Koreana - Summer 2013 (French)

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tion a été faite au cours de ces années glorieuses ? Ces constructions sont-elles stables, durables, archi-durables ? La brillante communication que fait la Corée devra-t-elle s’arrêter, faute de contenu ?

de la réalité et ne suffit pas non plus, selon les visiteurs d’Asie du Sud-Est... C’est peut-être là que se trouve le «ET» de «grandeur et décadences».

Les vieux quartiers charmants des hanoks de Séoul ont été pour la plupart rasés (Pimatgol, Gwanghwamun, Hyoja-dong...), pendant que les musées fleurissaient (dont l’inénarrable musée des toilettes). La K-pop a été exportée et les grands noms de la musique du moment sont passés à Séoul (même Lady Gaga), mais les opéras se sont fait rares, au profit des «musicals». La part de marché de la musique étrangère ne progresse pas, et celle des cinémas étrangers (asiatique, puis américain et non américain) ne progresse pas, alors que la présence du cinéma coréen dans le monde recule. L’ONU n’aura plus de président coréen d’ici 3 ans, et les JO ne reviendront pas de sitôt (1988), ni la Coupe du monde de football (2002). Que se passera-t-il donc en 2015 ?

La Corée, si elle ne réagit pas, prépare sa décadence. L’internationalisation réussie en superficie (panneaux indicateurs en anglais, sites en anglais - où n’appara t qu’une information parcellaire -, les mots «global» et «international» répétés à l’infini partout) amènera rapidement à un face-à-face avec la réalité.

Si la forme progresse, le fond, lui donc, dispara t. Mais dans un certain temps, il ne sera plus possible de communiquer brillamment sur une réalité disparue… On est aussi en droit de se demander si, suite au scandale international qu’a causé la publication des photos des 20 candidates au concours national de beauté, toutes quasiment identiques à force de chirurgie esthétique, le modèle de beauté coréen ne tendra pas aussi à s’évanouir.

La réalité d’un pays qui est très en retard sur l’égalité hommes-femmes (salaires, conditions de vie), où le patriotisme aigu peut facilement dériver (mentions comme la «supériorité de la culture coréenne» aperçues dans des journaux nationaux comme le Chosun Ilbo et inacceptables dans une démocratie). Une réalité somme toute un peu choquante pour un pays qui se veut «leader mondial de la culture» ; et où l’alcool reste une excuse pour réduire une peine de prison ; un pays qui affiche un taux record de suicides par nombre d’habitants depuis quelques années seulement, car il ne communiquait pas les chiffres auparavant... Une réalité que les Coréens eux-mêmes ne connaissent que très peu d’ailleurs !

Et nous pouvons du coup douter que le reste du monde continue à danser le Gangnam style ou un autre style venu de la Péninsule. Si l’on reste simplement concentré sur le monde de la culture, et que l’on évite donc les autres futurs écueils locaux, tels le marché de l’immobilier ou l’industrie du «Green», quelles sont les actions entreprises par le KCTO (Korea Culture & Tourism Office), par la Ville de Séoul et d’autres institutions pour continuer à porter haut le flambeau de la Corée ?

La distance entre la communication (exceptionnelle) de la Corée et la réalité est en train de se matérialiser ; le système adopté jusqu’à présent, très confucéen, où le discours (la théorie) a plus de valeur que la réalité, ne peut plus durer dans un contexte international. Et pour progresser, l’autocritique deviendra peut-être nécessaire… Le choix de l’internationalisation signifie autocritique, ce qui remet en cause le degré de préparation de la Corée à une époque de «post-Grandeur» : les temps modernes. Si le discours ne suffit plus, qu’y aura-t-il ?

La communication, cette promotion d’une image d'Epinal de la Corée, d’un pays calme, harmonieux où se ressourcer, cette identification de Séoul à l’âme de l’Asie (Soul of Asia), ne suffisent pas. Et dans l’audiovisuel, le romantisme quotidien effréné, véhiculé par les acteurs androgynes des «dramas» coréens, est très différent

Pour éviter une décadence douloureuse, il est essentiel que la Corée se concentre sur ses contenus, sur son identité, sans la nier ni la façonner, quitte à faire appel à des étrangers y résidant, qui auront par la force des choses une vision internationale. L’ouverture ne peut que passer par l’ouverture des esprits.

Koreana ı Été 2013

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