Koreana - Spring 2013 (French)

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univers et qu’il ne parle pas un mot d’anglais. Alors que le couple Pangborn avait déjà onze enfants biologiques, il va en accueillir un douzième dans son foyer. Avec le temps, Dominic Pangborn est toujours plus reconnaissant envers ses parents adoptifs des efforts et soins qu’ils lui ont consacrés pour l’élever et deux ou trois fois par mois, il ne manque jamais d’aller voir sa mère adoptive qui est aujourd’hui âgée de quatrevingt-onze ans et habite encore la ville de Jackson. Plus difficile a été la transition, qu’il a vécue comme une dégringolade : « Du jour au lendemain, le garçon intelligent que j’étais est passé pour un idiot. Je ne savais ni lire, ni parler. Je ne comprenais rien. J’avais l’impression de n’être qu’un imbécile ». Il garde le souvenir cuisant de ce redoublement d’un semestre qui a été nécessaire en quatrième année. « Il me semblait que je régressais ». En y repensant aujourd’hui, il trouve qu’à quelque chose malheur est bon, car il a ainsi pu faire des progrès et obtenir de meilleures notes. C’est en classe de seconde qu’a eu lieu sa rencontre avec l’art. « J’ai appris que tout le monde sait dessiner ! Que tout le monde sait peindre ! » C’est dans cette même classe, évidemment, qu’il s’est découvert du talent. Quelques années plus tard, dans sa première année d’études à l’Académie des Beaux-Arts de Chicago, il s’apercevra 3 en outre que ses camarades américains ne ma trisent pas plus la langue anglaise que lui. « Je comprenais mieux qu’eux ce que disaient les professeurs ». Tout au long de sa carrière prodigieusement féconde, on lui a constamment demandé d’où il tirait son inspiration, ce à quoi il a toujours répondu que c’était de son pays. « Il faut savoir que dans les années cinquante, la misère régnait le plus souvent à la campagne, mais on y était heureux. Cela poussait à la création car on en est réduit là quand on n’a rien et qu’on ne peut pas aller acheter ceci ou cela dans les magasins. Quand j’étais petit, je me fabriquais des billes avec de l’argile ramassée au fond de la rivière. Je faisais aussi des lampes à pétrole pour ma mère. Je ressens plus d’émotion en me souvenant de cette époque que j’en avais en la vivant ».

Plus de cent flèches Soudain, Dominic Pangborn éteint la lumière et l’annexe de son immense studio est peu à peu plongée dans une semi-obscurité car les faibles rayons de soleil hivernaux qui s’infiltraient par les fenêtres situées tout en haut des murs disparaissent déjà, à cette heure où l’aprèsmidi cède la place au soir. Tout autour, les peintures commencent à briller. Des fleurs et papillons font leur apparition et, devant mon exclamation de surprise, mon interlocuteur part d’un éclat de rire enfantin. En découvrant ce lieu de travail, j’imagine sans peine le petit garçon fabriquant joyeusement ses billes avec l’argile de la rivière. Sur son visage, les années écoulées semblent s’être effacées, ses yeux étincellent de plus belle et une expression malicieuse éclaire ses traits. S’il est un fait certain, c’est que Dominic Pangborn est passionné par son travail. Voilà encore cinq ans, les beaux-arts représentaient pour lui un simple passe-temps, car il consacrait la plupart de son temps à la création. Cette activité allait par la suite connaître de grandes mutations avec la multiplication des maquettes de bricolage et des programmes informatiques et dès lors, Dominic Pangborn allait comprendre qu’il lui faudrait aussi évoluer. Pour ce qui est du succès de sa pein2

1. All Good Things (2010), 30 x 60 x 10 cm, Œuvre en 3D en aluminium et matériaux variés. Dominic Pangborn a réalisé lui-même, à l’aide de papier d’aluminium, les différents panneaux qui créent une illusion d’optique. 2-3. Les articles ménagers de Dominic Pangborn comprennent des services à thé modernes et traditionnels.

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