts envoyés par la Turquie, a conforté Erdogan dans sa stratégie militaire, avec l’éventuelle implantation de bases dans la région, un objectif que Macron veut contrecarrer à tout prix. Ses conseillers et lui veulent éviter que la zone ne tombe dans l’escarcelle turque.

Arbitrage de l’Otan

Voisine de la Tunisie, lieu de passage des migrants subsahariens pour l’Europe et siège de champs et terminaux pétroliers, la Tripolitaine est stratégique pour la France. D’où le recours à l’arbitrage de l’Otan, même si cette dernière est considérée comme étant « en état de mort cérébrale » par le président français. Mais, malgré le soutien sans faille des membres européens, il n’est pas sûr que Macron remporte cette nouvelle manche. L’arrimage d’Ankara à l’Otan est trop important pour Washington, qui s’inquiète de la montée en puissance en Méditerranée de la Russie, adversaire de la Turquie en Libye. « La guerre ne va pas éclater entre la France et la Turquie pour une histoire de bateau à pavillon tanzanien ni pour une livraison de blindés, mais c’est sûr que les eaux méditerranéennes se réchauffent fortement », analyse un expert. Sans doute, mais reste à savoir si Macron et Erdogan peuvent amorcer la désescalade.



PROJECTEURS

ESPRITS LIBRES

HÉRITAGE COLONIAL

Non au viol des consciences Yann Gwet Essayiste

L

a vague occidentale de manifestations antiracistes consécutives à l’horrible mort de George Floyd a ravivé un autre mode de protestation: le déboulonnage de statues de personnalités historiques liées à l’esclavage ou à la colonisation. Vues d’Afrique, où quelques opérations de « décolonisation » de l’espace public ont également eu lieu, ces actions ont fasciné. Car on comprenait les ressorts de la colère. On voyait bien que l’histoire qui se déroulait sur nos écrans était au fond la nôtre et que ce qui se jouait était plus profond que ce que les commentaires des grands médias ne le suggéraient. À écouter plusieurs analystes occidentaux, des figures telles que de Gaulle ou Churchill appartiendraient au passé. Elles restent certes influentes, mais comme inspiration. D’où l’accusation d’anachronisme portée contre les activistes de la mouvance Black Lives Matter, lesquels évalueraient le passé avec les lunettes du présent. Argument qui n’est pas dénué de sens, mais qui, vu d’Afrique, fait sourire. Plusieurs décennies après « les indépendances », le général de Gaulle a l’honneur de nombreux édifices publics et rues en Afrique francophone. La statue du maréchal de Hauteclocque, dit Leclerc, défenseur gaulliste d’un empire français libre durant la Seconde Guerre mondiale, trône au cœur du quartier d’affaires de Douala, au Cameroun. La présence de ces figures historiques dans le quotidien des Africains perpétue un imaginaire colonial et viole leur conscience. Le message symbolique qui leur est adressé est le suivant: « Le patron, c’est la France. » Sans parler des complications politiques induites

16

no3090 – JUILLET 2020

par cet héritage plus que douteux dans un pays comme le Cameroun, dont une partie des citoyens, descendants de sujets de l’Empire britannique, supportent moins que leurs concitoyens francophones l’omniprésence française dans un État supposé indépendant. Bien sûr, en théorie, les dirigeants de ces nations pourraient renommer leurs rues. Mais l’expérience de la bellicosité française a pu dissuader les plus téméraires. Quel Africain n’a pas en mémoire les images d’une armée française guerroyant impunément sur le sol ivoirien en avril 2011 contre l’ancien président Gbagbo, ou encore le sort réservé au Libyen Mouammar Kadhafi? À côté de ces militaires, les profanateurs de statues sont de piètres amateurs.

Domination par la violence

Le peuple français est maintenu dans l’ignorance de ces événements et, pis encore, de leur impact sur les peuples africains. Dès lors, comment s’étonner qu’il peine à déchiffrer un mouvement qui, par-delà ses contradictions et son déficit de cohérence, exalte une identité singulière et rejette, non pas un peuple en particulier, mais la prétention de la civilisation occidentale à incarner l’universel? L’universalisme occidental est l’idéologie la plus puissante de notre époque. Cet Occident – dont Samuel Huntington nous rappelle dans Le Choc des civilisations qu’il a dominé le monde grâce à sa supériorité dans l’exercice de la violence et non par ses idées ou ses valeurs – a pourtant persuadé le monde qu’il était justement porteur de valeurs si fortes, si positives qu’elles représentaient les aspirations des peuples de la Terre. L’individualisme, la « liberté », la

tolérance, le pluralisme, etc., tous ces concepts issus de la civilisation occidentale étaient suffisamment neutres et flexibles pour séduire et accommoder toutes les cultures. L’astuce a fonctionné, et l’Occident a ainsi pu instaurer une sorte de gouvernement mondial, à son image. Mais le même Huntington fait justement observer que « le concept de civilisation universelle permet de justifier la domination culturelle de l’Occident sur les autres sociétés et la nécessité pour ces sociétés d’imiter pratiques et institutions occidentales ». Sans surprise, sept décennies d’impérialisme occidental déguisé

UN MOUVEMENT MONDIAL SUSCITÉ PAR SEPT DÉCENNIES D’IMPÉRIALISME DÉGUISÉ EN « UNIVERSALISME ». en « universalisme » ont suscité un puissant mouvement de rejet au niveau mondial. De la Turquie à la Russie, en passant par l’Inde ou la Chine, des civilisations séculaires réaffirment, contre le faux universalisme occidental, la prééminence de leurs valeurs, de leur culture, leur vision du monde. Il est inévitable que l’Afrique et ses diasporas rejoignent, par le biais d’un projet décolonial, ce mouvement de désoccidentalisation. Les méthodes de ces activistes sont-elles critiquables? Possible. Déboulonner des statues est-il inopportun? Ça peut se discuter. Mais l’enjeu vaut largement quelques susceptibilités froissées.


Érigeons plutôt de nouvelles statues! Benjamin Stora

F

aut-il ou non déboulonner les statues de figures de l’histoire dont le nom est associé à des prises de position et à des comportements racistes ou colonialistes détestables ? On ne saurait traiter une telle question, tout particulièrement s’agissant du cas de la France, où elle a pris une grande ampleur après l’émoi suscité comme partout par l’assassinat de George Floyd, sans s’interroger sur son contexte, passé et présent, si l’on veut éviter le risque d’une réaction simpliste. La dénonciation d’un racisme reçu en héritage de la période coloniale a provoqué le retour d’un débat sur les périodes sombres de l’histoire française. Que les populations issues des profondeurs de ce passé soient particulièrement visées par le racisme, par des comportements caractérisés par le mépris, le manque de respect, n’est pas contestable. Les faits sont connus, répertoriés. Mais peut-on parler de « racisme d’État » à l’œuvre dans une société postcoloniale en France ? Cela impliquerait un projet politique, comme à l’époque de Vichy, ce qui n’est pas avéré. On doit pourtant s’interroger sur cette persistance du racisme. On a pu penser que l’imaginaire colonial était dépassé depuis l’avènement des indépendances dans les années 1960. Qu’il fallait désormais plutôt s’atteler à la construction des États et, en France, à la question sociale, autrement dit à l’amélioration des conditions matérielles d’existence des travailleurs. Mais on s’est aperçu

Historien progressivement que le passage à la décolonisation n’avait pas tout réglé : les attitudes, les hiérarchisations de type communautaire qui existaient à l’intérieur de la société coloniale sont passées pour une bonne part d’une société à l’autre. L’histoire antérieure n’a pas disparu comme par enchantement. Elle a nourri des positionnements qui continuent de diviser la société française. Et une « guerre des mémoires » qui a pris de l’ampleur depuis le début des années 2000. Notamment autour de la question de l’universalisme. Suffit-il de proclamer l’universalisme des droits humains pour assurer une réelle égalité ? Mais n’est-ce pas la seule façon d’éviter l’essentialisme, le renvoi aux origines ?

Mémoire du refus

On pourrait aider à dépasser ce débat en redonnant toute sa place à la transmission de l’histoire des luttes anticoloniales en France. Malheureusement, on assiste plutôt aujourd’hui à un effacement de la mémoire de ceux qui n’ont pas accepté la colonisation. Nombreux sont les Français qui, de Clemenceau à Gide et de Sartre à Vidal-Naquet, se sont opposés à cette entreprise de domination des peuples. Si on ne transmet pas cette mémoire du refus, existe le sentiment d’une France homogène qui aurait accepté de tout temps les principes de la colonisation. Ce qui n’est pas vrai. Des dirigeants nationalistes algériens comme Ferhat Abbas ou Messali Hadj ou le leader tunisien Habib Bourguiba parlaient eux-mêmes

d’une « double France ». Une France qui opprimait à travers la domination coloniale et une France sur laquelle on pouvait aussi s’appuyer pour favoriser l’émancipation citoyenne et l’accès à l’indépendance. Les déboulonnages des statues ou des plaques de noms de rues doivent être regardés avec tout cela en tête. Certes, on peut considérer que de tels actes n’ont pas à être tabous. Ils ne sont d’ailleurs pas si nouveaux : ils ont accompagné en France la Révolution de 1789 et, ailleurs dans le monde, tant de changements de régime et de renversements de dictateur. Mais s’ils peuvent en fin de compte faciliter l’ouverture de débats esquivés en permanence, ils comportent un danger : vouloir effacer l’histoire, la « refouler », c’est prendre le risque de la voir resurgir. L’essentiel, ce n’est pas d’éradiquer, c’est d’interroger le récit national à propos de la colonisation et de transmettre l’histoire dans sa complexité. Par exemple, expliquer le rôle, le statut des personnages liés à la colonisation et à l’esclavage ; documenter ce qu’ont été ces périodes sombres de l’histoire de France. Débaptiser ou déboulonner ne suffit pas, et encourage la paresse intellectuelle et politique. Ne ferait-on pas mieux d’ailleurs… d’ériger surtout de nouvelles statues pour glorifier des figures de l’anticolonialisme, de l’émancipation des peuples et des combats pour l’égalité ?

Benjamin Stora, dernier ouvrage paru: Une mémoire algérienne, éd. Robert Laffont, collection « Bouquins », mars 2020, 1088 pages.

no3090 – JUILLET 2020

17


LA GRANDE INTERVIEW

Lors de l’entretien par visioconférence, le 19 juin.


RWANDA

Paul Kagame « Au Jugement dernier, j’obtiendrai de bien meilleures notes que ceux qui osent nous condamner »

Lutte contre le coronavirus, relations avec ses voisins et avec la France, état des droits de l’homme dans son pays… Le chef de l’État s’explique, parfois tranchant, toujours pragmatique.

L

«

e Wakanda existe, je l’ai rencontré ! » écrivait à la fin de mai une blogueuse américaine, enthousiaste à son retour du Rwanda, sur la plateforme web Medium. Pas de doute: vingtsix ans après l’Armageddon qui a dévasté ses mille collines, le pays du « président digital » Paul Kagame continue de fasciner des milliers de fans étrangers, dont bon nombre de jeunes diplômés africains, sidérés par le leapfrogging étourdissant qui le propulse au seuil de la quatrième révolution industrielle. La pandémie de coronavirus qui a obligé le Rwanda à fermer ses écoutilles, lui dont le développement repose sur l’extraversion, va-t-elle remettre en question ce grand bond en avant ? Même si le bilan reste faible à ce

jour (moins d’un millier de cas déclarés et une petite poignée de décès au 25 juin), les conséquences de la mise en apnée forcée de l’économie rwandaise peuvent être lourdes. En particulier pour le redémarrage des grands chantiers (Kigali Innovation City et le projet de Cité verte entre autres, 7 milliards de dollars d’investissements à eux deux) et celui du tourisme haut de gamme. Les prévisions de croissance pour 2020 étant ce qu’elles sont (2 %, au lieu des 9,5 % escomptés), les quelque treize millions de Rwandais devront donc une nouvelle fois tester leur capacité de résilience. Les vertus de discipline et d’ardeur au travail dont ils ont su faire preuve, sous la houlette d’un président désormais sexagénaire, pour qui démocratie rime avec ordre et sécurité plutôt qu’avec la conception occidentale des droits de l’homme et des libertés, devraient les y aider.

VILLAGE URUGWIRO

PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS SOUDAN ET NICHOLAS NORBROOK


LA GRANDE INTERVIEW

RWANDA

Jeune Afrique : Le Rwanda est jusqu’ici relativement peu touché par la pandémie de coronavirus, mais le nombre de cas déclarés augmente. Comment gérez-vous cette situation ? Paul Kagame : Du mieux que nous le pou-

vons. Le confinement nous a beaucoup aidés: il a permis de mettre en place un processus rigoureux de tests, d’isolements et de traitements. Mais, avec le déconfinement progressif, il y a eu une résurgence de cas importés de chez nos voisins dans certains districts frontaliers. Pour l’essentiel, ces contaminations sont le fait de chauffeurs routiers qui transportent des marchandises en provenance des ports de Mombasa et de Dar es-Salaam. Il nous a donc fallu prendre de nouvelles mesures restrictives dans les régions affectées, en coordination, bien sûr, avec les autorités ougandaises et tanzaniennes, car il ne s’agit pas de mettre qui que ce soit à l’index ni de prétendre que l’épidémie n’a pas d’aspects purement endogènes. Nous avons su gérer la maladie dans les centres urbains, nous faisons maintenant de même en zone rurale. Vos quatre voisins ont-ils pris des mesures nécessaires et suffisantes pour faire face ?

POUR CONTRER L’AVANCÉE DU COVID-19, NOUS MISONS SUR DES SOLUTIONS DIGITALES INNOVANTES, MADE IN RWANDA.

Il serait malvenu de ma part de porter quelque jugement que ce soit. Je constate de manière générale que, si chacun est conscient du problème, tout le monde ne réagit pas de la même manière. Certains sont dans le déni, d’autres non. Certains jouent la carte de la transparence quant au nombre de cas, d’autres moins. Ce que nous devons tous comprendre, c’est qu’aucun d’entre nous ne peut faire face seul à cette pandémie. L’attitude de chaque pays affecte les autres, et réciproquement. La coopération est donc absolument indispensable. Le Rwanda a beaucoup misé sur le tourisme, qu’il s’agisse de l’écotourisme haut de gamme ou du tourisme de conférence. Or, ces deux secteurs sont très durement touchés par la crise. Comment comptez-vous limiter les dégâts ?

D’abord, en encourageant les Rwandais eux-mêmes à visiter leur pays, au rythme du déconfinement des zones d’attraction touristique. Certes, beaucoup ne disposent pas de moyens financiers équivalents à ceux des visiteurs étrangers, mais peu est toujours

20

no3090 – JUILLET 2020

mieux que rien. Ensuite, en créant toutes les conditions, notamment sanitaires, pour que ces derniers puissent revenir au Rwanda en toute sécurité. Soit ils se font tester avant leur arrivée à Kigali, soit nous les testons sur place puisque nous en avons les moyens. Plus que tout autre pays africain, vous avez fait le pari de l’économie digitale. Cela vous a-t-il permis de mieux combattre la pandémie ?

Assurément, et cela nous aidera à reconstruire ce qui a été endommagé. Des solutions digitales innovantes made in Rwanda ont été créées pour tracer les mouvements du coronavirus à travers le pays. Elles nous ont permis de limiter les transmissions et les infections. C’est un secteur essentiel sur lequel nous allons nous appuyer pour faire redémarrer notre économie. Sur le continent, des voix s’élèvent pour demander un moratoire sur le remboursement de la dette, voire l’annulation pure et simple de celle-ci. En faites-vous partie ?

Il est clair que les pays pauvres qui sont contraints de consacrer leurs ressources budgétaires, limitées, au remboursement de la dette extérieure plutôt qu’à l’investissement ont un sérieux problème. Demander à nos créanciers de nous accorder du temps afin que nous puissions investir cet argent avant de les rembourser a donc un sens. J’entends aussi ceux qui, parmi les pays riches, rétorquent que si nous ne les remboursons pas maintenant, rien ne prouve que nous pourrons le faire à l’avenir. D’où la nécessité d’une discussion, afin d’aboutir à une formule générale et consensuelle. Elle est en cours, et le Rwanda y participe, même si son propre taux d’endettement par rapport à son PIB est supportable. Notre sérieux et les performances de notre politique fiscale font que le FMI et la Banque mondiale ne nous ménagent pas leur appui. Lorsqu’ils nous prêtent de l’argent, nos créanciers savent que nous serons en mesure de les rembourser. Le Burundi, avec qui vos relations sont depuis quelques années conflictuelles, a un nouveau président, Évariste Ndayishimiye. Le temps de la normalisation est-il venu ?

C’est ce que nous avons toujours recherché, avec le Burundi comme avec tous nos voisins. Un nouveau président, c’est souvent l’occasion d’un nouveau départ. Prenez le cas de la RD Congo : nous sommes très heureux


SIMON WOHLFAHRT/AFP

de constater que, depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi, notre coopération bilatérale s’est considérablement renforcée. En ira-t-il de même avec le Burundi? Je le souhaite. Certes, cela ne dépend pas de moi, mais de ce que pense et veut le gouvernement burundais. Pour autant, notre objectif est clair: travailler en bonne intelligence avec un nouveau chef de l’État qui, je l’espère, partage notre conviction que c’est important et utile pour nos deux peuples et pour toute la région. Connaissez-vous Évariste Ndayishimiye ?

Nous nous sommes déjà rencontrés dans le passé, mais je ne le connais pas encore très bien. L’important n’est pas là. Nous nous connaîtrons mieux en avançant ensemble. Selon plusieurs rapports récents émanant d’ONG et de la société civile congolaise, des soldats rwandais étaient présents dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu pour combattre les groupes rebelles. Que répondez-vous ?

Apparemment, ces ONG sont beaucoup plus présentes sur ce terrain que nous ne le sommes… Comme je vous l’ai dit, la coopération entre le Rwanda et la RD Congo s’est améliorée, et il ne serait pas concevable que nous ayons des troupes dans ce pays sans son accord préalable. Dans la mesure où, dans le cadre de cette coopération, la RD Congo nous dit qu’elle est en mesure de faire face à ce problème

Mesures de distanciation physique devant un arrêt de bus, à Kigali, le 4 mai, premier jour du déconfinement progressif.

d’insécurité qui nous concerne tous les deux depuis plus de vingt ans, nous sommes ravis. Nous partageons avec Kinshasa nos renseignements, ainsi que tout ce qui lui paraît utile pour l’aider à régler ce problème. Quant à ceux qui nous dénigrent à longueur de rapports et de communiqués, je constate que ce n’est pas la solution qui les intéresse, mais le problème. Leur objectif est qu’il persiste, en fonction d’agendas qui n’ont rien à voir avec la paix. Quel danger représentent réellement des groupes rebelles comme les FDLR ou le RNC pour la sécurité du Rwanda ?

En eux-mêmes, ces groupes ne constituent pas un gros risque. Leur capacité de nuisance intrinsèque est faible. Le problème est qu’ils sont manipulés, entretenus et en quelque sorte préservés pour servir les intérêts de pays ou d’organisations en Europe, en Amérique du Nord ou en Afrique. Leurs dirigeants sont soit des criminels impliqués dans le génocide, soit d’anciennes personnalités corrompues qui ont fui à l’étranger après avoir été démasquées. Les uns et les autres usent de la même stratégie : ils se font passer pour des opposants politiques qui luttent en faveur de la démocratie et des droits de l’homme. La ficelle est grossière, mais ça marche, si l’on en juge par la complaisance des médias à leur égard. Cela en dit long sur le regard que certains posent encore sur l’Afrique en général et sur le Rwanda en particulier : aucun d’entre eux ne tolérerait

no3090 – JUILLET 2020

21


LA GRANDE INTERVIEW

VILLAGE URUGWIRO

RWANDA

qu’un génocidaire ou un escroc les dirige; en revanche, lorsqu’il s’agit d’un pays africain, où est le problème ? L’ancien chef d’état-major de l’armée, Faustin Kayumba Nyamwasa, qui vit en exil en Afrique duSud,faitl’objetd’unmandatd’arrêtinternational émis par la justice rwandaise il y a un an et demi. Avez-vous renoncé à le voir extradé?

Si cela se fait, c’est une bonne chose. Mais ce n’est pas une priorité pour nous. L’important, ce sont nos bonnes relations avec l’Afrique du Sud. Nous avons dit clairement aux autorités de Pretoria que, si elles voulaient accorder à ce genre d’individu un statut de réfugié, cela ne nous posait pas de problème. À condition bien sûr que ce statut soit respecté et qu’il ne soit pas violé pour permettre à son détenteur de continuer à mener des activités hostiles à partir de l’étranger. Entre coopérer avec le Rwanda en tant que pays souverain et fermer les yeux sur les agissements de groupes nuisibles à ses intérêts, il faut choisir. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux. C’est ce que nous avons dit aussi à l’Ouganda. À ce propos, vos rapports avec le président Museveni semblent s’être un peu améliorés…

Sans doute parce que de part et d’autre nous avons en ce moment d’autres chats à fouetter, les choses paraissent, disons, plus calmes. Et

22

no3090 – JUILLET 2020

Avec son homologue français et Louise Mushikiwabo (à g.), au salon VivaTech, à Paris, le 24 mai 2018.

nous souhaitons que ce calme débouche sur une normalisation. Mais soyons réalistes : le problème demeure, un problème dont il est très difficile d’expliquer la genèse et la persistance, malgré tous les efforts consentis pour le résoudre. Avez-vous été surpris par l’arrestation, en France, de Félicien Kabuga, le plus recherché des ex-génocidaires encore en fuite, après vingt-cinq ans de cavale ?

Avec le temps, j’ai appris à ne plus être surpris de rien. Je n’ai donc été ni étonné ni excité. Il a été arrêté. Bien. Voyons ce qu’il va se passer. Au cours de sa fuite, Kabuga a bénéficié de nombreuses complicités et de presque autant de passeports. Ne voulez-vous pas connaître la vérité ?

Bien sûr que si. J’espère qu’elle éclatera et qu’elle débouchera sur l’audition des témoins de ses actes. Pensez-vous qu’il puisse être jugé au Rwanda ?

Ce serait évidemment l’idéal, afin que justice soit rendue au nom du peuple rwandais. Cela dit, un pas à la fois. Le fait qu’il soit transféré devant le mécanisme résiduel du tribunal pénal international d’Arusha serait déjà une bonne chose.


De quel dossier parlez-vous ? Sur quelles bases ? Je ne comprends pas. Qu’espère-t-on découvrir qui n’ait été dit et soldé depuis des années? Vouloir rouvrir un dossier classé, c’est vouloir créer des problèmes. Et pourquoi en France? Par qui, et à quel titre ? Donc oui, c’est selon. Si ces choses ne sont pas définitivement éclaircies, nos relations risquent fort d’en pâtir d’une manière ou d’une autre. À quel niveau, je l’ignore encore. Cela dépendra vraiment des implications de ce dossier.

VILLAGE URUGWIRO

Que répondez-vous à ceux qui, en France, pensent que vous n’aimez ni leur pays ni leur langue en raison du rôle joué par certains responsables français pendant le génocide ?

Autre « gros poisson » du génocide : Protais Mpiranya, qui était commandant de la garde présidentielle en 1994. Savez-vous où il se cache ?

D’après nos informations, dans un pays d’Afrique australe, où il a son réseau et gère ses affaires. Il se déplace parfois en Afrique de l’Ouest, voire en Europe. Tôt ou tard, la justice le rattrapera. Où en sont les relations entre le Rwanda et la France ?

En progrès constant depuis l’élection du président Macron. Et très différentes de ce qu’elles ont pu être. Certes, cela ne dépend pas que de lui et de moi : il faut tenir compte d’un environnement politique plus large, qui contribue à déterminer le rythme de nos progrès. Mais la volonté est présente des deux côtés. Et ce n’est sans doute pas un hasard si les rapports entre la France et l’Afrique ont également changé, pour le meilleur. En ce qui concerne le Rwanda, je perçois ces relations comme quelque chose de complètement nouveau et redéfini. Je crois que le passé est derrière nous. Sauf que le passé risque de ressurgir dès le 3 juillet, à Paris, avec le jugement en appel sur le dossier de l’attentat du 6 avril 1994. Si la cour décidait de le rouvrir plutôt que de confirmer le non-lieu, comment réagiriez-vous ?

Avec le président congolais, Félix Tshisekedi, à New York, le 24 septembre 2019.

Je pourrais répondre à cette question par une autre: les Français aiment-ils les Rwandais et, si oui, pourquoi n’apprennent-ils pas le kinyarwanda ? Je ne vois pas qui est fondé à me demander ce que j’aime ou ce que je n’aime pas, encore moins à exiger de moi que je le considère comme mon supérieur et mon sauveur. Mon ADN, mon éducation, mes luttes, l’histoire de mon pays, celle de l’Afrique font que je n’accepte pas ce type d’injonctions. Cela m’a causé beaucoup de problèmes dans ma vie, mais je ne le regrette pas. Ce sont des problèmes… positifs.

L’usage du français progresse-t-il au Rwanda depuis l’arrivée de Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie ?

Ce sont deux choses différentes. Quelle que soit l’identité de la personne qui dirige l’OIF, je souhaite que l’usage du français soit plus répandu au Rwanda et que sa qualité s’améliore : jusqu’à il y a peu, le français parlé communément ici était médiocre. Je souhaite aussi qu’il s’étende à ceux qui, comme moi, ne l’ont jamais parlé. Quant à Louise Mushikiwabo, je pense qu’elle fait du bon travail à l’OIF, tout comme elle faisait du bon travail en tant que ministre des Affaires étrangères. Je n’ai aucun doute sur son apport positif, tant pour l’Organisation que pour la francophonie ou les relations entre la France et le Rwanda.

L’ARRESTATION DE KABUGA NE M’A NI SURPRIS NI EXCITÉ. AVEC LE TEMPS, J’AI APPRIS À NE PLUS ÊTRE SURPRIS DE RIEN.

Comment expliquez-vous alors le fait que Paris n’a toujours pas désigné d’ambassadeur

no3090 – JUILLET 2020

23


LA GRANDE INTERVIEW

RWANDA

à Kigali, cinq ans après le départ du dernier titulaire du poste ?

Fatou Bensouda, la procureure générale de la Cour pénale internationale, va être remplacée à la fin de 2020. Quels conseils donneriez-vous à son successeur pour réparer le lien entre la CPI et l’Afrique ?

Ce n’est pas un problème de personne, mais une affaire de réforme structurelle. La CPI a été fondée sur la base d’un consensus et d’un engagement : celui de traiter tous les justiciables sur une base égalitaire. En pratique, elle fonctionne comme si elle avait été créée par les puissants contre les faibles, au point d’en être réduite à une cour où l’on ne juge que des Africains ou presque. C’est ce qu’il faut changer, en rétablissant les principes fondamentaux. Les organisations de défense des droits de l’homme critiquent régulièrement votre bilan en matière de respect des libertés, ainsi que votre conception de la démocratie. Comment expliquez-vous la persistance de ces accusations ?

Par le sentiment de culpabilité qu’éprouvent ces gens vis-à-vis du Rwanda. Qui peut soutenir sans honte que les tragédies qu’a vécues ce pays depuis l’époque coloniale sont de la responsabilité exclusive des Rwandais ? Souvenez-vous de Habyarimana : c’était un démocrate aux yeux des Européens et des dirigeants de l’époque, en France, qui le soutenaient alors que chacun sait aujourd’hui que lui et ceux qui l’entouraient sont les responsables du génocide contre les Tutsis. En revanche, ceux qui ont mis un terme à ces atrocités au péril de leur vie sont considérés par les organisations dont vous parlez comme des violeurs de droits de l’homme. C’est un nonsens et une stupidité absolus! Le jour du Jugement dernier, je crois que j’obtiendrai de bien meilleures notes que ceux qui osent nous condamner au nom des libertés. Je me suis infiniment plus battu pour la liberté et les droits du peuple que tous ces donneurs de leçons réunis. Certes, nous ne sommes pas parfaits, car personne ne l’est.

24

no3090 – JUILLET 2020

VILLAGE URUGWIRO

Il ne vous a pas échappé qu’il ne me revient pas de nommer les ambassadeurs au Rwanda. Je ne peux donc pas répondre. Mais je suis sûr que les dirigeants français y pensent et qu’ils connaissent les raisons de ce délai. L’ambassadeur qui me concerne, lui, est déjà en poste à Paris.

Face à François Soudan (Jeune Afrique) et à Nicholas Norbrook (The Africa Report), le 19 juin.

Mais qui peut nier que le Rwanda n’a jamais été un meilleur endroit qu’aujourd’hui? Depuis sa libération, l’opposante Victoire Ingabire se dit persécutée par la police et la justice, tout comme les membres de son parti. Quel problème politique avez-vous avec elle ?

Il n’y a pas si longtemps, cette dame a été jugée et condamnée pour complicité avec les groupes armés dont nous avons déjà parlé et qui écument la région. Les faits qui lui ont été reprochés, fruits d’informations obtenues par nous mais aussi par les polices d’autres pays, notamment européens, sont indiscutables. Son procès, auquel journalistes, diplomates et observateurs ont assisté, a été transparent. Elle est allée en prison, et, il y a deux ans, je l’ai graciée. Nous lui avons pardonné, tout comme nous avons pardonné à tant de génocidaires dans le passé, en les libérant à mi-peine et en leur souhaitant de redémarrer une nouvelle vie. Le problème est qu’à peine sortie de prison Ingabire a récidivé. Elle a renoué les mêmes contacts avec les mêmes groupes armés, encouragée en cela par ceux qui, de l’extérieur, lui font croire qu’elle est une héroïne et une combattante de la liberté. Sans doute pensentils que les Rwandais méritent d’être dirigés par une personne de cette trempe, extrémiste et sectaire. J’ignore ce que la justice décidera en ce qui la concerne et ce qu’il va se passer. Mais une chose est sûre : elle sera remise à sa juste place, quel que soit le tapage délibérément organisé autour de son cas.


Autre cas, celui du chanteur et opposant Kizito Mihigo, décédé en prison en février dernier – un suicide, selon la police. Comment ne pas évoquer, à son propos, un tragique gâchis ?

Si gâchis il y a, il en a été le seul responsable. Que vous soyez chanteur ou Prix Nobel, si vous gâchez votre vie, c’est votre gâchis. Kizito m’a été présenté par une connaissance commune, qui m’avait vanté ses dons d’interprète et de compositeur. J’ai décidé de l’aider. Nous lui avons payé ses études en Belgique puis en France, et, à son retour au pays, le gouvernement a continué de le soutenir et de mettre à profit ses talents. Sauf qu’à un certain moment et pour des raisons que j’ignore il a noué des relations avec les mêmes groupes hostiles qu’Ingabire. Comme elle, il a été arrêté, jugé, condamné, emprisonné, gracié. Et, comme elle, il a récidivé après sa libération. La suite, vous la connaissez: la police l’a interpellé alors qu’il s’apprêtait à franchir illégalement la frontière avec le Burundi. Ce sont les faits, il n’y en a pas d’autres. C’est son gâchis. La mort de George Floyd, aux États-Unis, a suscité une émotion planétaire. Éprouvez-vous de la sympathie pour le mouvement Black Lives Matter ?

Oui, pour ce que ce slogan signifie, c’est évident. On ne peut pas singulariser le peuple noir et lui dénier ses droits. Pour nous, Rwandais, cette exigence de justice rejoint le combat que nous avons eu à mener. Mais il y a aussi cette question à laquelle Black Lives Matter cherche une réponse et qui nous concerne tous: pourquoi, aux yeux de certains, la vie des Noirs ne compte-t-elle pas ? Quelle en est l’explication, la justification? Pour le reste, vous connaissez mes réserves à propos de ceux qui, de l’extérieur, donnent des leçons de droits de l’homme. Je constate simplement que, dans le pays dont vous parlez, ce qui est arrivé à George Floyd est arrivé à bien d’autres avant lui. Ce n’est donc pas l’affaire d’une administration en particulier, mais un héritage historique qu’il convient de solder. Le directeur de l’OMS, l’Éthiopien Tedros Ghebreyesus, fait l’objet de vives critiques de la part des États-Unis pour sa gestion de la pandémie de coronavirus. On lui reproche notamment son tropisme chinois. Comment jugez-vous ses résultats ?

Question simple : pouvez-vous me citer le nom d’un seul responsable qui, depuis le début de cette pandémie, a coché toutes les

cases de la perfection ? Personnellement, je n’en vois aucun. Alors oui, il est possible que Tedros Ghebreyesus n’ait pas réussi dans tous les domaines. Mais si Tedros dirige l’OMS, il n’est pas l’OMS. Le directeur de cette organisation n’a ni le pouvoir ni l’autorité d’obliger quelque pays que ce soit à faire ce qu’il recommande. Il peut juste humblement donner des conseils et – littéralement – mendier quelques informations et les subsides nécessaires à son fonctionnement. Ce qui est clair, en revanche, c’est que la Chine et les États-Unis ont transféré leur rivalité sur le ring de l’OMS, avec le docteur Tedros dans le rôle du punching bag. Tout cela est complètement disproportionné par rapport à ce que lui et son organisation sont en réalité. Dans ce bras de fer planétaire entre les ÉtatsUnis et la Chine, où l’Afrique doit-elle se situer?

L’erreur à éviter absolument serait de prendre parti, comme à l’époque de la guerre froide. Si vous exprimez un point de vue tranché en faveur d’un camp, l’autre s’estimera fondé à porter atteinte à vos intérêts d’une façon ou d’une autre, parfois avec beaucoup de subtilité. L’important pour l’Afrique est de départager d’une manière claire ce qui est bon et ce qui est mauvais pour elle. Certes, il est possible que, ce faisant, l’une ou l’autre de ces grandes puissances se sente lésée et réagisse de la manière que je viens de décrire. Mais, au moins, il apparaîtra que vous défendez vos propres intérêts et que ce n’est pas vous qui êtes à l’origine du problème. Ne pas se laisser entraîner ni piéger, donc. D’autant que l’Afrique a besoin de coopérer avec tout le monde: États-Unis, Chine, Russie, Europe…

ME DEMANDER DE CHOISIR ENTRE ARSENAL ET LE PSG, C’EST COMME ME DEMANDER DE CHOISIR ENTRE LA CHINE ET LES USA. JE NE CHOISIS PAS.

Chacun sait que vous êtes un fan de l’équipe des Gunners d’Arsenal, dont le Rwanda Development Board est l’un des sponsors. Problème : le RDB sponsorise également le Paris-Saint-Germain. Si un match opposait les deux formations, laquelle soutiendriez-vous?

Je resterais neutre. Avec un regard de supporter averti du football, en pointant les erreurs techniques de part et d’autre, et en applaudissant les exploits des uns et des autres. C’est comme si vous me demandiez de choisir entre la Chine et les États-Unis : je ne choisis pas. C’est du 50-50.

no3090 – JUILLET 2020

25



CLASSEMENT

LES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES 21e ÉDITION PALMARÈS EXCLUSIF 2020

Comme chaque année, Jeune Afrique publie en exclusivité le classement des principales entreprises du continent. Fondée sur les résultats financiers de 2018, cette photographie du secteur privé africain révèle des dynamiques bouleversées par la pandémie de Covid-19, sans qu’on puisse à ce jour mesurer l’impact de cette crise. no3090 – JUILLET 2020

OLIVIER POUR JA, BUA, HICHEM, RINDRA RAMASOMANANA

De g. à dr.: Sébastien Kadio-Morokro, Abdul Samad Rabiu, Fatma Rekik et Hassanein Hiridjee

27


CLASSEMENT

ENTRETIEN

Abdul Samad Rabiu « Avec une agriculture forte, le Nigeria n’aurait même plus besoin du pétrole »


LES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

Le fondateur et PDG du conglomérat BUA Group, dont la filiale BUA Ciment occupe la 361e place de notre classement, ne jure que par l’immense potentiel de son pays, où il multiplie les projets et nourrit de grandes ambitions.

A

Jeune Afrique : Quel a été l’impact de la pandémie sur vos opérations ?

PROPOS RECUEILLIS PAR NICHOLAS NORBROOK TRADUCTION: OLIVIER HOLMEY

Abdul Samad Rabiu : Le siège social a continué de fonctionner, en télétravail, mais nos usines ont dû réduire leur activité. Dans les premiers temps de la pandémie, certaines travaillaient à 40 % de leur capacité, d’autres à 50 %. La situation s’est améliorée depuis la mi-avril. En réalité, c’est déjà une chance d’avoir pu maintenir une telle cadence de travail, car d’autres ont dû cesser toute activité. Cela nuira évidemment à nos résultats. Ceux du deuxième trimestre ne seront pas conformes à nos attentes de début d’année. Mais je pense que les résultats des troisième et quatrième trimestres seront bons. Je constate que la demande repart déjà à la hausse. Et n’oubliez pas que la plupart de nos usines sont largement automatisées, si bien que de petites équipes suffisent à faire fonctione ner nos installations. C’est surtout BUA Cim ent l’acheminement des marchandises 326 mil lio depuis nos usines vers nos marchés dollars e ns de n 2018 qui pose problème. Mais cette situation s’améliore également, à mesure que rouvrent les frontières. Nous venons de publier les résultats 2019 de BUA Cement. Après impôts, nos résultats se sont élevés à environ 62 milliards de nairas (142 millions d’euros). Au premier trimestre de cette année, nous avons engrangé quelque 20 milliards de nairas. Ainsi, même si le deuxième

bdul Samad Rabiu, 59 ans,huitièmefortune d’Afrique selon Forbes, est à la tête d’un groupe diversifié qui s’étend du ciment à l’agro-industrie, en passant par l’immobilier et la logistique portuaire. Le magnat nigérian, grand concurrent d’Aliko Dangote, revient pour Jeune Afrique sur l’actualité de ces derniers mois, marquée par la pandémie de coronavirus et la cotation de sa filiale BUA Cement. Il prédit une reprise des activités de son groupe dans la seconde moitié de l’année et défend avec ferveur le potentiel économique du Nigeria, en particulier celui de la filière agricole, encore trop peu exploitée.

À son bureau, à Lagos.

BUA

361

no3090 – JUILLET 2020

29


CLASSEMENT ENTRETIEN

ABDUL SAMAD RABIU

trimestre venait à décevoir, nos résultats sur l’année pourraient être meilleurs que ceux de 2019. Le prix des produits importés semble augmenter au Nigeria. Y voyez-vous une opportunité pour BUA, étant donné l’importante capacité de production nationale du groupe ?

Oui, le prix des produits augmente, et c’est particulièrement vrai des produits alimentaires. Le manque de devises et la dévaluation du naira en sont la cause, ainsi que la pandémie elle-même, qui a empêché un certain nombre de personnes de faire des affaires. D’un point de vue logistique, l’importation de marchandises a été particulièrement difficile. C’est donc bien sûr une opportunité pour les biens produits localement.

Par le passé, vous avez dit vouloir exploiter les gisements de minerai de fer du Nigeria. Pourquoi n’êtes-vous pas encore passé de la parole aux actes ?

Nous attendons d’obtenir toutes les licences requises, ce à quoi le gouvernement travaille actuellement. Le problème, c’est qu’il faut que l’usine sidérurgique soit située là où se trouvent les matières premières, c’est-à-dire dans l’État de Kogi. C’est là qu’est concentrée la majeure partie des réserves de minerai de fer du pays. Mais il faut aussi du gaz pour alimenter les aciéries, qui consomment beaucoup d’énergie. Pour faire marcher le type d’installation que nous envisageons, il faudrait une centrale d’une capacité d’environ 250 mégawatts. Le réseau électrique ne peut pas subvenir à des besoins aussi élevés. Nous essayons donc actuellement d’obtenir une concession sur le prix du gaz auprès du gouvernement, afin de pouvoir construire notre propre gazoduc. Il faudrait que celui-ci raccorde le delta du Niger à l’État de Kogi, soit une longueur d’environ 350 kilomètres. C’est difficile, mais pas impossible. Sans gazoduc nous ne pourrons pas réaliser ce projet. Un tel gazoduc vous permettrait d’alimenter d’autres projets industriels, par exemple une usine d’engrais. Ce secteur vous intéresse-t-il?

Avec du gaz, vous pouvez évidemment tout faire. Mais votre usine de production d’engrais alimentée au gaz n’a pas besoin d’être dans l’État de Kogi. Vous pouvez simplement la créer dans le delta du Niger, où les sociétés d’engrais Indorama et Notore sont déjà installées.

30

no3090 – JUILLET 2020

Parlons ciment. Vos revenus dans ce secteur ont augmenté de 50 % l’an dernier. Comment s’explique cette augmentation prodigieuse ?

Deux nouvelles lignes de production, démarrées ces deux dernières années, ont grandement contribué à ce succès. L’une des deux n’était pas encore fonctionnelle en début d’année dernière, de sorte que son plein potentiel ne se ressentira que cette année. Malgré le Covid-19, nous pensons donc que cette année sera meilleure que l’année dernière, en raison de l’augmentation de notre capacité de production. Pourquoi avoir décidé d’introduire BUA Cement, dont la cotation a démarré en janvier, à la Bourse de Lagos ?

Principalement par souci de transparence. Une entreprise cotée en Bourse est sujette à un examen constant, ce qui la rend plus efficace et plus susceptible de résister à l’épreuve du temps. Cela permet aussi aux investisseurs d’acheter des parts dans une entreprise nationale de qualité. Le pays a 95 % de tout ce dont un cimentier a besoin. Il peut nous arriver d’importer des pièces de rechange, et nous avons des experts que nous rémunérons en devises étrangères, mais c’est tout. Ensuite, cette cotation nous permet de lever des fonds pour investir au Nigeria dans de nouveaux projets. D’autres entreprises souhaitent se développer dans le reste de l’Afrique. Mais je pense que le Nigeria a suffisamment de potentiel pour satisfaire nos ambitions. Je ne dis pas que les opportunités manquent ailleurs en Afrique, mais, pour ma part, je préfère saisir les opportunités nationales avant de m’engager à l’étranger.

JE SAIS OÙ SONT LES OPPORTUNITÉS, OÙ EST L’ARGENT. IL NE NOUS RESTE PLUS QU’À NOUS METTRE AU TRAVAIL.

Comment comptez-vous renforcer la gouvernance au sein de BUA ?

La Bourse a un certain nombre de règles gouvernant le fonctionnement des entreprises qui y sont cotées, ce qui a pour effet de rassurer les investisseurs. Je vais demander à plusieurs personnalités issues d’Europe, d’Asie ou d’ailleurs de rejoindre le conseil d’administration de BUA Cement en tant qu’administrateurs indépendants. Cela nous aidera à être encore plus transparent, pour faire de l’entreprise un modèle de bonne


LES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

gestion. Nous envisageons également une introduction à la Bourse de Londres. Vous étiez parmi les 150 hommes d’affaires du monde entier conviés début 2019 par le président Emmanuel Macron au sommet Choose France,àVersailles.Quellesopportunitéscommerciales voyez-vous avec la France?

Le Nigeria et la France peuvent travailler ensemble sur un certain nombre de choses. J’envisage actuellement de m’associer à l’une des meilleures sociétés françaises de l’industrie verrière pour exploiter la silice, une matière première que nous avons en abondance au Nigeria. L’État d’Ogun regorge de silice. Or cette ressource n’est pas suffisamment exploitée. La filière ne compte qu’une ou deux entreprises au Nigeria. Je ne veux pas dire de quelle société française il s’agit, mais celle-ci souhaite travailler avec un partenaire sérieux au Nigeria. Nous en avons discuté et sommes plus ou moins parvenus à un accord. Vous attendez-vous à des investissements plus importants au Nigeria ces prochaines années ?

Aucun marché africain n’est comparable au marché nigérian. Il faut simplement prendre le temps de comprendre ses rouages. Le marché est là, les ressources sont là, les ports sont là, nous avons tout ce qu’il faut. Le Nigeria a vocation à devenir la plaque tournante de l’Afrique, mais pour cela il nous faut réparer l’infrastructure du pays. Le gouvernement ne peut pas y parvenir seul, le secteur privé doit également contribuer à cet effort national. Plus les gens viennent et investissent, mieux ce sera non seulement pour l’économie mais aussi pour les Nigérians. On parle souvent du risque de faire des affaires ici au Nigeria. Mais le jeu en vaut largement la chandelle. Vous pouvez produire ce que vous voulez dans le pays, le marché est là pour écouler vos produits. Quel est le secteur le plus porteur de croissance malgré la pandémie de coronavirus ?

L’agriculture. Je ne sais pas pourquoi ce secteur est si rarement évoqué. J’ai commencé une plantation de canne à sucre dans l’État de Kwara il y a environ trois ans. Pendant longtemps, je ne me suis pas rendu compte de l’opportunité de tels investissements. J’ai visité la plantation Kakira, en Ouganda. C’était de loin la plus impressionnante plantation de canne à sucre que j’avais jamais vue. Cela m’a beaucoup inspiré. Je me suis

dit que nous pouvions produire nous-mêmes le sucre qu’importe actuellement le Nigeria. Avec cette plantation, que nous comptons boucler cette année, nous serons en mesure de produire près de 70 tonnes de sucre blanc à bas prix et d’employer plus de 10 000 personnes. Ce qui est vrai pour le sucre l’est tout autant pour d’autres produits alimentaires. Je pense qu’il est très important d’investir dans ce secteur. Si nous développons notre agriculture, le Nigeria n’aura même plus besoin du secteur pétrolier. Voilà ce qui devrait être notre objectif. Il n’y a pas de raison que le Nigeria importe sa nourriture, que l’Afrique importe sa nourriture. Nous avons les capacités de faire pousser sur place ce dont nous avons besoin. Il y a encore quelques années, le Nigeria importait au prix fort environ 600 à 700 millions de tonnes de riz. Le gouvernement a interdit ces importations il y a cinq ans. Aujourd’hui, le Nigeria produit quasiment tout ce qu’il nous faut. Cela montre bien qu’il s’agit avant tout d’une question de volonté. BUA, Dangote et Flour Mills sont toutes trois en train d’installer des plantations de canne à sucre. Si elles sont opérationnelles d’ici à fin 2021-début 2022, la production nationale de sucre devrait bientôt être en mesure de répondre à la demande nationale, soit une production d’environ 2 millions de tonnes par an. Il y a suffisamment de terres arables pour porter ensuite cette production à 10 millions de tonnes de sucre par an et commencer à en exporter une partie. L’agriculture est la filière la plus prometteuse, selon moi.

LA FILIÈRE MINIÈRE EST TRÈS PROMETTEUSE, MAIS JE PRÉFÈRE L’AGRICULTURE PARCE QU’ELLE A UN IMPACT SUR L’EMPLOI.

Plus encore que les mines ?

Certes, la filière minière est également très prometteuse, mais je préfère l’agriculture parce qu’elle a un impact direct. Le Nigeria a une population énorme, dont de nombreuses personnes sans emploi. En investissant dans l’agriculture, il est possible de faire travailler un grand nombre de personnes, tout en restant profitable. Quand je regarde les ressources dont nous disposons, je me rends compte que ma place est ici. Je veux rester en Afrique, je veux rester au Nigeria, je veux voir tout ce que je peux y accomplir. Je sais où sont les opportunités, où est l’argent. Il ne nous reste plus qu’à nous mettre au travail.

no3090 – JUILLET 2020

31


CLASSEMENT

STRATÉGIE

Mines Barrick en quête d’actifs de classe mondiale

Le géant canadien a le vent en poupe. Grâce à sa bonne santé financière, il est à l’affût d’opportunités dans les filières de l’or et du cuivre pour servir ses ambitions panafricaines.

U

CHRISTOPHE LE BEC

n an et demi après sa fusion avec Randgold Resources, le géant de l’or Barrick, piloté par le Sud-Africain Mark Bristow, est en pleine forme. Numéro deux mondial du secteur, derrière l’américain Newmont Mining, le groupe canadien devrait devenir cette année le premier producteur du métal précieux en Afrique, avec plus de 2 millions d’onces extraites, après la vente en février par AngloGold Ashanti de ses mines sud-africaines à Harmony Gold. Grâce aux actifs de Randgold, qui était très présent en Afrique de l’Ouest (Mali, Côte d’Ivoire…), mais aussi à la conviction de son patron que le soussol africain, encore largement inexploré, recèle des gisements attractifs, Barrick est aujourd’hui le seul groupe à mettre en œuvre une véritable stratégie panafricaine. Si l’épidémie de Covid-19 a obligé le géant minier à instaurer des protocoles sanitaires draconiens sur ses sites – notamment en acheminant des dizaines de milliers de tests –, le rythme de sa production n’a pas baissé, du Mali à la Tanzanie. « Toutes nos mines sont pilotées par des Africains, et l’essentiel du management est issu du pays, ce qui fait que nous avons moins souffert de l’impossibilité pour les expatriés de voyager », indique Mark Bristow. Confiné en Afrique du Sud pendant les mois d’avril et de mai, le dirigeant n’a luimême repris ses incessants voyages, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée jusqu’au Nevada, que début juin. En maintenant sa production, Barrick a profité à plein des sommets atteints par les cours de l’or, dopés par

32

no3090 – JUILLET 2020

le statut de valeur refuge du métal précieux. Montée à 1736 dollars le 11 juin à la Bourse de Londres, l’once n’était pas loin de ses plus hauts niveaux depuis dix ans, avec un record à plus de 1800 dollars en août 2011. « C’est un moment particulièrement favorable pour Barrick, qui se retrouve avec un bilan solide et un endettement net d’environ 2 milliards de dollars, qui se réduit rapidement puisque les flux de trésorerie tirés de notre production minière en 2020 devraient s’élever

QUATRE FILIALES DANS LES 500

Si le groupe canadien n’apparaît pas directement dans notre classement, quatre de ses mines africaines y figurent.

136e

KIBALI GOLD MINE (RD Congo)

166e

SOCIÉTÉ DES MINES DE LOULO-GOUNKOTO (Mali)

304e

NORTH MARA GOLD MINE (Tanzanie)

389e

SOCIÉTÉ DES MINES DE TONGON (Côte d’Ivoire)

entre 1 et 2 milliards de dollars. D’ici à deux ans, le groupe pourrait être complètement désendetté tout en étant propriétaire du meilleur portefeuille de mines de la filière aurifère », se félicitait Mark Bristow en janvier 2020,

alors que les cours de l’once tournaient autour de 1550 dollars. Lepatronsud-africain,avecquiJeune Afrique s’est à nouveau entretenu au début de juin, reconnaît être à l’affût d’acquisitions, avec une attention particulière pour le continent. « S’il y a des opportunités, nous saurons les saisir, maisnousresteronsextrêmementdisciplinés dans nos investissements. Nous ne nous positionnerons sur des projets d’acquisition, de fusion ou de combinaison d’actifs que s’ils peuvent faire émerger des mines de classe mondiale, c’est-à-dire capables de produire plus de 500000 onces d’or par an pendant unedécennie»,faitvaloirMarkBristow. En Afrique, Barrick dispose déjà selon lui de deux complexes miniers de cette envergure : celui de Kibali, en Ituri, dans l’est de la RD Congo, qui produit quelque 800000 onces par an, et celui de Loulo-Gounkoto, dans l’ouest du Mali,quitourneàplusde700000onces par an. Et Mark Bristow espère bien en faire émerger un troisième, en Tanzanie, grâce à la combinaison de ses mines de North Mara et de Bulyanhulu, après avoir pacifié ses relations avec les autorités du pays. Quant aux mines de Tongon en Côte d’Ivoire (273 000 onces en 2019) et de Morila au Mali, qui entrent dans leurs dernières années d’exploitation, l’objectif est d’optimiser l’utilisation de leurs installations industrielles, notamment en exploitant des gisements adjacents. L’exploration autour des sites d’extraction actuels est clairement la priorité de Mark Bristow, en achetant ou en rachetant des licences. Une stratégie déjà mise en œuvre il y a quatre ans en RD Congo, avecl’acquisitiondugisementdeMoku, situé à proximité de Kibali et dont l’or


LES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

peutêtretraitéparlesinstallationsetles équipes de ce complexe minier.

Diversification

Le dirigeant n’a pas pour autant renoncé à découvrir de nouveaux gisements. « Nous explorons le soussol de la Côte d’Ivoire (notamment le centre du pays, en coentreprise avec Endeavour Mining), l’est du Sénégal, l’ouest et le sud du Mali (en partenariat avec l’État malien pour cette dernière région). Nous regardons aussi avec intérêt les opportunités dans cette large région comprise entre l’Est de la RD Congo, où est situé Kibali, et nos sites tanzaniens. Enfin, nous gardons un œil sur l’Érythrée, l’Éthiopie, l’Égypte et l’Arabie saoudite », détaille Mark Bristow. En revanche, le patron exclut tout projet dans sa patrie d’origine en raison d’un climat politique et social qu’il considère comme « trop tendu ».

En parallèle, Barrick réfléchit à explorer de nouveaux horizons. En mars 2020, son patron a fait savoir son intérêt pour la filière cuivre, au moment où les cours du métal rouge atteignaientleurplusbasniveaudepuis quatre ans, du fait de la pandémie de Covid-19 et des incertitudes qui planent sur la demande chinoise. Pariant sur un retournement de tendance à long terme, il a notamment formulé une offre pour la mine de Grasberg, située en Indonésie et appartenant à

EN MAINTENANT SA PRODUCTION MALGRÉ LE COVID, LE GROUPE A PROFITÉ À PLEIN DES SOMMETS ATTEINTS PAR LES COURS DE L’OR.

l’américain Freeport-McMoRan, restée lettre morte pour l’instant. Même s’il cible prioritairement des gisements à la fois aurifères et cuprifères, plutôt rares en Afrique, Mark Bristow n’exclut pas une acquisition liée au cuivre sur le continent. « En RD Congo, où nous sommes très bien implantés, cela n’est pas inenvisageable », indique-t-il. Barrick dispose déjà d’une mine de cuivre en Zambie, à Lumwana, mais cet actif n’a ni la taille ni la rentabilité souhaitées. « Le principal souci est que cette mine n’a pas de fonderie. Si nous voyons un moyen d’associer Lumwana à un autre acteur local pour bâtir un ensemble davantage créateur de valeur, nous le ferons », explique-t-il. Barrick a d’ailleurs déjà réalisé une opération de ce type en décembre 2019 au Sénégal, en cédant son projet lié à l’or de Massawa à Teranga Gold, déjà actif dans le pays, contre une participation de 11 % à son capital.

Le Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques propose à l’adresse des diplomates et cadres dirigeants des programmes diplômants sanctionnés par un Executive Postgraduate Organisme doté du statut consultatif auprès du Conseil Economique et Social des Nations Unies

NOS PARTENAIRES INSTITUTIONNELS

Ph.D in International Business & Diplomacy DBA in Business Diplomacy DBA in Strategy & International Security Cycle MASTER : 5 spécialités > Résolution de Conflits & Médiation > International Business & Diplomacy > Diplomatie & Relations Internationales > Études Stratégiques & Politique de Défense > Management des Affaires Publiques Internationales

CEDS.FR

RENSEIGNEMENTS & ADMISSIONS : contact@ceds.fr / 01 53 92 03 34 / 10 rue Sextius Michel 75015 PARIS


LES 500

CLASSEMENT

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

STRATÉGIE

BTP Le géant Group Five n’a plus la cote

I

RÉMY DARRAS

l n’y a pas que pour les géants sud-africains South African Air ways, Eskom ou encore ShopRite que les temps sont difficiles. Le secteur de la construction voit lui aussi sombrer ses fleurons un à un, mais les causes sont cette fois antérieures à la pandémie de Covid-19. Le 15 juin, c’est l’une des majors du secteur, Group Five (près de 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires en 2017, soit 885 millions d’euros), qui est sortie de la Bourse de Johannesburg (JSE) après quarante-six ans de présence. Cette entreprise fondée dans les années 1970 est célèbre pour avoir construit les aéroports de King Shaka (Afrique du Sud), de Dubaï et de Jebel Ali (Émirats arabes unis), le stade Moses-Mabhida, à Durban, le gazoduc Durban-Johannesburg, les sièges sociaux de Nedbank et de Cell C, etc. Depuis mars 2019, sa cotation était suspendue. Valorisée 8,2 milliards de rands (860 millions d’euros) en 2007, l’entreprise ne valait plus que 100 millions de rands. Cette dégringolade touche d’ailleurs l’ensemble des acteurs de la construction en Afrique du Sud. Toujours en 2007, les cinq premiers groupes du secteur pesaient 60 milliards de rands, contre 15 milliards aujourd’hui. Le boom qu’ont connu Group Five et ses concurrents avec les chantiers de la

34

no3090 – JUILLET 2020

258 e

509 mil lio dollars e ns de n 2018

RAJESH JANTILAL/AFP

Fragilisée avant même la crise du Covid, l’entreprise sud-africaine autrefois florissante vient de sortir du JSE et doit céder ses actifs.

L’aéroport international King Shaka, à Durban, construit en 2010 par le groupe de BTP sud-africain.

Coupe du monde de football de 2010 semble désormais loin. La chute de la commande publique dans le pays, une forte concurrence qui tire les prix vers le bas, une industrie minière moribonde et une économie chancelante ont fortement affecté le dynamisme du secteur depuis trois ans.

Fiasco au Ghana

Alors que ses réalisations à l’extérieur des frontières sud-africaines auraient pu constituer une planche de salut pour Group Five, le projet de centrale électrique de Cenpower Generation à Kpone, au Ghana, a viré au fiasco. 62,7 millions de dollars de pénalités de retard lui ont été réclamées en 2018 sur un contrat de 410 millions de dollars, réduisant à néant une trésorerie déjà mal en point. Un consortium de prêteurs a par la suite refusé de lui octroyer de nouveaux financements, le sachant non solvable. De quoi entraîner le groupe dans une spirale infernale, les entreprises sud-africaines de BTP ayant tendance à porter

EN 2007, LE TOP 5 DES GROUPES DE BTP PESAIT 60 MILLIARDS DE RANDS, CONTRE 15 MILLIARDS AUJOURD’HUI.

par elles-mêmes le risque financier de leurs opérations. Placé sous procédure de sauvetage en mars 2019, « Group Five n’existera plus sous la forme qu’on a connue jusqu’ici » commente Dave Lake, l’un des deux business rescue practitioners du cabinet Metis chargés du dossier. « Il n’était plus en mesure de faire face à ses obligations », poursuit-il. Pour rembourser ses créditeurs, il a procédé à une vente par appartements de ses actifs. « Group Five est vu comme une entreprise de construction, mais, d’un point de vue de la valeur, c’est probablement la part la plus petite de son business », souligne Dave Lake. La majorité de ses contrats en cours, comme le développement de centres commerciaux en Afrique du Sud et au Zimbabwe, et de ses participations dans des joint-ventures ont été cédés. Quant à ses filiales profitables, elles ont été vendues, comme l’opérateur autoroutier Intertoll, présent notamment en Afrique australe, en Europe de l’Est et en Inde, ou sont en passe de l’être, à l’instar du cimentier Everite et de la division immobilier du groupe. Si de nombreux litiges restent encore à régler, Dave Lake se félicite que 60 % des 7000 emplois de Group Five aient pu être sauvegardés. Même s’il va falloir se contenter de peu. Les créditeurs ne pourront être remboursés intégralement. Quant aux actionnaires, leurs fonds semblent bel et bien perdus.



CLASSEMENT

STRATÉGIE

Le complexe gazier de Reggane.

BILOU

Pétrole & gaz Freinage d’urgence de Sonatrach

Durement touché par la chute des prix des hydrocarbures, le géant algérien doit réduire ses activités d’exploration. Au risque de mettre en péril sa capacité de production future.

L

DJAMILA OULD KHETTAB, À ALGER

e gouvernement algérien impose un régime sec à la compagnie publique Sonatrach pour faire face aux répercussions de la pandémie du coronavirus. Le pays, dépendant de sa rente pétrolière, accuse une baisse de près de 30 % de ses recettes en hydrocarbures au premier trimestre par rapport à l’an passé. Plombé par l’effondrement du cours du Brent, le groupe pétro-gazier, qui contribue à près de 60 % du budget de l’État et à plus de 95 % des recettes en

36

no3090 – JUILLET 2020

devises du pays, est sommé de sabrer dans ses dépenses. Objectif: ramener de 14 à 7 milliards de dollars (de 12,4 à 6,2 milliards d’euros) son budget pour 2020. Soit une réduction de moitié!

Cure d’austérité

Cette cure d’amaigrissement drastique était prévisible alors que les cours peinent à remonter, avec un baril avoisinant les 40 dollars, contre près de 60 dollars en début d’année. « Toutes les entreprises pétrolières sont en train de diminuer leurs investissements en raison de la baisse de la demande mondiale », tempère

1 er

48,2 mil lia dollars e rds de n 2018

Mohamed Saïd Beghoul, ancien cadre de la société. « L’État algérien, qui est l’unique propriétaire de Sonatrach, se trouve en grande difficulté et n’a pas d’autre choix que de réduire la voilure », confirme Mourad Preure, ancien directeur de la stratégie à Sonatrach. Selon lui, le groupe a les reins assez solides pour faire face à ce nouveau choc pétrolier. « L’industrie des hydrocarbures est cyclique. Dans des situations de dépression, une compagnie pétrolière se doit d’être en mesure d’établir des scénarios de recul pour maintenir ses équilibres tout en résistant à la dépression. C’est un sport que Sonatrach maîtrise parfaitement », soutient-il. Et de rappeler que ce n’est pas la première fois que l’entreprise doit se serrer la ceinture: « La société a été contrainte de faire des coupes budgétaires importantes par le passé, comme dans les années 1990, lorsque le pays s’écroulait sous le poids de la dette extérieure. » Le défi s’annonce toutefois colossal. L’Algérie sort d’une année difficile,


LES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

marquée par une forte instabilité politique. Des secteurs, comme l’automobile ou le BTP, sont à l’arrêt, et l’on observe une érosion continue des réserves de change du pays. Amputées d’un tiers de ses stocks en trois ans, ses réserves en devises pourraient passer sous la barre des 50 milliards de dollars d’ici à la fin de l’année. Et pour ne rien arranger, le secteur minier algérien continue d’être boudé par les leaders du marché. « Sonatrach est isolée pour faire face à cette nouvelle crise, car sa stratégie de partenariats à l’international a été sévèrement contrariée par les manipulations intempestives de la législation pétrolière pendant ces vingt dernières années, qui ont brouillé l’image du pays et causé les échecs des derniers appels d’offres. C’est pourquoi l’État est davantage mobilisé que si le groupe pouvait compter sur plusieurs grands partenaires avec lesquels partager le risque », souligne Mourad Preure.

Attirer les majors

Pour restaurer l’attractivité de Sonatrach, les autorités placent leurs espoirs dans la nouvelle loi régissant les hydrocarbures, entrée en vigueur en décembre 2019. Contesté par une partie de l’opinion publique, ce dispositif législatif offre plus de flexibilité aux investisseurs étrangers dans l’exploration et le développement des champs ainsi qu’une baisse sensible du niveau général du prélèvement fiscal. Sauf que les majors, dans le rouge depuis le déclenchement de la pandémie, ne se bousculent pas au portillon. « Il reste encore des champs gazéifères et pétrolifères à découvrir. Sont-ils de la taille des grands gisements comme Hassi R’mel ou Hassi Messaoud ? C’est peu probable. Les majors ont un grand appétit. Elles ne vont pas affluer en Algérie pour

OFFENSIVE DANS LE GAZ EN ESPAGNE Face à la concurrence du gaz russe et des gaz de schiste américains, aux prix plus attractifs, et à une baisse estimée à 25 % de ses volumes de vente en 2020, Sonatrach passe à l’offensive. Troisième fournisseur gazier en Europe, avec 11 % de part de marché, la compagnie publique algérienne a pris le contrôle de Medgaz SA, gérant du gazoduc reliant l’Algérie à l’Espagne, à la suite de l’acquisition des 19,10 % d’actions détenues par l’entreprise espagnole Cepsa Holding. Sonatrach se retrouve ainsi majoritaire dans cette société aux côtés de Naturgy (49 %), son partenaire historique espagnol. D.O.K.

de petits gisements, commente Mohamed Saïd Beghoul. Si c’est pour attirer des sociétés moins puissantes que Sonatrach, autant qu’elle continue à mener ses activités d’exploration en solo », tranche-t-il. Préparé à la hâte, le plan de réduction budgétaire n’a pas encore été rendu public. Le nouveau PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar, qui a pris ses fonctions quelques semaines avant le début de la propagation du Covid-19, a seulement annoncé le report « des projets qui ne revêtent pas un caractère d’urgence » et une diminution de la « charge d’emploi de près de 30 % ». Les opérations de forage ne sont pas épargnées. Depuis mars, 26 puits d’exploration et 30 puits de développement ont été mis à l’arrêt. Une telle situation ne risque-t-elle pas de compromettre ses capacités de production, en baisse constante ? La production de la compagnie a reculé d’environ 20 % au cours des dix dernières années malgré un effort d’investissement annuel maintenu autour de 10 milliards de dollars. Pour de nombreux experts, réduire l’activité de forage revient à asphyxier le cœur de métier

POUR CERTAINS EXPERTS, DIMINUER LES OPÉRATIONS DE FORAGE REVIENT À ASPHYXIER LE CŒUR DE MÉTIER DU GROUPE.

de Sonatrach et à mettre en danger l’équilibre naturel de la gestion des gisements pétrolifères et gazéifères. « On peut faire des économies mais pas au détriment de l’activité de base, qui est l’exploration et le développement. D’autant que la fermeture de ces puits ne représente qu’un gain d’environ 400 millions de dollars. On est loin du compte. Alors autant ne pas toucher aux forages et réduire des segments d’activité moins productifs, comme les bureaux à l’étranger, qui ne rapportent pas beaucoup », propose Mohamed Saïd Beghoul.

Surexploitation

Pour Mourad Preure, la priorité reste de conserver les principaux champs gazéifères et pétrolifères, surexploités. « Dans un scénario de recul, on part toujours de l’amont, de la préservation des gisements, car c’est là que se trouve la puissance de la compagnie. C’est donc dans l’aval que les projets d’investissement doivent être reportés. On n’a jamais vu une compagnie pétrolière faire faillite à cause de son raffinage ou de sa pétrochimie, mais plutôt à cause de son amont. Soit parce qu’elle n’a plus de réserves, soit parce que celles-ci sont trop chères à produire. Donc, la première préoccupation de toute compagnie pétrolière, c’est de maintenir la santé de ses gisements », rappelle-t-il.

no3090 – JUILLET 2020

37


ASECNA

PRÊTE POUR L’APRÈS COVID 19

L

Le second avion de calibration de l’ASECNA dans le hangar d’AERODATA, à Wichita, Kansas, (États-Unis), en juin 2019.

a pandémie du Covid-19 a eu un impact important pour le secteur du transport aérien. Depuis le mois de mars en effet, des milliers d’avions sont cloués sur les tarmacs, mettant à rude épreuve la survie même de certaines compagnies aériennes. Dans certaines régions du monde, le trafic aérien a été réduit de plus de 90 %. Tous les acteurs de la chaine du

transport aérien ont été impactés par cette crise : compagnies aériens, gestionnaires d’aéroports, opérateurs des plates formes aéroportuaires et fournisseurs de services de navigation aérienne et autorités de l’aviation civile.

LE SACERDOCE DE LA CONTINUITÉ DU SERVICE

DES INNOVATIONS MAJEURES POUR 2020

Malgré des conditions de travail difficiles,

En pleine pandémie du Covid-19, l’ASECNA

l’ASECNA a continué, depuis le début de

a bouclé en avril dernier l’étude sur l’archi-

la pandémie du Covid-19 à fournir, sans

tecture de son système de navigation par

discontinuité, des services de navigation

satellite « SBAS pour l’Afrique et l’Océan

aériennes de qualité dans les espaces aériens

Indien ». Cet ambitieux projet, fondé sur

qu’elle gère. La continuité du service est une

le programme européen EGNOS, vise à

exigence de l’aviation civile internationale et

renforcer les opérations de navigation

l’ASECNA, principal fournisseur de services de

et de surveillance au cours de toutes les

navigation aérienne sur le continent africain

phases de vol, et à améliorer ainsi, de

assure cette mission avec le plus grand

manière significative et durable, la sécu-

professionnalisme depuis plus de 60 ans.

rité et l’efficacité des vols dans sa zone de

L’ASECNA A ÉTÉ FAÇONNÉE PAR LE COURAGE ET L’ABNÉGATION DES PREMIERS INGÉNIEURS AFRICAINS


PUBLI-INFORMATION

Schéma du SBAS ASECNA

responsabilité et au-delà, sur l’ensemble

d’effectuer le contrôle en vol de mise en ser-

du continent africain. Ces services permet-

vice et/ou contrôle périodique de tous les

tront, à partir de 2021/22, d’augmenter les

équipements d’aide à la navigation aérienne

performances de positionnement fournies par les constellations existantes de navigation par satellite, comme le GPS ou Galileo. L’ASECNA a également acquis un second avion de calibration de type Cessna Sovereign pour renforcer son ATR 42 en service depuis 1989.

et à l’atterrissage installés dans son espace aérien. L’ASECNA, après les célébrations réussies de son 60e anniversaire en décembre dernier, et malgré les difficultés engendrées

Avec cette acquisition, la capacité annuelle

par la pandémie du Covid-19, se positionne

de services de calibration offerts par l’Agence

plus que jamais comme un acteur incon-

passera de 800 heures actuellement à environ

tournable en Afrique dans le domaine de

2 000 heures.

la sécurité aérienne. L’agence conforte

Il convient de noter que, dans le cadre de

également sa position de futur fournisseur

ses missions et en application des recom-

de services de navigation aérienne par sa-

mandations de l’OACI, l’ASECNA est tenue

tellite à l’échelle du continent.

JAMG - © D.R.

L’ASECNA EST UN ACTEUR INCONTOURNABLE EN AFRIQUE DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ AÉRIENNE

CONTACT

www.asecna.aero

Lancement officiel ADS-B ASECNA à Dakar, Janvier 2020

N N

32-38 avenue Jean Jaurès BP 3144 Dakar Tél. : (+221) 33 849 66 00


LES 500

CLASSEMENT

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

STRATÉGIE

Industrie La saga Elloumi Le champion tunisien de l’export, qui a conquis le monde avec ses câbles automobiles, s’est diversifié dans l’agroalimentaire en utilisant les mêmes recettes: vision, savoir-faire et discrétion.

Q

MATHIEU GALTIER, À TUNIS

uiconque a déjà effectué un freinage d’urgence p e u t p ro b a b l e m e n t remercier le groupe tunisien Elloumi pour la qualité de ses produits. Son vaisseau amiral, Coficab, qui emploie 4 500 salariés, est le numéro deux mondial de la câblerie automobile, avec plus de 15 % de part de marché, dont 45 % en Europe. En 2016, il réalisait un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros exclusivement grâce à ses exportations. Un succès rare à l’échelle du continent : « Si le pays arrive, malgré ses difficultés économiques, à exporter pour 10 milliards d’euros, c’est grâce à des capitaines d’industrie comme la famille Elloumi », se félicite Afif

Chelbi, ancien ministre de l’Industrie (2004-2011).

Success-story

Au lendemain de son indépendance, en 1956, la Tunisie cherche à se moderniser. Taoufik Elloumi, petit entrepreneur de Sfax qui s’est lancé dix ans plus tôt, y voit immédiatement une opportunité et devient l’un des plus importants fournisseurs de câbles de la Steg, la société nationale de l’électricité. La réussite déjà patente devient une véritable success-story à la fin des années 1980, lorsque ses fils Faouzi et Hichem, respectivement centralien et polytechnicien, et ses filles Selma et Aouatef, jugeant le marché tunisien trop étroit pour leurs ambitions, font le pari de l’exportation en fournissant le sous-traitant automobile américain Delphi Corporation. « À cette époque,

tout était réuni pour se développer en Tunisie. Les multinationales y accéléraient la délocalisation de leurs usines : la loi 72 leur accordait des exonérations fiscales, tandis que la main-d’œuvre y était bon marché et plutôt qualifiée », détaille Hatem Essoussi, directeur de la Promotion des secteurs à technologie évoluée au sein de l’Agence de promotion des investissements étrangers (Fipa). Rapidement, les deux héritiers identifient d’autres produits à fort potentiel et créent une entreprise pour chaque production : Coficab pour le câble automobile, Cofat pour les systèmes électriques dans les véhicules et Chakira pour le câble électrique et de téléphonie. Fort du savoir-faire unique acquis auprès de l’américain Delphi, le groupe décide de s’implanter au plus près des constructeurs. En 1993, il installe une usine au Portugal, puis suivront le Maroc, la Roumanie, la Serbie, la Chine, le Mexique, les États-Unis, l’Inde et l’Allemagne. En 2008, Faouzi Elloumi assurait que la moitié des COFICA B

1,26

milliard de dolla rs en 2016

NICOLAS FAUQUÉ POUR JA

Le siège du numéro deux mondial de la câblerie automobile, à Sidi Hassine, dans la banlieue sud-ouest de Tunis.

40

no3090 – JUILLET 2020


Photo © Getty Images/iStockphoto - Illustration © Thomas Vieille

Façonner un environnement durable, dès maintenant

en construisant des usines qui produisent zéro gaz à effet de serre Notre solution : des installations au bilan carbone neutre Pour accompagner les territoires dans la lutte contre le changement climatique, SUEZaconçulapremièreinstallationdetraitementdel’eauaubilancarboneneutre. Sur l’ensemble de leur process - construction, exploitation - ces infrastructures ne produisent aucune émission de gaz à effet de serre. Une performance rendue possible grâce au déploiement de solutions technologiques innovantes qui vont de l’écoconception des bâtiments au recours à l’énergie solaire en passant par la récupération de la chaleur contenue dans les eaux usées. retrouvez-nous sur suez.com

L’énergie est notre avenir, économisons-la !


LES 500

CLASSEMENT STRATÉGIE

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

INDUSTRIE

Culture de l’innovation

Pendant les années Ben Ali, le groupe jouit d’une certaine proximité avec le pouvoir, mais ses dirigeants ont su préserver l’indépendance nécessaire à la conduite de leurs affaires. Pour l’ambassade américaine, dont les câbles diplomatiques ont été révélés par WikiLeaks, l’empire Elloumi est même un modèle à suivre pour le secteur privé tunisien. Après la révolution, la famille a conservé son influence, notamment au sein du patronat tunisien, dont Hichem Elloumi est le premier vice-président, mais aussi dans la sphère politique, où Selma Elloumi, après avoir été élue au Parlement, a été ministre du Tourisme de 2015 à 2018. Son engagement pour l’intérêt général est ancien et s’est manifesté par la promotion des régions défavorisées auprès des groupes étrangers du secteur automobile. « Si la société japonaise Yazaki a investi à Gafsa dès 2009, c’est grâce aux efforts du gouvernement, mais aussi à l’implication d’opérateurs tels que Hichem Elloumi, qui a mis son temps et ses réseaux au service de l’État, ce qui n’est pas forcément évident pour un

Fatma Rekik, petite-fille du fondateur du groupe.

HICHEM

câbles en courant continu présents sur les Chrysler aux États-Unis ou sur les Volkswagen et Peugeot en Europe venaient du groupe. Ce succès, la famille Elloumi préfère le savourer discrètement. Aucun de ses membres n’a souhaité répondre à nos questions. Ses détracteurs dénoncent un management opaque et rigide, où même les syndicats sont interdits. « Si le groupe a toujours refusé d’introduire ses sociétés en Bourse, c’est parce qu’il rechigne à se soumettre aux impératifs de transparence », analyse Adel Ayari, économiste et sociologue au think tank Carep (Centre arabe de recherches et d’études politiques).

acteur privé », souligne l’ancien ministre Afif Chelbi. À l’image de l’ensemble des industriels dans le monde, la pandémie de Covid-19 fait peser une menace soudaine sur les activités du groupe. En Tunisie, le confinement décrété de la fin de mars à la mi-mai a entraîné l’arrêt des usines. Cofat comme Coficab n’ont pas été épargnées, mais leur existence n’est pas remise en cause, même si leurs dirigeants peuvent être légitimement inquiets face à l’effondrement des ventes des constructeurs automobiles en avril (– 55%) et en mai (– 76%). Avant la crise, le groupe avait pris le virage des voitures électriques et autonomes. Dès 2014, Coficab s’était dotée d’un deuxième centre de recherche au Portugal afin de mieux répondre aux besoins des constructeurs. Ces investissements dans le développement de technologies innovantes ont permis à Coficab et Cofat de mettre au point, en partenariat avec le leader allemand de l’équipement automobile, Leoni, une nouvelle génération de câbles utilisée pour la production de l’Audi Q6 e-Tron. La culture de l’innovation s’inscrit d’ailleurs au cœur de l’ADN du

APRÈS LA RÉVOLUTION, LA FAMILLE ELLOUMI A CONSERVÉ SON INFLUENCE AU SEIN DU PATRONAT ET DE LA SPHÈRE POLITIQUE. 42

no3090 – JUILLET 2020

groupe. Au cours des années 1990, le gouvernement avait convaincu ses dirigeants de participer à la redynamisation du secteur agroalimentaire tunisien. Créée pour mettre en valeur un domaine de 224 hectares dans la région du cap Bon, la société Stifen a été l’une des pionnières dans l’adoption d’une technique de surgélation (individual quick frozen) qui permet de surgeler à cœur des fruits en quelques secondes, devenant l’un des fournisseurs de géants comme Danone, Kellogg’s ou encore Andros. « Notre avantage par rapport à la concurrence marocaine ou égyptienne, c’est notre savoir-faire sur la traçabilité, depuis le plant jusqu’au produit fini. Une préoccupation qui vient directement de la câblerie. Que ce soit dans l’automobile ou l’alimentaire, la sécurité du consommateur est primordiale. D’ailleurs, les contrats avec les clients, Danone ou Volkswagen, sont similaires : il faut pouvoir tracer les produits à toutes les étapes de la chaîne de valeur. Et ça, nous savons le faire parfaitement », résume Emna Ben Yahia, responsable vente et marketing chez Stifen.

Troisième génération

Aujourd’hui, l’entreprise agro-industrielle, qui est une référence régionale, réalise près de la moitié de son chiffre d’affaires à l’exportation (Europe, Moyen-Orient, États-Unis, etc.). Cette dynamique a démarré dès 2007, avec l’installation d’une usine en Égypte. Pendant la crise, si les sites de production ont ralenti leur rythme, l’activité est restée importante, aidée en cela par le mois du ramadan, qui est traditionnellement une période de forte consommation. Depuis 2018, Fatma Rekik, fille de Selma Elloumi Rekik, a pris les rênes de Stifen. Celle qui incarne la troisième génération à la tête des entreprises du groupe a impulsé un virage important au cours des vingt-quatre derniers mois. Désormais, Stifen n’est plus seulement un fournisseur des géants de l’agroalimentaire, elle commercialise ses propres produits finis sous les marques La Fruitière et Furketta.



LES 500

CLASSEMENT

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

STRATÉGIE

Agroalimentaire Crise de croissance pour Zalar?

260 e

Un élevage de dindes, dont le prix a baissé en raison d’une surproduction dans le royaume.

Le spécialiste marocain de l’aviculture, qui a connu, certes au prix d’un endettement important, un développement rapide au cours des quinze dernières années, continue d’intéresser des investisseurs de premier plan.

44

no3090 – JUILLET 2020

EL MEHDI BERRADA, À CASABLANCA

À

la fin de février, une semaine avant le début de l’épidémie de Covid19 au Maroc, le conseil d’administration de Zalar Holding, qui chapeaute 21 entreprises du secteur avicole, accompagné par le cabinet international PwC, a opéré une réorganisation interne très remarquée. Ali Berbich, administrateur général de l’entreprise depuis 2013, a été propulsé au poste de président du conseil d’administration, laissant sa place à Siham Benhamane, auparavant responsable des pôles nutrition animale et accouvage. La quinquagénaire accède à la tête d’une entreprise fondée en 1974 et toujours contrôlée par la famille Chaouni. Le chiffre d’affaires de Zalar

– 498,33 millions d’euros en 2018 – la place dans les 300 premières entreprises du continent, alors qu’elle a connu trois exercices déficitaires ces dernières années. La nouvelle patronne n’arrive cependant pas en terrain inconnu puisqu’elle a intégré le groupe en 2005. « Les actionnaires n’étaient pas complètement satisfaits des réalisations du holding », commente le patron d’une banque d’affaires marocaine. « Siham Benhamane a été nommée pour améliorer les performances opérationnelles des filiales et pour créer davantage de synergies. L’intégration verticale de la filière avicole – négoce, nutrition, élevage, transformation et distribution – reste une priorité », confirme un cadre du groupe, qui emploie près de 2500 salariés. Très discret sur ses performances, Zalar – qui n’a d’ailleurs pas

KATE KLINE MAY/FOODPIX/GETTY IMAGES

498 mil lio dollars e ns de n 2018


COMMUNIQUÉ

Ricex Pte Ltd

AVIS D’EXPERT

Rice Exchange

4 Battery Road Singapore 049908 Tél. : +41 4 45 86 71 36 Email : admin@ricex.io

www.ricex.io

Abaisser le niveau de risque dans le commerce du Riz L’

Afrique de l’Ouest reste l’un des acteurs principaux des importations de riz au monde. En 2020, les prévisions d’importations atteignent environ 14 millions de tonnes provenant surtout d’Asie du Sud et du Sud Est.

La pandémie du Covid-19 a révélé la fragilité de cette chaîne d’approvisionnement pourtant vitale. L’effondrement de certaines grandes sociétés de négoce de matières premières renforce une inquiétude, notamment auprès des banques qui considèrent le financement des matières premières de plus en plus risqué. Cela aura certainement un impact supplémentaire sur la taille des cargaisons de riz mais surtout sur les financements de stockage à destination.Les banques et les institutions financières souhaitent désormais une meilleure visibilité sur les opérations de négoce, et des moyens fiables et sécurisés pour détecter et éviter les fraudes ou autres. Lorsque nous avons décidé de créer Rice Exchange, en 2018, le négoce international du riz augmentait de façon presque continue au cours des 30 dernières années, atteignant environ 48 millions de tonnes. Les opérations de négoce de riz sont encore structurées de façon archaïque.Acheteurs et Vendeurs traitent avec des contreparties connues par manque de confiance sur d’autres terrains, et aucune information sur les prix. Le commerce est basé sur papier

avec possibilités d’erreur humaine, et pire encore, il peut arriver que des cargaisons soient avariées, ou non conformes aux termes contractuels, avec des chances de remboursement d’assurances, très faibles. Les acheteurs et les vendeurs se retrouvent face à des litiges difficiles à solutionner, entraînant des pertes. Il était alors évident et urgent que cela change. Nous avons donc créé une plateforme numérique pour ce marché appelant à résoudre de manière conséquente ces problèmes. Nous avons réuni ainsi de nombreux vendeurs de plusieurs pays, afin de permettre aux acheteurs d’avoir accès à des prix plus compétitifs. Notre plateforme mise en place par Fujitsu est entièrement basée sur la dernière technologie Hyperledger. Cela signifie qu’il existe une version de la vérité sur laquelle toutes les parties peuvent s’entendre.

Frank GOUVERNE, Co-fondateur et COO de Rice Exchange

permettant une meilleure visibilité de la chaine. Nous estimons que Rice Exchange permet aux importateurs d’économiser90 % de leur temps,20 % de leurs coûts et augmente potentiellement leur accès au financement. Le riz restera toujours une denrée vitale pour l’Afrique, comme pour beaucoup d’autres pays au monde. L’actuelle pandémie a encore plus révélé les lacunes liées à cette matière première, et nous devons incontestablement améliorer cette chaîne d’approvisionnement pour la rendre plus fiable et sécurisée d’où l’urgence

Le riz est une denrée vitale pour l’Afrique. Nous devons chercher les moyens de rendre les chaînes d’approvisionnement moins risquées et plus digitalisées. Tous documents générés ne sont pas

de la digitaliser. Ainsi ce nouveau

modifiables, ce qui réduit les risques

système ne pourra être que bénéfique

de fraude ou de non conformité. La

aux importateurs de riz, ainsi qu’aux

plateforme offre tous les services per-

banques, qui les financent, et aux

mettant l’exécution d’une opération,

consommateurs.

à savoir l’affrètement de navires ou conteneurs, l’inspection, l’assurance

Il est alors grand temps d’adapter le

maritime et l’aide juridique. Ceci

négoce de riz à ce 21e siècle.


LES 500

CLASSEMENT STRATÉGIE

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

AGROALIMENTAIRE

répondu à nos sollicitations – tire une part importante de ses revenus de ses activités de négoce. L’entreprise est par conséquent directement impactée par la fluctuation des cours mondiaux des matières premières agricoles. C’est ce qui explique, outre une surproduction de viande de dinde au Maroc, la baisse de son chiffre d’affaires sur la période 2012-2015, en dépit d’investissements importants. En juin 2019, date de la dernière communication financière du groupe, ses dettes atteignaient plus de 2 milliards de dirhams (183 millions d’euros), soit presque quatre fois ses fonds propres. « Le plus délicat, c’est qu’une grande partie de cette dette est de court terme, sous forme de découverts bancaires ou de concours bancaires courants qu’il faudra payer rapidement. Mais sans plus d’informations détaillées, par métier, il est impossible de savoir où le bât blesse », explique le financier interrogé. Pour l’instant, l’enjeu pour le groupe est d’être en mesure de poursuivre le programme d’investissement pour lequel il a obtenu en février un financement de 25 millions d’euros auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI). Cette enveloppe servira à agrandir des installations de stockage de céréales, mais aussi à construire de nouvelles fermes d’élevage, ainsi qu’à moderniser des fermes existantes. « La crise du Covid ne freinera pas les investissements. Le secteur avicole a été relativement épargné, et le groupe a besoin d’augmenter ses volumes

AVEC SON FORT ESSOR DANS UN SECTEUR LUIMÊME EN CROISSANCE, ZALAR OFFRE UNE BELLE OPPORTUNITÉ AUX INVESTISSEURS. pour faire baisser ses coûts fixes », estime le banquier consulté. Zalar entend aussi augmenter les parts de marché de sa marque de charcuterie Dindy, aujourd’hui moins connue que les produits de son concurrent Koutoubia, pourtant plus petit. Pour décrocher le financement de la BEI, Zalar a une nouvelle fois mandaté la banque d’affaires Ascent Capital Partners (ACP), cofondée en 2010 par Mehdi Berbich, ex-directeur exécutif chez JP Morgan et parent d’Ali Berbich, et Abdellatif Imani, ancien gestionnaire de fonds de Société générale. « Grâce à leurs expériences aux ÉtatsUnis et en France, les deux patrons d’Ascent permettent à Zalar de démarcher des investisseurs étrangers intéressés par l’Afrique. Avec son fort développement dans un secteur lui-même en croissance, l’entreprise offre la belle histoire que beaucoup recherchent », explique notre source. C’est au départ parce qu’il ne voulait pas être dépendant de ses fournisseurs que Mohammed Chaouni Benabdallah s’est progressivement agrandi, créant des sociétés distinctes

LA FAMILLE CHAOUNI CULTIVE SON JARDIN Après Zalar Holding, IFC, la filiale de la Banque mondiale spécialisée dans le secteur privé, a prêté en début d’année 24 millions de dollars à Zalar Agri. Cette structure, également détenue par la famille Chaouni – et dont Ali Berbich est actionnaire –, qui a débuté avec la culture des pommes, s’est diversifiée pour produire aujourd’hui une dizaine de fruits différents (prunes, abricots, pêches, cerises, dattes, mandarines, amandes, grenades, avocats, kakis) dans seize vergers qui s’étendent sur plus de 1300 hectares. E.M.B.

46

no3090 – JUILLET 2020

pour chacune des étapes de la chaîne de valeur avicole. Une stratégie particulièrement appréciée des investisseurs. L’accélération du développement du groupe date de 2009, lorsque Zalar a fusionné ses activités avec celles du groupe Al Atlas, avant de racheter, deux ans plus tard, les parts de ses partenaires. En 2013, les actionnaires de l’entreprise décidaient, déjà avec l’appui d’Ascent Capital Partners, d’ouvrir le capital de Zalar à la Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale), cédant 17,9 % du capital contre 24 millions de dollars (21,3 millions d’euros).

Tour de table prestigieux

Grâce à cette caution internationale, le groupe réussissait l’année suivante à lever 475 millions de dirhams, dont les deux tiers sur le marché obligataire marocain et le reste auprès de la Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd). Pour concrétiser ses ambitions, la famille Chaouni, toujours accompagnée par les banquiers Mehdi Berbich et Abdellatif Imani, a par la suite ouvert par deux fois le capital du groupe. En 2015, les actionnaires accueillaient au tour de table l’américain Seaboard, conglomérat spécialisé dans l’agro­ alimentaire et le négoce, qui a pris 12 % de Zalar contre 176 millions de dirhams. En 2018, c’était au tour du japonais Mitsui & Co., conglomérat présent dans l’agroalimentaire et les transports, d’injecter 25 millions de dollars sous la forme d’une augmentation de capital. Focalisé sur l’amélioration de ses résultats au Maroc, le groupe n’a pas fait de son développement international une priorité, malgré plusieurs annonces en ce sens et un investissement de 18 milliards de F CFA (27,5 millions d’euros) au Sénégal, en 2015, pour y construire un couvoir et plusieurs unités d’élevage et d’abattage. « Nous n’avons pas d’autres projets en Afrique ni évalué nos investissements futurs sur place », avoue avec franchise un cadre financier du groupe. Pour Zalar, l’avenir immédiat se jouera avant tout à domicile.



LES 500

CLASSEMENT

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

TÉLÉCOMS

OPÉRATION DE L’ANNÉE

Axian s’inspire de Telma pour piloter Togocom

Acquis à la fin de 2019, l’opérateur togolais fait figure de test grandeur nature en Afrique de l’Ouest pour le conglomérat malgache, déjà présent au Sénégal via Free. QUENTIN VELLUET

la 5G « au plus tard en 2021 », nous confiait il y a L’année 2019 aura été celle de l’ancrage d’Axian en quelques mois Cina Lawson, ministre des Postes, Afrique de l’Ouest. Un mois seulement après avoir de l’Économie numérique et des Innovations techofficiellement lancé la marque Free au Sénégal nologiques. L’engagement porte en outre sur la mise – grâce à l’opérateur Tigo Sénégal, qu’il a repris en en place d’une banque mobile baptisée MVola, du 2018 à Millicom avec ses partenaires Yérim Sow nom de la plateforme de services financiers déveet Xavier Niel –, Hassanein Hiridjee, patron du loppée par Telma à Madagascar. conglomérat malgache, a finalisé Togocom dispose déjà d’un seren novembre 2019 l’acquisition, CONSEILS AUPRÈS vice de transfert d’argent par via le consortium Agou Holding, DE L’EXÉCUTIF TOGOLAIS Pour la réforme du secteur mobile appelé TMoney. créé avec son partenaire minorides télécoms: McKinsey taire Emerging Capital Partners (ECP), de 51 % de Togocom, l’opéPour la privatisation de Togocom: rateur public togolais (mobile, Pour mener ces projets, Agou la banque d’affaires franco-américaine fixe, internet). L’État a conservé Holding a nommé à la tête de Lazard (Xavier Atieh, Vincent Le Stradic, 49 % de l’entreprise, qui a réalisé Togocom Paulin Alazard, ex-diRoy Azzam, Alexandre Issa-El-Khoury); en 2018 un chiffre d’affaires d’enrecteur général adjoint de Telma. le cabinet de conseil Jones Day (Rémy viron 183 millions d’euros. Celui qui a également été direcFekete et David Guitton) Cette opération a permis à l’enteur financier du koweïtien Zain, à Conseil financier: Alain Kete et Niton treprise publique, qui emploie Madagascar, et d’Airtel, au Gabon, Coulibaly, d’EY Côte d’Ivoire 1400 collaborateurs, d’être valoridevra poursuivre en parallèle la sée à 320 millions d’euros. Du côté restructuration de l’entreprise CONSEILS AUPRÈS D’AXIAN d’Axian, elle lui permet de renfordans un contexte social tendu. En Le cabinet d’avocats new-yorkais cer son ancrage ouest-africain, mai 2019, le gouvernement avait Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom dans la perspective de futures déjà obtenu le départ volontaire synergies avec ses activités dans de 300 salariés, deux ans après la Évaluation financière: Rémy Boulesteix, de KPMG France l’énergie. Le conglomérat entend fusion de Togo Télécom et Togo appliquer à Togocom le modèle Cellulaire pour créer Togocom. CONSEIL AUPRÈS D’ECP qui a fait de sa filiale Telma, racheLe 2 juin, le holding s’est fendu White & Case tée en 2004 à l’État malgache, le d’un communiqué pour dresleader du marché sur la Grande ser un premier bilan d’étape. Île, à savoir la maîtrise des infrastructures et le déveSelon l’entreprise, 97 nouveaux sites 2G et 3G ont loppement de services à valeur ajoutée. été installés, 400 sites 4G+ ont été activés, attirant En première ligne du virage numérique que sou170000 nouveaux abonnés. La résilience du réseau haite prendre le Togo (huit millions d’habitants), a aussi été renforcée grâce à la mise en place d’une les nouveaux actionnaires se sont engagés à mener connexion en fibre terrestre avec le Ghana. Dans d’importants investissements. Environ 245 millions le même temps, Axian a réorganisé le réseau comd’euros doivent être alloués sur les sept prochaines mercial et profité de sa force de frappe (Madagascar, années afin de moderniser et densifier les réseaux Comores, île de La Réunion, Mayotte et Sénégal) mobile et fixe. Promesse a même été faite de lancer pour renégocier les contrats avec les fournisseurs.

Restructuration

48

no3090 – JUILLET 2020

160 e

888 mil lio dollars e ns de n 2018


LA MEILLEURE BANQUE DU MOYEN-ORIENT POUR

LA RESPONSABILITÉ

D’ENTREPRISE


CLASSEMENT

BILAN

Voilure réduite avant la tempête

Les entreprises leaders du continent ont vu leur activité marquer le pas en 2018, notamment en Afrique du Sud et au Nigeria.

C

PIERRE-OLIVIER ROUAUD

est dans un contexte proprement extraordinaire, celui de la crise mondiale du coronavirus, que Jeune Afrique publie cette année son classement des 500 premières entreprises africaines. L’effet dépressif de cette pandémie sur l’activité des sociétés pour 2020 et au-delà reste encore inconnu. Selon les estimations de la Banque africaine de développement (BAD) datant de mai, la crise liée au Covid-19 pourrait se traduire en 2020 par une chute de 0,7 % à 2,8 % du PIB continental. Il s’agit d’une première depuis la récession de 1992, avec des impacts désastreux attendus, notamment sur les pays et entreprises exposés au cours des hydrocarbures qui se sont effondrés. Pour mesurer toute l’ampleur de la crise, il faudra attendre notre classement de 2022,

LÉGÈRE RECHUTE

CA cumulés annuels des 500 entreprises du Top 500 de Jeune Afrique en milliards de dollars

2012

757

2013

742

713

2014

690

2010

637

LES PLUS FORTES HAUSSES Variation du chiffre d’affaires en dollars dans les 500

NATIONAL CO. FOR MAIZE PRODUCTS

Égypte

MISR NATIONAL STEEL

Égypte

SIXTH OF OCTOBER DEVELOPMENT & INVESTMENT CO.

Égypte

Différence de rang

+ 168 % + 72 %

_ _ _

+ 61 %

LES PLUS FORTES BAISSES 2018

621 2009

50

Hors affaiblissement sud-africain, ce Top 500 connaît une hausse des chiffres d’affaires globaux, que ce soit au niveau des palmarès régionaux ou sectoriels (non publiés cette année). Ainsi, en Afrique du Nord, deuxième région du continent (voir carte p. 54) par son poids dans le classement, l’activité des 150 premières entreprises progresse de 14,6 %, totalisant 175 milliards de dollars de revenus. Cela découle notamment du redressement des cours du baril

2017

690

586

Rebond de l’Égypte

2015

561

no3090 – JUILLET 2020

2016

568

Variation du chiffre d’affaires en dollars dans les 500

DRIEFONTEIN MINE

Afr. du Sud

– 46 %

SANLAM

Afr. du Sud

– 42 %

SOUTH DEEP GOLD MINE

Afr. du Sud

– 41 %

Différence de rang

– 133 % –8% – 131 %

SOURCES : JA

2011

listant les comptes de 2020. Le palmarès que nous publions porte, pour rappel, sur les comptes de 2018. Il doit être pris pour ce qu’il est, à savoir une photographie, en situation économique « ordinaire », des grandes entreprises africaines, dix-huit mois avant le déclenchement d’une crise centennale. Ce Top 500 est marqué par une légère baisse du chiffre d’affaires 2018 des entreprises, exprimé en dollars. Après le contre-choc pétrolier de 2015 et 2016 et les crises monétaires qui s’en étaient suivies au Nigeria et en Égypte notamment, les 500 étaient reparties nettement de l’avant en 2017. Ce qu’avait traduit un bond de 12,1 % des facturations de notre dernier Top 500. Pour cette édition, ce cumul baisse de 2,55 %, en dépit d’un contexte plutôt favorable sur la période. La croissance du PIB continental en 2018 s’est en

effet établie à 3,5 % (niveau quasi identique à celui de 2017) selon la Banque africaine de développement, un rythme qui s’est poursuivi en 2019 (+ 3,4 %). Quid alors du léger recul de ce Top 500? Il s’explique, pour l’essentiel, par la contre-performance des entreprises sud-africaines. Celles-ci pèsent d’un poids écrasant, 51,8 % en valeur, dans le classement, mais leur chiffre d’affaires global y chute de 12,7 % (soit 47 milliards de dollars), en bonne partie sous l’effet monétaire. Le rand, en 2018, s’est déprécié d’environ 15 % vis-à-vis du dollar. Illustration : le géant des télécoms MTN (7e place), dont les revenus en monnaie nationale ont bondi de 6 % en 2018, voit ceux-ci, convertis en dollars, plonger de 13,1 % dans le Top 500.


LES 500 1-50 Rang 2020

Rang 2019

Société

Activité

Pays

Chiffre d’affaires 2018*

Résultat net 2018* 3939,4

1

1

Sonatrach

Énergie

Algérie

48181,5

2

3

Sonangol

Énergie

Angola

15778,2

257,5

3

2

Steinhoff International Holdings

Bois, papier

Afrique du Sud

14685,2

– 771,6

4

5

Sasol

Chimie, caoutchouc, plastique

Afrique du Sud

12562,5

1787,7

5

4

Eskom

Eau, électricité & gaz

Afrique du Sud

12453,9

– 1435,1

6

6

Shoprite Holdings

Commerce

Afrique du Sud

10059,5

360,9

7

7

MTN Group

Télécommunications

Afrique du Sud

9315,6

663,1

8

9

Imperial Holdings

Groupe diversifié

Afrique du Sud

8908,7

235,9

9

8

BID Corp. Ltd

Agro-industrie

Afrique du Sud

8263,3

283,5

10

11

Spar Group

Commerce

Afrique du Sud

7131,2

126,5

11

12

Massmart Holdings

Commerce

Afrique du Sud

6312,4

60,1

12

13

Vodacom Group

Télécommunications

Afrique du Sud

6237,6

1066,1

13

15

Pick’n Pay Stores Group

Commerce

Afrique du Sud

5972,6

107,6

14

25

OCP

Mines

Maroc

5845,5

585,7

15

22

Suez Canal Authority

Transports

Égypte

5812,3

ND

16

24

Sappi

Bois, papier

Afrique du Sud

5806

323

17

18

Engen Petroleum

Énergie

Afrique du Sud

5711,5

124,8

18

10

Sanlam

Activité financière

Afrique du Sud

5380,6

886,3 269

19

17

The Bidvest Group

Groupe diversifié

Afrique du Sud

5328,2

20

20

The Bidvest Group South Africa

Groupe diversifié

Afrique du Sud

5252,2

ND

21

23

Anglo American Platinum Corp.

Mines

Afrique du Sud

5163,3

484,1 418,6

22

16

Transnet

Transports

Afrique du Sud

5127,9

23

19

Vodacom South Africa

Télécommunications

Afrique du Sud

4937,8

ND

24

21

Woolworths Holdings

Commerce

Afrique du Sud

4748,6

– 245,7

25

26

Barloworld

Groupe diversifié

Afrique du Sud

4390,6

271,4

26

31

Datatec

Informatique, nouvelles technologies

Afrique du Sud

4332,4

13,1

27

28

Indequity Group

Activité financière

Afrique du Sud

4094,8

595,1

28

52

Ethiopian Airlines

Transports

Éthiopie

3983,5

ND

29

32

Medi Clinic Corp.

Santé

Afrique du Sud

3955,6

– 175,4

30

27

Anglogold Ashanti

Mines

Afrique du Sud

3943

150

31

29

Old Mutual Life Assurance Co.

Activité financière

Afrique du Sud

3803,1

624,5

32

34

Groupe Maroc télécom

Télécommunications

Maroc

3764,2

628,4

33

37

Al Mada (ex-SNI)

Groupe diversifié

Maroc

3544,9

486,2

34

35

Sibanye Gold

Mines

Afrique du Sud

3506,9

– 174,5

35

Multichoice Africa

Communication

Afrique du Sud

3468,1

– 88,3

36

43

South African Airways

Transports

Afrique du Sud

3295

– 420

37

14

Naspers

Communication

Afrique du Sud

3291

6921

38

30

Office national de l’électricité et de l’eau potable

Eau, électricité & gaz

Maroc

3839,1

204,6

39

49

Société nationale de l’électricité et du gaz

Eau, électricité & gaz

Algérie

3264,3

ND

40

33

Kumba Iron Ore

Mines

Afrique du Sud

3165,5

872

41

45

Arcelor Mittal South Africa

Métallurgie, sidérurgie

Afrique du Sud

3134,3

94,8

42

39

MTN South Africa

Télécommunications

Afrique du Sud

3091,7

ND

43

40

Naftal

Énergie

Algérie

3044,2

ND

44

38

Transnet Freight Rail

Transports

Afrique du Sud

3017,2

ND

45

36

Orascom Construction

BTP

Égypte

3013,5

154,7

46

72

Afriquia SMDC

Énergie

Maroc

2941

92,3

47

42

Telkom

Télécommunications

Afrique du Sud

2892

231,5

48

48

MTN Nigeria

Télécommunications

Nigeria

2847,2

399,2

49

46

Global Telecom Holding

Télécommunications

Égypte

2828,1

– 238,4

50

44

Liberty Group

Activité financière

Afrique du Sud

2811,5

236,1

CHIFFRES 2018 – EN ITALIQUE : CHIFFRES 2017 – ND : NON DÉTERMINÉ

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

* En millions de dollars

no3090 – JUILLET 2020

51


CLASSEMENT

BILAN

en 2018 (64,80 dollars en moyenne annuelle pour le WTI, contre 50,90 dollars en 2017, selon la Banque mondiale). Le groupe algérien Sonatrach, qui reste de loin notre champion toutes catégories, a vu son activité exprimée en billets verts bondir de 45 %! À noter, par ailleurs, que la plupart des entreprises égyptiennes, à l’image d’Egyptair (87e, soit un bond de 35 places), voient leur rang progresser, illustrant une forme de normalisation dans le pays d’Abdel Fattah al-Sissi après les désordres monétaires puis inflationnistes de 2016-2017. L’Égypte, pour rappel, a enregistré une croissance de 5,6 % sur son exercice fiscal 2018-2019. De son côté, le Maroc demeure, après l’Afrique du Sud, le pays à placer le plus grand nombre d’entreprises (61), pesant 8,7 % du total du Top 500. Son champion, le groupe OCP (14e), progresse de onze places à la faveur d’un fort dynamisme commercial, notamment sur les engrais composés.

LE MAROCAIN OCP PROGRESSE DE 11 PLACES À LA FAVEUR D’UN FORT DYNAMISME COMMERCIAL. L’Afrique de l’Ouest demeure la troisième région en nombre d’entreprises et en chiffre d’affaires. Mais ses entreprises s’affichent en petite forme. Les 150 premiers groupes régionaux voient leurs facturations progresser de seulement 3 %. En dépit du prix de l’or noir, qui profite à des entreprises comme Oando (76e, + 27 places), le contexte régional est resté marqué par l’atonie de la croissance du Nigeria. Le géant présidé par Muhammadu Buhari n’aura affiché que 1,8 % de croissance en 2018. Une médiocre performance que le dynamisme, cette même année, des PIB du Ghana (+ 6,3 %) ou de la Côte d’Ivoire (+ 7,4 %) n’aura pas suffi à contrebalancer. Bénéficiant de la reprise de 2018 des cours de l’or

noir, les compagnies pétrolières ghanéennes, à l’image de la filiale locale de Tullow Oil (103, + 12 places), tirent toutefois leur épingle du jeu dans notre Top 500. À l’inverse, les cours en berne de certaines matières premières agricoles ont eu un impact notable sur des entreprises telles que l’ivoirienne Sifca (173e, – 30 places), plombée par les prix du caoutchouc et de l’huile de palme. De l’autre côté du continent, les groupes d’Afrique de l’Est continuent à prendre du poids dans notre classement. Les facturations des 150 premières entreprises de la région ont connu une hausse de 12,3 %, à 27,2 milliards de dollars. En témoigne le bond spectaculaire du leader de l’aérien Ethiopian Airlines (28e), qui gagne


LES 500 51-100 Rang 2020

Rang 2019

Société

Activité

Pays

Chiffre d’affaires 2018*

Résultat net 2018* – 91,6

51

61

Ezz Steel Co.

Métallurgie, sidérurgie

Égypte

2742,3

52

41

Aspen Pharmacare Holdings

Santé

Afrique du Sud

2691,1

497,3

53

50

Gold Fields

Mines

Afrique du Sud

2577,8

344,8 182,7

54

56

Foschini

Commerce

Afrique du Sud

2570,4

55

53

Discovery Health

Activité financière

Afrique du Sud

2539,7

397

56

47

Impala Platinum Holdings

Mines

Afrique du Sud

2482,2

– 747,2

57

67

Dangote Cement

BTP

Nigeria

2469,3

1069,5

58

58

Super Group

Transports

Afrique du Sud

2468,9

103,3

59

64

Safaricom

Télécommunications

Kenya

2444,8

618,8

60

55

Wilson Bayly Holmes – Ovcon

BTP

Afrique du Sud

2425

58,4

61

59

Elsewedy Electric Co. (ex-El Sewedy Cables)

Équipement électrique

Égypte

2370,1

285,1

62

60

Santam

Activité financière

Afrique du Sud

2292,1

175,1

63

68

Maroc télécom

Télécommunications

Maroc

2167,9

658,8

64

66

Remgro

Groupe diversifié

Afrique du Sud

2154,1

636,8

65

62

Clicks Group

Commerce

Afrique du Sud

2144,9

102,1

66

70

Edgars Consolidated Stores

Commerce

Afrique du Sud

2120,2

ND

67

75

Aveng

Groupe diversifié

Afrique du Sud

2117,1

– 243,6

68

Middle East Oil Refineries

Énergie

Égypte

2108

96

69

63

Momentum Metropolitan Holdings (ex-Mmi Holdings)

Activité financière

Afrique du Sud

2069,5

98,4

70

82

Al Ezz Dekheila Steel Co.

Métallurgie, sidérurgie

Égypte

2013,6

ND

71

99

Egyptair Holdings

Groupe diversifié

Égypte

1995,7

– 32,5

72

65

Masswarehouse

Services aux collectivités

Afrique du Sud

1992,3

76,2

73

54

Masscash

Commerce

Afrique du Sud

1985,4

ND

74

57

Tiger Brands

Agro-industrie

Afrique du Sud

1971,2

168,3

75

77

Sonatel

Télécommunications

Sénégal

1916,3

352

76

103

Oando

Énergie

Nigeria

1861,7

78,9

77

74

Distell Group

Agro-industrie

Afrique du Sud

1812,4

62,1

78

73

RCL Foods

Agro-industrie

Afrique du Sud

1792,2

– 12,7

79

69

Blue Label Telecoms

Télécommunications

Afrique du Sud

1790,9

– 458,5

80

76

Exxaro Resources

Mines

Afrique du Sud

1764,7

488,9

81

71

Cevital

Agro-industrie

Algérie

1744,4

46,5

82

81

Royal Air Maroc

Transports

Maroc

1724,5

16,1

83

78

Kansanshi Mining

Mines

Zambie

1672

ND

84

94

Société tunisienne des industries de raffinage

Énergie

Tunisie

1657,2

ND

85

83

Life Healthcare Group

Santé

Afrique du Sud

1626,1

132,5

86

91

AECI

Chimie, caoutchouc, plastique

Afrique du Sud

1614

71,1

87

122

Egyptair Airlines

Transports

Égypte

1598

– 106,8

88

86

KAP International Holdings

Groupe diversifié

Afrique du Sud

89

111

Société nationale des hydrocarbures

Énergie

Cameroun

1591,3

110,1

1572

754,3 206,4

90

80

Mr Price Group

Commerce

Afrique du Sud

1563,6

91

102

Vivo Energy Maroc

Énergie

Maroc

1561,3

ND

92

93

Cosider

BTP

Algérie

1529,2

283,7 23,7

93

89

Kenolkobil

Énergie

Kenya

1523,6

94

79

Murray & Roberts Holdings

BTP

Afrique du Sud

1512,5

18,6

95

85

Société tunisienne de l’électricité et du gaz

Eau, électricité & gaz

Tunisie

1501,1

– 695,5

96

97

Dis-Chem

Santé

Afrique du Sud

1482,9

52,9

97

106

Petroleum Projects and Technical Consultations Co.

Énergie

Égypte

1478,2

ND

98

95

Groupe Saham

Groupe diversifié

Maroc

1470

ND

99

92

Flour Mills Nigeria

Agro-industrie

Nigeria

1445,1

11

100

135

Ghabbour Auto

Industrie automobile

Égypte

1439,8

44

CHIFFRES 2018 – EN ITALIQUE : CHIFFRES 2017 – ND : NON DÉTERMINÉ

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

* En millions de dollars

no3090 – JUILLET 2020

53


CLASSEMENT

BILAN

L’AFRIQUE DU SUD ULTRA-DOMINANTE

L’Afrique du Nord consolide sa deuxième place. Ses entreprises gagnent 4 points en matière de poids, avec 28 % du total des facturations. Mais l’effectif des acteurs classés évolue peu, avec seulement 3 entreprises de plus que l’an dernier, soit 142 au total. Ce chiffre était de 143 il y a deux ans. L’Algérie domine la région en matière de poids (10,3 %), et le Maroc en matière d’effectif (61 entreprises).

L’Afrique de l’Ouest, qui comptait de moins en moins de champions ces dernières éditions, place 5 entreprises de plus pour atteindre un total de 83. Son poids dans les facturations se redresse légèrement aussi, à 8,12 % du total, contre 7 % l’an dernier, mettant un terme à deux années de baisse inquiétante. Voilà trois ans, la région pesait encore 9,9 % du Top 500 en valeur. Le Nigeria place 31 entreprises, pesant 3,5 % du total.

L’Afrique de l’Est compte une entreprise de plus que l’édition dernière et affiche 32 champions. La région pèse 3,73 % du chiffre d’affaires du Top 500, contre 3 % l’an dernier et 3,5 % il y a deux ans. Leader régional, le Kenya place 17 entreprises pesant 1,9 % du total.

La région Afrique australe et océan Indien marque le pas. Son nombre d’acteurs chute à 217 entreprises, soit 43,6 % du total, contre 229 l’an dernier. La part dans les facturations des 500 plonge, elle, de plus de 4 points, à 58 %. Avec 164 groupes placés et 51,8 % du chiffre d’affaires, l’Afrique du Sud reste ultra-dominante.

L’Afrique centrale, bien que modeste, voit entrer trois groupes supplémentaires dans le Top 500 pour atteindre 26. Ceux-ci pèsent 2,25 % des facturations totales, contre 1,8 % lors du classement précédent. Gabon et Cameroun comptent chacun 10 entreprises, respectivement 1 et 2 de plus que l’an dernier.

24 places depuis l’édition précédente. Également en forme, le kényan Safaricom (59e) grimpe de cinq rangs.

Recul de la profitabilité

Pour clore ce panorama continental, si l’Afrique centrale demeure la région qui place le moins d’entreprises dans ce Top 500, elle fait mieux que l’an dernier, avec 3 entreprises de plus, soit 26 au total. Les 70 principaux groupes de la région voient même leur chiffre d’affaires bondir de 22 %, à 16,3 milliards de dollars, essentiellement en

SOURCES : JA

raison de l’effet pétrole. Au Cameroun, la Société nationale des hydrocarbures (SNH, 89 e) progresse de 22 places. Dans le secteur du manganèse, assez bien orienté, la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), deuxième entreprise de la région, se hisse au 109e rang de notre classement (+ 9). Enfin, sur le plan général, cette édition est marquée par un recul en matière de profitabilité. La marge nette moyenne des 401 entreprises du Top 500 pour lesquelles nous disposons de données (ce qui exclut, par

exemple, les holdings familiaux tels que Dangote) se chiffre à 7,3 %, contre 8,4 % lors de l’édition précédente. La rentabilité des 100 entreprises les plus performantes s’affiche, elle, à 27,4 %. Un résultat très proche des 27,5 % de l’édition 2019. Le champion des profits est cette année le sud-africain Naspers (210,3 %) en raison d’une forte plus-value réalisée lors de la cession d’actions du chinois Tencent. Même en période de croissance molle, certains gardent les poches pleines.

DANS LE SECRET DES 500 Pour ce classement, nous avons adressé un questionnaire à plus de 14000 entreprises et pu recueillir les éléments financiers d’environ 1500 sociétés. Ces données nous ont permis de réaliser le palmarès des 500 entreprises africaines selon leur chiffre d’affaires de 2018. Le Top 500 prend en compte les entreprises juridiquement présentes sur le continent, les holdings et leurs filiales. Tous les éléments financiers proviennent d’une source fiable, identifiable, ou sont certifiés pour les sociétés cotées. Certains groupes comme Dangote, détenus par quelques actionnaires familiaux, n’établissent pas de comptes consolidés et sont donc absents du classement, tout comme

54

no3090 – JUILLET 2020

les sociétés qui ne publient pas de comptes. Les chiffres portent sur l’exercice clos à la fin de 2018 et sont convertis en dollars américains aux taux constatés le 31 décembre 2018. Pour les entreprises clôturant leurs comptes en cours d’année, la règle est la suivante: jusqu’au 31 mars 2019, les chiffres apparaissent en année 2018. Pour les autres, sont présentées les performances de l’année précédente. Lorsque nous ne parvenons pas à obtenir les données, nous publions celles du classement précédent en l’indiquant. Au bout de deux ans d’absence de comptes vérifiables, la société disparaît du Top 500. P.O.R.


LES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

Rang 2020

Rang 2019

Société

Activité

Pays

Chiffre d’affaires 2018*

Résultat net 2018*

101

51

Network Healthcare Holdings

Santé

Afrique du Sud

1434,2

328,4

102

88

Harmony Gold Mining Co.

Mines

Afrique du Sud

1415,9

– 309,7

103

115

Tullow Ghana

Énergie

Ghana

1404,1

ND

104

87

Pioneer Foods Group

Agro-industrie

Afrique du Sud

1395,1

74,6 ND

105

84

Massdiscounters

Commerce

Afrique du Sud

1365,9

106

117

Lonmin

Mines

Afrique du Sud

1345

62

107

104

Total Maroc

Énergie

Maroc

1305

81,7

108

90

Nampak

Bois, papier

Afrique du Sud

1299,2

39,4

109

118

Compagnie minière de l’Ogooué

Mines

Gabon

1289,9

269,7

110

100

Omnia Holdings

Chimie, caoutchouc, plastique

Afrique du Sud

1289,6

– 28,2

111

105

Mohammed Enterprises Tanzania

Commerce

Tanzanie

1286,8

ND

112

129

Telecom Egypt

Télécommunications

Égypte

1270,1

194,7

113

Vivo Energy Kenya

Énergie

Kenya

114

Katanga Mining Ltd

Mines

RD Congo

1270

ND

1265,1

– 806,2

115

113

Ethio Telecom

Télécommunications

Éthiopie

1261,8

ND

116

119

The Arab Contractors – Osman Ahmed Osman & Co.

BTP

Égypte

1239,2

30,9

117

Vodafone Egypt Telecommunications

Télécommunications

Égypte

1227,2

306,8

118

96

Truworths International

Commerce

Afrique du Sud

1214,8

184,5

119

101

Tongaat-Hulett Group

Agro-industrie

Afrique du Sud

1211,9

ND

120

132

Ghana Oil Co.

Énergie

Ghana

1174,2

16,8

121

98

Altron

Équipement électrique

Afrique du Sud

1171,7

51,9

122

107

Saham finances

Activité financière

Maroc

1147,1

47,8

123

108

Sun International

Tourisme, loisirs

Afrique du Sud

1136,8

24,3

124

169

Econet Wireless

Télécommunications

Zimbabwe

1136,7

106,4

125

109

EOH Holdings

Télécommunications

Afrique du Sud

1131,3

– 7,2

126

182

Kenya Airways

Transports

Kenya

1116,5

– 74,2

127

120

Tsogo Sun Holdings

Tourisme, loisirs

Afrique du Sud

1104,6

112,3

128

Airtel Nigeria

Télécommunications

Nigeria

1098,3

312,9

129

123

Société nationale de raffinage

Énergie

Cameroun

1090,6

ND

130

136

Société nationale burkinabé d’hydrocarbures

Énergie

Burkina Faso

1081,5

49,4

131

116

132

Marjane Holding

Commerce

Maroc

1065,6

44,1

Hassan Allam Holding

BTP

Égypte

1060

50,2

133

126

Total Kenya

Énergie

Kenya

1053,2

22,6

134

138

IBL Group

Groupe diversifié

Maurice

1044,7

67,6

135

110

Adcorp Holdings

Services aux collectivités

Afrique du Sud

1043

18,1

136

354

Kibali Gold Mine

Mines

RD Congo

1041

241

137

114

RMI Holdings

Activité financière

Afrique du Sud

1040,4

295,4

138

131

Mota Engil Africa

BTP

Afrique du Sud

1035,6

47,7

139

155

Choppies Enterprises

Commerce

Botswana

986,2

– 40,6

985,7

115,2

979

– 2,5

140

112

Hosken Consolidated Investments

Groupe diversifié

Afrique du Sud

141

142

Société africaine de raffinage

Énergie

Sénégal

142

145

Renault commerce Maroc

Industrie automobile

Maroc

965,8

39,9

143

124

Algérie télécom Mobilis

Télécommunications

Algérie

965,7

112,3

144

144

Nigerian Breweries

Agro-industrie

Nigeria

959,6

53,3

145

128

Massbuild

BTP

Afrique du Sud

952,3

ND

146

153

Gold Fields Ghana

Mines

Ghana

950,8

30,9

147

219

Jumia Group (ex-Africa Internet Group)

Commerce

Nigeria

949,5

ND

148

157

Label Vie

Commerce

Maroc

944,5

30,1

149

130

Alviva Holdings (ex-Pinnacle Technology Holdings)

Équipement électrique

Afrique du Sud

943,5

28,9

150

140

Holmarcom

Groupe diversifié

Maroc

932,4

ND

CHIFFRES 2018 – EN ITALIQUE : CHIFFRES 2017 – ND : NON DÉTERMINÉ

101-150

* En millions de dollars

no3090 – JUILLET 2020

55


CLASSEMENT

151-200

Résultat net 2018*

Rang 2019

151

156

Kenya Power and Lighting

Eau, électricité & gaz

Kenya

931,7

18,7

152

139

Rand Water

Eau, électricité & gaz

Afrique du Sud

931,4

217,9

Société

Activité

Pays

153

127

Anglovaal Industries

Agro-industrie

Afrique du Sud

930,3

176,7

154

125

Compagnie ivoirienne d’électricité

Eau, électricité & gaz

Côte d’Ivoire

927,4

8,5

155

133

Transnet Port Terminals

Transports

Afrique du Sud

905,9

ND

156

149

Total Gabon

Énergie

Gabon

904,9

258,2 162,1

157

121

PSG Group

Activité financière

Afrique du Sud

902,8

158

134

Astral Foods

Agro-industrie

Afrique du Sud

898,5

99,3

159

161

Taqa Morocco (ex-Jorf Lasfar Energy Co.)

Eau, électricité & gaz

Maroc

889,9

109,7

160

212

Axian Group

Groupe diversifié

Madagascar

161

162

Wafa assurance

Activité financière

Maroc

888

35

875,3

63,6 22,1

162

151

Pétrole du Maghreb

Énergie

Maroc

875,1

163

146

Transnet National Ports Authority

Transports

Afrique du Sud

861,9

ND

164

168

MTN Ghana (Scancom Ghana Ltd)

Télécommunications

Ghana

850,3

155,4

845,1

– 53,5

165

171

Lafarge Africa

BTP

Nigeria

166

244

Société des mines de Loulo-Gounkoto

Mines

Mali

167

175

Total Nigeria

Énergie

Nigeria

168

250

Sonatel Orange (ex-Sonatel Mobiles)

Télécommunications

Sénégal

843,7

ND

169

167

The Petroleum, Oil & Gas Corp. Of South Africa

Énergie

Afrique du Sud

840,4

– 144,2

170

137

Orange Côte d’Ivoire

Télécommunications

Côte d’Ivoire

833,6

39,3

171

160

Lafargeholcim Maroc (ex-Lafarge Ciments)

BTP

Maroc

824,7

165,6

172

165

Algérie télécom

Télécommunications

Algérie

818

159,4

173

143

Sifca

Agro-industrie

Côte d’Ivoire

805,4

– 33,6

174

227

OK Zimbabwe

Commerce

Zimbabwe

801,9

49,2

175

154

Compagnie sucrière marocaine de raffinage

Agro-industrie

Maroc

801,7

93,2

176

172

Hulamin

Métallurgie, sidérurgie

Afrique du Sud

798,5

– 53,5

177

186

African Reinsurance Corp.

Activité financière

Nigeria

797,4

31,3

178

148

Optimum Telecom Algérie

Télécommunications

Algérie

793,5

ND

179

248

Meikles Africa

Groupe diversifié

Zimbabwe

791,6

66

180

245

Alexandria Minerals Oils Co.

Énergie

Égypte

788,5

83

181

187

Al Ezz Rolling Mills

Métallurgie, sidérurgie

Égypte

783,3

ND

182

163

CMH Group

Industrie automobile

Afrique du Sud

772,2

15,8

183

183

Condor Electronics

Équipement électrique

Algérie

770,9

37

184

159

Growthpoint Properties

BTP

Afrique du Sud

759,9

547,3

185

186

184

844

247

843,9

21,8

Etisalat Misr

Télécommunications

Égypte

758,6

-

Lydec

Eau, électricité & gaz

Maroc

757,2

21,3

187

194

Orange Égypte (ex-Mobinil)

Télécommunications

Égypte

755,5

ND

188

215

Munich Reinsurance Co. of Africa

Activité financière

Afrique du Sud

749,9

ND 236,5

189

224

Eastern Co.

Agro-industrie

Égypte

748,1

190

189

Sanam Agro

Agro-industrie

Maroc

741,9

ND

191

206

Total Côte d’Ivoire

Énergie

Côte d’Ivoire

739,6

20,1

192

152

Ooredoo Algeria (ex-Wataniya Telecom Algérie)

Télécommunications

Algérie

739,1

ND

193

173

Mpact (ex-Mondi Packaging South Africa)

Bois, papier

Afrique du Sud

734,7

22,6

194

256

Qalaa Holdings

Activité financière

Égypte

734,6

51,8

195

176

PGI Holding – Amen Group

Groupe diversifié

Tunisie

733,7

70,4

196

205

Nestlé Nigeria

Agro-industrie

Nigeria

729,6

117,8

197

150

Transnet Rail Engineering

Transports

Afrique du Sud

728,6

ND

198

177

Reunert

Informatique, nouvelles technologies

Afrique du Sud

726,4

79,8

199

181

Invicta Holdings

Industrie automobile

Afrique du Sud

723,4

15,9

200

230

Delta Corp.

Agro-industrie

Zimbabwe

722,4

143,2

* En millions de dollars

56

no3090 – JUILLET 2020

CHIFFRES 2018 – EN ITALIQUE : CHIFFRES 2017 – ND : NON DÉTERMINÉ

Chiffre d’affaires 2018*

Rang 2020


LES 500

201-250 Rang 2020

Rang 2019

Société

Activité

Pays

Chiffre d’affaires 2018*

Résultat net 2018*

722

50,5

201

180

Poulina Group Holding

Groupe diversifié

Tunisie

202

170

Pretoria Portland Cement Co.

BTP

Afrique du Sud

720,6

10

203

203

East African Breweries Group

Agro-industrie

Kenya

716,9

70,8 48,4

204

185

Metair Investments

Industrie automobile

Afrique du Sud

711,5

205

179

Cashbuild

BTP

Afrique du Sud

706,7

29,4

206

198

Johannesburg Water Co.

Eau, électricité & gaz

Afrique du Sud

697,6

93,9

207

191

Mondi Group South Africa

Bois, papier

Afrique du Sud

697,2

ND

208

274

Eterna Oil & Gas

Chimie, caoutchouc, plastique

Nigeria

690,1

2,8

209

207

RMA

Activité financière

Maroc

685,3

78,7

210

164

Stefanutti Stocks Holdings

BTP

Afrique du Sud

685,2

– 7,7 6,8

211

210

SNDP–Agil

Énergie

Tunisie

676,1

212

209

Orange Mali

Télécommunications

Mali

669,7

ND

213

201

Liquid Telecom

Télécommunications

Maurice

668,9

– 116,1

666,9

40,1

214

195

Tarkwa Mines

Mines

Ghana

215

235

Total Sénégal

Énergie

Sénégal

665

11

216

229

Volta River Authority

Eau, électricité & gaz

Ghana

659

ND

217

221

Orange Maroc

Télécommunications

Maroc

643,3

ND

218

192

African Rainbow Minerals

Mines

Afrique du Sud

641,3

333,8

219

225

Ciel Group

Groupe diversifié

Maurice

640,9

30,9

220

286

Seplat Petroleum Development Co.

Énergie

Nigeria

625,8

122,9 – 9,5

221

216

Tanzania Electric Supply Co.

Eau, électricité & gaz

Tanzanie

617,5

222

178

Société nationale d’électricité

Eau, électricité & gaz

Sénégal

616,9

ND

223

202

RMB Holdings

Activité financière

Afrique du Sud

610

592,6

609,5

95,1

224

271

Talaat Moustafa Group

BTP

Égypte

225

232

Vivo Energy Côte d’Ivoire

Énergie

Côte d’Ivoire

226

217

SA des Brasseries du Cameroun

Agro-industrie

Cameroun

605

9,4

601,5

44,7

227

199

Raubex

BTP

Afrique du Sud

589,8

8,1

228

223

East African Breweries Kenya

Agro-industrie

Kenya

588,3

70,8

229

262

Zimplats Holdings

Mines

Zimbabwe

582,5

2,6

230

263

Société nationale industrielle et minière

Mines

Mauritanie

581,2

– 31

231

231

Oriental Weavers Co.

Textile

Égypte

580,4

41,7

232

278

Afriquia Gaz

Énergie

Maroc

578,3

68,6

233

174

Clover Holdings

Agro-industrie

Afrique du Sud

575,5

– 2,6

234

218

Air Mauritius

Transports

Maurice

570,8

– 24,8

235

242

Essakane Gold Mine

Mines

Burkina Faso

564,1

ND

236

214

Redefine Properties

BTP

Afrique du Sud

563,1

458,1

563

20,4

237

193

Kloof Gold Mining Co.

Mines

Afrique du Sud

238

211

Nigerian Bottling Co.

Agro-industrie

Nigeria

555,5

ND

239

288

CMDT

Agro-industrie

Mali

551,1

21,2 98,8

240

267

Entreprise tunisienne d’activités pétrolières

Énergie

Tunisie

546,9

241

324

Al Ezz Flat Steel

Métallurgie, sidérurgie

Égypte

546

ND

242

260

Saham assurance Maroc

Activité financière

Maroc

546,1

34,4

243

226

Assore

Mines

Afrique du Sud

540,3

358,3

244

257

Ascendis Health

Santé

Afrique du Sud

535,6

20,9

245

241

Oceana Group

Agro-industrie

Afrique du Sud

535,3

61,1

246

317

Julius Berger Nigeria

BTP

Nigeria

533,3

16,7

247

253

Biopharm

Santé

Algérie

531,7

63,5

248

200

Zeder Investments

Agro-industrie

Afrique du Sud

529

16,8

249

247

Holding Al Omrane

BTP

Maroc

525

44,1

250

233

Northam Platinum

Mines

Afrique du Sud

522,8

– 48,8

CHIFFRES 2018 – EN ITALIQUE : CHIFFRES 2017 – ND : NON DÉTERMINÉ

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

CLASSEMENT

* En millions de dollars

no3090 – JUILLET 2020

57


LES 500

251-300 Rang 2020

Rang 2019

Société

Activité

Pays

Chiffre d’affaires 2018*

Résultat net 2018* – 5,6

251

255

Produce Buying Co.

Agro-industrie

Ghana

522,1

252

236

Société tunisienne de l’air

Transports

Tunisie

521

ND

253

243

Bell Equipment

Industrie automobile

Afrique du Sud

521,6

19,1

254

249

Eneo Cameroun

Eau, électricité & gaz

Cameroun

519,7

19,2

255

259

CTP Printers

Communication

Afrique du Sud

517,4

36,7

256

251

CDG Développement

Services aux collectivités

Maroc

512,3

ND

257

239

Metropolitan Life

Activité financière

Afrique du Sud

510,1

ND

258

158

Group Five Holdings

BTP

Afrique du Sud

508,7

– 94,5

259

246

Auto Hall

Industrie automobile

Maroc

503,1

15,6

260

277

Zalar Holding

Agro-industrie

Maroc

498,3

– 7,7

497,7

– 56,3

497

– 29,3 ND

261

197

Centrale Danone

Agro-industrie

Maroc

262

234

Famous Brands

Tourisme, loisirs

Afrique du Sud

263

220

MTN Côte d’ivoire

Télécommunications

Côte d’Ivoire

495,5

264

238

Airports Co. of South Africa

Transports

Afrique du Sud

493,3

68

265

303

Total Petroleum Ghana

Énergie

Ghana

490,4

8,9

266

228

Innscor Africa

Agro-industrie

Zimbabwe

489,9

80,5

267

272

Sefalana Holding Co.

Agro-industrie

Botswana

484,9

18,2

268

293

Salam Gaz

Énergie

Maroc

481

ND

269

312

Misr Insurance Co.

Activité financière

Égypte

477,3

54,8

270

289

Vodacom RDC

Télécommunications

RD Congo

473,3

– 87

271

265

Tradex

Énergie

Cameroun

472,8

15,6

272

281

Pioneers Holding

Activité financière

Égypte

472

ND

273

280

Egyptian Sugar and Integrated Industries Co.

Agro-industrie

Égypte

466,9

17,2 – 120,1

274

314

Office national des chemins de fer

Transports

Maroc

465,2

275

319

Tanzania Breweries

Agro-industrie

Tanzanie

463,9

57,2

276

343

Egypt Kuwait Holding Co.

Groupe diversifié

Égypte

462

125,2

277

295

Eclosia Group

Agro-industrie

Maurice

461,4

23,3

278

Aenergy

Énergie

Angola

456,8

28,9 84,9

279

279

Namibian Power Corp.

Eau, électricité & gaz

Namibie

456,6

280

240

Groupe Managem

Mines

Maroc

455,5

38,7

281

284

Electricidade de Moçambique

Eau, électricité & gaz

Mozambique

454,3

– 47,5

282

321

Maurel & Prom Gabon

Énergie

Gabon

283

258

Kaap Agri Ltd

Agro-industrie

Afrique du Sud

454

ND

453,4

17,2

284

270

Adcock Ingram Holdings

Santé

Afrique du Sud

452,8

44,6

285

268

Comair

Transports

Afrique du Sud

452,5

22,5

286

350

11 (ex-Mobil Oil Nigeria)

Énergie

Nigeria

451

25,6

287

276

Hollard Insurance

Activité financière

Afrique du Sud

449,8

47,5

288

264

Pharmacie centrale de Tunisie

Santé

Tunisie

445,2

ND

289

302

Mutuelle Attamine Chaabi

Activité financière

Maroc

444,7

ND

290

252

South African Broadcasting Corp.

Communication

Afrique du Sud

443,9

– 33,4

291

291

Axa assurance Maroc

Activité financière

Maroc

442,4

35,1

292

273

Hudaco Industries

Industrie automobile

Afrique du Sud

441,8

27,7

293

323

Raya Holding for Tech. and Telecommunications

Équipement électrique

Égypte

441,2

5

294

283

Vodacom Tanzania

Télécommunications

Tanzanie

440,2

38,8

Prosuma Group

Commerce

Côte d’Ivoire

439

2,2

Caxton & CTP, Publishers & Printers

Communication

Afrique du Sud

438,5

28,1 12,3

295

285

296

297

269

Lesieur Cristal

Agro-industrie

Maroc

435,3

298

362

Société générale des travaux du Maroc

BTP

Maroc

435

ND

299

Compagnie des bauxites de Guinée

Mines

Guinée

432,9

48,6

300

297

Waco International

BTP

Afrique du Sud

426,5

17,9

* En millions de dollars

58

no3090 – JUILLET 2020

CHIFFRES 2018 – EN ITALIQUE : CHIFFRES 2017 – ND : NON DÉTERMINÉ

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

CLASSEMENT


COMMUNIQUÉ

AVIS D’EXPERT

Revolution’air Ltd Rwanda Triumph Building - KG 11 Avenue Gasabo Kigali - RWANDA Tél. : (+250) 788-129-500 Courriel : info@revair.rw

www.revair.rw

Deux jeunes entrepreneurs gabonais de 30 ans qui font bouger les Télécoms en Afrique S

elena SOUAH et Feissal MOMBO sont les co-fondateurs de

Revolution’air ltd, fournisseur d’ac-

cès internet créé en 2018 à Kigali, Rwanda, avec l’objectif d’impacter positivement l’économie des pays africains : « C’est un fait ! L’Afrique est le deuxième continent le plus peuplé, avec lapopulationlaplusjeuneetpourtant c’est le continent le moins connecté. La révolution Internet a apporté des opportunitéséconomiquesetsociales sansprécédentdanslemondeentier.» Après avoir obtenu en 2019 une licence d’exploitation accordée par le gouvernement Rwandais pour une durée de 15 ans, la première étape du projet « Vision 2021 » de l’entreprise est de créer une usine d’assemblage d’équipements à Kigali pour accélérer le déploiement de sa technologie dans tous les pays membres de la zone SMART AFRICA. La deuxième étape sera le déploiement en République Démocratique du Congo et au Soudan. Revolution’air ltd développe une solution technologie capable de remplacer un réseau câblé et de donner aux utilisateurs finaux des débits descendants avoisinant les 1GO/S. Cela se traduit par un coût de l’accès à l’internet haut débit fixe abordable et à l’éclosion de multiples services à valeur ajoutée.

La société déploie une solution performante de « last mile connectivity » (connexion finale) pour permettre aux clients,particuliers et PME situés dans les milieux urbains et ruraux,d’accéder à un service internet de qualité grâce à une technologie nouvelle et innovante qui fonctionne sans fil.

Selena SOUAH,

Feissal MOMBO,

Fondatrice/ Présidente (Founder/ Chairman)

Fondateur/ Directeur Général (Founder/ CEO)

selena.souah@revair.rw

feissal.mombo@revair.rw

Selena et Feissal ont toujours baigné dans le secteur des Télécoms. Leurs pères respectifs, Thomas SOUAH et Lin MOMBO, ont construit puis géré le réseau de télécommunications au Gabon.

d’entreprendre dans les secteurs de l’éducation, du digital et des télécommunications.

Selena Souah, 30 ans, de nationalité franco/gabonaise, diplômée d’un master 2 en Finance d’entreprise à l’Institut Supérieur de Commerce de Paris après avoir complété son secondaire avec des études en

Feissal Mombo, 30 ans, d’origine gabonaise, diplômé en Master of Science en Banque et Finance Internationale à Lingnan University à Hong Kong après avoir obtenu un Bachelor of Science en Gestion

« Notre objectif est de figurer parmi les premiers opérateurs à consolider l’offre Internet, téléphone et télévision IP en Afrique avec une vision Panafricaine de développement. » Commerce International dans le prestigieux internat de la Maison d’Éducation de la Légion d’Honneur française. Selena a travaillé en qualité d’analyste financier des risques à la BESV à Paris, avant

d’Entreprise à Suffolk University Boston. En 2013, Feissal a rejoint Airtel Gabon en qualité d’agent des comptes clients avant d’entreprendre dans les secteurs de l’immobilieret des télécommunications.


LES 500

301-350 Rang 2020

Rang 2019

Société

Activité

Pays

Chiffre d’affaires 2018*

Résultat net 2018* 58,3

301

309

Office national des aéroports

Transports

Maroc

424,9

302

287

Lewis Group

Commerce

Afrique du Sud

424,9

21,4

303

213

Groupe Addoha – Douja Promotion

BTP

Maroc

424,8

42,8

304

304

North Mara Gold Mine

Mines

Tanzanie

305

355

Abu Qir Fertilizers & Chemical Industries

Chimie, caoutchouc, plastique

Égypte

423

147

421,3

135 55,9

306

318

Copperbelt Energy Corp.

Eau, électricité & gaz

Zambie

421,2

307

296

Ciments du Maroc

BTP

Maroc

420,3

107

308

379

Italtile

BTP

Afrique du Sud

419,8

74,8

309

282

African Oxygen

Chimie, caoutchouc, plastique

Afrique du Sud

418,6

31,6

310

196

Société burkinabé des fibres textiles (Sofitex)

Agro-industrie

Burkina Faso

417,6

ND

311

335

Suez Cement Co.

BTP

Égypte

414,4

6,8

312

332

Palm Hills Development Co.

BTP

Égypte

414

50,6

313

237

Dangote Sugar Refinery

Agro-industrie

Nigeria

412

60,2

314

308

Société gabonaise de raffinage

Énergie

Gabon

406,5

ND

315

310

Umeme

Eau, électricité & gaz

Ouganda

403,2

35,9

316

305

Ooredoo Tunisia (ex-Tunisiana)

Télécommunications

Tunisie

403,1

ND

317

313

Société nationale de sidérurgie

Métallurgie, sidérurgie

Maroc

400,4

1,3

318

353

Juhayna Food Industries

Agro-industrie

Égypte

397,3

22,8

Société africaine de cacao

Agro-industrie

Côte d’Ivoire

395,5

2,5

Mustek

Informatique, nouvelles technologies

Afrique du Sud

392,6

5,6

Group IHS Towers

Télécommunications

Maurice

392,5

– 107,6 27,2

319

320

298

321

322

346

Guinness Nigeria

Agro-industrie

Nigeria

391,8

323

299

Tunisie télécom

Télécommunications

Tunisie

390,4

ND

324

275

Merafe Resources

Mines

Afrique du Sud

388,1

47,3

325

320

Kenya Ports Authority

Transports

Kenya

385,9

91,3

326

Compagnie d’assurances et de réassurances Astree

Activité financière

Tunisie

382,2

5,4

327

306

Société de fabrication des boissons de Tunisie (SFBT)

Agro-industrie

Tunisie

378,8

ND

328

337

South African Post Office

Services aux collectivités

Afrique du Sud

376,4

– 76,1

329

300

330

MTN Uganda

Télécommunications

Ouganda

375,4

ND

Caisse nationale de prévoyance sociale – Cameroun

Services aux collectivités

Cameroun

369,9

129,1 33,6

331

338

Forte Oil

Énergie

Nigeria

369,1

332

336

Transnet Pipelines

Énergie

Afrique du Sud

364,3

ND

333

376

Vivo Energy Mauritius

Énergie

Maurice

364,3

8,8

334

Asecna

Transports

Sénégal

364,1

50,3

335

311

Espitalier Noël Group

Groupe diversifié

Maurice

363,7

32,5

336

347

Bamburi Cement

BTP

Kenya

363,7

6

337

333

BSI Steel

Métallurgie, sidérurgie

Afrique du Sud

363,4

ND

338

334

NSIA Participations

Groupe diversifié

Côte d’Ivoire

363,3

10,4

339

290

Aveng Steel

Métallurgie, sidérurgie

Afrique du Sud

361,4

ND

340

344

Tigo Tanzania

Télécommunications

Tanzanie

341

348

Maghrébail

Activité financière

342

208

Driefontein Mine

343

326

Rhodes Food Group Holdings

344

340

345 346

356

ND

Maroc

355,7

10,5

Mines

Afrique du Sud

353,8

– 243,8

Agro-industrie

Afrique du Sud

353,7

10,7

Solibra

Agro-industrie

Côte d’Ivoire

352,9

2,3

351

Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG)

Eau, électricité & gaz

Gabon

348

ND

352

Puma Energy Zambia

Énergie

Zambie

346,3

9,6

347

325

Entreprise nationale de forage

Énergie

Algérie

344,2

ND

348

294

MTN Cameroun

Télécommunications

Cameroun

343,3

ND

349

361

Alliances développement immobilier

BTP

Maroc

342,9

33,8

350

375

Vodacom Mozambique

Télécommunications

Mozambique

340,7

ND

* En millions de dollars

60

no3090 – JUILLET 2020

CHIFFRES 2018 – EN ITALIQUE : CHIFFRES 2017 – ND : NON DÉTERMINÉ

PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

CLASSEMENT



LES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

351-400 Rang 2020

Rang 2019

Société

Activité

Pays

Chiffre d’affaires 2018*

Résultat net 2018*

351

Orange Cameroun

Télécommunications

Cameroun

340

ND

352

329

Sania

Agro-industrie

Côte d’Ivoire

339,6

– 1,1

353

369

Airtel Uganda

Télécommunications

Ouganda

338,3

91,9

354

364

Conoil

Énergie

Nigeria

334,9

4,9

355

307

Bissa-Bouly Gold

Mines

Burkina Faso

330,8

ND

356

International Breweries

Agro-industrie

Nigeria

330,5

– 10,6

328,5

– 31,9

357

316

Maghreb Steel

Métallurgie, sidérurgie

Maroc

358

188

Orange Burkina Faso

Télécommunications

Burkina Faso

286

ND

359

442

Taqa Arabia

Énergie

Égypte

327,1

15,1

360

367

Autoroutes du Maroc

BTP

Maroc

326,5

10,9

361

BUA Cement

BTP

Nigeria

326,1

175,6 – 15,4

362

356

Aveng Mining

Mines

Afrique du Sud

326,3

363

261

Sudatel Telecom Group

Télécommunications

Soudan

325,7

49,1

364

392

Sidi Kerir Petrochemicals Co.

Énergie

Égypte

322,4

72,4

365

254

Industrial Promotion Services West Africa

Groupe diversifié

Côte d’Ivoire

321,3

6,8

366

322

Société Magasin général

Commerce

Tunisie

318,6

7,6

367

315

Beatrix Mine

Mines

Afrique du Sud

318,5

– 12,8 15,8

368

Société nationale burkinabè d’électricité

Eau, électricité & gaz

Burkina Faso

317,8

369

371

Enl Land Ltd

Agro-industrie

Maurice

317,8

39

370

372

Energie du Mali

Eau, électricité & gaz

Mali

317,2

– 114,9

371

301

Zain Sudan

Télécommunications

Soudan

316

45

372

342

Ceca Gadis

Commerce

Gabon

315,5

– 2,3

373

374

Ciel textile

Textile

Maurice

310,3

9

374

349

Dangote Flour Mills

Agro-industrie

Nigeria

307,8

– 3,2

375

378

Tasiast Mauritanie

Mines

Mauritanie

307,8

ND

376

359

Advtech Group

Services aux collectivités

Afrique du Sud

303,9

28,2

377

384

Entreprise nationale de grands travaux pétroliers

Énergie

Algérie

303,2

31,1

378

383

Ciments de l’Atlas

BTP

Maroc

301

61,2

379

345

Novus Holding

Bois, papier

Afrique du Sud

299,9

11,8

380

382

National Foods Holdings

Agro-industrie

Zimbabwe

297,9

17,2

381

447

Seven-Up Bottling Co.

Agro-industrie

Nigeria

297,6

ND

382

406

Semafo Burkina Faso

Mines

Burkina Faso

296,7

– 6,9

383

380

Orange Guinée

Télécommunications

Guinée

295,9

ND

384

377

Delta Holding

Groupe diversifié

Maroc

295,1

22,6

385

Orange RD Congo

Télécommunications

RD Congo

295,1

ND

386

395

Cervejas de Moçambique

Agro-industrie

Mozambique

293,9

34,3

387

357

Santova Logistics

Transports

Afrique du Sud

292,2

4,2

388

400

Press Corporation

Groupe diversifié

Malawi

291,6

49,9

389

328

Société des mines de Tongon

Mines

Côte d’Ivoire

390

393

Leal Group

Groupe diversifié

Maurice

291

31

289,5

7,1

391

403

Société d’exploitation des ports – Marsa Maroc

Transports

Maroc

287,3

56,9

392

399

New Mauritius Hotels

Tourisme, loisirs

Maurice

286,5

3,8

393

365

Chirano Gold Mine

Mines

Ghana

286

ND

394

387

Kenya Electricity Generating Co.

Eau, électricité & gaz

Kenya

285,8

77

395

455

Transnational Corp. of Nigeria

Groupe diversifié

Nigeria

285,4

29,2 25,1

396

360

Quantum Foods Holdings

Agro-industrie

Afrique du Sud

285,4

397

390

Companhia de transmissao de Moçambique

Eau, électricité & gaz

Mozambique

281,7

7,3

398

358

Alexander Forbes

Activité financière

Afrique du Sud

280,9

26,9

399

391

Distribution & Warehousing Network

Commerce

Afrique du Sud

280,9

– 34,4

400

363

Délice Holding

Agro-industrie

Tunisie

280,6

10,3

* En millions de dollars

62

no3090 – JUILLET 2020

CHIFFRES 2018 – EN ITALIQUE : CHIFFRES 2017 – ND : NON DÉTERMINÉ

CLASSEMENT


COMMUNIQUÉ

Gradian Health Systems

AVIS D’EXPERT

40W 25th St., 6th Floor, NewYork, NY 10010, USA Courriel : info@gradianhealth.org E facebook.com/GradianHealthSystems D @GradianHealth

www.gradianhealth.org

La résilience après l’urgence, l’Afrique devant l’enjeu des technologies médicales E

sources d’oxygène.

d’Afrique, mais aussi d’Europe, des États-Unis, et d’ailleurs. Face à un besoin numéraire impossible à combler, notre modèle d’entreprise sociale, qui place l’utilisateur au centre d’une offre technologique et didactique adaptée à son cadre clinique, nous a permis de transformer un moment de crise en opportunité de changement durable. La question qui nous a guidés est celle que doit se poser tout acteur du développement : où aurons-nous l’impact le plus important, et quelles sont les conditions d’un écosystème résilient ?

Un mois plus tard, la crise du Covid-19 créait une demande massive et mondiale pour les respirateurs. Si les besoins étaient si importants, c’est en partie parce que les services de réanimation ont été négligés dans de nombreuses régions du monde, y

Gardant à l’esprit les contraintes spécifiques des réanimateurs africains,nous n’avons pas répondu aux demandes provenant d’autres marchés, où notre technologie aurait moins d’impact une fois la crise passée. Nous avons accéléré la distribution de nos équi-

n février dernier, nos équipes

de NewYork,Nairobi et Dar-es-

Salaam faisaient ce qu’elles font d’ha-

bitude : vendre,distribuer, et former du personnel médical et biomédical sur l’utilisation et la maintenance de nos technologies - dont le Gradian CCV, un respirateur de réanimation conçu pour les infrastructures africaines. Il continue de fonctionner pendant les pannes de courant, et peut être raccordé à de multiples

La question qui nous a guidés est celle que doit se poser tout acteur du développement : où aurons-nous l’impact le plus important, et quelles sont les conditions d’un écosystème résilient ? compris en Afrique. La pandémie a mis un coup de projecteur brutal sur des vulnérabilités anciennes.

pements sur le continent, digitalisé nos formations, et renforcé le service technique local.

Une déferlante de demandes,excédant largement notre capacité de production, nous est venue non seulement

Pour nous, ce qui émerge de ces premiers mois de crise, où un nombre conséquent de respirateurs ont été

Lina SAYED, Chief Executive Officer

expédiés vers l’Afrique, c’est une validation du modèle que nous prônons : les technologies acquises pour renforcer les services de réanimation dans le cadre des plans de riposte contre le Covid-19 offriront un retour sur investissement bien supérieur si les utilisateurs sont accompagnés dans la durée et pas seulement dans l’urgence. Nous avons une longue relation avec la Sierra Léone, un pays qui n’est pas novice en matière de crises sanitaires. Quand le gouvernement nous a contactés pour des acquisitions d’urgence,les différents interlocuteurs du système de santé ont aussi abordé avec nous les questions de formation des ressources humaines et de renforcement des capacités biomédicales. C’est cette conversation qui est l’enjeu du monde post-Covid-19, car elle détient les clés pour développer des systèmes de santé capables de mieux résister aux crises présentes et futures.


LES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

401-450 Rang 2020

Rang 2019

Société

Activité

Pays

Chiffre d’affaires 2018*

Résultat net 2018*

401

413

Zambeef

Agro-industrie

Zambie

280,3

1,1

402

388

One Tech Holding

Équipement électrique

Tunisie

278,6

21,8

403

397

Princes Tuna

Agro-industrie

Maurice

277,9

– 2,3

404

370

Office national des télécommunications

Télécommunications

Burkina Faso

276,7

55,4

405

421

Axia Corp.

Commerce

Zimbabwe

275,9

16,9

406

404

Airtel RD Congo

Télécommunications

RD Congo

274,7

18,2

274,5

6,1

273

– 24,1

407

408

368

Wescoal

Mines

Afrique du Sud

Golden Star Resources

Mines

Ghana

409

401

Peermont Global

Tourisme, loisirs

Afrique du Sud

410

429

Kenya Pipeline Co.

Énergie

Kenya

411

408

Groupe des boissons du Maroc

Agro-industrie

Maroc

270,3

33,9

412

411

Compagnie centrale de réassurance

Activité financière

Algérie

268,5

25,9

BGI Ethiopia

Agro-industrie

Éthiopie

267,8

ND

Coronation Fund Managers

Conseil, audit

Afrique du Sud

266,4

101,8 31,8

413

414

366

272

ND

270,4

83,6

415

419

Rogers & Co.

Groupe diversifié

Maurice

265,4

416

435

Arise (ex-Gabon Special Economic Zone)

Transports

Gabon

264,5

91,4

417

420

Unilever Nigeria

Chimie, caoutchouc, plastique

Nigeria

261

28,9 40,8

418

402

Jubilee Holdings

Activité financière

Kenya

260,7

419

480

ELB Group

BTP

Afrique du Sud

257,1

7,7

420

394

MTN Bénin

Télécommunications

Bénin

256,9

ND

421

427

Cairo Poultry

Agro-industrie

Égypte

255,2

8,2

422

428

Atlanta assurances

Activité financière

Maroc

254,4

23,1

423

415

Avbob Industries

Activité financière

Afrique du Sud

251,6

0,5

424

418

Aveng Grinaker-Lta

BTP

Afrique du Sud

251,3

ND

425

385

Royal Bafokeng Platinum

Mines

Afrique du Sud

251,1

17,7

426

386

Compagnie générale immobilière

BTP

Maroc

250,3

– 5,7

427

417

Groupe industriel des productions laitières

Agro-industrie

Algérie

250

ND

428

410

TGCC

BTP

Maroc

249,5

23,6 ND

429

407

Bryte Insurance Co.

Activité financière

Afrique du Sud

249,2

430

398

Nestlé Côte d’Ivoire

Agro-industrie

Côte d’Ivoire

248,8

1,4

431

381

MRS Oil

Énergie

Nigeria

245,4

– 3,5

432

425

Orange Tunisie

Télécommunications

Tunisie

244,3

ND

433

451

Britam Holdings

Activité financière

Kenya

243,9

– 27,9

243,6

ND

434

490

Société de développement du doton du Cameroun

Agro-industrie

Cameroun

435

478

Indianoil Mauritius

Énergie

Maurice

243

6,1

436

445

Leadway Assurance Co.

Activité financière

Nigeria

241,2

16,5

437

436

Société des brasseries du Gabon

Agro-industrie

Gabon

239,6

ND

438

405

Société minière de Dinguiraye

Mines

Guinée

239

ND

237

202,2

439

422

Grindrod

Transports

Afrique du Sud

440

430

Al Arafa For Investment in Garments Manufacturing

Textile

Égypte

236,6

3,1

441

437

Engen RD Congo

Énergie

RD Congo

236,1

6,9

442

462

Guelb Moghrein Copper-Gold Mine

Mines

Mauritanie

443

373

Bidvest Namibia

Groupe diversifié

Namibie

235

ND

234,1

– 2,1

234

24,3

444

446

Société nationale d’assurances

Activité financière

Algérie

445

450

Brimstone Investment Corp.

Activité financière

Afrique du Sud

233,8

4,9

446

Société multinationale de bitumes

BTP

Côte d’Ivoire

233,5

13,7 13,7

447

470

Eqdom

Activité financière

Maroc

232,7

448

443

Société chérifienne d’auto. et de matériel agricole

Industrie automobile

Maroc

231,9

2,3

449

409

Alteo (ex-Deep River Beau Champ)

Agro-industrie

Maurice

231,8

19,9

450

454

Engen Botswana

Énergie

Botswana

231,6

11,6 * En millions de dollars

64

no3090 – JUILLET 2020

CHIFFRES 2018 – EN ITALIQUE : CHIFFRES 2017 – ND : NON DÉTERMINÉ

CLASSEMENT


Communiqué

L’OAPI appuie le développement d’une agriculture endogène et durable L’accès à des semences de qualité constitue un véritable défi pour les paysans africains dans un contexte marqué par le changement climatique. Pour relever ce défi, il est nécessaire de mettre à leur disposition un matériel végétal adapté à travers le système des obtentions végétales. C’est dans cette optique que l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) a lancé le Projet de Renforcement et de Promotion du Système de Protection des Obtentions Végétales (PPOV), avec le concours des partenaires au développement. Appui à la recherche agronomique Cette initiative vise à renforcer la promotion du système de protection des obtentions végétales dans les 17 États membres de l’OAPI, en vue de stimuler la productivité agricole, d’assurer la sécurité alimentaire et de promouvoir le développement durable. La mise en œuvre du projet va stimuler la recherche agronomique dans les 17 États membres, par le biais du renforcement des capacités des centres de recherche à réaliser l’examen DHS (Distinctivité, Homogénéité et Stabilité) de nouvelles variétés de plantes. La création et l’accréditation de 4 nouveaux centres d’examen DHS sont également prévues.

▲ Vue du présidium lors de la cérémonie officielle.

de moteur au développement agricole et donner une meilleure chance à l’agriculture d’être compétitive dans les États membres de l’OAPI et ailleurs. Il a plaidé pour que les obtentions végétales cessent d’être perçues comme une contrainte, mais plutôt comme un atout majeur qui peut contribuer significativement au développement des économies des pays membres de l’OAPI en renforçant la production agricole. « Il en va de l’intérêt de nos populations » a-t-il affirmé. ■

Le projet inclut la formation de 20 experts à l’examen DHS et de plus de 500 parties prenantes aux politiques et stratégies efficientes de production, de valorisation et de commercialisation des obtentions végétales. Le projet PPOV : un atout majeur Un contrat de financement du projet a été signé avec la Commission Européenne et l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) par le Directeur général de l’OAPI, M. Denis L. BOHOUSSOU, le 4 juillet 2019, au siège de l’OMC à Genève. Le PPOV a été officiellement lancé le 23 septembre 2019 à Lomé au Togo. À cette occasion, M. Denis L. BOHOUSSOU s’est dit convaincu que la propriété intellectuelle peut servir

▲ Signature du contrat par le DG de l’OAPI, M. Denis L. BOHOUSSOU entouré de M. Viwanou GNASSOUNOU, SousSecrétaire Général du Groupe ACP, à sa droite, et de M. Axel POUGIN DE LA MAISONNEUVE de la Commission Européenne, à sa gauche.

À Propos de l’OAPI L’OAPI est l’office intergouvernemental des 17 États membres chargé de délivrer les titres de propriété industrielle, notamment les brevets d’inventions et les certificats d’enregistrement des marques de produits ou de services, des dessins ou modèles industriels et des obtentions végétales. C’est également l’agence chargée de promouvoir l’utilisation stratégique de la propriété intellectuelle à des fins de développement dans les États membres. États membres de l’OAPI Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République Centrafricaine, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo.

OAPI, Place de la Préfecture - BP 887, Yaoundé, Cameroun Tél. (+237) 222 205 700 / 699 314 672 / 677 314 084 Email : oapi@oapi.int

www.oapi.int f n t


LES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES

451-500

Chiffre d’affaires 2018*

Résultat net 2018*

Rang 2020

Rang 2019

Société

Activité

Pays

451

433

Radeema

Eau, électricité & gaz

Maroc

230,5

16

452

Abosso Goldfieds – Damang Mines

Mines

Ghana

229

ND

453

439

Groupe Intelcia

Services aux collectivités

Maroc

228,9

ND

454

396

Société africaine de plantations d’hévéas

Agro-industrie

Côte d’Ivoire

225,9

– 1,5

455

Misr Life Insurance Co.

Activité financière

Égypte

223,8

65,4

456

National Co. For Maize Products

Agro-industrie

Égypte

222

4

457

460

Airtel Zambia

Télécommunications

Zambie

216,5

35,9

458

424

UAC of Nigeria

Groupe diversifié

Nigeria

215,8

– 26

459

412

Hyprop Investments

BTP

Afrique du Sud

215,6

174,5

460

464

Airtel Tanzania

Télécommunications

Tanzanie

214,8

– 15,8

461

444

Botswana Insurance Holdings

Activité financière

Botswana

214,7

33,9

462

491

Old Mutual Zimbabwe

Activité financière

Zimbabwe

214,1

300,7

463

Auto Nejma

Industrie automobile

Maroc

213,5

11,8

464

416

Tullow Gabon

Énergie

Gabon

213,6

ND

465

488

Swan Group

Activité financière

Maurice

213,5

10

466

467

Fonds spécial d’équipem. et d’interv. intercommunale

Services aux collectivités

Cameroun

212,4

ND 10,5

467

475

Sanad assurance

Activité financière

Maroc

211,6

468

466

Société centrale de réassurance

Activité financière

Maroc

211,6

31,4

469

473

Tanger Med Port Authority

Transports

Maroc

211,2

83,4

470

-

Edita Food Industries

Agro-industrie

Égypte

210,6

16,9

471

339

South Deep Gold Mine

Mines

Afrique du Sud

210,1

– 224,7 11,8

472

Misr National Steel

Métallurgie, sidérurgie

Égypte

209,1

473

449

Workforce Holdings

Services aux collectivités

Afrique du Sud

208,7

7,2

474

432

Maridive and Oil Services

Énergie

Égypte

208,2

12,9

475

436

NU World Holdings

Transports

Afrique du Sud

208

12,9

476

Sixth of October Development & Investment Co.

BTP

Égypte

207,8

25,2 ND

477

465

Groupe Sipromad

Groupe diversifié

Madagascar

206,1

478

Petro ivoire

Énergie

Côte d’Ivoire

206

0,1

479

Phoenix Beverages

Agro-industrie

Maurice

205,6

11,4

480

484

Afrimat

BTP

Afrique du Sud

205,4

21,1

481

498

Mauritius Telecom

Télécommunications

Maurice

205,3

14

482

474

Airports of Mauritius

Transports

Maurice

205,1

ND 13,8

483

Simbisa Brands

Tourisme, loisirs

Zimbabwe

204,7

484

426

Deneb Investments

Activité financière

Afrique du Sud

204,6

–1

485

441

Snmvt – Monoprix

Commerce

Tunisie

204,4

ND

486

487

Honeywell Flour Mills

Agro-industrie

Nigeria

203,9

0,2

487

453

PZ Cussons Nigeria

Chimie, caoutchouc, plastique

Nigeria

203,7

3,2

488

493

Britam Kenya

Activité financière

Kenya

203,1

ND

489

Egyptian International Tourism Co.

Tourisme, loisirs

Égypte

202,7

ND

490

British American Tobacco Kenya

Agro-industrie

Kenya

202,5

39,9

491

492

481

493

494

477

495

496

483

Airtel Kenya

Télécommunications

Kenya

201,7

28

Gabon télécom

Télécommunications

Gabon

201,7

ND

Krystal Digital Network Solutions Ltd

Informatique, nouvelles technologies

Nigeria

201,3

2,2

Umgeni Water-Amanzi

Eau, électricité & gaz

Afrique du Sud

201

82,3

Compagnie sahélienne d’entreprise

BTP

Sénégal

200,9

4,9

Compagnie algérienne des assurances

Activité financière

Algérie

200,9

22,6 64,3

497

452

The Rand Mutual Assurance Co.

Activité financière

Afrique du Sud

199,7

498

458

MTN Zambia

Télécommunications

Zambie

198,9

ND

499

438

Zambia Sugar

Agro-industrie

Zambie

196,7

0,9

500

461

Rössing Uranium Mine

Mines

Namibie

196,3

11,5

* En millions de dollars

66

no3090 – JUILLET 2020

CHIFFRES 2018 – EN ITALIQUE : CHIFFRES 2017 – ND : NON DÉTERMINÉ

CLASSEMENT


PUBLIRÉDACTIONNEL

L’Organisation des Zones Economiques Africaines (AEZO) se penche sur les Défis des Zones Economiques Africaines face à la Crise du Covid -19 En partenariat avec la Commission de l’Union Africaine, l’Organisation des Zones Economiques Africaines (AEZO) a tenu le 10 juin 2020, une édition spéciale de son webinaire sous le thème «Les zones économiques en Afrique face à la crise de Covid-19». La conférence a réuni plus de 280 participants représentant 70 pays. Cette session a été marquée par le discours d’introduction de S. E. l’Ambassadeur Albert Muchanga, Commissaire au Commerce et à l’Industrie de la Commission de l’Union Africaine, qui a félicité AEZO pour son initiative et rappelé le rôle crucial de la ZLECAF pour assurer la progression des zones économiques en Afrique.

AFRICA ECONOMIC ZONES ORGANIZATION

M. Ahmed Bennis, Secrétaire Général de l’Organisation des Zones Economiques Africaines (AEZO) et Directeur du Développement du Groupe Tanger Med, a souligné que la crise du COVID-19 pourrait être une opportunité pour reconsidérer la chaine de valeur régionale et l’intégration industrielle en impliquant les Zones Economiques en tant que stimulateur pour le déploiement de politiques innovantes.

Les Zones Economiques sont considérées comme l’un des instruments les plus populairesdedéveloppementéconomique et ont significativement contribué à la croissance du PIB dans le continent africain. Plus de 189 Zones économiques ont été développées et 57 projets sont en cours de réalisation.

M. Christopher Marks, Directeur des Marchés Emergents à Mitsubishi UFJ Financial Group, a modéré le débat mené par des représentants de haut niveau de la Commission de l’Union Africaine, la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), la SFI - Groupe de la Banque Mondiale et l’AfroChampions Initiative.

Au cours des cinq dernières années, la mise en place de Zones économiques en Afrique a généré plus de 60 millions d’emplois dans divers secteurs notamment l’industrie, l’agroalimentaire et les services.

Les conférenciers se sont focalisés sur les principales lignes directrices pour soutenir la durabilité des zones économiques, lesquelles pourraient être un déclencheur de la reprise économique du Continent face à la pandémie du COVID-19. Ils ont présenté des solutions pratiques pour soutenir les exportations, l’attraction des IDE et le maintien des emplois. Ce webinaire a également permis d’exposer l’expérience pilote de la plateforme industrielle Tanger Med Zones, qui a mis en œuvre un Plan de Continuité des Activités et une série de mesures spécifiques pour assurer une qualité de services répondant aux standards internationaux, et pour soutenir les activités industrielles d’import-export au sein de ses 6 zones d’activités.

Fondée en novembre 2015 par le Groupe Tanger Med, l’Organisation des Zones Economiques Africaines (AEZO) est une association continentale regroupant les principales institutions publiques et privées en charge du développement, de la gestion et de la promotion des zones économiques en Afrique. Avec près de 80 membres représentants 45 pays, AEZO s’efforce de soutenir les projets des zones économiques Africaines et de renforcer les relations au sein de son écosystème en mettant l’accent sur la croissance et la prospérité.

TESMIMONIALS «...Les zones économiques africaines pourraient être le fer de lance de la relance de l’activité économique dans le sillage de Covid-19, basée sur la diversification de la chaîne de valeur, l’intégration régionale et l’attraction des investissements...». M. Ahmed Bennis,

Secrétaire Général (AEZO) et Directeur du Développement du Groupe Tanger Med

«...Le ciel est la limite pour l’Organisation des zones économiques africaines pour faire face à la pandémie de COVID-19, réaliser son plein potentiel et se développer sur une base durable...». S. E. l’Ambassadeur Albert Muchanga,

Commissaire au Commerce et à l’industrie de la Commission de l’Union Africaine


AFRIQUE SUBSAHARIENNE PEULS

Ces Peuls avaient fui le centre du Mali pour se réfugier dans le camp de Faladié, près de Bamako. Celui-ci a été ravagé par un incendie le 28 avril.

Le grand


74 Côte d’Ivoire Henri le Conquérant

8O RD Congo Kabila, chef un jour, chef toujours ?

84 Centrafrique Bangui, nid d’espions

malentendu Au Mali, au Niger et au Burkina, nombre de jeunes Peuls ont rejoint les groupes jihadistes. Mais la majorité, soupçonnée à tort et prise pour cible, est à bout.

L MICHELE CATTANI/AFP

BENJAMIN ROGER, AVEC AÏSSATOU DIALLO

a liste s’allonge de jour en jour. Vingt-six personnes exécutées par l’armée dans le village de Binedama, au Mali, le 5 mai. Douze autres retrouvées mortes dans les locaux de la gendarmerie à Tanwalbougou, au Burkina Faso, le 11 mai. D’autres encore tuées par les forces de défense et de sécurité nigériennes lors d’une opération ratissage dans la région du Tillabéri, entre la fin de mars et le début d’avril. Maliens, Burkinabè, Nigériens… Tous ces civils avaient un point commun : ils appartenaient à la communauté peule. S’ils ne sont pas les seuls à être visés, les Peuls sont souvent les principales victimes des exactions commises par les forces armées sous le couvert de la « lutte antiterroriste ». Ces derniers mois, les raids punitifs menés par des hommes en uniforme se sont multipliés à travers le Sahel. Des atrocités régulièrement dénoncées par les ONG de défense des droits humains, mais pas seulement : en avril, la Minusma déplorait ainsi la « multiplication » des exécutions extrajudiciaires perpétrées par les Forces armées maliennes (Famas) durant le

69


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

PEULS

premier trimestre de 2020, tandis que l’Union européenne et la France – quoique en des termes prudents – disaient elles aussi leur préoccupation. Derrière cette guerre sale, une idée sousjacente : celle que les Peuls constitueraient le gros des troupes jihadistes sévissant du delta intérieur du Niger à la zone des trois frontières. Il n’y a ni chiffre ni statistique solide qui permettent d’étayer ce constat. Seulement des estimations plus ou moins précises, élaborées sur la base de sources locales et sécuritaires. Certains groupes sont ainsi réputés pour être composés en majorité de combattants peuls : la katiba Macina, d’Amadou Koufa – filiale du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), d’Iyad Ag Ghaly ; la katiba Serma ; la faction burkinabè Ansarul Islam ; enfin, l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), d’Abou Walid al-Sahraoui. De Bamako à Niamey en passant par Ouagadougou, il n’est pas rare d’entendre cette petite phrase – fausse mais lourde de

sous-entendus : « Tous les Peuls ne sont pas jihadistes, mais tous les jihadistes sont peuls. » Et peu importe si, à travers ces différents pays, ces groupes comptent des combattants de nombreuses autres communautés. Touaregs, Arabes, Songhaïs, Dogons, Sénoufos, Mossis… Les exemples ne manquent pas, tant parmi les « petites mains » que parmi les chefs. Au Sahel comme ailleurs, les clichés ont la vie dure.

Fulfulde

« Certains de nos hommes sur le terrain sont traumatisés, explique un gradé burkinabè. Quand ils entendent quelqu’un parler ful­ fulde, ils ont peur. Beaucoup pensent que tous les terroristes sont peuls. C’est un vrai problème. » Or, dans les zones où les Peuls sont souvent majoritaires, il n’est pas rare que les populations parlent fulfulde, même si elles ne sont pas peules. « Par exemple, au Burkina, il y a aussi des Bellas dans les groupes jihadistes, mais, comme ils parlent fulfulde, personne ne fait la différence », poursuit l’officier.

La bataille de l’opinion

Q

u’elles soient locales, nationales ou internationales, de plus en plus d’associations peules dénoncent la stigmatisation et les violences dont leur communauté fait l’objet au nom de la lutte contre le jihadisme dans le Sahel. Elles publient des rapports, organisent des manifestations et font du lobbying, notamment auprès de la France, présente dans la région avec la force Barkhane et fer de lance du partenariat européen avec les pays du G5 Sahel. « Devant le silence assourdissant des autorités face aux graves violations des droits humains, il devenait nécessaire d’en parler et d’attirer l’attention sur les violences commises envers notre communauté », confie Abou Sow, président de Tabital Pulaaku Mali. Créée dans les années 1990, cette association de promotion de la culture peule dispose d’un vaste réseau sur le continent africain, en Europe et aux États-Unis. Elle

70

no3090 – JUILLET 2020

participe aux initiatives locales de médiation pour résoudre les conflits intercommunautaires dans le centre du Mali. Et peut compter sur le soutien de l’Association malienne des droits de l’homme, qui saisit les autorités chaque fois que des massacres ou des exécutions extrajudiciaires ont lieu. Au début de juin, Abou Sow a dressé devant la presse une liste de civils, tués dans le Centre, selon lui en raison de leur appartenance ethnique.

Signalements

L’Observatoire Kisal pour la protection des droits humains au Sahel s’est, lui, fait remarquer grâce à la présence active des membres de son bureau de Paris dans les médias internationaux. Représentée au Mali, au Burkina, au Bénin et au Niger, l’organisation projette de créer un bureau au Togo et en Guinée. « Des équipes nous font remonter les informations du terrain. Nos signalements et rapports ont

toujours été corroborés par d’autres organisations. Cela nous confère une certaine crédibilité et nous ouvre des portes lorsque nous voulons aborder le sujet des exactions avec des institutions internationales, explique Binta Sidibé-Gascon, vice-présidente de Kisal. Nous interpellons également les autorités françaises à propos de ce qui se passe dans le Sahel. Nous sommes, par exemple, en contact avec la députée La République en marche Sira Sylla et avons échangé en janvier avec le diplomate JeanMarc Châtaigner. » Au Burkina, la lutte est menée par le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (Cisc), qui regroupe plus d’une trentaine d’associations culturelles et d’ONG. Pour Daouda Diallo, son secrétaire général, « le massacre de Yirgou, en janvier 2019, a été un choc dans la conscience collective. Mais il ne faut pas en faire une question uniquement peule. Cela concerne tout le monde, et tout le monde doit s’engager dans la lutte ». AÏSSATOU DIALLO


CAPTURE ÉCRAN/YOUTUBE/FRANCE 24

Vidéo de propagande du Malien Amadou Koufa, chef de la katiba Macina.

« La stigmatisation latente des Peuls transparaît très clairement chez de nombreux responsables politiques et sécuritaires sahéliens », estime un diplomate africain implanté de longue date dans la région, qui dément toutefois l’existence d’une politique de « nettoyage ethnique » qui serait délibérément appliquée par les gouvernements. D’ailleurs, au Mali, au Burkina ou au Niger, des Peuls occupent des postes à responsabilité. Certains sont ministres, présidents d’institution, officiers ou sous-officiers… « Le problème, résume l’un d’eux, c’est que ces élites urbanisées n’ont rien à voir avec les jeunes éleveurs défavorisés qui viennent grossir les rangs des katibas à des centaines de kilomètres des salons bamakois ou ouagalais qu’elles fréquentent. » Revenons en arrière pour comprendre comment l’on en est arrivé là. Dans les années 2000, une crise frappe durement le pastoralisme nomade sahélien. Déficits pluviométriques, sécheresse, diminution des pâturages et donc des troupeaux… Ces difficultés socio-économiques frappent de plein fouet les Peuls nomades qui vivent de l’élevage. Rapidement, des conflits locaux autour de l’accès aux ressources naturelles émergent entre éleveurs, puis avec des agriculteurs et des pêcheurs sédentaires. En 2012, la crise malienne explose. « Les armes ont commencé à circuler de plus en plus librement. Ce

AU SEIN DES KATIBAS, IL Y A AUSSI DES ARABES, DES DOGONS, DES TOUAREGS OU DES MOSSIS… BREF, LES CLICHÉS ONT LA VIE DURE.

tournant majeur a largement contribué à faire dégénérer la situation dans la zone », estime Jean-Hervé Jezequel, directeur du projet Sahel à l’International Crisis Group. Certains éleveurs peuls s’arment, pour protéger leurs troupeaux et leurs couloirs de transhumance, mais aussi pour se défendre d’autres groupes communautaires qui se sont rapprochés de certaines factions armées. C’est dans ce contexte troublé qu’émerge la figure d’Amadou Koufa. Celui qui deviendra le premier chef jihadiste peul d’envergure se fait connaître (comme par la suite Ibrahim Malam Dicko, le fondateur d’Ansarul Islam, au Burkina) en dénonçant les injustices faites à ses « frères »: conditions de vie difficiles, rackets des forces de l’ordre, absence de services sociaux de base… Mais les élites peules – chefs religieux, maires ou notables, qu’il accuse d’entretenir les inégalités en maintenant une organisation féodale – sont également dans son viseur. « Nous n’avons jamais eu de marge de manœuvre, déplore l’un d’eux, désormais réfugié à Ouagadougou. Les gens de Koufa ou de Dicko ont tué tous les responsables de leur propre communauté, en allant du chef de village au chef de canton. C’est pour cela que beaucoup ont fui, laissant le champ libre aux jihadistes. »

Hors de contrôle

Avec son discours engagé et révolutionnaire, Koufa séduit une partie de la jeunesse peule pauvre et marginalisée du centre du Mali. La plupart de ses combattants sont, comme lui, originaires de la « zone inondée » (le delta intérieur du fleuve Niger), d’autres viennent du Séno, près de la frontière avec le Burkina. En janvier 2015, son groupe mène ses premières attaques à Dioura et à Ténenkou. Au fil des mois, il se renforce. Et se place sous la tutelle d’Iyad Ag Ghaly, qui, en parallèle, s’est imposé comme l’homme d’Al-Qaïda au Mali. Les raids se multiplient. Après le Nord, le Centre devient hors de contrôle. Les jihadistes y sont chez eux et font régner leur loi. Bientôt la contagion gagne le nord du Burkina frontalier. Sous-équipées, mal payées et mal considérées, les forces de défense et de sécurité semblent constamment dépassées. Elles combattent les jihadistes en faisant des descentes dans les villages où elles les suspectent de se cacher ou d’y avoir de la famille. « Il peut y avoir des actions de représailles commises contre certains Peuls, reconnaît un officier burkinabè. Mais pas parce qu’ils sont peuls, juste parce qu’ils ont ciblé nos troupes.

no3090 – JUILLET 2020

71


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

MARCO LONGARI/AFP

PEULS

Ex-combattants jihadistes attendant d’être désarmés, dans un camp de Sévaré (centre du Mali) dirigé par l’homme d’affaires Sékou Bolly, en juillet 2019.

Certains nient la réalité. Ils sont convaincus que leurs proches n’ont rien à voir avec les terroristes alors qu’ils sont à leurs côtés. » En grande difficulté, les autorités maliennes et burkinabè ont fini par s’appuyer sur des milices communautaires pour tenter de contrer les jihadistes: Dan Na Ambassagou et ses chasseurs dogons au Mali, groupes d’autodéfense Koglweogo et leurs membres majoritairement mossis, aujourd’hui recyclés en « volontaires pour la défense de la patrie », au Burkina. Un pari risqué pour un même résultat : dans ces deux pays, les violences intercommunautaires ont flambé, et le poison de la vengeance s’est insidieusement répandu. Des deux côtés de la frontière, des civils innocents, dont des femmes et des enfants, sont aujourd’hui exécutés par des miliciens en armes parce qu’ils appartiennent à telle ou telle communauté. Koulogon, Ogossagou, Yirgou… Plusieurs massacres de masse ont ensanglanté des villages peuls. Il n’en faut souvent pas davantage pour précipiter certains de leurs habitants dans les bras des jihadistes, qu’ils perçoivent comme un recours face aux persécutions. « Il y a des jeunes dont les villages ont été attaqués par

72

no3090 – JUILLET 2020

des milices d’autodéfense en toute impunité. À leurs yeux, si l’État n’assure pas la justice, c’est à eux d’aller la chercher auprès de tierces personnes », explique Abou Sow, le président de l’association Tabital Pulaaku, au Mali.

Argent, motos et kalachnikovs

De leur côté, les chefs de katibas, à commencer par Koufa, n’hésitent plus à jouer sur la fibre communautaire pour gonfler leurs rangs. « Au départ, quand ils passaient dans les villages, les jihadistes prêchaient et dénonçaient l’attitude de ceux qui ne respectaient pas la charia, raconte un habitant de la région de Mopti. Puis ils ont insisté sur le fait qu’ils se battaient contre l’injustice et pour rétablir la sécurité. Parfois, ils donnaient même de l’argent, des motos et des kalachnikovs pour que les gens puissent se défendre. » Parfois, aussi, certains n’ont pas eu d’autre choix que de rallier les katibas. « Quand toute votre famille a été massacrée, que vous n’avez nulle part où aller et que vous n’avez aucun moyen de subsistance,

DES CHEFS JIHADISTES N’HÉSITENT PLUS À JOUER SUR LA FIBRE COMMUNAUTAIRE POUR GONFLER LEURS RANGS. OU RECRUTENT DE FORCE.


vous êtes contraint de rejoindre ces groupes jihadistes malgré vous », explique Boubakary Diallo, secrétaire général des Rugga, une association d’éleveurs au Burkina. Sans compter les recrutements forcés, comme ceux pratiqués par l’EIGS dans la région des trois frontières, où des familles peules ont été obligées de fournir des combattants sous peine de représailles.

Amertume

Face à ces questions aussi complexes qu’explosives, les organisations de la société civile accusent les autorités d’inaction. Le Plan de sécurisation intégrée des régions du centre du Mali n’a pas apporté d’améliorations tangibles, pas plus que le Plan d’urgence pour le Sahel au Burkina. Seules quelques initiatives ont parfois permis de parvenir à des cessez-le-feu locaux, mais rien de durable ni d’étendu à de plus vastes zones. « Ces problèmes n’ont jamais été pris à brasle-corps. Il n’y a jamais eu de message gouvernemental clair sur le fait que tous les Peuls n’étaient pas des jihadistes, ni de geste symbolique fait à leur égard », s’indigne une source onusienne. Conséquence: un vrai malaise est désormais perceptible au sein de cette communauté, dont les représentants ne cachent pas leur amertume. « Malheureusement, la situation ne s’améliore pas, et les massacres se répètent sans que rien ne change. Cela suscite beaucoup d’incompréhensions, car les États sont censés être garants de la sécurité de tous leurs citoyens », déplore Adame Ba Konaré, écrivaine et épouse de l’ex-président malien Alpha Oumar Konaré. Après avoir un temps cohabité, voire coopéré ponctuellement pour certaines opérations, le GSIM et l’EIGS se livrent désormais une guerre pour le leadership jihadiste dans la région. Depuis le début de l’année, les accrochages se sont multipliés entre les différentes katibas du centre du Mali à la zone des trois frontières, faisant plusieurs dizaines de morts dans chaque camp. Koufa, Sahraoui et leurs lieutenants essaient donc d’attirer de nouveaux combattants, en particulier au sein des communautés peules qu’ils utilisent déjà comme viviers. « Ils s’en servent comme de la chair à canon, lâche un officier des renseignements à Bamako. Mais ce serait une erreur de penser que c’est seulement le problème des Peuls ou d’une autre communauté. Toute la région s’enfonce dans la crise. Si rien n’est fait, la situation va largement se détériorer. »

Lac Tchad Boko Haram en terrain fertile

M

oins d’espace. Plus de prétendants. Menacé d’assèchement, l e l a c Tc h a d n’est plus que l’ombre de lui-même. Occupées par une majorité d’insulaires de l’ethnie boudouma, les zones lacustres subsistantes, situées entre le Niger et le Nigeria, sont devenues un eldorado convoité. Des alliances se sont nouées, des milices armées ont prospéré, et les jihadistes, dont la stratégie de recrutement est plus opportuniste que communautaire, en ont profité. Retour en 2015. La fermeture de la frontière nigéro-nigériane et l’évacuation des î les nigériennes du lac provoquent, cette année-là, une arrivée massive de nouveaux éleveurs autour des points d’eau encore libres d’accès, où Peuls (Wodaabes, Bororos ou Bokolodjis) et Boudoumas deviennent rivaux. « Les intérêts [des jihadistes de Boko Haram] ont alors parfois coïncidé avec ceux des Boudoumas, expliquent les chercheurs nigériens Mahamadou Abdourahamani et Maman Waziri Mato. Les premiers ont voulu expulser les populations qui refusaient de leur prêter allégeance, tandis que les seconds ont saisi l’occasion d’essayer de chasser les “étrangers”. » Peu de temps après, les Peuls sont revenus s’installer sur les îles. Ils voulaient alors sécuriser de nouveaux territoires, après l’ensablement de leurs

anciens pâturages. Cela a été mal perçu. Certains jeunes Boudoumas, quand ils n’avaient pas déjà rejoint leurs propres groupes d’autodéfense, ont offert leurs services à Boko Haram. Quant aux milices peules, profitant de l’absence de l’État, elles se sont armées de plus belle. « Chacun a cherché à se positionner avant la normalisation de la situation sécuritaire », concluent Abdourahamani et Waziri Mato.

Fantasmes

Les affrontements se sont multipliés et la stigmatisation des Peuls s’est accrue. D’autant que, dans le sud et dans le centre du Nigeria, la crise avant tout économique entre éleveurs et agriculteurs a réveillé le fantasme et la peur d’un jihad peul (et antichrétien) destiné à rétablir l’ancien califat de Sokoto (fantasme que Bernard-Henri Lévy a largement relayé dans la presse internationale en 2019). Et, une nouvelle fois, la rhétorique « chrétiens contre musulmans » a profité au groupe jihadiste, en affaiblissant le chef de l’État nigérian, Muhammadu Buhari. « Boko Haram joue sur les fantasmes ethniques pour fertiliser son terreau, et notamment ses recrutements, qui sont très opportunistes, explique un chercheur nigérian. L’organis ation profite du chaos pour nouer des alliances et maintenir son pouvoir de nuisance. » MATHIEU OLIVIER

no3090 – JUILLET 2020

73


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

CÔTE D’IVOIRE

Henri le Conquérant

Après avoir, selon son habitude, gardé le silence et entretenu le suspense, Henri Konan Bédié brigue l’investiture du PDCI pour la présidentielle d’octobre. À 86 ans, le Sphinx se sent pousser des ailes. Le rêve de toute une vie va-t-il être exaucé?

D

VINCENT DUHEM, À ABIDJAN

ABIDJAN.NET

e tous les poids lourds de la scène politique ivoirienne, Henri Konan Bédié est le plus âgé. Ambassadeur, maire, ministre, président de l’Assemblée nationale, chef de l’État… Il a tout fait, tout connu. Pourtant, à 86 ans, il demeure un mystère, y compris pour ceux qui le côtoient depuis des années. On le dit placide et distant, joueur et séducteur. Mais

74

no3090 – JUILLET 2020

comment comprendre un homme qui ne parle pas, ou si peu, qui s’applique à ne jamais rien laisser transparaître de ses émotions ? Certains disent du silence qu’il est l’arme des puissants. Bédié, lui, en a fait un art. Le 20 juin, il a officialisé sa candidature à l’investiture du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), dont la convention aura lieu à la fin de juillet, trois mois avant la présidentielle. S’il a tenu à entretenir le suspense

jusqu’au bout, les jeux étaient déjà faits. Les 4 et 5 juin, les critères d’éligibilité avaient éliminé une bonne partie des autres prétendants éventuels. Tout s’est fait lors d’un bureau politique dont le déroulement aura parfaitement résumé l’emprise qu’exerce Bédié sur le PDCI, un parti profondément rural, au fonctionnement quasi soviétique. « Quand il convoque un bureau politique ou organise un


congrès, c’est qu’il est déjà terminé », analyse un cadre du PDCI. Les jours précédents, les jeunes loups avaient affûté leurs lames. Les fameux critères d’éligibilité avaient fuité dans la presse. Patrice Kouassi Kouamé, député de Yamoussoukro, et Yasmina Ouégnin, élue à Cocody, ont eu beau crier au scandale, rien n’y a fait. « En vérité, beaucoup étaient en désaccord avec ces critères, explique un baron du parti. Mais – et c’est typique du PDCI – au moment de voter, tout le monde s’est rangé derrière Bédié. Trop de gens lui doivent leur poste. Et puis chez nous, les Akans, on préfère se taire plutôt que d’humilier le chef. » Ce jour-là, le Sphinx de Daoukro portait une chemise vert et blanc, aux couleurs du PDCI, et une visière de protection contre le coronavirus, frappée de ses initiales. Il a pris place

IL A PRIS PLACE À LA TRIBUNE, PUIS, TEL UN SUZERAIN S’ADRESSANT À SES VASSAUX, S’EST RETIRÉ POUR « PERMETTRE UN DÉBAT SEREIN ». à la tribune, a prononcé son « discours d’orientation », puis, tel un suzerain s’adressant à ses vassaux, s’est retiré pour « permettre un débat serein ». « Bédié donne parfois l’impression d’être méprisant et suffisant, reconnaît un ancien proche. Mais c’est surtout parce qu’il a conscience de sa supériorité. » Si Henri Konan Bédié règne en maître sur l’ancien parti unique, c’est d’abord parce qu’il le finance depuis des années. C’est aussi parce qu’il en est l’un des membres les plus anciens. Il a prononcé son premier discours en 1965, est devenu son président en 1993,

à la mort de Félix Houphouët-Boigny. Depuis, tous ceux qui ont tenté de le chahuter, de Laurent Dona Fologo à Alphonse Djédjé Mady en passant par Charles Konan Banny, Kouadio Konan Bertin ou Patrice Kouame Kouadio, s’y sont cassé les dents.

Inflexible

Chaque fois, le Sphinx est parvenu à contrecarrer leurs plans. Quand, en 2013, de jeunes ambitieux qui lorgnent sa succession contestent son leadership en interne, Bédié demeure inflexible. Malgré la fronde, il abolit la limite d’âge pour diriger le parti,

Cérémonie de clôture du bureau politique du PDCI-RDA, à Abidjan, le 5 juin. Au centre, Henri Konan Bédié.

no3090 – JUILLET 2020

75


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

CÔTE D’IVOIRE

en modifie l’organigramme, supprime le poste de secrétaire général – lequel était jusque-là élu – au profit d’un secrétaire exécutif, nommé par lui-même. Depuis, il choisit aussi les membres du bureau politique, dont il modèle la composition à sa guise. En 2018, la brouille avec Alassane Ouattara, puis le départ de nombreux cadres du PDCI pour le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) marquent un tournant. Le président et lui ne se parlent plus qu’en de rares occasions. Bédié n’a pas digéré que sa parole soit publiquement mise en cause. Il s’est senti humilié quand le chef de l’État a affirmé ne lui avoir jamais promis son soutien pour une candidature PDCI en 2020.

Avec Alassane Ouattara, à Yamoussoukro, le 15 novembre 2010.

L’épisode a laissé des traces. Bédié s’est résolu à consulter davantage, notamment les ambitieux Jean-Louis Billon et Thierry Tanoh. Paradoxalement, il en est sorti renforcé : dans cette adversité nouvelle, il a trouvé une seconde jeunesse. Se posant comme l’unique garant de la survie d’un parti affaibli, il est parvenu à instiller l’idée que le retour au pouvoir du PDCI passe irrémédiablement par lui, alors même que, lors de la campagne de 2010, il se disait trop vieux pour prétendre à plus d’un mandat… « Je veux reprendre le pouvoir pour le parti et compte sur sa jeune garde pour le gérer », confie-t-il en privé. « Tout le monde n’est pas convaincu que Bédié est la meilleure option, mais il y a eu une sorte de deal générationnel, résume un cadre du mouvement. Le PDCI a préféré reporter à l’après-présidentielle le règlement des conflits internes. L’heure est à l’union sacrée pour mettre le pouvoir actuel dehors. » « Bédié a oublié de vieillir », entend-on régulièrement au siège

« ON NE LUI A PAS APPORTÉ LE POUVOIR SUR UN PLATEAU D’ARGENT. IL S’EST BATTU EN PERMANENCE POUR L’AVOIR. »

76

no3090 – JUILLET 2020

du PDCI. En Côte d’Ivoire, et pas seulement au sein de son parti, le Sphinx continue de susciter une forme d’incompréhension. « Bédié est un homme sur qui beaucoup se méprennent. Les gens ont toujours considéré qu’on lui avait apporté le pouvoir sur un plateau d’argent. Or, il l’a désiré très tôt et s’est battu pour lui en permanence. Comme aujourd’hui. Mais c’est une ambition saine », estime l’historien Frédéric Grah Mel. Les tenants du pouvoir le disent « sénile » et « grabataire ». Le 19 octobre 2019, quand il est pris d’une quinte de toux alors qu’il prononce un

SIA KAMBOU/AFP

Dattes et Montecristo n° 5

discours sur la place Jean-Paul-II, à Yamoussoukro, un long frisson parcourt la foule. « Je suis en meilleure santé que tous mes adversaires », rétorque l’orateur à ceux qui émettent des doutes sur sa capacité à exercer un poste à responsabilité. Les dangers du cigare, qu’il a commencé à fumer lorsqu’il était ambassadeur aux États-Unis, dans les années 1960? « Je n’avale pas », répond-il, taquin. À l’en croire, les Montecristo n° 5 et les dattes sont même les secrets de sa longévité. L’ancien président tient rarement plus de trois heures en réunion, mais il a toute sa tête. On l’oublie parfois, mais il fut un brillant intellectuel, un étudiant engagé, parfois turbulent,


Douze apôtres

Si l’heure du déjeuner approche, il invite parfois son visiteur à partager sa table. Ce n’est pas celle des douze apôtres, mais pas loin. Tout le monde est assis du même côté, face à la piscine. Lui trône au milieu et a son propre menu. Il prendra peut-être un verre ou deux, jamais plus. Depuis longtemps, il surveille sa consommation d’alcool. Il fut pourtant un bon vivant et, dans les années 1970,

organisait des fêtes prisées, au cours desquelles la bourgeoisie dépensait sans compter les fruits du miracle ivoirien et où le champagne coulait à flots. C’est à cette époque que Bédié s’est réfugié dans le silence. D’abord pour se protéger: en 1977, alors qu’il est depuis huit ans ministre de l’Économie et des Finances, Houphouët le limoge. A-t-il trop fait savoir son ambition de lui succéder ? Toujours est-il qu’il retiendra la leçon. Il part en cure dans la campagne anglaise, perd 21 kilos, puis, tapi dans l’ombre pendant douze ans, attend son heure. Jusqu’à ce fameux 7 décembre 1993.

Que faut-il retenir de son passage à la présidence ? Les premières années positives, une bonne gestion de la dévaluation du franc CFA, l’ambitieux programme des douze travaux ? Ou bien la polémique sur l’ivoirité, la corruption rampante, ce mandat tronqué par le premier coup d’État de l’histoire de la Côte d’Ivoire ? « Il n’a eu que quatre ans pour appliquer son programme. On lui fait un mauvais procès. L’Histoire lui rendra justice », veut croire Jean-Noël Loucou, qui fut son directeur de cabinet. « Quel gâchis », aurait soupiré l’ancien président français Jacques

ISSAM ZEJLY POUR JA

que ses camarades surnommaient « l’empereur » pour sa manie d’imiter Napoléon Bonaparte, et un militant de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF). Grand lecteur, il peut encore se prévaloir d’une belle plume, que l’on dit concise. « Lorsqu’on lui présente un texte à valider, il le lit d’abord à haute voix, puis fait deux séries de corrections avant de vous le remettre », raconte l’un de ses collaborateurs. Tous les matins, après une séance de kiné et un peu de repos, il entame une longue série d’audiences. À Daoukro, où il possède de vastes plantations (1 000 hectares d’hévéa, de café, de cacao et de pâturages), on vient d’un peu partout pour le voir et, souvent, pour le solliciter financièrement. Cela fait des années que sa fortune supposée suscite tous les fantasmes et que circule cette rumeur – jamais vérifiée et qu’il a toujours démentie – d’une fête qu’il aurait organisée dans les années 1970 pour célébrer son septième milliard de francs CFA. Sa villa n’a pourtant rien de fastueux. Elle compte deux salles d’attente: l’une pour les invités annoncés, l’autre pour ceux qui débarquent à l’improviste. Le cérémonial est toujours le même : le chef du protocole, Romain Yao Porquet, conduit le visiteur soit dans son petit bureau, soit dans un salon où trônent d’imposantes défenses en ivoire. Il le présente et lui donne la parole. Bédié écoute, un cigare à la bouche. Si l’hôte est chanceux, le chef acquiesce, lâche quelques mots. Et appuie sur une sonnette, lui signifiant d’un simple « merci » qu’il peut disposer.

Assoa Adou, secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI).

PDCI-FPI, MÊME COMBAT? Henri Konan Bédié ne s’en cache pas: il aimerait que l’alliance politique que son parti a conclue avec le FPI se transforme en véritable alliance électorale. Laurent Gbagbo et lui-même sont en contact, mais la concrétisation du projet a été confiée à Assoa Adou, secrétaire général du FPI, et à Maurice Kakou Guikahué, secrétaire exécutif du PDCI. Le 30 avril, les deux formations ont confirmé leur rapprochement en signant « un accord-cadre de collaboration ». Il porte sur un « projet commun de réconciliation nationale » et appelle les sympathisants des deux partis à collaborer pour préparer la prochaine élection. Que Laurent Gbagbo soit pour l’instant empêché de rentrer en Côte d’Ivoire n’est cependant pas pour déplaire à Bédié. Dans l’attente de la fin de son procès devant la Cour pénale internationale, Gbagbo demeure déterminé à faire acte de candidature. Toutefois, selon nos sources, il n’est pas opposé à celle de Bédié. V.D.

no3090 – JUILLET 2020

77


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Depuis, il n’a qu’une obsession: récupérer ce qu’Houphouët lui avait laissé: le pouvoir. Pour son parti ou pour luimême. Les résultats du premier tour de la présidentielle de 2010 sont un coup de massue. Aujourd’hui encore, il n’en démord pas: on lui a volé sa place au second tour. Certains avancent d’autres explications, comme l’usure

LAURENT VITEUR/GETTY IMAGES

SON PREMIER CERCLE Maurice Kakou Guikahué

Ancien cardiologue d’Houphouët devenu secrétaire exécutif du PDCI. Son rôle est comparable à celui d’un « Premier ministre » de Bédié, dont il transmet et fait appliquer les consignes.

Henriette Bédié

Très consultée par le Sphinx. A son mot à dire sur certaines nominations, mais veille à ne pas s’immiscer dans les querelles politiques.

Djénébou Zongo

Sa directrice de communication. Toujours à ses côtés.

FACEBOOK

Le gblé, l’art de la ruse

du PDCI, une mauvaise campagne et cette décision surprenante de boycotter le débat de la Radio télévision ivoirienne (RTI) sous prétexte que la chaîne avait refusé de diffuser intégralement l’un de ses spots. « Je ne peux pas y aller, n’insiste pas », avait-il répondu devant l’insistance de l’un de ses proches. En 2015, il choisit de soutenir Alassane Ouattara dès le premier tour plutôt que de laisser son parti présenter un candidat. L’a-t-il fait parce qu’à 81 ans il en était de fait exclu ? L’intéressé l’a toujours démenti, mais certains observateurs en sont persuadés. Bédié pratique à merveille ce que les Baoulés appellent le gblé, la ruse ou l’art du contre-pied. La nouvelle Constitution, votée à la fin de 2016, lève le verrou de la limite d’âge. Pour Bédié, tout redevient possible. En 2011, il avait émis le souhait de voir Frédéric Grah Mel écrire ses Mémoires. Plusieurs fois relancé par l’historien, il avait botté en touche, jusqu’à lui répondre, en 2016: « L’année prochaine. Tu ne vois pas que l’Histoire continue de s’écrire? »

Narcisse N’Dri

Porte-parole du parti. Fait partie de ceux qui ont accompagné Bédié à Bruxelles lorsque celui-ci est allé rencontrer Laurent Gbagbo en juillet 2019.

DR

Chirac à son sujet… « Bédié a peu à peu perdu le fil », estime l’un de ses anciens ministres, qui cite en exemple les chantiers démesurés lancés dans son village natal de Pepressou, à 6 kilomètres de Daoukro. « Il avait même entamé la construction d’un bunker et d’un tunnel qui devait mener à Daoukro. » Tout s’arrêtera brusquement le 24 décembre 1999. Le coup d’État du général Robert Gueï demeure une plaie ouverte. L’humiliation de l’exil, la trahison de ceux de ses proches qui rallièrent les putschistes… Il n’a rien oublié et en sortira plus cynique que jamais, lui qui disait déjà « ne pas avoir d’amis mais des suiveurs ».

ISSOUF SANOGO/AFP

CÔTE D’IVOIRE

Sphinx et infox

L

e PDCI et Henri Konan Bédié ont-ils participé à une vaste opération de désinformation sur internet en vue d’influencer la prochaine présidentielle ? C’est ce que semblent indiquer les conclusions d’une enquête du laboratoire américain d’investigation DFRLab (Digital Forensic Research Lab), rattaché à l’Atlantic Council, un think tank américain spécialisé dans les relations internationales, qui compte George Soros parmi ses généreux donateurs. À la fin de mai, Facebook a procédé à la fermeture de 446 pages, 182 comptes, 96 groupes et 60 événements, leur reprochant leur « comportement mensonger coordonné ». Tous avaient été créés par Ureputation, une entreprise sise à Tunis et que dirige

78

no3090 – JUILLET 2020

l’homme d’affaires Lotfi Bel Hadj. Parmi les pages supprimées, plusieurs étaient directement liées au PDCI, comme « Je Suis PDCI-RDA » ou « Tempête PDCI-RDA ». Facebook a également fermé le compte officiel du parti et celui d’Henri Konan Bédié.

L’exemple de Nabil Karoui

Joint par Jeune Afrique, Ureputation reconnaît avoir signé en novembre 2019 un contrat « d’accompagnement et de conseil en communication » avec le parti d’opposition. D’une durée d’un an, il court jusqu’après le second tour de la présidentielle prévue en octobre 2020. « Le PDCI a été séduit par notre travail avec Nabil Karoui, arrivé au second tour de l’élection en Tunisie alors même qu’il était incarcéré », explique l’un de ses membres.

Après un premier contact à Tunis, Lotfi Bel Hadj et son équipe s’étaient déplacés à Abidjan, où ils avaient rencontré Bédié. Les dirigeants d’Ureputation admettent aussi avoir déposé le nom de domaine hkb2020.com « dans l’hypothèse où Bédié serait investi candidat lors de la convention de juillet » et précisent que deux agrégateurs de contenus devraient aussi être créés. Ils démentent en revanche avoir diffusé des fake news et rappellent que toutes les publications ou les sponsorings de pages avaient d’abord été validés par Facebook. « Avec le PDCI, nous avons fait un travail classique d’agence en communication. L’influence sur internet en fait partie, ce n’est pas un scoop », assure la société tunisienne. V.D.


LES VOIX DU MONDE DIANKÉ

Une histoire africaine au féminin

Le premier podcast natif de fiction ouest-africain Série audio en 12 épisodes disponible sur rfi.fr et sur les plateformes de diffusion (Apple Podcast, Deezer, Spotify, TuneIn) Sur l’antenne de RFI du 27 juillet au 13 août, du lundi au jeudi à 19h10 TU


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Kabila, chef un jour, chef toujours ?

Dans sa propriété de Kingakati, en décembre 2018.

Il a quitté son fauteuil de président, mais reste le patron de la majorité parlementaire et continue de tirer les ficelles. Zoom sur sa stratégie, ses hommes liges et ses moyens.

U

ROMAIN GRAS

n banal SMS a-t-il failli coûter à Jean-Marc Kabund-aKabund sa place de premier vice-président de l’Assemblée nationale congolaise ? Ce 25 mai, sur l’impressionnante estrade du palais du Peuple, à Kinshasa, son absence est en tout cas remarquée. Les députés sont ce soir-là convoqués pour voter sa destitution. Insultes et coups de poing pleuvent. Au micro, Jeanine Mabunda, la présidente de l’Assemblée, peine à calmer les esprits. Peut-être Kabund se rappelle-t-il ce message envoyé à un lieutenant de Joseph Kabila quelques jours plus tôt. Selon plusieurs sources, le président par intérim de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) y reprochait à l’ancien chef de l’État

80

no3090 – JUILLET 2020

de faire de l’ombre à son successeur en paradant dans son 4×4 sous les applaudissements de la foule. Ce SMS aurait-il précipité sa chute? Officiellement, c’est un député de l’opposition, Jean-Jacques Mamba, qui a demandé sa destitution. Mais Kabund est convaincu qu’il doit ses déboires à Joseph Kabila et à sa coalition, le Front commun pour le Congo (FCC). L’ancien président n’a-t-il pas discrètement reçu des responsables du FCC, dont Jeanine Mabunda, les 21 et 22 mai, pour parler de son cas ? Rien n’a filtré de ces rencontres, mais l’ombre de Joseph Kabila plane sur ce coup de force. Depuis qu’il a quitté le pouvoir, le « raïs » s’est mis en retrait de l’espace public, mais ses moindres faits et gestes alimentent rumeurs et

spéculations. Micro ouvert, rares sont ses collaborateurs qui se risquent à commenter le quotidien de l’ancien président. Par prudence pour certains. Ou, le plus souvent, par manque d’informations. Au cours de ses dixhuit années de règne, Kabila est passé maître dans l’art d’entretenir un épais brouillard autour de sa personne.

Bob et appareil photo

L’ancien président vit aujourd’hui entre sa résidence de GLM, dans la riche commune de La Gombe, et son domaine de Kingakati, un gigantesque parc situé à 50 km de la bouillonnante capitale, où il passe le plus clair de son temps. Quelques images, parfois, le montrent en compagnie de proches, coiffé d’un bob et appareil photo en bandoulière, tel un simple

JOHN WESSELS / AFP

RD CONGO


IL N’EST PLUS LE JEUNE MAQUISARD RASÉ DE PRÈS PROPULSÉ AU POUVOIR EN 2001. MAIS IL PRÉFÈRE TOUJOURS L’OMBRE À LA LUMIÈRE.

du FCC, ainsi que sur Aubin Minaku, l’ex-président de l’Assemblée nationale, et sur Balamage Nkolo, deuxième vice-président de l’Assemblée. « Néhémie ou Shadary ne font rien sans en référer au chef », ajoute Kikaya Bin Karubi. « Kabila fonctionne par cercles de collaborateurs, explique le politologue Bob Kabamba. Il en a un pour le FCC, un autre pour les questions de sécurité, un autre pour le Parlement et ainsi de suite. » « Le plus important, pour le moment, c’est de garder les troupes mobilisées et soudées », insiste Kikaya.

Désillusion

Car si les tensions au sein du Cach ont été largement mises en lumière par l’affaire Kamerhe, le camp Kabila n’est pas épargné par les turbulences. Voilà près d’un mois que certains caciques du FCC accusent le Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, de ne pas soutenir suffisamment sa famille politique au sein du gouvernement. Les mécontents en ont même référé par écrit à leur « autorité morale ». Joseph Kabila est intervenu, poussant les deux camps à se parler, ce qui a pour l’instant permis d’éviter une crise ouverte. Mais l’épisode est révélateur : l’ancien chef de l’État a beau avoir la main sur tous les leviers du pouvoir, il doit tout de même composer avec les ambitions des uns et des autres. « Il y a beaucoup de demandeurs d’emploi au FCC, et il faut pouvoir gérer les ego », résume Bob Kabamba. Passé la désillusion de l’élection de décembre 2018, qui a été un cinglant revers pour Ramazani Shadary, le successeur que Kabila s’était choisi, l’heure est à l’affirmation des ambitions. Or, dans une coalition aussi hétéroclite, gérer les souhaits de chacun peut se révéler délicat. Le départ avec fracas, en juillet 2019, de Modeste Bahati Lukwebo, patron de l’une des principales composantes du FCC, en a été une première illustration. Et ce n’est sans doute pas un hasard si, le 10 juin, d’anciens ministres de Kabila – dont Lambert Mende et José

JOHN BOMPENGO

touriste venu admirer la faune qui peuple son vaste domaine. Avec sa barbe grisonnante, Joseph Kabila n’a pourtant rien d’un paisible retraité. Certes, il n’est plus le jeune maquisard rasé de près qui fut propulsé à la présidence de la RD Congo un jour de janvier 2001. Mais il préfère toujours l’ombre à la lumière. Et c’est bien depuis Kingakati, où il reçoit parlementaires, gouverneurs, ministres ou même représentants de la communauté katangaise, qu’il tient aujourd’hui les rênes de la majorité. « Joseph Kabila ne peut pas se retirer de la chose publique, il contrôle le Parlement. Mais il a la volonté de ne parler que lorsque c’est nécessaire, assure son ancien conseiller diplomatique Kikaya Bin Karubi. Il est resté fidèle à lui-même. » « Le plus important pour lui, outre la bonne entente avec le Cach [la coalition du président Félix Tshisekedi], c’est la cohésion du FCC. Il en est l’autorité morale. Il ne faut donc pas le considérer comme un simple individu mais comme une force politique en soi », explique le chef de l’un des principaux partis qui composent le FCC. Pour la gestion quotidienne des affaires de la coalition, Kabila s’appuie sur de solides relais et se tient constamment informé. La principale courroie de transmission est son ancien directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilondja, aujourd’hui coordonnateur du FCC. « Après Kabila, c’est lui le numéro deux », poursuit le chef de parti précédemment cité. Pour l’assister, Mwilanya peut compter sur Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), la première force politique

Néhémie Mwilanya, le coordonnateur du Front commun pour le Congo.

CAP SUR 2023 Si personne ne se risque ouvertement à parler de la stratégie du Front commun pour le Congo (FCC) dans la perspective des élections de 2023, plusieurs sources au sein de la coalition confirment que certains ajustements sont en cours de réflexion. Kabila envisagerait de réduire le nombre de formations constituées pour les besoins électoraux de 2018. Veut-il transformer le FCC en un grand parti, à l’image de ce qu’a fait son ennemi juré, Moïse Katumbi, en créant Ensemble pour la République en décembre 2019? « Il n’a jamais dit qu’on allait faire cela, explique le président d’une formation membre du FCC. Après notre retraite à Mbuela, en décembre, il nous a réunis à Kingakati pour faire le bilan. Il nous a dit qu’il fallait réfléchir à réduire le nombre de regroupements à quatre ou cinq, et veiller à ne plus avoir trop de petits partis. » « En matière d’équilibre géographique, un grand parti ne ferait pas sens, mais nous pouvons faire des ajustements, confirme Kikaya Bin Karubi. Le plus important, c’est de conserver la majorité parlementaire en 2023. » R.G.

no3090 – JUILLET 2020

81


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

RD CONGO

Méfiance

Dans l’entourage de Kabila, on garde donc à l’œil ces « anciens de la maison » devenus des collaborateurs du nouveau chef de l’État. On se méfie ainsi de François Beya, l’ex-patron de la puissante Direction générale de migration (DGM), désormais conseiller en sécurité de Tshisekedi, ou de Roland Kashwantale : placardisé sous Kabila, il est le nouveau chef de la DGM. On n’oublie pas que les services qu’ils dirigent sont à l’origine des ennuis (retraits de passeports, auditions, brèves interpellations) qu’ont connus plusieurs proches de l’ancien président ces derniers mois. Jayn et Kabil a, s œu r jumelle de Joseph, Emmanuel Ramazani Shadary, Kalev Mutond, ex-patron de l’Agence nationale de renseignement (ANR), Marcellin Cishambo, ancien gouverneur du SudKivu… Ces piliers de l’ancien régime ont tous, et d’une manière inédite, été inquiétés par des services sur lesquels ils exerçaient hier encore un contrôle total. L’ancien président et le FCC ont bien sûr peu apprécié. « Il y a eu des demandes d’explications, confirme Kikaya Bin Karubi. Jaynet est quand même la sœur de Joseph Kabila, il y a eu une volonté de l’humilier ! Il a fait comprendre qu’il ne

82

no3090 – JUILLET 2020

« IL Y A BEAUCOUP DE DEMANDEURS D’EMPLOI AU FCC, ET IL FAUT POUVOIR GÉRER LES EGO », RÉSUME LE POLITOLOGUE BOB KABAMBA. Delphin Kahimbi en février, les principales figures militaires que Joseph Kabila avait nommées sont toujours là. C’est le cas de John Numbi, inspecteur général des forces armées, ou de Gabriel Amisi, alias Tango Four, chef d’état-major adjoint. La tâche n’est guère plus simple dans les entreprises publiques : depuis le 3 juin 2019, les ordonnances de nomination des nouveaux mandataires de la Gécamines et de la SNCC sont bloquées par le camp de l’ancien président, qui n’a pas été consulté. Mais Tshisekedi bénéficie pour l’instant de la confiance des partenaires étrangers, avec qui Kabila avait eu tant de mal à collaborer. « Souhaite-t-on s’aligner sur tel ou tel pays alors que le monde change, ou préfère-t-on privilégier notre souveraineté? » fait mine de s’interroger Kikaya Bin Karubi. Toujours est-il que les chancelleries occidentales n’ignorent pas l’importance de Joseph Kabila dans l’équation. C’est pour cette raison qu’en février l’Américain Peter Pham, alors envoyé de l’ONU pour les Grands Lacs, Paul Arkwright, le représentant britannique, et Smaïl Chergui, le président de la Commission paix et sécurité de l’Union africaine, ont tous rencontré l’ancien président. Et ont tous tenté de convaincre Joseph Kabila de laisser un peu de marge de manœuvre à son successeur. « La communauté internationale a par moments une lecture un peu rapide de la situation, souffle un proche du raïs. Elle ne voit pas touJean-Marc Kabund-ajours que de la survie de l’un Kabund, le président dépend directement celle par intérim de l’UDPS. de l’autre. »

fallait pas que cela se reproduise. » Et d’ajouter: « C’est sans doute parce que le nouveau président est toujours en phase d’apprentissage. » Joseph Kabila et son entourage doivent-ils se défier de Félix Tshisekedi ? « Le chef de l’État veut que, sous sa présidence, tout le monde commence à avoir peur de la justice, c’est pour lui une obsession », glisse l’un des proches conseillers, alors que plusieurs acteurs de la société civile appellent à « fouiner dans le passé » et à s’intéresser aux affaires des barons de l’ancien régime. Encore faut-il que Tshisekedi dispose de tous les leviers du pouvoir. S’il semble bel et bien avoir repris la main sur les services de sécurité, l’issue de la bataille pour le contrôle de l’armée est encore incertaine. Malgré des ajustements au sein de la Garde républicaine et le décès du général

GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR JA

Makila – ont été nommés à la tête de plusieurs grandes entreprises et régies publiques, se voyant ainsi offrir un appréciable point de chute. L’important pour l’ancien président est de garder un camp uni pour pouvoir continuer à peser de tout son poids dans le bras de fer qui l’oppose à Félix Tshisekedi. « Au Congo, les coups peuvent venir de partout », s’inquiète un cadre du PPRD, évoquant le procès de Vital Kamerhe, l’ancien directeur de cabinet du président, que l’on pensait intouchable.


Avis d’Appel d’Offres – Cas sans pré qualification Aéroport International Blaise Diagne (AIBD sa) N°01/2020/AIBD 1. Cet Avis d’appel d’offres international fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans le journal « Le Soleil » du 12 décembre 2019. 2. L’AIBD SA, a obtenu des fonds dans le cadre du budget Financement Long Terme (FLT), afin de financer son programme de construction et a l’intention d’utiliser une partie de ces ressources pour effectuer des paiements au titre du marché pour les travaux de prolongement du dalot d’assainissement de Diass à proximité de l’AIBD. 3. L’AIBD SA sollicite des offres sous plis fermés de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour réaliser les travaux de prolongement du dalot d’assainissement de Diass à proximité de l’Aéroport International Blaise Diagne. 4. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres ouvert à tous les candidats éligibles. 5. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Direction Générale de l’AIBD SA tous les jours ouvrables, du lundi au Vendredi, de 09 h 00 à 15 h 00 et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-après à compter du 28 juin 2020 : Direction Générale AIBD SA sise au Bloc Sud, Bâtiment administratif à Diass – Région de Thiès Un exemplaire du DAO est disponible pour consultation sur place. 6. Les exigences en matière de qualifications sont : Capacité financière : i) Produires les états financiers certifiés par des cabinets ou experts comptables agréés l’Ordre National des Experts Comptables et Comptables agréés du Sénégal (ONECCA) ou par un organisme assimilé pour les cinq (5) années suivantes : 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019. ii) Pouvoir justifier de liquidités et/ou de facilités de crédits net auprès d’un établissement financier d’un montant minimum de Deux Cent Quatre Vingt Quinze Millions (295 000 000) F CFA. NB : Les lignes de crédits fournies par les compagnies d’assurance ne sont pas recevables. iii) Avoir réalisé au cours des cinq dernières années : 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, un minimum de chiffres d’affaires moyen annuel des activités de construction d’un milliard cent quatre vingt millions (1 180 000 000) FCFA démontrant la solidité actuelle de la position financière du candidat et sa profitabilité à long terme. Capacité technique et expérience : Avoir réalisé, au cours des cinq dernières années (2015, 2016, 2017,2018 et 2019), deux marchés similaires de même nature de valeur minimale pour chaque marché de Neuf Cent Quarante Quatre Millions (944 000 000) F CFA. Les Candidats devront fournir les attestations de travaux réalisés ou les procè-verbaux de réception desdits travaux. Les travaux déclarés qui ne sont pas accompagnés d’une attestation ou d’un procès-verbal de réception ne seront pas comptabilisés. 7. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée : Direction Générale AIBD SA, au Bloc Sud piece 207, Bâtiment administratif à Diass – Région de Thiès contre paiement d’un montant non remboursable de ving-cinq mille (25 000) FCFA par espèces. 8. Les offres devront être soumises à l’AIBD SA sise à l’adresse : Direction Générale AIBD SA, au Bloc Sud pièce 207, Bâtiment administratif à Diass – Région de Thiès au plus tard le 12 août 2020 à 11 heures 00 minutes. Les offres arrivées en retard ne seront pas acceptées. 9. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des candidats présents à l’AIBD SA à l’adresse ci-dessus, salle de reuinon de l’AIBD sa, le 12 août 2020 à 11 heures 00 minutes. 10. Les offres doivent être valides pour une durée de quatre vingt dix (90) jours à compter de la date limite de leur remise et comprendre une garantie de soumission d’un montant de Onze Millions Huit Cent Mille (11 800 000) F CFA. La garantie de soumission reste valable 28 jours après expiration de la durée de validité des offres. Le Directeur Général


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

CENTRAFRIQUE

Bangui, nid d’espions

Manipulation d’informations, fausses identités, rendez-vous secrets… Depuis six mois, un étrange conseiller à la présidence, ex-intime de l’extrême droite et des services de renseignements européens, hante les rives de l’Oubangui. Qui est-il et, surtout, pour qui travaille-t-il?

C

MATHIEU OLIVIER

ertaines capitales africaines ne ressemblent à aucune autre et Bangui est de celles-là. Sur les rives de l’Oubangui, on croise des instructeurs russes, des diplomates en tout genre, des hommes d’affaires opportunistes, d’anciennes barbouzes venues vendre leurs talents au plus offrant… Quelques espions aussi, dont les salons de l’hôtel Ledger, unique établissement étoilé de la ville, et une poignée de restaurants chics étouffent les confidences. Depuis le début de l’année 2020, c’est un individu au crâne rasé qui retient l’attention. Officiellement conseiller à la présidence, sous le nom de Bruno Lugon, il aurait pu n’être qu’un mounzou de plus au pays de Boganda et de Bokassa. Pourtant, il se retrouve au cœur d’une enquête du panel d’experts des Nations unies pour la Centrafrique chargé d’informer le Conseil de sécurité. Mais qui est Bruno Lugon ? Sur sa carte de visite aux armoiries de la Centrafrique, le septuagénaire est « conseiller à la présidence » pour la « Sûreté nationale ». Selon plusieurs témoins, l’un de ses contacts privilégiés n’est autre que Fidèle Gouandjika, influent ministre conseiller à la présidence et proche de Faustin-Archange Touadéra. Pourtant, au cabinet du chef de l’État, on affirme ne pas le connaître. Premier couac ? Pas vraiment: en réalité, Bruno Lugon n’existe pas. Il n’est que la première inconnue d’une identité aux visages multiples. Pour le comprendre, Jeune Afrique a remonté le fil des informations mentionnées sur cette carte de visite et s’est intéressé à ses deux numéros de

84

no3090 – JUILLET 2020

téléphone centrafricains. L’un d’eux a été utilisé, en avril, pour envoyer un message à un ancien ministre devenu opposant : « Excellence, bonjour […] Le temps est venu de prendre contact avec vous. Je suis à Bangui depuis le mois de janvier 2020 comme analyste d’une organisation internationale qui tâche de mettre fin aux désordres sociaux et politiques qui règnent dans le pays. Mes référents ont le souhait de réunir tous les acteurs de la Centrafrique autour d’une table pour former un gouvernement d’unité nationale [et] renvoyer à la case départ l’actuel homme fort du pays. » Signé : « Colonel Eliot, officier de l’EEAS » (Service européen pour l’action extérieure). Par quel tour de passe-passe Bruno Lugon est-il devenu le colonel Eliot, qui souhaite « renvoyer à la case départ » le président Touadéra ? L’opposant approché ne donnera pas suite, mais l’affaire ne s’arrête pas là. Eliot a pris d’autres contacts, dont l’un l’a mené à Bangui, au quartier PK5, auprès d’un ancien de la rébellion Séléka que nous appellerons Mustapha. Influent au sein de la communauté musulmane de Bangui, Mustapha affirme avoir rencontré Eliot à quatre reprises, dans une villa et au Ledger.

Influence russe

Eliot, décrit-il, a un accent espagnol ou italien et se présente comme un citoyen des États-Unis originaire d’Amérique du Sud. « Il m’a dit qu’il était là pour faire tomber Touadéra et pour lutter contre les Russes », confie Mustapha, qui a lui-même fait de la bataille contre l’influence de Moscou un « combat personnel ». « Il disait

qu’il fallait que l’on travaille ensemble et qu’il était un agent de l’armée américaine », ajoute l’ancien rebelle. Lors des mêmes conversations, Eliot affirme avoir pris contact avec des cadres de l’Unité pour la paix en Centrafrique (l’UPC, d’Ali Darassa) et avec l’entourage de l’ancien président François Bozizé. Il dit avoir recruté deux ex-généraux de l’armée centrafricaine, Jean-Pierre Dolowaye et Ludovic Ngaife Lemademon, qui seraient – selon lui – prêts à le soutenir dans son projet. Seulement, rien n’est avéré : contactés par Jeune Afrique, Dolowaye et Ngaife Lemademon assurent ne pas le connaître.

PAR QUEL TOUR DE PASSE-PASSE BRUNO LUGON EST-IL DEVENU LE COLONEL ELIOT, QUI SOUHAITE RENVERSER LE PRÉSIDENT TOUADÉRA? Où commence la supercherie ? Et surtout, où se termine-t-elle ? Il faut cette fois s’intéresser au visage de l’homme mystère pour remonter la piste. Celui-ci apparaît sur la photographie d’un document émis par le consulat centrafricain à Douala en janvier 2020. Mais ce « laissezpasser tenant lieu de passeport » (voir pages 86-87) ne mentionne ni le nom de Bruno Lugon ni celui du colonel Eliot. Notre homme y est « conseiller spécial » du chef de l’État mais sous un autre patronyme : Bruno Raul Rivera Sanchez, né le 18 août 1951, à Lima, au Pérou.


GRANT FAINT/GETTY IMAGES

Derrière l’homme aux multiples visages, la cathédrale Saint-Basile-leBienheureux, à Moscou.

no3090 – JUILLET 2020

85


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

CENTRAFRIQUE

Fin du jeu de piste ? Toujours pas : Bruno Raul Rivera Sanchez est encore un pseudonyme. Déjà utilisé par le passé, cet alias nous mène loin de Bangui, entre l’Europe et l’Amérique du Sud. En réalité, notre homme n’est ni péruvien ni ressortissant des États-Unis. Il est bien né un 18 août mais en 1946, à Florence, en Italie. Surtout, il ne s’appelle pas Bruno, mais Elio. Et son nom de famille est Ciolini. Selon la journaliste italienne Antonnella Beccaria, qui enquêtera sur lui et ses liens avec l’extrême droite transalpine, Elio Ciolini a construit ses réseaux dans le nord de l’Italie, en Suisse et en France dans les années 1970. Il fréquente alors Genève, son milieu de la nuit et ses hôtels de luxe, tout en enchaînant les petits boulots. La police italienne l’a déjà repéré, le soupçonnant d’usurpation de titres et de documents d’identité. Il se présenterait notamment comme un « professeur de lettres », faux diplôme à l’appui.

Attentat de Bologne

Le 26 juin 1979, il est arrêté entre la Suisse et l’Italie, les policiers le croyant complice d’un trafic d’armes sur la foi de renseignements fournis par les Israéliens. Selon ces derniers, Ciolini a rencontré à Genève un « terroriste arabe », Salah Yassine El Chouk, lequel devait ensuite l’accompagner à Montpellier, en France, pour récupérer du plastique et de la nitroglycérine et préparer une attaque en Israël. L’affaire ne va pas plus loin, les Italiens ne donnant étrangement pas suite. Décrit comme un homme inspirant confiance et sympathie, Ciolini est plusieurs fois condamné en Italie et en Suisse dans les années 1970 pour faux et usage de faux, possession illégale de cartouches ou contrefaçon. Son dossier indique également qu’il a été interpellé en possession de 25 kg de lidocaïne, un des produits de coupage de la cocaïne. Il fait des séjours en Argentine, au Pérou et en Bolivie, fréquente les réseaux de l’extrême droite

86

no3090 – JUILLET 2020

européenne, proches de certains barons de la drogue. À la fin des années 1970, il passe par la case prison en Suisse après une arnaque qui a mal tourné. De sa cellule, il prépare un coup d’éclat. En décembre 1981, Ciolini demande à être mis en contact avec le juge italien enquêtant sur l’attentat de Bologne du 2 août 1980 (85 morts, attribué à un groupuscule d’extrême droite) et affirme détenir des informations. Au juge il explique que l’organisation terroriste responsable de l’attentat, qu’il désigne sous le nom d’OT, dispose de ramifications dans l’industrie, la presse, la mafia et l’administration italiennes. L’OT serait dirigée par l’Italien Stefano Delle Chiaie, un néofasciste italien que Ciolini a côtoyé en Amérique du Sud. À l’appui de ses dires, Elio Ciolini assure avoir infiltré l’OT pour le compte du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage français (Sdece). Dans une Italie qui vit ses « années de plomb », la thèse a de quoi séduire. Mais elle relève de la désinformation. « On est vraisemblablement dans une tentative de “dépistage” qui consiste à dévier une investigation en inventant un témoignage fondé sur des éléments réels », explique la chercheuse Pauline Picco, qui a enquêté sur l’affaire. Stefano Delle Chiaie, qui a été actif en Angola aux côtés de Jonas Savimbi, sera acquitté. Ciolini aurait en réalité agi sur ordre du général Pietro Musumeci, vice-directeur du service de renseignements militaires italiens, condamné par la suite pour avoir fabriqué de fausses preuves visant à favoriser l’émergence d’un État autoritaire en Italie.

LE SEPTUAGÉNAIRE AU CRÂNE RASÉ EST AU CŒUR D’UNE ENQUÊTE D’EXPERTS DE L’ONU CHARGÉS D’INFORMER LE CONSEIL DE SÉCURITÉ.

Carte de visite ou papiers d’identité d’Elio Ciolini, alias Bruno Lugon, Roland Baccioni ou Bruno Raul Rivera Sanchez.

Infiltré dans l’extrême droite au service des Français ? Mercenaire de la désinformation pour les services de renseignements de l’armée italienne ? Elio Ciolini joue déjà de ses multiples visages et, sans doute, des diverses protections dont il bénéficie. Au fil des années 1980, il continue de voyager. Lors d’un entretien avec un journaliste, en 1987, il explique avoir résidé à Miami en 1984-1985 sous la protection du FBI. Il est aperçu au Pérou, en Suisse ou en Belgique, où il exerce sous le nom de Roland Baccioni (forgé à partir du prénom de son père, Rolando, et du nom de jeune fille de sa mère) au sein d’une société de sécurité qu’il a contribué à fonder, le « Service Intervention spécial ». Plus tard, affirmant avoir travaillé tantôt pour les renseignements français, tantôt pour la CIA, il se rapproche une nouvelle fois des réseaux d’extrême droite et du grand banditisme. Mais, en décembre 1991, il est rattrapé par l’affaire de Bologne. Poursuivi pour avoir tenté d’influencer les enquêteurs, il est arrêté


MATTEO DE MAYDA/CONTRASTO-REA

DR

Construit par les Libyens à l’époque de Kadhafi, l’hôtel Ledger est le seul établissement étoilé de Bangui.

à Florence, en Italie, passe quelques mois en détention puis est condamné par contumace à neuf ans de prison (plus tard réduits à cinq). Après quelques années dans l’ombre, entre Bruxelles et Zürich, il est interpellé en Roumanie, en septembre 2012, avec une carte d’identité au nom de Gino Bottoni Di Ferrara. La police roumaine ne se laisse pas berner : elle le place en détention sur la base d’un mandat d’arrêt émis par l’Italie. En liaison avec l’agent de la Fifa Vinicio Fioranelli et l’opérateur financier Volker Flick, Ciolini est maintenant soupçonné d’avoir répandu une rumeur de rachat du club de football de l’AS Roma afin de manipuler les marchés financiers. Extradé en Italie, il y est condamné en décembre 2012 à un an et quatre mois de prison. Son dernier fait d’armes connu, avant que l’on retrouve sa trace à Bangui. L’Italien a-t-il profité de ces dernières années pour prendre contact avec les intermédiaires africains ou russes en Belgique ? Bangui et Moscou y

disposent de réseaux liés au commerce du diamant et construits en partie autour d’un fidèle de Touadéra, Dimitri Mozer, consul de Centrafrique à Bruxelles. Ce dernier, contacté par Jeune Afrique, affirme ne pas connaître Ciolini.

Traque aux opposants?

Selon nos informations, ce dernier a eu à Bangui des contacts répétés avec l’« assistant en relations publiques » de la présidence, Dmitri Alexandrov, notamment au restaurant Le Prestige. Pur produit de l’intelligentsia de Saint-Pétersbourg chère à Vladimir Poutine, Alexandrov est l’une des chevilles ouvrières de la stratégie russe consistant à contrer l’influence française en Centrafrique. Il est aussi le préposé aux médias de Valery Zakharov, principal conseiller russe du président Touadéra et proche de Evgueni Prigojine (financier officieux du groupe Wagner et de l’Internet Research Agency, réputée lié au renseignement militaire russe, le GRU).

Le mercenaire italien travaille-t-il pour le compte de la Russie en Centrafrique? « Ce sont les Russes qui lui ont demandé de proposer un projet de coup d’État aux opposants et de leur transmettre systématiquement les noms de ceux qui adhèrent », affirme l’un des Centrafricains contactés par Ciolini. « Il a passé ces cinquante dernières années à manipuler les informations pour différents services de renseignements. Il n’est pas étonnant de le retrouver en Centrafrique à quelques mois d’une présidentielle », avance l’une de ses connaissances. Âgé de 74 ans, il faccendiere (« l’homme de main », comme l’ont surnommé les Italiens), maître de la manipulation aux multiples visages, a-t-il perdu de son influence sur les rives de l’Oubangui ? Jeune Afrique a essayé de le contacter mais n’a pas obtenu de réponse. Gêné par les questions posées sur sa personne, notamment par les experts des Nations unies, il aurait une nouvelle fois disparu dans le courant du mois de mai. Pour mieux réapparaître ailleurs?

no3090 – JUILLET 2020

87


MAGHREB & MOYEN-ORIENT MAURITANIE

93 Tribune Requiem pour Ouyahia

Libre comme Ghazouani Un an après son élection, le président a réussi à prendre le contrôle de tous les leviers du pouvoir. Et à s’affranchir définitivement de la tutelle de son prédécesseur et mentor, Mohamed Ould Abdelaziz.

A

JUSTINE SPIEGEL

u t ro i s i èm e é t ag e du palais présidentiel de Nouakchott, dans l’intimité de ses appar tement s privés, Mohamed Ould Ghazouani aime à partager son déjeuner avec ses collaborateurs. Le chef de l’État, qui plaisante volontiers avec eux, a discrètement réhabilité le thé, formellement interdit par Maaouiya Ould Taya après qu’on lui eut présenté un dossier taché. Son prédécesseur, Mohamed Ould Abdelaziz, qui fut aussi son plus proche ami, vivait replié sur son clan

88

no3090 – JUILLET 2020


98 Algérie Diaspora mon amour

100 Liban Haschich à vendre

À Chinguetti, le 11 avril 2019.

CARMEN ABD ALI/HANSLUCAS

94 Tunisie Saïed-Ghannouchi: la guerre froide


MAGHREB & MOYEN-ORIENT

MAURITANIE

familial et veillait à rester inaccessible. Ghazouani, lui, quand il n’est pas au chevet du chef d’état-major de la gendarmerie, téléphone à un ministre souffrant pour s’enquérir de sa santé. « Il se soucie sincèrement des autres, il aime les gens », dit un proche. En cultivant ses amitiés et en ménageant ses ennemis, le président de la République continue, un an après son élection, le 23 juin 2019, de faire consensus. À son arrivée au pouvoir, Mohamed Ould Ghazouani, 63 ans, avait une obsession : se débarrasser au plus vite de son image de marionnette d’« Aziz », alors encore solidement ancrée dans l’esprit des Mauritaniens. Les deux amis de quarante ans ont aussi un lien familial, puisque le premier a été marié à une nièce du second avec qui il a eu deux enfants. « Il est issu d’une vraie aristocratie locale et cultive les bonnes manières. Pour l’ex-président, cela signifie qu’il est faible, confie un collaborateur. Mais Aziz n’a réussi ni à le cerner ni à anticiper son désir d’indépendance. » Les deux ex-généraux n’avaient conclu aucun pacte, pas plus qu’ils n’étaient convenus de se partager le pouvoir.

Londres, Aziz l’avait fermement désapprouvée. L’ancien président voulait également rester influent à l’Assemblée nationale en désignant lui-même ses principaux dirigeants. En vain. Pourtant fin stratège, Aziz a péché par excès de confiance et commis une erreur tactique majeure en quittant Nouakchott le 2 août 2019, au lendemain de l’investiture de son protégé, qu’il a laissé seul durant trois mois. Le 16 novembre de cette même année, lorsqu’il est rentré pour « remettre de l’ordre » – il ne supportait plus les attaques dont il était la cible de la part de l’opposition et estimait que son ami d’alors ne faisait rien pour les faire cesser –, il n’avait toujours pas compris qu’il avait perdu la réalité du pouvoir. Aziz a retrouvé son pays,

Le discret, voire austère ancien chef d’état-major des armées est toujours resté lucide et ce, dès la campagne présidentielle. Certes, il n’a joué aucun rôle, et Aziz a tout contrôlé, allant même jusqu’à venir clôturer son meeting de Nouadhibou (Nord-Ouest). Il n’a choisi ni son directeur de campagne, ni son adjoint, ni son trésorier, pas même son propre directeur de cabinet. Aziz lui a imposé toute son équipe – deux puissants ministres, Moctar Ould Diaye (Finances) et Mohamed Ould Abdel Vetah (Pétrole), ont tout géré – et Ghazouani n’avait dit mot. « Quand je serai président, je déciderai », avait-il assuré à un ami. Une fois élu, il a formé son gouvernement. Mais en maintenant six ministres issus de la précédente équipe, donnant l’impression qu’il s’inscrivait dans la continuité de son prédécesseur… tout en plaçant à des postes stratégiques des personnalités qui détestent notoirement l’ex-président : les ministres Mohamed Salem Ould Merzoug (Intérieur), Hanena Ould Sidi (Défense), ou encore le directeur de cabinet, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine. Tous nourrissent des griefs à l’encontre d’Aziz (lire encadré). Selon nos informations, Ghazouani a pris ses décisions seul et n’a informé ce dernier que pour la nomination du Premier ministre, Ismaïl Ould Bedda Ould Cheikh Sidiya. Depuis

90

no3090 – JUILLET 2020

AMI

L’erreur tactique d’Aziz

Avec Mohammed Ben Zayed, prince héritier des Émirats arabes unis, le 2 février, à Abou Dhabi.


mais son « subordonné » en était devenu le véritable chef. Piqué au vif, l’ex-président, qui a toujours tout contrôlé, inspirant autant la crainte que le respect, en a été très amer.

Nouveau corps d’armée

Petit à petit, Ghazouani s’est alors attelé à prendre le contrôle de tous les leviers du pouvoir. D’abord, il a consolidé sa majorité au Parlement, puis coupé court aux ambitions de Mohamed Ould Abdelaziz, qui souhaitait garder la haute main sur le parti, l’Union pour la République (UPR), qu’il avait fondé en 2009. Cette fameuse tutelle, dont le nouveau chef voulait absolument s’affranchir, a pris fin à ce moment précis. Puis, il s’est assuré en novembre la loyauté du Bataillon pour la sécurité présidentielle (Basep), une autre création d’Aziz, en limogeant son commandant, Mahfoudh Ould Mohamed, pour le remplacer par l’un de ses hommes, Ahmed Ould Lemleih. Il a également discrètement muté tous les officiers de cette garde prétorienne à l’état-major, qu’il avait dirigé pendant dix ans. Mais dès mars, son élan a été freiné par la gestion de la crise liée à la pandémie de coronavirus qui a paralysé l’activité politique. « On a perdu un an, déplore un ancien membre de l’équipe de campagne. Six mois ont été consacrés au bras de fer avec Aziz et le reste au Covid-19. » Ghazouani a finalement pu parachever son emprise sur l’appareil sécuritaire le 8 juin, en remplaçant les titulaires des principaux postes de commandement de l’armée – une institution centrale dans ce pays dont l’histoire est jalonnée de coups d’État militaires depuis 1978 et la chute du premier président, Mokhtar Ould Daddah. Ghazouani a écarté des fonctions les plus influentes les proches d’Aziz afin d’y placer ses propres hommes: Mohamed Ould Meguett à l’état-major des armées, Misgharou Ould Sidi à la Sûreté nationale ou encore Mohamed Ould Cheikhna Ould Taleb Moustaph à la Marine nationale. Surtout, il a créé un nouveau corps d’armée, les Forces spéciales, qui commandent désormais les Groupes spéciaux d’intervention (GSI) et le Basep. Il a placé à sa tête Mohamed Ould Cheikh Ould Beyda, un officier écarté par Aziz, qui l’avait nommé attaché militaire à l’ambassade de Mauritanie à Bruxelles en 2008. « En modernisant l’armée et en amoindrissant l’autorité de son chef d’état-major, il assure la relève », analyse Moussa Ould Hamed, fin connaisseur de la vie politique. Cette série de nominations mûrement réfléchie et dont rien n’avait filtré a consacré la montée en puissance

LES HOMMES DE GHAZOUANI L’élection à la tête du pays de Mohamed Ould Ghazouani a consacré l’arrivée au pouvoir de personnalités issues de l’Est – une première depuis 1977. Dès son entrée en fonction, le président a veillé à placer des proches, voire des intimes, aux postes stratégiques. Leur point commun: ils détestent Aziz. Le chef de l’État est très lié à son directeur de cabinet et homme de confiance, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine, qui le considère comme son marabout, et a fait monter en puissance l’ex-commandant du G5 Sahel, Hanena Ould Sidi, en le nommant ministre de la Défense. Les ministres Mohamed Salem Ould Merzoug (Intérieur) et Dy Ould Zein (Développement rural) font également partie de sa garde rapprochée. Tout comme Mohamed Ould Abdel Vetah (Pétrole), Mohamed Salem Ould Béchir, secrétaire général de la présidence, et Ahmed Ould Bah (dit Hmeida), conseiller sécurité, trois ex-fidèles d’Aziz. Ses amis Ahmed Ould Lemleih et Misgharou Ould Sidi sont respectivement commandant du Basep et directeur général de la Sûreté nationale. Mais cette équipe est en proie à des luttes d’influence internes, certains, comme le Premier ministre, Ismaïl Ould Bedde Ould Cheikh Sidiya, souhaitant que le chef se sépare des anciens amis d’Aziz. J.S.

du ministre de la Défense, Hanena Ould Sidi, lui aussi en délicatesse avec Aziz. L’ex-président s’était toujours méfié de cet officier au fort tempérament, comme lui, et qu’il jugeait trop autonome. L’année de son retrait, il l’avait ainsi envoyé prendre les rênes du G5 Sahel.

Réconciliation avec l’opposition

Sur le plan politique, Ghazouani s’est là aussi largement démarqué d’Aziz. Il a pris soin de se réconcilier avec l’opposition, qui continue de diaboliser son prédécesseur sans jamais s’en prendre personnellement à lui. « Oui, nous ménageons le président et nous continuons à lui tendre la main, afin de tourner la page Aziz et de véritablement engager la lutte contre les discriminations, précise Lo Gourmo, premier vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP), de Mohamed Ould Maouloud. Mais nous commençons à perdre patience. Il y a encore trop d’effets d’annonce, alors que nous attendons des gestes forts. » Pour le moment, seuls les islamistes « modérés » de Tawassoul, qui plaident pour un rétablissement des relations diplomatiques avec le Qatar, s’en prennent ouvertement au chef de l’État.

no3090 – JUILLET 2020

91


MAGHREB & MOYEN-ORIENT

MAURITANIE

AZIZ PRÉPARE LA RIPOSTE La tension entre le président et Mohamed Ould Abdelaziz est montée d’un cran en janvier, quand une commission d’enquête parlementaire a été créée pour se pencher sur sept dossiers jugés opaques concernant la gestion des revenus pétroliers et miniers, l’attribution de marchés publics et de concessions portuaires, la vente du foncier public, la signature de contrats dans les domaines de l’énergie et de la pêche, et les conditions de liquidation d’entreprises publiques. Tous ces marchés ont été attribués quand Aziz était au pouvoir. Certains dossiers pourraient être instruits par la Haute Cour de justice, qui serait alors spécialement saisie. « Selon la Constitution mauritanienne, le président de la République ne peut être poursuivi que pour haute trahison et jugé en conséquence par la Haute Cour de justice, explique un proche de la commission d’enquête. Cette juridiction n’a toutefois jamais été mise en place, les mécanismes et textes de loi permettant de la réunir n’ayant jamais été élaborés. Mais avant cela, rien ne garantit que la commission ait le droit de le convoquer. » Il devrait toutefois être auditionné le 15 juillet. À l’heure où ces lignes sont écrites, l’ex-président est toujours discrètement confiné en famille à Bénichab, dans l’Inchiri. Tenu informé presque minute par minute de tout ce qui se passe à Nouakchott, il prépare son retour en politique. Selon l’un de ses visiteurs, il souhaite créer un groupe parlementaire pour peser. Mais il pourrait aussi s’allier à ses amis Boydiel Ould Houmeid, ex-premier vice-président de l’Assemblée nationale, et Seyedna Ali Ould Mohamed Khouna, ancien ministre de la Fonction publique, qui lui sont restés fidèles. Et créer avec eux une nouvelle formation. J.S.

LUDOVIC MARIN/AP/SIPA

L’ancien président caresserait l’idée de créer un nouveau parti.

92

no3090 – JUILLET 2020

Autre conséquence de la brouille entre Ghazouani et Aziz : le retour au pays, cette année, du grand ennemi de ce dernier, l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, en exil depuis dix ans. Le 19 février, les autorités ont annulé les deux mandats d’arrêt délivrés à son encontre à l’initiative de l’ex-président, ainsi que celui visant Moustapha Chafi, proche conseiller de l’ancien chef de l’État burkinabè Blaise Compaoré. Ghazouani, qui ne s’était jamais mêlé de politique avant son arrivée au pouvoir, ne connaissait pas personnellement Bouamatou, mais il souhaitait régulariser sa situation. « Je n’aime pas les guerres inutiles », confiait-il à ses proches. Son homologue sénégalais Macky Sall a plaidé la cause des deux hommes, dont il est proche, lors de sa visite officielle à Nouakchott en février. La levée des poursuites a été annoncée le soirmême de son départ. Entre les deux présidents, dont les pays partagent l’important gisement gazéifère de Grand Tortue-Ahmeyim, le courant passe très bien. Ils ont noué des liens en novembre 2019, lors du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, dont Ghazouani était l’invité d’honneur. « Il a développé une complicité très forte avec Macky Sall, lequel entretenait des relations exécrables avec Aziz », dit un ex-ministre. Mais l’exploitation du gaz ne devrait démarrer, crise du Covid-19 oblige, qu’en 2023. Toujours sur le plan diplomatique, Ghazouani entretient de bonnes relations avec le Français Emmanuel Macron, qu’il a rencontré en janvier lors du sommet de Pau. Il a également resserré ses liens avec les Émirats arabes unis, qui ont annoncé, le 2 février, l’allocation de 2 milliards de dollars à la Mauritanie. Ghazouani, qui a effectué une visite officielle à Abou Dhabi du 1er au 4 février, est un ami personnel du prince héritier et ministre de la Défense, Mohammed Ben Zayed (MBZ). Leur proximité date de 2008, quand Ghazouani avait été nommé chef d’état-major. Ce dernier avait d’ailleurs été à l’origine du rapprochement entre les deux pays. Enfin, le président perpétue la tradition mauritanienne en maintenant un équilibre entre le Maroc, où il a nommé un nouvel ambassadeur en mars, et l’Algérie, dont il a reçu une importante délégation en juin. Très proche d’Ahmed Gaïd Salah, le chef d’état-major de l’armée algérienne décédé en décembre dernier, Ghazouani s’entretient aujourd’hui régulièrement au téléphone avec le président Abdelmadjid Tebboune.


Tribune

ALGÉRIE

Requiem pour Ouyahia Farid Alilat

Journaliste à Jeune Afrique

D

ans son dernier album sorti peu de temps avant son assassinat, le 25 juin 1998, sur une route de Kabylie, le chanteur Matoub Lounes apostrophait ainsi Ahmed Ouyahia, alors chef du gouvernement, en lui prédisant une fin funeste: « Tu es dressé pour le triomphe du mal. Tu as troqué tes origines pour des pots-de-vin. Quelle issue récompensera tes forfaits? » S’il fallait une preuve que l’artiste rebelle était aussi visionnaire qu’il était un orfèvre du verbe, le sort que connaît aujourd’hui Ahmed Ouyahia en est une, éclatante. Extrait ce lundi 22 juin de la prison d’El-Harrach, où il purge une peine de quinze ans pour des faits de corruption, l’ancien Premier ministre s’est rendu au cimetière pour assister aux obsèques de son frère Laïfa, décédé la veille alors qu’il assurait sa défense dans un tribunal de la capitale. Menottes aux poignets et masque respiratoire sur le visage pour cause d’épidémie de coronavirus, Ahmed Ouyahia, étroitement encadré par une escouade de gendarmes d’élite, a été promené dans les travées du cimetière devant une foule de badauds et de journalistes qui le filmaient allègrement. Diffusées sur certaines chaînes privées, les images de celui qui se voyait jadis un destin national ont été largement relayées et commentées sur les réseaux sociaux. Les uns y décèlent une manipulation du pouvoir pour humilier cet homme et l’offrir comme un trophée à ceux – nombreux – qui l’exècrent. Les autres jugent sa déchéance amplement méritée, l’ancien puissant ayant toujours assumé son statut d’exécuteur des basses œuvres. Certains s’indignent même qu’Ouyahia ait eu droit à un traitement de faveur, un autre détenu, Mohamed Abbes, n’ayant pas été autorisé à assister à l’enterrement de ses trois filles, mortes asphyxiées au monoxyde de carbone en janvier. Un petit nombre, enfin, dénonce une atteinte à la dignité d’un homme exhibé comme une bête de foire. En politicien madré qu’il fut, Ahmed Ouyahia ne pouvait ignorer ce à quoi il s’exposait en se rendant au cimetière menotté et sous étroite surveillance, comme l’exige le règlement. Celui qui savait si bien jouer avec les médias

se doutait que caméras et photographes seraient au rendezvous et que des images de ses mains entravées feraient le tour du pays. L’homme mesurait parfaitement les retombées médiatiques de sa présence en ces lieux, ainsi que le traitement que les internautes allaient lui réserver. Avec la généralisation du téléphone portable et des réseaux sociaux, l’intimité, la discrétion et le droit à l’image ne sont plus garantis, pas même pendant des funérailles, d’autant que le cérémonial qu’y observent les hommes politiques revêt une signification particulière. Ahmed Ouyahia avait-il en mémoire ces images d’Abdelmadjid Tebboune, alors Premier ministre, humilié publiquement pendant l’enterrement de Réda Malek, à l’été 2018, quinze jours avant son limogeage retentissant?

Images dégradantes

Le choc des photos, le poids des mots. Ahmed Ouyahia ne peut s’en prendre qu’à lui-même si ces images dégradantes ont offert à ses compatriotes l’occasion de l’humilier et de le vilipender. Parce que tout ce qui a trait à ce moine soldat qui a servi Bouteflika, de son arrivée au pouvoir, en 1999, jusqu’à sa chute brutale, en 2019, sent le soufre. Parce qu’Ahmed Ouyahia incarne aux yeux d’une bonne partie des Algériens l’arrogance, la servilité, la corruption, la gabegie et le mensonge. Il est le parangon de ce système politique que la révolution du 22-Février a rejeté. Au passage, Ahmed Ouyahia n’a pas vraiment rendu service à son frère cadet – qu’il n’a d’ailleurs jamais porté dans son cœur –, puisqu’il a troublé, par sa présence trop visible, la quiétude de ses funérailles. Et c’est exactement ce qui s’est passé ce lundi 22 juin. On a oublié les obsèques de Laïfa pour ne retenir que les menottes d’Ahmed. Ce dernier se serait recueilli discrètement à la fin des funérailles ou un autre jour, loin des regards, des téléphones et des caméras, qu’il n’aurait pas provoqué tout ce charivari autour de la tombe de ce frère revenu vers lui pour assurer sa défense, quand tous les avocats le fuyaient comme un pestiféré.

no3090 – JUILLET 2020

93


MAGHREB & MOYEN-ORIENT

TUNISIE

Saïed-Ghannouchi: la guerre froide

Entre le président de la République, universitaire légaliste attaché à ses prérogatives, et celui de l’Assemblée, vieux leader politique madré et envahissant, le bras de fer se durcit.

Q

FRIDA DAHMANI, À TUNIS

uelle mouche a donc piqué l’ancien dirigeant d’Ennahdha Abou Yaareb el-Marz ouki quand il a appelé sur les réseaux sociaux, le 14 juin, à un jugement populaire symbolique de Kaïs Saïed ? Le professeur de philosophie, proche de Rached Ghannouchi, titulaire du perchoir, accuse le président de la République de « détruire les institutions de l’État au moyen de ses prérogatives et de ne pas respecter la volonté des citoyens exprimée par les urnes et la révolution ». En somme, de trahison. Cette attaque en règle illustre les désaccords profonds en matière de conception et d’exercice du pouvoir entre le locataire de Carthage et celui du Bardo. Les deux hommes sont les figures de proue de la législature qui a débuté en octobre 2019. Entre la révolution et la présidentielle de 2019, ils avaient été amenés à se rencontrer occasionnellement. Leurs échanges avaient surtout porté sur la Constitution, alors en cours de rédaction, et sur l’idée, chère à Kaïs Saïed, de contraindre les hommes d’affaires corrompus à investir dans les régions défavorisées. La relation est policée mais distante. « Au fond, l’intellectuel et le chef de parti n’avaient pas grand-chose à se dire », se rappelle le témoin d’une rencontre.

À l’époque, Ghannouchi évalue mal la détermination de Saïed. Comme l’ensemble de la classe politique, il sous-estime l’audience de cet expert en droit constitutionnel. Et découvre avec surprise, dans les huit mois qui précèdent les élections de 2019, que Saïed caracole en tête dans les sondages, figurant systématiquement dans le duo de tête. Pourtant, le président d’Ennahdha opte pour le déni. Là encore à l’unisson avec les autres partis, qui considèrent que le phénomène Saïed ne saurait bouleverser les équilibres politiques. Au lendemain du premier tour, il est trop tard. « Quand les événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs », disait l’homme politique français Georges Clemenceau au début du XXe siècle. Aussi, Ennahdha se découvre une passion pour Saïed dans l’entredeux tours : les militants l’appellent par son prénom pour donner l’illusion d’une proximité et en font leur champion. Le professeur remporte la présidentielle avec 73 % des suffrages exprimés, sans qu’Ennahdha ait réellement pesé sur les résultats. Aux législatives, le parti de Ghannouchi subit un net recul, même s’il décroche le plus grand nombre de sièges, et parvient à faire élire son leader au perchoir, convaincu que

L’EXPÉRIMENTÉ PATRON D’ENNAHDHA PENSAIT NE FAIRE QU’UNE BOUCHÉE DU CHEF DE L’ÉTAT. ERREUR! 94

no3090 – JUILLET 2020

c’est le poste le plus stratégique pour tenir tête à Carthage. Ce malentendu fondateur s’est mué, au fil des mois, en bras de fer permanent entre deux hommes que tout oppose. Le pragmatique leader islamiste, fort de plus de quarante ans d’expérience politique, pense ne faire qu’une bouchée de l’universitaire légaliste et pédagogue. Ghannouchi est d’autant plus sûr de lui que Saïed ne dispose d’aucun parti pour l’épauler. Aussi le titulaire du perchoir fait-il jouer pleinement ce qu’il pense être son atout pour s’imposer comme un président bis. Dès le début de la mandature, Ghannouchi dote la présidence de l’ARP d’un cabinet et ne se gêne pas pour s’immiscer dans la politique étrangère de la Tunisie, qui, avec la Défense, est pourtant du seul ressort du chef de l’État. Mais le leader


d’Ennahdha bute pour l’heure sur l’état de grâce dont semble toujours bénéficier Saïed. Chaque offensive du premier renforce la popularité du second : 64,6 % des Tunisiens se disent satisfaits de l’action du président, quand 73,6 % désapprouvent celle de Ghannouchi. « Le cheikh n’a pas de prise sur Kaïs Saïed, élu au suffrage universel et qui dispose, en vertu de la Constitution, de l’arme ultime de la dissolution », analyse un député du bloc de la Réforme nationale.

Propos incendiaires

Imperturbable, le président de la République profite de ses rares prises de parole pour remettre les pendules à l’heure, comme lorsqu’il lâche, à l’occasion de ses vœux au peuple pour l’Aïd, que, « sur son territoire et en dehors, la Tunisie a un seul

AFP

Le titulaire du perchoir (à g.) face à l’hôte du palais de Carthage, le 20 mai.

président ». La mésentente profonde entre « l’intello » et « le politique » tient aussi à la conception que chacun se fait de la souveraineté, chère aux deux hommes. Quand le président de l’ARP l’interprète comme un chèque en blanc accordé au Parlement, celui de la République oppose une lecture plus présidentialiste de la Constitution, qui, dit-il, lui accorde des prérogatives bien plus larges que la sécurité nationale et la diplomatie. Ce hiatus explique sans doute la harangue de Saïd Ferjani, député et compagnon de route de Rached Ghannouchi, à l’adresse de Kaïs Saïed, le 11 mai : « Êtes-vous en train de mettre en place une organisation parallèle? Vos sympathisants aiguisent les couteaux pour faire chuter le Parlement et le gouvernement sans la moindre réaction de votre part ! » Derrière les propos

incendiaires transparaît la crainte de Ghannouchi de perdre le contrôle de l’ARP. Le fondateur d’Ennahdha ne peut s’y résoudre, pas davantage qu’il ne peut concevoir la mise à l’écart de son parti de la conduite des affaires publiques. Ennahdha a siégé dans presque tous les gouvernements depuis la révolution. « Le gouvernement est un enjeu, confirme le politologue Karim Bouzouita. Ennahdha y participe, mais le chef de l’exécutif a été choisi par le président de la République et lui seul. » Aussi, en dépit de la crise entre Carthage et Le Bardo, les partis détenteurs d’un portefeuille ministériel ne franchissent pas la ligne jaune. Tous claironnent leur appartenance à une coalition qui soutient le président, coordonnée depuis La Kasbah par le chef de gouvernement, Elyes

no3090 – JUILLET 2020

95


MAGHREB & MOYEN-ORIENT

TUNISIE

Fakhfakh, qui doit sa désignation à Kaïs Saïed, lequel a dérogé aux règles de la démocratie en éliminant du tour de table Qalb Tounes, pourtant deuxième force de l’ARP. Un déni de démocratie ? Les partisans du chef de l’État y voient plutôt le signe d’une rectitude morale. « Pour lui, l’intégrité prime, explique l’un d’eux. Il a écarté les partis dont les dirigeants font l’objet de poursuites », allusion à Nabil Karoui, président-fondateur de Qalb Tounes. La manœuvre a un temps déstabilisé Rached Ghannouchi, habitué aux jeux d’appareils, à la stratégie

du consensus et à des chefs du gouvernement conciliants. Le patron d’Ennahdha n’a pas hésité à faire savoir qu’il ne comptait en aucun cas se laisser imposer des réformes, menaçant de bloquer des projets gouvernementaux à l’Assemblée ou d’abroger les décrets-lois qui ont permis à Fakhfakh de gérer l’urgence du Covid-19.

Stratégie à double tranchant

La partie n’est donc pas finie entre les « deux présidents », qui auront encore des occasions de croiser le fer. Kaïs Saïed entend jouer pleinement

son rôle, fait savoir Carthage, rappelant qu’il ne s’est pas ingéré dans les affaires de l’Assemblée quand elle a examiné, au début de juin, une motion – qui sera rejetée – réclamant des excuses et des dédommagements à la France pour ses crimes pendant la période coloniale. Quelques jours plus tard, l’ancien enseignant était à Paris pour une visite de quarante-huit heures au cours de laquelle il a loué et mis en avant l’amitié tuniso-française. En attendant des jours meilleurs, Rached Ghannouchi, lui, fait profil bas et continue de manœuvrer

QUESTIONS À

Hmida Ennaifer

Membre fondateur d’Ennahdha, intellectuel, théologien

Jeune Afrique: Que représente Ennahdha?

Hmida Ennaifer: Un parti conservateur, mais à la tunisienne. Et c’est bien là tout le problème: depuis les années 1950, la question de la modernité est une donnée de base spécifique à la Tunisie. Au fil du temps, la pensée des Frères musulmans a été décapée laissant place à un conservatisme convaincu qui compose néanmoins largement avec le « progrès ». Mais cette reconfiguration ne s’est pas faite de manière claire. Les conservateurs n’ont pas su faire avec la modernité. La gauche est face à une dichotomie similaire, elle n’a pas su se dissocier de la

96

no3090 – JUILLET 2020

« tradition ». Aussi tous deux sont-ils en porte à faux. Il serait étonnant que dans la confusion actuelle émerge quelque chose de nouveau.

Rached Ghannouchi souhaite depuis 2016 qu’Ennahdha renonce à entrer en conflit avec l’État. Il a accepté l’idée que la société puisse influencer le parti et a redimensionné le concept de Oumma en le ramenant à la seule Tunisie. Ses déclarations ont-elles été suivies d’effet?

Dans les écrits de Rached Ghannouchi, il n’y a pas trace de ces trois points, qui, s’ils existaient, seraient une

nouvelle réflexion qui ferait autorité. Quand, le 6 juin 1981, le MTI (future Ennahdha) a déposé une demande officielle pour être reconnu comme parti, il a implicitement reconnu l’État. Après avoir centré tout son discours sur la communauté des musulmans, il lui était difficile, en particulier dans un contexte de mondialisation, de prioriser sans transition l’État-nation. Si Ennahdha s’inscrit dans des réformes, que ce soit celles de Kheireddine Pacha, Abdelaziz Thaalbi ou celle d’El Islah, de la mosquée de la Zitouna, elle doit s’y raccorder par un récit. Or, aujourd’hui, le mouvement pratique la politique mais ne la crée pas. Il se laisse porter par

ONS ABID POUR JA

« Les élites islamistes maghrébines sont modernes » le courant, évolue, mais n’ancre pas ses mutations dans une réelle réflexion.

À quoi attribuez-vous cette défaillance?

Pour mettre en application une idée, il faut l’étayer, la bâtir, la consolider. Or la majorité des cadres de la nouvelle génération d’Ennahdha n’a pas la formation requise. Cela se ressent d’autant plus que le mouvement a pour vocation d’influencer, au moins en partie, la société et sa culture. L’autre défi d’Ennahdha est d’avoir l’islam pour référentiel; cela induit des difficultés intrinsèques qui ne sont pas d’ordre idéologique. L’islam


pour intégrer Qalb Tounes et la Coalition d’El Karama au gouvernement. Une stratégie à double tranchant : l’intercession d’Ennahdha en faveur des extrémistes de Seifeddine Makhlouf pourrait sceller le sort d’un parti accusé d’être trop conciliant avec les salafistes. À moins que, là encore, le jeu partisan ne l’emporte sur la politique. Contesté au sein même d’Ennahdha, Rached Ghannouchi pourrait alors trouver dans un remaniement une diversion opportune pour faire oublier les controverses domestiques.

L’islamisme tunisien est-il particulier?

Les élites islamistes maghrébines diffèrent de celles d’Orient. Elles ont été au contact de projets de modernité. En Tunisie, le mouvement réformiste, dès la fin du XIXe siècle, avait impulsé une approche de la modernité à laquelle Bourguiba a ensuite donné une forme finale. La formation islamiste en Tunisie est d’apparence islamiste, mais en interne, elle est à bien des égards moderne. Ses dirigeants et ses membres sont tous issus de l’école moderne: une partie de leur réflexion est fondée sur le concept d’État et la capacité de celui-ci à impulser des changements. Le soulèvement de 2011 est un phénomène national sans rapport avec l’islam politique et qui doit sa visibilité au fait qu’il a pris la forme d’un mouvement populaire massif.

FETHI BELAID/AFP

étant un patrimoine commun, personne ne peut se prévaloir d’en parler mieux que les autres ou revendiquer la prééminence en la matière. Le président du parti islamiste avec son fils Mouadh.

UN GHANNOUCHI PEUT EN CACHER UN AUTRE Fondée en juin 1981 sous le nom de MTI, sortie de la clandestinité trente ans plus tard, Ennahdha s’essouffle malgré la tentative de réforme amorcée par le Congrès de 2016. Les résultats des dernières législatives ayant confirmé son érosion, les langues se délient en interne. Des cadres remettent en question non pas la ligne idéologique, mais le leadership du mouvement. En d’autres termes, le temps des pères fondateurs est révolu: une restructuration et un changement générationnel s’imposent. C’est une attaque en règle contre Rached Ghannouchi, président de la formation depuis 1991. Mais le cheikh ne semble pas disposé à céder son pouvoir, en dépit du règlement interne, qui lui interdit de briguer un nouveau mandat. Depuis un an, il impose ses hommes, d’abord sur les listes électorales, ensuite à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qu’il préside. Au sein même du parti, il a dissous le bureau exécutif et repoussé la date du prochain Congrès. Certains, comme le courant de l’union et du renouveau, emmené par des membres de la Choura (assemblée consultative interne), appellent à lui ménager une sortie digne. En l’investissant pour la présidentielle de 2024 ou en transmettant les commandes du parti à son fils, Mouadh? F.D.

PROPOS RECUEILLIS À TUNIS PAR F.D.

no3090 – JUILLET 2020

97


MAGHREB & MOYEN-ORIENT

ALGÉRIE

Diaspora mon amour

Le nouvel exécutif lance une opération séduction auprès des élites expatriées pour les encourager à revenir et à mettre leurs compétences au service du pays. Lequel en a urgemment besoin.

E

lias Zerhouni, médecin algéro-américain, spécialiste de la radiologie, est l’une des compétences algériennes les plus reconnues à l’étranger. Cet ancien directeur du National Institute of Health américain, nommé sous la présidence de George W. Bush, est, depuis le 13 juin, conseiller spécial de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS), fraîchement créée par le président Abdelmadjid Tebboune. Cette nomination s’inscrit dans le cadre de l’opération de charme menée par le nouvel exécutif pour conquérir les cœurs des membres les plus compétents de la diaspora. Ces derniers, longtemps exclus du développement du pays, via des règlements, voire un amendement de la Constitution, représentent désormais un enjeu, aussi bien politique qu’économique, pour la nouvelle mandature. La présidence de l’agence sanitaire a, elle, été confiée à un autre expatrié, le Dr Kamel Sanhadji, chercheur de renom dans la lutte contre le sida, directeur du service de recherche à l’hôpital Édouard-Herriot, à Lyon, en France, et qui, selon le communiqué d’El Mouradia, fera office de « conseiller scientifique » du président en matière de santé. Mais l’opération séduction ne vise pas que les médecins. Les élites algériennes établies à l’étranger se comptent par milliers – 25000,

98

no3090 – JUILLET 2020

AMMI LOUIZA/ABACA

HAMDI BAALA, À ALGER

à en croire les chiffres officiels – et travaillent dans tous les domaines ou presque. Pour que l’Algérie puisse profiter de leur expérience, le chef de l’État a promis de déblayer le terrain. À commencer par la Constitution.

Prise de contact

En 2016, un amendement de la Loi fondamentale avait en effet introduit une mesure qui avait exaspéré une diaspora qui se sentait déjà marginalisée par des décennies de mauvaise gestion. L’article 63 dudit texte disposait que la « nationalité algérienne exclusive » était une condition sine qua non pour briguer tout poste politique ou à haute responsabilité, excluant de facto les binationaux de la gestion des affaires publiques. Le projet de révision de la Constitution promis par Abdelmadjid Tebboune, dont un brouillon a été rendu public en mai, a supprimé cette restriction. Parallèlement, et c’est une première, l’Algérie compte désormais un secrétariat d’État chargé des compétences à l’étranger, dirigé jusqu’au 23 juin par l’ancien secrétaire général

du ministère des Affaires étrangères, Rachid Beladehane, remplacé depuis par le populaire Samir Chaâbna. C’est dire l’importance que le pouvoir accorde à ce dossier. « Cette réorientation est dictée par une conjoncture économique extrêmement difficile, qui nécessite l’apport humain et financier de la diaspora, explique le docteur en sciences politiques Adel Ourabah, chercheur indépendant à Alger. Il fallait, dès le début du mandat, envoyer des signaux politiques forts à l’adresse de cette communauté pour minimiser l’impact dévastateur de l’article 63 adopté du temps de Bouteflika. » Au début de juin, Rachid Beladehane a présenté les grandes lignes de son plan d’action, qui comprend notamment la création d’un portail en ligne, conçu comme un espace de communication entre des institutions algériennes, dont les universités, et les élites installées à l’étranger. La prise de contact a pour objectif de permettre à ces dernières « de servir leur pays », a expliqué l’ex-secrétaire d’État devant le Parlement.


Aéroport HouariBoumédiène, à Alger, le 27 mai.

l’apport de la communauté algérienne à l’étranger, bien inférieur à celui des diasporas des pays voisins, sera crucial dans les années à venir (lire cidessous). Plus important encore que les transferts d’argent, le retour des cerveaux. Une enquête menée en 2015 par le Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) révélait que 70 % des expatriés revenus au pays travaillaient dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) et que 60 % des entreprises qu’ils dirigeaient étaient exportatrices.

Course d’obstacles

L’ARTICLE 63 DE LA CONSTITUTION, EXCLUANT DE FACTO LES BINATIONAUX DE LA GESTION DES AFFAIRES PUBLIQUES, VA ÊTRE ABROGÉ. L’idée de faire appel aux ressortissants expatriés a récemment connu une première concrétisation avec le lancement par le gouvernement, en mars, d’une cagnotte de solidarité destinée à soutenir la lutte contre le Covid19 et ouverte à tous les Algériens, y compris ceux résidant à l’étranger. En mai, le porte-parole de la présidence, Belaïd Mohand Oussaïd, a annoncé que les contributions en devises s’élevaient à quelque 2 millions d’euros. Un premier chiffre encourageant à l’heure où, sous l’effet de l’effondrement des cours des hydrocarbures, les réserves de change fondent comme neige au soleil, approchant dangereusement la barre des 50 milliards de dollars, contre 179 milliards de dollars à la fin de 2014. Les rentrées du pays en devises dépendant essentiellement des exportations de gaz et de pétrole,

Autant d’éléments qui démontrent « ce que l’Algérie perd économiquement en tournant le dos à ses enfants établis à l’étranger, insiste Adel Ourabah. Le nombre de membres de la diaspora qui reviennent pour investir en Algérie est insignifiant, et cela est lié à la superstructure politique, marquée par la corruption et les entraves bureaucratiques. » Les lourdeurs administratives et l’absence d’autonomie de l’université font partie des obstacles le plus souvent cités comme freins à l’installation. « Le contrôle de l’université est un enjeu politique majeur pour le pouvoir, qui ne conçoit pas celle-ci comme un lieu de production de savoir et d’élites, mais comme un lieu de reproduction du système à travers les pratiques de corruption et le clientélisme qui la gangrènent », affirme le Dr Ourabah. Selon lui, il ne faut pas « se bercer d’illusions » sur la libération de l’université comme levier d’attractivité.

Le discours en faveur de l’implication de la diaspora avait été martelé par Abdelmadjid Tebboune dès le début de sa campagne électorale. Sur le terrain, cette réorientation a trouvé des relais à travers des initiatives de la société civile, qui tente depuis longtemps de sensibiliser les pouvoirs publics à cette question. Des associations comme le Forum des compétences algériennes représentent des espaces de rencontres et d’échanges entre les élites nationales et celles établies à l’étranger. « La diaspora a toujours voulu aider le pays, mais elle a trouvé porte close. La communauté à l’étranger a été marginalisée pendant vingt ans », explique Adel Ghebouli, médecin-chirurgien et président du forum. Avec vingt-cinq antennes à l’étranger, l’association, créée en mars 2019, a déjà organisé deux rencontres internationales à Alger. Plus de 60 expatriés, établis dans 20 pays, du Japon aux États-Unis, y ont assisté et ont émis des pistes de réflexion et des propositions pour que la diaspora s’engage davantage. « Il reste des chantiers, il faut tenir des assises, être attentif aux propositions de la diaspora et engager les réformes, plaide le Dr Ghebouli. Je veux lancer un message d’espoir. Il est de notre devoir, en tant qu’élite, que ce soit en Algérie ou à l’étranger, de s’impliquer davantage dans le développement du pays. » L’amendement éventuel de l’article 63 est une bonne chose selon le Dr Ghebouli : « Cela traduit une volonté politique forte de signifier aux membres de la diaspora qu’ils sont algériens à part entière. »

1,8 MILLIARD DE DOLLARS

C’est le montant des transferts d’argent effectués vers le pays en 2019 par les Algériens établis à l’étranger, selon un rapport de la Banque mondiale – contre (à destination de leurs pays respectifs) 1,9 milliard de dollars pour la diaspora tunisienne, pour une population quatre fois moins nombreuse, et 6,7 milliards pour les Marocains résidant à l’étranger, soit trois fois plus.

no3090 – JUILLET 2020

99


MAGHREB & MOYEN-ORIENT

LIBAN

Haschich à vendre Au bord de la faillite, le Pays du cèdre décide de légaliser la culture de cannabis à usage médical pour relancer l’économie.

JOSEPH EID/AFP

À Yammouné, dans la plaine de la Bekaa, 80 % des foyers cultivent le chanvre.

100

no3090 – JUILLET 2020

U

CHLOÉ DOMAT, À BEYROUTH

nepremièredans lemonde arab e. À l’excep tion notable du Hezbollah, le Parlement libanais a voté, comme un seul homme, le 20 avril, la légalisation du cannabis à des fins médicales. Le marché mondial pèsera près de 50 milliards de dollars d’ici à cinq ans. Aussi, le Liban rêve de produire d’ici à un an des médicaments à base de chanvre, mais aussi des textiles, des cosmétiques et de l’huile de cannabidiol (CBD) destinés à l’export. La filière pourrait rapporter jusqu’à 1 milliard de dollars par an, une aubaine pour un État en faillite. En réalité, le pays n’a pas attendu l’essor du cannabis médical pour planter. La culture date de l’Empire ottoman, mais s’est surtout développée pendant la guerre civile (19751990). On parle alors de plus de 20000 hectares de plantations. L’essentiel de la production est transformé en

résine – ou haschich – et exporté via des réseaux illégaux qui financent les parties prenantes au conflit, dont des milices locales. C’est l’âge d’or de la Lebanese Blond et de la Lebanese Red. À partir des années 1990, les autorités tentent d’éradiquer ce trafic, mais les champs se situent dans le Nord-Est, une région montagneuse et frontalière avec la Syrie qui échappe au contrôle de l’État. L’armée brûle quelques plantations sous les flashs des journalistes. Et les organisations internationales proposent des cultures de substitution, comme le safran ou le jojoba. Mais rien n’y fait, le Liban continue à faire pousser du cannabis. Selon l’ONU, ce tout petit pays demeure le troisième producteur mondial de résine de cannabis, derrière l’Afghanistan et le Maroc. D’où le changement de stratégie.

Consensus politique

L’idée est simple : il suffit d’institutionnaliser une économie déjà en place et de la taxer. Une fois intégré à la balance commerciale, le cannabis deviendrait automatiquement l’un des principaux postes d’exportation du pays. En 2018, le cabinet de conseil américain McKinsey & Cie en fait même l’une de ses propositions phares pour relancer l’économie libanaise, dont la dette représente 170 % du PIB. À l’époque, le rapport fait sourire, mais pas pour longtemps. Un an plus tard, le Liban – troisième pays le plus endetté au monde – bascule dans la pire crise économique et sociale de son histoire. Incapable de payer ses créanciers, l’État survit grâce à la planche à billets. La monnaie locale perd plus de la moitié de sa valeur, l’inflation et le chômage explosent. Pour remplir les caisses vides et calmer la rue, les dirigeants sont prêts à tout. Y compris à légaliser le cannabis. La piste fait consensus… même au sein du Hezbollah. Si le puissant parti chiite soutenu par l’Iran a voté non pour la forme – cautionner



MAGHREB & MOYEN-ORIENT

LIBAN

ouvertement la drogue écornerait son image –, il a autorisé ses alliés à voter oui. « Nous avons des réserves sur le plan moral et social, mais il faut relancer l’économie par tous les moyens », expliquait à la sortie du vote Alain Aoun, député du CPL – le parti du président de la République, allié au Hezbollah. Autrement dit : le cannabis n’est certes pas mieux toléré en société, mais il doit faire rentrer du cash.

La graine de la discorde

L’ambivalence de la position du législateur donne lieu à un paradoxe : si les producteurs de chanvre pourront bientôt avoir des licences, les fumeurs de joints, eux, s’exposent toujours à des peines de prison ferme. Dans le Nord-Est, les champs s’étendent à perte de vue, au su de tous. Depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011, la surface cultivée a doublé pour atteindre plus de 30 000 hectares. Nouvel or vert ? Non, car la nouvelle loi ne légalise qu’une variété de chanvre… qui n’existe pas au Liban. Le cannabis libanais, jusqu’à présent uniquement consommé sous forme de drogue, contient plus de 15 % de substance psychoactive THC. Techniquement, il pourrait être utilisé à des fins médicales, mais cela supposerait un lourd investissement en recherche et développement. Un laboratoire affilié à l’Université américaine de Beyrouth étudie depuis 2018 les effets du cannabis libanais sur des patients atteints du cancer, mais, pour obtenir des résultats commercialisables, il faudra attendre des années. Pour aller plus vite, le Parlement a donc légalisé une autre plante déjà connue de s lab oratoire s

LES PARTISANS DE LA LOI ESPÈRENT ATTIRER DES INVESTISSEURS INTERNATIONAUX POUR DÉVELOPPER LA FILIÈRE. 102

no3090 – JUILLET 2020

RÉGIE DU CANNABIS Bien que les contours de la loi soient encore à définir, elle devrait aboutir à la création d’une régie du cannabis, sur le modèle de la Régie des tabacs – une administration chargée d’octroyer des licences et d’acheter la production. Dans un pays aussi corrompu que le Liban, il s’agirait d’un redoutable outil clientéliste. Or le premier défenseur de la loi cannabis est le parti chiite Amal, qui a déjà la haute main sur les tabacs et qui cherche depuis des années à gagner des voix dans la région de Baalbek-Hermel, où se concentre la production de cannabis. C.D.

internationaux et qui ne contient pas plus de 1 % de THC. Pour appliquer la loi, il faudrait donc arracher les plantations actuelles et importer de nouvelles graines. Difficulté supplémentaire : l’État libanais n’a pas fixé de prix pour la nouvelle production, suscitant une vive inquiétude chez les producteurs. « Les fermiers n’accepteront pas de changer de plante, car celle que nous cultivons depuis cent ans se vend plus cher », explique Talal Chreif, maire de Yammouné, un village où 80 % des foyers cultivent du cannabis.

Un marché ultra-concurrentiel

Quand bien même le Liban parviendrait à remplacer ses cultures, il n’a pas la capacité de transformer ses récoltes en produits pharmaceutiques agréés à l’exportation. Les défenseurs de la loi espèrent attirer des investisseurs internationaux pour développer la filière. Plus facile à dire qu’à faire. « Le climat n’est pas favorable aux investissements étrangers. Pour ouvrir un laboratoire, les grands groupes veulent des garanties et, au minimum, de la stabilité politique, ce qui n’est pas le cas », explique Hassane Makhlouf, agronome et professeur à l’Université libanaise de Beyrouth. Reste donc la possibilité d’exporter le produit brut. Mais comment peser sur un marché ultra-concurrentiel ? La plupart des pays qui ont légalisé le

cannabis médical, comme le Canada ou les États-Unis, en produisent déjà eux-mêmes. Pour Makhlouf, il eût été plus simple de légaliser le cannabis libanais : « On ne peut pas s’arrêter à mi-chemin, l’État a besoin d’argent. La résine de cannabis libanaise est bonne et elle est chère. Il faut avoir le courage de la légaliser, d’offrir au paysan la même somme que les trafiquants et de la vendre aux pays où c’est légal. Sinon, il faut oublier l’usage médical, car ça ne va pas fonctionner. » « Les députés ont voté la loi tout en sachant qu’elle n’est pas applicable », renchérit Riad Saadé, directeur du Centre de recherche et d’études agricoles libanais. « Sur le terrain, rien ne va changer, ajoute Chreif. Pour faire une bonne loi, il aurait fallu consulter les producteurs, mais là c’est juste une manœuvre politique. » Le pays est pourtant face à une urgence. D’ici à la fin de l’année, la part de la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté devrait passer de 30 % à 50 %. L’État – qui importe plus de 80 % des produits consommés dans le pays – doit avant tout s’assurer que ses citoyens ont de quoi manger, conseille Saadé, qui précise : « Il ne faut plus regarder l’agriculture autrement qu’à travers le prisme de la sécurité alimentaire. » En somme, s’assurer que les cultures de base, comme les pommes de terre, les oignons et autres légumes, subviennent aux besoins domestiques.



OBJECTIF SÉNÉGAL UN PAYS, SES DÉFIS

DIPLOMATIE

Amicalement vôtre

Depuis son arrivée au pouvoir, en 2012, Macky Sall œuvre au réchauffement de ses relations avec la plupart de ses homologues. Une approche qui lui a permis tout à la fois de multiplier les projets de partenariat et d’asseoir son leadership continental. 104

no3090 – JUILLET 2020


Visite officielle du président sénégalais à Nouakchott pour signer des accords de coopération, en février.

J

«

MANON LAPLACE, À DAKAR

e demande à nos partenaires d’accompagner la résilience du continent africain en annulant sa dette. » Le 25 mars, le président Macky Sall lançait un appel solennel à la communauté internationale. Sur le plateau de France 24, le 17 avril, il qualifiait de « préliminaire » le moratoire sur la dette bilatérale des pays les plus pauvres que venaient d’annoncer le G20 et le Club de Paris. À l’heure où les économies du monde entier sont ébranlées par la pandémie de Covid-19, le chef de l’État a revêtu le costume de porte-parole des économies africaines. Cette posture témoigne de la montée

no3090 – JUILLET 2020

PAPA MATAR DIOP/PRÉSIDENCE SÉNÉGAL

en puissance progressive du leadership sénégalais, alimentée ces dernières années par une offensive diplomatique que l’on pourrait qualifier d’amicale. « La vocation de mon pays, depuis l’indépendance, est d’être ami de tous les pays et de n’avoir aucun ennemi », raconte même Macky Sall dans son autobiographie Le Sénégal au cœur, parue en 2019. S’il n’a pas inventé le concept déjà plébiscité sous Léopold Sédar Senghor, le président a en revanche renouvelé le style. Du temps d’Abdoulaye Wade, héraut du panafricanisme, la diplomatie se faisait le verbe haut, quitte à froisser certains. « Sous Wade, c’était la diplomatie des coups d’éclat, comme sa visite à Benghazi dans l’avion de Nicolas Sarkozy. Avec Macky Sall, le ton a changé, c’est plus subtil », résume le chercheur Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute. Plus subtil et plus fédérateur. En témoigne la photographie inédite de la prestation de serment qui s’est tenue le 2 avril 2019 à Dakar. L’événement a des allures de sommet de l’Union africaine. Alors qu’il vient d’être réélu à la tête du pays, Macky Sall reçoit une myriade de chefs d’État dans la grande salle du Centre des expositions de Diamniadio. Sont présents les alliés tels que l’Ivoirien Alassane Ouattara ou le Rwandais Paul Kagame, mais aussi les

105


OBJECTIF SÉNÉGAL

DIPLOMATIE

contempteurs d’hier, à l’image du Mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, dont la présence est perçue comme les prémices d’un réchauffement entre les deux pays.

« Ceinture de sécurité »

LIONEL MANDEIX/PRÉSIDENCE SÉNÉGAL

Décrit par un collaborateur comme un « homme de protocole qui ne fait pas de vagues », Macky Sall a néanmoins refaçonné les relations du Sénégal dans la sous-région. Si Dakar a toujours joui d’un certain leadership à l’échelle ouest-africaine, profitant des soubresauts politiques de ses voisins, jamais le Pays de la teranga n’avait eu autant d’alliés parmi eux. Une « ceinture de sécurité » venue remplacer un « cercle de feu », selon l’image employée par Sidiki Kaba en avril 2019, lors de la passation de pouvoir entre lui et Amadou Ba au ministère des Affaires étrangères. La résolution de la crise gambienne et le renversement de Yaya Jammeh en 2017 font partie des succès qui ont renforcé le leadership régional du Sénégal. Alors que Conakry et Nouakchott souhaitaient éviter une intervention militaire, « Macky Sall a joué un rôle déterminant dans l’engagement de la Cedeao et de la communauté internationale pour faire respecter le résultat de l’élection présidentielle et obtenir le départ de Jammeh », commente

106

Vincent Foucher, chercheur au CNRS, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest. Cette initiative couronnée de succès permet au Sénégal de compter un nouvel allié en la personne d’Adama Barrow, président de la Gambie. « Cela a permis à Dakar d’apparaître comme un modèle en matière de démocratie et un interlocuteur de référence en Afrique de l’Ouest », estime un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères. Ses nouveaux alliés, Macky Sall les recrute dans le cercle des derniers dirigeants ouest-africains élus, parmi lesquels le Libérien George Weah, le Sierra-Léonais Julius Maada Bio, tous deux investis en 2018, ou encore Umaro Sissoco Embaló, qui a pris la tête de la Guinée-Bissau au début de l’année. Tous sont de la même génération que le Sénégalais, tous ont choisi Dakar comme première étape de leurs tournées officielles ou privées et tous ont été suspectés par leurs détracteurs d’avoir bénéficié de la main invisible sénégalaise lors de leur élection. « Au-delà de s’être trouvé des alliés dans la région, Macky Sall les a aussi

PARMI LES DERNIERS ALLIÉS EN DATE: LE LIBÉRIEN GEORGE WEAH ET LE SIERRA-LÉONAIS JULIUS MAADA BIO, TOUS DEUX INVESTIS EN 2018.

Le nouveau président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embaló (chemise blanche), durant une visite de courtoisie, à Dakar, en mars.

no3090 – JUILLET 2020


COMMUNIQUÉ

LE GROUPE KIRÈNE :

UN ÉLAN DE SOLIDARITÉ FACE AU COVID-19

Alexandre Alcantara, Directeur Général du Groupe Kirène (à gauche) et Amadou Hott, le Ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération (à droite) lors de la remise du chèque de 200 millions de FCFA destinée au Fond de Riposte et de Solidarité FORCE-COVID-19, le 26 mars 2020.

Le Groupe Kirène, dans son engagement à contribuer au vivre-mieux des Sénégalais, s’est fortement mobilisé face à la pandémie de COVID – 19. L’entreprise a participé à l’effort national par une donation de 200 millions de FCFA destinée au Fond de Riposte et de Solidarité FORCE-COVID-19. Au quotidien, le Groupe Kirène poursuit et renforce ses actions de soutien à la population, aux structures sociales dans le besoin mais surtout aux établissements de santé, à travers une importante distribution d’eau minérale pour les personnes touchées par l’épidémie et le personnel soignant. C’est ainsi que le groupe apporte son soutien aux 13 structures de santé au Sénégal à Dakar, Kaolack Thiès, Diourbel, Touba mais aussi Tambacounda, Ziguinchor et Louga.

Plus de 100.000 litres d’eau, de lait et de jus ont été distribués à ce jour. Par ailleurs, toutes les ressources sont mobilisées depuis le début de la crise pour renforcer l’approvisionnement en produits dans les points de vente habituels, sur l’ensemble du territoire national, ceci dans le respect des dispositions prises par les autorités sanitaires et le ministère des transports. À cela, s’ajoute le programme de livraison à domicile mis en place à travers un partenariat avec Jumia à Dakar, Thiès et Mbour pour encourager la population sénégalaise à rester chez eux. Le Groupe Kirène, dans son engagement, continue de poursuivre ses efforts dans la lutte contre le COVID-19.

www.kirene-groupe.com


OBJECTIF SÉNÉGAL

DIPLOMATIE

produits en appuyant des candidats qui lui étaient favorables. Résultat, la Gambie et la Guinée-Bissau sont désormais dirigées par des protégés de Macky Sall », analyse Vincent Foucher. Du côté de l’exécutif, on se défend de toute influence, invoquant la souveraineté de chacun de ces pays. Toujours est-il que les relations avec Banjul et Bissau sont stabilisées. Et les pays qui ont un temps soufflé sur les braises de l’indépendantisme en Casamance, à l’image du voisin bissau-guinéen, ont finalement aidé à mettre fin à la crise.

UN AN DE DIPLOMATIE PRÉSIDENTIELLE Mars 2019-mars 2020

Voyages de Macky Sall Mauritanie févr. 2020

Gambie mars 2020

Burkina Faso nov. 2019 Côte d’Ivoire juin 2019

Partenaire international

Demeurent certes des tensions avec la Guinée d’Alpha Condé, dont l’opposant Cellou Dalein Diallo est un ami personnel de Macky Sall, mais l’heure est globalement au réchauffement entre les deux pays. C’est aussi le cas avec le voisin mauritanien depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Ould Ghazouani, en 2019. Signe du dégel, Macky Sall a rendu à son homologue une visite officielle en février, ce qui a permis de signer de nombreux accords bloqués du temps de Mohamed Ould Abdelaziz. « Certes, les intérêts communs dans le gaz et le pétrole ont joué un rôle, mais il ne faut pas sous-estimer le travail de Macky Sall, qui s’entend très bien avec son homologue mauritanien », confie-t-on du côté du ministère des Affaires étrangères. Cette diplomatie bienveillante, le président sénégalais la cultive au-delà du continent, d’Abou Dhabi à Pékin, en passant par Ankara. Recep Tayyip Erdoğan, Emmanuel Macron, Xi Jinping, Angela Merkel ou encore Justin Trudeau : depuis deux ans, les représentants de pays amis défilent à Dakar. Ce sont autant de partenaires financiers. Avec une croissance de 5,3 % en 2019 et une stabilité hors norme dans la région, le Sénégal est un pays apprécié des investisseurs. En témoignent les financements obtenus lors du Groupe consultatif de Paris en décembre 2018 pour la réalisation de la deuxième phase de son Plan Sénégal émergent (PSE), dont le montant était trois fois supérieur aux attentes de l’exécutif. En mars de la même année, lors de la visite du président turc, Erdoğan, promesse est faite de doubler les échanges commerciaux entre le s deux pays. Quand c’est au

Investiture du président mauritanien août. 2019

Gabon mai 2019 Liberia juill. 2019 Investiture du président sud-africain mai 2019

Visites de dirigeants au Sénégal Umaro Sissoco Embaló Guinée-Bissau – mars 2020 Recep Tayyip Erdoğan Turquie – janv. 2020 Denis Sassou Nguesso Congo – août 2019 Roi Mswati III Eswatini – juill. 2019 Mokgweetsi Masisi Botswana – juin 2019 Abdel Fattah al-Sissi Égypte – avr. 2019 Alpha Condé Guinée – avr. 2019 Roch Marc Christian Kaboré Burkina Faso – avr.2019 Andry Rajoelina Madagascar – avr.2019

« HOMME DU CONSENSUS MOU » POUR CERTAINS, « FIN TACTICIEN » POUR D’AUTRES, IL S’EST ASSURÉ UNE PRÉSIDENCE SANS TROP D’ENNEMIS.

108

no3090 – JUILLET 2020

tour du Chinois Xi Jinping d’être reçu à Dakar, les deux présidents signent dix accords dans des domaines liés à la justice, à la coopération économique et technique, aux infrastructures, à la valorisation du capital humain et à l’aviation civile. Plus récemment, ces bonnes relations ont valu à Macky Sall, en pleine crise du Covid-19, l’appui du chef de l’État français concernant l’annulation de la dette africaine. Ce soutien est le bienvenu de la part d’un partenaire privilégié que Macky Sall considère comme appartenant au cercle des pays amis au même titre que les États-Unis, le Maroc et l’Arabie saoudite, avec lesquels « la relation perdure malgré les convulsions politiques, les alternances et les mutations dans les relations internationales », écrit-il dans son autobiographie. L’immuable amitié du Sénégal envers certains d’entre eux lui a d’ailleurs attiré quelques critiques. Ce fut le cas lors de l’élection du président de la Commission de l’Union africaine en 2017. Le candidat sénégalais, l’ex-ministre Abdoulaye Bathily, avait été éliminé au premier tour. « Il y a eu une grande campagne contre le Sénégal, liée notamment au fait que Dakar endosse les positions marocaines sur le Sahara occidental. Certains pays du Maghreb ne voulaient pas de ce qu’ils considéraient être un inconditionnel du Maroc à la tête de l’Union africaine », explique Bakary Sambe. « C’est la méthode Macky Sall, renchérit le chercheur. Abdoulaye Wade était un conquérant, le géologue Macky Sall a davantage les pieds sur terre. C’est un homme de consensus. » Et le président sénégalais a aussi recours à cette recherche de compromis et d’alliances sur la scène intérieure. Dès son arrivée au pouvoir, en 2012, ce libéral a bouleversé l’échiquier politique en ralliant deux des principales formations de l’opposition : le Parti socialiste (PS) et l’Alliance des forces de progrès (AFP), de Moustapha Niasse. Cette stratégie lui permet, depuis, de « mettre à profit des réseaux, comme l’Internationale socialiste, très influents dans la sous-région », fait valoir le socialiste Abdoulaye Wilane. « Homme du consensus mou » pour certains, « fin tacticien politique » pour d’autres, ou parfois les deux, Macky Sall s’est assuré, sans faire de bruit, une présidence quasi sans ennemis. Et s’il « serait naïf de penser qu’il n’y a pas de frictions avec d’autres pays, nuance un collaborateur du président, le Sénégal peut aujourd’hui discuter avec tout le monde. »


COMMUNIQUÉ

SERTEM FÊTE SES 20 ANS

ET VOUS DONNE RENDEZ VOUS

DAN S

1 0 A NS

«DE DAKAR À BAMAKO, L’AFRIQUE DE L’OUEST À AUJOURD’HUI LES MOYENS DE RÉINVENTER SON PROPRE DÉVELOPPEMENT URBAIN EN MISANT SUR LA QUALITÉ.»

Cette phrase prononcée par Léopold NGOM, Président et fondateur du groupe SERTEM, résume à elle seule la philosophie du groupe dont le cœur de métier consiste à imaginer et développer les concepts immobiliers de l’Afrique de demain. Solidement ancré sur le marché sénégalais et déjà implantée au Mali et en Côte d’Ivoire, ce sont quelques centaines de milliers de m2 d’espaces résidentiels, commerciaux et industriels qui ont été livrés par le groupe à ce jour sur le segment de marché du haut de gamme. Considérée par beaucoup de professionnels du secteur de la promotion immobilière et du BTP comme une entreprise particulièrement sérieuse, créative voire talentueuse, elle doit cette réputation à un niveau d’exigence digne de celui de ses homologues occidentaux les plus prestigieux. Ce sont plus de 650 collaborateurs fixes ou journaliers qui portent chaque jour cette exigence largement partagée par plus de 50 partenaires historiques comptant parmi les professionnels les plus performants du marché : architectes, designers, certificateurs et autres financiers spécialisés, pour ne citer qu’eux. Fann Résidence, 41 Rue C x Leon Gontron Damas, Dakar Tél. : 33 869 77 67 | Email : info@sertemgroupe.com sertemgroupe.com

C’est ce niveau d’exigence qui a propulsé SERTEM dans le peloton de tête des développeurs de programme de la sous-région et d’accéder à des chantiers à forte valeur ajoutée et d’envergure nationale comme le Train Express Régional et la Tour des Mamelles par la Caisse des Dépôts et Consignations à Dakar, deux ouvrages emblématiques d’un Sénégal émergent qui répondent aux normes internationales les plus avancées. Entreprise citoyenne à taille humaine, consciente de ses responsabilités sociales et environnementales, SERTEM est aujourd’hui prête à relever le défi incontournable d’un urbanisme renouvelé dans les grandes métropoles africaines…un développement urbain toujours plus respectueux de la planète et toujours plus humain.

La passion du défi, l’exigence de la qualité.


OBJECTIF SÉNÉGAL

PAPA MATAR DIOP/PRÉSIDENCE SÉNÉGAL

OPPOSITION

Les chefs des principaux partis – Idrissa Seck, Ousmane Sonko et Khalifa Sall (de g. à dr.) – reçus par le chef de l’État, le 24 mars.

Des ténors presque aphones

Plus d’un an après la réélection de Macky Sall, tous ses rivaux semblent anesthésiés. Si certains peinent à rebondir, d’autres s’activent déjà en coulisses pour préparer les élections locales.

C

MANON LAPLACE, À DAKAR

e mardi 24 mars, alors que Macky Sall vient d’instaurer l’état d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, un cortège inédit d’opposants défile sous les ors du palais de la République. Des adversaires rassemblés dans un esprit d’« union sacrée » face à la crise sanitaire que le président sénégalais fait poser devant l’objectif de la télévision nationale, alors même qu’on ne les avait quasiment pas vus ni entendus depuis le scrutin de février 2019. Pour nombre d’entre eux, « l’heure est à la réorganisation », plaide Déthié Fall, bras droit d’Idrissa Seck. Le candidat malheureux à la dernière présidentielle s’est muré dans le silence depuis la publication d’un livre blanc postélectoral. Même lors du lancement du dialogue national, en mars 2019, il a laissé à ses lieutenants le soin de le représenter. Chargé de coordonner l’opposition au sein du

110

no3090 – JUILLET 2020

dialogue politique, Déthié Fall refuse de parler de léthargie pour décrire l’année écoulée : « Nous avons fait le choix du dialogue. Nous aurions pu choisir la rue, le combat, mais cela aurait créé un risque d’instabilité », justifie-t-il.

Apathie du PDS

« L’opposition est passée des revendications sous les gaz lacrymogènes aux revendications sous la clim », ironise une figure politique sénégalaise au regard de la soixantaine de concertations menées depuis un an. Des rendez-vous à l’issue desquels la majorité a accepté de reporter les élections locales – qui se tiendront avant mars 2021 – et concédé l’audit du fichier électoral, sujet qui empoisonne le débat politique à chaque scrutin. « La discussion dans la sérénité est certes moins visible, mais elle est plus efficace », revendique Déthié Fall. Refusant de participer au dialogue national après plusieurs revirements, le Parti démocratique sénégalais

(PDS) s’attelle à sortir de la zone de turbulences dans laquelle l’a plongé le rejet par le Conseil constitutionnel de la candidature de Karim Wade en 2019. Maintes fois annoncé, le retour du fils de l’ancien président, en exil au Qatar depuis quatre ans, n’a toujours pas eu lieu, laissant une partie des ténors libéraux amers. Oumar Sarr, coordonnateur du parti pendant sept ans, Amadou Sall ou encore Babacar Gaye, accusant publiquement Karim Wade de manipuler son père, sont en rupture de ban avec le parti pour lequel ils ont tant milité. « Il ne faut pas se faire d’illusions, l’apathie du PDS est bien antérieure à l’immobilisme entraîné par le coronavirus. Depuis plus d’un an, le parti n’a pas mené la moindre activité, organisé la moindre réunion », dénonce Amadou Sall, qui fut le garde des Sceaux d’Abdoulaye Wade et qui appartient aujourd’hui au mouvement dissident Suqqali Sopi. S’il admet avoir perdu quelques militants dans la bataille, le PDS


MESSAGE

« Nous allons faire de BEM, la meilleure Business school d'Afrique Subsaharienne. » Entretien avec le Dr Pape Madické DIOP Président Directeur Général de BEM Dakar

tion to Advance Collegiate Schools of Business), de l'AABS (Association of African Business Schools) et du Campus franco-sénégalais. Grâce à la mobilité académique obligatoire, nos étudiants sillonnent le monde, s’enrichissent et grandissent dans des programmes d’excellence aux USA, en France, en Chine, au Canada, au Ghana, au Maroc et en Afrique du Sud. BEM, c’est aussi des diplômés qui travaillent et qui entreprennent en Afrique et partout dans le monde.

Quelles sont les perspectives ? Nous y sommes déjà ! Elles s’articulent autour de 2 points :

BEM Dakar hier et BEM Abidjan aujourd’hui, c’est d’abord une histoire, une conviction, une passion et une vision bien sûr. L’histoire débuta à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux ; elle se poursuivit à l’ESC Bordeaux devenue Bordeaux École de Management puis Bordeaux Management School. Elle continue de s’écrire aujourd’hui dans Kedge Business School qui porte, désormais, en France, les ambitions de notre communauté. BEM est donc une école d’inspiration française, de culture africaine et d’identité internationale. Dès 2008, sur le fondement de la vision qui est la nôtre (faire de BEM la meilleure Business School d’Afrique noire francophone), nous avons incarné des valeurs et défendu des engagements d’excellence, d’innovation et de responsabilité qui légitiment aujourd’hui notre place de 1ère Business School d’Afrique noire francophone (Classement Jeune Afrique des Business Schools africaines dans son édition n°3040 du 14 Avril 2019).

Quel bilan faites-vous aujourd'hui ? BEM, c’est aujourd’hui 1 300 étudiants dont 600 en formation initiale et 700 en formation continue, 29 nationalités, 20 universités partenaires, 20 prestigieuses entreprises membres du Comité d’Orientation Stratégique et plus de 200 intervenants (permanents et vacataires). Notre établissement propose plusieurs programmes accrédités par l’Anaq Sup et reconnus par le CAMES. BEM est également membre de l’AUF (Agence Universitaire de la Francophonie), de AACSB (Associa-

Sacré Coeur III Pyrotechnie BP 25208 Dakar Fann Tél. : +221 33 869 82 81 / +221 77 704 77 77 E-mail : contact@bem.sn

A Installer notre école dans la révolution numérique et dans l’hybridation des savoirs. Après une première implantation réussie à Dakar, nous avons choisi d’ouvrir, en septembre 2020, BEM Abidjan. À Abidjan, nous proposerons une offre unique aux meilleurs étudiants ivoiriens et africains, recrutés sur des critères d’excellence, d’obtenir un diplôme de niveau Bachelor, Master ou Doctorat, après un cursus qui pourra être suivi en tout ou partie à Abidjan, aux USA, en France, au Canada ou en Chine. L’école proposera également aux cadres et dirigeants d’accéder à ses diplômes et certificats par le biais de la formation continue.

Quel est votre rêve pour BEM ? Mon rêve est de voir mes étudiants accomplir leurs propres rêves. C’est de les voir rendre heureux leurs parents, après tant d’années d’éducation et de sacrifice. Qu’ils soient des hommes et des femmes utiles ! Qu’ils fassent honneur à BEM où ils ont développé leurs premières convictions d’adulte, leur personnalité et des amitiés pour la vie ! Je souhaite les voir prendre plaisir à entreprendre, avec éthique et responsabilité. Qu’ils avancent dans leurs trajectoires personnelles avec courage, audace et créativité ! Je veux les voir, en toute circonstance, faire preuve d’humilité, de respect et d’exemplarité. Je rêve de les voir militants et acteurs d’un monde de paix, de tolérance et de progrès responsable.

ÎÍÌÚ

www.bem.sn

JAMG - Photos : D.R.

Pouvez-vous nous raconter l'aventure BEM ?

A Faire de BEM Abidjan le hub de notre développement Afrique,


OBJECTIF SÉNÉGAL

assure que « le soutien indéfectible » du parti à son candidat a permis d’engranger davantage de recrues. « L’image du PDS en est sortie renforcée, le parti va bien ! », soutient Doudou Wade, l’un des onze secrétaires généraux adjoints nommés en remplacement d’Oumar Sarr. Le parti, dont le groupe parlementaire est le premier de l’opposition, se concentre sur « un combat politique qui a débuté avec la décision rendue par la Crei [la Cour de répression de l’enrichissement illicite a condamné Karim Wade en 2015] », explique le député dakarois. Cette bataille se joue devant les cours de justice internationales, de Monaco à Abuja, où les démêlés judiciaires qui opposent l’ex-ministre à l’État sénégalais continuent d’être jugés. « Ce n’est pas notre seul combat, rassure-t-il, nous avons aussi un objectif de remobilisation et de recrutement. »

Khalifa Sall vise 2024

Même ambition pour Khalifa Sall, qui reste toutefois extrêmement discret depuis qu’il a été libéré, en septembre 2019, après avoir passé plus de deux ans et demi en prison pour détournement de fonds publics. « Il reprendra ses activités politiques sous peu », promet l’un de ses proches collaborateurs. « Il souhaitait d’abord remercier les familles religieuses et les partisans qui l’ont soutenu », justifie son conseiller politique Moussa Taye. L’ancien maire de Dakar préparait une tournée nationale pour le début de mars quand la pandémie s’est propagée dans le pays. Tournée qui sera programmée « dès que la situation sanitaire sera réglée », confie un proche. Même si son entourage affirme qu’il ne se présentera pas aux prochaines élections locales et départementales,

Le leader du Pastef, lors d’un meeting à Pikine, le 21 février.

l’ancien maire de Dakar (2009-2018) participera à la campagne avec son mouvement, Taxawu Sénégal. « L’objectif, pour Khalifa Sall, c’est l’élection présidentielle de 2024. » Et peu importe pour l’heure qu’il ne soit pas éligible du fait de sa condamnation : « Nous avons quatre ans pour régler cette question. Ce qui compte, aujourd’hui, c’est de dérouler notre programme auprès des Sénégalais et d’occuper le terrain », indique l’un de ses collaborateurs. Force est de constater que peu de ténors de l’opposition sont descendus ces derniers mois dans l’arène pour se frotter au gouvernement. « Un parti ne se limite pas à son président, Rewmi reste présent dans le débat. Quant à Idrissa Seck, il a trente et une années d’expérience politique, et, jusque dans les hameaux les plus reculés du pays, les Sénégalais savent qui il est. Il a suffisamment d’expérience pour savoir quand le moment se prête à parler ou pas », justifie Déthié Fall. Loin d’être

FIGURE MONTANTE DE L’OPPOSITION, OUSMANE SONKO EST LE SEUL À MAINTENIR UNE PRESSION PERMANENTE SUR LA MAJORITÉ. 112

no3090 – JUILLET 2020

inactif, l’ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade se démène en coulisses. Depuis plus d’un an, Idrissa Seck noue des alliances en vue des municipales et des départementales. Déjà, il peut compter sur le soutien de Malick Gakou (Grand Parti), de Madické Niang (ex-PDS), de l’ancien premier ministre Cheikh Hadjibou Soumaré et de I’ex-maire de Dakar Pape Diop. Ousmane Sonko, président des Patriotes du Sénégal (Pastef), gonflé à bloc par son score à la présidentielle de 2019 (15,6 % des voix pour sa première participation), devrait, lui, faire cavalier seul. La nouvelle figure de l’opposition est le seul à maintenir une pression permanente sur la majorité. Après l’annonce, le 11 mai, de l’allègement des mesures sanitaires prises pour faire face au Covid-19, il a dénoncé l’« abandon de responsabilité » d’un gouvernement « démissionnaire et incompétent ». Cette posture d’agitateur emporte l’adhésion des jeunes. De quoi lui ouvrir la voie pour les prochaines élections ? « Ce serait une erreur de penser que la présence médiatique est synonyme de densité électorale, met en garde un opposant. Macky Sall en est la preuve: en 2011, il était l’un des opposants les plus discrets. En 2012, il était au Palais. »

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

OPPOSITION


COMMUNIQUÉ

Entretien avec Oumar Toguyeni, Sénior Vice-Président Principal Affaires Internationales et Développement Durable

« Notre stratégie de développement repose sur l’intégration socio-économique dans les pays hôtes » Session MBA

ment des économies à travers les achats locaux de biens et services et la valorisation de l’expertise nationale. Un exemple dont nous sommes fiers est le projet « Eau et Croissance Économique Durable au Sahel » ECEDSahel (Burkina Faso), d’un montant global d’environ 8 Milliards FCFA, notre initiative phare, réalisée en partenariat avec les gouvernements du Canada, du Burkina, One Drop et Cowater et qui couvre les besoins en eau potable de la ville de Dori et de 17 villages environnants soit 60000 personnes.

À chaque début de quart de travail, des séances d’assouplissement et d’échanges sur la santé et la sécurité au travail.

Pouvez-vous présenter IAMGOLD ? IAMGOLD est une compagnie minière canadienne qui exploite actuellement trois mines : Essakane (Burkina Faso), Rosebel (Suriname) et Westwood (Canada). Nous produisons entre 700000 et 800000 onces par an Nous avons également deux projets en développement avancé : Côté Gold (Canada) et Boto Gold (Sénégal).

Quelle est la place de l’Afrique dans votre stratégie ? L’aventure IAMGOLD a commencé au Mali, au début des années 90, avec la découverte puis la mise en exploitation de la mine de Sadiola. Depuis, la Société est restée très active dans la région avec environ 3000 employés répartis dans 4 pays. Notre mine d’Essakane qui produit en moyenne 400000 onces par an (environ 13 tonnes), est la plus grande mine d’or et un contributeur clé de l’économie du Burkina.

En quoi le projet de Boto est-il important ? Ce projet, dont la durée de vie prévisionnelle est de 11 ans, produira 3,4 tonnes d’or par an et emploiera environ 600 personnes dans la phase de production. L’investissement initial est d’environ USD 270 M (162 Milliards FCFA). Le développement de cette mine est le symbole de la persévérance et du partenariat avec l’État sénégalais. Nous y avons déjà développé des projets communautaires en phase d’exploration, et notre objectif est de faire de cette mine un leader en matière de développement durable pendant et après la vie de la mine. Nous le ferons en collaboration avec toutes les parties prenantes, grâce à un schéma de gouvernance exemplaire en termes de concertation, d’engagement et de transparence. Le jardin maraîcher de Guemedji

Quel est l’impact de vos projets dans les pays ? Il va bien au-delà des contributions directes telles que les impôts et les redevances. Nous contribuons au développe-

www.iamgold.com

L'un des projets communautaires réalisé avec 40 femmes du village. Système d’irrigation à goutte ; la production de légumes est vendue aux marchés de la région.

JAMG - PHOTOS : D.R.

L'Afrique de l'Ouest est l'une des régions les plus attractives au monde pour l'exploration et l'exploitation aurifères. En plus de nos mines en opération, nous avons des projets d’exploration au Sénégal, au Mali, au Burkina et en Guinée.


OBJECTIF SÉNÉGAL

INTERVIEW

Amadou Hott

Ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération

« Le plan de relance va renforcer notre souveraineté dans les secteurs clés »

Si le pays devrait éviter la récession, l’épidémie de coronavirus oblige le gouvernement à redéfinir ses priorités de développement en mettant notamment l’accent sur l’industrialisation.

D

PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN CLÉMENÇOT

Jeune Afrique : La crise du Covid-19 affecte l’économie mondiale. Quelles conséquences prévoyez-vous pour le Sénégal ?

Amadou Hott: Notre taux de croissance devrait baisser drastiquement, mais nous n’attendons pas une récession. En tenant compte des chiffres du premier trimestre et sur la base d’une reprise graduelle de l’activité, nous anticipons un taux de croissance du PIB de 1,1 % en 2020, contre 5,3 % l’an dernier. En début d’année, donc avant la crise du Covid, nous espérions atteindre un taux de 6,8 %. Cette

114

no3090 – JUILLET 2020

prévision reflète la baisse d’activité constatée dans les différents secteurs que sont l’hôtellerie, la restauration, le tourisme en général, mais aussi les transports aériens et terrestres ou encore l’enseignement. Parmi les secteurs qui tiennent bon malgré la crise, il y a les télécoms, le BTP et les services financiers. Durant cette période, notre balance commerciale s’est également dégradée, car si nos importations ont chuté, nos exportations (phosphates, revenus du tourisme…) ont été encore plus affectées par le ralentissement de la demande de nos partenaires et par la fermeture des frontières. Le déficit du compte courant devrait s’établir cette année à 10 % du PIB, contre 9 % en 2019.

et en profiter pour le réformer. Actuellement, un industriel ne peut pas récupérer la TVA qu’il paie sur les intrants, car il n’y a pas de TVA sur les produits pharmaceutiques. Il faut que

Le gouvernement a annoncé en mai un plan de relance. De quoi s’agit-il ?

Il est important de renforcer notre souveraineté dans des secteurs stratégiques comme l’agriculture, par exemple en produisant davantage de riz. Dans le cadre du plan de relance, nous avons augmenté de 50 % nos subventions et investissements pour la campagne agricole 2020-2021, en passant de 40 à 60 milliards de F CFA afin de permettre aux cultivateurs, notamment aux femmes et aux jeunes, d’acheter plus d’engrais, de semences et de matériels agricoles. Cela devrait nous permettre d’augmenter les rendements, d’autant que nous prévoyons pour l’hivernage une pluviométrie plus importante que celle de l’an passé. Nous voulons aussi appuyer le secteur pharmaceutique

À la Direction générale de la Planification et des Politiques économiques, à Dakar.

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

ès le 23 mars, le président Macky Sall a déclaré l’état d’urgence (prolongé jusqu’au 30 juin), fermé les frontières et instauré un couvre-feu pour contrer la progression de l’épidémie de Covid-19. Dans la foulée, il a annoncé l’adoption d’un Programme de résilience économique et social exceptionnel doté de 1 000 milliards de F CFA (1,5 milliard d’euros) pour aider les populations fragiles, mais aussi les entreprises, à surmonter cette période difficile. C’est Amadou Hott, ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, qui veille en partie à son application. En première ligne face aux conséquences de l’épidémie, l’ex-banquier et ancien vice-président de la BAD doit également redéfinir les priorités de développement du pays à l’aune de cette crise sans précédent. Il répond aux questions de Jeune Afrique.


l’on trouve une formule pour rendre les choses plus équitables pour les producteurs locaux. Nous voulons aussi accélérer les délais pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché des nouveaux traitements et revoir le code de la pharmacie, qui oblige que, dans ce secteur, 51 % du capital des nouvelles entreprises soit détenu par des intérêts sénégalais publics ou privés. Nous pensons que c’est un frein à l’investissement. La souveraineté sanitaire passe aussi par un meilleur accès aux infrastructures de soins. L’État va mettre en place un plan quinquennal pour améliorer ce point et former davantage de personnel médical. Nous organiserons une table ronde des bailleurs de fonds pour nous aider dans ce domaine.

Nous évaluons l’investissement global à environ 1,5 milliard d’euros. C’est pourquoi nous avons accéléré la réforme qui vise à simplifier la loi PPP (partenariat public-privé) et à rendre ainsi la participation du secteur privé national plus importante. Il est évident que l’État ne pourra pas investir seul. Avant d’être au centre du plan de relance, l’agriculture était déjà un des piliers du Plan Sénégal émergent (PSE). Dans ce domaine, qu’il s’agisse des difficultés des huiliers ou de celles du pays pour atteindre l’autosuffisance en riz, les résultats sont mitigés. Que va faire le gouvernement ?

Concernant la production de riz, l’État, en plus de l’augmentation de ses subventions pour l’achat d’engrais, de semences de qualité, de matériels, va aussi, notamment par l’intermédiaire de la Société nationale d’aménagement et d’exploitation des terres du delta du fleuve Sénégal [Saed], mettre plus de terres à la disposition des petits producteurs, et surtout des industriels. L’objectif est d’avoir davantage de sociétés comme la Compagnie agricole de Saint-Louis [CASL], qui vend 100 % de sa production sur le marché sénégalais. Avec cette stratégie, on doit pouvoir atteindre rapidement l’autosuffisance en riz. S’agissant du secteur de l’arachide, il est vrai que l’an dernier les transformateurs locaux ont eu des difficultés

CE MORATOIRE EST UNE BOUFFÉE D’OXYGÈNE POUR DE NOMBREUX PAYS. MAIS NOUS PENSONS QU’ON PEUT ALLER PLUS LOIN.

à s’approvisionner parce que les importateurs chinois ont acheté à des prix supérieurs à ceux fixés en début de campagne, pour le plus grand bonheur des cultivateurs. Il faut des réformes pour parvenir à un équilibre qui satisfasse toutes les parties prenantes et qui permette de créer plus de valeur ajoutée au Sénégal, en exportant des produits finis ou semi-finis plutôt que de l’arachide brute. Il faut soutenir les huiliers, car les acheteurs chinois ne pratiqueront peut-être pas toujours les mêmes prix. Pour que les industriels locaux offrent un meilleur tarif, il faut qu’ils améliorent leur compétitivité, par exemple en baissant leur facture énergétique. La Sonacos, le producteur d’huile historique du Sénégal, est-elle toujours destinée à être privatisée ?

C’est la volonté de l’État, mais le timing n’est pas arrêté. L’important est de rendre son outil industriel plus attrayant pour attirer des partenaires privés nationaux ou internationaux. Ensuite, nous pourrons envisager une privatisation partielle, totale ou un partenariat avec des intérêts privés.

Dans la crise actuelle, le Sénégal a-t-il besoin d’une annulation de sa dette ?

L’appel du président Macky Sall pour l’annulation de la dette ne concerne pas tous les pays. Cette initiative doit être étudiée au cas par cas en fonction de la vulnérabilité de chacun. Et cela pourrait porter sur les dettes publiques bilatérales (90 milliards de F CFA au titre de service de la dette pour l’année 2020). À la suite de cet appel, le G20 et le Club de Paris ont annoncé un moratoire sur 2020 qui pourrait être reconduit en 2021. Ensuite, ces sommes devront être remboursées sur quatre ans, avec un an de différé. Pour la dette commerciale (emprunts obligataires, dettes bancaires), le chef de l’État est favorable à la mise en place d’un mécanisme innovant. La communauté internationale pourrait, par exemple, créer un véhicule financier ad hoc qui puisse prêter des fonds

no3090 – JUILLET 2020

115


OBJECTIF SÉNÉGAL

INTERVIEW sur vingt, vingt-cinq ans à des taux concessionnels ou semi-concessionnels pour rembourser ces créances commerciales dues sur 2020 et 2021. Dans le contexte actuel, les coûts de financement de tous les pays augmentent. En 2020 et en 2021, le service de la dette commerciale représentera pour l’Afrique subsaharienne environ 37 milliards de dollars. Le président Macky Sall a livré un plaidoyer en ce sens. Ce dispositif donnerait au pays plus de marge budgétaire et nous permettrait de rembourser avec un taux d’intérêt plus faible. Mais le Sénégal a pris toutes les dispositions pour payer ses dettes, comme il l’a toujours fait. Que pensez-vous de la réaction des institutions internationales durant cette crise vis-à-vis de l’Afrique ?

On se réjouit de la première réaction du G20 et du Club de Paris, mais nous pensons que l’on peut aller plus loin. L’annulation d’une dette prend plus de temps. On l’a vu à la fin des années 1990 et dans les années 2000. Ce moratoire est une bouffée d’oxygène pour de nombreux pays.

Certains investissements prévus dans le cadre du PSE vont-ils être décalés dans le temps ?

C’est nécessaire pour financer le programme de résilience économique et sociale. Nous avons surtout réduit les dépenses de fonctionnement, mais aussi repoussé quelques dépenses d’investissement, ce qui

nous a permis de dégager une enveloppe de 159 milliards de F CFA. Mais il y a des projets prioritaires, comme le TER, certains aménagements routiers ou encore des réalisations dans les secteurs de la santé et de l’agriculture, qui se poursuivront comme prévu. Nous conduisons actuellement une revue du Plan d’actions prioritaires 2019-2023. Au mois de juillet, nous pourrons dresser la liste des projets concernés. La crise du Covid va-t-elle amener le Sénégal à modifier ses objectifs de développement ?

Ce qui est important pour nous, c’est d’atteindre la souveraineté alimentaire, pharmaceutique et sanitaire. Une autre priorité porte sur la création d’emplois. Nous comptons beaucoup sur le secteur agroalimentaire, avec la mise en place d’agropoles. Trois sont en projet. L’une sera installée dans le sud pour dynamiser la région de la Casamance, par exemple en transformant des mangues et de l’anacarde. La partie publique du financement est bouclée en partenariat avec la BAD et la BID. Nous avons maintenant besoin de financements privés. Pour y parvenir, il faudra des réformes, offrir des incitations. Nous voulons également réorienter les investissements vers la manufacture de certains produits (textile, médicaments, agroalimentaire…) pour que les pays qui voudraient diversifier leurs sources

d’approvisionnement puissent le faire au Sénégal. Cela passe par la construction de nouveaux parcs industriels. L’État l’a déjà fait. À Diamniadio, 4 000 emplois ont été créés, et nous allons financer une deuxième phase d’extension de cette zone économique spéciale [ZES]. Le privé doit désormais prendre le relais, comme c’est le cas pour la ZES développée par la commune de Sandiara. Des opérateurs privés y ont déjà investi 42 milliards de F CFA et plus de 100 milliards d’investissements y sont attendus d’ici à l’an prochain. Comment va Air Sénégal, qui était encore en phase de décollage quand s’est propagée la pandémie ?

C’est une période difficile. Comme toutes les compagnies au monde, Air Sénégal a été affectée par la fermeture de l’espace aérien. Elle est obligée de revoir son programme d’investissement, de réduire ses coûts. Son management doit nous présenter un plan stratégique révisé. Mais la période à venir va aussi lui offrir des opportunités en matière de location d’avions, de recrutement de personnel qualifié à moindre coût. L’État doit pouvoir continuer à accompagner la compagnie, parce que celle-ci n’est pas seulement importante pour le rayonnement du Sénégal, c’est aussi un outil économique qui doit contribuer à faire de notre pays un hub de services et lui permettre d’accueillir plus de touristes.

• Fusions-acquisitions • Levées de fonds • Nominations...

Soyez le premier informé, et prenez les meilleures décisions d’investissements

DÉCOUVREZ JEUNEAFRIQUEBUSINESSPLUS.COM

abonnements@jeuneafriquebusinessplus.com +33 1 44 30 19 03


PUBLI-INFORMATION

Le Président Macky Sall aux côtés de la diaspora sénégalaise La 15ème région du Sénégal �igure en bonne place dans le Plan de résilience mis en place par Son Excellence, Monsieur le Président Macky Sall, pour faire face aux effets de la Covid-19. En effet, sur instruction du Chef de l’État, le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur a élaboré un plan sectoriel de contingence de 12 milliards 500 millions F CFA pour assister, soutenir et protéger les Sénégalais de l’extérieur, établis dans les pays touchés par la Covid-19, qui se retrouvent aujourd’hui dans une situation de vulnérabilité. Ce plan, patriotique, a instauré un appui �inancier direct aux compatriotes établis à l’étranger impactés et aux familles des victimes. En plus de cet appui, et toujours sous l’autorité de son Excellence, Monsieur le Président de la République, l’ensemble des représentations diplomatiques du Sénégal s’est mobilisé aux côtés de nos compatriotes établis à l’étranger. Aussi, plusieurs vols de rapatriements sont organisés pour ceux qui, parmi eux, formulent le besoin de rentrer au pays. Vingt-quatre pays sont concernés par ces opérations sur une période comprise entre le 28 mai et le 3 juillet 2020. Le même accompagnement a été mis en œuvre pour rapatrier les dépouilles des victimes du coronavirus.

Le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l'Extérieur Amadou Ba et Moïse Sarr, secrétaire d'État en charge des Sénégalais de l'Extérieur. http://www.diplomatie.gouv.sn

ACCÈS UNIVERSEL À L’ÉLECTRICITÉ Excellec SA, une ambition au service du PSE

« Mon ambition, c’est de faire du Sénégal d’ici 2025, la lumière de l’Afrique », assurait le Président Sall. Cette noble vision du Chef de l’État est en passe d’être matérialisée par Excellec Sa, fruit d’un partenariat entre la Société nationale d’électricité (Senelec) et le privé, Papa Aly Guèye qui compte apporter sa pierre à l’édifice. Depuis son lancement, Excellec a apporté la lumière dans 1500 villages du Sénégal et, bientôt, 800 autres, situés dans des zones très reculées, seront connectés. « Le Président Macky Sall est un homme de vision car toutes ses actions sont inscrites dans la postérité », affirme Papa Aly Guèye. En plus d’accompagner Senelec dans la densification et la modernisation de son réseau, Excellec Sa a permis de créer plus de 700 emplois directs et 10.000 emplois indirects dans les localités touchées par ses projets. Excellec est assurément une ambition locale au service du Plan Sénégal Émergent (PSE).

EXCELLEC S.A.

66 rue Carnot, Dakar Tél : +221 33 842 03 42 Mail : excellec@orange.sn


OBJECTIF SÉNÉGAL

PÉTROLE ET GAZ Image de synthèse de la future unité flottante de BP sur le champ gazéifère offshore de Grand Tortue-Ahmeyim.

BP

Dakar muscle Petrosen Pour optimiser son entrée dans le club des producteurs africains d’hydrocarbures, l’État, qui nourrit aussi de grandes ambitions dans l’aval, a totalement réorganisé l’entreprise publique.

L

JULIEN CLÉMENÇOT, ENVOYÉ SPÉCIAL À DAKAR

«

es ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie », récite Manar Sall, directeur général de la nouvelle branche aval de Petrosen, l’entreprise publique pétrolière. Introduit en 2016 dans la Constitution sénégalaise, l’article 25-1 sert de feuille de route au gouvernement au moment où le pays se prépare à un développement spectaculaire de sa production d’hydrocarbures. Les champs gazéifères de Grand Tortue-Ahmeyim et de Yakaar, exploités par la major britannique BP, devraient entrer en production en 2023, tout comme le gisement pétrolifère de Sangomar, confié à la compagnie australienne Woodside. C’est Petrosen qui représente les intérêts de l’État dans ces deux projets.

118

no3090 – JUILLET 2020

Au début de l’année, le gouvernement a totalement revu l’organisation de la société nationale en créant deux filiales placées sous la responsabilité de Mamadou Faye, directeur général de Petrosen depuis 2012. La première, chargée de l’exploration et de la production (E&P), a été confiée à Joseph Oufam Medou, jusque-là numéro deux de l’entreprise publique. La seconde, spécialisée dans les activités de distribution, Petrosen Trading & Services, est pilotée par Manar Sall, qui, il y a encore quelques mois, conseillait le ministre du Pétrole. Petrosen E&P continuera à assurer la promotion du bassin sédimentaire. « Tout le travail mené depuis les premières découvertes, en 2014, est remarquable », souligne Manar Sall. Au cours du premier semestre, ses équipes se sont rendues au Cap, à Londres et à Houston pour présenter aux investisseurs douze blocs que le gouvernement souhaite vendre. Des gisements dont l’État pourra

détenir jusqu’à 30 %, selon le code des hydrocarbures adopté l’an dernier. Petrosen possède aujourd’hui 20 % de la partie sénégalaise de Grand TortueAhmeyim et 18 % de Sangomar. Pour négocier les contrats avec les pétroliers, faire certifier les réserves et diligenter des études, Dakar a notamment bénéficié de l’appui financier de la Banque mondiale à hauteur de 29 millions de dollars (25,7 millions d’euros). Pour le Sénégal, devenir producteur de pétrole représente bien sûr l’opportunité de retirer d’importants bénéfices de son sous-sol, mais aussi de repenser l’ensemble de son secteur énergétique. Si les délestages sont devenus exceptionnels depuis quelques années, la facture payée par l’État pour la fourniture de l’électricité se révèle très élevée. Chaque année, il doit verser près de 100 milliards de F CFA (près de 152 millions d’euros) à la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec), qui vend son énergie à perte malgré la récente


augmentation des tarifs. Cette situation devrait prendre fin avec l’entrée en production d’une future centrale de 250 MW, à laquelle il faut ajouter différents projets éoliens et solaires. Grâce à l’accès à un gaz bon marché, le gouvernement espère faire passer le coût de production du kWh de 110 F CFA à moins de 80 F CFA. Cette baisse de la facture énergétique doit aussi permettre d’améliorer l’accès des populations à l’électricité. L’objectif est d’atteindre un taux d’électrification de 100 % d’ici à 2025 – celui-ci n’atteignait que 53 % en 2018. Pour cela, Petrosen Trading & Services jouera un rôle important en détenant 43 % du futur réseau de pipelines : 470 km de tuyaux permettant de transporter le gaz à travers le pays, notamment jusqu’à la future centrale de 250 MW. L’entreprise chargée de sa gestion a été créée

et le chantier pourra commencer quand les partenaires stratégiques et financiers, qui détiendront une part du capital, auront été sélectionnés.

FORT DE CE NOUVEAU STATUT, LE SÉNÉGAL VA POUVOIR REPENSER L’ENSEMBLE DE SON SECTEUR ÉNERGÉTIQUE. Aucune date n’est, pour le moment, communiquée. Comme sur tous ses projets, Petrosen a travaillé au ralenti depuis le début de l’épidémie de Covid-19 dans le pays.

Réseaux de distribution

Détentrice de 46 % de la Société africaine de raffinage (SAR), la filiale aval de l’entreprise publique entend par ailleurs opérer une percée dans le

secteur de la distribution de produits pétroliers. Une activité dont l’État sénégalais est aujourd’hui totalement absent. Ce marché, estimé à 1 100 milliards de F CFA, comprend la livraison de produits raffinés aux grands industriels, aux compagnies aériennes, aux armateurs, ainsi que la fourniture de carburant et de gaz domestique aux ménages. L’entreprise publique souhaite notamment développer son propre réseau de stations-service. Ce secteur est actuellement dominé par Total, Vivo, Ola Energy (ex-OiLibya) et Oryx, lesquels trustent 70 % des ventes. Même si le président Macky Sall ne lui a pas assigné d’objectif financier, Manar Sall, ancien cadre d’Exxon et d’OiLibya, a pour mission de dynamiser le marché. « Tous les acteurs vendent leurs produits au prix plafond fixé par l’État – qui entend maintenant s’assurer qu’il y aura une saine concurrence », décrypte une source proche du dossier.


OBJECTIF SÉNÉGAL

UN CAFÉ AVEC…

Serigne Mboup Un patron made in Kaolack JULIEN CLÉMENÇOT, ENVOYÉ SPÉCIAL À DAKAR

S

erigne Mboup n’a pas de parti derrière lui, pas d’expérience en politique, mais il est bien décidé à conquérir la mairie de Kaolack, cinquième ville du pays avec ses 600000 habitants. Initialement prévues en 2019, les élections locales auront finalement lieu au plus tard en mars 2021. Le PDG du groupe CCBM (Comptoir commercial Bara Mboup), poids lourd de l’économie nationale, défiera Mariama Sarr, ministre de la Fonction publique, fidèle soutien du président Macky Sall, actuellement à la tête du conseil municipal. « J’en ai discuté avec le chef de l’État au cours de l’audience qu’il m’a accordée. Mon ambition à Kaolack est de participer au développement économique et j’espère avoir son soutien si je suis élu », précise l’intéressé. À 53 ans, l’homme d’affaires à l’allure toujours juvénile reste fidèle à sa région d’origine. Il y a construit des usines (textile et de transformation d’arachide), créé avec la chambre de commerce, qu’il dirige depuis 2010, une foire commerciale qui draine des centaines de milliers de visiteurs et installé le siège de ses médias, dont la chaîne Télévision régionale du Saloum (TRS), diffusée sur la TNT. C’est néanmoins depuis la capitale qu’il gère le plus souvent ses affaires. Il nous y avait reçu à la fin de février, affable et souriant. Plus amateur de thé que d’expresso, il nous avait proposé un café soluble pour accompagner notre discussion à bâtons rompus. Depuis, la crise du Covid-19 a ébranlé son groupe comme le reste de l’économie nationale. « Je ne veux pas donner de chiffre. Il est sûr que cette année nos résultats vont être en baisse. Nous visons l’année prochaine un retour à la normale, avec un chiffre d’affaires aux alentours de 40 milliards de F CFA (61 millions d’euros) », assurait à la fin de mai le chef d’entreprise. Malgré le ralentissement de l’activité, son groupe continue de verser les salaires de ses 800 employés. Fondé par son père en 1992, CCBM est le distributeur au Sénégal du géant Samsung ainsi que des constructeurs Volkswagen, Foton Motors et Great Wall Motors. Le groupe était très dépendant des commandes publiques sous la présidence d’Abdoulaye Wade (2000-2012). Serigne Mboup assure avoir depuis réinventé son modèle en baissant la part des automobiles dans ses ventes au profit

120

no3090 – JUILLET 2020

des camions et des engins. L’État ne représenterait plus que 5 % des revenus de CCBM. En parallèle, l’homme d’affaires se focalise depuis quelques années sur le renforcement de ses activités industrielles. Il assemble déjà une centaine de camions et d’engins Foton par an, aimerait que Volkswagen l’accompagne pour construire une usine de montage de voitures et veut produire les téléphones portables, les télévisions et l’électroménager qu’il vend sous la marque Serico. « Fabriquer localement est une nécessité, c’est une des leçons de la pandémie », insiste-t-il aujourd’hui. Si, en début d’année, il envisageait de reprendre ses investissements dans le secteur agricole (riz) et d’ouvrir un bureau de représentation à Abidjan afin d’accélérer le volume de ses exportations (un peu plus de 10 % du chiffre d’affaires de CCBM), certains projets vont devoir être reportés. Dans l’immédiat, il accélère la transformation digitale de son groupe pour mieux gérer le télétravail de ses collaborateurs et interconnecter son système de gestion avec ceux de ses fournisseurs.

Défense des intérêts nationaux

En tant que président de l’Union nationale des chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture du Sénégal, Serigne Mboup milite plus que jamais pour que ces organismes consulaires soient le principal organe de dialogue des entreprises avec l’État. « Aujourd’hui le patronat est trop divisé », insiste-t-il. Dans la situation actuelle, il est notamment préoccupé par le devenir des TPE et PME, en particulier celles dont les activités sont informelles et qui se sentent totalement oubliée par les mesures d’accompagnement prises par les pouvoirs publics. « Au-delà du Covid, il faut les aider à formaliser leur existence, car c’est le seul moyen pour elles de se développer », plaide-t-il.


JULIEN CLÉMENÇOT POUR JA

Devant le portrait de son père, fondateur du groupe CCBM.

SON PARCOURS DÉTONNE PARMI LES CAPITAINES D’INDUSTRIE ET LUI CONFÈRE UNE VÉRITABLE AURA AUPRÈS DE SES CONCITOYENS.

Si sa voix porte auprès des politiques, c’est parce que son parcours détonne dans le cénacle actuel des capitaines d’industrie. Il lui confère une véritable aura auprès de ses concitoyens. Pas d’études supérieures prestigieuses pour ce fils de commerçant, mais, comme pour la majorité des petits patrons, un apprentissage traditionnel à l’école coranique. Loin d’en être sorti pétri de certitudes, le natif de Kaolack fait au contraire preuve de pragmatisme, n’hésitant pas à s’entourer de collaborateurs aux cursus plus académiques. Cela explique sa prudence sur des sujets comme le remplacement du franc CFA par l’eco ou la mise en place d’une zone de libre-échange continentale. Son francparler et sa fortune sont aussi pour beaucoup dans sa popularité. En 2014, un classement le faisait figurer parmi les trois Sénégalais les plus riches, avec un patrimoine de 400 milliards de F CFA (6,1 milliards d’euros). « C’était faux, et cela m’a causé beaucoup de problèmes avec les gens qui me devaient de l’argent comme avec les banques à qui je demandais des financements », regrette-t-il encore. Après plus d’une heure d’entretien, au cours duquel notre hôte a souvent défendu avec conviction sa vision de l’économie, soulignant l’importance de préserver les intérêts nationaux face aux investisseurs étrangers, l’homme d’affaires insiste une dernière fois sur l’importance de l’industrialisation. « Avant qu’elle ait des centres de recherche de classe mondiale, c’est grâce aux usines que la Corée du Sud a commencé son ascension », conclut-il.

C’est l’élargissement de :

L’assiette fiscale par l’enrôlement de masse et la fidélisation des usagers selon leurs capacités contributives.

L’accès aux titres de propriété et de jouissance foncière pour le développement et la croissance de l’investissement privé. http://www.finances.gouv.sn

La qualité de services et la collaboration synergique de la DGID avec ses partenaires publics et privés.


OBJECTIF SÉNÉGAL

SPORT

Extension du domaine de la lutte Ces combattants ont été « rois des arènes » ou rêvent de le devenir. Pour s’offrir une visibilité internationale, ils se tournent désormais vers les arts martiaux mixtes.

I

MANON LAPLACE, À DAKAR

ls ont balancé leurs premières frappes sur les plages de Mbour, dans les espaces en friche des îles du Saloum ou sur un carré de sable de leur quartier populaire dakarois. Aujourd’hui, ils se frottent à l’octogone, cette cage grillagée où s’affrontent boxeurs, judokas et pugilistes du monde entier. Qu’ils soient des combattants confirmés, un temps « rois des arènes », comme l’a été l’illustre Bombardier, ou des phénomènes montants tels que les jeunes Siteu et Reug Reug, les lutteurs

sénégalais cèdent aux sirènes des ligues des arts martiaux mixtes (MMA) étrangères, outre-Atlantique ou en Europe, où la discipline s’est professionnalisée ces dernières années. Si les plus jeunes y voient un moyen de franchir une étape, dans une discipline où les « stars » rechignent parfois à affronter les novices, tous espèrent un tremplin vers une notoriété transcendant les frontières ouest-africaines. Rencontre avec ces colosses des arènes qui réinventent la lutte traditionnelle.

Aussi simple qu’un jeu d’enfant ! La compréhension des défis et des nuances liés aux terminaux de fret en vrac est ce qui distingue Nectar. Avec plus de 4 décennies d’expérience dans la gestion d’opérations d’envergure en Afrique, Nectar vous simplifie la tâche !

T: +44 1708 386 555

W: www.nectargroup.co.uk

E: CommercialTeam@nectar.co.uk


Reug Reug,

vivoter en remportant « tous [ses] combats », à tel point qu’on le somme gentiment de rentrer à Dakar, « pour laisser une chance aux autres ». Six ans plus tard, ce jeune de Thiaroye, dans la périphérie de la capitale, « n’a toujours que la victoire en tête ». « Je ne sors pas et je m’entraîne tout le temps. Le sport, c’est toute ma vie. » Davantage technique et endurant que la plupart des lutteurs plus lourds, Reug Reug « ne craint personne ». Il faut dire « qu’il s’est préparé à tout ». Dans le Saloum, alors qu’il enchaînait les corps-à-corps, ses adversaires étaient tirés au hasard à chaque tournoi, si bien qu’il ne savait jamais quel genre de lutteur il allait affronter. « Cela m’a appris à faire face à tous les types de combattants. Aujourd’hui, quand je vais au combat, je ne regarde jamais à l’avance comment se bat mon adversaire. » Excès de confiance ou détermination absolue ? « Sans doute un peu des deux », admet-il. Toujours est-il que la formule, jusqu’ici, ne l’a jamais trahi. M.L.

Siteu,

le phénomène de Lansar

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

Pour se mettre en jambes, Oumar Kane, alias Reug Reug, soulève devant nous 70 kg avec la facilité de quelqu’un qui aurait les mains vides. Il tire tout de même un peu la langue quand la barre d’haltère se charge de 130 kg supplémentaires, grimpant à 200 kg. Il faut dire que le lutteur a encore quelques douleurs à l’épaule droite après un mauvais coup pris la veille lors d’une session de kickboxing, mais il en faut plus pour mettre en difficulté ce mastodonte de 1,90 m pour 130 kg. Pas le choix. Pour Reug Reug, quinze combats de lutte et aucune défaite au compteur (il a tout de même concédé deux nuls), il faut aller toujours plus loin. Lutteurs de père en fils, les Kane ont une mentalité de champion et goûtent peu l’idée d’une place de second. Dans l’arène, mais pas seulement. Reug Reug a beau n’avoir mené qu’un seul combat de MMA, son apparition en décembre 2019 a été très remarquée dans le milieu des arts martiaux mixtes. Lors de leur face-à-face à Dakar, le géant n’a laissé aucune chance au boxeur franco-marocain Sofiane Boukichou, mis K.-O. dès le début du second round. Le public dakarois se découvre un nouveau champion, les commentateurs internationaux magnifient « l’un des plus beaux débuts en MMA », et Reug Reug se rêve un destin de champion du monde, espérant endosser la ceinture d’ici à cinq ans. Peut-être y pensait-il déjà à 22 ans, lorsqu’il a quitté le domicile familial pour partir seul « en brousse », vers les îles du Saloum, dans le centre du pays, connues pour leurs mbapatt, des tournois de lutte traditionnelle. Il y reste deux ans, gagne de quoi se nourrir et

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

l’Hercule de Thiaroye

Siteu est du genre populaire. Adolescent déjà, dans le quartier de Diamaguène dans la banlieue de Dakar, où il a disputé ses premiers combats, il charriait derrière lui les gamins du quartier et les promoteurs désireux de miser sur lui. Repéré en 2006, celui que l’on surnomme « le phénomène de Lansar » est, à 32 ans, l’un des meilleurs espoirs de sa génération. Plus sec, moins épais que les colosses que l’on a l’habitude de voir dans l’arène, malgré 1,92 m et 130 kg, Siteu est un touche-à-tout. Aussi loin que remontent ses souvenirs, dit-il, il y a la lutte, reçue en héritage à travers ses origines sérères, ethnie de lutteurs, et par son oncle, l’ex-champion d’Afrique de lutte sans frappe Yakhya Diop, plus connu sous le pseudonyme

no3090 – JUILLET 2020

123


OBJECTIF SÉNÉGAL

SPORTS de Yékini. Et des statistiques qui parlent pour lui, avec onze victoires sur quinze combats. « Ceux que j’ai perdus, c’est parce que j’avais sous-estimé l’adversaire, pas parce qu’il était plus fort », tient-il à préciser. Depuis un an, c’est dans un octogone qu’il s’épanouit. Il a fait ses premiers pas en ligue professionnelle en juin 2019 aux États-Unis, terrassant son adversaire en quelques secondes seulement. En février 2020, il réitère l’exploit à l’occasion d’un deuxième affrontement. « Siteu est polyvalent dans sa manière de combattre. Il peut tout faire et il apprend très vite », commente son manager outre-Atlantique. Le lutteur, lui, veut croire en la complémentarité des disciplines qu’il pratique: « Le MMA m’aide pour la frappe, la lutte pour les prises. » Et ce ne sont pas ses adversaires, hissés du sol jusqu’à hauteur d’épaules puis assommés de coups jusqu’au K.-O., qui diront le contraire. Depuis, le Sénégalais passe la moitié de l’année

à Los Angeles, où il est entraîné au MMA par le quintuple champion du monde de muay-thaï, Kru William. Pour ce gamin de banlieue qui a choisi de rester vivre dans son quartier d’origine, c’est « une manière de montrer aux enfants qu’il y a des perspectives. Mais, pour cela, il faut de la discipline et du travail », poursuit-il. De la discipline, Siteu n’en manque pas. Celui qui fut un temps tailleur se lève tous les jours avant le soleil. À 5 heures, en guise de petit déjeuner, il gravit les dunes de sable bordées par l’Atlantique, « pour renforcer les jambes », avant de s’adonner à quelques combats de lutte sur la plage et d’enchaîner les séances de musculation, deux fois par jour. Une détermination sans faille que l’on retrouve lors des combats. Une fois qu’il a posé les yeux sur son adversaire, Siteu est « dans un autre monde », inatteignable et impavide. M.L.

Bombardier,

Des airs de chérubin sous une allure de titan. Ousmane Dia, que l’on connaît mieux sous le nom de Bombardier, est un personnage hors norme. Depuis les années 1990, ce natif de Mbour, port de pêche de la Petite Côte au sud de Dakar, a gravi tous les échelons de la lutte. Depuis les pirogues sur lesquelles il partait en mer dès l’âge de 12 ans, il gagne progressivement l’arène. Il défie d’abord des amis, avant d’être repéré par le Comité national de gestion de la lutte (CNG). De victoire en victoire, de frappes lourdes en prises imparables, il décroche en 2002 le titre officiel de « roi des arènes », qu’il conservera jusqu’en 2004. Il a alors 26 ans. La force de ses poings lui vaut d’être le meilleur de sa génération. Il doit sa puissance à un physique colossal, 1,98 m pour 150 kg, et a une discipline de fer. À force d’entraînement et d’apprentissage

124

no3090 – JUILLET 2020

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

le doyen des arènes

de techniques de lutte qu’il va glaner jusqu’en Turquie, il revient en force en 2014 et accomplit l’exploit d’être à nouveau couronné. Une première au Sénégal. Aujourd’hui âgé de 4 3 ans, Bombardier est à deux ans de l’âge limite fixé par le CNG pour continuer à lutter dans l’arène. Mais il a déjà commencé à préparer l’après, en se lançant en 2018 dans les arts martiaux mixtes. Celui qui a fourbi ses armes sur les plages de Mbour brille désormais dans l’octogone.

L’issue de son premier duel face à Rocky Balboa, un combattant sénégalais de MMA, est sans appel. B52, autre surnom de Bombardier, matraque son adversaire en soixantedix secondes, sans jamais lui laisser l’occasion de répliquer. Même topo en mars dernier, face au champion britannique Daniel Podmore, victime des poings surpuissants du Sénégalais. Déjà star au Pays de la teranga, celui-ci écrit désormais sa légende à l’étranger. M.L.



OBJECTIF SÉNÉGAL

Tribune

Saisir les opportunités du big data par la formation Omar Thiam

Directeur de l’école de management du groupe ISM

D

epuis vingt ans, nous assistons à une profusion de données générées par les réseaux informatiques, les réseaux sociaux et tous les objets connectés tels que les smartphones. Le stockage et l’exploitation de données massives ont conduit à l’émergence d’une nouvelle application à la fois informatique et mathématique, le big data. En Afrique, certains grands groupes s’orientent déjà vers ce domaine. Selon une étude réalisée par IBM et IDG Connect, cinq pays se démarquent par leur capacité à mettre en œuvre des applications à grande échelle dans un futur proche. Il s’agit de l’Afrique du Sud, du Kenya, de l’Égypte, du Maroc et du Nigeria. Quant au Sénégal, des initiatives telles que l’organisation du challenge Data for Development (D4D) et différents forums sur l’intelligence artificielle existent pour sensibiliser les acteurs. Le big data dispose d’un fort potentiel de transformation du secteur des services et de l’industrie car il permet d’optimiser les processus décisionnels et crée de la valeur économique par la mise en évidence d’indicateurs de performance. À travers le Plan Sénégal émergent (PSE), le pays a placé la création d’emplois au cœur de ses priorités. Pour relever ce défi, il est nécessaire d’explorer de nouveaux leviers de croissance, notamment dans le domaine du numérique. En ce sens, les applications du big data représentent une opportunité réelle. Compte tenu des atouts du Sénégal, à savoir la disponibilité du réseau de téléphonie, la souplesse de la fiscalité et le dynamisme de la classe moyenne, le secteur du numérique peut être placé au cœur du dispositif de lutte contre le chômage des jeunes diplômés. Pour relever ce challenge, il faudra préparer les ressources humaines avec une offre de formation adaptée et respectant les standards internationaux ainsi que par une incitation à l’apprentissage des Stem (science, technologie, ingénierie et mathématiques) dès l’enseignement primaire. La prise en compte du phénomène s’articule avec la vision du Plan Sénégal émergent et consiste à « réorienter le système éducatif et l’enseignement vers

126

no3090 – JUILLET 2020

les sciences, la technologie et la formation professionnelle au service du développement ». La mise en œuvre du big data requiert des compétences qui font l’interface entre l’informatique et les mathématiques appliquées à la statistique. Elle débouche sur les filières certifiantes, les masters spécialisés, les troisièmes cycles en recherche appliquée et la formation continue. Les métiers qui en découlent sont: architecte informaticien, développeur, traffic manager, data scientist, architecte web, etc.

Tremplin vers l’emploi

Pour l’heure, nous pouvons déjà noter quelques initiatives. Le groupe ISM propose au Sénégal un parcours complet en master « big data & data stratégie », tout en organisant des « journées portes ouvertes » en coding destinées à des élèves de primaire. L’Université virtuelle du Sénégal (UVS), en partenariat avec l’Insa Rouen, développe un parcours complet « big data analytics » pour toucher un public plus large. Avec l’ouverture prochaine d’une école 42 au Sénégal, Xavier Niel, le fondateur de l’opérateur Free, compte faire du pays un hub pour couvrir l’Afrique francophone. Ces différentes formations viendront à court et à moyen termes en aide aux entreprises qui ne parviennent pas à recruter suffisamment de professionnels qualifiés dans le domaine de l’informatique. Ce type d’offre est fortement encouragé par le Fonds de formation professionnelle et technique (3FPT) mis en place par l’État du Sénégal depuis 2014, avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD) et de la Banque mondiale, pour accorder des financements aux étudiants et professionnels pour des formations techniques et spécifiques. Donner les moyens aux femmes d’être présentes dans les domaines d’études et les carrières Stem constitue un impératif et une solution sur le long terme. L’encouragement des femmes à se former dans ces secteurs, notamment appuyé par le bureau régional de l’Unesco à Dakar, permettra d’augmenter sensiblement le nombre de futurs diplômés dont ont grandement besoin nos entreprises.


COMMUNIQUÉ

LES TRANSPORTS ROUTIERS SÉNÉGALAIS FACE AU COVID-19 UN PLAN DE RIPOSTE À LA HAUTEUR DES ATTENTES

D

ès l’apparition du premier cas de coronavirus au Sénégal, le Président de la République a instruit le Ministère des Infrastructures, des Transports Terrestres et du Désenclavement de prendre des mesures qui ont évolué en fonction de la courbe épidémique.

Le 04 Juin 2020, sur instruction toujours de son Excellence le Président de la République, il a été décidé la levée de l’interdiction du transport interurbain avec de nouvelles mesures d’accompagnement qui a produit des résultats salués par tous.

Dès le 24 mars, après la déclaration du Président de la République, annonçant l’État d’urgence accompagné d’un couvre-feu allant de 19 heures à 6 heures du matin, les mesures de restrictions ont été appliquées au niveau des transports routiers en concertation avec tous les acteurs. Mieux, dans le cadre de l’appui financier aux secteurs impactés par la COVID-19, à travers les fonds du « FORCE COVID-19 », l’État a versé 8 milliards 250 millions, aux divers segments des transports routiers pendant une période de trois mois, réparti comme suit : transports interurbains 1,8 milliards F CFA ; AFTU 2,1 milliards F CFA; Dakar Dem Dikk 2,250 milliards F CFA ; taxis urbains et AIBD 450 millions F CFA ; gares routières 600 millions F CFA ; Ndiaga Ndiaye et cars rapides 300 millions ; auto-écoles 150 millions F CFA ; motos Jakarta 450 millions F CFA ; matériels et équipements sanitaires 150 millions F CFA.

Perspectives post Covid-19

Après un assouplissement des mesures, décidé par son Excellence, Monsieur le Président de la République, le 11 mai 2020, un arrêté n° 009869 modifiant l’arrêté n° 008231 du 25 mars 2020 a été pris. Il limitait le nombre de passagers à bord des véhicules de transport public urbain de voyageurs au nombre de places assises ; ainsi que le nombre de passagers à bord des taxis urbains et des véhicules particuliers de cinq places a été porté de trois à quatre.

La pandémie a permis de constater les points de vulnérabilité du secteur et des services de transports. Pour y remédier rapidement, une nouvelle loi d’orientation des transports terrestres a été adoptée le 27 mai 2020, en conseil des ministres. Elle prévoit, entre autres, la création d’un Conseil national des transports terrestres qui sera une instance de dialogue inclusif et participatif, où les acteurs pourront de façon organisée et solidaire apporter leurs contributions permanentes à l’édification d’un système de transports terrestres robuste, résilient et moderne. La création d’un fonds de développement des transports terrestres prévu dans ledit projet de loi sera un levier important de financement durable dans la modernisation des services de transport. Avec un budget annuel de 40 milliards de F CFA par an, ce fonds permettra de renouveler le parc et de rénover les gares routières du Sénégal. De plus, un décret portant création de l’Agence nationale de la sécurité routière est déjà dans un processus d’adoption. Ministère des Infrastructures, des Transports Terrestres et du Désenclavement http://www.mittd.gouv.sn


CHINE NOUVELLE/SIPA

ÉCONOMIE

133 Maroc La galaxie de Mohamed Hassan Bensalah

La ligne ferroviaire Mombasa-Nairobi, d’un coût supérieur à 3 milliards de dollars, est opérationnelle depuis 2017. Ici, la gare de Nairobi.

128

L

OLIVIER CASLIN AVEC JOËL TÉ-LÉSSIA-ASSOKO

Histoire repasse parfois les plats. En 1348, la « Grande épidémie » de peste noire avait provoqué la fermeture des Routes de la soie et un ralentissement brutal, pendant plusieurs années, des échanges commerciaux alors fructueux entre l’Asie et l’Europe. Aujourd’hui, c’est au tour de la pandémie de Covid-19 de menacer l’initiative « One Belt, One Road » (Obor – littéralement « une

no3090 – JUILLET 2020

ceinture, une route ») et, plus largement, les relations et investissements de Pékin à travers le monde. La question est d’autant plus aiguë sur le continent, étant donné le poids qu’y a acquis la Chine ces dernières années. Premier partenaire commercial de l’Afrique, l’empire du Milieu est également l’un des plus importants bailleurs de fonds de la région, qui a par ailleurs largement bénéficié des projets signés depuis le lancement, en 2013, de l’initiative Obor. « La situation actuelle est un véritable test pour la validité de l’initiative Obor telle qu’elle a fonctionné jusqu’à présent », estime


134 Égypte Le Caire, nouvelle oasis pour les start-up

136 Interview de Tony Blair « L’Afrique peut couper le cordon de l’assistance »

138 Panafricain Powerscourt, l’agence tous risques des VIP en détresse

CHINE-AFRIQUE

À la recherche d’un nouvel équilibre

À Pékin, confronté aux répercussions du Covid-19, les projets africains ont rétrogradé dans l’ordre des priorités. Au point de remettre en question la relation fructueuse entre le géant d’Asie et le continent?

Jonathan Hillman, spécialiste des relations internationales à Washington. À la fin de 2019, l’American Enterprise Institute, think-tank proche des milieux conservateurs aux États-Unis, recensait plus de 350 projets africains validés depuis 2013 dans le cadre de ces Nouvelles Routes de la soie. D’une valeur combinée supérieure à 100 milliards de dollars, ils couvrent une vaste gamme de secteurs, du contrat de 8 milliards de dollars accordé à China Railway Construction en 2018 pour le mégaprojet ferroviaire Lagos-Kano au Nigeria, à celui de 100 millions de dollars paraphé la même année entre Libreville et

Tebian Electric Apparatus, pour la construction d’une centrale hydroélectrique de 36 MW à Mitzic (Nord-Est). L’arrêt ces derniers mois de nombreux chantiers, en Afrique et ailleurs, faute de maind’œuvre – les ouvriers rentrés en Chine pour le Nouvel An lunaire n’ont pu revenir sur leur lieu de travail – et de matériaux de construction, à la suite de l’interruption des chaînes d’approvisionnement, avait déjà accentué la pression financière sur les projets africains appuyés par le géant asiatique et sur ses partenaires. L’augmentation des délais de livraison des chantiers provoque celle de leurs coûts et donc

no3090 – JUILLET 2020

129


ÉCONOMIE

CHINE-AFRIQUE UNE DETTE MULTIFORME MAIS FORTEMENT CONCENTRÉE

celle du remboursement des prêts accorVERS LES PREMIÈRES ÉCONOMIES DU CONTINENT ( en millions de dollars) dés à des pays partenaires eux-mêmes Maroc en grande difficulté économique, au 954 moment où la Chine a le plus besoin de liquidités. Algérie Au demeurant, dès avant Égypte 2 991 la crise économique et Érythrée 2 375 356 sanitaire engendrée par Mauritanie Cap-Vert la pandémie, plusieurs Éthiopie 369 Mali Soudan Djibouti 80 Tchad Sénégal 14 350 de ces projets étaient déjà 786 Niger 4 347 1 949 296 1 587 2 220 dans une situation préBurkina 180 caire. Il en va ainsi d’une Guinée Bénin Nigeria 531 usine de potasse à Mengou, Soudan Ghana 537 1 931 Sierra L. Centrafrique du Sud au Congo-Brazzaville, d’une 1 825 412 Cameroun 456 58 Liberia Togo valeur de 1,15 milliard de dol3 973 Kenya 23 441 Ouganda 9 753 lars, projet évoqué dès 2013 par Côte d’Ivoire Guinée équ. Gabon 2 742 Evergreen Holding Group, une entre2 662 950 Rwanda 187 621 RD Congo prise chinoise peu connue sur le conti1 484 Congo Burundi 73 nent et dont les filiales ont multiplié les 1 558 Tanzanie Seychelles faillites ces dernières années. D’autres initia3 741 24 tives – telles que l’emblématique ligne ferroZambie Malawi 289 viaire Mombasa-Nairobi, au coût supérieur à Angola 6 015 20 550 3 milliards de dollars et opérationnelle depuis 2017 – étaient déjà en eaux troubles. À la fin Zimbabwe Madagascar 2 656 de juin 2020, les députés kényans pressaient Namibie 137 Mozambique Botswana 194 Nairobi de renégocier le poids et les modalités 1 991 596 Maurice de remboursement du financement accordé 663 par le gouvernement chinois, China Exim Bank et China Development Bank pour cette Lesotho 43 infrastructure.

Nouvelle priorité, la digitalisation se fera au détriment de projets jugés moins essentiels

Polémique sur la dette commerciale et publique vis-à-vis de la Chine, remise en question des chaînes industrielles et logistiques mondiales induite par la pandémie de Covid-19, baisse de l’activité économique et des investissements… Les canaux par lesquels l’activité et la présence des acteurs chinois en Afrique sont perturbées ne manquent pas. « Quel que soit l’impact durable du Covid-19 sur l’économie mondiale, [Obor] restera une priorité pour la Chine », expliquent les avocats du cabinet international Baker McKenzie dans une mise à jour, en mars, de leur rapport phare sur cette initiative. Pour autant, avertissent-ils, « la réduction des flux de capitaux chinois, ainsi que les retombées économiques pour le secteur des PME du pays, en difficulté financière, pourraient entraîner une attitude moins enthousiaste envers [Obor] au cours des douze à vingt-quatre mois à venir, et les priorités de la Chine se déplaceront vers l’obtention de résultats dans le pays, plutôt qu’à l’étranger ». Selon leur estimation, « cela pourrait se traduire par

130

no3090 – JUILLET 2020

Afr. du Sud 7 535

SOURCE : SEBASTIAN HORN, CARMEN M. REINHART ET CHRISTOPH TREBESCH. « CHINA’S OVERSEAS LENDING »( 2019 ), DONNÉES À JOUR D’AVRIL 2020

une réduction des investissements dans les marchés plus petits et moins critiques d’Obor, où les possibilités de relier ces investissements à l’offre mondiale sont limitées. L’Asie centrale, l’Afrique subsaharienne et l’Europe de l’Est connaîtront par conséquent une baisse à court terme des activités liées à Obor par rapport à l’Asie du Sud-Est ». Si aucun responsable chinois n’a encore fait de déclaration en ce sens, il semble évident pour de nombreux observateurs que Pékin va donc devoir revoir sa stratégie. La redéfinition en cours des chaînes d’approvisionnement mondiales a déjà provoqué l’abandon de quelques projets en Asie. « Chaque dossier sera certainement mieux pensé, sa rentabilité mieux étudiée. Les plus grands chantiers pourraient voir leur taille réduite, avec des délais de livraison plus longs pour peser moins lourd dans les finances des pays emprunteurs, qui, in fine, supportent le poids


de l’investissement », confirme le sinologue Thierry Pairault. La nature même des projets pourrait évoluer, avec une priorité pour les voies « numériques », plutôt que physiques. « Pékin va certainement mettre l’accent sur des infrastructures digitales qui coûtent moins cher et sont donc moins risquées en matière d’investissement », reprend Jonathan Hillman. Une initiative Obor 2.0 qui se matérialiserait notamment autour du développement de la 5G par Huawei et des solutions technologiques apportées en matière d’e-santé par Alibaba ou Tencent durant la pandémie. À cette aune, des projets intégrés comme le déploiement de 4 300 km de fibre optique, adossé à une interconnexion des administrations et des infrastructures de vidéosurveillance et de gestion d’éclairage public (Safe City), réalisé par Huawei en Guinée, pourrait faire des émules durant la future phase du déploiement d’Obor. Prévue dès le démarrage des Nouvelles Routes de la soie, la réalisation des Digital Silk Road (DSR) et de la Health Silk Road (HSR) devient réalité, dans la foulée de la promesse faite par Pékin de déployer son expertise dans la lutte contre le Covid-19 au service de ses partenaires. Selon le cabinet Baker McKenzie, Huawei participe déjà à près d’une dizaine de projets de smart city sur le continent, notamment à Johannesburg, Nairobi, Alger, Lusaka et Calabar (Nigeria). Mais, à l’heure où le Covid-19 grippe l’ensemble de l’économie mondiale et fait plonger les flux commerciaux, la Chine dispose-t-elle encore des moyens nécessaires à la poursuite de ses ambitions ? Touché de plein fouet, le pays a vu ses volumes d’exportation chuter de 16 %, sa production industrielle faiblir de 13,5 %, ses investissements diminuer de 25 % et son indice de consommation fondre de 20 % depuis le début de cette année. Le PIB chinois s’est contracté de 6,8 % durant les trois premiers mois de l’année 2020, soit la plus faible performance enregistrée depuis au moins 1992… L’incertitude est si grande que, pour la première fois depuis bien longtemps, Pékin ne s’est pas fixé d’objectif de croissance pour 2020. Cette dernière ne devrait pas dépasser 5 %, selon de nombreux experts, alors que le taux de chômage frise actuellement les 20 %, dans

L’INCERTITUDE EST TELLE QUE LA CHINE, POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS BIEN LONGTEMPS, NE S’EST PAS FIXÉ D’OBJECTIF DE CROISSANCE POUR 2020.

la foulée du demi-million de PME obligées de mettre la clef sous la porte depuis janvier. Aussi, la possible réorientation des priorités d’Obor en Afrique ne permet-elle pas d’éluder la question de son financement et, en particulier, le sujet plus large de la dette africaine visà-vis de ses partenaires chinois. Certes, les pays membres du G20, dont la Chine, se sont engagés à la mi-avril à ne plus demander de remboursements sur la dette publique qui leur est due par les pays pauvres jusqu’à la fin de cette année, tout comme le FMI. Mais Pékin, qui, en fonction des calculs retenus et des remboursements déjà effectués, détiendrait entre 17 % et 60 % de la dette africaine – soit 58 à 145 milliards de dollars –, a attendu le 17 juin pour se positionner officiellement sur la question. Devant les caméras de la télévision publique, Xi Jinping a annoncé que certains pays africains seraient exemptés de remboursement sur les prêts arrivant à échéance en 2020, confirmant à peine ce qu’il avait déjà soutenu du bout des lèvres deux mois plus tôt avec le G20.

Dettes: Pékin préfère l’approche bilatérale plutôt qu’une solution globale

MULUGETA AYENE/AP/SIPA

Pékin est donc prêt à discuter, mais pas question de répondre aux attentes d’annulation pure et simple, exprimées ces dernières semaines du côté de Djibouti ou d’Accra. « Ce serait beaucoup trop coûteux pour la Chine, qui va finir l’année à renégocier ses accords plutôt qu’à en signer de nouveaux », prévoit Jonathan Hillman. Au demeurant, ces annonces ne concernent que la dette publique et non les créances accordées par desstructurescommercialesetprivées.Selonles données d’une étude codirigée en 2019 (et

Livraison de 6 millions d’articles de matériel médical chinois, à Addis-Abeba, le 22 mars.

no3090 – JUILLET 2020

131


ÉCONOMIE

CHINE-AFRIQUE

actualisée en avril) par Carmen Reinhart, nommée en mai nouvelle économiste en chef de la Banque mondiale, ces créances publiques et privées dépasseraient 107 milliards de dollars, dont près de 20 % dus par des acteurs économiques en Angola, suivis de l’Éthiopie (13,4 %) et le Kenya (9 %). À une solution globale, telle que proposée par le Club de Paris, Pékin préfère rester fidèle à son approche bilatérale, même s’il faut pour cela éplucher chaque contrat. « Quelques annulationsontétéaccordéesaucasparcasparlepassé, mais la Chine estime que, dans un partenariat d’égal à égal, elle n’a pas à effacer les dettes », explique Arthur Minsat, économiste à l’OCDE. En 2018, la Chine avait déjà annulé 78 millions de dollars de dette au Cameroun, 7,2 millions de dollarsauBotswanaet10,6millionsdedollarsau Lesotho. En 2017, le Soudan du Sud avait bénéficié d’une annulation de 160 millions de dollars. Selon les études, la Chine aurait annulé depuis 2000 entre 2 et 4 milliards de dollars de dettes détenues par des pays à faible revenu dans le monde. Ces annulations, plus de 300 contrats individuels selon certains experts, portent

DÉVELOPPEMENT: DFC, « L’ALTERNATIVE » DE TRUMP AU MODÈLE CHINOIS Après de longs mois passés à « alerter » les gouvernants sur les dangers des financements « non transparents » de Pékin, l’administration Trump a lancé, en janvier 2020, U.S. International Development Finance Corporation (DFC). Cette institution consolide les actions auparavant menées par l’USaid et Overseas Private Investment Corporation (Opic), avec un plafond d’engagements doublé à 60 milliards de dollars. Résolument tourné vers le secteur privé et assumant l’importance de retombées positives en Amérique de ses opérations, DFC est dirigée par Adam S. Boehler, un spécialiste de l’investissement dans la santé. Depuis sa prise de fonctions, l’agence américaine a injecté 25 millions de dollars dans un fonds de SPE Capital, présent à Tunis et à Casablanca, et 30 millions dans le nouveau véhicule panafricain d’AfricInvest. L’américain Global Access Fund a reçu 100 millions de dollars pour des projets dans l’eau et l’assainissement dans dix pays du Sud, dont le Kenya, le Nigeria et l’Ouganda. Depuis février, Adam S. Boehler préside aussi Prosper Africa, initiative lancée en 2018 pour booster « les possibilités de faire des affaires » sur le continent, « au profit des entreprises, des investisseurs et des travailleurs tant en Afrique qu’aux États-Unis ». J.T.-L.A.

132

no3090 – JUILLET 2020

généralement sur des valeurs inférieures à 100 millions de dollars et ne concernent que des prêts gouvernementaux à taux concessionnels, arrivant souvent à la fin de leur échéance. « Aucun gouvernement africain n’a d’ailleurs explicitement demandé à Pékin qu’il annule sa dette, pour ne pas risquer de se fermer un canal de financement aujourd’hui sans équivalent », rappelle cependant Jonathan Hillman. Pour concilier la poursuite d’Obor et la nécessité pour le géant asiatique de relancer prioritairement sa propre économie, la participation d’investisseurs étrangers – institutionnels ou privés – au financement des projets des Nouvelles Routes de la soie pourrait s’accélérer. Certains dossiers, notamment en Afrique, ont déjà fait l’objet d’accords tripartites, avec la France, au Togo, ou l’Inde, au Nigeria. Pour qu’une telle pratique se généralise, « il faut que la Chine ouvre ses livres de comptes. Et pour l’instant, elle s’y est toujours refusée », rappelle Thierry Pairault.

Ne pas écorner son image sur un continent désireux de poursuivre la collaboration

Pékin ne peut prendre le risque de ternir davantage son image sur un continent qui pourrait voir son rôle grandir au sein de l’initiative Obor, en tant que consommateur en devenir des biens et services chinois, et passerelle vers les marchés européens. L’Afrique, de son côté, semble toujours aussi désireuse de travailler avec une Chine qui « a comblé un vide énorme en lui permettant de s’équiper rapidement à moindre coût », rappelle Arthur Minsat. Bien qu’imparfait, le modèle de développement chinois reste une solution de choix. La crise sanitaire vient pourtant d’en révéler les limites, notamment pour les économies fragiles, obligeant Pékin à corriger le tir et « à se montrer pragmatique en acceptant de ne pas récupérer tout ce qui a été prêté », estime Thierry Pairault. L’heure semble être pourtant de trouver les réponses qui préservent les amitiés, notamment en Afrique, où la surmédiatisation de l’aide envoyée par Pékin durant les premières semaines de la pandémie a créé bien des irritations. Quand ce n’est « l’arrogance » de certains officiels chinois qui agaçait, ou encore les nombreux actes de discrimination infligés à des ressortissants du continent dans la ville de Guangzhou, au début d’avril. Les responsables africains attendent un geste fort de leur partenaire chinois, appelé à sortir de la « bataille des narratifs » engagée contre les Occidentaux ces derniers mois, pour enfin tomber le masque.


LA GALAXIE DE

Mohamed Hassan Bensalah Le président de Holmarcom est sorti du confinement avec une grande annonce: la fusion imminente entre Atlanta et Sanad, les deux compagnies d’assurances du groupe. Une nouvelle étape de franchie pour ce conglomérat que Mohamed Hassan Bensalah préside depuis maintenant vingtsept ans. Il était âgé de 23 ans lorsqu’il a succédé à son père, décédé en 1993, à la tête de ce groupe historique composé de 35 filiales touchant un peu à tout: de l’agroalimentaire à la distribution en passant par l’industrie et la finance. En moins de vingt ans, les revenus de Holmarcom ont quadruplé pour se rapprocher du milliard de dollars (932 millions en 2018).

Abdelkhalek El Youbi, DG délégué du fleuron du groupe, Les Eaux minérales d’Oulmès, a rejoint le groupe en 1995

Miriem Bensalah Chaqroun, sa sœur aînée, vice-présidente des Eaux minérales d’Oulmès, la société emblématique du groupe, ancienne patronne des patrons marocains (2012-2018)

Mohamed Hassan Bensalah PDG de Holmarcom

Jalal Benchekroun est à la tête du nouvel ensemble intégré d’assurances du groupe

Bachir Baddou est le directeur de la Fédération marocaine des sociétés d’assurances et de réassurances, dont Bensalah assure la présidence

Fatima-Zahra Bensalah, la cadette de la fratrie, administratricedirectrice générale de la compagnie d’assurances, très dynamique dans les activités sociales du groupe

Mustapha Faris, ancien président de la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCI), a longtemps été l’un des mentors de Mohamed Hassan Bensalah et le banquier de la famille

LES CONSEILLERS

LES CO LLAB ORA TEU RS

LA FAMILLE

Fawzi Britel, patron de l’activité d’audit de Deloitte au Maroc, est le commissaire aux comptes attitré du groupe et de ses principales filiales

HOLMARCOM ; DR ; MOHAMED DRISSI ; BRUNO LEVY POUR JA

Hafid Debbarh pilote deux structures importantes du conglomérat, Somathes (thé) et Mass Céréales Al Maghreb (céréales)

Hamad Jouahri, à travers son cabinet Juricom, fait office d’avocat de la famille

no3090 – JUILLET 2020

133


ÉCONOMIE

TECH

Comment Le Caire est devenue une oasis pour les start-up

Longtemps négligée par les investisseurs, la capitale égyptienne a pourtant révolutionné son écosystème d’innovation, au point d’ébranler l’hégémonie sud-africaine, nigériane et kényane. hezlong, Brimore, SWVL et Instabug. Ces quatre start-up égyptiennes ont en commun d’avoir bouclé leur levée de fonds en pleine pandémie de Covid‑19. Si la première, spécialisée dans la santé mentale, ne dévoile pas le montant qu’elle a reçu, au début de juin, du singapourien Asia Africa Investment & Consulting (AAIC), SWVL – le Uber égyptien des transports en commun, fondé en 2017 par Mostafa Kandil, un ancien de Rocket Internet (e-commerce) et de Careem (VTC) – a mobilisé 20 millions de dollars, contre 5 millions pour Instabug (gestion d’applications) et 3,5 millions pour Brimore (distribution). Alors que l’activité du pays est au ralenti depuis l’instauration d’un couvre-feu et que l’épidémie a fait 2193 morts (au 22 juin), ces annonces illustrent cependant une révolution dans l’écosystème innovant africain : l’Égypte, et plus particulièrement sa capitale, est devenue en quelques années une place majeure de la tech du continent. « L’Égypte était depuis 2018 le poursuivant de l’éternel trio Afrique du SudNigeria-Kenya. Mais nous n’avions pas pressenti la vitesse à laquelle ce rattrapage allait s’effectuer en 2019 », reconnaissent le Sénégalais Tidjane Deme et le Français Cyril Colon, qui dirigent depuis 2018 le capital-risqueur Partech Africa, dévolu aux jeunes pousses africaines. En partenariat avec son homologue égyptien Sawari Ventures, celui-ci vient d’injecter 4 millions de dollars dans MoneyFellows, une jeune pousse spécialisée dans la tontine en ligne et créée en 2014 par Adham Badr et Ahmed Wadi. Selon une étude de

134

no3090 – JUILLET 2020

Partech, parue en janvier, le pays aux plus de 100 millions d’habitants a supplanté l’Afrique du Sud en 2019, s’installant à la troisième place du podium en matière de fonds levés (211 millions de dollars d’investissement, soit une hausse de 147 % en un an) et en matière de volume de transactions (47 millions en 2019, + 215 %).

Un développement impulsé par le secteur privé local

« Si l’Égypte réussit si bien, c’est parce qu’elle bénéficie d’une population jeune, éduquée et très connectée, d’un gros marché intérieur et d’un réseau solide d’incubateurs », estime Salem Massalha, cofondateur de Bassita, une jeune pousse spécialisée dans la récolte de fonds pour les ONG. « C’est avant tout le secteur privé qui fait grandir l’écosystème », complète Ibrahim Ramadan, associé senior chez Sawari Ventures. Créé en 2011 par Hany Al-Sonbaty, un ex-dirigeant de la branche tech, médias et télécoms du groupe financier EFG Hermes, ce

fonds généraliste est un pilier de l’écosystème cairote. Il investit des tickets compris entre 500000 dollars et 5 millions de dollars. À lui seul, il a comblé plusieurs vides: « Nous avons essayé de bâtir un écosystème complet en répondant au besoin de petits financements d’amorçage avec la création de Flat6Labs en 2011, mais aussi en créant The Greek Campus en 2013, un incubateur capable d’accueillir les plus jeunes projets », se souvient Ibrahim Ramadan. Pari réussi pour ce pionnier de l’investissement égyptien, qui gère désormais 80 millions de dollars et finalisera huit transactions d’ici à la fin de 2020. Dans son sillage, de nouvelles structures se sont créées, comme Nahdet El Mahrousa, un incubateur spécialisé dans l’entrepreneuriat social. De nouveaux fonds ont vu le jour, à l’image d’Endure Capital ou d’Algebra Ventures, fondé en 2015 et dirigé par un triumvirat de serial-entrepreneurs égyptiens : Karim Hussein, Tarek Assaad et Ziad Mokhtar. Les grands

LA LOGISTIQUE ET LE TRANSPORT PLÉBISCITÉS PAR LES INVESTISSEURS Montants levés depuis 2019 par les principales start-up égyptiennes (en millions de dollars) Santé

Publicité

Logistique & transport

SWVL 42

Livraison

Énergie

Halan 15

Vezeeta 15

Adzily 12

Karmsolar 25

Commerce de détail

Elmenus 8

MaxAB 6,2 Yumamia 1,5

SOURCE : JA

S

QUENTIN VELLUET


EHAB FAROUK/REUTERS

Mostafa Kandil est le DG de SWVL, start-up qui a levé 20 millions de dollars en mai 2020.

entrepreneurs locaux sont aussi mis à contribution, au sein de Cairo Angels, créé en 2012 par Hossam Salam, venu du secteur de la construction, qui regroupe plusieurs business angels et prend de petits tickets lors des tours de table – entre 250 000 livres égyptiennes et 2 millions de livres (entre 13000 à 108000 euros).

Nations occidentales et monarchies du Golfe unanimement séduites

La nouvelle attractivité du Caire transparaît également par l’arrivée de plus en plus de fonds d’investissement étrangers. Historiquement, la place est occupée par les monarchies du Golfe, aire d’influence culturelle de l’Égypte, pour lesquelles l’objectif est de capter la valeur dans ses propres marchés – SWVL et Vezeeta (gestion digitale). « Au sein des entreprises que nous avons analysées en Égypte, une partie a bénéficié du soutien saoudien ou d’autres pays du Golfe durant leurs premières années », confirme Tidjane Deme. Parmi ces fonds : les Saoudiens de Beco Capital (présents dans Vezeeta et SWVL) et Vision Ventures (Brimore, Shezlong). « La première vague des capital-risqueurs étrangers a été rendue possible après la dévaluation de la livre égyptienne et le régime de change flottant

instauré en novembre 2016 », rappelle Cyril Colon, de Partech. La décision a redonné confiance aux investisseurs étrangers, prudents depuis la révolution de 2011 et la chute des Frères musulmans en 2013. Ainsi, nombreux sont les pays occidentaux séduits par l’innovation à l’égyptienne. Cette évolution a séduit Helios Investment Partners, leader panafricain du private equity, entré en 2015 au capital de Fawry, fintech spécialisée dans les paiements électroniques, créée en 2008 par Ashraf Sabry, un vétéran des TIC passé par IBM Egypt. Quatre ans après l’arrivée de Helios, Fawry a rejoint la Bourse du Caire, en août 2019, avec un carnet d’ordres atteignant trente fois les actions proposées et pour une valeur estimée à 275 millions de dollars. Ses revenus ont atteint 884 millions de livres égyptiennes en 2019 (+ 45 % sur un an).

ATOUTS DU PAYS: UN VASTE MARCHÉ INTÉRIEUR ET UNE POPULATION JEUNE, ÉDUQUÉE ET TRÈS CONNECTÉE.

Il en va aussi ainsi du suédois Vostok New Ventures, qui a participé au tour de table de SWVL, en mai, après avoir investi lors d’une précédente levée de fonds (série B, phase d’accélération des start-up), de 68 millions de dollars en juin 2019. Plusieurs start-up locales ont été repérées par l’incubateur américain Y Combinator, qui a participé au succès de grands noms américains et africains, comme Airbnb ou Interswitch (paiement électronique, Nigeria). Parmi elles : le spécialiste des applications mobiles Instabug, Trella (livraisons par poids lourds), Breadfast (livraison de produits frais), et 500 Startups – déjà présent au capital de Brimore –, qui a investi en mai un montant non divulgué dans Source Beauty, une plateforme d’e-commerce pour produits de beauté.

Premiers mouvements vers le sud du Sahara

Par ailleurs, les entrepreneurs égyptiens ont commencé à mieux connaître autant le potentiel que l’état de la concurrence sur les marchés subsahariens, au contact de leurs homologues nigérians, sud-africains ou kényans au sein des grands incubateurs internationaux. « Aujourd’hui, nous sommes devenus pertinents pour eux, c’est pourquoi nous commençons à être actifs dans le pays », soulignent les dirigeants de Partech. « Travailler avec Partech nous permet d’avoir des relais sur les marchés africains », renchérit Ibrahim Ramadan, de Sawari Ventures. Les premiers mouvements vers le sud du Sahara sont perceptibles. Lorgnant déjà vers l’Asie, SWVL affiche aussi des ambitions panafricaines et s’est implanté à Nairobi en août 2019, non sans quelques soucis réglementaires. Idem pour Vezeeta, qui a choisi de se lancer au Kenya à la fin d’avril, deux mois après avoir levé 40 millions de dollars en série D (phase précédant en général l’entrée en Bourse ou une expansion géographique). De quoi déranger un peu plus l’historique trio de tête africain, cette fois-ci sur ses propres terres.

no3090 – JUILLET 2020

135


ÉCONOMIE

INTERVIEW

Tony Blair

« L’Afrique peut couper le cordon de l’assistance »

L’ex-Premier ministre britannique, qui conseille depuis douze ans de nombreux présidents en matière de gouvernance, travaille aujourd’hui à des plans de relance et plaide pour que le continent pèse davantage dans les relations internationales.

S

PROPOS RECUEILLIS PAR RÉMY DARRAS ET NICHOLAS NORBROOK (THE AFRICA REPORT)

ouvrant à Jeune Afrique à la mi-juin, Tony Blair l’admet : les présidents africains avec lesquels il communique quotidiennement et à qui il a envoyé ces dernières semaines des notes – sur les questions de santé publique et de dette, par exemple – sont « anxieux ». « Ils craignent un effet économique et social dévastateur de la crise du coronavirus », indique l’ancien Premier ministre britannique (1997-2007). Son institut a mis en place depuis douze ans auprès de quatorze chefs d’État, comme Paul Kagame ou Faure Gnassingbé, des cellules d’experts qui les accompagnent dans l’accélération de leurs projets prioritaires, destinés à attirer les investisseurs. Selon ses proches collaborateurs, l’ancien locataire du 10 Downing Street a, comme de nombreux observateurs, du mal à établir si l’Afrique a déjà atteint son pic de personnes affectées ou si, au contraire, elle doit encore s’attendre à une vague de contaminations, dans un contexte de faibles capacités de dépistage. Mais, s’il y a une chose qu’il remarque, c’est un désir plus fort d’accélérer les réformes de gouvernance. Jeune Afrique : Le Tony Blair Institute for Global Change fournit des conseils aux présidents africains en matière économique et sur les questions de gouvernance. Sur quelle feuille de route travaillez-vous désormais?

136

no3090 – JUILLET 2020

Tony Blair : Nous avons complètement changé notre fusil d’épaule pour nous concentrer sur le coronavirus. D’abord sur les mesures de base que les gouvernements doivent adopter: comment endiguer la propagation, réaliser suffisamment de tests et s’assurer que les professionnels de santé sont correctement protégés. En parallèle, nous travaillons sur des plans de réouverture des économies. C’est un dilemme à résoudre: faire ce qui est nécessaire pour lutter contre la maladie tout en minimisant les dommages collatéraux, au niveau économique, au niveau social et sur les systèmes de soins. Il y avait, dès avant la crise, de plus en plus de barrières économiques dressées à travers le monde. Les pays africains peuvent-ils miser sur une croissance tirée par les exportations ou vont-ils être affectés par cette tendance au repli?

LE COVID-19 A RÉVÉLÉ AUX CHEFS D’ÉTAT L’URGENCE D’INSTAURER UNE RÉFORME INSTITUTIONNELLE ET GOUVERNEMENTALE.

Certains pays peuvent vouloir rapatrier certaines de leurs chaînes d’approvisionnement. Mais je n’arrive pas à déterminer si cela ira plus loin que les activités de santé. Dans tous les cas, l’appétit des acteurs économiques ne faiblit pas, et ils ont aussi en ligne de mire le développement des marchés d’exportation. De plus, certaines matières premières se trouvent en Afrique dans de telles proportions qu’elles auront besoin de débouchés à l’export. Le grand défi pour le continent est de savoir comment y ajouter de la valeur et que celle-ci reste sur place. Ce que je retiens de mes conversations avec les présidents africains, c’est que le Covid-19 leur révèle l’urgence d’instaurer une réforme institutionnelle et gouvernementale. C’était sousjacent avant la pandémie. C’est visible maintenant: l’Afrique veut prendre en main son destin en étant beaucoup moins tributaire de l’aide extérieure. Le continent a aussi pris conscience du problème des chaînes logistiques mondiales, alors que beaucoup de pays se bousculaient pour obtenir des équipements sanitaires, mais aussi de la nécessité d’agir de manière unie. Il y a eu des appels à un moratoire sur la dette africaine. D’autres estiment que c’est au FMI de fournir un « filet de sécurité » budgétaire afin que le profil de risque des pays ne soit pas affecté. Où vous situez-vous?

L’Afrique devrait accéder à toute l’aide dont elle a besoin pour alléger sa dette, dont le poids reste énorme, et non pas simplement bénéficier d’un report, en s’assurant d’un soutien du FMI et de la Banque mondiale. Le G20 a déjà fait un certain nombre de choses au sujet de la dette commerciale, il faut faire plus. Par ailleurs, la Chine est évidemment un grand créancier, et j’aimerais qu’elle joue également son rôle. Mais, à long terme, l’objectif reste la création de richesses. Avec une bonne gouvernance et un leadership politique approprié, l’Afrique pourrait couper le cordon de l’assistance. La gestion de la dette et celle de l’OMS ont mis en avant des failles dans


LUCY YOUNG/EYEVINE/ABC/ANDIA

l’architecture de la gouvernance internationale.Commentpourrait-on réformer les institutions de Bretton Woods tout en tenant compte de l’influence grandissante de l’Asie ?

Les institutions internationales sont constituées de telle sorte que, pour les changer, il faut recueillir un consensus. Or, dans les circonstances actuelles, au risque de les briser en blocs, il est très difficile d’y parvenir. Si vous deviez mettre en place le Conseil de sécurité des Nations unies aujourd’hui, le feriez-vous sous la forme qu’on connaît ? Évidemment non. Il en va de même pour la gouvernance des grandes institutions comme l’OMS, qui doivent procéder à une réforme en profondeur, mais qui doivent fonctionner, en attendant, avec leur architecture existante. Pour moi, la seule instance capable actuellement d’impulser des réformes est le G20 parce que les principaux pays de la planète sont assis autour de la table. Dans ce contexte, l’UA doit devenir une institution beaucoup plus puissante. Car il sera très difficile pour chaque pays africain de s’orienter dans la confrontation entre les États-Unis et la Chine. Beaucoup de pays nous demandent des conseils à ce sujet, l’opposition sino-américaine s’accroissant.

L’UA DOIT DEVENIR UNE INSTITUTION BEAUCOUP PLUS PUISSANTE. IL EST IMPORTANT QUE LE CONTINENT S’EXPRIME D’UNE SEULE VOIX. En outre, même si des pays comme le Nigeria et l’Éthiopie sont des acteurs qui comptent, ils resteront toujours des acteurs de taille moyenne à l’échelle mondiale. C’est pourquoi l’Afrique va devoir disposer de ses propres moyens pour figurer au premier rang du concert des nations. Il sera très important qu’elle s’exprime d’une seule voix sur certaines questions clés. Le gouvernement britannique a été un promoteur du libre-échange sur le continent. Avec le Brexit, n’est-ce pas plus difficile de faire passer ce message ?

D’un côté, il sera évidemment plus difficile pour la Grande-Bretagne de défendre les avantages du libreéchange si elle-même a tourné le dos à la principale zone économique qui est à sa porte. De l’autre, elle peut plaider en faveur de la suppression des barrières commerciales. Si la Grande-Bretagne veut être un acteur indépendant, elle doit trouver un créneau où elle peut intervenir, et l’Afrique en est un. Nous avons un rôle important à jouer parce que, franchement, notre position ne sera plus la même en Europe. Et, si on n’y prend pas garde, nous n’aurons plus la même relation avec les États-Unis non plus. Parmi tous les présidents que vous avez conseillés, lequel présente les résultats dont vous êtes le plus fier ?

Je ne peux pas vous répondre car je risque de me faire un ami et plusieurs ennemis… Même si certains États continuent de fonctionner de manière très archaïque, le type de conversation que vous avez avec les présidents aujourd’hui est très différent de celui d’il y a une dizaine d’années. Il ne fait aucun doute que le leadership connaît aujourd’hui un saut qualitatif dans les pays africains. En premier lieu, les dirigeants cherchent beaucoup moins à trouver des excuses et essaient d’être maîtres du changement. Ensuite, ils valorisent l’efficacité. L’une des raisons pour lesquelles le président Kagame est respecté, c’est qu’il semble avoir tenu ses promesses.

no3090 – JUILLET 2020

137


ÉCONOMIE

COMMUNICATION

Powerscourt, l’agence tous risques des VIP en détresse

Projeté sur le devant de la scène par sa défense combative d’Isabel dos Santos, le cabinet londonien cultive un réseau de clients parfois controversés en Afrique et au Moyen-Orient.

L

OLIVIER HOLMEY, À LONDRES

e 19 janvier 2020, Isabel dos Santos est sur la corde raide. Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) vient de publier les « Luanda Leaks », une vaste enquête mettant en cause la fille de l’ex-président angolais. Selon leurs informations, sa fortune découlerait du népotisme de son père, d’évasion fiscale et de délits d’initiés. La réputation de celle qui s’autoproclame une self-made-woman en prend un sérieux coup. La semaine suivante, les lignes téléphoniques des grandes agences de communication londoniennes s’affolent. La femme d’affaires, qui est installée dans la capitale britannique depuis l’été 2018, cherche de toute urgence une équipe d’attachés de presse pour lancer une contreoffensive médiatique. Mais il y a un hic: celle dont on s’arrachait autrefois les bonnes grâces est devenue infréquentable. Montfort Communications, Portland Communications et Sans Frontières Associates, trois agences de poids, sont de celles qui refusent ses avances, selon nos informations. Un étrange ballet s’opère alors dans le petit milieu de la com. « Pendant environ une semaine, littéralement toutes les agences de relations publiques de Londres se sont appelées pour se refiler ce dossier », se souvient un communicant. « Bien que très lucratif, ce contrat leur a semblé trop nocif ; il leur fallait donc trouver preneur ailleurs afin, au moins, de toucher une commission. » En mai, Powerscourt publie deux communiqués pour défendre Isabel dos Santos… et révèle ainsi avoir pris en charge l’épineux dossier.

138

no3090 – JUILLET 2020

C ’e s t u n p a r i r i s q u é p o u r Powerscourt, plus porté sur Londres et Dublin, où se trouvent ses bureaux ainsi que la masse de ses clients, que sur les marchés émergents, nous confie un initié. Mais les situations de crise et les dossiers africains comme moyen-orientaux ne lui sont pas pour autant étrangers. L’agence cultive en effet un petit réseau dans la région, principalement dans les industries extractives. Elle a entre autres servi de porte-parole à BP, à Providence et à Kentz, trois sociétés pétrolières cotées à Londres et engagées en Afrique, ainsi qu’à des magnats de la filière minière. Elle a également travaillé pour Prudential et Credit Suisse lorsque ces institutions financières étaient dirigées par le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam.

Un fondateur prêt à « prendre des coups » pour sa clientèle

Rory Godson, Irlandais de 57 ans, a cofondé Powerscourt en 2004 avec John Murray, un communicant qui a fait ses classes dans la presse tabloïd. Vivant dans un quartier huppé de Dublin, Rory Godson se dit prêt à « prendre des coups » pour ses clients. Son réseau, forgé quand il était chargé de la section économique du Sunday Times puis de la communication européenne chez Goldman Sachs, s’étoffe depuis à coups d’embauches prestigieuses. Depuis 2017, il

PARMI SES PRISES DE CHOIX: BENY STEINMETZ, DAN GERTLER OU ENCORE LE FRÈRE DE L’EX-ÉMIR DU QATAR.

a ainsi recruté Matthew O’Toole, un ancien conseiller de Downing Street, et Lord Hogan-Howe, qui a dirigé la police de Londres. En Angola, Powerscourt a ses entrées depuis quelques années. En mars 2015, la société pétrolière nationale Sonangol, alors dirigée par Francisco de Lemos José Maria, l’engage pour gérer sa communication et accroître sa visibilité internationale. Un contrat d’envergure – « un privilège », dira Rory Godson – qui monopolise pas moins de quatre communicants de l’agence. L’image internationale de Sonangol sera pourtant écornée quinze mois plus tard, à la suite de la nomination largement décriée d’Isabel dos Santos, par son père, José Eduardo dos Santos, à la tête du groupe. Qu’importe, puisque l’agence endosse en tout cas volontiers le rôle de communicant pour magnats en détresse. En 2012, c’est le milliardaire israélien Beny Steinmetz qui engage Powerscourt pour défendre la réputation de sa compagnie minière, BSGR, alors accusée d’avoir acquis frauduleusement des permis d’exploitation au mont Simandou, en Guinée. Pour ce faire, Powerscourt ira jusqu’à dénoncer FTI Consulting, l’ancienne agence de communication de BSGR, l’accusant d’avoir contribué à une campagne de dénigrement envers Steinmetz. En 2016, c’est un autre homme d’affaires israélien, Dan Gertler, qui fait appel à Powerscourt. Ce proche de Joseph Kabila, le président de la RD Congo de l’époque, était accusé par l’ONG Global Witness d’avoir obtenu les droits de redevance d’une mine de cuivre détenue par l’État congolais, apparemment sans contrepartie. Balayant les soupçons de favoritisme, Powerscourt a porté la parole de Fleurette en faisant valoir les sommes importantes que le


scrupuleuses de Luís Paixão Martins, ex-communicant d’Isabel dos Santos au sein de l’agence portugaise qu’il a fondée, LPM Comunicação. Celui-ci avait ainsi cherché en 2013 à discréditer Rafael Marques, le fondateur de Maka Angola, en l’accusant sans fondement d’être un militant politique à la botte de George Soros.

Kadhafi », qui agite la London School of Economics (LSE). L’université est accusée de favoritisme envers l’un de ses élèves, Saïf al-Islam, le fils de Mouammar Kadhafi, alors même qu’elle reçoit des dons en provenance durégimelibyen. Powerscourt, chargée de représenter la LSE, ne réussit pas à contenir l’incendie… Le directeur de l’école finira par démissionner. Dans le dossier dos Santos, dernier gros contrat en date, Powerscourt met les bouchées doubles pour faire entendre les arguments de sa cliente. Le 12 mai, l’agence publie un long communiqué de presse qui affirme que les autorités angolaises et portugaises se sont appuyées sur un faux grossier – un passeport où figure la signature de l’acteur Bruce Lee, mort en 1973 – pour geler ses avoirs. L’information est vite reprise par de nombreux médias. Rui Verde, avocat et universitaire portugais, admet que le premier geste de Powerscourt a fait mouche. Celui qui écrit fréquemment pour Maka Angola, le site d’information angolais qui enquête depuis de nombreuses années sur le clan dos Santos, rend hommage à cette stratégie de communication, plus intelligente, dit-il, que ce à quoi la femme d’affaires l’avait habitué. Il garde en mémoire les méthodes peu

Des prestations facturées à plus de 55000 euros par mois

La fille de l’ancien président angolais José Eduardo dos Santos; et le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam, exdirecteur général de Credit Suisse.

JASON ALDEN/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES

MIKE COPPOLA/GETTY IMAGES FOR UNITEL

holding de Gertler avait investies dans le pays. Souhaitant très tôt étendre sa clientèle au-delà des îles britanniques, Rory Godson convainc en 2008 Abdul Aziz Khalifa Al-Thani, le frère de l’émir du Qatar de l’époque, de laisser Powerscourt porter sa voix. Une prise de choix pour une agence vieille de seulement quatre ans. Rory Godson se chargera personnellement de ce dossier, aux côtés de son bras droit, Victoria Palmer-Morre, ancienne d’UBS et de Morgan Stanley. Il s’agissait de faire pression sur Barclays, Al-Thani ayant accusé la banque d’avoir laissé filer 50 millions d’euros lui appartenant, par négligence. Le différend se conclura par un accord à l’amiable. Trois ans plus tard, Powerscourt se retrouve au centre d’un autre dossier qui fait grand bruit : l’« affaire

Rui Verde conteste néanmoins la valeur juridique des arguments avancés. Le passeport et d’autres preuves mises en cause par la défense ont pu être versés au dossier, avance-t-il, mais, selon lui, rien n’indique que les juges s’en soient servis pour incriminer Isabel dos Santos. Il s’appuie pour cela sur un document du tribunal provincial de Luanda daté du 23 décembre 2019, qui décrète le gel des avoirs, mais ne mentionne aucunement le fameux passeport. « C’est une réussite d’un point de vue médiatique, mais d’un point de vue juridique ils sont à côté de la plaque », tranche Rui Verde. Ce à quoi Rory Godson rétorque : « Si ce document n’était pas pertinent, pourquoi donc le procureur angolais l’aurait-il versé au dossier?»Ladirigeanteangolaisereprésente en tout cas une cliente de taille pour Powerscourt. On ne connaît pas la valeur du contrat, mais une source bien informée dans la City nous confie que ce genre de prestation peut se facturer dans les 50000 livres (55300 euros) par mois. Powerscourt, qui emploie 60 personnes, a déclaré 2,1 millions de livres de bénéfices en 2018. Quant à Tidjane Thiam, Rory Godson « s’occupe de sa communication depuis des années », selon des proches du financier franco-ivoirien. Celui qui vient d’être nommé administrateur du groupe de luxe Kering aime également s’entourer d’anciens de Powerscourt. Ainsi, John Murray, qui a quitté l’agence en 2006, a accompagné le dirigeant pendant près de six ans, d’abord en tant que directeur des relations publiques chez Prudential puis comme conseiller spécial de Thiam au sein de Credit Suisse.

no3090 – JUILLET 2020

139


ÉCONOMIE

DÉBATS

Le moratoire sur la dette fera plus de mal que de bien Alain Nkontchou Associé gérant d’Enko Capital Management

A

fin de faire face aux problèmes les plus urgents découlant de la pandémie de Covid-19, qui, pour l’instant, ne les touche pas avec la même gravité que d’autres parties du monde, les pays africains auront besoin d’une forme d’expansion budgétaire importante. Ces mesures doivent principalement cibler les infrastructures. Premièrement, par un renforcement des services de santé essentiels ; deuxièmement, par une aide gouvernementale au secteur des services publics primaires pour garantir un accès illimité à l’eau et à l’électricité après la mise en œuvre des protocoles de confinement requis. En outre, des fonds devraient également être mis à la disposition du secteur privé pour soutenir l’inévitable contraction économique due au gel de l’activité économique réelle.

Des dommages considérables à long terme

La question d’un moratoire ou d’une « suspension » du remboursement des Eurobonds, telle qu’elle est proposée, ne revêt pas autant d’importance en comparaison des besoins susmentionnés et, qui plus est, compromettrait grandement l’accès futur des économies africaines aux marchés internationaux. Un tel moratoire serait perçu comme un défaut de paiement et, quelle que soit la gravité de la situation actuelle, il infligerait des dommages considérables à long terme.

140

no3090 – JUILLET 2020

Ultimement, ce sont les marchés de capitaux privés qui doivent être la véritable source du capital destiné à l’investissement productif, ce qui est fondamental pour la poursuite du développement du continent. À titre d’exemple, la capacité, au cours de l’année écoulée, de pays tels que le Bénin et le Ghana d’accéder aux marchés des capitaux – à des taux respectivement de 5,75 % sur sept ans (500 millions d’euros) et de 8,875 % sur quarante ans (750 millions de dollars américains) – témoigne des conditions favorables dont ont bénéficié les nations africaines. Il serait sage, à ce stade, de ne pas mettre en péril un tel acquis. Pour les pays qui ont encore la capacité de servir leur dette, la question du remboursement de la dette privée pourrait, à l’inverse, être abordée dans un cadre plus large qui comprend, à titre essentiel, un soutien budgétaire visant à relever les défis économiques actuels et futurs auxquels sont confrontés les pays d’Afrique subsaharienne, comme indiqué ci-dessus.

Une solution: des dettes à coupon zéro sur quinze ans

Ces fonds pourraient être versés aux pays qui en ont besoin par les

POUR SOUTENIR SON DÉVELOPPEMENT, L’AFRIQUE DOIT ÉVOLUER VERS UN FINANCEMENT DE MARCHÉ.

institutions multilatérales sous la forme d’une dette à coupon zéro sur quinze ans, remboursée à maturité avec un taux d’intérêt de 1 % ou 2 % (ce n’est qu’une possibilité parmi d’autres). Le Nigeria en est un bon exemple : le pays a récemment demandé un financement multilatéral de 6,9 milliards de dollars au FMI, à la Banque mondiale et à la BAD pour lutter contre la crise du coronavirus. Une partie de cette somme serait utilisée pour établir un fonds d’intervention de crise Covid-19 de 1,2 milliard de dollars afin d’améliorer les établissements de soins de santé et de fournir des fonds d’intervention aux États. Un tel montant doit être comparé aux engagements de service de la dette extérieure, qui seront en moyenne inférieurs à 750 millions de dollars au cours des quatre prochaines années. Si l’Afrique doit éventuellement mettre un terme à sa longue dépendance à l’égard des donateurs et des fonds multilatéraux pour soutenir son développement économique, elle devrait évoluer vers un financement de marché. Avec des engagements de capital et d’intérêts sur toutes les euro-obligations en circulation de l’Afrique subsaharienne, qui s’élèvent à environ 5 milliards de dollars par an sur les quarante-huit prochains mois, l’« allègement » de la dette privée, tel que proposé, serait un prix élevé à payer, compromettrait l’accès durement gagné de la région aux marchés des capitaux internationaux et entraverait l’avenir de son développement.


Éditorial

Quand les statistiques expliquent le Hirak algérien et la résurrection ivoirienne Alain Faujas

L

Journaliste à Jeune Afrique

es statistiques économiques sont fastidieuses, mais elles éclairent les phénomènes politiques et donnent du sens aux évolutions économiques, comme le confirme le rapport « Parités de pouvoir d’achat et taille des économies mondiales » que vient de publier la Banque mondiale pour comparer l’évolution des pouvoirs d’achat entre 2011 et 2017. Créé il y a cinquante-deux ans pour ausculter treize économies, ce rapport est devenu une mine de renseignements en vue de comparer aujourd’hui 176 pays, dont il analyse la taille et le pouvoir d’achat en recalculant le classique produit intérieur brut (PIB) en parité de pouvoir d’achat (PPA) et non au taux du marché. Les produits du panier de consommation dans chaque économie sont soigneusement pondérés, et leurs prix, formulés en une monnaie commune exprimée en dollars. « Le PIB en parité de pouvoir d’achat est le bon indice pour analyser et comparer les économies. Les think-tanks et les universitaires le préfèrent au PIB traditionnel, calculé au taux du marché. C’est lui qui permet à la Banque mondiale de calculer les seuils de pauvreté qui conditionnent son action », note François Bourguignon, ancien économiste en chef de l’institution multilatérale et professeur à l’École d’économie de Paris.

L’Égypte, premier « pouvoir d’achat » du continent Si l’on entre dans la forêt des chiffres, on tombe sur des confirmations. L’Afrique subsaharienne est la zone la plus défavorisée du monde puisque sa part dans la richesse mondiale est de 3,1 %, alors que sa population pèse 14,2 % de la population du globe. Sa forte croissance démographique pénalise l’amélioration de son niveau de vie, puisque son PIB en PPA a progressé de 24,8 % entre 2011 et 2017, mais, rapporté au nombre de ses habitants, ce progrès a été limité à 5,9 % par tête. Comment l’Algérie aurait-elle pu éviter le mouvement de protestation Hirak, dont l’origine est politique, quand son PIB en PPA a chuté en six ans de 3,1 % et, pire encore, de 14 % par

habitant? Ce qui n’empêche pas l’Algérien d’être le plus riche consommateur d’Afrique du Nord, avec un pouvoir d’achat de 13500 dollars en 2017, devant l’Égyptien (11245 dollars), le Tunisien (10069 dollars) et le Marocain (6855 dollars). Dans son match avec son jumeau ghanéen, la Côte d’Ivoire affiche une croissance de son PIB de 70,8 % en six ans contre 69 % pour celui-là… mais le Ghanéen demeure plus riche (4997 dollars) que son voisin (3572 dollars). Surprise, le classement des économies les plus importantes place en tête l’Égypte (1263 milliards de dollars de PIB 2017) et non le Nigeria (884,6 milliards) ou l’Afrique du Sud (733,7 milliards). Par habitant, avec 13327 dollars par an, l’Égypte surclasse l’Afrique du Sud (12870 dollars) et le Nigeria (4634 dollars).

Un outil précieux pour les dirigeants politiques comme pour les investisseurs Le classement par pouvoir d’achat par habitant est différent. Les plus riches sont les habitants des Seychelles (27794 dollars), de Maurice (25051 dollars) et de la Guinée équatoriale (22771 dollars). Autre surprise, ce n’est plus le Nigérien (847 dollars par an) qui est le plus pauvre du monde, mais le Burundais (784 dollars), le Centrafricain arrivant en troisième position (937 dollars) dans ce sinistre classement. Le palmarès du dynamisme entre 2011 et 2017 est lui aussi surprenant. Le Rwanda et l’Éthiopie, avec des taux de croissance annuels records de 8 % à 10 % calculés en PIB classique, sont, avec une croissance en six ans respectivement de + 55 % et + 12,7 %, relégués derrière le Kenya (+ 93 %), la Côte d’Ivoire (+ 70,8 %), le Ghana (+ 69 %) et même la RD Congo et le Zimbabwe (+ 56 %)! Comparaison n’est pas raison. Il n’empêche que ce rapport permet d’évaluer aussi bien les consommations par ménage que la formation de capital, les forces et les faiblesses des économies étudiées. C’est un outil précieux pour les responsables politiques, les directions commerciales et les investisseurs.

no3090 – JUILLET 2020

141


DOSSIER FINANCE

Au Maroc, Bank Al-Maghrib a enjoint aux banques de ne pas distribuer de dividendes. Ici, le siège d’Attijariwafa Bank, à Casablanca.

BANQUES

Touchées mais 142

no3090 – JUILLET 2020


Les répercussions économiques du Covid-19 sont déjà tangibles dans le secteur bancaire en Afrique francophone, mais les établissements financiers restent majoritairement profitables. La crise n’est pas à l’ordre du jour.

D HAKIM JOUNDY/ATTIJARIWAFA BANK

OLIVIER HOLMEY

ans les premières semaines de la pandémie de coronavirus, en mars, l’agence de notation Fitch a improvisé dans l’urgence un classement des plus sommaires. Trois couleurs pour classer la résilience probable des secteurs bancaires africains face à la crise économique qui se dessinait: vert pour marquer la stabilité, jaune pour des pertes, rouge pour une situation de crise. « C’était un moyen pour nous d’appréhender une situation en rapide évolution », se souvient Mahin Dissanayake, responsable de l’analyse des banques d’Afrique subsaharienne au sein du bureau londonien de l’agence. Ce classement officieux, bien moins sophistiqué que son système de notation habituel, lui a en tout cas permis de parvenir à une conclusion inquiétante: « Au départ, nous avions quelques pays en vert, mais, très vite, il n’en restait plus aucun. » Selon cette analyse du début de la crise sanitaire, c’est toute l’Afrique francophone qui était teintée en jaune par Fitch. Ces inquiétudes se sont vite concrétisées. Alors même que les premiers cas de Covid-19 n’ont été déclarés au Maghreb que le 25 février, et en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale le 11 mars, les résultats bancaires du premier trimestre révélaient déjà une sévère inflexion. Le marocain Attijariwafa Bank, premier établissement en Afrique francophone, annonçait au 31 mars un coût du risque en hausse de 82,5 % et un résultat net en recul de 23,8 %, à 1,1 milliard de dirhams (100 millions d’euros). Des résultats « marqués par les premiers impacts de la crise », expliquait la banque, laissant entendre que le pire était encore à venir.

pas coulées no3090 – JUILLET 2020

143


DOSSIER FINANCE

BANQUES

Le panafricain Ecobank, piloté depuis le Togo, affichait pour sa part un résultat net en hausse de seulement 1 %, ainsi qu’un triplement de son coût du risque. « L’année s’annonce exceptionnellement trouble », écrivait son PDG, Ade Ayeyemi, le 23 mars. Il faudra attendre encore quelques semaines avant de connaître les résultats du deuxième trimestre, bien plus marqué par la pandémie. Mais, selon Fitch, qui reçoit chaque mois les données internes d’un certain nombre de ses clients africains, la plupart des banques du continent ont vu leurs bénéfices chuter de 20 %, sinon plus, au cours des derniers mois. Toutes ne sont pas pour autant logées à la même enseigne, puisque l’impact économique de la pandémie – conjugué à la chute soudaine des cours du pétrole – varie selon les pays. Le FMI s’attend à ce que toutes les économies de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) – hormis celle de la GuinéeBissau – continuent de croître, mais à un rythme bien moins soutenu qu’en 2019. À l’inverse, tous les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) – à l’exception de la République centrafricaine – devraient voir leur économie reculer cette année. Les banques du Gabon et du Cameroun, pays exportateurs de pétrole, pourraient donc être bien plus touchées que celles de Côte d’Ivoire et du Sénégal, pays importateurs. Et celles du Maghreb encore davantage, puisque le Maroc et l’Algérie, qui hébergent les cinq plus grandes banques d’Afrique francophone, pourraient voir leur PIB chuter respectivement de 3,7 % et de 5,2 %, toujours selon le FMI.

Du casse-tête d’impulser des changements dans une période aussi tumultueuse

Les banquiers et analystes financiers interrogés s’accordent pourtant à dire qu’une crise bancaire n’est pas à l’ordre du jour. Et ce en partie grâce aux mesures prises par les autorités pour soutenir les établissements. Ainsi, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a baissé les taux directeurs et doublé les injections de liquidité hebdomadaires, passant à 500 milliards de F CFA (762 millions d’euros), tout en assurant qu’elle se tenait prête « à prendre toutes les mesures complémentaires nécessaires » pour soutenir la stabilité financière. La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a elle aussi augmenté le montant alloué chaque semaine aux banques, passant de 4 410 à 4 750 milliards de F CFA (7,24 milliards d’euros). Elle a également

144

no3090 – JUILLET 2020

autorisé les banques à reporter les échéances de remboursement sur les prêts accordés aux entreprises, et ajouté 1 700 sociétés à son dispositif de garanties, permettant aux banques d’accéder à des ressources complémentaires de 1 050 milliards et aux firmes concernées de négocier de meilleures conditions pour leurs emprunts. Au Maroc, Bank Al-Maghrib a enjoint aux banques de ne pas distribuer de dividendes, afin de conserver des fonds suffisants pour faire face aux difficultés à venir. Certains acteurs du secteur appellent les banques centrales à aller plus loin, en repoussant l’application des règles prudentielles bâloises, références du secteur, qui obligent les banques à conserver de plus en plus de fonds propres en regard de chaque crédit. Au-delà du casse-tête de mettre en œuvre de tels changements en une période aussi tumultueuse, ces règles pourraient, à court terme, se révéler

LE FMI S’ATTEND À CE QUE TOUTES LES ÉCONOMIES DE L’UEMOA, HORMIS CELLE DE LA GUINÉEBISSAU, CONTINUENT DE CROÎTRE.

Services en ligne La crise, catalyseur de la digitalisation

C

ela fait des années que la plupart des banques du continent ambitionnent d’étoffer leur offre de services en ligne, sans toujours réussir à concrétiser ce projet. En limitant les interactions physiques entre agents bancaires et clients, les mesures de lutte contre la propagation du Covid-19 ont soudainement remis cet objectif au sommet des priorités.

En l’espace de quelques semaines, le groupe ivoirien NSIA a vu ses activités bancaires digitales croître de manière impressionnante. Selon Jean Kacou Diagou, son fondateur, le trafic en ligne de NSIA a doublé depuis que les mesures de confinement et de distanciation physique ont été décrétées en Afrique de l’Ouest. Dans le même temps, sur le terrain, les effectifs et la clientèle des agences se sont


EGNAN KOULA/EPA/MAXPPP

NSIA a, dès mars, réduit ses charges en reportant certains projets non urgents, se focalisant sur l’offre numérique. Ici, une agence d’Abidjan.

contre-productives pour l’économie, en réduisant la capacité de prêt des banques. « On serre les boulons à un moment où l’on voudrait au contraire qu’il y ait plus de crédits », résume Denis Chemillier-Gendreau, président fondateur de Finactu, cabinet de conseil financier implanté à Casablanca. La Banque centrale tunisienne doit se prononcer sur un possible report d’application de certaines règles prudentielles, selon JeanMarc Velasque, consultant chez Sopra Banking Software. En Afrique de l’Ouest, Jean Kacou Diagou, le fondateur du groupe de bancassurance NSIA, plaide pour que la BCEAO se penche sur cette même question. « Le calendrier prévu aurait dû être décalé, mais, pour l’instant, la Banque centrale fait la sourde oreille », nous explique-t-il. « Le respect des règles prudentielles de la BCEAO risque de casser le rythme du soutien des banques [à l’économie réelle] », estime le tycoon ivoirien.

Un secteur bien moins affecté que l’hôtellerie ou les hydrocarbures

L’entrepreneur ajoute que les banques ivoiriennes ont pris d’elles-mêmes un certain nombre de mesures, en concertation les unes avec les autres, pour atténuer les risques liés à la pandémie. Ainsi, NSIA comme d’autres ont réduit leurs charges dès le mois de mars, en reportant certains projets nonurgents, et se sont focalisées davantage sur leur offre numérique, particulièrement importante en ces temps de distanciation physique. « Nous ne verrons pas

À la recherche de nouveaux relais de croissance

« La crise a un effet accélérateur. En ces temps difficiles où les établissements financiers cherchent des relais de croissance, c’est l’occasion de se positionner sur de nouveaux créneaux digitaux », constate Jean-Marc Velasque, chargé du conseil aux entreprises

chez Sopra Banking Software, qui accompagne 300 banques africaines. Ces dernières le sollicitent actuellement beaucoup sur ces développements de services en ligne. Au-delà de l’urgence de subvenir aux besoins des clients en période de pandémie, la concurrence accrue des opérateurs de mobile money et la sous-bancarisation du continent offrent aux banques deux arguments de poids pour des dépenses accrues dans ce domaine, et ce même en période de coupes budgétaires. O.H.

NICK CORREIA/GETTY IMAGES

réduits sensiblement. « Depuis mars, on a réorienté nos activités vers ce canal afin de désengorger nos agences et travaillé davantage en ligne », explique le patron ivoirien.

nécessairement des pertes sur l’année », rassure pour sa part Mahin Dissanayake, « car, malgré tous les défis, les banques d’Afrique subsaharienne restent très profitables ». Les banques marocaines ont été en mesure de participer à hauteur d’environ 2,5 milliards de dirhams à un fonds national créé en mars pour financer la lutte contre les effets du Covid-19, selon Fitch. Un signe que le secteur bancaire est moins touché par la crise que d’autres, tels que l’hôtellerie ou les hydrocarbures. Reste à savoir si les institutions financières soutiendront comme auparavant ces pans de l’économie qui en ont le plus besoin. Tunde Kehinde, cofondateur de Lidya, une plateforme nigériane de financement de PME, en doute : « Si la pandémie venait à resurgir, seuls les secteurs dits essentiels seraient autorisés à fonctionner. Nos algorithmes doivent le prendre en compte quand nous décidons des sommes à allouer aux clients. » Il explique que Lidya prêterait moins aujourd’hui qu’il y a six mois à une société de restauration. Il est trop tôt pour juger du degré de frilosité des banques sur ce point. Si la crise devait perdurer, malgré le soutien des autorités, le nombre de créances non performantes pourrait augmenter drastiquement, et certaines banques se trouveraient en difficulté, en particulier les plus petites. Selon Mahin Dissanayake, on ne pourra se rendre compte de l’impact de cette période sur les banques qu’en fin d’année, voire en début d’année prochaine. « Mais, pour l’heure, conclut-il, nous sommes loin d’une crise. »

Au sommet des priorités se trouve le développement de l’offre en ligne.

no3090 – JUILLET 2020

145


DOSSIER FINANCE

BOURSE BRVM

Edoh Kossi Amenounve

Directeur général

« Notre marché a montré sa résilience face à la crise » Patron de la Bourse régionale des valeurs mobilières depuis 2012, il croit en l’intégration des places financières africaines et estime que leur rôle sera crucial dans la relance de nos économies. PROPOS RECUEILLIS PAR NADOUN COULIBALY, À OUAGADOUGOU

CommentlaBRVMréagit-elleàlacrise sanitaire et économique du Covid-19?

Edoh Kossi Amenounve : La BRVM, à l’instar des autres Bourses en Afrique et dans le monde, n’a pas été épargnée par la crise liée au Covid-19. Toutefois, notre marché a été moins volatil que la plupart des Bourses américaines, européennes, asiatiques et africaines, en particulier au cours du mois de mars, qui a connu une forte propagation de la pandémie.

146

no3090 – JUILLET 2020

BRVM

A

lors que les Bourses mondiales se sont effondrées à la suite de la pandémie de Covid-19, le directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) ouest-africaine, implantée à Abidjan, revient pour JA sur le rôle des places financières dans l’après-pandémie. Élu le 1er avril 2020 président de l’Association des Bourses des valeurs africaines (Asea), le dirigeant togolais plaide pour l’intégration financière et la libre circulation des capitaux sur les marchés du continent.

Le Togolais est aussi, depuis avril, président de l’Association des Bourses des valeurs africaines.

En effet, l’indice BRVM Composite a reculé de 15 % de janvier à mai 2020, avec une baisse de 8 % au cours du mois de mars, contre, entre autres, des reculs de 12 % de la Bourse de Johannesburg ; – 18 % au Nigeria ; – 20 % à Casablanca; – 26 % en Égypte; et – 17 % pour le CAC 40 ; – 13 % à New York ou encore – 23 % à Bombay. Cette résilience de notre marché témoigne de la confiance des investisseurs dans les fondamentaux de nos économies et de leur anticipation, à ce stade, d’un impact certes significatif mais limité de la crise. La

croissance des économies de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) devrait ralentir, à 2,5 % en 2020, selon le FMI, contre 6,6 % en 2019. A contrario, des récessions sont attendues dans les autres régions d’Afrique subsaharienne et du monde. Comment envisagez-vous son rôle dans la riposte à la crise ?

La BRVM joue un rôle important dans la stratégie de riposte à la crise liée au Covid-19, en facilitant la mobilisation de ressources par les États de l’Uemoa et le secteur privé, en vue



DOSSIER FINANCE

BOURSE

d’atténuer les impacts de la pandémie et de limiter sa propagation. Avec un besoin estimé à 5 284 milliards de F CFA (plus de 8 milliards d’euros), au 31 mai 2020, les États de l’Union ont mobilisé sous forme d’emprunts obligataires 498,2 milliards de F CFA (759 millions d’euros) sur le marché. Par ailleurs, les investisseurs pourront consacrer une partie de leurs ressources à soutenir les levées de fonds effectuées par les PME présentes dans les secteurs stratégiques comme la santé, l’innovation technologique, l’énergie, les services financiers, en vue de leur admission au troisième compartiment de la BRVM. En 2018, vous aviez lancé un programme d’élite censé accompagner les entreprises de la sous-région, choisies en fonction de leur potentiel de croissance, vers la cotation. Deux ans plus tard, où en êtes-vous ?

Le programme Elite BRVM Lounge, prévu pour deux ans, est une déclinaison régionale du programme Elite développé par le London Stock Exchange. Sur le plan local, ce programme vise à préparer les PME à fort potentiel à l’accès au financement à long terme sur le marché de capitaux, à travers leur introduction au troisième compartiment de la BRVM. Nombre d’entre elles y postulent, mais les places sont limitées à dix entreprises par cohorte. À ce jour, nous avons lancé trois cohortes, ce qui nous permet d’intégrer 30 PME issues de tous les pays de l’Uemoa, à l’exception de la GuinéeBissau. Avec ce programme, nous avons une meilleure visibilité sur le pipeline de PME engagées à se faire coter au terme du processus. Celles-ci vont intégrer le troisième compartiment dans les années à venir. Les premières admissions, notamment celles des PME issues de la première cohorte, sont attendues dans les prochains mois. Vous avez été porté à la tête de l’Asea. Quelles sont désormais vos priorités?

Mon accession à la présidence de l’Association s’est faite en pleine

148

no3090 – JUILLET 2020

crise sanitaire du Covid-19. Dès ma prise de fonctions, je me suis aussitôt attelé à coordonner les actions des Bourses africaines afin de préserver l’intégrité de nos marchés ainsi que la confiance des investisseurs. Des mesures d’ordre sanitaire, opérationnel et réglementaire ont aussi été prises par quasiment toutes les Bourses du continent pour protéger leur personnel, poursuivre leurs opérations à distance et faciliter la tenue des réunions des organes sociaux des entreprises cotées ainsi que la publication de leurs informations périodiques. Elles sont restées ouvertes et ont connu, pour certaines, l’accroissement de leurs volumes de transactions. À l’avenir, je souhaite piloter l’exécution de la stratégie post-crise des marchés de capitaux africains pour la relance des économies du continent en mettant l’accent sur la mobilisation des ressources locales, le développement de l’investissement responsable et la libre circulation de l’épargne au niveau continental. Que peuvent faire les Bourses africaines pour l’intégration économique de l’ensemble des pays du continent à l’heure où l’on s’achemine vers la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca) ?

Ce projet vise à accroître le commerce intra-africain de plus de 50 % en supprimant les barrières tarifaires puis non tarifaires. À terme, la Zleca doit permettre de créer un marché de plus de 1,2 milliard d’individus

pour un PIB global estimé à environ 3 000 milliards de dollars. Dans ce contexte, il apparaît que la concurrence dans le secteur privé sera rude, et seules les entreprises bien préparées réussiront à survivre en tirant leur épingle du jeu. Les Bourses africaines ont donc un rôle important à jouer dans cette préparation des entreprises, en leur facilitant l’accès aux ressources à long terme en vue de financer leur développement et d’assurer leur pérennité. Sur cette base, l’intégration des Bourses du continent se révèle primordiale, afin de faciliter l’accès à un marché plus large pour les émetteurs et les investisseurs, ainsi que la circulation des capitaux entre nos pays, et d’améliorer la liquidité des Bourses. En ma qualité de président de l’Asea, je pilote actuellement avec le comité exécutif un important projet de connexion des Bourses de Johannesburg, du Caire, de Casablanca, de Lagos, de Nairobi, de Maurice, et de la BRVM. Ce projet dénommé AELP (Projet de liaison pour les échanges africains) est financé par la BAD à travers un fonds coréen et va faciliter les transactions boursières à l’échelle continentale en donnant un accès unique aux investisseurs. Il verra le jour au début de 2021. Pour que la Zleca produise les effets escomptés, l’intégration commerciale doit s’accompagner d’une intégration financière facilitant la libre circulation des capitaux dans le secteur bancaire et sur les marchés. Vous avez récemment regretté que les Bourses du continent ne soient ni liquides ni profondes. Comment y remédier ?

AVEC LA ZLECA, LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR PRIVÉ SERA RUDE. SEULES LES ENTREPRISES BIEN PRÉPARÉES RÉUSSIRONT À SURVIVRE.

De mon point de vue, la liquidité et la profondeur d’un marché de capitaux – qui font son attractivité – ne se décrètent pas. Elles se créent à l’intérieur d’un cercle vertueux entraînant de nouvelles cotations grâce à une information financière transparente et à l’éducation des investisseurs. L’intégration des Bourses africaines constitue un moyen d’y parvenir, mais la route est encore longue.


COMMUNIQUÉ

FONDS DES NATIONS UNIES POUR LA POPULATION - UNFPA

© Cienpies snf/Adobestock

L’UNFPA, PORTEUR D’ESPOIR AU SAHEL Questions à Monsieur Mabingue Ngom Directeur régional de l’UNFPA en Afrique de l’Ouest et du Centre

La période historique que nous venons de vivre avec le développement d’un virus mondial, ne peut faire oublier le sort des populations du Sahel dont la survie est une affaire quotidienne. La solution militaire a longtemps été privilégiée pour pacifier la zone.A-t-elle atteint ses limites ? Les dernières attaques survenues récemment au Mali, au Niger et au Tchad causant des pertes regrettables, illustrent à suffisance l’importance de faire face à la situation sécuritaire en mettant en œuvre d’autres solutions différentes de celle militaire. Si on n’agit pas sur les causes profondes de ces conflits et actes terroristes, si on ne donne pas immédiatement aux jeunes, l'accès aux services sociaux de base, à savoir l’accès à l’école, l’accès à un emploi décent, l’accès aux soins en santé dans un hôpital, l’accès à un état-civil, ou si on n’assure pas la bonne gouvernance à travers la démocratie et la bonne gestion des ressources publiques, cela équivaudrait à donner « un grand coup d’épée dans le sable ».

wcaro.unfpa.org/fr

L’objectif de votre opération est de«fournir des preuves » de la fragilité du Sahel ? Quelles sont-elles en quelques mots ? L'évolution croissante de la part de la population jeune, la pression exercée sur les ressources telles que la terre ou l'eau, ainsi que les services sociaux de base, les taux de chômage élevés et l'urbanisation rapide sont autant de facteurs contribuant à maintenir les conflits dans la région. De plus lors d'un conflit, les structures familiales et sociales sont souvent perturbées, et les services éducatifs et sociaux interrompus. Les adolescents peuvent devenir sexuellement actifs lorsque peu de services de protection sont disponibles, et les filles en particulier sont vulnérables aux agressions et exploitations sexuelles. Ces risques augmentent leur vulnérabilité aux infections sexuellement transmissibles, aux grossesses non désirées et aux avortements à risques.Par ailleurs, Selon les enquêtes, jusqu’à 40 % des femmes déplacées dans différents contextes souhaitent éviter une grossesse mais elles verront pas ce besoin qui pourtant est un droit fondamental, satisfait. Il faudrait en effet assurer la disponibilité

des produits et services de santé reproductive.La conséquence est sans surprise, de très fort taux de natalité difficilement soutenables pour les économies ainsi que des taux de mortalité maternelle non négligeables.

Vous comptez donc organiser un Symposium de haut niveau durant lequel les résultats de cette réflexion empirique devraient être présentés aux Chefs d’États de la région puis à l’Assemblée Générale des Nations Unies, en septembre prochain. Quelle stratégie allez-vous adopter pour «alerter»le monde ? Notre objectif est d’engager avec les gouvernements et les partenaires un dialogue politique basé sur des données et des évidences, qui pourront nous éviter de nous polariser sur un débat purement théorique et idéologique. Les recommandations pour une action efficace et durable incluent le développement et la mise en œuvre de politiques qui prennent en compte la dimension démographique ainsi que le développement du capital humain. Les résultats de cette réflexion empirique fourniront des preuves pour un programme global sur la population, la paix et la sécurité qui contribuera à aborder la fragilité actuelle du Sahel de manière holistique en se concentrant sur les causes structurelles de l'extrémisme au lieu de la solution militaire qui est actuellement utilisée et qui a montré ses limites. De même, il est prévu que les conclusions et recommandations du symposium soient présentées respectivement en Novembre et Décembre 2020 lors du Forum de Dakar sur la Sécurité et du Dialogue Atlantique de Marrakech.

JAMG - PHOTO : D.R. Sauf mention

Depuis quelques décennies le Sahel traverse des conflits armés, et une dégradation des conditions climatiques dans un environnement économique très extrême. Cette insécurité permanente est de nature à compromettre les perspectives de son développement. C’est dans ce contexte que l’UNFPA a engagé une réflexion inédite approfondie sur la relation entre la démographie, la paix et la sécurité.

ÍÎÖÚ

suivez-nous :


DOSSIER FINANCE

CAPITAL-RISQUE

Le néerlandais XSML voit plus grand en Afrique centrale S’il reste sur le segment des TPE et PME, l’investisseur achève sa troisième levée de fonds de 85 millions de dollars et vise une expansion géographique autant que sectorielle. frican Rivers Fund III, le troisième fonds de XSML, sera clôturé, fin 2020, avec une dizaine d’investisseurs et un objectif de levée de 85 millions de dollars, dont 53 millions sont déjà engagés, assurent les dirigeants de la société de capital-risque. XSML, qui s’est fait une spécialité d’investir dans les PME d’Afrique centrale, met l’accent sur les pays où il a démarré son activité en 2010 (RD Congo, Congo et Ouganda), ainsi que sur l’Angola, où un bureau sera bientôt ouvert pour venir appuyer ceux de Kinshasa et de Kampala. « Il existe un vrai intérêt des investisseurs internationaux, institutionnels ou commerciaux, qui demandent un retour sur investissement, mais veulent aussi avoir un impact en favorisant l’emploi et des secteurs sous-développés comme la santé, dans des pays souvent oubliés par les autres fonds », fait valoir Barthout van Slingelandt, l’associé-gérant de XSML. Le capital-investisseur compte les institutionnels Bio, CDC, FMO, IFC et Proparco, ainsi que le privé AHL Ventures comme partenaires financiers. Depuis sa création, XSML a investi dans une cinquantaine d’entreprises, dont la plupart se trouvent en RD Congo et en Ouganda, créant quelque 2 000 emplois. La société affiche 70 millions de dollars d’actifs sous gestion. Les entreprises qu’elle cible exercent principalement dans l’accès à l’éducation, la santé et la distribution. Environ un tiers des entrepreneurs soutenus sont des femmes ou comptent des femmes dans leur

150

no3090 – JUILLET 2020

équipe dirigeante. Le premier investissement de XSML était un centre d’appels de Kinshasa géré par des femmes.

Attendre que l’orage passe

« Le principal critère pour notre engagement est le promoteur lui-même, son investissement, son expérience, et son intégrité, qui nous assurent qu’il pourra traverser les périodes difficiles », déclare Barthout van Slingelandt. Une période difficile, la crise actuelle en est une. Plusieurs entreprises du portefeuille de XSML en RD Congo – situées dans le quartier de la Gombe à Kinshasa, en confinement pendant deux mois complets – ont vu leur activité s’arrêter quasi totalement. En Ouganda aussi, les trésoreries des hôpitaux et des supermarchés ont été durement impactées par la pandémie. Pour soutenir les sociétés qu’il accompagne, XSML a allongé les délais de remboursement et utilisé des ressources séparées d’assistance

XSML a investi dans QuickPrint, une société d’imprimerie numérique de Kinshasa, en RD Congo.

XSML

A

JEAN-BAPTISTE MONDZE

technique, sous forme de subventions ou de prêts sans intérêts, pour augmenter les fonds de roulement. L’impact sur les sociétés de capital-risque varie, selon lui, en fonction des modes de financement. « Les fonds qui ont des participations majoritaires dans l’actionnariat des entreprises courent le plus de risques, en particulier dans les secteurs gravement impactés, comme le tourisme ou l’aviation, qui ont des marges faibles », explique Barthout van Slingelandt. « L’effet immédiat est un allongement d’au moins trois mois des plans d’investissement à cause des incertitudes du marché. Il s’agit de conserver sa trésorerie et d’attendre que l’orage passe », détaille le dirigeant. Ce dernier estime que ceux qui réalisent la majorité de leurs investissements en dette sont mieux protégés. Parmi les secteurs qui devraient tirer leur épingle du jeu, celui des sociétés de services de livraison en ligne, encore peu nombreuses sur le continent, a la faveur de l’associé-gérant de XSML, qui pourrait chercher des opportunités d’investissement dans ce secteur en Afrique centrale.


COMMUNIQUÉ

Le Marché des Titres Publics de l’UEMOA : une opportunité pour les investisseurs institutionnels, catalyseurs d’une nouvelle dynamisation

Découlant directement de la mise en œuvre des politiques de développement, les interventions des Etats sur le Marché des Titres Publics (MTP) se sont accrues ces dernières années. De 2014 à 2019, le volume annuel des émissions est passé de 2 516 à 3 420 milliards FCFA. Un volume prévisionnel émis de 4 361 milliards est attendu cette année, dans un contexte où les États doivent faire face à la pandémie de la COVID-19 et ses conséquences.

L’un des défis majeurs sur le MTP demeure l’élargissement et la diversification de la base des investisseurs, hors secteur bancaire, ainsi que la dynamisation du marché secondaire. Dans cette optique, un ensemble de réformes est en cours dans le but de rendre le marché plus attractif pour les investisseurs institutionnels régionaux et étrangers : assurances, caisses de retraite et fonds de pension, sociétés de gestion d’OPCVM, institutions de prévoyance et de sécurité sociale, caisses de dépôts et de consignation.

Des rendements attractifs Sur le MTP, seuls les huit États de la zone UMOA sont autorisés à émettre des titres de dette souveraine. Ces émetteurs dans leur quasi-totalité se sont soumis volontairement à un système de notation financière par des agences internationales (Moody’s, S&P, Fitch) et locales (WARA, Bloomfield). En fonction de l’émetteur et de la maturité visée, le taux de coupon varie entre 5,75% et 6,50%. De ce fait, les titres publics de la zone constituent une niche d’opportunités de placements pour les investisseurs institutionnels. Ils offrent des rendements attractifs et variables selon l’émetteur, et la maturité offerte peut varier de 1 mois à 12 ans. Ces titres bénéficient d’un profil de risque historiquement faible dû à la qualité de la signature des émetteurs.

Harmonisation fiscale en vue Les titres publics sont défiscalisés par l’administration fiscale du pays émetteur. Cependant, au sein de l’Union, la pratique de chaque administration fiscale est variable en ce qui concerne les titres d’autres pays de l’UEMOA. Des réformes sont en cours afin d’harmoniser le traitement fiscal des titres publics au sein de l’Union. Avec l’arrivée des investisseurs institutionnels, l’AUT définira, en collaboration avec les États, une stratégie d’émission adaptée à ces acteurs, focalisée sur des titres publics et présentant des caractéristiques totalement adaptées à leurs besoins et aux exigences auxquelles ils font face, notamment le respect du code CIMA pour les compagnies d’assurances. L’investisseur institutionnel, quel que soit le territoire sur lequel il est établi, souscrit aux adjudications par l’intermédiaire d’une banque ou d’une SGI de son choix, implantées sur le territoire de l’Union. Rejoignez ces précurseurs d’une nouvelle donne sur le MTP ! Aperçu des taux de rendement moyens sur la maturité cinq ans en 2020 dans l’UEMOA 6,72 6,58 6,56 6,55 6,43 6,27 6,17 6,14

a n in ni rk Bé Bu

www.umoatitres.org

te ée Côoire uinsau G is v I ’ B d

li Ma

r ge Ni

l ga né Sé

go To

JAMG - PHOTO : D.R.

L’Agence UMOA-Titres (AUT), créée par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en 2013, accompagne les Etats de l’Union dans la mobilisation de ressources financières nécessaires au financement de leurs politiques de développement, à des coûts maîtrisés, et conseille ces derniers notamment dans la gestion active de la dette et de la trésorerie, tout en mettant en place des projets visant le développement du marché régional.


CULTURE(S) & LIFESTYLE

Black

cinema

matters 100 ans de 7 art noir e

Entre la sortie du premier long-métrage réalisé par un Africain-Américain et le succès planétaire de Black Panther, un siècle s’est écoulé. Retour sur l’épopée de ces réalisateurs afrodescendants qui se sont battus pour exister, même quand Hollywood les ignorait.


162 Mode La fée Hayet

165 Tendance De la rue aux podiums

C

RENAUD DE ROCHEBRUNE

DAVID HIMBERT/POLARIS/STARFACE

158 Antiracisme Quand la lutte devient culte

était il y a exactement cent ans, en 1920, très longtemp s avant le succès mondial de Black Panther. Le pionnier américain du cinéma noir, Oscar Micheaux, signait Within Our Gates, le plus ancien long-métrage réalisé par un cinéaste de la diaspora africaine aux ÉtatsUnis que l’on ait pu retrouver. Ce film apparaissait à son humble échelle comme une œuvre critique du célèbre Naissance d’une nation (D. W. Griffith, 1915) et de ses stéréotypes raciaux. Within Our Gates avait disparu, croyait-on, à jamais quand, dans les années 1970, on en a découvert l’unique copie qui existait encore, en Espagne, où elle avait été baptisée La Negra, après son étonnante exportation vers l’Europe dès les années 1920. Il a donc fallu retraduire en anglais les intertitres de la version espagnole pour que ce film du temps du muet puisse être à nouveau visible dans son pays d’origine! Et pour que l’on puisse aujourd’hui célébrer le centenaire du cinéma noir, comme cela a déjà été le cas avec un peu d’avance au festival de Locarno (Suisse), à l’été 2019. Le chercheur Greg De Cuir Jr y avait organisé une rétrospective intitulée Black Light, dont le livre collectif qui vient de paraître sous ce même titre, presque exclusivement consacré au cinéma noir américain et dont nous rendons compte ici, est une émanation.

Spike Lee, au Montreal Black Film Festival, en septembre 2018.


CULTURE(S) & LIFESTYLE

CINÉMA

La rencontre entre les Noirs des États-Unis et le cinéma est cependant bien antérieure à la sortie de Within Our Gates. Dès le tournant du XXe siècle, alors que le septième art est dans sa prime enfance, les Noirs, qui ont amorcé depuis la fin de la guerre de Sécession leur exode des campagnes vers les petites villes du Sud et de l’Ouest puis vers les grandes cités du Nord, découvrent le cinéma presque en même temps que les Blancs grâce à des projectionnistes itinérants, qui montrent des films issus de la culture blanche dominante aux migrants dans des lieux communautaires – églises, associations, etc. Mais la sédentarisation de l’industrie cinématographique après 1906, avec la création de petits cinémas de quartier, les « nickelodéons » – car l’entrée coûte 1 nickel –, puis celle de véritables salles « modernes » dans tout le pays, ira de pair avec le développement d’une politique de ségrégation officielle (dans le Sud) ou officieuse (dans le Nord) qui durera longtemps. Autour de 1910, il y a ainsi plus de 200 « colored theaters » aux États-Unis, et pas moins de 425 en 1925, dont la moitié seulement appartient à des Noirs.

« Cow-boys sépia »

Si ces salles « colored » programment en général les mêmes films que les « theaters » des Blancs, elles proposent peu à peu des longs-métrages de fiction destinés uniquement aux Noirs et dans lesquels jouent des acteurs issus de la communauté africaine-américaine. Bientôt, parmi ces « race pictures », comme on les surnomme, elles présentent des œuvres de réalisateurs noirs, dont le plus célèbre sera précisément Oscar Micheaux. Il tournera de façon artisanale et avec des moyens dérisoires (des budgets inférieurs à 10 000 dollars par long-métrage) une cinquantaine de films jusqu’en 1948. Parmi les « race pictures » des années 1920, 1930 et 1940, beaucoup de drames ou de mélodrames sociaux – comme Within Our Gates – mais aussi des films de genre : histoires de gangsters noirs (Dark Manhattan, de Harry L. Fraser), comédies musicales (Tall, Tan and Terrific, de Bud Pollard) et même westerns noirs (Harlem on the Prairie, de Sam Newfield, avec des « cowboys sépia »). À partir de la fin des années 1950, la suppression de la ségrégation raciale permit aux Noirs de fréquenter les cinémas jusque-là

154

no3090 – JUILLET 2020

réservés aux Blancs sans pour autant que les productions africaines-américaines en bénéficient. Les colored theaters subsistants projettent d’ailleurs eux-mêmes essentiellement, comme toutes les salles, des films hollywoodiens grand public. Mais, à cette époque, des stars noires (Dorothy Dandridge, Sidney Poitier, Harry Belafonte…) apparaissent sur les écrans. Des acteurs, assez peu nombreux, « à la fois suffisamment typés – classe moyenne, asexués et banlieusards – et suffisamment charismatiques pour être tolérés » par le système hollywoodien et le public blanc, explique l’universitaire Adrienne Boutang, qui, dans l’ouvrage Black Light, explore la préhistoire du cinéma noir américain. Jusqu’à ce que la situation évolue, à partir des années 1970. Alors que les militants des droits civiques ou du black power revendiquent avec une fierté grandissante leur culture africaine-américa in e, d e u x c o uran t s artistiques marquent la réapparition durable d’un cinéma noir doté d’une ambition esthétique et du souci d’affirmer sa singularité. D’abord, un mouvement radical et engagé, parfois élitiste, celui de la Los Angeles School, ou L.A. Rebellion, qui veut mettre le cinéma au service des minorités et lutter contre le modèle hollywoodien. Il a pour épicentre l’Ucla (University of California, Los Angeles), d’où son nom. Toute une série de réalisateurs émergent, qui mènent, aux États-Unis et dans le reste du monde, un combat militant préfigurant d’une certaine façon celui du courant postcolonial. S’en détachent quatre figures de proue. D’abord, Charles Burnett, que beaucoup de critiques considèrent comme l’un des plus grands réalisateurs américains. Dans Killer of Sheep (1973), qui s’inscrit pourtant dans la veine du néoréalisme, il livre le portrait poétique d’un travailleur des abattoirs de South Central, à L.A. Ensuite, Julie Dash, remarquée grâce à Illusions (1982), qui dénonce la discrimination raciale et sexuelle à Hollywood, et, en 1991, grâce au très beau et étonnant Daughters of the Dust, qui évoque la migration d’une famille noire de Géorgie quelques années après la fin de l’esclavage. Puis, Jamaa Fanaka, qui, dans Welcome Home Brother Charles (1975), montre comment

DANS LES ANNÉES 1970, UN COURANT MILITANT S’OPPOSE À UN COURANT PLUS COMMERCIAL, QUI MET EN VALEUR DES HÉROS NOIRS.

Black Light. Pour une histoire du cinéma noir, collectif, Capricci, 176 pages, 25 euros


un super-héros peut devenir un antihéros. Enfin, Hailé Gerima, le grand cinéaste éthiopien, en exil depuis 1968 en Californie, que le Fespaco couronnera sur le tard pour Teza, en 2009. Le second courant du cinéma noir, dominant à partir du début des années 1970, est celui de la Blaxploitation, plus commercial et, donc, populaire. Les deux films qui l’ont lancé, jusqu’au niveau international, et restent des jalons importants dans l’histoire cinématographique américaine sont Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, de Melvin Van Peebles, et, à un moindre degré, Shaft, de Gordon Parks. Ces œuvres puissantes, qui mettent en valeur des héros black virils évoluant au son de musiques afroaméricaines pleines d’énergie dans des décors urbains, connaissent un immense succès. Elles obligent Hollywood, alors dans le creux de la vague, à s’apercevoir de l’importance du public noir pour assurer l’avenir du septième art. En l’espace de trois ou quatre ans, une soixantaine de films revalorisant l’image des Noirs, le plus souvent sans craindre les stéréotypes, seront ainsi réalisés avant que le mouvement de la Blaxploitation décline rapidement.

Trois Oscars

On ne distingue plus, depuis les années 1980, de véritable courant important dans la cinématographie noire américaine. Pourtant, avec des hauts et des bas, les réalisateurs issus de la communauté n’ont plus jamais cessé de fournir en quantité – on parle de 200 longs-métrages, rien que depuis 2007 – des films plus ou moins réussis. Jusqu’à ce que, ces dernières années, une série d’œuvres de premier plan donnent l’impression d’une véritable renaissance. Avant même le triomphe planétaire des aventures de super-héros noirs (Black Panther, de Ryan Coogler, en 2018), qui n’a entendu parler, pour ne citer que ceux-là, du drame 12 Years a Slave, de Steve McQueen, de Moonlight, de Barry Jenkins (le portrait d’un dealer black gay), ou du thriller antiraciste Get Out, de Jordan Peele, oscarisés respectivement en 2014, 2016 et 2017 ? Sans oublier les sorties à intervalles réguliers, depuis le milieu des années 1980, des nombreux films de qualité inégale, certes, mais toujours marquants du remuant Spike Lee, le porte-drapeau d’un cinéma noir américain plus que jamais vivant. Et qui compte !

Spike Lee, l’éternel révolté

Q

RENAUD DE ROCHEBRUNE

uand il s’agit de défendre la cause de la communauté africaine-américaine aux États-Unis, l’auteur de Malcolm X (1992) et de BlaKkKlansman. J’ai infiltré le Klu Klux Klan (2018) est toujours au premier rang, poing levé. Comment Spike Lee aurait-il pu ne pas se sentir concerné par le meurtre de George Floyd, ce Noir étouffé par un policier blanc de Minneapolis, qui enflamme son pays et le monde entier depuis la fin de mai? Le voilà mobilisé, à la fois comme citoyen et comme cinéaste, lui qui, en 1989, avait signé une remarquable fiction, Do the Right Thing, décrivant une bavure policière mortelle à Brooklyn similaire à celle de Minneapolis. Outre ses prises de parole publiques, dans lesquelles il dénonce la persistance du racisme dans la société américaine de 2020, il vient de réaliser dans l’urgence un petit film, déjà diffusé sur les réseaux sociaux. En l’occurrence, un montage efficace qui relate la mort par asphyxie de trois Noirs qui ont eu affaire à la police : celle, filmée par des témoins, de George Floyd et d’Eric Garner (décédé des suites d’un plaquage ventral à Staten Island, en 2014), ainsi que celle, fictive mais ô combien réaliste, du « héros » malheureux de Do the Right Thing. Le cinéaste a eu d’autant plus l’occasion d’exprimer son émotion et sa révolte qu’il était très sollicité par les médias à l’occasion de la sortie, à la mi-juin, de son dernier film, Da 5 Bloods, sur la plateforme Netflix. Ce long-métrage aurait dû être projeté en avant-première au Festival de Cannes 2020, dont Spike Lee devait présider le jury – ce qui sera le cas en 2021, la manifestation ayant été reportée en raison de la pandémie de coronavirus. Comme la quasi-totalité des films de l’enfant terrible du cinéma noir américain, Da 5 Bloods évoque le sort de membres de sa communauté. Cinq Noirs, vétérans de la guerre du Vietnam, retournent sur place trente ans après la défaite américaine pour retrouver le corps de leur ancien supérieur militaire. Ils veulent aussi, et peut-être surtout, récupérer une caisse pleine de lingots d’or qu’ils avaient trouvé par hasard dans la carcasse d’un avion abattu et enterrée dans la jungle en attendant des jours meilleurs. Ce film d’aventures plein de digressions politiques n’est hélas pas une grande réussite. L’art du collage baroque, qui permet souvent à l’auteur de séduire, prend ici un tour trop foutraque. Loin des héros qu’il croque dans des films exubérants, souvent mélodramatiques et teintés d’humour, ceux de Da 5 Bloods sont trop caricaturaux pour convaincre vraiment. Heureusement, la musique de Marvin Gaye scande les péripéties de ce long-métrage qui prouve, après l’échec de Miracle à Santa Anna, en 2008, que l’inusable Spike Lee n’est décidément pas un réalisateur de films de guerre.

no3090 – JUILLET 2020

155


CULTURE(S) & LIFESTYLE

CINÉMA

GAUMONT

Une comédie décapante dont le personnage principal, interprété par le coréalisateur, « est proche du Candide de Voltaire ».

Jean-Pascal Zadi

« C’est un film français, voire franchouillard, avec des acteurs noirs » Dans un faux documentaire trash et jubilatoire, l’humoriste s’interroge sur l’identité des afrodescendants de l’Hexagone. Et donne un grand coup de pied dans la fourmilière communautaire.

J

LÉO PAJON

«

P » est en colère: « La situation des Noirs en France est catastrophique. On n’est nulle part. On n’est pas au cinéma, on n’est pas dans les médias, on n’est pas en politique, et j’ai l’impression que ça ne gêne personne ! » La parade ? « Organiser une grosse marche de protestation noire place de la République. » Mais JP, comédien raté approchant de la quarantaine, a besoin de rallier à lui des personnalités noires pour médiatiser sa manifestation… Le scénario de Tout simplement noir (clin d’œil à un groupe de rap né à la fin des années 1980) pourrait laisser penser que ce long-métrage a été réalisé par un Noir – et pour les Noirs –… alors qu’il s’agit d’une comédie décapante contre le communautarisme. Entretien avec Jean-Pascal Zadi, coréalisateur du film avec John Wax, et acteur principal de ce faux documentaire.

156

no3090 – JUILLET 2020

Jeune Afrique : Comment l’idée de ce long-métrage vous est-elle venue ? Jean-Pascal Zadi: Je la porte depuis

au moins cinq ans. Je me suis rendu compte que pour voir des films avec des acteurs qui nous ressemblent, nous, les Noirs français, n’avions que des films américains sur les discriminations ou sud-africains sur l’apartheid. Français né à Bondy [banlieue parisienne] en 1980, je me sentais invisible dans ce paysage cinématographique. Surtout, aucun film ne me parlait de l’identité noire française. Je m’y suis donc collé… mais avec la volonté de traiter de l’universel à travers la situation des Noirs. On vous reproche un film communautariste fait par un Noir, avec des Noirs…

… alors que je critique le communautarisme et que je développe des thèmes très français. Je ne suis pas sûr que le film serait compris à l’étranger. C’est un film français, voire franchouillard, avec des acteurs noirs.

La forme du faux documentaire et votre personnage, maladroit et provocateur, rappellent le film Borat. Vous en êtes-vous inspiré ?

Pas vraiment. John Wax et moi voulions trouver une façon de raconter l’histoire qui implique le spectateur. Là, avec ce cameraman qui suit le personnage, on a l’impression de vivre en même temps que lui ce qui lui arrive. J’interprète un héros proche du Candide de Voltaire, un naïf qui révèle les failles de la société. À travers lui, on soulève les questions qui nous intéressent: qu’est-ce qu’une communauté, qu’est-ce qu’être noir ? Et puis, avec John, on aime les losers, les éternels seconds… Avec eux, il est plus facile d’aller vers la comédie. Dans une scène, Fadily Camara reproche aux Noirs qui réussissent de sortir avec des Blanches… avant de repartir elle-même avec un compagnon blanc.

La rage des afroféministes n’empêche pas qu’elles aient parfois des


compagnons blancs… Ce qui ne retire rien à la sincérité de leur engagement. Tout n’est pas blanc ou noir, tout est dans la nuance. Fabrice Eboué, Claudia Tagbo, Fary, StéfiCelma,JoeyStarr,LilianThuram, Soprano apparaissent aussi dans le film. Comment les avez-vous convaincus de vous rejoindre ?

Il n’y a pas énormément d’acteurs afrodescendants en France, mais les personnalités à qui on a proposé le scénario l’ont aimé et ont voulu participer. Cela prouve au moins que les Noirs sont solidaires ! Ces personnalités ont accepté de jouer leur propre rôle et d’affronter les piques de votre personnage. Vous faites remarquer à Claudia Tagbo, par exemple, qu’elle exploite les clichés de la femme noire (accent, grosses fesses…) avant de vous faire rosser !

Le film lui a permis de répondre aux critiques dégueulasses auxquelles elle est confrontée. Elle n’a pas à payer les frustrations des uns et des autres, elle assume sa culture. Avoir ce regard et ce recul sur elle-même est une grande preuve d’intelligence. Votre personnage semble parfois davantage intéressé par le rayonnement que lui confère sa démarche que mû par un militantisme authentique. Doutez-vous de la sincérité de certains afromilitants ?

Non. Et quand bien même certains luttent juste pour se mettre en avant, ce n’est pas grave car ils servent la cause. L’important est qu’on mette les problèmes sur la table. En France, on a beaucoup de retard. Sur les plateaux de télévision, quand un Noir meurt entre les mains de la police, on préfère s’intéresser à son casier judiciaire.

Le film est très politiquement incorrect. Vous êtes-vous censuré sur certaines scènes ?

Non, j’ai dit tout ce que j’avais à dire. Je remercie d’ailleurs Gaumont, le producteur, qui ne m’a jamais demandé d’enlever des scènes, même lorsque je parle de violence policière. Justement, on ne peut pas s’empêcher de penser à la mort de George Floyd, que certains rapprochent de celle d’Adama Traoré, en France.

Rapprochement normal : dans les deux cas, de jeunes Noirs sont arrêtés par la police et meurent entre ses mains. Il y a un vrai sentiment d’in-

QUAND UN JEUNE BLACK MEURT SOUS LES COUPS DE LA POLICE, ON PRÉFÈRE S’INTÉRESSER À SON CASIER JUDICIAIRE. sécurité. Quand j’étais jeune et que je sortais le soir, ma mère me disait déjà de faire attention à la police. Le film pose la question de ce que qu’est être un Noir. Il y a le Noir fantasmé par Mathieu Kassovitz dans une scène trash, le Noir fantasmé par les afrodescendants, le noir qui n’est pas un Noir, comme Vikash Dhorasoo, à qui vous refusez ce statut…

On essaie de montrer qu’être noir ou blanc ça ne veut rien dire. Tout est question de perception. On devient un Noir dans le regard de certains policiers ou hommes politiques, alors

que nous devrions simplement être considérés comme des êtres humains! Dans une scène hallucinante, où Lucien Jean-Baptiste vous menace avec une machette, vous rappelez les divisions qui existent entre Noirs africains et antillais.

Des haines et divisions ont été cultivées et subsistent. Par exemple, de la part d’Antillais chez qui on a encouragé un ressentiment à l’égard des Africains qui les ont « vendus ». Entretenir ces divisions permet de faire taire les rébellions. Aux Antilles, les békés blancs contrôlent encore l’économie. Fabrice Eboué, Lucien Jean-Baptiste, vous-même… Les réalisateurs noirs sont-ils condamnés à faire des films qui ont trait à leur couleur de peau ?

Quoi que l’on fasse, on est toujours ramenés à ça. Si on ne parle pas assez de notre identité, on nous le reproche, si on en parle trop, on nous le reproche aussi. Et puis, on évoque ce qu’on a vécu dans notre vie personnelle et professionnelle, où l’on a souvent été réduits à notre couleur de peau. La question de l’identité cristallise des crispations et des frustrations très contemporaines. Ce film parle de notre époque.

Tout simplement noir, de Jean-Pascal Zadi et John Wax, 1h30, sortie dans les salles françaises le 8 juillet


CULTURE(S) & LIFESTYLE

ANTIRACISME

De Beyoncé à Raoul Peck en passant par Toni Morrison, les artistes inspirent le mouvement Black Lives Matter. Partagées sur les réseaux sociaux, certaines de leurs œuvres sont devenues des symboles.

2

DR

Quand la lutte devient culte THALIE MPOUHO

1. This is America, de

Childish Gambino (2018)

2. Sula, de Toni

Morrison (1973) Sula s’inscrit dans la longue liste des œuvres antiracistes de Toni Morrison, où les Noirs doivent lutter pour exister face à l’indifférence des Blancs. Elle tisse ici une histoire autour de l’amitié entre deux fillettes noires, sur fond de racisme, de traumatismes et de ségrégation dans l’Ohio des années 1920. « Comme chacune avait compris

158

no3090 – JUILLET 2020

1

depuis longtemps qu’elle n’était ni blanche ni mâle, que toute liberté et tout triomphe lui étaient interdits, elles avaient entrepris de créer autre chose qu’elles puissent devenir », écrit l’écrivaine américaine dans ce livre qui retrace le combat de toute une vie et de toute une communauté.

3. La Marche de Selma

(photo, 1965)

Le 25 mars 1965, plus de 25 000 personnes envahissent les rues de Montgomery. Leur revendication ? Obtenir le droit de vote, conformément au Civil Rights Act de 1964, qui met fin à la ségrégation envers les Africains-Américains et qui, dans l’État de l’Alabama, ne leur est toujours pas octroyé. Un mois plus tôt, la police a abattu un Noir qui protestait contre le fait que les AfricainsAméricains n’étaient pas inscrits sur les listes électorales.

DR

En seulement quatre minutes, les paroles et le clip de This is America, de Childish Gambino, dressent un sombre portrait de l’Amérique et de ses inégalités raciales. Truffée de messages plus ou moins explicites, la vidéo aux près de 700 millions de vues fait référence à plusieurs victimes noires tuées par la police et par les suprémacistes blancs. La scène de gospel au cours de laquelle l’artiste fusille les membres d’une chorale, par exemple, fait clairement référence à la tuerie de Charleston en 2015, au nom d’une « guerre entre les races », un Blanc avait abattu neuf membres de la communauté noire dans une église de Caroline du Sud. Sortie en 2018, la chanson connaît une seconde vie : elle est devenue l’un des hymnes du mouvement Black Lives Matter sur le réseau social Tik Tok, où elle illustre des vidéos évoquant les violences policières.

La marche pacifiste, de Selma à Montgomery, est dirigée par le pasteur Martin Luther King. Quatre mois plus tard, en août 1965, le Voting Act Rights interdisant les discriminations raciales dans l’exercice du droit de vote sera signé. De célèbres clichés de cette marche circulent sur les réseaux sociaux et servent de modèle aux manifestations pacifistes antiracistes dont le monde est aujourd’hui témoin.

4. Fuck tha Police,

de N.W.A (1988)

Il y a trente-deux ans, le célèbre groupe N.W.A entonnait Fuck tha Police, un classique du rap américain, devenu un symbole de la lutte contre le racisme et les violences policières. « Police think they have the authority to kill a minority » (« la police pense qu’elle a le droit de tuer une minorité »)… Les paroles de


PHOTO12

5

4

N.W.A résonnent aujourd’hui dans les manifestations aux États-Unis, au milieu des pancartes Black Lives Matter. D’après les analystes d’Alpha Data, le titre aurait connu une progression de 272 % sur les plateformes de streaming audio entre le 27 mai et le 1er juin, au lendemain de la mort de George Floyd, asphyxié par un policier à Minneapolis.

5. Do the Right Thing,

de Spike Lee (1989)

Plus que jamais d’actualité, Do the Right Thing s’inspire de la mort de Michael Griffin, renversé par une voiture alors qu’il était poursuivi par une douzaine d’hommes armés de battes de baseball. Le film célèbre la culture africaine-américaine tout en braquant les projecteurs sur les

DR

WILLIAM LOVELACE/EXPRESS/GETTY IMAGES

3

violences policières exercées à l’endroit de la communauté noire. Sur fond de tensions raciales, Spike Lee dépeint une bavure : un protagoniste est étranglé par un policier après une bagarre générale. Le 1er juin, le réalisateur américain a diffusé sur son compte twitter un montage mêlant cette séquence du film à des vidéos montrant le supplice d’Eric Garner et celui de George Floyd.

no3090 – JUILLET 2020

159


CULTURE(S) & LIFESTYLE

DEVIN ALLEN

ANTIRACISME

6

6. Le cliché de Devin

Allen (2015)

Ce cliché noir et blanc, très partagé sur les réseaux sociaux, date d’avril 2015. Il a été pris lors d’une manifestation, à Baltimore, provoquée par la mort de Freddie Gray après une interpellation. Devin Allen, qui souhaite devenir photographe, décide alors de couvrir l’événement par l’intermédiaire de son compte Instagram. Son cliché deviendra la première couverture du magazine américain Time issue des réseaux sociaux. Relayée par plusieurs célébrités, dont la chanteuse Rihanna ou l’acteur Michael K. Williams, et par des médias comme BBC et CNN, cette image symbolique accompagne désormais le mouvement Black Lives Matter.

7. I Am Not Your Negro,

de Raoul Peck et James Baldwin (2016) En 1987, l’écrivain James Baldwin s’éteint en laissant un récit inachevé qui retrace les combats de Martin

160

no3090 – JUILLET 2020

9

Luther King, de Malcolm X et de Medgar Evers. Il n’aura pu écrire que trente pages avant sa disparition. Le réalisateur haïtien Raoul Peck reprend alors le travail de l’écrivain, le retranscrit en images en y ajoutant archives et extraits d’émissions télévisées. I Am Not Your Negro (« je ne suis pas votre nègre ») relate la lourde histoire du racisme anti-Noirs dans une Amérique dominée par les Blancs. Couronné par un césar en 2018, ce documentaire a inspiré les actions de Black Lives Matter. James Baldwin est d’ailleurs l’un des auteurs les plus cités sur le compte Twitter du mouvement, avec en étendard cette célèbre phrase : « Je ne suis pas un nègre, je suis un homme ».

8. Lemonade,

de Beyoncé (2016) « I break my chains all by myself/ Won’t let my freedom rot in hell » (« je brise mes chaînes moi-même, je ne laisserai pas ma liberté pourrir en enfer »). Ces paroles prononcées par Beyoncé dans le refrain de son titre Freedom, l’un des « hymnes » non officiels de Black Lives Matter, reflètent

l ’a t m o s p h è r e d e s o n album Lemonade, sorti en avril 2016. Un opus qui rend hommage à la femme noire et à la culture africaine-américaine, et qui dénonce également l’esclavagisme et les bavures policières. Dans le clip de la chanson Formation, Beyoncé apparaît debout sur une voiture de police qui sombre dans l’eau. Dans le film qui a accompagné la sortie de cet album, et plus particulièrement dans le titre Forward, les mères d’Eric Garner, de Michael Brown et de Trayvon Martin posent avec des photos de leurs fils, dont la mort a été à l’origine du mouvement Black Lives Matter. DR

7

DR

T.C.D/VISUAL PRESS AGENCY

8

9. Sister Outsider,

de Audre Lorde (1984) Femme, noire, lesbienne, militante, poétesse… Toutes les facettes de la personnalité d’Audre Lorde se retrouvent dans ses œuvres et dans ses luttes. Dans le recueil Sister Outsider, elle examine la question de l’identité « intersectionnelle » à travers les différentes oppressions qu’elle a subies au cours de sa vie: racisme, homophobie et sexisme. Inscrits dans le mouvement des droits civiques en faveur des Africains-Américains, ses écrits explorent un large éventail de sujets, dont le féminisme blanc et la brutalité policière, ce qui lui vaut d’être le cinquième auteur le plus cité par Black Lives Matter.


CANAL+ INTERNATIONAL S.A.S AU CAPITAL DE 3 912 064 € 592.033.401 RCS NANTERRE

© TANKA STUDIO POUR 

DEUX FAMILLES, UN TRÉSOR…

VOTRE NOUVELLE SÉRIE La guerre pour l’or brun est déclarée entre les Desva et les Ahitey, qui se livrent une bataille sans merci pour contrôler le business du cacao à Caodji. CACAO, c’est la nouvelle série  ORIGINAL à suivre tous les lundis soir à 20h30 GMT sur 

CANALPLUSAFRIQUE.COM


CULTURE(S) & LIFESTYLE

MODE

La fée Hayet

Pour fabriquer ses bijoux et accessoires colorés et futuristes, la styliste franco-algérienne joue la carte de l’hybride et s’inspire des artisanats du monde entier.

P

KATIA DANSOKO TOURÉ

our Hayet, la confection des bijoux est, avant tout, une passion. C’est aussi la matérialisation d’un état d’esprit où dialoguent artisanats d’Afrique et d’ailleurs. Le tout agrémenté de spiritualité. Née à Paris avant de s’installer, à l’âge de 14 ans, en Algérie, avec ses parents, la créatrice entend établir un pont entre les cultures africaines, dont la sienne : la culture berbère – ou, plus exactement, amazigh, souligne-t-elle, avant d’ajouter que sa famille, kabyle, est originaire de Tizi Ouzou. De plus, ses bijoux, accessoires, vêtements ou objets de décoration, ultra-stylisés et colorés, revêtent des aspects urbains et futuristes. C’est en 2015 que naît sa griffe, Berberism, alors que depuis 2007 la jeune femme proposait déjà de nombreuses créations sous son nom. « Le terme « Berberism » est un hommage à ma culture », indique celle qui dit

tenir de sa mère, artisane dans l’âme, ainsi que de son oncle bijoutier. « Ma mère a toujours été très habile de ses mains. Couture, broderie, crochet, sellerie… Elle faisait tout par elle-même. Quand j’étais ado, elle me confectionnait de longs gilets ou des jupes réalisées avec le pagne que me donnaient mes amis. J’ai toujours aimé son originalité. Quant à mon oncle, il a été président de la Fédération nationale des bijoutiers, en Algérie, mais aussi corailleur. Il faisait des bijoux en or et polissait des perles. Petite, j’allais dans son atelier et, comme il faisait travailler mes cousines, j’avais souvent l’occasion de faire des colliers de perles ou de la broderie. »

Costumes de scène

Autant dire qu’elle était à bonne école avant de retrouver Paris, pour ses études de droit, à l’âge de 21 ans. « Pendant mes études, au cours des années 2000, j’ai découvert l’univers du slam. J’écrivais des fables, des nouvelles, des contes. J’ai fait de

QU’EST-CE QUE LE BERBÉRISME? Si le berbérisme peut être compris comme le mouvement politique et idéologique qui milite pour la reconnaissance de la culture et de l’identité berbères, pour Hayet, le terme, qu’elle anglicise, relève de tout autre chose. « Quand on étudie la peinture moderne, notamment celle du début du XXe siècle, on comprend que de nombreux artistes se sont inspirés de l’art africain: Matisse, avec la culture amazigh, ou Picasso, avec les masques dogons ou fangs. On a appelé ces mouvements le fauvisme et le cubisme plutôt que d’appeler les choses par leur nom. Pourquoi pas le “dogonisme”, par exemple? Avec “berberism”, je tiens à rappeler que l’art moderne européen doit beaucoup à l’Afrique du Nord et à l’Afrique de l’Ouest. » K.D.T.

162

no3090 – JUILLET 2020

la scène avec Grand Corps malade, animé des ateliers d’écriture, travaillé sur des pièces de théâtre. Aussi, j’ai commencé à créer des costumes et des accessoires pour la scène. Ce que je continue à faire. » À l’époque, des artistes comme le duo de chanteuses Les Nubians lui commandent des pièces, en particulier pour leurs concerts. Aujourd’hui, elle compte, parmi ses admirateurs, la chanteuse franco-marocaine Hindi Zahra. « À l’université, j’étais fascinée par les personnes qui vivaient leur culture en faisant fi du prisme français. Aussi ai-je eu envie d’en apprendre davantage sur l’artisanat d’autres cultures africaines mais aussi amérindiennes ou asiatiques. » Berberism rime, depuis, avec hybridité culturelle. « J’aime également le côté mystique, thérapeutique et intime des bijoux. C’est la raison pour laquelle je m’attache à créer des pièces uniques pour une clientèle transgénérationnelle, originaire de tous les coins du monde et qui appartient à des univers


différents. Je cherche à nouer un dialogue avec chacun, à permettre que l’on puisse complètement s’approprier l’objet. » C’est dans un atelier aménagé au sein de son domicile parisien qu’elle imagine, dessine puis fabrique seule, et à la main, toutes sortes de pièces. Colorier, peindre, coudre, etc. « Je joue des percussions et je considère le processus créatif comme la composition d’un morceau de musique dont la rythmique est primordiale. » D’ailleurs, le cuir – matériau essentiel à la fabrication des tambours – est son principal médium. « Il peut être rigide, souple, fin ou épais. C’est une matière que l’on associe autant au vintage qu’au futurisme, mais aussi au folk ou au rock. Il permet de raconter différentes histoires. De surcroît, il est biodégradable et durable. » Elle travaille à partir de chutes de cuir qu’elle se procure dans une ville française du Tarn, Mazamet, mais aussi à Ghardaïa – oasis connue pour ses tanneries traditionnelles

–, à l’occasion de séjours dans son Algérie natale. Les pierres semi-précieuses utilisées en lithothérapie, les cauris ou le laiton plaqué or sont aussi des éléments auxquels est attachée Hayet, qui se considère comme une artiste plutôt que comme une bijoutière.

Sur mesure

Employée d’un musée parisien, elle affirme ne pas vivre de son art et ne semble pas accorder grande importance à l’aspect commercial de cette activité. « Je ne considère pas Berberism comme une marque et encore moins comme une marque de luxe ou orientale. S’agissant de ce dernier point, l’Afrique du Nord n’est pas située au Moyen-Orient ! » Les prix vont de 25 euros pour un tee-shirt à 35 ou 60 euros pour une bague ou une paire de boucles d’oreilles. « Il m’arrive de confectionner des accessoires sur mesure, comme des masques, de travailler sur un manteau, de customiser une paire de

SMOKEDSUGAR

SMOKEDSUGAR

Créations de la marque Berberism: cuir, cauris, laiton plaqué or, pierres semi-précieuses…

bottes, de fournir des pièces pour la réalisation de clips vidéo, etc. Les créations de ce type peuvent alors aller jusqu’à 500 euros. » Hayet réinvestit tout ce qu’elle gagne dans l’achat de son matériel ou fait des dons à diverses associations. Elle compte aujourd’hui une dizaine de collections et explique que pour la confection d’un bijou il faut compter trois à quatre jours. Très attachée à l’image qui entoure Berberism, elle s’est associée à l’agence créative Smoked Sugar Labs, « spécialisée dans la brand culture afro », pour la réalisation de ses visuels, que l’on retrouve sur la très épurée page Instagram de Berberism (près de 27 000 abonnés). Outre le site de vente en ligne du même nom et les pop-up stores, les pièces Berberism sont disponibles à la vente chez Saargale, le conceptstore parisien de la styliste sénégalaise Adama Paris, au sein de deux concept-stores à Alger, dont le Boho, ou à l’hôtel Onomo de Dakar.

no3090 – JUILLET 2020

163


NOUVEAU : n° 2/2020, été 2020 COVID-19 : choc sanitaire et géopolitique Dossier

Trump : et après ? Actualités La multipolarité nucléaire : mythes et réalités de la compétition Zone franc : fin et réincarnation La négociation post-Brexit En vente en librairie et sur le site d’Armand Colin Revues à partir du 3 juin 2020 • Au numéro : Papier : 23 € / Numérique : 17,99 € • Par abonnement : Papier + numérique : 80 € / E-only : 65 €

Retrouvez-nous sur le blog de la revue : politique-etrangere.com Suivez-nous sur Twitter : @Pol_Etrangere


CULTURE(S) & LIFESTYLE

TENDANCE

JACOPO RAULE/GETTY IMAGES

Le chanteur nigérian Wizkid défile pour Dolce & Gabbana, (collection homme printemps-été 2019), à la Fashion Week de Milan.

De la rue aux podiums

Le masque est devenu un accessoire de mode. Mais, bien avant la pandémie de Covid-19, les rappeurs l’avaient adopté, autant pour se forger une identité que pour jouer aux gangsters.

L

EVA SAUPHIE

«

e nouveau monde ne va pas m’empêcher d’habiller », postait en commentaire d’une vidéo sur Instagram le designer français Olivier Rousteing, né sous x d’une mère somalienne et d’un père éthiopien. Sur les images, une mannequin en minirobe scintillante, gantée, la bouche et le nez couverts d’un masque qui n’a rien de chirurgical. Incrusté de bijoux, il appartient à l’univers de la joaillerie de luxe. Un modèle qui n’est pas sans rappeler la création prémonitoire – un masque serti de cristaux Swarovski estimé à 6 000 dollars – que portait le rappeur africain-américain Future en clin d’œil à son tube Mask Off (« tomber le masque »), lors de la cérémonie des BET Awards, en 2017. L’industrie de la mode a eu tôt fait de réinterpréter

cet accessoire utilisé pour limiter la propagation du coronavirus dans sa version la plus clinquante. Le phénomène n’est pourtant pas nouveau. La scène rap est l’un des théâtres où les artistes aiment jouer avec la notion d’identité. « Recourir à un pseudonyme, c’est déjà porter un masque. De nombreux musiciens font appel à un alter ego dans leur entreprise artistique », commente le journaliste Azzedine Fall, spécialiste des musiques urbaines. C’est le cas de MF Doom, un rappeur britannique

SERTIS DE CRISTAUX SWAROVSKI, EN COTON, EN LYCRA OU EN STRASS, UNIS OU IMPRIMÉS, IL Y EN A POUR TOUS LES GOÛTS ET À TOUS LES PRIX.

d’origine zimbabwéenne et trinidadienne, « le premier à avoir joué avec la figure de l’antihéros » en portant une sorte d’armure faciale faisant écho à l’univers Marvel. Si depuis toujours ou presque les rappeurs africains-américains camouflent leur visage derrière cagoules, bandanas – comme dans le gangsta rap – et autres morceaux d’étoffe, c’est aussi pour échapper à toute surveillance. Récemment, c’est à travers le mouvement drill – sous-genre du hip-hop né à Chicago au début des années 2010 – que l’on a vu proliférer des masques de type chirurgical ou antipollution. « La scène drill est affiliée aux gangs. Les rappeurs ont ressenti le besoin de dissimuler leur identité derrière des masques pour se cacher de la police ou protéger leur entourage », poursuit l’ex-rédacteur en chef musique des Inrocks. C’est notamment sous l’influence coréenne ou japonaise – pays parmi les premiers à avoir

no3090 – JUILLET 2020

165


CULTURE(S) & LIFESTYLE

JASON LAVERIS/FILMMAGIC/GETTYIMAGES

TENDANCE

Le rappeur Future, à la cérémonie des BET Awards, à Los Angeles, en 2017.

massivement adopté le port du masque et à avoir commercialisé des modèles noirs ou colorés – que cet accessoire s’est répandu dans le milieu du hip-hop. D’abord au service de l’anonymat. « Dans les musiques urbaines, la notion d’anonymat n’est pas nouvelle. Il y a cette volonté de mettre en avant la musique plutôt que le look et le CV, analyse Olivier Cachin, animateur de la Sélection Rap sur la radio Mouv’. La réalité de la pandémie nous a rattrapés ». Kekra, par exemple, un rappeur français d’origine marocaine, ne sort jamais sans cet ornement. « Jouer au gangster fait partie de l’imaginaire du rap, mais aujourd’hui la fiction l’emporte sur la réalité », indique-t-il en citant un autre rappeur, Kalash Criminel, natif de Kinshasa et qui s’est rendu célèbre en portant une cagoule. « Il revendique lui-même la figure de terroriste fantasmé. » Une façon de jouer avec les codes du grand banditisme.

Opportunisme

Moins utilitaire, le masque est devenu accessoire. Une tendance qui profite aux designers, comme le GhanéoAméricain Virgil Abloh, créateur de

166

no3090 – JUILLET 2020

la griffe Off-White et ex-bras droit du rappeur Kanye West. Celui qui est aussi directeur artistique de la ligne homme Louis Vuitton a vu ses très ordinaires masques en coton siglés de deux flèches – logo de la marque – se vendre comme des petits pains au début de la crise sanitaire malgré un montant élevé (95 dollars, soit 80 euros). Des tarifs bien supérieurs à ceux des masques en tissu grand

public homologués (entre 2 et 3 euros). Certains y ont vu de l’opportunisme sur fond de crise sanitaire. Pourtant, le styliste commercialise ce genre de modèles depuis 2018. Aujourd’hui en rupture de stock et revendus sur des plateformes de bourse au prix exorbitant de 291 dollars, ils sont devenus collector. Le styliste malien Lamine Badian Kouyaté, créateur de la marque Xuly Bët, a de son côté fait son grand retour à la Fashion Week de New York en mars. Celui qui s’inspire de la rue et des sous-cultures – notamment musicales – depuis ses débuts, en 1990, a sauté sur l’occasion pour imaginer un masque de protection en lycra (20 euros) créé à partir des chutes de tissu de ses collections. On ne peut plus démocratique, le masque a dépassé les frontières du rap pour s’inviter dans le monde de la pop, en particulier nigériane. Les chefs de file du genre avaient eux aussi surfé sur la vague dès 2018. Dans son clip My Way, Mr. P joue au héros masqué, tandis qu’Olamide détourne la protection chirurgicale version masque africain dans Science Student. Même Wizkid, le petit prince de la naija pop, a cédé à la tendance en apparaissant tout masqué de strass lors du défilé Dolce & Gabbana homme printemps-été 2019, laissant ainsi préfigurer la mode de demain.

CORONAVIRUS: DES STARS À LA RESCOUSSE Certains rappeurs, comme Booba, ont mis leur savoir-faire au profit de la lutte contre le coronavirus. L’interprète de DKR a utilisé les stocks de tissu de la première collection de sa marque Disconnected pour confectionner et distribuer quelques masques à imprimés camouflage au personnel soignant français au cours du mois de mai. De son côté, le rappeur africain-américain Future a collaboré avec la maison de couture Atlanta Sewing Style pour fabriquer des masques chirurgicaux à destination des hôpitaux locaux via sa fondation FreeWishes. Cette campagne lancée au début de la pandémie a été baptisée « Mask On » en référence à son tube Mask Off. Une manière pour l’artiste de refermer la boucle. E.S.


GRANDFORMAT

LINTAO ZHANG/GETTY IMAGES

Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays

CAMEROUN État stationnaire

Entériné à l’issue du Dialogue national, le processus de décentralisation a abouti à l’organisation d’élections locales en février. Mais la pandémie de Covid-19 a gelé la mise en place des autres mesures, laissant l’opposition sur sa faim et compliquant un peu plus encore la situation économique. no3090 – JUILLET 2020

167



170 ENJEUX

ÉDITORIAL

Georges Dougueli

176 Interview

Il faut saisir la balle au bond

D

une crise l’autre, le Cameroun plie mais ne rompt pas. Avant que l’épidémie de coronavirus ne se dissémine sur son territoire, le pays subissait déjà de plein fouet une crise économique due à la baisse de ses recettes d’exportation. Il était également affaibli par la persistance des exactions de Boko Haram dans l’Extrême-Nord et par des troubles sociopolitiques dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. L’heure est à la lutte contre le virus tueur, mais, une fois celui-ci vaincu – à très brève échéance, espérons-le –, le Cameroun doit transformer ce péril (et les autres) en opportunités. Une réalité saute aux yeux : l’économie n’a pas été en capacité de tenir en apnée dans un confinement généralisé. Le gouvernement n’a d’ailleurs pas osé mettre en place cette mesure pourtant expérimentée dans les pays voisins. Même les restrictions adoptées, à l’instar du couvre-feu après 18 heures, ne sont restées en vigueur que trois semaines, en dépit de la progression des contaminations. Sans dispositif d’accompagnement, il fallait faire repartir l’économie pour ne pas risquer des troubles sociaux. Une leçon pour l’avenir : il est urgent de mettre en œuvre les innovations technologiques indispensables afin de dématérialiser les transactions et de mettre à jour le logiciel camerounais pour l’adapter aux besoins des entreprises du XXIe siècle. Il est tout aussi urgent de

Décentralisation en suspens

numériser les services publics pour limiter les contacts entre les usagers et les agents de l’État. Cette évolution aurait en plus l’avantage de contribuer à réduire le cancer de la corruption, ce qui devrait aider à améliorer l’attractivité du pays. Le confinement a également jeté une lumière crue sur les inégalités sociales. Les confinés des beaux quartiers en télétravail n’ont jamais paru aussi éloignés de ceux de la ville pauvre, ces journaliers obligés de sortir de chez eux pour pouvoir faire bouillir la marmite. Pourtant, tous vivent dans un pays qui prévoyait, avant le Covid-19, 4,1 % de croissance du PIB en 2020. Mais celle-ci est loin d’être partagée, car le modèle de redistribution de la richesse nationale est obsolète depuis des lustres. Là encore, l’État devrait y voir matière à réformer. Outre le Covid-19, le Cameroun a encore le temps de saisir l’opportunité de la crise anglophone pour mettre en place une vraie décentralisation. Tout comme il peut se saisir de la guerre contre Boko Haram pour rééquilibrer sa politique d’aménagement du territoire en redoublant d’efforts dans les régions septentrionales. Des mesures qui contribueront à créer davantage de richesses. Car l’un des enseignements de cette pandémie est que l’État est impuissant à protéger les Camerounais si ne s’affirme pas un secteur productif performant. Sans celui-ci, la résilience tant vantée n’est qu’un vain slogan.

David Abouem A Tchoyi Consultant du cabinet Agora Consulting

180 Opposition

Cabral Libii, un jeune loup aux dents longues

182 ÉCONOMIE Au régime sec

188 Agro-industrie

Emmanuel Néossi, nouveau roi de la fève

190 SOCIÉTÉ

CAN ça veut pas !

194 Musique

Le bilinguisme en haut des charts

198 Tribune

Crise d’identités Hemley Boum, romancière camerounaise

Suivez toute l’actualité du Cameroun sur www.jeuneafrique.com

no3090 – JUILLET 2020

169


GRAND FORMAT CAMEROUN

ENJEUX

Décentralisation en suspens Contrarié par la pandémie, le processus d’autonomisation régionale lancé par le président Paul Biya devra attendre une amélioration durable de la situation sanitaire pour reprendre son cours.

170

no3090 – JUILLET 2020

S MATHIEU OLIVIER

a parole est d’or, en cela qu’elle est particulièrement rare. Quand le président Paul Biya commence son discour s an nuel, en ce 31 décembre 2019, chaque Camerounais l’écoute, quasi religieusement. Il faut dire que l’ancien séminariste vient de traverser une bien mauvaise année. Le conflit dans les régions anglophones s’est aggravé, apportant son lot de victimes, de déplacés et de réfugiés. La crise politique née de la présidentielle contestée


d’octobre 2018 a divisé le pays entre partisans de Maurice Kamto et fidèles du chef de l’État, sans oublier les querelles entre Bamilékés (majoritairement de l’Ouest et considérés comme des soutiens de l’opposant) et Bulus (Camerounais du Sud vus comme des membres du « système Biya »). Enfin, autour du « patron », des clans se sont formés avec le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, la première dame, Chantal Biya, le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, et le directeur de cabinet civil, Samuel Mvondo Ayolo. Au terme de cette annus horribilis, le Sphinx d’Etoudi se sait donc attendu. En octobre 2019, il a demandé à son Premier ministre, Joseph Dion Ngute, d’organiser un

MABOUP

Grand Dialogue national afin de trouver une solution à la crise qui sévit dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Un message adressé à ses compatriotes mais aussi aux partenaires étrangers, notamment la France et les États-Unis, qui prennent plus ou moins ouvertement leurs distances. Dans son allocution, Paul Biya dresse le bilan de l’année écoulée. Il annonce « un Cameroun nouveau », « un Cameroun adapté au temps présent », « un Cameroun qui regarde vers l’avenir ». « Pour en arriver là, nous avons connu bien des épreuves. Comme par le passé, ensemble, nous les avons toutes surmontées. […] Le Grand Dialogue national nous a ouvert la voie pour avancer résolument sur le chemin de la paix, de l’unité nationale et du progrès, valeurs qui ont toujours fait la grandeur de notre pays », conclut le chef de l’État. Plusieurs lois viennent alors d’être adoptées par l’Assemblée nationale : le texte sur la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, le 10 décembre, et celui qui porte sur une décentralisation accrue, le

La séance de clôture du Grand Dialogue national, le 4 octobre 2019, à Yaoundé.

no3090 – JUILLET 2020

171


GRAND FORMAT CAMEROUN

ENJEUX

15 décembre, notamment en ce qui concerne le statut des élus locaux, le fonctionnement des assemblées locales et l’attribution de ressources financières aux régions. À ces lois s’ajoute un nouveau « statut spécial » pour le Nord-Ouest et le Sud-Ouest qui doit prendre en compte les spécificités des sous-systèmes éducatif et juridique anglophones. La mesure porte également la création d’une Assemblée régionale (composée d’une Chambre des représentants et d’une Chambre des chefs traditionnels) et d’un conseil exécutif régional. Ce régime, explique le gouvernement, permettra aux régions anglophones de participer à la formulation des politiques nationales relatives à l’éducation, au développement et aux problèmes des chefferies dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Une autonomie accrue, donc – qui n’est pas sans faire grincer des dents dans les régions du Nord, de l’Adamaoua et de l’Extrême-Nord –, tandis que le fédéralisme fait toujours figure de ligne rouge au palais présidentiel.

SI LES RÉGIONS ANGLOPHONES ONT OBTENU UNE AUTONOMIE ACCRUE, LE FÉDÉRALISME FAIT FIGURE DE LIGNE ROUGE À LA PRÉSIDENCE.

Soutien de Paris

172

no3090 – JUILLET 2020

Les cinq piliers de la décentralisation Fait

En cours

Loi adoptée mais application en cours

Suppression du poste de délégué gouvernemental et élection de « super-maires »

Création d’un ministère

Promotion du bilinguisme et du multiculturalisme Instauration d’un statut spécial pour le Nord-Ouest et le Sud-Ouest Création d’une assemblée et d’un conseil exécutif régionaux

SOURCE : JEUNE AFRIQUE

Autre innovation importante : la suppression du poste de délégué gouvernemental, désigné par l’État pour les quatorze plus grandes villes du pays, qui est désormais remplacé par un « super-maire » élu par le conseil municipal. Ce dernier devra toutefois être un « autochtone » de la région où sa ville se situe. « Il y a un risque de repli identitaire ethnico-tribal », affirme-t-on au sein de l’opposition, tandis que le pouvoir affirme vouloir favoriser une meilleure représentativité et satisfaire aux recommandations du Grand Dialogue national. Le 9 février, les électeurs de Yaoundé, Douala, Garoua, Maroua, Bafoussam, Limbe, Nkongsamba, Kumba, Edéa, Kribi, Ebolowa, Ngaoundéré, Bamenda et Bertoua ont élu, au suffrage indirect, leur super-maire. Il n’y aura toutefois eu aucun suspense. Le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), de Maurice Kamto, ayant boycotté les scrutins, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) a remporté 316 communes sur 360, ne laissant qu’une grande ville, Ngaoundéré, tomber dans l’escarcelle d’un de ses alliés, l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), du

ministre du Tourisme, Bello Bouba Maigari. « Avant, nous avions des délégués nommés par l’État. Maintenant, nous avons des maires ‘‘élus’’ par le RDPC, lui-même piloté depuis la présidence. Malheureusement, cela risque de ne rien changer », déplore un cadre de l’opposition. « De plus, les habitants des régions anglophones n’ont pas pu voter en raison de l’insécurité, ce qui les a une nouvelle fois exclus de la politique nationale », ajoute-t-il. « L’opposition a boycotté les élections législatives et municipales et, maintenant, elle va nous reprocher de tout contrôler. C’est un peu trop facile », rétorque un responsable du parti au pouvoir. « Nous sommes dans la phase de mise en œuvre des réformes de la décentralisation », rassurait un diplomate camerounais chargé de prêcher la bonne parole lors du dernier sommet de l’Union africaine, en février. Cette initiative semble efficace puisque AddisAbeba conserve sa confiance à Paul Biya, tout comme Paris. Malgré quelques impatiences, le président français, Emmanuel Macron, qui a encore échangé par téléphone le 1er mars avec son homologue camerounais, soutient en effet le processus de réformes. « Nous attendons depuis plusieurs mois mais rien n’est fait. Le gouvernement doit donner à ses citoyens anglophones des



GRAND FORMAT CAMEROUN

ENJEUX

motifs de croire en sa bonne foi », résume Éric Chinje, ancien journaliste qui a participé au Grand Dialogue national. Cela sera-t-il suffisant ? Maurice Kamto, sans désavouer le projet, estime que celui-ci arrive « trop tard ». D’autant que la pandémie de Covid-19 (plus de 6 500 cas confirmés au début de juin) est

encore venue doucher certains espoirs: pour la seconde année consécutive, la dotation budgétaire aux communes et aux régions, annoncée en mai par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, plafonne à environ 50 milliards de F CFA (plus de 76 millions d’euros), au grand dam du ministre de la Décentralisation et du Développement local, Georges Elanga Obam, qui espérait une enveloppe dixfois supérieure.

Le leader de l’opposition, à Paris, le 30 janvier.

LA STRATÉGIE MÉDIATIQUE DE KAMTO Ayant proclamé sa victoire à la présidentielle d’octobre 2018, Maurice Kamto s’appuie en particulier sur la communication pour occuper le terrain face à un président Paul Biya si avare d’apparitions médiatiques. Très soutenu par la diaspora en Europe et aux États-Unis, où il s’est rendu en tournée en début d’année, et entouré d’une équipe de communicants très active sur les réseaux sociaux, il reste le véritable chef de l’opposition, même si son parti, le MRC, et lui ont choisi de boycotter les dernières élections législatives et municipales, abandonnant les sièges de maires et de députés au RDPC (au pouvoir), à ses alliés et aux autres partis d’opposition. M.O.

174

no3090 – JUILLET 2020

STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

« Non-événement »

Les séparatistes, quant à eux, ont perçu le Grand Dialogue national comme un non-événement et restent attachés à leur lutte pour l’indépendance. « Le Palais joue la montre », déplore un diplomate de la capitale. « Paul Biya met en avant une réforme pour plus d’autonomie des régions. Mais il a déjà fait cette annonce en 1996 ! », rappelle notre source. Coincé entre les sceptiques et les optimistes, le Cameroun a ajouté une division de plus à son quotidien. Sur le plan économique, la croissance devait atteindre 4,1 % du PIB en 2020, selon Fitch Solutions Macro Research, d’autant que deux décaissements du Fonds monétaire international (FMI), de 76,2 millions de dollars (67,5 millions d’euros) en juillet 2019 puis de 76,1 millions de dollars en janvier 2020, avaient donné de l’air à l’économie. Mais la crise du Covid-19 est passée par là : elle pourrait coûter trois points de croissance au pays, dont l’activité pâtit toujours de l’impact de la crise anglophone et d’un climat des affaires dégradé – la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC), l’Office marocain de l’eau potable (Onep) ou encore le groupe Bolloré sont récemment entrés en conflit avec le gouvernement. « Il y a urgence à donner une réalité aux mesures issues du Grand Dialogue national », confie un cadre du RDPC. Le parti au pouvoir assurait d’ailleurs que le calendrier devait s’accélérer sitôt passé l’épisode électoral des législatives et des municipales de février. Il faudra désormais attendre que la situation sanitaire s’améliore durablement. « Nous avons renouvelé notre assemblée et des nouveaux maires ont été élus. C’est aussi à eux qu’incombe la mise en place de la décentralisation », ajoute notre source, qui précise que l’État a prévu d’y consacrer 15 % de son budget. Et un autre fidèle du président Biya de conclure : « Il faut faire confiance au peuple camerounais, qui saura choisir entre la violence et la barbarie des Ambazoniens, et la mesure et le professionnalisme du chef de l’État. »



GRAND FORMAT CAMEROUN

INTERVIEW

David Abouem À Tchoyi

Consultant du cabinet Agora Consulting

« Aucun dialogue ne peut réussir sans compromis ni renoncement »

L’ex-gouverneur des régions anglophones a animé la sous-commission sur la décentralisation lors du Grand Dialogue national. Neuf mois plus tard, il fait le point sur les engagements pris.

Jeune Afrique : Vous étiez l’un des vice-présidents de la sous-commission sur la décentralisation lors du Grand Dialogue national (GDN). Près de neuf mois plus tard, les promesses de changement sont-elles tenues ?

D av i d Ab o u e m À Tc h oy i : Certaines recommandations sont applicables à court terme, d’autres à moyen terme et à long terme, d’autres encore à très long terme. Il se trouve qu’à sa toute première session après le GDN – un mois plus tard à peine – le Parlement a adopté une loi portant code général des collectivités territoriales décentralisées. Nombre de recommandations du GDN ont été prises en compte. On peut citer : la reconnaissance d’un statut spécial aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’affectation d’au moins

176

no3090 – JUILLET 2020

À CE STADE, TOUT JUGEMENT DE VALEUR SUR LE STATUT SPÉCIAL REPOSERAIT SUR DES ÉLÉMENTS PARTIELS.

JA

C

ISS U PO UR

«

’est l’un des rares francophones à jouir d’un immense respect chez nous, les anglophones, surtout auprès des anciens qui l’ont vu à l’œuvre en tant que gouverneur des provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest », lâche un avocat installé à Douala. À 76 ans, celui qui a aussi été ministre et secrétaire général de la présidence (1984-1985) s’est reconverti depuis trois décennies dans le conseil. Pour Jeune Afrique, il commente le processus de décentralisation engagé à l’issue du Grand Dialogue national.

15 % des recettes de l’État à la dotation générale de la décentralisation, l’adoption du principe de l’élection du « maire de la ville » à la tête de la communauté urbaine en lieu et place du délégué du gouvernement nommé par le pouvoir central, la création d’une école spécialisée dans la formation des cadres administratifs et techniques au profit des collectivités décentralisées, l’affirmation de l’exclusivité de l’exercice par les collectivités des compétences qui lui sont transférées, l’adoption d’un statut pour les élus régionaux et locaux, etc. Nous pouvons donc affirmer que les promesses de changement sont progressivement tenues.

FE RN AN D KU

PROPOS RECUEILLIS PAR OMER MBADI, À YAOUNDÉ


COMMUNIQUÉ

« Groupe BGFIBank Partenaire de mes réussites » Entretien avec Abakal MAHAMAT, Directeur Général BGFIBank Cameroun

tout est mis en œuvre afin que le renforcement de la qualité de service et l’innovation soient des éléments clés de notre réussite.

Sept mois après votre nomination au poste de Directeur Général, comment se porte BGFIBank Cameroun ? BGFIBank Cameroun surfe actuellement sur une vague de croissance se traduisant par une nette amélioration de tous les indicateurs concourant à la détermination du produit net bancaire. Nous disposons de la confiance renouvelée de nos clients, et notre capital humain est motivé, rompu à la tâche et prêt à relever tous les défis. Les challenges sont nombreux mais tous les ingrédients sont réunis pour y faire face.

Quelles sont vos ambitions à court et moyen terme ? Ma vision est de faire intégrer à BGFIBank Cameroun le top 5 des banques au Cameroun à l’horizon 2022. Diverses enquêtes de satisfaction nous remontent des informations encourageantes sur notre réputation, et

Quelle est l’approche de BGFIBank Cameroun à la relation client ? Nos professionnels sont à l’écoute des clients pour leur apporter un conseil personnalisé et leur proposer des offres taillées sur mesure, sur des gammes variées d’épargne, de crédit, d’assurance, de banque à distance et de monétique. Nous disposons aussi d’un volet de banque privée spécialisé dans la valorisation et la diversification de patrimoine.

Sur le plan macroéconomique, quelle est votre implication dans les projets structurants ? Dès le début BGFIBank Cameroun s’est positionnée comme un acteur clé du financement de l’économie camerounaise dans des projets d’envergure tels que le plan d’urgence triennal, le refinancement de la SONARA, la construction des stades de la CAN etc. Notre engagement reste ferme à accompagner le gouvernement camerounais dans ses chantiers au service de l’émergence 2035.

Bénin - Cameroun - Congo - Côte d'Ivoire - France - Gabon - Guinée Equatoriale - Madagascar- République Démocratique du Congo Sâo Tomé et Principe - Sénégal

www.groupebgfibank.com

JAMG - Photos : D.R.

Inaugurée en mars 2011, BGFIBank Cameroun s’est peu à peu imposée comme un acteur significatif du secteur bancaire camerounais. En effet, la filiale du Groupe BGFIBank applique à la perfection la politique qualité instituée par la maison mère et orientée vers la satisfaction des clients et l’amélioration continue des performances.

2020 a été placée sous le signe de la transformation et de la performance. Nous nous focaliserons sur une approche optimisée des risques et des coûts, une extension de notre maillage territorial, une gestion renforcée de nos talents et le développement d’offres innovantes pour chaque segment de notre clientèle.


GRAND FORMAT CAMEROUN

INTERVIEW

Faudra-t-il aller plus loin dans le transfert de compétences aux collectivités décentralisées en permettant, par exemple, aux grandes villes de s’endetter directement pour accélérer leur aménagement ?

Toutes les communes, et singulièrement les grandes villes, ont déjà la possibilité de recourir à l’emprunt pour compléter le produit de la fiscalité et les dotations de l’État. Elles peuvent aussi s’engager dans différents partenariats (public-public, public-privé, avec des organisations de la société civile ou des organismes de pays étrangers). Les outils juridiques nécessaires à l’accélération de leur aménagement sont donc en place. Bien évidemment, on pourrait en améliorer le rendement ou en imaginer d’autres. Les maires et les présidents de région bénéficient-ils d’une vraie marge de manœuvre vis-à-vis des préfets et des gouverneurs ?

Leur marge de manœuvre est grande. La plupart des actes qu’ils prennent sont exécutoires de plein droit, après transmission aux représentants de l’État. Ils peuvent même saisir le juge administratif en cas de désaccord avec le préfet ou le gouverneur. Les domaines dans lesquels l’approbation préalable de l’administration est requise sont énumérés: par exemple le budget, les emprunts, les affaires domaniales, le recrutement du personnel, les conventions de coopération internationales, les plans communaux et régionaux de développement ou d’aménagement du territoire. Le rôle du représentant de l’État consiste surtout à assurer le contrôle de légalité en vue du fonctionnement régulier et du développement harmonieux des collectivités. Cette marge de manœuvre ne pourrait être réduite que par des dysfonctionnements condamnables ou par des pratiques anormales. Les régions anglophones bénéficient en principe d’un statut spécial. Cela répond-il aux aspirations de la majorité de leur population ?

178

no3090 – JUILLET 2020

L’adoption d’un statut spécial pour le Nord-Ouest et le Sud-Ouest a été saluée par la grande majorité des populations de ces deux régions comme une reconnaissance de leurs spécificités. Le code général en a dessiné les premiers contours, notamment en ce qui concerne leur organisation, leur fonctionnement et les compétences supplémentaires qui leur sont conférées. Ce sont là des avancées réelles. Des textes particuliers viendront préciser le contenu des spécificités et des particularités

s’entendre pour apporter des solutions à leurs problèmes. Les Camerounais francophones regardent-ils toujours cette crise anglophone « de haut », comme vous le constatiez il y a trois ans ?

Le Cameroun sous tutelle française (Cameroun oriental) a accédé à l’indépendance près de deux ans avant le Cameroun sous tutelle britannique (Cameroun occidental). Il a, de surcroît, une superficie et une population plus importantes. Si, pour tous les Camerounais, la réunification du 1er octobre 1961 s’analyse comme des retrouvailles fraternelles, la primogéniture du Cameroun oriental à la souveraineté internationale a laissé dans le subconscient de certains que le Cameroun occidental était « venu les rejoindre ». D’où certains réflexes ou attitudes pouvant ressembler aux comportements d’un grand frère à l’égard d’un petit frère. C’est contre cette propension inconsciente que je mettais en garde. Aujourd’hui, tout le monde a une claire conscience de ce problème.

LA LOGIQUE VOUDRAIT QUE CEUX QUI SOULÈVENT DES PROBLÈMES PARTICIPENT À LA RECHERCHE DES SOLUTIONS. du système judiciaire et du système éducatif. On peut donc penser que ces textes iront plus loin que le code général actuel. En conséquence, à ce stade, tout jugement de valeur sur le statut spécial reposerait sur des éléments partiels. Pour trouver une solution à la crise anglophone, le gouvernement peut-il faire l’économie d’un dialogue qui implique les leaders séparatistes ?

La logique voudrait que ceux qui soulèvent des problèmes participent à la recherche des solutions à y apporter, dans un esprit de compromis. Le président Paul Biya a déclaré qu’aucune question n’était taboue. Le Premier ministre a renchéri en affirmant qu’on peut discuter de tout, « sauf de séparation ou de sécession ». Il faut donc une dose suffisante de bonne volonté, d’ouverture, de réalisme et un esprit de compromis. La propension à l’extrémisme ou au jusqu’au-boutisme n’est pas la voie de la sagesse, car aucun dialogue ne peut réussir sans compromis ni renoncement. Je demeure convaincu que les Camerounais peuvent se parler, s’écouter, se pardonner, se réconcilier,

Des leaders anglophones tels que John Fru Ndi et Akere Muna, rejoints en cela par Maurice Kamto, continuent de militer pour le fédéralisme. Cette option est-elle pertinente pour le Cameroun ?

Le Cameroun a vécu dans un système fédéral pendant plus de dix ans. C’est pour des raisons économiques que, depuis 1972, il est devenu un État unitaire, avant d’être transformé en État unitaire décentralisé. La bonne démarche ne consisterait-elle pas à présenter, sur tous les plans, les points forts et les points faibles de chacun ? C’est à cet effort que devraient s’astreindre les experts, pour en déduire l’option qui comporterait le plus d’avantages et le moins d’inconvénients. C’est sur cette base et sur celle des expériences étrangères que le peuple souverain se déterminerait en toute connaissance de cause.



GRAND FORMAT CAMEROUN

OPPOSITION

Cabral Libii, un jeune loup aux dents longues

Grâce à une campagne particulièrement habile, l’ex-leader estudiantin s’est fait élire député en février, confirmant sa percée lors de l’élection présidentielle de 2018.

L

sur l’ensemble du territoire national. « Nous avions des candidats, entre autres à Kai-Kai, dans le septentrion ; à Kribi, dans le Sud ; à Galim, dans l’Ouest; dans le Centre et dans l’Est », se satisfait-il. Pour sa propre candidature, il a opté pour son département d’origine, le Nyong Ekelle, fief de l’Union des populations du Cameroun (UPC). Créé en 1947 par Ruben Um Nyobe, ce parti, qui s’est engagé en 1953 dans la lutte armée pour l’indépendance, conserve localement une forte audience. Le leader du

FRANCK FOUTÉ, À YAOUNDÉ

180

no3090 – JUILLET 2020

Faire entendre sa voix

FERNAND KUISSU POUR JA

ors de l’élection présidentielle d’octobre 2018, Cabral Libii, 40 ans, rêvait d’être le « Macron camerounais ». C’est finalement à l’occasion des législatives de février, couplées aux élections locales, que le leader du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN) a recueilli les fruits de sa popularité naissante. Dans un paysage politique où la gérontocratie est la règle, l’entrée de l’ancien activiste estudiantin à l’Assemblée nationale représente une vraie gageure. En dépit d’une surprenante troisième place en 2018, lors du scrutin qui a vu Paul Biya décrocher un huitième mandat, de nombreux observateurs prédisaient son échec. L’un des premiers défis à relever pour Cabral Libii fut de se doter d’un appareil politique à même de porter sa candidature. Prosper Nkou Mvondo – le président du parti Univers, qui l’avait investi à la présidentielle – ayant refusé de l’installer à la vice-présidence de son mouvement, Cabral Libii a décidé de lancer sa propre formation politique. En février 2019, il a annoncé la création du parti Les Citoyens, déclinaison du mouvement 11 Millions de citoyens, qu’il avait créé un an auparavant. Mais face à la lenteur dont a fait preuve l’administration pour enregistrer sa formation, Cabral Libii a rapidement changé son fusil d’épaule et opté pour un rapprochement avec le PCRN, un petit parti qui n’avait jamais réussi jusque-là à exister sur la scène nationale. Le 11 mai 2019, il en a pris la présidence au cours d’une convention express. Cette étape passée, Cabral Libii a choisi d’implanter le PCRN

PCRN a alors bénéficié d’un coup de pouce inattendu lorsque Elecam, l’organe chargé des élections, a disqualifié les différents candidats se réclamant de l’UPC. La raison : un même mouvement ne peut, selon la loi électorale, présenter plusieurs listes dans la même circonscription. Opportuniste, Cabral Libii en a alors profité pour surfer sur la popularité toujours forte de Ruben Um Nyobe, mort pourtant depuis près de soixante-deux ans. « Nous avons le droit de revendiquer son héritage, car c’est un patrimoine national », justifie-t-il.

IL RESTE RÉALISTE SUR SA CAPACITÉ À FAIRE BOUGER LES LIGNES, COMPTE TENU DU POIDS DU RDPC À L’ASSEMBLÉE.

Malgré les critiques de l’UPC, la formule porte ses fruits. En février, Cabral Libii est élu, tandis que le PCRN remporte quatre autres sièges de député. Ce qui fait de ce parti la deuxième force d’opposition à l’Assemblée nationale, ex aequo avec le Front social démocrate (SDF, cinq députés), en l’absence du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), de Maurice Kamto. Le PCRN décroche aussi 206 conseillers municipaux à travers le pays. Au Parlement, Cabral Libii reste réaliste sur sa capacité à faire bouger les lignes, compte tenu du poids du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), avec ses 152 élus sur 180. Mais il compte bien faire entendre sa voix sur des sujets comme la révision du code électoral, la crise anglophone et la décentralisation. « Nous allons travailler autant que nous le pourrons pour montrer à ceux qui nous ont mandatés qu’ils ont fait le bon choix. Et si cela ne suffit pas, ils sauront qu’il faudra nous donner plus de pouvoir dans cinq ans », veut croire Cabral Libii.


COMMUNIQUÉ

Innover en permanence pour assurer une meilleure expérience client

Depuis 2017, Ecobank Cameroun s’est inscrite dans une vaste campagne de digitalisation et continue d’améliorer son offre digitale. Notre application Mobile Version 4.0 offre un écosystème plus robuste et plus intuitif pour répondre aux besoins grandissants et aux comportements changeants de notre clientèle.

ENTRETIEN AVEC madame Gwendoline ABUNAW, Administrateur Directeur Général de Ecobank Cameroun

Cette version de notre application Mobile apporte les changements suivants : 1. Transfert de compte à compte à travers des numéros de téléphones et les adresses emails des clients bénéficiaires « finies les frustrations liées à l’oubli du numéro de compte ». 2. La création d’une carte virtuelle en temps réel, pour mitiger les risques liés à l’exposition des cordonnées de nos cartes principales en ligne. Ceci sert aussi bien pour l’utilisation à titre individuel que pour offrir à ses proches un moyen de paiement. 3. La possibilité de partager les moyens de paiements d’une facture par voie électronique avec l’option de partage des factures (« split payment »). 4. La fonction “request funds» pour les appels de fonds chez ses proches. 5. L’approvisionnement des cartes prépayées en ligne.

Les clients entreprise sont-ils également pris en compte ? Oui, la migration de notre système bancaire apporte davantage de flexibilité dans la gestion de tous nos clients. Pour nos clients Entreprises et PME, nous avons mis à jour OmniPlus et développé Ecobank OmniLite, une plateforme de paiement accessible en ligne et sur le téléphone portable. Ces outils permettent une gestion efficace des cycles de trésorerie des clients entreprises et facilitent la communication efficace des clients avec Ecobank.

Comment Ecobank Cameroun a-t-elle contribué en 2019 à la croissance des investissements et de l’économie du Cameroun en général ? Ecobank Cameroun est agréée en tant que Spécialiste en Valeurs de Trésor. Nous sommes donc les intermédiaires agréés pour l’achat des titres publics du Trésor, émis sur le marché monétaire. Nous avons bien mené notre responsabilité d’animer le marché des titres au Cameroun avec des propositions de produits d’investissements variés. Nous étions donc au premier plan des projets d’investissements et de levée des fonds de l’État. La formidable contribution d’Ecobank Cameroun a conduit le ministre des Finances à lui décerner le prix de meilleure banque et de banque la plus active sur le marché des valeurs mobilières du Cameroun pour l’année 2019.

6. Enfin, la possibilité de partager son expérience client en ligne ou d’inviter de nouveaux utilisateurs par recommandation électronique.

En plus de cette distinction nationale, vous avez également reçu à l’international un autre prix et pas des moindres.

Ces nouvelles fonctionnalités ont pour but d’élargir notre champ d’action stratégique, de favoriser l’inclusion financière en facilitant l’accès aux services financiers et d’offrir une flexibilité et une meilleure qualité de services.

Notre transformation digitale ainsi que notre stratégie d’inclusion financière ont été reconnues à l’échelle mondiale. En effet, nous avons été désignés et avons reçu le prestigieux prix de la meilleure banque de l’année 2019 à Londres par The Banker (Financial Times).

JAMG - PHOTOS : D.R.

Pouvez-vous nous présenter la toute récente mise à jour de l’application Ecobank Mobile 4.0 ?


GRAND FORMAT CAMEROUN

ÉCONOMIE

Au régime sec

Dans l’attente de la mise en œuvre du dernier programme avec le FMI et de la nouvelle stratégie de développement, tous deux différés par la crise du Covid-19, l’État n’a eu d’autre choix que d’entamer une cure d’austérité drastique.


L

JULIEN CLÉMENÇOT ET OMER MBADI, À DOUALA e texte donne la mesure de l’impact de la pandémie de Covid19. Le 3 juin, le président Paul Biya a pris une ordonnance modifiant le budget de 2020. La nouvelle enveloppe s’élève à 4 409 milliards de F CFA (6,7 milliards d’euros), en recul de 542 milliards de F CFA par rapport aux 4951 milliards actés en décembre 2019. Ce budget initial avait pourtant déjà été sous-évalué, accusant une baisse de plus de 260 milliards de F CFA par rapport à celui de 2019, dans l’attente de l’intégration de nouveaux appuis budgétaires à la suite de la signature annoncée d’un deuxième programme consécutif avec le Fonds monétaire international (FMI). Las! La pandémie a rebattu les cartes. Le rendez-vous avec le FMI devra attendre. Entretemps, le pays a reçu 135 milliards de F CFA de l’institution de Bretton Woods pour faire face à la crise. Il programme une somme de 180 milliards de F CFA pour lutter contre le Covid-19 et ses effets socio-économiques.

DEAGOSTINI/GETTY IMAGES

Vents contraires

Ce climat d’incertitude repousse également à un horizon inconnu la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement 20202030, qui n’a toujours pas été publiée. Ce document doit synthétiser les prochains axes de développement qui permettront au pays d’atteindre l’émergence en 2035 et, surtout, de rattraper le retard accusé par les contre-performances du précédent plan, le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE). Ce programme doit également enclencher un nouveau régime de croissance après le quasi-achèvement des infrastructures de première génération. « Il y a encore trois, quatre ans, les grands travaux de barrages, la construction des stades prévus pour la CAN tiraient la croissance. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. On attend un nouveau cap de la part du gouvernement », espère Vincent Kouete, directeur du département économie du Groupement

Vue aérienne du port de Douala, sur le fleuve Wouri.

inter-patronal du Cameroun (Gicam). D’autant que cette politique a fait grimper l’endettement du pays en quelques années (plus de 40 % du PIB). « Le plus inquiétant n’est pas le volume global de la dette, mais la capacité du pays à rembourser le service de la dette. Le Cameroun connaît de ce point de vue un risque élevé », confirme le représentant local du FMI, Fabien Nsengiyumva. Depuis 2015 et la chute brutale du prix du baril, le pays affronte effectivement des vents contraires. Et la pandémie de Covid-19 ne peut qu’aggraver la situation. « Non seulement les prix du pétrole et des matières premières (cacao, bois…) chutent, mais les volumes exportés vont aussi baisser. Sans compter le ralentissement de secteurs comme l’hôtellerie. Enfin, on s’attend à des ruptures de stock de produits finis et semi-finis en provenance de Chine », détaille Fabien Nsengiyumva. Initialement annoncée à 4,1 % pour 2020, la croissance (– 1,2 %, selon les dernières estimations du FMI) plongera le pays dans la récession et ne permettra pas d’améliorer la vie des populations. Sa performance est bien sûr limitée par les effets des crises sécuritaires : dans le nord du pays en raison de la présence de Boko Haram et, surtout, dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, deux régions secouées par des affrontements sanglants entre les séparatistes ambazoniens et l’armée régulière. Dans ces zones, les Camerounais sont en plus pénalisés par des taux d’inflation bien supérieurs à la limite de 3 %, critère de convergence imposé aux pays de la Cemac.

Audit des sociétés publiques

Si l’État a pu tenir ses engagements au cours des dernières années (remboursement de sa dette, paiement des fonctionnaires, renflouement des réserves de devises), il le doit en partie à l’appui de ses partenaires extérieurs. À la fin de janvier, le FMI a validé un nouveau décaissement d’environ 76,1 millions de dollars (près de 44 milliards de F CFA), portant à 590 millions de dollars le total injecté par l’institution depuis la signature d’un accord triennal en 2017. « L’appui du FMI a été une

no3090 – JUILLET 2020

183


Chambres - Suites - Appartements - Restaurant/Bar - Salles de banquet Salle de fitness - Piscine - Hammam - Massage Bonapriso Avenue Njo-Njo BP: 5300 Douala Cameroun TĂŠl :+(237) 233 43 99 12 / 656 00 64 44 E-mail: reservations@lafalaisebonapriso.com www.lafalaisebonapriso.com


GRAND FORMAT CAMEROUN

ÉCONOMIE

DES EMPRUNTS NON CONCESSIONNELS PLUS RARES

Dette totale

Sous l’impulsion du FMI, le Cameroun a limité le recours de prêts à des taux non concessionnels (nouveaux emprunts publics, comparaison 2017-2020, milliards de F CFA) Emprunts non concessionnels concessionnels

1 115,8 435,6

350

2017

(3,5 % du PIB)

293,3

300 2020

ENDETTEMENT PUBLIC EN FORTE AUGMENTATION Avant la crise du Covid, la dette extérieure représentait 29 % et la dette domestique, 12,5 % du PIB.

Pression du fisc

Cette nouvelle approche budgétaire s’est naturellement traduite par une plus forte pression sur les entreprises du secteur formel. « Plus de 400 contrôles fiscaux ont été déclenchés sur les deux premiers mois de l’année », peste le patron d’un groupe local. Brasseurs, planteurs, cimentiers, forestiers ont accusé le coup, mais doivent également une fière chandelle à l’actuelle pandémie, qui, en provoquant des reports de charges, leur permet de respirer. Au-delà des ajustements du régime général, l’État cherche à supprimer les régimes dérogatoires. La méthode déplaît fortement aux investisseurs habitués à obtenir de longues périodes d’exonération. À la fin de 2019, les autorités reconnaissaient paradoxalement une baisse des recettes fiscales (– 2,2 %) sur les neuf premiers mois de l’année, baisse liée aux difficultés conjoncturelles des opérateurs économiques. « L’incendie de la Sonara, à la fin de mai 2019, a aussi privé l’État d’un gros contributeur », précise Fabien Nsengiyumva. Reste que le redressement des comptes publics ne suffira pas pour provoquer le choc de compétitivité attendu, estime le Gicam. « Le pays a besoin d’une réforme foncière afin de développer son agriculture. Actuellement, il valorise seulement 20 % de ses terres arables. Il faut aussi augmenter la production d’énergie et régler les problèmes de pertes sur le réseau de transport d’électricité », avance Vincent Kouete. C’est à ce prix que le pays pourra redonner du souffle à son secteur industriel, dont la contribution à la richesse nationale (25,68 % du PIB) a baissé de 13 % entre 2008 et 2018. Adopté il y a deux ans, son plan directeur d’industrialisation tarde à tenir ses promesses.

795

milliards de F CFA

41,5 %

39,5 % 37,7 %

*du PIB

33,3 %* Déc. 2016

Déc. 2017

Déc. 2018

Sept. 2019

216,4

LES PRÊTEURS AU SOUTIEN DU GOUVERNEMENT Sur la période 2017-2020, les partenaires du pays auront apporté 1 226 milliards de F CFA au gouvernement pour lui permettre d’équilibrer son budget (en milliards de F CFA).

BAD

FMI

282

387

151,7 Banque mondiale 285 France

UE*

197

74

*Union européenne

SONARA : UNE DETTE ABYSSALE (en milliards de F CFA)

84,1

À l’arrêt depuis la destruction de ses installations en mai 2019, la société nationale de raffinage fait peser un risque important sur le secteur bancaire.

Dettes

banques locales préfinancement

fournisseurs dettes fiscales

49,5 autres

SOURCES : FMI, AUTORITÉS CAMEROUNAISES

bouffée d’oxygène pour le pays », reconnaît Vincent Kouete. En retour, le Cameroun s’est engagé à limiter ses dépenses, à augmenter ses recettes fiscales, à payer ses arriérés et à limiter le recours aux prêts non concessionnels. L’institution internationale a d’ailleurs félicité Yaoundé pour sa discipline. En début d’année, le gouvernement a annoncé le déblocage de 100 milliards de F CFA pour régler une partie de sa dette intérieure. Les évaluations se poursuivent pour chiffrer le montant des arriérés que l’État devra prendre en charge. Pour disposer d’une vision exhaustive de ses engagements, celui-ci doit lancer des audits des principales entreprises publiques: Camtel, Camwater, Camair-Co et le Port autonome de Douala.

no3090 – JUILLET 2020

185


PRENONS LA ROUTE ENSEMBLE

Une Nouvelle Identité pour un acteur majeur du secteur énergétique

OLA Energy Cameroon SA, avec AG,

anciennement dénommée Libya Oil Cameroon, a fait sa mue le 29 novembre 2018 pour se présenter sous la nouvelle marque OLA Energy. Notre entreprise vise ainsi à renforcer la proximité avec une clientèle informée et exigeante à la fois, tout en restant pionnière et novatrice dans la manière de la satisfaire. Notre nouveau logo symbolise une représentation de l’Afrique, ce continent qui façonne notre identité. Nous sommes aussi le 1 er groupe énergétique d’origine 100 % africaine en charge de la commercialisation des carburants et des lubrifiants de haute qualité. Nos couleurs accompagnent et matérialisent nos ambitions. Le bleu reflète la technologie, l’excellence et la qualité ; l’orange traduit l’énergie et la vitalité ; quant à la couleur blanche, elle représente les routes que nous empruntons pour mener nos clients vers l’excellence. Acteur historique du secteur énergétique depuis 1952, la commercialisation de carburants, lubrifiants, produits spéciaux et gaz domestique est l’activité principale d’OLA Energy Cameroon SA. Sous la houlette de OLA Energy Holdings Ltd., OLA Energy Cameroon SA a mis en place SHEMS (Safety, Health & Environment Management System), un système dédié à la gestion des opérations par la mise en place de politiques rigoureuses en matière de sécurité, de sûreté, de santé et de protection de l’environnement. SHEMS fait de nous l’une des meilleures entreprises citoyennes du secteur et est reconnu par l’institut Lloyds comme l’équivalent ISO 14001. Cérémonie de lancement de la nouvelle identité visuelle OLA Energy et des carburants O’ptimium en présence de SE le Ministre de l’Eau et de l’énergie, SE le Ministre des Mines de l’Industrie et du développement technologique, SE le Ministre Secrétaire Général Adjoint à la Présidence de la République, Mr le Président du Conseil d’Administration de la SCDP (Société Camerounaise des dépôts pétroliers) et le Regional Business Officer de OLA Energy Group. ƒ

€ Cyrine DRAIF, Administrateur Général de OLA Energy Cameroon. Le succès d’OLA Energy Cameroon SA n’aurait pu se réaliser sans une très forte intégration locale et une volonté de présence sur le long terme. Tout au long de son histoire, l’entreprise a accompagné le développement du pays en véritable partenaire du progrès. En effet, OLA Energy Cameroon a créé sur ses points de vente, des espaces verts et a planté des arbres à forte capacité d’absorption des composés organiques volatiles (COV). De plus, OLA Energy Cameroon SA a contribué lors de Journée Internationale de la Femme par une action d’émancipation de la femme Camerounaise à travers une formation sur le contrôle des niveaux liquides des véhicules et à la vérification des pneus pour une conduite en parfaite sécurité.

Notre vision Notre vision est de devenir l’acteur incontournable de la commercialisation des carburants et des lubrifiants d’excellente qualité au Cameroun, tout en redessinant, comme l’entrevoit notre groupe, le secteur de l’énergie et en valorisant l’auto-prospérité du continent.

Une offre aussi complète que diversifiée Notre offre de produits et services ne cesse de s’élargir pour répondre à l’essentiel des besoins de nos clients tout en nous adaptant aux évolutions du marché par des innovations régulières. Nos stations-services sont pensées d’abord comme des lieux de vie. Elles sont dotées d’une offre complète de produits et de services axés essentiellement sur la satisfaction de notre clientèle. Nos gammes d’huiles moteur Accel et DeoMAX nous permettent d’offrir des solutions et services de lubrification adaptés à tous les segments du marché. Nos


COMMUNIQUÉ

Le mot de l’Administrateur Général

•Le 8 mars 2020 : contribution à l’émancipation de la femme camerounaise à travers une formation à l’entretien automobile pour une conduite en parfaite sécurité.. lubrifiants et services après-vente associés couvrent les besoins des particuliers, l’agriculture, le BTP, les mines, les transports et flottes commerciales, les industries, la marine et l’aviation Nos laboratoires fixes et mobiles sont à la pointe de la technologie. Ils permettent un accompagnement technique dédié et sur-mesure que nous sommes seuls à offrir exclusivement à nos clients.

Pour nous au Cameroun, la croissance, c’est avant tout savoir écouter les besoins de nos clients et leur proposer des offres en ligne avec leurs préoccupations. En effet, face à des clients mieux informés et de plus en plus exigeants, OLA Energy Cameroon SA place la satisfaction client au cœur de sa stratégie, tant au niveau du déploiement de la nouvelle enseigne mais aussi de l’offre de nouveaux produits et services. Il est indéniable aujourd’hui que nos priorités sont connues et définies car concentrées sur la diversité de notre offre et la qualité de nos produits. À l’instar de la mise sur le marché des carburants additivés Optimium, nous avons également introduit le nouveau concept O’Lab. Ce laboratoire mobile d’analyse de qualité des carburants et lubrifiants sillonnera nos stations ainsi que les sites clients B2B sur tout

O’card est notre offre carte qui est disponible à travers l’intégralité de notre réseau de stations-service. O’card est la solution par excellence pour contrôler et maitriser les budgets carburants, tant pour les professionnels et flottes commerciales que pour les automobilistes particuliers. S’agissant de l’offre carburants, nous avons récemment lancé O’ptimium Super et Diesel. Ce sont des carburants additivés dont les capacités de nettoyage permettent aux moteurs non seulement de garder leurs circuits de combustions propres, mais aussi de rester en meilleur état plus longtemps. Ainsi, nos clients peuvent garder un moteur plus propre pour une longévité accrue. La vision et le changement insufflés par notre nouvelle identité visuelle riment également avec croissance et développement. Nous les avons bâtis autour d’un important programme d’investissement soutenu par lequel nous poursuivons notre politique d’expansion réseau et de développement accentué de nos activités B2B à travers toutes les régions du pays.

• O’Lab : lancement du laboratoire mobile, innovation exclusive d’OLA Energy Cameroon SA.

le territoire du Cameroun. Des audits énergétiques sont également prévus pour nos clients B2B afin de réduire leurs OPEX et de leur permettre de réaliser des gains sur leurs consommations énergétiques. D’autres innovations sont à venir… et nous travaillons ardemment à d’anticiper les besoins de nos clients et à assurer l’excellence en matière de sécurité et de respect de l’environnement, mais aussi de performance et de qualité des produits et des services que nous offrons. Grâce à nos talents et compétences 100 % camerounais, nous comptons bien réaliser notre ambition !

•Station OLA Energy NJO- NJO.

OLA ENERGY CAMEROON S.A.

en bref

La Société Camerounaise équatoriale de Fabrication des Lubrifiants.

OLA ENERGY CAMEROON S.A. SIÈGE SOCIAL 144, rue Joffre Akwa - B.P 4058 - Douala Tél. : + 237 233 43 51 00 / 237 677 09 12 19 / 691 85 25 46 E-mails : cmr.sales.marketing@oilibya.com info.cameroun@olaenergy.com (version française) info.cameroon@olaenergy.com (version anglaise) 6 autres bureaux et sites dans les principales villes du pays : Yaoundé, Douala, Bafoussam, Garoua, Bertoua.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.

• 77 stations-services dans les 10 régions • 2 dépôts aviation en JV • 1 usine de fabrication de lubrifiants en JV


GRAND FORMAT CAMEROUN

AGRO-INDUSTRIE

Emmanuel Néossi, nouveau roi de la fève

Déjà producteur et exportateur de cacao, ce self-made-man a fait irruption il y a un an dans le secteur de la transformation. Et nourrit plus que jamais des ambitions continentales.

ocalité banale à près de 200 km au nord-ouest de Douala, bordée par la rivière Nkam, qui donne son nom au département situé dans la région de l’Ouest, Kekem a connu son heure de gloire le 26 avril 2019. Ce jour-là, le Premier ministre Joseph Dion Ngute fait le déplacement pour inaugurer une usine de transformation de fèves de cacao de 32 000 tonnes. « La plus moderne du monde », s’avance son promoteur, Emmanuel Néossi, patron de Neo Industry, en vantant la technologie du groupe suisse Bühler, spécialiste de l’industrie mécanique. Grâce à un investissement de 54 milliards de F CFA (plus de 82 millions d’euros), le natif de Kekem a été propulsé sur le devant de la scène économique nationale. « Nous avons réussi à bousculer le monopole dans la transformation du cacao au Cameroun », se réjouit-il. Unique acteur sur ce créneau depuis près de six décennies, SIC Cacaos (filiale du groupe Barry Callebaut) a depuis réagi à cette nouvelle concurrence en augmentant ses capacités de traitement. D’autant que l’Ivoirien Bernard Koné

EN SIGNE DE GRATITUDE, LE SOUVERAIN DU PAYS BAMILÉKÉ LUI OCTROIE LE TITRE DE « MFEUDA », C’EST-À-DIRE DE « LEADER DE LA JEUNESSE ». 188

no3090 – JUILLET 2020

Dossongui s’apprête à lancer sa propre usine de transformation de 48 000 t dans la zone portuaire de Kribi.

Frénésie de projets

À 46 ans, Emmanuel Néossi, père de huit enfants, peut mesurer le chemin parcouru depuis 1993, lorsqu’il met un terme à sa formation en comptabilité au lycée technique de Kekem pour se lancer dans la cacaoculture. Il acquiert une parcelle et bénéficie quelques mois plus tard du coup de pouce de sa mère pour porter la superficie de sa plantation à 50 hectares. Une décennie s’écoule avant qu’il se lance dans l’achat et la revente de l’or brun aux exportateurs. L’américain ADM, tombé en 2015 dans le giron du singapourien Olam, lui offre en 2012 sa première opportunité à l’international. Pour gérer cette nouvelle activité, l’entrepreneur crée d’abord la société Producam, puis élargit progressivement son périmètre d’intervention. Il est aujourd’hui également présent dans l’immobilier (SCI Neo & Co.), le transit (All Logistics Transport) et la distribution alimentaire (Neo Food Distribution). Avec les succès vient la reconnaissance du pays bamiléké. Son souverain lui octroie le titre de mfeuda, c’est-à-dire de « leader de la jeunesse ». Ce self-made-man, qui se définit aussi comme un « grand membre du RDPC », le parti au pouvoir, vient par ailleurs de lancer la réhabilitation d’un marché (Neo Congo Mall), en partenariat avec la mairie de Douala, pour près de 28 milliards de F CFA. Pour autant, la transformation (Neo Industry) et l’exportation de la fève – Producam a réalisé un chiffre

MABOUP

L

OMER MBADI, À DOUALA

d’affaires de 260 millions d’euros en 2018, se classant troisième exportateur de cacao du pays derrière Telcar Cocoa de Kate Fotso et Olam – restent le cœur de l’activité de son groupe, dont le holding Neo Group est en cours de constitution. En attendant le doublement des capacités de l’usine de Kekem, Emmanuel Néossi s’est associé avec le groupe français CIOA (immobilier et conseil) pour créer Neo Real Estate, une coentreprise dans laquelle il détient 51 % des parts, afin de prendre pied dans le logement social et la construction routière. « Nous allons débuter par un projet pilote de 100 logements à Kekem, qui va ensuite être porté à 360 unités pour loger des ouvriers. L’objectif à long terme est de construire 25 000 logements dans les dix régions du pays grâce au savoirfaire de notre partenaire », détaille Serge Noutcha, le directeur du développement du groupe. Cette frénésie de projets préfigure l’ambition continentale d’Emmanuel Néossi, qui se rêve déjà en géant africain capable de tenir la dragée haute à Olam ou à Barry Callebaut.


COMMUNIQUÉ

AVIS D’EXPERT

Group Magil Construction 1655,rue de Beauharnois Ouest H4N1 Montréal, Québec Canada Email : international@magil.com

www.magil.com

Le Cameroun est une excellente plateforme pour développer notre activité en Afrique Pouvez-vous vous présenter ? La société Magil Construction a été créée en 1948 par Louis B. Magil et a démarré son activité dans la construction de maisons unifamiliales. Au fil des années, son activité a été élargie aux bâtiments non résidentiels et aux travaux publics. En 2009, la société a été rachetée par le groupe français Fayolle. Pour quelles raisons vous êtes-vous intéressés à l’Afrique ? Il y a cinq ans, la société a décidé de travailler à nouveau à l’international. En 2017, nous avons remporté un contrat significatif : la modernisation et l’agrandissement du Stade de la

ration commerciale canadienne) et le ministère des Sports. Nous avons été en charge de la réalisation du projet, en partenariat avec des fournisseurs et des sous-traitants notamment camerounais. Le Stade a été réalisé en respectant

Ing. Chef de la Direction Group Magil Construction

le délai prévu et il n’y a pas eu de dépassement de coûts. Suite à ce premier contrat, les autorités camerounaises nous ont confié en 2019 l’achèvement de deux autres projets : le Complexe sportif d’Olembé, près de Yaoundé ; et la pénétrante Est de Douala (9,8 km) ainsi qu’un second pont sur le fleuve Dibamba.

Nous sommes très satisfaits de la qualité et de l’excellent niveau de productivité des travailleurs camerounais Réunification à Douala, dans la pers-

Quel premier bilan tirez-vous ?

pective de la tenue de l’édition 2019 de

Nous avons travaillé dans un climat

la Coupe d’Afrique des Nations (CAN),

de transparence, d’intégrité et de

qui a ensuite été reportée à 2021.

confiance avec le maître d’ouvrage. Les responsables de Magil Construc-

Ce projet a consisté à porter la capacité

John MARCOVECCHI,

tion sur place ont pu constater la

du stade de 22000 à 40000 places et

qualité et l’excellent niveau de produc-

à le mettre aux normes de la FIFA. Le

tivité des travailleurs camerounais qui

contrat a été signé par la CCC (Corpo-

représentent 95% de la main d’œuvre

utilisée.Nous sommes également très satisfaits des prestations fournies par nos partenaires locaux. Le bilan est positif de tous les points de vue. Comment avez-vous fait face au Covid-19 ? Nous avons fourni à notre personnel les équipements de protection nécessaires (masques,visières,gel,etc.).Des mesures d’hygiène drastiques ont été mises en place (distanciation, lavage des mains, nettoyage des machines plusieurs fois par jour, etc.). Nous avons pu ainsi mener à bien notre activité : je tiens à saluer l’engagement de nos salariés camerounais dans cette épreuve difficile. Quels sont vos projets ? En dehors de l’Amérique du Nord et des Caraïbes,l’Afrique est le continent de l’avenir et nous voulons être des acteurs de ce développement en participant aux projets d’infrastructures.Le Cameroun est notre plateforme pour déployer notre activité en Afrique.


GRAND FORMAT CAMEROUN

FOOTBALL

Après s’être vu retirer l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2019, le pays a fait le nécessaire pour pouvoir accueillir l’édition 2021, mais la pandémie de Covid-19 pourrait conduire au report de la compétition à 2022.

CAN ça veut pas! 190

no3090 – JUILLET 2020


L

FRANCK FOUTÉ, À YAOUNDÉ

Le stade d’Olembe, à Yaoundé, où doivent se tenir, notamment, le match d’ouverture et la finale.

MABOUP

MABOUP

e chantier du stade d’Olembe échappe au confinement. De jour comme de nuit, le millier d’employés mobilisés pour la construction de la plus grande infrastructure sportive de Yaoundé continue de s’activer. Et ce malgré les mesures sanitaires prises par le gouvernement pour enrayer la propagation du Covid-19 dans le pays. En cette mi-mai, les ouvriers poursuivent le « piquetage du gazon » sur l’aire de jeu, laquelle laisse désormais apparaître un tapis verdoyant. Selon Franck Mathière, le vice-président de Magil construction, l’enStade treprise canadienned’Olembe chargée des travaux, le au complexe sportif sera Cameroun totalement opérationnel en octobre, soit trois mois avant le début de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), prévue du 9 janvier au 6 février 2021. Sauf que la pandémie de Covid-19 est passée par là, avec son lot d’incertitudes. Alors que toutes les compétitions internationales sont suspendues jusqu’à nouvel ordre par la Fifa, la Confédération africaine de football (CAF) doit impérativement organiser d’ici à la fin de l’année les quatre journées qualificatives qu’il reste aux différentes équipes pour espérer jouer la phase finale au début de l’année prochaine. Ce qui paraît peu réaliste dans le contexte actuel. Le Championnat d’Afrique des nations (CHAN), qui était programmé au Cameroun du 4 au 25 avril dernier et devait faire office de répétition générale avant la CAN 2021, est également dans l’expectative, aucune nouvelle date n’ayant été adoptée après son report en mars. Du côté de la CAF, la prudence est de mise. Son président, Ahmad Ahmad, affirme ne pas souhaiter « prendre une décision hâtive » pour la compétition continentale. Mais bien que l’instance dirigeante du football africain n’ait pas officiellement reporté l’événement, cette probabilité grandit au fil des jours.

En attendant, loin des cogitations du comité exécutif de la CAF, les chantiers progressent. Pour tourner la page du fiasco de 2019 – quand l’organisation de la compétition avait été retirée au Cameroun pour cause de retards dans les travaux d’infrastructures – et se projeter vers la CAN 2021, les autorités ont pris des mesures fortes. La principale fut de résilier, en novembre 2019, le contrat du groupe de BTP italien Piccini, chargé des travaux du complexe sportif d’Olembe après en avoir remporté, en décembre 2015, le marché de 160 milliards de F CFA (244 millions d’euros). Celui-ci a alors été réattribué à Magil construction pour donner un coup d’accélérateur au projet. L’entreprise canadienne venait d’assurer, à Douala, la lourde réhabilitation du stade de la Réunification et avait repris le chantier de la route PénétranteEst à une entreprise chinoise défaillante.

Inspection des infrastructures

Pour rassurer la CAF sur l’avancée des travaux dans les six sites retenus pour la CAN 2021, Narcisse Mouelle Kombi, ministre des Sports et président de la Commission d’organisation de la CAN (Cocan), a entamé le 2 juin une tournée d’inspection des infrastructures sportives, hôtelières et routières réservées à la compétition. Ce qui lui a permis de vérifier que tous les chantiers préparatoires étaient sur de bons rails. Ainsi, Douala affiche deux stades flambant neufs, et seules les voies d’accès de la ville sont encore en travaux. Idem à Bafoussam, où la voirie connaît un renouvellement intégral en vue des compétitions à venir. À Garoua, la construction du stade Roumde Adja est terminée, tandis que la rénovation du principal hôtel de la ville est sur le point de s’achever. Le stade de Limbe, qui a déjà accueilli en 2016 la CAN féminine, n’attend plus que le ballet des équipes et des supporteurs, tout comme le deuxième site retenu à Yaoundé, celui de Mfandena. À la fin de l’ensemble des travaux, le Cameroun devrait ainsi mettre à la disposition de la CAF sept stades de compétition et 25 terrains d’entraînement. Si l’hypothèse d’un report se confirmait dans les prochaines semaines, le Cameroun devrait sans doute patienter jusqu’en 2022 avant d’accueillir la compétition continentale. Cela lui permettrait d’organiser en janvier 2021 le Championnat d’Afrique des nations, initialement prévu en avril 2020. La CAN pourrait alors se tenir à l’été 2022, quelques mois avant la Coupe du monde au Qatar, annoncée du 21 novembre au 18 décembre.

no3090 – JUILLET 2020

191


Au service de l’industrie métallurgique et du développement national Avec la mise en route des grands projets structurants, le Cameroun a fait de l’acier un produit de consommation courante, de par la place privilégiée qu’il occupe dans la réalisation de ces ouvrages. Prometal qui célèbre ses 10 ans d’existence cette année, s’inscrit dans la vision du Chef de l’État camerounais à savoir, la promotion du « Made in Cameroon » contribuant ainsi, au développement structurel du pays, grâce à son apport dans le secteur de la métallurgie.

L

e Gouvernement du Cameroun s’est doté en 2009, d’une vision de développement à long terme du Cameroun, contenue dans le document « Cameroun-Vision 2035 ». Ce texte, qui définit une représentation du pays à l’horizon 2035, a pour ambition de faire du Cameroun un pays émergent ayant pour socles, la consolidation du processus démocratique et le renforcement de l’unité nationale. Cette stratégie globale requiert l’existence d’un secteur industriel fort et compétitif pour que le pays atteigne le statut de Nouveau Pays Industrialisé (NPI). L’objectif est que la production manufacturière représente 24% du PIB et que les produits manufacturés prennent une place importante dans la structure des exportations. Le Gouvernement a ainsi élaboré en mars 2017, un Plan Directeur d’Industrialisation (PDI). Celui-ci vise à structurer les priorités nationales pour que le statut visé ci-haut soit atteint.

DES ÉQUIPEMENTS PERFORMANTS Ce nouvel élan économique promeut par conséquent depuis plus d’une dizaine d’années, un tissu industriel particulièrement dynamique, dont l’objectif

est d’accompagner les grands projets structurants, porteurs de l’émergence du Cameroun d’une part et d’autre part, de mettre à la disposition de la demande nationale, une offre compétitive tant qualitative que quantitative, calquée sur les standards internationaux. C’est dans ce contexte qu’a été créée la société Prometal SARL (Prometal Aciérie), industrie lourde de transformation de l’acier en produits finis, semi-finis et finis destinés au bâtiment, aux travaux publics, à la construction métallique et à l’agriculture. Quatre métiers d’acier composent l’activité industrielle de la société : le laminage à chaud (fer à béton, etc.), le profilage (tubes, TPN, tôles toiture, etc.), le tréfilage (pointes et fils tréfilés, etc.) et le matériel agricole (machettes, brouettes, limes, etc.). Prometal dispose de trois sites de production et d’un quatrième en construction dont l’estimation d’achèvement est projetée à Décembre 2020. La société s’est dotée en 2016 d’un four à arc électrique, le premier du type en Afrique centrale et de l’ouest, hors Nigeria. Grâce à son système de traite-

ment thermomécanique (TMT) et à sa forte capacité de production (environ 200 000 tonnes/an), cet équipement permet de donner aux produits, les caractéristiques souhaitées par le client tout en répondant à son attente qualitative ; il permet ainsi de proposer des produits de qualité mais aussi en quantité.

UNE ENTREPRISE DE STANDARD INTERNATIONAL Prometal est un exemple réussi de contribution au développement du tissu économique camerounais sur la base d’une offre compétitive, qui permet de réduire les importations, d’économiser les devises, d’étoffer la trésorerie nationale mais surtout de valoriser le « Made in Cameroon » si cher au Chef de l’état. L’offre de la société répond aux standards internationaux grâce aux reconnaissances obtenues notamment ISO 9001 dans sa version en vigueur (première société métallurgique certifiée ISO 9001-2015 en Afrique subsaharienne) ; et Anor depuis 2014 (réglementation camerounaise). Dans ces conditions, le métier de l’acier n’est plus une exclusivité asiatique ou


COMMUNIQUÉ

2

3

européenne. L’industrie de la métallurgie fait la preuve de son existence et de sa compétitivité au Cameroun avec un impact au-delà des frontières nationales, l’entreprise étant considérée comme la mamelle nourricière en acier de la sous-région CEEAC.

UNE CONTRIBUTION AUX GRANDS CHANTIERS STRUCTURANTS La relance de l’économie camerounaise donne lieu à de grands investissements qui, pour la plupart, du fait de cahiers des charges exigeants, requièrent des données d’entrées garantes de la pérennité et de la sécurité des ouvrages liés à ces investissements. La qualité de l’offre de Prometal s’apprécie entre autres, au regard de la contribution aux grands chantiers structurants et emblématiques du Cameroun, notamment : le 2e pont sur le Wouri, les barrages hydroélectriques de Lom-Pangar et Memve’ele, les stades de football d’Olembé (Yaoundé) et Japoma (Douala), certaines autoroutes, les logements sociaux etc.

4

L’ENGAGEMENT SOCIÉTAL AU CŒUR DE LA CULTURE DE L’ENTREPRISE Le savoir-faire de la société repose sur une forte expertise humaine : près de 1 200 emplois œuvrent au quotidien dans le but de pérenniser et surtout labelliser ce fleuron de l’économie nationale. Pour disposer de telles ressources, Prometal a établi des partenariats avec des grandes écoles et des universités camerounaises afin de capter les talents nécessaires à son ambition. Le personnel est constamment formé ou mis à niveau afin de rester compétitif sur le plan international. Consciente que son évolution est arrimée à celle des communautés qui l’entourent, Prometal fait de leur accompagnement un engagement non négociable de sa stratégie globale. L’amélioration de leur qualité de vie, de leur santé et de leur éducation, sont des sujets indexés dans un plan d’action suivi et dont les réalisations ne se comptent plus dans l’arrondissement de Douala 3 e.

1 Four à arc électrique, seule technologie de ce type en Afrique Subsaharienne. 2 Fer à béton de Prometal en grade 50 dont les diamètres vont de 08 à 32. 3 Complexe multisports, dans la localité de Japoma près de Douala, à environ 20 kilomètres du centre urbain. 4 Travaux de construction de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen qui permettra de fluidifier la circulation dés sa livraison.

Z.I Magzi – Bassa. BP 3061 Douala – Cameroun Tél. : +237 233 37 85 85 / 95 Fax : +237 233 37 85 80 info@prometal-cm.com

www.prometal-cm.com

JAMG - PHOTOS : D.R.

1


GRAND FORMAT CAMEROUN

MUSIQUE

C

FRANCK FOUTÉ, À YAOUNDÉ

est la nouvelle coqueluche de la musique urbaine camerounaise. À 27 ans, la chanteuse Kameni – de son vrai nom Ebude Kate Kameni – est devenue une incontournable des playlists, et les DJ jouent ses tubes en boucle dans les clubs. À Douala, à Yaoundé ou encore à Kribi, la voix percutante de la jeune artiste séduit un public de plus en plus nombreux. Pour certains observateurs, elle incarne même la nouvelle génération, totalement décomplexée et fière d’une « camerounité » encore balbutiante. Kameni est surtout une artiste aux influences culturelles multiples, et ses chansons l’illustrent à souhait. La native de Limbe, dans le Sud-Ouest (ses parents sont des francophones originaires de Bafang, région de l’Ouest), a choisi de composer ses chansons en français, en anglais et en pidgin (un créole à base lexicale anglaise). Un style qui fédère la jeunesse, qu’elle soit francophone ou issue de la partie anglophone du pays. Signe d’une recette qui marche, Nayo-Nayo (« doucement-doucement »), le dernier single de la chanteuse, a été la deuxième chanson camerounaise la plus vue sur la plateforme YouTube au premier trimestre de 2020, selon des statistiques de la compagnie américaine.

ALAIN NGANN

Renaissance La chanteuse Blanche Bailly.

Le bilinguisme en haut des charts Au cœur du débat sur l’héritage linguistique colonial, le français et l’anglais ont trouvé dans la chanson un terrain d’entente: un grand nombre d’artistes mêlent désormais les deux langues dans leurs morceaux, et ça marche! 194

no3090 – JUILLET 2020

La montée en puissance de Kameni n’est cependant que le dernier exemple d’une tendance déjà bien établie chez les artistes urbains camerounais. Depuis quelques années, les chanteurs et chanteuses locaux choisissent de mêler dans leurs morceaux le français, l’anglais et leurs dérivés. La formule séduit et a même enclenché une forme de renaissance de la scène musicale camerounaise. Les talents s’exportent à nouveau, les spectacles s’enchaînent, labels et sponsors ont refait surface. L’un des précurseurs du mouvement, le rappeur Stanley Enow, est aujourd’hui à la tête de son propre


Longtemps considéré comme une langue marginale, le pidgin est la nouvelle mode sur la scène musicale camerounaise. Vulgarisé dans le milieu francophone dans les années 1990 par Lapiro de Mbanga, un artiste engagé combattu par le pouvoir de Yaoundé, cet argot né d’un mélange d’anglais et de langues locales séduit de plus en plus de jeunes chanteurs. Blanche Bailly, Daphne, Jovi, Mr Leo… La nouvelle garde a brisé un tabou, au grand plaisir des fans, toujours plus nombreux. F.F.

Y

GRAPH

H OTO

Le rappeur One Love.

surprenait le public en cosignant une chanson de l’album de la superstar américaine Beyoncé The Lion King : The Gift. Le titre « Water », issu de cette collaboration et sur lequel apparaît aussi Pharrell Williams, autre grosse pointure de l’industrie musicale américaine, a figuré parmi les plus téléchargés de cet opus. L’exposition internationale dont jouissent à nouveau les artistes camerounais n’est cependant pas encore accompagnée de gains à la hauteur de leur popularité. Le rappeur Tenor n’aurait reçu que 27 000 euros pour une année de distribution de ses œuvres, lorsque des artistes nigérians annoncent des contrats bien plus importants. La grogne des chanteurs concernant leurs rémunérations alimente d’ailleurs régulièrement la presse people. « Le problème se trouve dans la nature des contrats qui sont signés par nos artistes », estime à ce sujet Franck Ghislain Onguene, critique musical. Et de poursuivre : « En s’engageant à cent pour cent, les artistes perdent l’importante source de financement que sont les shows privés tels que les mariages ou les anniversaires. Il faut juste revoir les conditions de ces contrats. » Compte tenu de la montée en puissance de la scène camerounaise, ça ne saurait tarder. EET P

Vivendi, a fait du Cameroun l’une de ses principales sources de talents. À ce jour, pas moins de sept artistes et acteurs de la scène musicale camerounaise ont rejoint cette écurie. En juillet 2019, Salatiel Sala’a, l’un des chanteurs les plus populaires,

TE STR

IL Y A UN AN, SALATIEL SALA’A SURPRENAIT LE PUBLIC EN COSIGNANT UN TITRE DE L’ALBUM DE LA SUPERSTAR BEYONCÉ.

DITES-LE EN PIDGIN

LABRU

label, Motherland Empire. En 2013, son premier single, Hein père, faisait le tour du continent, raflant au passage le titre de révélation de l’année lors des MTV Africa Music Awards, devant un certain Burna Boy. Depuis, la liste des artistes qui ont suivi la tendance avec succès ne cesse de s’allonger. Locko, Ko-C, Mimie, Blanche Bailly, Magasco ou encore Daphne font partie des plus en vue. Apprécié des francophones comme des anglophones, le bilinguisme leur permet non seulement d’être diffusés sur l’ensemble du territoire camerounais, mais surtout de proposer au reste du continent des contenus pouvant rivaliser avec ceux de l’industrie musicale du géant nigérian voisin. « C’est une opportunité d’ouverture », estime à cet effet la journaliste Irène Fernande Ekouta, spécialiste de musique. « Il s’agit de l’expression de l’influence d’une culture mondiale qui s’anglicise, avec une touche camerounaise. Dans les faits, il y a une meilleure présence de l’anglais sur la scène urbaine, même si on a l’impression qu’avec ce choix l’essence de la musique camerounaise – traditionnellement en français pour les francophones et en pidgin pour les anglophones – est un peu diluée », ajoute-t-elle. Après un passage à vide au cours des années 2000, la cote des artistes camerounais est repartie à la hausse. Depuis 2017, le label Universal Music Africa (UMA), filiale du groupe français

no3090 – JUILLET 2020

195


Olam célèbre

son investissement dans le développement du Cameroun D

epuis qu’Olam s’est établie au Cameroun en 1995, la compagnie et le pays n’ont eu de cesse d’approfondir leur partenariat. C’est l’histoire d’une entreprise impliquée dans la croissance économique du pays, pour créer des emplois destinés à une mains d’œuvre jeunes et dynamiques, ainsi que pour proposer des produits alimentaires de qualité à ses clients et ses consommateurs camerounais. « Nous employons près de 1 000 personnes mais notre relation avec le Cameroun est bien plus profonde, en soutenant les petits exploitants agricoles et en assurant l’approvisionnement de nos clients et par conséquent de l’ensemble des 26 millions de Camerounais », déclare Venkataramani Srivathsan, directeur général d’Olam, responsable pour l’Afrique et le Moyen-Orient. Les exportations de fèves de cacao et les importations de céréales et de riz sont les fondements de la relation entre Olam et le Cameroun sur les 25 dernières années. Elle a contribué à assurer la sécurité alimentaire du pays, en lui garantissant deux des aliments de base les plus consommer localement. Olam importe chaque annéjusqu’à 140 000 tonnes de riz et 130 000 tonnes de farine de blé, pour se classer parmi les trois principaux importateurs du marché camerounais sur ces deux matières premières essentielles. Dans le sens des exportations, Olam contribue de façon significative aux échanges commerciaux du Cameroun en l’aidant à faire du cacao la troisième source de revenus du pays, derrières les secteurs miniers et pétroliers. En 2019, l’entreprise a enregistré les crois-

sances de volume les plus importantes de la filière selon les Douanes camerounaises.

Soutenir Olam dans sa croissance future Avec son investissement sur le long terme et son importance dans la croissance globale du groupe, Olam Cameroun se devait de faire coïncider son 25ème anniversaire avec le nouveau modèle de développement initié par Olam International. En janvier de cette année, Olam International a annoncé un vaste plan de réorganisation, avec la création de deux entités aux activités bien distinctes : Olam Food Ingredients (OFI) et Olam Global Agri (OGA). Cette nouvelle structure doit permettre de répondre aux principales tendances constatées sur le marché alimentaire mondial, ainsi qu’à l’augmentation de la demande en nourriture, en aliments pour bétail ou en fibres dans les économies émergentes en forte croissance. Cette décision doit renforcer le plan stratégique soigneusement défini par Olam International pour les années 2019-2024. Au sein de cette nouvelle organisation, Olam Cameroun est parfaitement positionné pour apporter une contribution conséquente dans le développement à venir d’OFI et d’OGA.

Le Cacao camerounais, un ingrédient essentiel au succès Le dynamisme et les promesses du secteur cacaoyer camerounais sont une des principales raisons de la venue d’Olam dans le pays en 1995. L’approvisionnement et l’exportation de fèves de cacao ont tou-

jours constitué une activité essentielle de l’entreprise au niveau local pour lui permettre de s’établir comme l’un des deux acteurs de premier plan dans l’exportation de fèves de cacao, avec un volume annuel de 65 000 tonnes. Olam Cocoa a également été la première compagnie à investir au Cameroun dans la construction de nouveaux fours pour résoudre le problème du cacao fumé. L’une des principales initiatives prise par Olam Cameroun pour ses 25 ans, prévoit le lancement de la plateforme AtSource dans le pays. AtSource répond à de multiples objectifs sociaux et environnementaux et garantit une traçabilité en permettant à ses clients internationaux de suivre chaque étape du trajet réalisé par leurs produits.

Nourrir le Cameroun, un rôle crucial pour le bien-être du pays Bien que sa mission commence auprès des fermiers du « premier kilomètre », Olam est un acteur majeur sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, en particulier dans l’importation et la distribution de farine de blé et de riz. L’engagement d’Olam Cameroun envers les

besoins du pays en matière de céréales s’est traduit en 2012 par la construction à la périphérie de Douala, d’une minoterie dernier cri, d’une capacité de 500 tonnes par jour. Cette usine largement automatisée produit les aliments à base de farine de blé demandés par le marché local, du beignet à la baguette standard. La division riz d’Olam Cameroun est deve-


MESSAGE

Olam est une compagnie locale mais notre empreinte est mondiale. Nous sommes très optimistes

Olam Cameroun possède sa propre compagnie de manutention portuaire, CREST, en charge de la logistique – réception et distribution – de 150 000 tonnes de riz par an. Elle fournit également de l’emploi direct et indirect à plus de 300 Camerounais.

Un engagement vers le futur Olam Cameroun recherche constamment de nouveaux moyens pour contribuer à l’économie, au bien-être du pays et de sa population. Depuis 2017, Olam Cocoa a mis en place un programme de développement durable, avec le but essentiel d’aider les fermiers à améliorer leurs conditions de vie, en augmentant les rendements à l’hectare et en apportant de meilleures pratiques post-récoltes ; en assurant l’accès aux ser-

vices et aux équipements sociaux de base ; en formant les fermiers aux procédures basiques de commercialisation ; en contribuant à une amélioration générale du niveau de vie des communautés paysannes. Aujourd’hui, la compagnie a déjà créé une trentaine de coopératives travaillant avec plus de 7 000 fermiers au total. La certification UTZ, label standard dans l’industrie agroalimentaire soutenable, a été apportée à plus de 2 000 exploitants en 2019, pour un budget de 150 millions de francs CFA. En collaboration avec la Fair Labor Association, Olam est la première société à avoir mis en place un programme de lutte contre le travail des enfants au Cameroun, en s’assurant que ses approvisionnements de cacao n’impliquent pas une telle pratique et ne proviennent pas de zones forestières protégées.

concernant le futur de l’agroindustrie au Cameroun et Olam s’est engagé à améliorer ses investissements et son implication dans le pays. Nous continuerons de regarder toutes les opportunités qui se présenteront pour Olam ainsi que pour les Camerounais.”

Mr Rahul Mittal,

directeur général d’Olam Cameroun

L’entreprise a également enregistré d’excellents progrès dans sa lutte contre le gaspillage alimentaire. En multipliant les décisions sensées telles que l’utilisation de sacs plus solide et de palettes de qualité, l’équipe en charge du secteur riz au Cameroun a sauvé plus de 2 500 tonnes de riz comestible entre 2012 et 2016. Cela équivaut à 50 millions de portions de riz, ce qui est suffisant pour nourrir chaque Camerounais deux fois au cours de ces cinq années.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.

nue l’un des plus importants contributeurs aux efforts du pays pour assurer sa sécurité alimentaire. En tant qu’importateur et distributeur de riz leader sur le marché camerounais, la compagnie dispose d’un solide réseau qui aide le pays à répondre aux besoins des communautés dans les différentes régions. En se concentrant sur la qualité et le goût, ses différents marques – Riz Mémé, Riz Bijou, Royal Feast et Lune d’Afrique – sont devenues des références reconnues et appréciées dans tout le pays. Riz Bijou et Riz Mémé Cassé ont été récompensés respectivement en 2016 et 2018 comme étant les meilleures marques de riz du Cameroun et elles continuent d’être aujourd’hui encore parmi les plus prisées des consommateurs.

Les 25 dernières années ont assisté à l’établissement d’une relation unique entre le Cameroun et Olam. Mais il faut toujours faire plus et mieux. années.

Olam Cam SA Avenue D L Udeac Zone Portuaire Douala, Cameroun Cameroon@olamnet.com Tél. : +237 233426815

www.olamgroup.com


GRAND FORMAT CAMEROUN

Tribune

Crise d’identités Hemley Boum

Romancière camerounaise

L

e Cameroun s’enorgueillit de 200 ethnies différentes. Votre patronyme suffit à vous situer dans la géographie complexe du pays. Vous reliant à l’histoire, aux us et coutumes supposés de votre groupe ethnique, il vous y assigne aussi. Même dans une ville aussi cosmopolite que Douala, toutes les sphères de la vie sociale prennent en compte ces appartenances. Aussi est-il normal de se l’entendre rappeler dans toutes sortes de plaisanteries omniprésentes dans le quotidien. Longtemps, j’ai pensé que la pluralité assumée de nos identités nous protégeait des déchirements dont les conflits ethniques sont le prétexte dans d’autres pays d’Afrique. Mais au Cameroun, ces dernières années, une colère sourde et un long désenchantement, qui peinent à s’exprimer sur la place publique, prennent le chemin d’absurdes détestations. Dans une perception irrationnelle du malaise et de l’inconfort, qui sont le lot commun, certains éprouvent le besoin de rejeter sur l’autre et ses supposées tares la responsabilité des désordres dont ils sont victimes. Plus inquiétant mais pas surprenant, le rejet génère sa propre logique dévastatrice. Chacun finit par s’approprier les défauts que l’autre lui impute, jusqu’à en faire une composante de sa construction identitaire. La tribu, le village sont perçus au Cameroun comme le refuge ultime, dans une société où la solidarité nationale est gangrenée par la corruption et le népotisme. Dans ce contexte, les crises génèrent une recrudescence des replis identitaires, avec leur corollaire de crispations ethniques. Les tensions ont été nombreuses ces trois dernières décennies, et elles connaissent un apogée mortifère avec la crise anglophone, les désordres dus au terrorisme dans l’Extrême-Nord, les désaccords électoraux et la lutte impitoyable pour la succession d’un pouvoir en fin de règne. Les invectives continuelles en référence aux appartenances tribales finissent par se traduire en actes. Les allégeances et les prises de position des personnalités publiques sont lues au travers de ce prisme déformant. Les groupes ethniques sont encouragés à se penser en forteresse assiégée, à instaurer un cercle pervers de rétorsion sauvage.

198

no3090 – JUILLET 2020

La pléthore de peuples coexistant dans ce pays rend incompréhensibles aux étrangers les différentes ramifications, les rancunes anciennes et les trahisons récurrentes qui mutilent le tissu social. Reste que la question tribale pollue les débats et fragilise toute tentative de conciliation. De même constate-t-on que l’exacerbation des différends ethniques est le fait des élites, qu’elles soient politiques, universitaires, artistiques, religieuses ou économiques. Celles-ci théorisent et conceptualisent des partis pris discutables censés inscrire leur passé victimaire dans une perspective historique, ce qui, de facto, transformerait leur propre communautarisme malsain en nécessaire résistance.

Des élites disqualifiées

Omniprésentes dans les médias, les réseaux sociaux, avec la visibilité et la puissance conférées par leur statut, les élites camerounaises ont essentialisé leurs adversaires. En lui offrant une tribune, une justification, des arguments, en manipulant les symboles et les croyances, en faisant taire sans ménagement toutes les voix qui tentaient l’apaisement, elles ont légitimé le tribalisme. Le fait n’est pas nouveau. La guerre d’indépendance a été largement discréditée de cette manière, et les nouveaux pouvoirs ont compris l’intérêt d’asseoir leur domination sur l’instrumentalisation des différences. Dans ce cas particulier, les outils modernes de l’information ont démultiplié la propagation du mal. Le biais cognitif est tel que chacun n’entend et ne voit plus que ce qui vient conforter ses convictions, mais aussi ses angoisses. Effet boomerang inattendu, ces élites se sont elles-mêmes disqualifiées. Incapables de convaincre au-delà des groupes qui leur sont déjà acquis, elles ont perdu la crédibilité nécessaire pour porter un projet inclusif, un « en commun » crédible. Leur assise fragmentée et fragile contribue à aggraver une conjoncture sociale déjà fort tendue. La diversité des langues, des paysages, la richesse des cultures et des croyances ont longtemps fait dire aux Camerounais qu’ils étaient l’Afrique en miniature. Les conflits qui déchirent le pays évoquent encore une certaine Afrique, mais pas celle dont on peut être fier.


Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

ANNONCES CLASSÉES

RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL BANQUE OUEST AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT

Ministère de l’Eau et de l’Assainissement

OFFICE NATIONAL DE L’ASSAINISSEMENT DU SÉNÉGAL (ONAS) AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL– CAS SANS PRÉ QUALIFICATION ACQUISITION DE CAMION HYDROCUREUR ET DE CAMION BENNE [F-DT-060] 5.Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès du coordonnateur de la cellule de la passation des marchés à la Direction Générale de l’Office National de l’Assainissement du Sénégal (ONAS), Cité TP SOM Villa n° 4 Hann Dakar - Tél. : 33 859 35 35 ; Fax : 33 832 35 31 ; E-mail : cpm@onas.sn ; coord.cpm@onas.sn. 6. Les candidats intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet à l’adresse mentionnée ci-après Direction Générale de l’ONAS, Cité TP SOM N° 4 HANN contre un paiement non remboursable de vingt-cinq mille (25 000) francs FCFA. La méthode de paiement sera par versement au compte N° SN012 01301 000415705015 45 ouvert au nom de l’ONAS auprès de la Banque CBAO-Dakar. 7. La date limite de dépôt des offres est le jeudi 13 Août 2020 à 10 heures GMT. 8. L’ouverture des offres aura lieu le jeudi 13 Août 2020 à 10 heures GMT. 9. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant de 3 000 000 F CFA seulement pour le Lot 1. 10. La durée de validité des offres est de 120 jours. Le Directeur Général de l’ONAS

BURKINA FASO -----------Unité - Progrès - Justice

MINISTÈRE DU COMMERCE, DE L’INDUSTRIE ET DE L’ARTISANAT MCIA

APPEL D’OFFRES

1. Cet Avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans le journal « Le Soleil » du 04 décembre 2019. 2. L’Etat du Sénégal, représenté par l’Office National de l’Assainissement du Sénégal a sollicité et obtenu de la Banque Ouest Africaine de Développement des fonds, afin de financer « le Projet d’assainissement des eaux usées et de drainage des eaux pluviales de la Ville de Fatick ». 3. L’Office National de l’Assainissement du Sénégal sollicite des offres sous pli fermé de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour fournir un camion hydrocureur et un camion benne, en deux (2) lots séparés. • Lot 1 : Acquisition d’un camion hydrocureur 6x6 ; • Lot 2 : Acquisition d’un camion benne 8x8 avec grue. Les plis doivent être séparés pour chaque lot. Les variantes ne sont pas autorisées. 4. Les candidats intéressés peuvent consultés l’avis d’appel d’offres complet contenant notamment la consistance des travaux et les critères de qualification en consultant le site web de l’ONAS à l’adresse www.onas.sn ou le site web de la BOAD. L’avis complet sera également publié dans le quotidien le « Soleil » du 29 juin 2020.

SOCIÉTÉ NATIONALE BURKINABÉ D’HYDROCARBURES (SONABHY)

Appel d’offres Ouvert international N°2020-003/MCIA/SONABHY Financement : SONABHY budget 2020

• La Société Nationale d’Hydrocarbures du Burkina (SONABHY) sollicite des offres fermées de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour réaliser les travaux de construction du dépôt hydrocarbures liquides de PENI. Les travaux se décomposent comme suit en lot unique: - Génie Civil (GC) / Charpente (CM) / VRD, - Tuyauteries / Equipements, - EIA, - Réservoirs, - Revêtement / Peinture, • Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Personne Responsable des Marchés (PRM) et prendre connaissance des documents d’appel d’offres tous les jours ouvrables de 7H30 à 16H00 à l’adresse mentionnée ci-après : Téléphone : +(226) 25 42 68 00/ +(226) 70 20 71 61 Courriel : cjacques@sonabhy.bf ; sonabhy@sonabhy.bf • Les candidats intéressés peuvent consulter gratuitement le dossier d’appel d’offres complet ou le retirer à titre onéreux contre paiement d’une somme non remboursable de deux cent cinquante mille (250 000) francs CFA à la caisse de la SONABHY, 01 BP 4394 – Ouagadougou - Burkina Faso téléphone +(226) 25 42 68 00 / 25 43 00 34, sise au quartier Pissy Route Nationale N°1. La méthode de paiement sera en espèce. Le Dossier d’Appel d’offres sera adressé main à main. Site web : www.sonabhy.bf

• Les offres devront être soumises à l’adresse ci-après SOCIÉTÉ NATIONALE BURKINABÉ D’HYDROCARBURES (SONABHY) Direction Générale sise secteur 17 quartier Pissy Route Nationale N°1 01 BP 4394 – Ouagadougou - Burkina Faso Téléphone : +(226) 25 42 68 00 / 25 43 00 34 Télécopie : +(226) 25 43 01 74 au plus tard le 27/07/2020 à 09 heures précises en un (1) original et trois (03) copies. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. • Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent assister à l’ouverture le jour même immédiatement après l’heure limite de remise des offres à l’adresse suivante : Salle de réunion bâtiment B au 2ème étage, 01 BP 4394 – Ouagadougou - Burkina Faso téléphone +(226) 25 42 68 00 / 25 43 00 34, au siège de la SONABHY sise au quartier Pissy Route Nationale N°1. • Visite de site le 22 juin 2020. NB : l’enveloppe financière allouée est de 32 864 000 000 FCFA TTC Hilaire KABORE. Chevalier de l’Ordre National

no3090 – JUILLET 2020

199


ANNONCES CLASSÉES

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL POUR LE RECRUTEMENT D’UN CABINET CHARGÉ DE L’ÉVALUATION DU PLAN DE DÉVELOPPEMENT STRATÉGIQUE À MOYEN TERME (PDSMT) 2016-2020 ET DE L’ÉLABORATION DU PDSMT 2021-2025 DU FONDS DE SOLIDARITÉ AFRICAIN

2. Le diagnostic interne de l’Institution et de son cadre institutionnel, de son organisation ainsi que de sa gouvernance (Forces/Faiblesses/Orientations) ; 3. Le benchmarking régional et international de l’Institution suivant les principaux aspects de sa performance, de son activité et de son fonctionnement ; 4. Une analyse des attentes, de la situation et des perspectives des Etats membres du Fonds ; 5. La confirmation/actualisation de la vision du FSA pour 2025, de ses valeurs et de ses leviers stratégiques ; 6. La définition des objectifs stratégiques et des indicateurs de performance pour la période 2021 – 2025 ; 7. Les hypothèses de projection pour l’élaboration du plan d’affaires ; 8. L’élaboration du plan d’affaires 2021-2025 ; 9. La définition du cadre institutionnel de mise en œuvre et de suivi-évaluation du PDSMT 2021-2025 ; 10. L’élaboration des plans d’actions associés aux objectifs définis dans le PDSMT 2021 - 2025 ; 11. Le document final de présentation du PDSMT 2021-2025.

1. Le Fonds de Solidarité Africain (FSA) est une Institution Financière Multilatérale de garantie, créée le 21 décembre 1976 et ayant son Siège à Niamey (République du Niger). Son capital est détenu par quatorze Etats membres Africains : le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, la Centrafrique, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée-Bissau, le Mali, l’Ile Maurice, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Depuis l’année 2000, la conduite des opérations du FSA s’inscrit dans le cadre d’un plan de développement stratégique à moyen terme (PDSMT). Aujourd’hui, le Plan en cours de mise en œuvre dénommé « PLAN EXPANSION 2020 » couvre la période 2016-2020, et prendra fin le 31 décembre 2020. Le FSA devra dès lors disposer au 1er janvier 2021 d’un nouveau plan stratégique qui couvrira la période 2021-2025.

APPEL D’OFFRES

C’est dans ce cadre que la Direction Générale du FSA lance le présent appel d’offres international en vue de recruter un Cabinet de renom pour l’élaboration d’un nouveau Plan de Développement Stratégique à Moyen Terme (PDSMT 2021-2025). Le PDSMT 2021-2025 ne pouvant être élaboré sans prise en compte des résultats de l’évaluation de la mise en œuvre du PDSMT 2016-2020, le Cabinet à recruter procèdera d’abord à une évaluation du PDSMT 2016-2020. 2. Les résultats attendus de la mission du Cabinet sont les suivants : a) Au titre du PDSMT 2016-2020 : 1. Un rapport d’évaluation de la mise en œuvre du PDSMT 2016-2020 2. Une note d’analyse de la pertinence des objectifs fixés et des indicateurs de performance retenus dans le cadre du PDSMT 2016-2020 ; 3. Une note d’analyse de l’adéquation du mécanisme de suivi-évaluation. b) Au titre du PDSMT 2021-2025 : 1. L’analyse de l’environnement externe dans lequel évolue le Fonds de Solidarité Africain (Opportunités/menaces) ;

3. Les Termes de références de cette consultation peuvent être retirés au Bureau du Fonds de Solidarité Africain, 617, Avenue du Président KARL CARSTENS PL 005 B.P. 382 NIAMEY – NIGER. Quartier Plateau - Commune I. Téléphones (227) 20 72 26 32/33/34, ou consultés sur son site web www.fondsolidariteafricain.org 4. Les offres des soumissionnaires doivent être déposées à l’adresse postale ci-dessus et par mail à l’adresse électronique indiquée dans les termes de référence au plus tard le 15 juillet 2020 à 18h 30mn T U. Les offres adressées par mail devront être en format pdf et dont l’accès sécurisé par un code qui sera demandé au soumissionnaire à l’occasion de la réunion du Comité de dépouillement.

AVIS À MESDAMES ET MESSIEURS LES PRESTATAIRES DE SERVICES

La Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (C.N.P.S.) de CÔTE D’IVOIRE lance deux (2) appels d’offres ouverts portants sur : 1 « L’ÉTUDE DE L’IMPACT DES ACTIONS DE PRÉVENTION SUR LA FRÉQUENCE ET LA GRAVITÉ DES RISQUES PROFESSIONNELS » ; 2 « L’ENQUÈTE DE SATISFACTION 2020 ». Les entreprises à jour de leurs cotisations sociales (CNPS) et de leurs charges fiscales (Impôts), sont autorisées à retirer les dossiers de soumission dans les bureaux de la CMP sis à la mezzanine de l’immeuble « La Prévoyance » porte M-3 contre paiement préalable des frais d’un montant de 50 000 F CFA non remboursable. Les documents spécifiques sont à la disposition des entreprises du 24 juin au 22 juillet 2020. Le retrait du cahier des charges et les soumissions seront exclusivement réalisés par voie électronique. Pour ce faire, le soumissionnaire recevra de l’adresse email suiviao@cnps.ci, un lien de procédure de soumission avec pour objet : - DÉPÔT DE VOTRE SOUMISSION. ou - DOCUMENTS TRANSMIS PAR LA CNPS. Les offres des soumissionnaires devront être transmises à la CNPS au plus tard le 22 juillet 2020 à 12 h 00, délai de rigueur à l’endroit spécifié. L’ouverture des offres aura lieu le même jour à 14 heures, en présence des soumissionnaires qui le désirent, à la salle de réunion sise à la mezzanine de l’Immeuble « La Prévoyance » (avenue De Gaulle, rue du commerce) Pour tout renseignement complémentaire, les entreprises soumissionnaires pourront contacter l’adresse email suiviao@cnps.ci pour les questions d’ordre technique et administratif. LA DIRECTION GÉNÉRALE

200

no3090 – JUILLET 2020


ANNONCES CLASSÉES

Avis d’Appel d’Offres international - Cas sans pré qualification Fourniture d’équipements pour laboratoire d’homologation F_ARTP_021 1. Cet Avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans « Le Soleil » numéro 14632 en date du 06 mars 2020. 2. L’ARTP a obtenu dans le cadre de son budget d’investissement 2020 des fonds, afin de financer au titre du Marché « Fourniture d’équipement pour Laboratoire d’homologation », n° F_ARTP_021. 3. L’ARTP sollicite des offres sous pli fermé de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour fournir des équipements pour son laboratoire d’homologation. 4. La passation du Marché sera conduite par Appel d’offres ouvert international tel que défini dans le Code des Marchés publics, et ouvert à tous les candidats éligibles. 5. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes auprés de Monsieur Pape Ciré CISSE (Email : pc.cisse@artp.sn) ou de Madame Néné Traoré TAMBEDOU (Email : nene.traore@artp.sn) ; et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-après : Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes, Ouakam, route des Almadies, en face Ex Clinique des Mamelles, au 1er étage, bureau n°124 ; ouverte du lundi au jeudi de 9 heures à 16 heures et le vendredi de 9 heures à 13 heures.

La formation à proposer se décompose ainsi : • Une formation sur site à Dakar qui concerne un effectif de 5 ingénieurs et de 5 techniciens pour d’une durée de 5 jours ; • Une formation chez le fournisseur ou à l’usine, qui concerne un effectif de 4 ingénieurs d’une durée de 5 jours. Les frais de séjour et de voyage des quatre participants sont à la charge du fournisseur.

APPEL D’OFFRES

6. Les exigences en matière de qualification sont : - La production états financiers certifiés pour les années, 2017, 2018 et 2019 ; ils doivent être certifiés soit par un « comptable » ou un « expert-comptable » agréé par l’Ordre National des Experts Comptables et des Comptables Agréés du Sénégal (ONECCA) ou par un « organisme similaire » pour les candidats Sénégalais. Pour les non Sénégalais, les états financiers doivent être certifiés par un organisme équivalent ou similaire à l’ONECCA dans l’Etat dont ils sont ressortissants. - La réalisation, durant les cinq (5) dernières années (2015, 2016, 2017, 2018 et 2019), d’au moins, un (1) marché de nature et de taille similaire ; - La mise à disposition d’un ingénieur en Télécommunication ou Electronique ou équivalent ayant au moins cinq (5) années d’expérience générale dans les domaines susvisés et au moins deux (2) années d’expérience spécifique dans les domaines de Télécommunication ou de l’Electronique.

La formation s’effectuera sur les équipements à fournir dans le cadre du présent appel d’offres et dont les spécifications techniques sont celles énumérées à la section V du CCAG. - Le Candidat doit prouver, documentation à l’appui qu’il satisfait aux exigences mentionnées au « Point V de la Section IV : Bordereau des quantités, Calendrier de livraison, Cahier des Clauses techniques, Plans, Inspections et Essais ». - Le soumissionnaire doit apporter la preuve que le type de matériel proposé a déjà été commercialisé dans au moins deux (2) pays autres que celui du fabricant. Le soumissionnaire doit également prouver que ce matériel doit avoir fonctionné dans au moins un (1) pays ayant les conditions similaires à celles du Sénégal. - L’autorisation ou l’attestation du fabriquant doit être jointe au dossier de soumission. Une marge de préférence de 15% applicable à certaines fournitures fabriquées dans les Etats membres de l’UEMOA sera octroyée aux candidats éligibles. Voir le document d’Appel d’offres pour les informations détaillées. 7. Les candidats intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-après : l’Autorité de Régulation de Télécommunications et des Postes, Ouakam, route des Almadies, en face Ex Clinique des Mamelles, contre un paiement non remboursable de 25.000 F CFA (vingt-cinq mille). La méthode de paiement sera par chèque certifié au nom de l’ARTP ou en espèces. Le document d’Appel d’offres sera adressé par retrait au niveau de Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP), Ouakam route des Almadies, en face Ex Clinique Mamelle, ou téléchargeable sur le site www.artp.sn. Un exemplaire du dossier sera disponible pour être consulté gratuitement sur place par les candidats qui le souhaitent. 8. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-après : l’Autorité de Régulation de Télécommunications et des Postes, Ouakam, route des Almadies, en face Ex Clinique des Mamelles, au plus tard le 14 août 2020 à 10 heures 30 minutes. Les offres soumises après la date et heure limite de dépôt des offres, ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des candidats présents à l’adresse ci-après Ouakam, route des Almadies, en face de la Clinique des Mamelles, au 1er étage, Pièce n°124, le 14 août 2020 à 10 heures 30 minutes. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant de quatre millions (4 000 000) FCFA. La garantie de soumission demeurera valide pendant 28 jours après l’expiration de celle de validité des offres. La garantie de soumission doit être délivrée par un Etablissement financier ou une compagnie d’assurance agréée par le Ministère des Finances et du Budget pour les candidats de droit Sénégalais. Pour les candidats non Sénégalais, cette garantie doit être délivrée par un organisme équivalent ou similaire dans l’Etat dont ils sont ressortissants. Les offres demeureront valides pendant une durée de 90 jours à compter de la date limite de soumission.

Personne Responsable du Marché

no3090 – JUILLET 2020

201


ANNONCES CLASSÉES

Avis d’appel public à manifestation d’intérêt Campagne de mesures de la couverture et de la QoS/QoE voix et data (2G, 3G, 4G) Référence du marché : C_ARTP_037 Réalisation d’une campagne de mesures de la couverture, la QoS/QoE voix et data (2G, 3G, 4G) des services offerts par les opérateurs de téléphonie mobile

MANIFESTATION D’INTÉRÊT

1. Le présent appel public à manifestation d’intérêt fait suite à l’Avis général de Passation des Marchés paru dans le quotidien d’informations générales « L’AS » n°4321 du mercredi 18 mars 2020. 2. L’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) a obtenu, dans le cadre de son budget 2020, des fonds afin de financer son projet portant sur la réalisation d’une campagne de mesures de la couverture, la QoS/QoE voix et data (2G, 3G, 4G) des services offerts par les opérateurs de téléphonie mobile, et à l’intention d’utiliser une partie de ces fonds pour effectuer des paiements au titre du marché de prestations intellectuelles référencé C_ARTP_037. 3. Les services comprennent des mesures de la couverture, la QoS/QoE voix, SMS et data (2G, 3G, 4G) des services offerts par les opérateurs de téléphonie mobile en vue, d’une part, de vérifier le respect par les opérateurs des obligations contenues dans leurs cahiers des charges et, d’autre part, les inciter à améliorer significativement la QoS et la couverture de leurs réseaux. Sont concernés par cette enquête, les trois opérateurs de téléphonie mobile sénégalais, à savoir : • SONATEL SA ; • SAGA AFRICA HOLDINGS LIMITED ; • EXPRESSO SÉNÉGAL. La durée prévisionnelle de la campagne de mesures terrain est de seize (16) semaines au maximum. 4. Les candidats intéressés sont invités à manifester leur intérêt pour la prestation des services décrits ci-dessus en fournissant les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services : NOTE PONDÉRÉE POUR LE CRITÈRE

CRITÈRES Nature des activités en relation avec le domaine des prestations

10 points

Nombre d’années d’expérience (1 point par année d’expérience)

10 points

Organisation technique et managériale du cabinet

20 points

Qualification du cabinet dans le domaine des prestations notamment les références concernant l’exécution d’au moins quatre (4) marchés similaires durant les 5 dernières années (10 points/ marché)

40 points

Qualifications générales et le nombre de personnels professionnels

20points

La note technique requise est de 75 points. Il est demandé aux candidats de fournir ces informations en ne dépassant pas dix (10) pages environ. Les candidats peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. 5. Une liste des candidats présentant au mieux les aptitudes requises pour exécuter les prestations sera établie par l’Autorité contractante. Ces candidats présélectionnés seront ensuite invités à présenter leurs propositions techniques et financières et un candidat sera sélectionné selon la méthode : sélection sur la base de la qualité technique et du montant de la proposition (sélection qualité coût). 6. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse ci-dessous : Immeuble ARTP, Ouakam-Mamelles, route des Almadies, en face Ex Clinique des Mamelles au 1er étage, bureau n°124, du lundi au jeudi de 9 heures à 16 heures et le vendredi de 9 heures à 13 heures. 7. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées à l’adresse ci-après Immeuble ARTP, Ouakam-Mamelles, route des Almadies, en face Ex Clinique des Mamelles au plus tard le 15 juillet 2020 à 10 heures. Les propositions seront ouvertes en présence des candidats à l’adresse mentionnée ci-dessus au plus tard le 15 juillet 2020 à 10 heures. Personne Responsable du Marché

202

no3090 – JUILLET 2020


ANNONCES CLASSÉES

Avis d’Appel à Manifestation d’Intérêts CESSION D’UN BLOC MAJORITAIRE (58,2%) DU CAPITAL DE LA SOCIETE CARTHAGE CEMENT S.A Objet de l’Appel à Manifestation d’Intérêt :

L’Etat tunisien, Bina Corp S.A et Al Karama Holding (les « Cédants »), actionnaires majoritaires de la société Carthage Cement S.A (la « Société » ou « Carthage Cement »), ont décidé de procéder à la cession d’un bloc d’actions représentant au moins 58,2% et pouvant aller jusqu’à 78% du capital social de Carthage Cement S.A (le « Bloc d’Actions ») par voie d’Appel d’Offres international à un investisseur stratégique et /ou financier qui aura la capacité de gérer et de développer la Société. Le Consortium ECC Mazars / IEG Tunisia – Corporate Advisory / Cabinet Mrabet Avocats a été retenu par Al Karama Holding comme conseiller exclusif (le « Conseiller ») pour l’assister dans la réalisation de l’opération de cession (l’ « Opération »). Le présent Appel à Manifestation d’Intérêt (l’ « AMI ») a pour objectif 1- d’informer les investisseurs de cette Opération, 2- de décrire le processus de cession décidé et 3- de renseigner les investisseurs intéressés sur les modalités de retrait du dossier de pré-qualification.

Présentation de la société :

Carthage Cement, société anonyme cotée sur la bourse des valeurs mobilières de Tunis, est spécialisée dans la production du ciment, d’agrégats et de béton. La cimenterie, équipée par FLSmidth le leader mondial des constructeurs de cimenteries, est située à une trentaine de kilomètres au sud-est de Tunis, au pied de Djebel Ressas, un affleurement de calcaire de la période jurassique. La société exploite une carrière en propriété juxtaposée à l’usine pour s’approvisionner en matière première. Une présentation plus détaillée de la société est disponible dans le dossier de préqualification.

Processus de cession :

d’Annecy, Passage du Lac Malawi, Les Berges du Lac, 1053 Tunis. × Notification de la qualification et Due-Diligence :

Les candidats pré-qualifiés seront notifiés le mercredi 07 Octobre 2020 et pourront alors retirer un dossier d'appel d'offres composé (i) du règlement de l'appel d'offres incluant le projet d’acte de cession, (ii) d'un mémorandum d'information et (iii) du règlement de la Data Room. Les Candidats pré-qualifiés pourront (i) accéder à une Data Room pour effectuer les travaux de Due Diligence, (ii) visiter les locaux de la société, (iii) rencontrer son management, (iv) poser des questions par écrit et (v) proposer des amendements au projet d’acte de cession selon un calendrier et des modalités définis dans le Dossier d’Appel d’Offres. Pour plus d’informations, les candidats intéressés peuvent prendre contact avec : M. Mourad FRADI ECC Mazars +216 71 963 380 @ mourad.fradi@mazars.tn

M. Amine ABDELKHALEK IEG Tunisia Corporate Advisory +216 92 900 300 @ a.abdelkhalek@ieg-banking.com

M. Jed MRABET Cabinet MRABET Avocats +216 71 962 995 @ j.mrabet@mrabet-avocats.com

COOPÉRATION CAMEROUN - UNION EUROPÉENNE AGENCE D’ÉLECTRIFICATION RURALE DU CAMEROUN

PROJET DE PRODUCTION DÉCENTRALISÉE D’ÉLECTRICITÉ ET DE VALORISATION DE L’ÉLECTRIFICATION RURALE POUR L’AGRICULTURE ET LE DÉVELOPPEMENT RURAL AU CAMEROUN

MANIFESTATION D’INTÉRÊT - AVIS DE MARCHÉ

Le processus de cession comprend une phase de pré-qualification des candidats suivie d’une phase d’offres financières ouverte à tous les candidats pré-qualifiés. × Retrait des Dossiers de Pré-qualification : Les investisseurs intéressés sont invités à retirer, à partir du mardi 02 juin 2020 à 10h00 au siège de Al Karama Holding, sis à la Rue du Lac d’Annecy, passage du Lac Malawi - Les Berges du Lac, Tunis, un dossier de pré-qualification, relatif à la Société, qui définit le processus et les critères de pré-qualification. Le retrait est conditionné par la signature d’un engagement de confidentialité téléchargeable sur le site de Al Karama Holding (www.alkaramaholding.com) et par le paiement d’un montant non restituable de quatre mille cinq cent dinars tunisiens (4 500 DT) payable en espèces, par virement bancaire ou par chèque certifié libellé au nom de la société Al Karama Holding. × Phase de Pré-Qualification : L’investisseur de nationalité Tunisienne ou Etrangère désirant participer à ce processus devra être (i) une personne morale ou physique ou (ii) un consortium dirigé par un chef de file. Les investisseurs intéressés devront faire parvenir leurs dossiers de Manifestation d’Intérêt au bureau d’ordre de Al Karama Holding directement par porteur contre décharge ou par courrier express (le cachet du bureau d’ordre ou celui de la poste faisant foi) et ce au plus tard le Vendredi 25 Septembre 2020 à 17h00 à l’adresse suivante : Al Karama Holding, Rue du Lac

AVIS DE MARCHÉ TRAVAUX DE CONSTRUCTION D’UNE PETITE CENTRALE HYDROÉLECTRIQUE Référence de l’Appel D’offres : PCH-Batié Dans le cadre du contrat de subvention FED/2014/342-830 entre l’Agence d’Electrification Rurale (AER) du Cameroun − maître d’ouvrage de ce projet − et la Commission Européenne, il est envisagé l’attribution d’un marché (procédure ouverte internationale) pour la construction d’une petite centrale hydroélectrique d’une puissance de 1,6 MW dans la commune de Batié, département des Hauts-Plateaux, Région Ouest du Cameroun. Ce marché concerne la totalité des travaux, des études d’exécution à la réception et mise en service des ouvrages. Il comprend deux lots : - Réalisation des travaux de génie civil ; - Fourniture, installation et mise en service des équipements hydro-électromécaniques et de contrôle-commande. Les dossiers d’appel d’offres peuvent être obtenus aux adresses suivantes : Agence d’Electrification Rurale du Cameroun - B.P : 30704 Yaoundé M. FUL Jude FONKWA - fjfonkwa@yahoo.co.uk avec copie à ibrasale@gmail.com Tél. : +237 6 77 30 29 28 / +237 694 48 06 47 Moyennant le paiement de 538 000 (Cinq cent trente-huit mille) FCFA XAF, à payer sur le compte d’Affectation Spécial (CAS) ARMP auprès de la BICEC Yaoundé, Agence Centrale, compte N° 335 988. Toute question concernant le présent « Avis d’appel d’offres » et les « Dossiers d’appel d’offres » doit être envoyée à ces adresses.

no3090 – JUILLET 2020

203


ANNONCES CLASSÉES

AVIS DE PRÉINFORMATION RELATIF À UN MARCHÉ DE FOURNITURES Fourniture et installation d’équipement d’irrigation sur 75 parcelles de pépiniéristes de manioc Lieu(x) d’exécution – District d’Abidjan, Bélier, Agnéby-Tiassa, Moronou, N’Zi, Iffou, Sud Comoé, La Me, Haut-Sassandra, Marahoué, Béré, Gbêkê, et Kabadougou / Côte d’Ivoire 1. Référence de la publication AO N°004/PRO2M/FOUR/2020 2. Procédure Ouverte 3. Intitulé du programme Programme d’Appui au secteur Vivrier en Côte d’Ivoire / Projet d’appui au développement des filières Manioc et Maraîchers en Côte d’Ivoire (PRO2M) 4. Financement CF N° CI/FED/039-093/Contrat de subvention n° FED/2017/390-441

AVIS DE MARCHÉS

5. Pouvoir adjudicateur Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil Agricoles (FIRCA) 6. Description du marché Ce marché consiste en la fourniture et l’installation d’équipements d’irrigation sur 75 parcelles de pépiniéristes de manioc représentant une surface totale de 151 ha. Le prestataire effectuera également la formation initiale des bénéficiaires à l’utilisation et à l’entretien du réseau d’irrigation installé. 7. Nombre indicatif et intitulés des lots Le présent marché est composé de quatre (4) lots : N° lot 1 2 3 4

Intitulés des lots Superficie (ha) Fourniture et installation d’équipement d’irrigation sur les parcelles de pépiniéristes de manioc dans les zones de : ABIDJAN (Anyama, Brofodoumé), ABOISSO (N’Zikro, Aboisso, Gnamienkro), ADZOPE (Duquesnes-Crémone, Adzopé, Ahouabo), AKOUPE 34 ha (Bonahouin), TAABO (Taabo-village), TIASSALE (N’zianouan, Sindressou) Fourniture et installation d’équipement d’irrigation sur les parcelles de pépiniéristes de manioc dans les zones de : BONGOUANOU (Ahounienfoutou), DAOUKRO (Allokokoffikro), DIMBOKRO (Soungassou, Kangrassou-Aluibo, Wawrenou), M’BAHIAKRO 48 ha (Yérakro), TOUMODI (Assouvouè, Bendressou, Lomo Nord, Kpouébo) Fourniture et installation d’équipement d’irrigation sur les parcelles de pépiniéristes de manioc dans les zones de : BOUAKE (Touro), SAKASSOU (N’Guessanpokoukro), BROBO (Konan-Suikro), TIEBISSOU (N’gangoro), YAMOUSSOUKRO (Subiakro, 36 ha Aboukro, N’gattakro, Zatta), SINFRA (Tiékorodougou) Fourniture et installation d’équipement d’irrigation sur les parcelles de pépiniéristes de manioc dans les zones de : 33 ha BOUAFLE (Bonon), DALOA (Békipréa, Brakaguhé, Digbapia) ZOUKOUGBEU (Gueguibeu2), ODIENNE (Kahanso)

8. Date prévue pour la publication de l’avis de marché 15 juillet 2020 9. Informations complémentaires L’avis de marché sera publié dans le journal Jeune Afrique et sur les sites internet du FIRCA et de la CCCCI-UE qui sont respectivement : https://firca.ci/offres/ et http://www.cccciue.ci/. 10. Base juridique 1 Annexe IV de l’accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et modifié à Luxembourg le 25 juin 2005 et à Ouagadougou le 22 juin 2010. Il est fait référence à l’annexe IV telle que révisée par la décision n° 1/2014 du Conseil des ministres ACP-UE du 20 juin 2014. Veuillez noter qu’après le retrait du Royaume-Uni de l’UE, les règles d’accès aux procédures de passation de marchés de l’UE des opérateurs économiques établis dans des pays tiers et des biens originaires de pays tiers s’appliqueront aux candidats ou aux soumissionnaires du Royaume-Uni, et à tous les candidats ou soumissionnaires proposant des biens originaires du Royaume-Uni en fonction de l’issue des négociations. Si cet accès n’est pas prévu par les dispositions légales en vigueur au moment de l’attribution du marché, les candidats ou soumissionnaires du Royaume-Uni et les candidats ou soumissionnaires proposant des biens originaires du Royaume-Uni pourraient être écartés de la procédure de passation de marché. Remarques: un délai minimal de 30 jours calendaires doit être respecté entre la publication du présent avis de préinformation et la publication de l’avis de marché correspondant. Aucune candidature ou demande d’informations complémentaires ne doit être envoyée à ce stade. 1

204

Indiquez toute particularité (par exemple géographique, thématique ou à court/ long terme) susceptible d’avoir un impact sur les règles de participation.

no3090 – JUILLET 2020


ANNONCES CLASSÉES

SOCIÉTÉ NATIONALE D’ÉLECTRICITÉ DU BURKINA SOCIÉTÉ D’ÉTAT AU CAPITAL DE 63.308.270.000 FRANCS CFA SIÈGE SOCIAL : 55, Avenue de la Nation 01 B.P. 54 Ouagadougou 01 Téléphone : 50 30 61 00 (lignes groupées) Fax : 50 31 03 40 Télex : 5208 BF

Fiche synthèse Manifestation d’intérêt n° 01/2019 relative au Projet de Réhabilitation d’Ouvrages de Distribution et de Développement de l’Efficacité Commerciale (PDEC) pour le dossier de présélection pour recensement général de la clientèle Publication de l’avis : Quotidien n° 2698 du mardi 05 novembre 2019 des marchés publics : Sidwaya n° 8937 du 12 au 14 Juillet 2019 : Journal Jeune Afrique du 14 au 20 Juillet 2019 n° 3053 Financement : Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) 1.Candidats présélectionnés Soumissionnaire

Rang

Pays

ATOS WECA

95,4

1

Cote d’Ivoire

Groupement DEFIS ET STRATEGIE/PROQUELEC/ GENHY/CERFODE

80,17

2ème

Burkina Faso/Sénégal

Groupement Serein –GE /Modelis Tech

73,86

3ème

Burkina Faso/Côte d’Ivoire

INDRA MINISAIT

71.36

4ème

Espagne

Groupement IRAF –AIEC

70,33

5

er

ème

COMMUNIQUÉ

Note/100

Guinée Côte d’Ivoire

2. Candidats non présélectionnés Soumissionnaire

Note /100

Rang 6

Pays

Groupement STONEX-GEOIMAGE

69,50

Groupement AMD International-GGTEF-YARMOTEK

69,50

6ème ex

Burkina Faso

Groupement B-TECHNOLOGYGEOCOMInformatikAGK

69.50

6ème ex

Burkina Faso

Groupement E-SERVICES SA-CERYA-GEOMATIC

69,00

9ème

Burkina Faso/Maroc

Groupement AcessTechnology International (ATI)/ mapGEARS

65.23

10ème

Burkina Faso/Canada

Arc Ingénierie

62,00

11ème

Côte d’Ivoire

DELOITTE

59,21

Groupement OPTIMUM CHALLENGE-DEMAIN-IST

ème

Burkina Faso/Canada

12

ème

France

58,84

13

ème

Burkina Faso

Groupement GEOMAP IMAGIS/GIGAhertz-B

55,17

14

Groupement ALKAN-SPECTRIUM

54 ,83

15ème

Burkina Faso/Tunisie

Groupement I ED / EDIS

47,83

16ème

France /Burkina

Groupement ONPOINT AFRICA GROUP

29,30

17ème

Côte d’Ivoire

Groupement DAT-REACH-U

23,00

18

Côte d’Ivoire

ème

ème

France

no3090 – JUILLET 2020

205


ANNONCES CLASSÉES

SOCIÉTÉ NATIONALE D’ÉLECTRICITÉ DU BURKINA SOCIÉTÉ D’ÉTAT AU CAPITAL DE 63.308.270.000 FRANCS CFA SIÈGE SOCIAL : 55, Avenue de la Nation 01 B.P. 54 Ouagadougou 01 Téléphone : 50 30 61 00 (lignes groupées) Fax : 50 31 03 40 Télex : 5208 BF

Fiche synthèse Manifestation d’intérêt n° 02/2019 relative au Projet de Réhabilitation d’Ouvrages de Distribution et de Développement de l’Efficacité Commerciale (PDEC) pour le dossier présélection pour le renforcement du site web de la SONABEL. Publication de l’avis : Quotidien n° 2698 du mardi 05 novembre 2019 des marchés publics : Sidwaya n° 8937 du 12 au 14 Juillet 2019 : Journal Jeune Afrique du 14 au 20 Juillet 2019 n° 3053 : Site BOAD du Juillet 2019 Financement : Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) 1. Candidats présélectionnés en tenant compte de l’article 2.61

COMMUNIQUÉ

Soumissionnaire

Note/100

Rang

Pays

Groupement DESB/OMNIDATA/DIAL TECHNOLOGOLIES

97.00

1er

Burkina Faso

YULCOM Technology

93,60

2ème

Burkina Faso

Groupement ECODEV/DECLIC/ANET

85.75

4

Groupement ATHENA/DATASYS/DEVOTEAM/ MEDIANET

85.00

5ème

Groupement PENDELIA/ADMG CONSULTING

78,16

7ème

Gabon

VNEURON

75.33

10ème

Tunisie

ème

Suisse Tunisie

2. Candidats non présélectionnés Soumissionnaire

Note /100

Rang

Pays

Groupement AFRIKA LONNYA / NGSER

93,00

3ème

Burkina Faso/ Côte d’ivoire Non retenu au vue de l’article 2.62

Groupement ADAGE / BENIT / HOBUX

84,66

6ème

Burkina Faso Non retenu au vue de l’article 2.62

Groupement e-Service SA / INTELAFRIQUE

77.50

8ème

Burkina Faso / Côte d’ivoire Non retenu au vue de l’article 2.62

Groupement ATI / SODAN / ABYDOS BUSINESS GROUP

69,00

9ème

Burkina Faso / Canada / Bénin Non retenu au vue de l’article 2.62

Groupement 2SI / LAM

71.40

11ème

Sénégal

Groupement SONEC AFRICA / OST - CI

70,66

12ème

Côte d’Ivoire

KAVAA Global Service

60,00

13ème

Maroc / France

LEGACY

30,08

MEDIASOFT LAFAYETTE Groupement FASODIA / ASAP / INFOTELECOM SYSTEMS

ème

14

Togo

30,00

15

ème

Côte d’Ivoire

29 ,06

16ème

Burkina Faso / Congo / France

L’article 2.6 des directives de la BAOD pour la sélection des services des consultants, stipule que « …les listes restreintes seront constituées de six (6) consultants d’origines géographiques très diverses, dont au maximum deux (2) d’un même pays, à moins qu’on ne parvienne pas à identifier d’autres consultants qualifiés satisfaisant cette exigence. »

1 et 2

206

no3090 – JUILLET 2020


ANNONCES CLASSÉES

Economic Community Of West African States

Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest

WEST AFRICAN POWER POOL - SYSTÈME D’ÉCHANGES D’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE OUEST AFRICAIN North Core Project /Projet Dorsale Nord

Request for Bids Country: Multinational-West African Power Pool (WAPP) - Project ID: P162933 Name of Project: North Core Regional Interconnector Project Nigeria-Niger-Benin- Burkina Faso (WAPP North Core Project) Contract Title: Procurement of 11 Vehicles for WAPP North Core Project Grant N°: IDA-D3910 - RFB Reference N°: ICB/O2/COMM/2020 - Date: 29/06/2020

1. The West African Power Pool has received financing from the World Bank toward the cost of the North Core Regional Interconnector Project, and intends to apply part of the proceeds toward payments under the contract for Supply of 11 Vehicles for WAPP North Core Project. For this contract, the Borrower shall process the payments using the Direct Payment disbursement method, as defined in the World Bank’s Disbursement Guidelines for Investment Project Financing. 2. The ECOWAS Commission, on behalf of the WAPP North Core Project now invites Bids from eligible Bidders for the Supply of 11 Vehicles (07 SUV and 04 Pick up) to be delivered in Abuja (Federal Republic of Nigeria)

4. Interested eligible Bidders may obtain further information from Monday to Friday from 9.00am (8.00am GMT) to 4.00pm (3.00pm GMT), E-mail: procurement@ecowas.int; sbangoura@ecowas.int; cdeh@ecowas.int; procurement@wappnorthcore.org. Capabilities that are required from the bidders are as follows : Financial Capability : An audited financial statement showing an average turnover in the last three (03) years (2017, 2018, 2019) of at least equal to three times the amount of its offer. The Audited financial statement shall be duly signed by the Auditor with indication of the contact and address of the Audit Firm for purpose of verification if necessary. Experience and Technical Capacity : • The list of at least One (01) similar contract (Supply of Vehicles) executed during the last five (5) years (2015, 2016, 2017, 2018, and 2019) as main Supplier with a value equal to at least the amount of its Bid. For the purpose, the Bidder has to provide all relevant documents in particular the certificate of job execution (or completion) by the Client. The Contact address of the Client shall also be provided for verifications. • The Manufacturer’s Authorization or authorized Distributor: a bidder that does not manufacture or produce the proposed Vehicle shall submit the Manufacturer’s

Retrouvez toutes nos annonces

Note : Manufacturer or authorized distributor shall not Bid for the Tender for which they are providing their authorization. 5. Interested eligible Bidders may download the tender document through the link below : https://wappnorth.sharepoint.com/:f:/g/ElumChjFaBlApQsE-hIImccB23uW-2jHl0T81gGOSACDg?e=YWORXQ 6. After downloading the Tender Document, bidders must send an acknowledgement mail to : procurement@ecowas.int; sbangoura@ecowas.int; cdeh@ecowas.int; procurement@wappnorthcore.org, with the following subject: VEHICLES INFO, to allow their registration for information and notification purposes on the tender. The bidders are held responsible for not receiving any update on the tender if they do not send the acknowledgement mail. 7. Bids must be delivered electronically to the following email address not later than August 14th , 2020 at 11 :00 Abuja local time (10 am GMT+1) : procurement@ecowas.int; sbangoura@ecowas.int; cdeh@ecowas.int; procurement@wappnorthcore.org. Late Bids will be rejected. Bidders must submit their bids by email with exactly the following subject line: WAPP NORTH CORE VEHICLES. 8. Bids will be publicly opened via virtual meeting in presence of Bidders’ designated representatives and anyone who chooses to attend, on August 14th , 2020 at 11.30 am (10.30 am GMT+1). Before 11 :30 am, an invitation to join the video conference will be sent to all bidders who have submitted an offer. 9. All Bids must be accompanied by a Bid-Securing Declaration. Bids shall be valid for a period of 120 (days) after Bid Opening and the Bid Security must remain valid for 150 Days. 10. Attention is drawn to the Procurement Regulations requiring the Borrower to disclose information on the successful bidder’s beneficial ownership, as part of the Contract Award Notice, using the Beneficial Ownership Disclosure Form as included in the bidding document. Commissioner, General Administration and Conference

Présent dans plus de 30 pays africains Plus de 15 ans d’expertise Plus de 2 000 transactions par an

BÂTIMENTS GALVANISÉS EN KIT

depuis 2001

+ ROBUSTE + QUALITATIF + ABORDABLE

~1 000m²

34 105$*

1 Conteneur 40’OT

Dès 34$*/m²

I 27

0

48m

I 450

sur le site : www.jeuneafrique.com

APPEL D’OFFRES - DIVERS

3. Bidding will be conducted through international competitive procurement using a Request for Bids (RFB) as specified in the World Bank’s “Procurement Regulations for IPF Borrowers” July 2016 revised November 2017 and August 2018, (“Procurement Regulations”), and is open to all eligible Bidders as defined in the Procurement Regulations.

Authorization or authorized Distributor to demonstrate that it has been duly authorized by the manufacturer or authorized distributor of the Vehicle.

8m 20,6m

*Prix départ HT, voir site internet. Photos non contractuelles. Sauf erreur ou omissions.

00352 621 355 134 commercial@batimentsmoinschers.com 20 20 10 10 www.afrique.batimentsmoinschers.com

Tél : 00352

no3090 – JUILLET 2020

207


ANNONCES CLASSÉES

L’OHADA recrute ! L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) est une organisation panafricaine d’intégration juridique. Elle œuvre pour garantir la sécurité juridique et judiciaire des investisseurs et des entreprises dans ses dix-sept (17) États membres suivants : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Mali, Niger, République Démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo. Pour les besoins du fonctionnement de ses Institutions, l’OHADA recherche l’appui d’un Consultant / Cabinet pour l’assister dans le processus de recrutement de candidats (femmes ou hommes) hautement qualifiés pour les postes suivants : A. Secrétariat Permanent de l’OHADA Poste basé à Yaoundé (Cameroun) • un Directeur des Affaires Juridiques, de la Documentation et de la Communication. B. Cour Commune de Justice et d’Arbitrage Postes basés à Abidjan (Côte d’Ivoire) • un Juriste référendaire ; • un Chef de Service du Système d’Information.

DIVERS

C. École Régionale Supérieure de la Magistrature Poste basé à Porto-Novo (Bénin) • un Directeur Général. Pour plus d’informations sur les conditions de soumission de leurs manifestions d’intérêt, les Consultants / Cabinets désireux de participer à cet appel d’offres peuvent consulter les termes de référence de l’annonce sur www.ohada.org ou www.ohada.com.

APPEL A PROPOSITIONS : Plan directeur de développement du bassin fluvial de Gambie, Assistance technique et Revue du cadre légal, juridique et institutionnel de l’Organisation de Mise en valeur du fleuve Gambie

L’UN Capital Development Fund (UNCDF) a publié un appel à propositions dans le cadre de son appui aux pays et différentes communautés pour la promotion d’une coopération pacifique pour la gestion des ressources en eau et pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable. Pour plus d’informations et vous inscrire à notre liste de diffusion pour recevoir des notifications, veuillez consulter le lien suivant : https://uncdf.link/bluepeace Veuillez adresser vos demandes à l’adresse uncdf.procurement@uncdf.org en copiant BluePeace.eoi@uncdf.org Date limite prolongée au 1er août 2020 uncdf.org | linkedin.com/uncdf | twitter.com/uncdf | youtube.com/uncdf

Assemblage intelligent & rapide sur site

Supervision par un monteur Frisomat expérimenté

40 d’années d’expérience en Afrique

Cycle de construction court permettant la continuité des activités

Projets récents en Sénégal. *: 8.3%6: # "9$45:( +,5:' ! 1:.)/&2:75 ! *39.-4047

Frisomat Afrique | Tel: +32 3 353 33 99 | info@frisomat.africa | www.frisomat.africa 208

no3090 – JUILLET 2020


Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à courrier@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris

SPÉCIAL GEORGE FLOYD VISION FRANÇAISE

Cynisme et syllogisme sournois

À l’instar d’un célèbre polémiste, un certain nombre d’analystes en France, sous le couvert d’éclairages objectifs, ont offert une lecture assez trouble des dérives racistes de l’Amérique, au moment même où les Américains, en très grande majorité, semblent enfin décidés à affronter cette réalité hideuse de leur société. On va même jusqu’à évoquer le meurtre de George Floyd avec un cynisme qui fait froid dans le dos. On a ainsi mentionné le caractère non létal du knee-on-neck restraint (l’immobilisation genou sur le cou), la condition physique de Floyd, son passé judiciaire, comme pour le rendre responsable de sa propre mort. Ce qui pose question dans ces interventions, ce n’est pas seulement l’ignorance du contexte américain (références historiques hasardeuses, statistiques erronées, simplification à l’extrême des catégories sociales) ou la justification maladroite d’un meurtre assumé, mais l’absence totale d’empathie pour la demande de justice sociale [ainsi] engendrée. Cette gymnastique intellectuelle est indécente et dangereuse. Elle est indécente, parce qu’elle alimente une doxa qui veut que tout ce qui arrive aux Africains-Américains soit quelque part leur faute et que, par un syllogisme sournois, d’autres Noirs ailleurs peuvent aussi le subir. Elle est dangereuse, parce qu’elle accentue le sentiment chez les Noirs que leur souffrance ne sera jamais comprise. […] EL HADJI MALICK NDIAYE, PROFESSEUR ASSOCIÉ, UNIVERSITÉ DE SEATTLE, ÉTATS-UNIS

AFRIQUE

Des dirigeants atones

Que restera-t-il en Afrique du mouvement (presque) mondial (et peu africain) d’indignation que le meurtre de George Floyd a suscité ? Et pourquoi les dirigeants africains sont-ils aussi atones et aphones devant cette ignominie? Ils étaient presque tous « Charlie », mais aujourd’hui (presque) aucun ne serait « George Floyd », l’Africain-Américain ? L’Afrique a besoin de dirigeants décomplexés […] qui donnent à la jeunesse africaine et aux afrodescendants une représentation positive d’eux-mêmes. Une Afrique dont les dirigeants et la jeunesse ne se posent plus en victimes de l’Histoire, mais en sujets de leur propre histoire, pour reprendre les mots de Felwine Sarr. Car, un peu comme les Chinois aujourd’hui, les afrodescendants ne seront vraiment respectés que si l’Afrique est respectée, comme l’a si justement écrit le président du Ghana, Nana Akufo-Addo. Les non-Africains peuvent s’offrir le luxe d’être afro-optimistes ou afro-pessimistes. Les dirigeants africains se doivent d’être afro-déterminés, guéris de la haine de soi, de cette forme d’aliénation insidieuse que Frantz Fanon a caractérisée de « conscience aliénée » dans son ouvrage Peau noire, masques blancs ; guéris du mythe de l’expert occidental ou « sorcier blanc » qui détient LA réponse, du mythe que ce qui vient de l’Occident est toujours meilleur. […] LUC GNACADJA, ANCIEN MINISTRE BÉNINOIS DE L’ENVIRONNEMENT, DE L’HABITAT ET DE L’URBANISME

DOMINATION

Son corps est le nôtre

Cette image insoutenable d’un homme, George Floyd, qu’un policier assassine… « I can’t breathe », hurle-t-il. L’image de ce corps brisé, déshumanisé est celle de ces millions de corps opprimés au cours de l’histoire, corps des esclaves, corps asservis, mais plus encore elle est celle du corps contemporain, le nôtre, qui subit la violence, manifeste ou déguisée, du système. Le corps contemporain est confronté à la mise en place d’un système de domination qui allie, entre autres, le néolibéralisme économique, le nationalisme et la surveillance généralisée. La perversité

et le génie de ce système de domination tiennent au fait que, pour perdurer, celui-ci instrumentalise les corps dominés, qu’il sait manipuler en puisant dans les peurs, les rages et les fantasmes. Ainsi, les oligarques politiques fascisants s’associent aux oligarques économiques pour instaurer, avec le soutien des masses, une dystopie hypercapitaliste et sécuritaire. Cette lutte est sans fin. Le corps de George Floyd est le nôtre. Comme ceux des Palestiniens. Comme ceux de tous les opprimés. Ce système tolère la respiration de ceux qui se soumettent. […] UMAR TIMOL, ARTISTE MAURICIEN

Retrouvez la suite sur jeuneafrique.com no3090 – JUILLET 2020

209


Fawzia Zouari

Chronique d’un rapatriement

V

endredi 5 juin 2020, aéroport de Roissy - Charlesde-Gaulle, terminal 2. C’est de là qu’ils décollent, les rapatriés vers des destinations qui se comptent sur les doigts d’une main. Je fais partie des chanceux qui s’apprêtent à retourner en Tunisie après une rude bataille pour décrocher une place dans un vol et faire valider mon déplacement par les autorités consulaires à Paris. La file d’attente à l’enregistrement est interminable, mais personne ne proteste : c’est déjà bien de faire partie du voyage. Nous présentons les documents indispensables pour lesquels nous avons tant dépensé : 400 euros le billet aller simple, 26 euros le test de Covid-19 livré soixante-douze heures avant l’embarquement – imaginez la course entre le médecin agréé et le laboratoire (35 euros si vous disposez d’une couverture sociale) –, 250 euros environ la réservation de sept nuitées dans l’un des hôtels « assermentés » par le ministère tunisien de la Santé et dont la liste nous a été fournie elle aussi à la dernière minute. À présent, je vous laisse faire le calcul. Dans l’avion, le personnel navigant est en tenue de scaphandrier. Pas un verre d’eau à bord, pas un siège de libre, et le masque n’est pratiquement plus de mise. Nous atterrissons à l’aéroport de Tunis-Carthage deux heures plus tard. De nouveau la longue file des passagers, avant qu’un jeune homme vienne essuyer nos passeports avec

210

no3090 – JUILLET 2020

une éponge et du gel. Ce sont ensuite d’autres scaphandriers qui nous prennent la température, à distance. Puis, on nous achemine vers une sortie spéciale où attendent les bus affectés à notre transport dans les hôtels, pour notre première phase de confinement. Et là, deux heures d’attente dans des véhicules à l’arrêt, où nous sommes entassés comme des sardines, climatisation à fond ! Je me dis, ma fille, si tu dois attraper le virus, c’est ici et pas ailleurs. Je relève ainsi les premiers paradoxes de cette étrange politique tunisienne de lutte contre le coronavirus. D’un

LA CRISE SANITAIRE ME RÉVÈLE POUR LA PREMIÈRE FOIS LE VISAGE D’UNE TUNISIE MINÉE PAR LE REJET DE SES ENFANTS DE L’EXTÉRIEUR. côté, des mesures strictes et ostentatoires : confinement, quatorzaine, tests, etc. ; de l’autre, un laisser-aller déconcertant : aucune distanciation dans l’avion ni dans les autocars, un manque de surveillance dans les hôtels, d’où l’on peut sortir à sa guise, sans compter le flou autour d’une deuxième semaine de confinement supposée passée à domicile mais où, en réalité, vous êtes libre comme l’air, personne ne viendra vérifier. Le non-respect des mesures de sécurité

que je verrai par la suite dans les commerces, les salons de coiffure et les entreprises me laissera tout aussi perplexe. Je suis prête à croire à un « miracle tunisien » qui préserverait le pays du Covid-19: un peu plus d’un millier de malades déclarés malgré les défaillances…

Ostracisme

En route vers les hôtels, nos bus sont précédés par deux voitures de police – on hésiterait entre le cortège officiel et le convoi des condamnés. Cette escorte servirait, selon les uns, à dissuader tout arrivant réfractaire au confinement de s’échapper du véhicule, selon d’autres, à empêcher que les bus ne soient caillassés par des riverains persuadés de voir le virus débarquer en même temps que leurs compatriotes de l’étranger. Jusqu’ici, nous les « zimigrés », comme on nous appelle, étions plus ou moins tolérés, moqués ou critiqués. La Révolution a envoyé sur les sièges de l’Assemblée nationale une bande de députés hargneux et ignares dont les campagnes populistes n’hésitent pas à nous traiter de « bâtards » et de « vendus ». La crise sanitaire me révèle pour la première fois le visage d’une Tunisie minée plus généralement par le rejet de ses enfants de l’extérieur. À l’heure où le monde entier se soulève contre le racisme, j’ai envie de rappeler que ce mal peut avoir d’autres expressions, plus insidieuses, et qui s’appellent l’ostracisme, tout simplement. Désormais, il va falloir vivre avec dans mon pays.




Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.