Koreana Spring 2008 (French)

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BEAUTES DE COREE

L'etui alunettes

1

D

eux longues branches minces, une paire de verres cor-

reduites, qu'elles suspendaient

recteurs et de jolies plaquettes reposant sur le nez com-

decoratif.

posent ces indispensables lunettes de vue qui revelent taut

alentour

a des yeux

deficients .. ..

Al 'image

de ses elements,

a leur

parure dans un but

Pour la plupart de forme arrondie ou ovale et de surface plate, ces etuis d'antan

acouvercle se composaient de materiaux aussi

l 'ensemble est d'un encombrement faible et d'une conception

legers que resistants, tels que paulawnia ou papier traditionnel

delicate qui exigent certaines precautions d'emploi, notamment

sur leur face interne, l'enveloppe se couvrant quant

par son rangement dans un etui evitant taute rupture.

peau de requin, cuir ou tissu parfois agrementes d'ornements

Si l'on ne peut dater avec precision l'introduction de cet accessoire en Coree, les chroniques historiques permettent de la situer

a l' epoque des invasions japonaises de 1592 a 1598.

a elle

de

precieu x. Enfin, sur leurs parois laterales figuraient souvent des broderies representant,

a raison

d ' une dizaine de motifs

Adoptees par de rares membres de la noblesse, les lunettes

differents, tant6t des d'animaux, tant6t des elements naturels tels

faisaient figure d' objets des plus extravagants dont les porteurs

que soleil, pierre, vagues et nuages, mais egalement les symboles

eux-memes se sentaient honteux au point de les dissimuler dans

de longevite du bambou et du pin vert en taute saison, ou encore

leurs poches, tandis que par la suite, leur usage plus repandu, car

les emblemes sacres orientaux des tortue, grue, cerf et herbe de

assimile aux pratiques d'une elite sociale, en fit au contraire un

jouvence, ainsi que la fleur de prunellier, image d'un esprit aussi

motif de fierte, dans leur etui desormais fixe bien en evidence

ala

ceinture. Les femmes en appreciaient les modeles de dimensions

noble qu'inflexible, car faisant son apparition dans la froidure, aux premiers jours du printemps. llll Pri nte m ps 2008 1 Ko reana 3


Koreana Arts et Culture de Coree

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Vol. 9, N ' 1 Printemp s 2008

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Renouveau de la medecine traditionnelle coreenne 8

Fondements theoriques de la medecine traditionnelle coreenne · Shin Joon-shik

14 Trois grandes therapies trad itionnell es coreennes Ko Changnam

24

La medecine traditionnelle coreenne d' aujourd'hui Chae Yoon-jung

a des

tres divers


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DOSSIERS

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Des celadons de Goryeo enfin au grand jour apres neuf siecles Moon Whan-suk

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ENTRETIEN

Choi Man-lin, ou la simplicite de formes englobant l'univers

I ChoiTae-rnan

EDITEUR Yim Sung-joon DIRECTEUR DE LA REDACTION Park Joon K. REDACTRICE EN CHEF Park Jeong -yeop PHOTO DIRECTEUR Kwon Tae-kyun DIRECTEUR ARTISTIOUE Kirn Ji-yeon DESIGNER Kwon Sook-young

REDACTEUR EN CHEF ADJOINT Park Ok -soon.

44

Heo Jae-hoon, Yi Jun-sung

ARTISAN

Chaque point campte pour Kirn Hae-ja I

COMITE DE REDACTION Cho Sung-taek. Han Kyung-koo . Han Myung -hee,

Lee MinYoung

· Jung Joong-hun. Kirn Hwa-young, Kirn Moon-hwan, Kirn Young-na

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I Han Kyong-seok

ESCAPADE

Jeonju : entre contes et vieilles maisons aux jolis toits I

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SUR LA SCENE INTERNATIONALE Nah Youn-sun

De retentissantes Vibrations musicales

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LirnYoungju

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Chroniqueur des emotions coreennes I

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CUISINE

Des bouillies de riz dietetiques aux ormeaux et pignons I

PaikJae-eun Koreana su r Internet

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« Regards de nuit »

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REGARD EXTERIEUR 1

VIE QUOTIDIENNE

Passion des animaux de compagnie I

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© Fondation de Coree 2008 Tous droits reserves. Toute reproduction integrale, ou partielle, faite par quelque procede que ce soit sans le consentement de la Fondation de Coree. est illicite.

ThornasPourcelot

Les opinions exprimees sont celles des auteurs et ne refll2tent pas necessairement celles des editeurs de Koreana ou de la Fondation de Coree.

Ryu Min

APER(:U DE LA LITTERATURE COREENNE Park Min-gyu

Une satire caustique et empreinte de maturite

I LeeMyoung-won

NO rm e CO re en ne I Traduction : Kirn Jeong-yeon et Suzanne Salinas

Koreana, revue trimestrielle enregistree aupres du Ministl2re de la Culture et du Tourisme [Autorisation n° Ba -1 033 du 8 aoOt 1987). est aussi publiE!e en chinois, anglais. espagnol, arabe , russe. japonais et allemand.


Renouveau de la medecine trad,ition nel le coreenne Aujourd'hui encore, les Coreens recourent frequemment traditionnelle qui est parfois per9ue

a une medecine

a l'etranger, par meconnaissance de ses

specificites, comme tres analogue, voire identique, a son ancetre chinoise.

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En outre, les therapeutiques orientales prenant toujours plus d'essor en tant que

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moyens de traitement paralleles , il importe de remonter aux sources de celles de la Coree afin de decouvrir en quoi elles se distinguent de leurs equivalents chinois, mais aussi de passer en revue ses cliniques et centres medicaux actuels en s'interessant

a leurs capacites d'integration aux dispositifs sanitaires de demain.

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Specimens de plantes sauvages entrant dans la composition de phytomedicaments. Musee Sancheong de phytotherapie.

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Fondements theoriques de

la medecine traditionnelle , coreenne Depuis qu'ils habitent la peninsule coreenne, les hommes n'ont cesse de perfectionner leurs connaissances medicales et cette longue evolution, en s'enrichissant d'echanges avec les nations voisines, allait aboutir, des le XVlle siecle, exposees dans un traite s'intitulant

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a la constitution d'un ensemble de pratiques specifiques

Donguibogam

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(Exemple de medecine coreenne).

Shin Joon-shik Directeur general de l' HĂśpital de medecine orientale Jaseng Seo Heun-kang Photographe

Emplaceme nt des points d'acupuncture situes sur le trajet de la circulati on d'energie vitale.


a medecine traditionnelle coreenne, dont les progres ont accompagne toute l' evolution du pays, represente le fruit d'un savoir collectif, car si les Coreens anciens apprirent beaucoup de pays proches tels que la Chine, ils surent s'affranchir de ses pratiques propres pour se doter de moyens mieux adaptes a leur mode de vie et morphologies specifiques.

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Naissance d'une science Depuis qu'ils habitent la peninsule coreenne, les hommes n' ont cesse de perfectionner leurs connaissances medicales, en premier lieu dans le domaine des methodes curatives telles que le traitement des blessures ou le massage sedatif, ainsi que de l'hygiene alimentaire. Confrontes a une nature alors toute puissante, ils voueront a la medecine un culte reposant sur des rites et croyances de type animiste dont l'evolution allait deboucher sur le chamanisme, qui, en reaffirmant l'omnipresence des principes spirituels chez tous les etres, faisait attribuer les maladies corporelles a l' emprise exercee par des esprits malefiques et subordonnait leur guerison a l'intervention d'une sorte de pretre. L' existence de pratiques anciennes se manifeste, sous forme de prescriptions d'ail et d'armoise, dans la mythologie coreenne de Dangun, dont font mention diverses chroniques historiques

telles ces « Souvenirs des Trois Royaumes » (Samgungnyusa) datant du royaume de Goryeo (918-1392). Dans ce mythe fondateur de la Joseon ancienne (2333-108 av. J.-C.), ancetre de la nation coreenne, une ourse et un tigre ayant implore les dieux de les faire renaitre sous forme humaine, ne se nourrirent des lors que d'armoise et d'ail. Ces ecrits permettent de constater que les Coreens anciens connaissaient d' ores et deja les vertus medicinales de ces plantes, dont ne fait pourtant aucune mention « Shen Nong Ben Cao Jing » (Pharmacopee de l'agriculteti.r divin), la premiere revue medicale chinoise editee sous la Dynastie des Han posterieurs (26-221 apr. J.-C.), puis celles des Trois Royaumes chinois (220280 apr. J.-C.), et dans laquelle se trouvaient repertoriees pas moins de trois cent soixante-cinq preparations, cette omission semblant corroborer l'hypothese d' evolutions propres a la medecine traditionnelle coreenne. A l'epoque des Trois Royaumes coreens (57 av. J.-C.-935 ap. J.-C.), 1a prosperite du commerce exterieur allait s'accompagner d'un apport d'influences etrangeres dans les domaines culturel et medical, en particulier, pour ce dernier, de connaissances chinoises et indiennes venant enrichir de leur diversite les pratiques traditionnelles heritees de la Joseon ancienne. L'assimilation du savoir issu de ces

3

10 Koreana I Printemps 2008

pays allait se poursuivre sous le Royaume de Silla Unifie (676-935 apr. J.C.) pour aboutir a la formation d'une medecine specifiquement coreenne a l'epoque de celui de Goryeo (918-1392 apr. J.-C.) , qui se dota en outre de nombreuses substances pharmaceutiques en provenance de la Chine des Song (9601279 apr. J.-C.) ainsi que d'autres introduites par les marchands arabes, autant de contributions decisives a l'acquisition de connaissances dans ce domaine. Un merveilleux savoir C'est sous le regne des souverains de Goryeo que le pays jettera les fondements de sa propre medecine afin de pallier les insuffisances de son evolution en Chine dans les premiers temps de la dynastie des Yuan (1271-1368), ainsi que le declin correspondant des echanges bilateraux, par la mise en place d'un ensemble de pratiques bien adaptees aux particularites du pays, dont attestent les multiples parutions scientifiques d'alors, notamment les revues « Jejungiphyobang » (Initiation a la medecine a l'intention du grand public), « Eouihwallyobang » (Traite condense des connaissances medicales), et « Hyangyakgugeupbang » (Guide de medecine et des premiers secours). Ces publications exposaient des connaissances medicales provenant des dynasties chinoises des Song et Yuan, ainsi que d'autres origines, mais apportaient


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Gravure ancienne represe ntant les relations entre circ ulation d'energie et organes vitaux du corps hum ain . Pilon et mortier de porce lain e se rvant broyer des substan ces destin ees la prepara tion de phytomedicame nts. Coffrets dans lesquels sont ent reposees les aigu illes d'acupuncture employees da ns la medecine traditionnelle co reenn e. Au Musee Sa ncheong de phytotherapie, le visiteur decouvre l'histoi re de la medec ine traditionn elle coree nne et certains de ses traitem ents.

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aussi des informations sur les recherches approfondies que realisait la Coree pour se doter de ses propres substances medicinales, tout en revelant !es progres decisifs accomplis par Ja medecine traditionnelle depuis Ja Joseon ancienne. Cette science qui s'etait constituee dans !es derniers temps du Royaume de Goryeo allait conserver toute sa specificite jusqu'a Ja Dynastie Joseon (1392-1910), notamment gräce a Ja creation de Ja premiere formation d'infirmieres sous le regne du roi Taejong (r. 1400-1418), puis, sous celui de Sejong (r. 1418-1450), par l'adoption de mesures visant a promouvoir l'emploi de differentes substances d'origine nationale, Ja revue « Hyangyakjipseongbang » (Traite condense de medecine

coreenne) se faisant systematiquement l' echo de telles avancees. En outre, par le biais de ses constants echanges avec la Chine, Ja Coree allait en integrer !es connaissances medicales a ses propres pratiques et atteindre a cet effet des resultats dont fit etat Ja revue « Uibangyuchwi » ( Classification des arts medicaux). Le pays allait aussi diffuser differentes publications medicales editees dans Ja Chine des Ming (13681644), ainsi que des textes scientifiques sur Ja base desquels allait etre etabli le compte rendu detaille d'experiences cliniques. A la fin de la premiere moitie de la Dynastie Joseon, Je traite dit « Donguibogam », ouvrage capital en medecine orientale, fut redige par un expert de Printemps 2008 1 Koreana 11


Extraits du ÂŤ Donguibogam Âť. l'important tra ite medical que redigea Heo Jun en 1610, la finde la premiere moitie de la Dynastie Joseon.

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12 Koreana I Printemps 2008


Le traite dit « Donguibogam », ouvrage capital en medecine orientale, tut redige par Heo Jun (1539-1615), un expert de cette discipline qui vecut pendant la seconde periode de la dynastie Joseon.

cette discipline nomme Heo Jun (15391615). Cet ouvrage qui fournit une presentation condensee de la medecine orientale, en se centrant plus particulierement sur sa variante coreenne, suivie du traite a proprement parler, qui rapporte de maniere systematique des notions transmises d'une generation a l'autre, beneficia d'une large diffusion non seulement en Coree, mais aussi en Chine et au Japon. Aujourd'hui encore, il constitue une veritable mine d'informations dans cette discipline. En ce XIX' siede oll la Dynastie Joseon entrait dans son ultime etape, la medecine coreenne adopta une demarche plus fonctionnelle suite a l'avenement d'ecoles de pensee positivistes s' employant a subdiviser et specialiser les domaines de connaissances, une entreprise qui, dans la vie de tous les jours, allait se traduire par la mise au point de moyens therapeutiques d'un emploi simple et pratique en vue d'un meilleur bien-etre de la population. C'est a cette epoque que Yi Jema corn;:ut sa theorie inedite de la medecine constitutionnelle, aussi dite des « quatre constitutions physiques », qui apportait l'illustration parfaite des particularites coreennes en medecine traditionnelle par une originale typologie humaine selon quatre morphologies. Tandis que toute therapeutique reposait jusqu'alors sur l' equilibre du yin et du yang associe aux cinq elements constitutifs de l'univers, des traitements par la chaleur et le froid etant respectivement prescrits pour les temperaments gouvernes par le premier ou le second de ces principes, la decouverte de Yi Jema allait lui ouvrir

de nouveaux horizons par cette classification des types morphologiques, mais aussi par le diagnostic des affections et la prescription de soins adequats. Une medecine d'avenir La medecine traditionnelle coreenne traversera une periode defavorable sous l' effet conjugue de l'irruption de la medecine occidentale et de la colonisation japonaise (1910-1945), l'acharnement de l'occupant a etouffer toute manifestation de l'identite coreenne, notamment dans le domaine medical, ouvrant une parenthese de quarante annees dans la recherche et le developpement scientifiques. Quand la liberation du pays met fin a cette longue oppression, celui-ci, des 1951, vote une legislation sur !es traitements medicaux instaurant un dispositif soutenu par l'Etat et les administres qui donnera un nouvel elan a la medecine traditionnelle dans les annees soixantedix, notamment par la revalorisation de methodes telles que l'acupuncture pratiquee au sein des cliniques et par la realisation d'une grande variete de recherches scientifiques dans ce domaine. Consciente du regain d'interet que suscite la medecine traditionnelle dans le monde, l'Organisation Mondiale de la Sante apportera son soutien aux etudes que menent de nombreux pays en vue d'adopter une normalisation commune des traitements d'acupuncture et c'est ainsi qu'en 1987, aura lieu en Coree une conference internationale visant a realiser cet objectif dans l'ensemble de la medecine traditionnelle.

A l'echelle nationale, c'est dans ce meme but que les pouvoirs publics creent l'Institut coreen de medecine orientale des 1994, dotant ainsi le pays d'un cadre institutionnel qui assure egalement un soutien aux etudes en la matiere et, aujourd'hui, ce sont ainsi onze unites de recherche universitaires qui travaillent a elargir le champ d'application de ces pratiques medicales et a en developper la methodologie. Si d'aucuns reprochent a la medecine traditionnelle coreenne sa demarche empirique et son attachement a ses origines chinoises, tandis que d'autres y voient plus un ensemble de traitements d'appoint qu'une science a part entiere, il n'en demeure pas moins que la medecine occidentale, en depit des innombrables progres qu'elle accomplit d'annee en annee, ne se trouve pas en mesure d'apporter une reponse a toutes les pathologies, notamment celles qui resultent des negligences de l'homme a l'encontre de son environnement, et que les effets secondaires de ses substances chimiques, y compris celles des medicaments de synthese, posent aujourd'hui encore de graves problemes tels que celui des superbacteries resistant aux antibiotiq4es. A l'heure Oll, partout dans le monde, on s'accorde toujours plus a feconnaitre le besoin d'une nouvelle approche de la vie et de la sante, ainsi que les limites inherentes a la medecine occidentale, la Coree nourrit toujours plus l' espoir de voir un jour sa medecine traditionnelle jouer un röle accru dans ce domaine. A cet effet, il conviendrait que le pays intensifie ses activites de recherche, sur les plans tant qualitatif que quantitatif, seule une politique audacieuse d' experimentation ponderee par de rigoureuses analyses critiques etant susceptible d' elever cette medecine au rang des plus grandes sciences developpees au profit de l'humanite. ~ Pri ntemps 2008 1 Koreana

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es principales therapies traditionnelles se composent en Coree de l'acupuncture, de la moxibustion et de la phytotherapie qui representent l'aboutissement d'une recherche alliant la medecine aux sciences naturelles, tout en s'appuyant aussi sur la philosophie Orientale. Ces methodes a l' efficacite averee, que leurs adeptes preconisent d'appliquer successivement, dans l'ordre ou elles sont mentionnees, peuvent etre prescrites separement ou en association dans le cadre d'un traitement, en fonction de l' etat general et des affections du sujet.

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Principes de l'acupuncture Une bonne comprehension de l'acupuncture exige d'en connaitre les notions de points et de meridiens, lesquels sont relies a cinq organes et six visceres clont le fonctionnement harmonieux dans un organisme sain se trouve perturbe lorsque surviennent affections physiques ou maladies, leur regulation etant assuree par l'energie vi-

tale qui circule dans le corps de la tete aux pieds, ainsi que, lateralement, de la poitrine vers les bras, par des canaux specifiques appeles meridiens. Sur l' ensemble de leur trajet dans le corps, se situent trois cent soixante-cinq points sur lesquels il est possible d'agir, selon les techniques coreennes, au moyen d'aiguilles en metaux precieux comme l'or, l'argent ou le platine, qui sont tantöt inserees sous la peau, tantöt appliquees a sa surface pour stimuler les tissus et faciliter ainsi la guerison ou assurer le maintien d'un bon etat de sante. En cas de maladie interrompant la circulation d' energie suivant le trace des meridiens, plusieurs seances d'acupuncture permettront en effet d'apporter soulagement et retablissement a la personne souffrante, tandis que des douleurs localisees pourront etre apaisees par la pose d'aiguilles aux points correspondant qu'auront reveles les examens et diagnostics generaux. Lors de ce traitement, le patient pourra etre place en position differente, a savoir

Les tra itements d'acupuncture consistent poser des aiguilles en certains des 365 point~ que campte le corps huma in afin d'y favoriser La circulation d'energie vitale dite « gi ». En acupuncture, affections et douleurs sont eradiquees en stimulant circulation, organes et flux d'energie corporels.

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Achaque sujet ou pathologie correspondent differents types d'aiguilles d'acupuncture.

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Koreana

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Printemps 2008


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Printemps 2008 1 K reana

17


allonge sur le dos, le ventre ou le cรถte, ou encore assis sur une chaise, le dos droit et penche lateralement, en regardant soit devant lui, menton reposant sur les mains, soit vers le haut. Le choix de la posture et des points d ' acupuncture adequats est lie aux methodes de traitement convenant a la nature de l' affection et portant pour la plupart sur la partie atteinte du corps, mais pouvant aussi s'etendre a celles qui semblent intactes, voire sans lien avec le trouble en question, car il importe avant tout de restaurer le flu x d'energie. L'intensite des douleurs pourra exiger la regularite du traitement ou son association a des therapies corporelles ou a la

18 Koreana I Printemps 2008

phytotherapie. L'acupuncture a d'ores et deja demontre ses vertus dans des contextes tres divers qui vont du traitement de pathologies au diagnostic de troubles physiques, en passant par les therapies preventives ou curatives dans des specialites aussi variees que la medecine interne, la gynecologie, la pediatrie, la psychiatrie, la chirurgie, l' ophthalmologie, l'oto-rhino-laryngologie et la dermatologie. Elle se caracterise en outre par sa rapidite d'action lui conferant un caractere particulierement economique, ainsi que par la simplicite de sa mise en ceuvre asse z peu douloureuse et depourvue d' effets secondaires.


Dans la moxibustion, la combustion d'armoise au contact de la peau fournit chaleur et stimulat ion propices la guerison.

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L'armoise employe e en moxibustion sub it un important affinage pour produ ire les no mb reuses substances proposees par pharmac iens et au tres detaillants.

2

Specificite des techniques En vue d'atteindre une efficacite therapeutique optimale, tout medecin acupuncteur doit se poser quatre importantes questions, a savoir s'il s'agit de soigner une maladie ou un patient, de recourir a un traitement topique ou holistique, de privilegier Ja recherche de Ja cause ou l'attenuation des sympt6mes et enfin de remedier a une defaillance ou d' eliminer !' energie negative. Il importe egalement d' operer avec rigueur, selon l'etat du patient, Ja localisation des points d'acupuncture et Ja selection des aiguilles, qui dans leurs modeles !es plus courants, peuvent avoir Ja finesse d'un cheveu et penetrer ainsi d'autant moins douloureusement, apres quoi Je praticien, tant6t Ja tapotera comme une petite pointe, tant6t Ja fera pivoter pour stimuler une plus !arge surface. Certains procedes consistent a prelever une infime quantite de sang a l'aide d'aiguilles, a deposer sur Ja peau des plaquettes de ceramique permettant de stimuler !es parties endolories ou a

chauffer !es aiguilles avant l'insertion et !' extraction. Unique en son genre, l'acupuncture traditionnelle coreenne peut etre des types dits constitutionnel, a une seule aiguille, de l'aquapuncture ou de« saam », cette derniere tirant sa specificite du soulagement des douleurs corporelles par l'insertion, au seul niveau du bras, de Ja pointe du coude, de Ja jambe et du bas du genou, d'aiguilles qui se manipulent a la main pour agir sur la circulation d' energie et diagnostiquer l' etat du patient. Cette methode est particulierement appreciee pour le soulagement immediat qu' eile apporte. Quant a l'acupuncture constitutionnelle, eile fait appel a une typologie des sujets selon les quatre morphologies du « taeyang », « taeeum », « soyang » et « soeum » c'est-a-dire, respectivement, le grand yang, le grand yin, le petit yang et le petit yin, ces constitutions, ainsi que leurs affections propres, determinant le choix d'une methode de traitement adequate. Quant a Ja troisieme technique, eile consiste a introduire une

seule aiguille dans la partie affectee. Par ailleurs, il convient de mentionner le procede d'aquapuncture, selon lequel une solution de plantes medicinales est injectee aux points d'insertion des aiguilles au moyen d'une seringue et qui fournit ainsi un double traitement apportant des bienfaits immediats dans des pathologies tres variees puisqu'elle est efficace en une minute, d'ou son succes considerable en Coree. A cet egard, !es avancees scientifiques ont d'ores et deja permis d'imposer des normes pour la production de ces substances medicinales selon certains criteres de densite et d'acidite, ainsi que pour la sterilisation de toutes les aiguilles et seringues d'acupuncture.

La moxibustion Moins repandue que l'acupuncture, la moxibustion consiste a faire brüler de l'armoise au contact de parties endolories afin de soulager celles-ci sous l' effet d'une stimulation thermique et de l'infiltration de la poudre. Remontant a l'aube de l'humanite, ou agregats de Printemps 2008 1 Koreana

19


brindilles et d'herbes etaient employes aux memes fins, cette technique allait par la suite surtout faire appel a l'armoise, comme en fait etat le plus ancien traite de medecine chinoise intitule « Huangdi Neijing » (Canon interne de l'Empereur jaune), qui, sous la Dynastie des Han (III' siede av. J.-C.-III' siede apr. J.-C.), evoquait un « traitement aux aiguilles et a l'armoise ». Lors de la recolte annuelle qui se deroule des mois de mars a mai, on rassemble et fait secher au soleil l'armoise frakhement coupee, y compris ses fortes tiges, avant de la piler daris un mortier, puis on crible J'amalgame ainsi obtenu a pJusieurs reprises afin d' en retirer residus de tiges ou corps etrangers

la fievre tout en produisant de la chaleur. Dans sa variante dite directe, le cöne vegetal repose sur sa base en se con sumant au contact de Ja peau, tandis que selon le procede indirect, celle-ci est au prealable enduite d'une substance telle que päte de soja, gingembre, ail, argile jaune ou sei. II convient d'etre attentif au processus de Ja combustion pour eviter toute bnllure cutanee chez le patient en cas d'assoupissement ou de perte de la sensibilite, ainsi qu'a sa temperature, qui, meme si l'operation est realisee indirectement, peut provoq uer la formation d'ampoules, et, lorsqu'elle est directe, ne doit jamais s' effectuer sur le visage ou Je ventre d'une femme enceinte, ainsi que sur des sujets enrhumes. La phytotherapie orientale

poudre d'armoise qui s'en degage a des fins therapeutiques, notamment pour stimuler Ja circulation du sang et le metabolisme, eliminer la composante negative de l' energie et en intensifier la contrepartie positive, mais aussi reduire

Se distinguant de Ja pratique occidentale par J'irnportance de la symptomatologie et la prescription de traitements individuaJises, Ja medecine traditionnelle coreenne fut a ses debuts qualifiee de « medecine des symptömes », puisque sa therapeutique reposait sur J'examen et l'evaluation des morphologies et signes exterieurs de la maladie, le

En Orient, La medecine traditionnelle repose sur le principe d'equilibre harmonieux du corps, dont le maintien conditionne La sante et qu'il taut donc retablir, lorsqu'il est rompu par l'apparition de maladies ou douleurs, par un processus diagnostique et therapeutique complexe fonde sur l'interdependance des organes internes et des systemes corporels.

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De puis des temps anciens, le ginseng est particulierement ap precie des Coreens pour ses effets exceptionnels sur le tonus, le systeme immunitaire, la digestion et l'equilibre nerveu x. La preparation des medicam ents traditionnels exige la plus grande precisi on afin d'en optimiser l'efficacite.

praticien devant aussi connaitre le terrain particulier des patients, par exemple une predispasitian aux etats grippaux au un exces de transpiratian. Les sympt6mes pris en campte sant au nambre de huit et se repartissent en quatre paires de caracteristiques chaudes au fraides, deficientes au suffisantes, grandes au petites, de type yin au yang. En se fondant sur cette typalagie, le praticien traditiannel entreprendra le diagnastic canduisant au traitement adequat, et ce, meme si le patient presente des sympt6mes cammunement assacies a des troubles bien connus. Afin de decider de la therapie la plus adaptee

a chaque cas, il lui faudra aussi verifier taute presence eventuelle d'energie negative dans l'arganisme atteint, mais aussi identifier certaines caracteristiques relatives a la marphalagie du patient, sa physianamie, sa persannalite et san made devie. En phytatherapie, la medicatian retenue par le medecin prescripteur dependra de l' effet particulier recherche, alliance de ceux des differentes substances qui entrent dans sa compasitian, a l'image du ginseng, qui produit de la chaleur, stimule la circulatian d'energie corparelle, saulage la fatigue, renforce le systeme immunitaire, apaise l'anxiete,

Prin temps 2008

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facilite la digestion et desaltere. Il est d'usage de repartir ces elements constitutifs de la pharmacopee en quatre categories selon qu'ils sont chauds, doux, rafraichissants ou froids et en cinq autres relatives a leur gout qui peut etre acide, amer, sucre, epice ou sale. Tandis que la medecine occidentale attribue des fonctions superieures aux substances actives des medicaments, la phytotherapie coreenne considere que ceux-ci tirent leur efficacite de l'association optimale de substances isolees, mais lorsque celle-ci s' avere insuffisante a eile seule, elle pourra se completer d'une therapie occidentale afin de creer un effet de synergie, ce procede appartenant de longue date a la pratique courante tant en Coree qu'au Japon, ou il connait actuellement un grand succes.

Commercialisation des phytomedicarnents En raison de leur composition naturelle, les phytomedicaments se presentent sous des formes tres diverses obtenues notamment par decoction, c' est-a-dire en faisant bouillir les substances pour en reserver l'eau de cuisson, que l'on administrera aux grands malades, mais aussi par pulverisation d'elements secs que l'on agglomerera a l'aide d'un liant tel que la farine ou le miel, ou encore par compression en pastilles rondes pour en faciliter l'usage et le transport. Souvent preconisee pour les affections des jeunes enfants, la distillation consiste en une evaporation reglee realisee par la cuisson a l'eau de substances medicinales. C' est egalement par ce mode de cuisson que s' obtiennent les

concentres, mais en eliminant l' eau par evaporation pour ne laisser que les extraits a lyophiliser. Enfin, la guerison des troubles dermatologiques et furoncles est possible gräce a l'application de cataplasmes adhesifs enrobes de substances en poudre sur les parties a traiter. Aujourd'hui, la fabrication et la commercialisation des phytomedicaments mettent en reuvre des procedes analogues a ceux de la pharmacopee occidentale en vue d'une plus grande simplicite d' emploi par les consommateurs, notamment sous forme de gelules aux plantes pour enfants, solutions, cataplasmes pour douleurs articulatoires et musculaires, baumes, pommades dermatologiq ues et vaporisateurs pour maux de gorge et nez bouche, suppositoires contre les maladies feminines. lll

Souve nt destine es au traitem ent de path olo gies graves , les decocti ons vegeta les s¡obtiennent en

a

po rtant ebullition une so luti on d' eau et de sub.sta nces medici nales dont on conservera les extrai ts.

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The au piment rouge Particulierement recommandee aux personnes souffrant d'affaiblissement ou sujettes a des rhumes au changement de saison, cette preparation recourt a l'un des principaux ingredients qu'emploie la gastronomie coreenne saus forme de« kimchi », dont la forte teneur en capsa"i'cine lui confere de remarquables vertus dietetiques et anticancereuses, ainsi qu'une action contre la fatigue par la stimulation du metabolisme. Bien adapte a la suppression des frissons feminins en raison de ses effets sur la circulation du sang, il se caracterise par sa richesse en glucose, ainsi qu'en vitamines A et C. D'une saveur plus legere lorsqu'il se prend en the, le piment rouge s'avere meme etonnamment agreable au goüt.

The

al'omija

Cette boisson a pour principal ingredient I' « omija », un fruit dit « aux cinq saveurs » (Maximowiczia chinesis) puisqu'il possede taut a la fois un goüt (« omi ») sucre, acidule, sale, piquant et aigre. Riche en acides malique et tartrique, qui sont a l'origine de la vive acidite la caracterisant, cette plante offre surtout des emplois medicinaux notamment dans les pratiques traditionnelles, ou eile participe de l'entretien des fonctions hepatiques et renales. Ses proprietes pharmacologiques aident a fortifier le cceur et garder en bon etat la vesicule biliaire, de meme que l'estomac, mais se revelent taut aussi efficaces pour lutter contre les staphylocoques, le virus de la grippe, ainsi que les bacteries responsables de l'anthrax, de la grippe, de la dysenterie et du Cholera.

The

al'opuntia

Confectionne a l'a ide d'une plante de la famil le des cactacees connue en langue coreenne saus le nom de « cactus de cent ans » ou « de palme », puisqu'elle permettrait a ceux qui la consomment de vivre centenaires, et presente en abondance sur 1'11e de Jejudo, ou on la trouve a l'etat sauvage, ce breuvage comporte une haute teneur en flavono"fdes, ces antioxydants qui ralentissent le vieillissement et combattent les maladies g,eriatriques telles que le cancer. Ces vertus en font une boisson medicinale d'un usage d'autant plus repandu en Coree qu'il repond a une tendance recente a privilegier le « bien-etre » et particulierement bien ada13te aux etats fievreux, a l'asthme, aux indigestions et crampes d'estomac, ainsi qu'aux problemes de circulation du sang.

The au chrysantheme II s'agit d'une infusion de petales seches de cette fleur qui offre la particularite de produire une saveur taut a la fois douce et puissante, puisque, outre ses charmantes couleurs, eile degage un fort parfum. En medecine traditionnelle coreenne, cette boisson convient surtout au traitement des rhumes avec fievre, pneumonies, bronchites, maux de tete et gastro-enterites, ainsi qu'a l'apaisement de la fatigue visuelle liee au travail sur ecran, moyen.nant une consommation reguliere. Ses effets thermogenes et reducteurs de l'appetit en font le the de predilection des jeunes femmes qui surveillent leur poids, mais permettent aussi le traitement des troubles respiratoires, inflammations des ganglions lymphatiques et maux de gorge.

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Musee d'histoire de La medecine coreenn e de l'Universite Kyung Hee


i les medicaments traditionnels coreens, que designe le vocable « hanyak » font souvent figure de remedes de bonne femme, la realite est toute autre car, si les seconds se contentent d'apaiser la douleur a l'aide d'une plante donnee, la pharmacopee traditionnelle represente un ensemble de traitements pharmacologiques qui sont l'aboutissement d'une importante recherche clinique. Sans pour autant renier ces medications populaires fondees sur le bon sens, les praticiens traditionnels se preoccupent davantage du scepticisme qui tend a se manifester vis-a-vis de toute les pratiques heritees du passe et qui conduit a les marginaliser par rapport a celles, dominantes, de la medecine occidentale moderne. Aux yeux des specialistes de medecine traditionnelle coreenne, celle-ci

S

represente une discipline medicale a part entiere par l' evolution et la theorie qui lui sont propres, notamment sa perception du corps humain comme un tout et l'importance donnee a la prevention des maladies tandis que la science occidentale privilegie le traitement isole de chaque partie du corps et une therapeutique fondee sur une demarche antibacteriologique. Depuis peu, cette pratique traditionnelle suscite un regain d'interet motive par l'impression que la medecine occidentale est en train d'atteindre ses limites, notamment en presence de « superbacteries » capables de resister aux antibiotiques et de maladies chroniques qu'elle est impuissante a guerir, mais aussi par l'apparition de nouveaux modes de vie mettant l'accent sur un bien-etre individuel et un respect de


l'environnement qui appellent le renforcement de l'energie vitale et des defenses immunitaires de l' organisme. Une approche holistique du traitement Apropos des fondements theoriques de la medecine traditionnelle, Shin Joon-Shik, Directeur general de l'Höpital de medecine orientale Jaseng, apporte les precisions suivantes : « Celle qui se pratique repose principalement sur une theorie medicale traditionnelle qui voit dans la maladie une sorte de conflit entre « jeonggi » et « sagi », c'esta-dire respectivement l' energie positive et negative. Or, cette derniere n'est pas toujours susceptible, a elle seule, de provoquer les maladies, car des problemes peuvent survenir lorsqu' elle est superieure a l'energie vitale du corps, mais aussi quand elle descend audessous d'un certain niveau et que cette derniere se trouve egalement assez afi'.aiblie. En consequence, les therapies

traditionnelles visent essentiellement a consolider et maintenir cette force vitale en vue de supprimer les symptömes constates, moyennant l'appreciation adequate de l'etat du malade ». Dans la mesure ou elle considere le corps humain comme un tout, la medecine traditionnelle coreenne replace un ensemble de symptömes dans le contexte global des fonctions corporelles. Face a un sujet presentant une bouche seche, des yeux rougis, des maux de tete et troubles du sommeil lies a des difficultes respiratoires et constipations, tandis que le medecin occidental administrera le plus souvent des medicaments contre la fievre, la migraine, l'insomnie et la constipation, le praticien traditionnel, apres avoir diagnostique un exces de « yang », prescrira une preparation a base de marihuanilla, une plante aux excellentes proprietes febrifuges et laxatives, l'ensemble des symptömes etant ainsi traite a partir d'une evalutation de l'etat general.

a

2

Au fur et mesure qu e s' instau rent des modes de vie plu s natu rels et axes sur la sa nte . la medecine trad itionnelle susci te toujours plu s d'interet en reco urant aux plan tes et autres substances aptes au mai ntien d'un e ba nn e san te. L'acupuncture coree nn e de la main constitue une th erapi e moderne au des aigui lles de co nce pti on nouve[le perm ette nt de sti m ule r avec dou ceu r les po ints les plus importan ts de cette parti e du corps, de nombreux patients s· en declaran t satisfaits en raison de l'absence de douleur et d'effets seco ndaires.

Prin te mps 2008 1 Korea na 27


Tant il est vrai qu'un regime alimentaire bien con~u peut s'averer benefique pour la sante, la medecine traditionnelle coreenne propose, outre l'acupuncture, La phytotherapie et La moxibustion, un ensembLe de traitements dietetiques dits « yakseon » definissant une hygiene aLimentaire base de substances medicinaLes en vue de la conservation de la sante, sous forme de preparations que Les utilisateurs peuvent aisement realiser eux-memes et qui assurent un effet preventif contre diverses maladies.

a

Achacun sa cuisine-sante !

Pour les personnes sujettes aux frissons, troubles gastriques, migraine ou diarrhee aigues, une decoction vegetale de ginseng, tubercule d' Atractylodes japonica, gingembre seche, reglisse ou racine d'aconit est indiquee pour stopper l'afflux d'energie froide dans l' organisme par un apport de chaleur en association avec un traitement global des sympt6mes. « Contrairement aux medicaments occidentaux, les produits phytotherapiques resultent d'une preparation individualisee employant des substances exclusivement naturelles dont la structure moleculaire complexe ne permet pas toujours de juger de leur efficacite », souligne le professeur. « Aujourd'hui, la medecine traditionnelle coreenne vise a l'amelioration de l'etat de sante general par une medication vegetale ayant fait l' objet d'une longue serie d'etudes cliniques. » Mettant en avant l'amelioration de la resistance physique et apprehendant le corps humain de maniere exhaustive, cette discipline a pour fondement theorique la presence de l' energie vitale dite « gi », l' equilibre du « eum » et du « yang », les yin et yang chinois, et le

Traitement des affections allergiques et atopiques Sont a eviter sucre, miel et jambon, ainsi que les ingredients epices tels que le piment en poudre. On s'abstiendra aussi de consommer les legumes a saveur forte, plantes aromatiques sauvages et pousses de bambou. Cl:ufs, lait et soja representant les trois principales causes d'allergie alimentaire, il convient d'en faire un usage modere. A la rubrique •. des aliments bienfaisants, figurent legumes de saison d'une prove• · • · • 1 "" ,1 . · ) nance regionale, algues, riz brun ~ " - ~ ) cuit, millet patte d'oiseau, millet africain et echinockloa pied-de-coq.

':'-1

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Koreana

I Printemps 2008

«

heo-sil », qui constitue le cycle d'epuisement et de retablissement. Si differentes pathologies peuvent se declarer, c'est parce que s'amenuise la force vitale du « gi », lequel varie selon les individus par son niveau quantitatif, mais aussi en raison de facteurs specifiques lies aux habitudes, notamment alimentaires, de chaque individu, le meilleur moyen de la conserver etant de rester serein en toutes circonstances, de se nourrir sainement et d'eviter autant que faire se peut les etats de tension mentale. Conformement a la theorie du « eum » et du « yang », les organes se repartissent selon ce meme equilibre, qu'il convient de maintenir pour se premunir des maladies, le « heo-sil » representant quant a lui, par sa premiere composante, l'etat d'epuisement resultant d'une perte d'energie vitale qui exige des therapies de stimulation de la vitalite physique, et par la seconde, une sante defaillante necessitant un traitement adapte. En outre, une theorie dite de « sasang » propose une approche typologique unique en son genre en definis-

Constipation Outre le jus d'aloe et les tisanes aux effets souvent benefiques, la courge sautee est a recommander (apres avoir epepine et epluche ce legume, decouper en des d'un centimetre cube, puis faire revenir ceux-ci au beurre et a l'ail dans une poele prealablement huilee et chauffee. Saler et poivrer. Laisser cuire a petit feu.)


sant les quatre morphologies humaines du « taeyang », « taeeum », « soyang » et « soeum » c'est-a-dire, respectivement, le grand yang, le grand yin, le petit yang et le petit yin, qui determinent egalement, par la dimension variable de leurs organes correspondants, la personnalite, les tendances pathologiques et la nature des traitements requis. Dote d'un torse bien developpe propice au « yang », le sujet de type « soyang » se caracterise par ses reactions rapides, tandis que celui du « soeum », ou predomine au contraire la partie inferieure du corps, possede un tres bon sens de l'equilibre et une grande patience, mais peut en revanche souffrir de troubles digestifs et que chez celui du « taeyang », un assez fort volume thoracique s'oppose a une faiblesse du <los et des jambes peu favorable a l'endurance lors d' une longue marche, celui du « taeeum » presentant enfin une constitution corpulente dont les rondeurs annoncent un caractere jovial et genereux. Les recherches font apparaitre que la majeure partie des Frarn;:ais, des Japonais et des Italiens appartiendraient respectivement a la pre-

miere, la deuxieme et la quatrieme de ces categories. Le traitement dietetique du

«yakseon» Il y a peu, la medecine traditionnelle coreenne a demontre sa grande efficacite contre differentes pathologies souvent liees au mode de vie, notamment l'hypertension, le diabete, l'arteriosclerose et les rhumatismes, mais aussi dans certains troubles immunologiques souvent refractaires aux therapies occidentales, telles la rhinite allergique et la dermatite atopique. Elle s'avere egalement apte au soulagement des symptömes de menopause, a la prevention des ecoulements vaginaux et a la suppression du vertige, toutes affections specifiquement feminines, ainsi qu'a la revitalisation des organismes affaiblis. Tant il est vrai qu'un regime alimentaire bien corn;:u peut s'averer benefique pour la sante, la medecine traditionnelle coreenne propose, outre l'acupuncture, la phytotherapie et la moxibustion, un ensemble de traitements dietetiques dits (( yakseon )) definissant une hygiene ali-

mentaire a base de substances medicinales en vue de la conservation de la sante, sous forme de preparations que les utilisateurs peuvent aisement realiser eux-memes et qui assurent un effet preventif contre diverses maladies. La confection des aliments qui les composent est aujourd'hui facilitee par la large distribution commerciale dont font l'objet les produits d'origine naturelle, notamment ceux de l'agriculture biologique et nombre de restaurants specialises proposent a leur menu des preparations variees a base de haricots, de fines herbes sauvages, d'ingredients de la cuisine bouddhiste, de pousses de bambou et de poulet agrementes de plantes medicinales. Ils seduisent tout particulierement des touristes etrangers en quete de saveurs authentiquement coreennes alliees a des effets bienfaisants sur la sante. Phytomedicaments et decoctions vegetales constituent les deux grands volets de la therapeutique traditionnelle, les premiers n'etant delivres que sur ordonnance tandis que les secondes, par leur action tonifiante propice a la convalescence, ne sont pas destinees a assurer la

• • Rhumes

Hypertension

Cystite

Jus de poire et de navet possedent des vertus contre les poussees de fievre, l'angine et l'enflure de la langue, le the a la canelle et le gingembre etant egalement recommandes en cas d'etats febriles accompagnes de frissons, de mau x de tete et de fatig ue, ainsi que le the a la maranta.

La consommation de sei est a limiter et le poisson, preferable a la viande, sauf s'il a marine. Consommer tomates, celeri et persil, en faisant sauter les seconds a feu vif (couper le celeri en lanieres et faire cuire vivement a l'huile de sesame. Ajouter sauce de soja et sucre.)

L'asperge blanche est a conseiller en cas de cystite (couper l'asperge la base, puis eplucher sur une longueur de sept centimetres a partir du bas. Faire blanchir, sans rincer. Trancher l'asperge chaude et ajouter beu rre, sauce de soja et graines de sesame.)

a

Printemps 2008 1 Koreana

29


En Coree, les h6pitaux specialises en medec in e tra ditionn elle se dotent desormais des in stallations et technologie s les plu s recentes aux fin s du diagnosti c et du traitement scienti fiqu e, ainsi que, dan s nombre d'e ntre eux. d' equipes medica les qu i alli ent specia listes des di sc iplin es occ id entales et ori entales.

guerison proprement dite, mais a l'accelerer, suite a une intervention chirurgicale, ou a permettre a un sujet affaibli de reprendre des forces. Desireux de se voir prescrire une medication personnalisee de ce type, de plus de plus de patients subissent un examen medical general a cet effet. Des efforts de renouvellement Au mois de decembre 2007, la creation du Portail du savoir-faire traditionnel coreen accessible a l'adresse http://www.koreantk.com a represente une action de promotion decisive dans le domaine medical, puisque ce site internet qu'administre !'Office coreen de la propriete intellectuelle comporte une irnportante base de donnees renfermant toute une variete d'informations relatives aux substances medicinales et aux symptรถmes accompagnees des articles y afferant, ainsi que les resultats, regulierement mis a jour, des recherches cliniques effectuees par les etablissements hospitaliers ou universitaires. Pour se joindre aux efforts de rationalisation des pratiques medicales tradi30 Korea na I Printemps 2008

tionnelles, les hรถpitaux concernes s'astreignent a une modernisation constante, tel celui de Jaseng, qui se specialise dans les douleurs du dos et a vivement interesse le public par la mise au point d'un procede revolutionnaire permettant de soigner les affections des disques inter-vertebraux sans passer par la chirurgie, avec un taux de guerison de 84,6 % des hernies discales lombaires. Cet etablissement a egalement depose une demande de brevet portant sur un equipement de regeneration des tissus vertebraux clont les excellentes performances ont attire une forte progression de sa frequentation etrangere, qui a d'ores et deja franchi le cap des trois mille patients. En outre, les praticiens traditionnels recourent considerablement plus aux technologies medicales occidentales, comme en temoigne l'acquisition, au CHU neo-medical Est-Ouest de Kyung Hee, de materiels ultramodernes d'irnagerie par resonance magnetique ou de tomodensitometrie appliques a l' etablissement d'un diagnostic pousse prealablement a la mise en reuvre des

traitements orientaux de l'acupuncture, de la moxibustion, de la phytotherapie et de gestion de la sante. Au sein de ce centre, les patients sont examines et soignes par des equipes reunissant des representants des deux medecines orientales et occidentales complementaires dans une specialite donnee et recourant selon les cas a des operations chirurgicales accompagnees de therapies traditionnelles destinees a ameliorer l' etat de sante general. Enfin, universites et instituts de recherche se consacrent avec dynamisme a des recherches diverses sur les plantes medicinales et l'hygiene alimentaire, n'hesitant pas a soumettre a l'etude des remedes populaires abandonnes de longue date parce qu'assimiles a des superstitions, voire au charlatanisme, pour developper de nouveaux traitements, comme cela s'est deja produit, l'alliance croissante de pratiques medicales orientales et occidentales ne pouvant qu'ouvrir des perspectives toujours plus prometteuses a la medecine traditionnelle coreenne. IIEl


La medecine traditionnelle coreenne a aussi ses adeptes etrangers

Au sein de la representation etrangere residant en Coree, Messieurs les ambassadeurs Wilhelm Donko, d' Australie, et Leandro Arellano, du Mexique, sont les plus ardents defenseurs de la medecine traditionnelle coreenne et si ces deux diplomates souffrent d'affections differentes, asavoir, respectivement de douleurs aigues au <los et aux disques cervicaux, ils ont pour point commun d'avoir subi avec succes un traitement medical traditionnel dans des höpitaux specialises Oll ils se sont rendus pendant leur sejour. La frequentation de tels etablissements par des patients etrangers s'est fortement accrue, notamment a celui de Jaseng, Oll leur effectif a fait un bond de 300% apres l'ouverture, en 2006, d'une clinique internationale dont le personnel medical s' exprime couramment en langue etrangere et se compose de Japonais, a hauteur de 29%, d'Americains (24%), d'Allemands (12%), de Frarn;:ais (9%), de Canadiens (7%) et de Britanniques (7%). Quant aux differents traitements qu'ils y suivent, son directeur, Raimund Royer, en dit ce qui suit : « Les patients nous consultent surtout pour des hernies discales a ne pas operer. Dans ce domaine, nous constatons une rapide progression du taux de guerison de nos traitements d'acupuncture et de phytotherapie, ainsi que de notre procede de manipulation unique au monde, le « chuna ». Nos patients se declarent d'autant plus satisfaits de ces therapies qu'elles s'averent moins onereuses qu'une intervention de chirurgie ». '1

Pri nt e mps 2008 1 Korea na

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C'est par milliers qu·ont ete remontes des profondeurs de la Mer de l'Ouest sud-coreenne des objets en celadon ou revit l'ame des potiers de la dynastie Goryeo [918-1392). au terme de recherches entreprises apres la capture d'un poulpe ocelle qui enserrait dans ses tentacules un plat de cette facture provenant de la cargaison d'un navire. Le present article fait le point de cette decouverte et s'interroge sur le degre d'evolution actuel de l'archeologie saus-marine en Coree. Moon Whan-suk Directeur de La Division fouille s et conservation saus-marines du

Musee maritime national rattache au ministere du Patrimoine Ahn Hong-beom Photographe

L

e 18 mai 2007, alors qu ' il peche le poulpe

dommages que pourrait occasionner l'activite de la

ocelle au large de Taegan-gun. un canton de la

peche, le ministere du Patrimoine classera cet

province de Chungcheongnam-do, Kirn Yong-

emplacement en zone de fouilles interdite

cheol a la stupefaction de trouver dans ses prises un mollusque accroche

a un

plat en celadon d'epoque

et a la plongee saus-marine au titre de la sauvegarde du patrimoine.

Goryeo et remarquant aussitot l 'exceptionnelle beaute de cet objet

ala teinte vert jade, il fa it etat de

Sa decouverte aUX Services competents. il s·avere

a la peche

Dans la perspective de la prese nce assuree de nombreux autres vestiges sur ce site, celui-ci allait

etre methodiquement fouille de juillet aoctobre 2007,

a

alors que cette espece particuliere ayant pour habi-

car ces mois constituent l'epoque la plus propice

tude, lors de sa reproduction qui se deroule au prin-

cette activite du point de vue de la vitesse des

temps, de s·envelopper de coquillages pour dis-

courants, du marnage, de la visibilite saus-marine et

simuler ses ceufs et les proteger des predateurs, doit

de la temperature de l'eau, autant de conditions re-

s'etre saisie de plats epars

quises en vue de sa realisation .

asa proximite, cette con-

clusion eveillant l'interet de la presse et des organismes concernes, qu 'elle incite

a entreprendre

des

Les premieres recherches viseront

a recueillir a la

des restes materiels imm ediatement visibles

fouilles.

surface d'etendues marecageuses saus-marines, la

Le navire de Taean sort d'une longue torpeur Le terme « archeologie saus-marine » designe une discipline visant a l'etude des traces materielles laissees par l'homme au fond des oceans, fleuves et

forte probabilite que ceux-ci soient

priorite accordee

acette Operation Se justifiant par la a nouveau

ensevelis ou tout simplement entraTnes par les vagues, puis au troisieme jour, un plongeur remonte

a la

surface en tenant

a bras-le-corps

üne jarre de

marecages, prolongeant ainsi en milieu aquatique le

grandes dimensions comme devaient en employer

champ d'action de la science terrestre, dont elle se

les cuisiniers des navires pour entreposer les ali-

differencie toutefois par des difficultes materielles

ments ou l'eau, et annonce que g'i't au fond l'epave

specifiques exigea nt la mise en ceuvre de certaines

d'un vaisseau charge de celadon de Goryeo, le

technologi es.

troisieme du genre

Des la fin du mois de mai, la Division fouilles et

aetre ainsi decouvert en Coree.

Si l'enlisement partiel du batiment ne permettait

conservation saus-marines du Musee maritime

guere d'en evaluer l'envergure, les produits constitu-

a un

tifs de sa cargaison se trouvaient en parfait etat de

national diligente sur le site, afin d'y proceder

etat des lieu x prealable au lancement des recher-

conservation, car soigneusement emballes, entoures

ches, une serie d'investigations qui vont aboutir

chacun de paille destinee

a la

decouverte, par douze metres de fond, de neuf objets

aamortir les chocs et fi xes

sur un socle de bois d'ou les fouilleurs les retireront

a un, pu is nettoieront ces objects a l'eau de mer

en porcelaine celadon datant de la dynastie Goryeo,

un

mais aussi

que nombre d'autres

avant de les deposer au Musee maritime national

specimens doivent joncher les alentours. En vue de la

pour qu'ils subissent divers traitements en vue de

necessaire protection des lieux contre les pillages ou

leur conservation.

a l ' hypothese

Printemps 2008

1

Koreana 33


devanceront cependant en emportant leur butin . Nul

Realisations de l'archeologie sous-marine coreenne

n·aurait alors imagine que les fonds marins

Depuis les temps prehistoriques, le peuplement

receleraient des navires

a la

precieuse cargaison,

aune vocation pour la peche

chacun pensant que la vaisselle repechee avait ete

en mer, mais aussi les echanges culturels, comme

abandonnee par des hommes ayant peri en mer et

en temoigne ce petroglyphe dit de Bangudae, qui fut

qu 'il convenait en consequence de s·en tenir le plus

du littoral coreen repond

a

decouvert dans la commune de Daegok-ri, pres de la

distance possible, car l 'esprit des defunts devait

ville d'Ulsan [Tresor national n° 285] et represente

egalement s'y trouver mele

une scene de chasse

a la baleine a l'Äge du bronze.

Des la fin du neuvieme siede,

SOUS

le royaume de

Silla Unifie 1676-935]. l'amiral Jang Bogo [? -846]

a l'agregat

de baue et

coquillages qu'elle renfermait. Le pecheur qui rapporta celles de Shinan conservait ainsi

ason domicile,

sans la moindre precaution, ce qu 'i l estimait cons-

etend sur l 'e nsemble du commerce maritime

ala face

tituer des« recipients apparemment sans valeur » et

d'Extreme-Orient une domination qui revele

si un parent, apres l'avoir observe par la suite, alla en

du monde la superiorite que detient son pays sur

declarer la decouverte, l'employe administratif qui le

mer. Sous les Trois Royaumes 157 av. J.-C. -935] qui

rei;:ut ne lui manifesta nul interet, jugeant impossible,

lui font suite, puis les dynasties de Goryeo [918-1392]

mais

et Joseon [1392-191 Dl. s'intensifieront en tous sens

etre aussi precieux.

a tort,

que des objets trouves en mer puissent

des echanges culturels par voie maritime, dont attes-

Sans que l' on sache exactement comment ils

tent amplement les documents d'archives ou les

eurent vent de l'affaire, des pillards se rendirent aus-

navires gisant sur les hauts fonds et autres vestiges

sitöt sur les lieux pour s·emparer des vestiges qu'ils

dont les recherches effectuees depuis 1976 ont per-

vendirent

mis de retrouver cinq mille trois cents specimens

toire et ce n·est qu 'a pres avoir constate que des cen-

repartis sur deux cent vingt sites differents.

taines de poteries d'une valeur inestimable etaient en

C'est en mai 1975, au large du canton de Shinan-

a des brocanteurs ou

firent sortir du terri-

possession de ces individus que les services de police

gun situe dans la province de Jeollanam-do, que des

realiserent des enquetes preliminaires aux fouilles

pecheurs remontent dans leurs filets plusieurs

saus-marines. Apres bien des peripeties, allait ainsi

poteries qui vont donner lieu aux premieres fouilles

etre donne le coup d'envoi des recherches

scientifiques saus-marines, que des pillards

navire de Shinan, plus connu saus le nom de « Na-

34 Kore ana I Printemps 2008

a bord du


Par ailleurs, ces realisations riches en enseigne-

vire au tresor de Shinan » . Ce chantier de grande envergure allait se

ments allaient permettre a l'archeologi e saus-

derouler en dix phases etalees sur neuf ans a partir

marine coreenne de moderniser ses techniques, de

de 1976 et allait permettre de mettre au jour, outre le

specialiser son personnel et de perfectionner ses

batiment lui-meme, quelque vingt mille objets en

methodes, apres avoir souffert a ses debuts d'une

ceramique datant des dynasties chinoises des Song

telle penurie de personnel qualifie qu 'il lui fallait

et des Yuan, au xquels venaie nt s'ajouter vingt-huit

recourir au x plongeurs de la Marine nationale. Lars

tonnes de pieces de monnaie et mille santals rauges,

des fouilles dont fait l 'objet le site de Biando situe

mais aussi des poids graves du nom du port d'attache

pres de l'agglomeration de Gunsan-si, ses equipes de

et des notes faisant mention de temples japonais. Les

chercheurs et fouilleurs sont d'ores et deja exclusive-

analyses laisserent supposer que le navire devait

ment recrutees dans les effectifs du Musee maritime

avoir fait naufrage au large de Shinan, en 1323, lors

national, tandis que voit le jour en mars 2007, aux fins

de la traversee qu 'il effectuait du port chinois de

de la conservation des vestiges maritimes, une Direc-

Ningbo a celui de Hakata, sur l'Tle japonaise de

tion des fouilles saus-marines qui est unique en son

Kyushu, et fournirent du meme coup un e mine

genre dans le pays.

d'informations relatives aux bateaux et a l'art de la navigation, dont ne connaissait auparavant que les generalites qu'en donnaient les documents d'archives, ainsi qu·aux voies du commerce maritime dans l'Extreme-Orient medieval.

Resultats du deblaiement de l'epave de Taean Au large de Jukdo, une He qui appartient au canton de Taean-gun et qui a dernierement ete soumise a des fouilles, s·etendait une raute maritime qui se

Qualifiees de decouverte du siede , ces reve-

caracterisait par de forts courants, un indice eleve

lations allaient se traduire ulterieurement par la mise

des marees et la circulation de courants rapides dont

en reuvre d'une recherche systematique dans la pers-

l'effet conjugue provoqua maints naufrages de vais-

pective de fouilles saus-marines qui se sont soldees

seaux transportant ju squ·a la capitale les denrees

depuis lors par la mise au jour de quatre-vingt-huit

prelevees dans les regions au titre de l 'imp6t, les

mille pieces issues de deu x navires chinois et six

chraniqueurs affirmant d'ailleurs que c·est pour for-

d'epoque Goryeo, mais disseminees sur quatorze

mer le vreu d'une navigation plus paisible que les

sites differents.

lieux rec;:urent le nom de « raute maritime sGre et

2

3

4

Outre vingt mille pieces en celad on deja remo ntees en surface , le navi re dit de Taean devrait encore livrer d'innombrables objets a la reprise des fouilles. Ensevelis dans les fo nds marins pendant plus de neu f siecles. les celadons de Goryeo revoient enfin la lumiere. Le personnel du Musee maritim e national prend toutes les precau tions necessaires a la conservation des ce ladons de Goryeo. Ces plaquettes de bois destinees a l'eti quetage de la cargaison du navire de Taean fourni sse nt de precieuses informati ons sur le transport de ce lle-ci , notamment sur l'origine et la destina tion des marchandises.

Printem ps 2008 1 Koreana 35


Depuis La prehistoire, La mer fournit un cadre vital aux activites coreennes dans le domaine de La peche comme des echanges culturels, dont attestent amplement les traces de cette vocation dans les documents d'archives ou les navires gisant sur les hauts fonds et autres vestiges dont les recherches effectuees depuis 1976 ont permis de retrouver cinq mille trois cents specimens repartis sur deux cent vingt sites differents.

1-2 Les celadons du navi re de Taean comporta ient des pieces de grande qualite vrai sem blablement destinees la Cour et aux demeures aristocratiques, ainsi qu¡une vaisselle plus ordinaire composee d'assiettes, bols et verres . 3 Aigu iere reprod ui sant la forme d'un melon. 4 Unique en son genre, cette pierre encrer represente un crapaud, dont les details de la face et du corps sont exec utes en sous-gla~ ure l'oxyd e de fer et in crus tatio ns blanch es. 5 Ce porte-encens s¡orne d'une face de lion l' expression com ique.

a

a

a

3

a

36

Koreana

I Printemps 2008


prospere ». Sous le royaume de Goryeo et la dynastie de Joseon, le pays allait d'ailleurs entreprendre d'amenager une nouvelle raute maritime saus forme d'un canal, mais l'histoire fit par la suite etat, sur cette nouvelle plaque tournante de la navigation, de multiples avaries attestees par le deblaiement de

4

nombreuses epaves. La piece arrachee au poulpe ocelle, comme celles qui allaient etre mises au jour par la suite, constituent de veritables chefs-d ' ceuvre ont suscite un interet considerable, au point que l'on parle aujourd'hui de « Syndrome du navire au tresor des celadons de Goryeo », mais ont avant taut apporte un

tion des objets trans-

edairage concret sur la production et le transport

portes, le port d'attache du

des celadons de Goryeo, ainsi que la demande dont

navire, la nature de sa car-

ils faisaient l'objet. Les navires d'epoque Goryeo ont

gaison, l'identite du responsable des

aussi livre de nombreux et precieu x vestiges de la vie

transports et le lieu de chargement

quotidienne d'alors.

des marchandises.

ll s·agit pour la plupart d'objets diversen celadon

Du vaisseau lui -me me, ne sub-

qui, s'ils se distinguent les uns des autres par leurs

siste qu·une partie dont le renfloue-

motifs ou couleurs, remonteraient dans leur ensem-

me nt est prevu moyennant une

ble

elevation de la temperature de l'eau

a la

fin de la premiere moitie du XII ' siede et

proviendraient de la province de Jeollanam-do, plus

dans la zone de fouilles, le reste de la

precisement du canton de Gangjin-gun, berceau

structure ayant ete emporte par la houle,

d'une production de haute qualite destinee

et qui a entre-temps ete lestee de sacs de sable pour

a la

famille royale ou la noblesse. lls comportent, aux

empecher sa remontee intempestive

c6tes de recipients tels que jattes ou assiettes, des

sa derive saus l'effet de la houle.

bouilloires en forme de melon, pierres forme de crapaud et encensoirs

a encrer en

a figures

de lions,

a la surface au

Oe la simple decouverte d'un plat en celadon de

a un

Goryeo arrache

innocent poulpe ocelle, les

ainsi qu·un grand nombre de « barittae », des reci-

fouilles de Taean ont acquis la dimension de verita-

pients employes par les bonzes et apportant de

bles recherches comparables par leur ampleur

precieuses indications sur le mode de vie de ceux-ci, de meme que sur la discipline

astreints acette epoque.

a laquelle

ils etaient

a

celles du Shinan, lequel renfermait certes plus de vestiges, mais si la quantite en est moindre dans le cas present, ils n'en revetent pas moins une grande

Le vaisseau renfermait aussi des pieces de bois,

importance en raison de leur production du XII'

finement taillees et ornees de caracteres cal-

siede, dont les chercheurs ne disposaient jusqu'alors

ligraphies

a l'encre de Chine, qui se trouvaient fi xees

sur des sodes de bois conc;:us pour les relier entre elles. D'ap res leur marquage, ces objets d'epoque

que de tres rares specimens. En ce qui concerne l'etude de l'epave, elle s'attachera

a en

reconstituer la structure et permet-

Goryeo dont aucun specimen n'avait jusqu 'alors ete

tra ce faisant de franchir une nouvelle etape dans la

retrouve en mer se sont averes avoir quitte le port de

connaissance de l'histoire maritime coreenne, en

Tamjin, l'actuelle Gangjin, en partance pour Gae-

meme temps qu'elle contribuera dans une large

gyeong, alors capitale du royaume et aujourd 'hui

mesure au retablissement des voies de navigation le

denommee Gaeseong. Ce texte, qui fait egalement

lang du littoral sud-ouest saus le roya ume de Goryeo,

mention de l 'ex pedition de plusieurs caisses de

tauten s·employant

poteries, est signe de la main du responsable des

de chargement du celadon, les inscriptions figurant

transports. De l'avis general, de telles pieces appor-

sur les pieces de bois et les vestiges que renferme

tent d'importantes precisions sur le lieu de produc-

encore le navire.

amieux conna'i'tre les techniques

~

Printemps 2008

1Koreana 37


ENTRETIEN

Choi Man-lin ou la simplicite de formes englobant l'univers Choi Man-lin appartient ont

a cette premiere generation d'artistes qui, en sculpture abstraite,

ajamais laisse leur empreinte dans l'histoire de l'art coreen . En 1958, alors que s¡achevent a l'Universite nationale de Seoul, le jeune homme va travailler

ses etudes d'arts plastiques

a La representation du processus de creation et d'evolution de l'univers, notamment naturel, ainsi que de l'energie circulaire . Sans sacrifier a la vogue que connaissent alors les arts experimentaux ou d'avant-ga r de, il s'emploiera avec passion et tenacite a evoquer l'energie de ['Orient tout au long d'un e ceuvre ambitieuse que poursu it, a plus de soi xante-di x ans, ce grand artiste que nous nous proposons de decouvrir dans le s lignes qui suivent. Choi Tae-man Cri tique d'a rt Ahn Hong-beom Ph otog ra ph e



N

e en 1935, saus l'occupation japonaise [1910-

allait lui-meme l'initier a la sculpture apres avoir

1945). Choi Man-lin conna1tra une jeunesse

decouvert ses talents artistiques.

taute en « souffrances » et « desillusions »,

« Comme je laissais tomber un morceau de

placee des sa plus tendre enfance saus la pression

glaise, man maltre s'approcha sans bruit pour le

de l'imperatif de survie dans un pays tour a tour con-

ramasser et m'encouragea a la manier avec autant

fronte a la colonisation, l'independance, la partition,

de precautions que s' il s·agissait de chair . Ses

la dictature et la guerre, mais toutefois plus heureuse

preceptes ont fait na1tre en moi le reve de devenir

que celle de la generation precedente, asservie a

sculpteur ! » se souvient Choi Man-lin en evoquant la

l'envahisseur durant presque taute son existence. En

bonte de son mentor.

effet, c·est en langue coreenne que le jeune garc;:on

Sur les conseils de ce dernier, il presente l'reuvre

allait effectuer ses etudes dans le prestigieu x college

intitulee « Visage », a l'age precoce de quinze ans,

de Gyeonggi, tandis qu 'enfant, il avait vu proscrire cet

lors de la premiere Exposition nationale des arts, ou il

idiome, tant parle qu'ecrit, par un pouvoir desireux de

se verra decerner un prix, mais c·est en 1954, l'annee

gommer taute identite nationale.

de son entree a l'Universite nationale de Seoul, qu'il se consacrera pleinement a la sculpture car, ayant

Pr emiers pas sur La terre gLaise Cree en 1899, cet etablissement dispensait depuis

taut d'abord depose un dossier d'inscription a la faculte de sciences economiques conformement aux

1946 un cursus de si x annees qui engloberait

souhaits parentaux, il choisira de suivre sa vocation

aujourd'hui celui d'un lycee et que suivirent nombre

artistique apres mure reflexion et obtiendra en 1958

d'artistes de renom , tels le videaste Paik Nam-june et

la licence correspondante.

le musicien Hwang Byung-ki . Park Seung-gu marquera un veritable tournant dans

Les debuts et La serie « Eve » Encore etudiant, Choi Man-lin entame sa produc-

la vie de l'adolescent, car ce disciple de Kirn Bok-jin,

tion, en 1956, par l'reuvre « L'automne et la femme »

L'enseignement qu'il y recevra du professeur

40

ancien eleve de l'Ecole des beaux-arts de Tokyo et

qu'il expose lors de la manifestation deja· mentionnee

precurseur de la sculpture contemporaine coreenne,

et a laquelle succedera, un an plus tard, celle inti-

Korea na I Printem ps 2008


tulee « Mere et fils », une creation eminemment lineaire et depourvue de volume en l'absence de taute masse corporelle humaine pour exprimer taute l'importance de ces liens emotionnels constituant l'un des leitmotive de l'artiste, comme en temoignera aussi la serie « Eve » entreprise en 1958. Celle-ci traduit explicitement les sentiments de confusion et d'inquietude qu'eprouve l'artiste face a son epoque, par des pieces taut a la fois faibles et fortes d'ou emane une impression de fruste puissance, comme animees d'un amour eperdu de la vie. En effet, c·est dans l'art primitif, et non la sculpture occidentale, que cette serie puise son inspiration, en particulier la « Venus de Willendorf » une ceuvre d'epoque paleolithique decouverte pres de cette ville autrichienne des rives du Danube et

3

procedant d'une intention propitiatoire de richesse et fecondite. Contrairement a son nom, cette figure ne correspond en rien aux canons modernes de la

importante, sur l'existence humaine.

« 0 » [04-5-011.

« Sur le plan emotionnel, il serait deplace

beaute, avec ses membres sommairement relies au

d'evoquer le mal de vivre propre a une epoque parti-

corps, son visage exempt de traits et ses organes

culierement penible par des moyens abstraits au

reproducteurs disproportionnes, mais ce petit frag-

elegants et des notions complexes d'existentialisme

ment de pierre disgracieu x n'en represente pas

au d'etre. Cette ceuvre tire taute sa signi.fication de

moins a lui seul taut l'amour de la vie que ressen-

son existence meme et ce sens est susceptible de

taient deja les primitifs et qui illumine l'ceuvre entiere

modifier la conception de la beaute . »

du sculpteur Choi Man-lin.

bron ze ,

333x303 x 27 cm , 2004 2 « 0 » [02-7-03]. bronze,

173 X 133 X 14 cm, 2002 3 « 0 » [00-7-0 21. bro nze,

Si le nom « Eve » fait manifestement reference a

En outre, la serie « Eve » met merveilleusement

la religion, il designe ici moins la premiere femme

en valeur les proprietes de la glaise, depouillees

evoquee par la Genese que l'artiste qui s·est taut

qu'elles sont de considerations esthetiques relatives

entier impregne des angoisses de son epoque au

a l'harmonie, la proportion et la symetrie specifiques

encore l'homme contemporain semblant subir le

de la sculpture classique occidentale pour se doter

chatiment du peche originel, autant de considerations

d'une plus grande force vitale en soulignant l'aspect

attestant, chez l'auteur, de la primaute des questions

primitif de la glaise. En d'autres termes, c·est la

fondamentales relatives a l'etre sur celles de l'inter-

structure existentielle du corps humain qui s·y revele

pretation du seul corps humain.

une fois celui-ci debarrasse de ses elements super-

Sa creation ayant vu le jour dans un pays reduit en

flus par un depolissage des surfaces et des amputa-

cendres par la guerre, le sentiment d'abandon

tions. ll s'en degage une forte expressivite emotion-

ressenti par l'artiste dans le contexte dramatique du

nelle qui semble se liberer comme apres une forte

conflit qui faisait rage ne pouvait que participer a ses

tension physique et resulte d'une recherche, certes

yeux des souffrances de cette epoque maudite, sa

menee d'un point de vue subjectif, mais neanmoins

Serie « Eve » exprimant ainsi l'idee qu 'i l incombe a

1303 X 903 X 240 cm, 2000

Printemps 2008 1 Korea na

41


« 0 » 107-4-011. bronze, 50 x 32 X38 cm, 2007

celui qui se retrouve seul face

a pareils

ravages de

tion de l'art eminemment traditionnel de La calligra-

acet egard, il allait indeniablement accomplir

reconstruire son Moi en en relevant les decombres

phie et

sans se laisser flechir et, de ce point de vue,

un important travail de creation d'un Langage original,

representant non l'avilissement de l'homme, mais

sans pour autant se desinteresser de l'art contempo-

son renouveau, avec une sensibilite revelatrice de sa

rain ni en recuser l'evolution. Dans sa serie « Placen-

compassion.

ta », il se centre sur une forme evoquant les organes du' corps humain qu'il ne se contente pas de symbo-

De La tradition al'abstrait L'oeuvre de Choi Man-lin se ressent aussi

liser, mais apprehende en tant que fonction de circulation vitale ou prototype de l'univers.

grandement de son goGt prononce pour les arts et traditions populaires, car elle temoigne de taut un travail accompli pour en definir l'identite coreenne,

a

l'instar de son memoire de maTtrise portant sur les

L'expression de concepts ouverts Profondement convaincu de La dignite de taute vie et conscient que ses origines ne sont pas uniquement

a un

masques traditionnels coreens, mais, plus encore,

de nature materielle, car se situant

dans les productions faisant suite

Eve », d'une

evolue et fondamental, Choi Man-lin procede en

revendication des conceptions orientales de la vie et

allant du particuli er au general pour produire cette

de l'univers.

serie « 0 » ou le corps vide n·en possede pas moins

Sous un titre qui ne semble guere en rapport avec

niveau plus

une forme solide.

leur contenu, les series « Ciel » (1965), « Terre »

Regroupees saus le titre « CEuvre O » et presen-

(1965). « Obscurite » (1966). « Jaune » (1967). « Yin »

tant toutes un e forme parfaitement ou quasiment

(1969), « Yang » (1969), « Soleil et lune »et« Placenta »

spherique, ses creations rece_ ntes se pretent, par leur

procedent toutes d'une demarche de quete des

concept ouvert,

racines culturelles et d'une volonte de passage de

dichotomies du type debut/fin, existence/absence,

l'incompatibilite

fini/infini.

a l'harmonie

de vie, les pieces

abstraites traitant surtout de questions philoso-

a de

multiples interpretations et

« On peut aussi y voir le chiffre

Osymbolisant taut

phiques essentielles. Par ailleurs, c·est dans cette

a la fois

serie que l'artiste commence

tao·1·stes, ainsi que la Sunyata du bouddhisme ou

arepresenter de far;:on

absence et inexistence selon les preceptes

methodique la force moderee que renferme la cal-

encore la monade generatrice de taute chose dans le

ligraphie orientale, et que, par le symbole du mat

systeme pythagoricien . »

totemique de « Soleil et lune », il tend vers une

Par sa simplicite et sa nettete, voire sa determi-

abstraction affranchie des criteres occidentaux. Par

nation, la forme arrondie represente non seulement

leur execution en relief, les productions de cette

l 'origine de taute ex istenc e, mais aussi un vaste

periode se veulent l'expression abstraite de la struc-

espace englobant l'univers en taut point. Extreme-

ture, saus forme de traces calligraphiques.

ment tolerante par son ouverture aux interpretations

« J'eprouvais un certain scepticisme quant au tra-

les plus diverses, l' oeuvre de Choi Man-lin resiste

a taute tentative de

a un

vail de sculpture jusqu'au jour ou une exposition m'a

neanmoins

fait decouvrir La beaute intrinseque de La calligraphie,

cept, car,

que l'idee m'est soudain venue de representer. »

voir la metaphore se substituer au fand, d'ou une

C'est ce domaine entierement neuf de La sculpture que l'auteu r allait ainsi defricher saus l'inspira42 Koreana I Printemps 2008

reduction

con-

a s·en tenir trop a un titre, on risquerait de

absence d'appellation des oeuvres, comme cela est parfois le cas en musique.


Unart emblematique du combat interieur

Aintervalles

de di x ans, l'ceuvre de Choi

Man-lin subit des evolutions qui ne s·assimilent pas al'apparition de nouveaux stereotypes selon cette periodicite puisque l'artiste renie justement ceux-ci, preferant conserver son identite propre d'individu solitaire et refuser tout travail de groupe avec les artistes qui s·assemblent pour mettre en commun idees et methodologies. Ce cycle decennal de creation et destruction de son univers procede donc d'un obscur combat contre lu i-meme, en meme temps que de l'expression quelque peu excessive et rigoureuse du Moi. S'interdisant taute

a des a reveler la

reduction

stereotypes, Choi Man-lin s·attache

beaute authentique des produits de la culture populaire, aussi modestes et insignifiants soientils, recherchant dans la calligraphie l'essence de cette forme qui, selon la philosophie orientale, est apte

a englober

l'univers entier, par une

demarche alliant l'introspection

a une remontee

aux sources de la culture coreenne pour y retrouver celles de son langage speci-fique, plutöt que la genese d'un art contemporain prive de tout repere. « Mon interet, voire ma passion pour un art

coreen tout en spontaneite m'ont apporte l'elan necessaire

a l'organisation d'expositions lorsque

j'assurais la direction du Musee national d'art contemporain », se souvient- il, s'abstenant par contre de taute prevision quant aux perspectives d'avenir qui s'offrent

ala Coree dans ce domaine a l'ecoute des appels

pour preferer demeurer

qui retentissent au plus profond de lui-meme et se plonger dans la contemplation du monde afin d'y reagir, aussi ses productions les plus recentes manifestent-elles cette esthetique du « vide » par laquelle l'univers s·emplit d'une

forme minimale. ~ Printem ps 2008 1Korea na 43



Chaque point campte pour

Kirn Hae-ja Des nombreux articles qui composent l'habillement traditionnel coreen, ceux qui comportent une doublure de ouate exigent la finition la plus soignee, mais aussi une grande conscience professionnelle motivee par l'amour du metier et, si la machine coudre moderne a fait disparaTtre le piquage moins tres attachee

a la main, Kirn Hae-ja n·en demeure pas

a la specialite artisanale qui est sienne.

Lee Min Young Redactrice occasionnelle

E

a

I

Joo Byoung-soo Photograph e

n langue coreenne, le vocable « nubi » designe des

de mceurs des derniers temps de Joseon, apparaissent des

vetements garnis d'une doublure rembourree de ouate et,

lettres et courtisans dont les atours en comportent, tandis qu·en

par extension, les operations qui consistent aconfectionner

des articles matelasses en plac;:ant entre deux pieces d"etoffe une garniture de coton maintenue par des piqOres

apoints serres, le

cette meme periode, des documents au se trouvent repertoriees les tenues d'apparat de la royaute, par genre et par quantite, font mention de differents procedes de piquage dits « omuknubi »,

supplement d'isolation ainsi realise assurant une excellente pro-

« napjangnubi » et « jannubi »,

tection contre le froid. Naguere d"un usage aussi repandu pour

calaire, de surface et fin .

l'habillement ordinaire que dans le doublage des armures de guerre, robes de moines au articles de literie, ce procede traditionnel allait peu

apeu perdre sa place dans la vie quotidienne au

a savoir respectivement, inter-

Atitre d'exemple, il convient de noter que l'une des peintures al'epoque de

murales de la tombe de Gamsinchong, qui remonte

Goguryeo, represente un personnage revetu d'une armure sem-

a en juger par la

point d'en dispara1tre presque completement, cette regrettable

blant doublee de ouate,

evolution n·ayant en rien detourne l'artisane couturiere Kirn Hae-

piqures diagonales et horizontales. Au fil du temps, ce rembour-

ja de l'art qu 'elle a fait sien et qui lui a valu de se voir nommer

rage est venu s'ajouter

lmportant bien culturel immateriel n° 107.

cuirasses et casques, saus forme de garnitures de coton au pa-

a de

presence de lignes de

nombreu x accessoires tels que

pier destine a proteger les guerriers de l'ennemi et du froid . Chez

Histoire du vetement matelasse en Coree La premiere trace connue d'habillement a rembourrage de coton, auquel se substituent parfois la fourrure et le cuir, a ete decouverte au mois d'avril 1974 dans une tombe datant de la Dynastie Joseon et appartenant au clan des Lee de Gwangju, puis allaient etre mis au jour, en juin 1981, seize articles a doublure

les moines bouddhistes, la robe

a doublure ouatee

se porte de

longue date, completee d'articles en patchwork dont l"aspect elime en revele un usage regulieret ces religieux pourraient fort bien avoir ete les premiers

a recourir a ce rembourrage, que le

peuple aurait par la suite adopte en raison de son caractere resistant et pratique.

ouatee issus de la sepulture de meme epoque d'un certain Tamneunggun, du clan des Lee de Jeonju. Les doublures de ouate etaient jadis principalement destinees aux tenues hivernales, armures de guerre et vetements monastiques, mais sur les tableaux de Shin Yun-bok, un peintre

a

Premiers pas dans le doublage La ouate Native de Gimcheon, une agglomeration de la province de Gyeongsangbuk-do, l'artisane couturiere Kirn Hye-ja apprend a coudre des sa prime jeunesse afin d'aider sa mere, laquelle Printemps 2008 1 Koreana

45


« Autrefois, on dpportait le plus grand soin a La corfect1on des vetements doublei; de ouatC' quE' port ient l " parents aleur .,o,xant,eme anmversa1re, les 1ouveaux-nes, .es ca"1d1datc;

aux concours de La fo"1ct1on publ1que et les oldat e'lvoy sau front PL1..s qu'ur simple art,cle vest1menta1 e, rls repres1:ntai nt un tc>mo1gnag d affectror chez ceux qu1 metta1ent tel t ur cceur dans LE'ur fab rcation. >

realise des travaux a fac;:on pour subvenir aux besoins de sa

nique exceptionnelle du « ol twigigi », dont ne subsiste mal-

famille, que le deces paternel a laissee dans la difficulte et con-

heureusement aucune trace ecrite.

tra i nte de s'installer a Seoul.

A cette

epoque, la jeune fille

« Le doublage ouate n·est pas seulement destine aux

frequente egalement une ecole de Couture OU elle s'initie a la

vetements fonctionnels, mais represente aussi l'expression de

confection de la robe traditionnelle coreenne appelee « hanbok »

l'ame coreenne par un art plein d'authenticite et de chaleur qui

et eprouve un interet particulier pour la technique du doublage

exige beaucoup de perseverance et une capacite de concentra-

ouate a laquelle elle se formera aupres de mai'tres artisans afin

tion absolue a laquelle an parvient en faisant le vide dans son

d'en mai'triser les aspects les plus complexes.

esprit », explique la couturiere.

C'est a l'approche de ses trente ans que Kirn Hye-ja se

Cet amour passionne du metier allait etre recompense par la

decouvre un goOt marque pour les vetements matelasses en

remise du Prix du Premier Ministre, en 1992, a l'occasion du dix-

rencontrant Hwang Sin-gyeong, un artisan qui realise des robes

septieme Salon annuel de l'artisanat d'art traditionnel, au Kirn

de moines destinees au temple de Sudeoksa. « Lorsque j'ai

Hye-ja presentait un vetement a doublure en ouate piquee a

assiste a cette fabrication, elle m'a semble relever de la haute

intervalles de 0,3 millimetre et faisait ainsi decouvrir le raffine-

couture. Par opposition a la lourdeur de la fourrure, le vison par

ment de son art, puis, en 1996, par son inscription patrimoniale

exemple, ces habits garnis de ouate m'ont paru aussi legers que

au titre d'lmportant bien culturel immateriel n° 107, qui con-

chauds et, en consequence, d'un caractere tres fonctionnel, ce qui

sacrait ainsi sa superiorite incontestee dans ce domaine.

m'a incitee a en adapter la technique ade nouvelles modes. », se souvient-elle.

Principes de realisation

Hwang Sin-gyeong avait elle-meme acquis cette methode

Dans ses fabrications, Kirn Hye-ja recourt exclusivement a

d'une religieuse denommee Seonbok qui avait auparavant exerce

des etoffes naturelles comme la soie sur lesquelles elle applique

au« chimbang » du palais du roi, c·est-a-dire son atelier de cou-

des teintures d'origine vegetale telles que la chelidoine, le bois de

ture et, apres la chute du Grand Empire Han, s·etait retiree au

Sappan au le charbon. « Outre qu'elles permettent d'obtenir des

temple au elle se consacrait a la confection religieuse, dont elle

couleurs vraiment inimitables, les teintures naturelles sont d'un

allait transmettre le savoir-faire a son eleve, laquelle repondrait

contad plus sain et d'un parfum plus agreable », souligne-t-elle.

aussi a l'appel du destin en formant a son tour Kirn Hye-ja. Desireuse de decouvrir de nouvelles applications du procede

La confection debute par la decoupe de l'etoffe et la pose de la garniture pour reperer l'emplacement des points de piqOre, ce

de doublage ouate, la jeune femme le mettra en ceuvre sur des

marquage ne s'imposant pas pour un hanbok au des vetements

« hanbok », qui seront presentes aux c6tes d'articles plus moder-

occidentaux de style classique, mais permettant en revanche de

nes lors d'une exposition, mais devra a cet effet proceder par

bien differencier les surfaces sur lesquelles la doublure sera

tatonnements en raison du manque de precedents auxquels se

entierement cousue a la main, point par point. Les differents

referer, visitant tous les musees qui abritent de tels articles afin

types de rembourrage se distinguent par l'espacement des

d'en etudier la realisation traditionnelle, notamment par la tech-

lignes de piquage, lequel varie de 0,5 a 1,0 centimetre pour le

46

Koreana I Printemps 2008



piquage fin ou « jannubi », s'eleve a 2,5 centimetres dans le

les aspects techniques et fonctionnels, les qualites de patience et

piquage intercalaire ou « jungnubi » et peut atteindre 5,0 cen-

de perseverance qu·e xige sa mise en ceuvre etant aussi

timetres entre des piquages desserres ou « deumunnubi ».

emblematiques du carac-tere national.

Acette

etape, la couturiere emploie la technique dite « ol

Les vetements a doublure de ouate remportent un succes

twigigi », qui consiste a tirer un fil a l'extremite de l'etoffe, puis a

grandissant a l'etranger, a l'instar des creations de Kirn Hye-ja,

surpiquer celle-ci le long du trace deja rea lise. Alors qu'elle etait

qui ont fortement impressionne le public par leur fabrique

autrefois la seule a effectuer le marquage des lignes de piquage,

delicate et leurs surprenantes couleurs lors du Grand Festival

Kirn Hye-ja allait parvenir a en retablir la pratique abandonnee

international du patchwork qui se deroulait a Tokyo en 2002, mais

depuis un siede au point que toutes les couturieres y recourent

aussi au Salon de la mode et du textile coreens de Wu xi, ou la

aujourd 'hui, en raison de sa precision et sa facilite d'usage. Cette

couturiere a egalement eu l'honneur de se voir consacrer un

operation est suivie de la taille de l'etoffe aux mensurations

defile de mode traditionnelle.

adequates en suivant les contours des pieces garnies d'une

Aujourd'hui, elle nourrit l'espoir de promouvoir toujours plus

quantite de ouate choisie en fonction de l'epaisseur souhaitee

cet art sur la scene internationale et, a cet effet. multiplie les conferences dans les universites, tout en dispensant des cours

pour le vetement. « Vient la couture, qui consiste tout d'abord a faufiler les par-

particuliers a son atelier, mais a aussi cree un institut specialise

ties devant recevoir le doublage pour assurer le bon alignement

dans ce domaine, persuadee qu'elle est de la responsabilite qui

et l'espacement regulier de ce dernier », explique l'artisane.

A

cette operation, succede celle du rembourrage proprement dit,

lui incombe en vue de la conservation de cette composante du patrimoine culturel coreen.

qui exige de piquer chaque piece a trois reprises, en commenc;:ant

« J'ai le desir de partager la connaissance de cet art tradi-

par les contours des pieces faufilees, sur lesquels on execute de

tionnel avec le plus grand nombre. La confection d'un vetement a

larges points, suivi d'un nouveau repiquage, en procedant de

doublure de ouate exige de faire le vide dans son esprit et de par-

meme pour les autres pieces constitutives du vetement a

venir a une concentration absolue pour executer point a point

realiser.

chacune de ses piqGres, cet effort participant grandement de

« Outre qu 'i ls sont beaucoup plus chauds, les vetement

l'epanouissement personnel. Je souhaite vivement en faire

piques a la main permettent une meilleure circulation de l'air que

connaTtre l'art aux jeunes generations afin qu'elles abordent la

ceux cousus a la machine », fait remarquer Kirn Hye-ja. « lls sont

vie dans un etat d'esprit positif. » declare en conclusion Kirn Hae-

tres resistants et ne se decousent pas aisement. Autrefois, on

ja. 11>

apportait le plus grand soin a la confection des vetements doubles de ouate que portaient les parents a leur soixantieme anniversaire, les nouveauxnes, les candidats aux concours de la fonction publique et les soldats envoyes au front. Plus qu·un simple article vestimentaire, ils representaient un temoignage d'affection chez ceux qui mettaient tout leur cceur dans leur fabrication. »

Une tradition qui se perpetue « Les lignes de piqGre sont d'un motif elegant et superieur a tout autre, mais constituent aussi les vestiges des acti-vites auxquelles s·occupaient les femmes dans leurs quartiers. Si des vetements a doublure de ouate se fabriquent dans beaucoup d'autres pays, ils ne se comparent pas a ceux de la Coree car ils ne comportent pour la plupart qu·un rembourrage partiel et mettent en ceuvre des procedes complexes, tandis que les seconds sont doubles sur leur surface entiere et font d'avantage appel a l'habilete manuelle qu 'a la precision techniq ue » estime madame Kirn. La methode traditionnelle coreenne se caracterise principalement par un compromis entre 48 Koreana I Printemps 2008


Le doublage traditionnel la ouate se pratiquait jadi s sur de nombreu ses pieces de la garde - robe te lles que le « durumag i » , un lang pardessus, et le « chimajeogori », une robe et so n bolero assorti, so n execution integra le la main exig ea nt particuliereme nt de pa tience et d'amour du travail. o ·origine exclusiveme nt vegetale. son etoffe et sa teinture sont non seulement sa in es. mais auss i avantagees par leurs nuan ces et parfums tauten delicatesse.

a

a

Printem ps 2008

1Koreana 49






CHRONIQUE ARTISTIQUE

<< Le vide dans l'art coreen >> L.: E!panouissement par Le vide Quel sujet plus oriental, et donc coreen, dans le domaine des beaux-arts, que celui du vide qu·avait pris pour theme t·exposition « Le vide dans t·art coreen » proposee par le Musee d'art Leeum Samsung entre novembre 2007 et janvier 2008? Lim Youngju Journaliste

a la section culturelle du quotidien « Kyunghyang Daily News»

Photographie : Musee d'art Leeum Samsung

54 Koreana I Pri ntemps 2008


Printemps 2008

1

Koreana 55


'\.

A

la definition d'espace depourvu de contenu que donnent du vide les

Par-dela tout repere temporel ou spatial

calligraphie, peinture populaire et contemporaine, ainsi que photographies et creations audiovisuelles.

dictionnaires, correspond, dans

« Cette manifestation a pour objectif

l'art, la notion de celui ou La representa-

de faire decouvrir la dimension symbo-

Elle allait ebranler une autre certi-

tion se limite a l'objet, l'absence de taute

lique d'une valeur orientale, le vide, dans

tude, celle de l'amenagement de l'espace

couleur ou trace relevant alors d'une

un contexte aussi bien traditionnel que

par un fractionnement inedit de celui-ci,

ceuvre inachevee selon les criteres occi-

moderne », precise Lee Joon, directeur

tantot en pieces, tant6t en ruelles ou sentiers a l'image d'un jardin traditionnel, sur

dentaux, qui repose sur l'importance de la

adjoint du musee, un parti-pris dont

forme et du visible, tandis que les Orien-

attestent l'origine des ceuvres exposees,

les conseils du grand architecte coreen

taux y voient un element primordial en

dont vingt-huit datent de l'Antiquite et

Seung Hyo-sang, celebre par sa mise en

peinture.

trente-trois de notre epoque. En rupture

ceuvre de l ' esthetique du vide con-

avec l'habituelle concentration sur une

formement a La theorie de la « beaute de

La spiritualite coreenne dans La peinture orientale Si le concept specifiquement oriental

periode, une tendance ou un artiste

la pauvrete » . Les lieux etaient ainsi

donnes, cette presentation remonte au

conc;:us que l'on accedait aux pieces en

IVe siede, c·est-a-dire

empruntant des allees parsemees de

SOUS

le Royaume

de « peinture non peinte » peut au pre-

de Gaya [42-562], et s·arrete a l 'annee

cailloux blancs ou agreablement cou-

mier abord paraTtre un illogisme, La tour-

2007 pour s'interesser a des genres aussi

vertes de bois, afin de representer La

nure en traduit mieux que taute autre

divers que La peinture, La photographie, La

nature dans taute sa diversite.

une esthetique privilegiant l'aspect

calligraphie, La ceramique et La sculpture,

introspectif plut6t qu·exterieur de La

abattant de ce fait un premier mur eleve

obstacles afin que le public puisse

peinture et faisant alors du vide L' outil le

par des idees rec;:ues car on ne saurait

apprecier les ceuvres, c'est que le vide ne

S'il importait de surmonter ces deux

plus apte a representer l'invisible,

faire le vide en soi sans s'abstraire de

peut s·apprehender que de maniere sen-

l' ellipse et le non-dit plus riches de sens

taute epoque ou tendance.

sible, et non raisonnee, en « ressentant la

que l'on croirait.

Partout dans le monde, les exposi-

dimension spirituelle du vide », comme le

Ades degres divers, l'idee en est

tions thematiques confrontant passe et

soulignait le direc;teur adjoint de la mani-

presente non seulement chez de

present connaissent un fort succes, car

festation, finalite a laquelle devrait tendre

celebres peintres de la dynastie Joseon

elles elargissent le point de vue du visi-

chaque visiteur.

[1392-1910] comme Kirn Hong-do [1745-

teur en completant les ceuvres contem-

?l. mais aussi sur La porcelaine Bun-

poraines de productions anterieures ou

cheong ou blanche de Joseon, en pein-

appartenant a d'autres disciplines, cette

Afin de mieux reveler l'esthetique

ture populaire et jusque dans l'ceuvre

interdisciplinarite valant aussi pour La

propre du vide, l'exposition comportait les

contemporaine du videaste Paik Nam June

methodologie des etudes en histoire de

trois volets de la nature, de La liberte et de

[ 1932-2006] ou de Suh Do-ho [ 1962-l.

l'art. o·une grande repercussion, pour

l'imaginaire.

une telle continuite historique revelant

ces memes raisons, sur le monde de l'art

En ce qui concerne La premiere, La

que le vide ne se reduit pas a un mode

coreen, La manifestation proposee par le

civilisation occidentale materialiste l'a

Nature, liberte et imagina·ire

d'expression parmi d'autres. Emblema-

Musee Leeum doit son existence au fonds

reduite a l'etat d'objet a exploiter au prix

tique d'une spiritualite propre a l'Ex-

d'ceuvres anciennes et contemporaines

de destructions environnementales, et il

treme-Orient, et donc a La Coree, il etait

dont dispose cet etablissement et qu 'il a

n· est pas fortuit, qu· en peinture, elle ait

naturel qu ' il trouve sa place dans les

pour l'occasion enrichi de prets du Musee

cultive l'art du portrait, tandis que l'Orient lui preferait les paysages. En effet, dans

ceuvres d'art. Aux confins de l'existence

national d'art contemporain pour offrir,

et du neant, son absence d'avoir met en

sur cette thematique du vide, un panora-

La culture de ces deux mondes, s·exprime

valeur l'etre, comme se proposait de le

ma complet de l'art coreen englobant arts

une vision differente puisque les paysages

montrer l'exposition qui lui etait con-

visuels , poteries de Gaya, celadons de

peints du second ne montrent pas un

sacree.

Goryeo, porcelaine blanche de Joseon,

Homme en dominateur de la Nature,

56 Koreana I P rintem ps 2008


« 1V

Bouddha

», de

Pa ik Nam J une , installation video, 75X89x206 cm, 1974, 2002, Fondation culturelle Gyeo ng gi.

mais en partie integrante de celle-ci, dans

Dalryeong » du au peintre Jeong Seon

cette vue prise au x premieres lueurs de

la mesure ou il les voit tous deu x en

(1676-1759) et ou l'intense sobriete du

l"aube pour obtenir un effet de profondeur spatiale, le vide est constitue du ciel, de la

osmose. Des lors, c·est

a l'Homme

qu"il

relief est mise en evidence par un ciel

appartient de s·adapter, voire de se

evoque par le vide, parce que non

montagne et des plaines aux contours

soumettre aux lois de la Nature car elle

dessine, mais apparaissant d'autant plus

estompes par la brume, le noir du tronc

est source de vie et constitutive d"un

immense et insondable. Lui succede la

d'arbre ressortant avec encore plus de

monde avec lequel il lui taut vivre en har-

Serie des « Pins (2006) » realisee par le

nettete sur ce fand nebuleux. c·est dans

monie.

photographe Bae Bien-U, ou l'arbre qui

le vide d'une riviere que nous plonge

Acette

se dresse bien droit dans une aube

l'ceuvre suivante, une creation audiovi-

Nature, comme

brumeuse apporte un reconfort semblant

suelle de Kirn Soo-ja (1957- J intitulee

dans ce « Mont du Diamant vu du col de

tenir du pouvoir apaisant de la nature. Sur

« La blanchisseuse - sur la riviere Yamuna

etape, l'esthetique du vide se

revele inherente

a la

Printemps 2008

1Ko reana 57


en lnde (2000) », au mayen d'une vue de

lignes, l ' artiste parvien r

Mont lnwangsan », de Jeong Seon, Dynastie Joseon, 1751, peinture l'encre, 79 ,2 X 138,2 cm , Tresor national n° 216, Musee d'art Leeum Samsung.

das d'une femme cantemplant paisible-

d'extreme cancentratian et en transc en-

ment Le ruisselLement incessant des eau x.

dant entierement la reaLite, produit une

a

2

Jarre de po rcela in e blanche avec sous-gla~ure et pe inture fe r mot ifs de cordo ns, Dynastie Joseon, XV' XVI' siecles, haute ur: 31,4 cm , diametre d'ouve rture : 7, 0 cm , diametre d' embase : 10,6 cm, Tresor n° 1060, Musee national de Co ree.

a

a

58

a

« Eclaircie apres la plui e au

Koreana

I Printemps 2008

Qu 'en est-iL de La liberte ? ll s·agit de cet etat naturel que taut artiste aspire

a

un etat

oeuvre representant la Liberte de l' esprit. Dans le valet traitant de La liberte, ce

atteindre en s'affranchissant des main-

sentiment emane de la simplicite qui carac-

dres artifices au cantra intes et qui cons-

terise les oeuvres, telle cette « Jarre de

titue l'essence m eme d'une liberatian

parcelaine blanche avec saus-glac;:ure et

seule la pratique d'une religian, mais un

a matifs de cardans [XV' XVI ' siecles) », une piece au cal duquel

ensemble de demarches entreprises par

pend e nt le s extremites libres de

spirituelle que ne peut apparter

a elle

peinture fer

le biais de l 'art et qu' illustre ce « De la

cardelettes, mais que dire en revanche de

ligne [1979) » de Lee Ufan [1936-) en

cette ample et ronde « Jarre en parce-

revelant que l'acte de creatian artistique

Laine blanche [XVIII' siede) » sans le main-

constitue en sai une expressian de la li-

d re arnement, banale et taut

berte d'esprit. En trac;:ant de simples

in signifiante, sinan que sa madestie

a fait


Dans la peinture orientale, le vide represente le monde invisible de l'introspection, ou ellipse et non-dit impliquent beaucoup plus qu'il ne semble, et c·est pour tenter d'en reveler l'esthetique propre que l'exposition evoquee comportait les trois volets de la nature, de la liberte et de l'imaginaire.

meme la fait para'i'tre libre, car generosite

evoque aussi le temps

et ouverture totale d' esprit sont une force

et les vestiges,

que seule peut octroyer la simplicite.

de cette « Tuile de toit

Depourvu de forme et de limites, intangible et malaise

a rendre

par les

mots, le vide redefinit constamment les rapports du visible

a l'invisible,

du

materiel au spirituel, de l'interieur

a

l'exterieur, seul l'imaginaire pouvant alors

al'instar

[X' siede] » dont la face rejouie, amputee de moitie sur la droite, incite

a faire

preuve

d'imagination pour ajouter la partie manquante.

lui conferer le contenu dont il est depourvu en le dotant d 'attributs

Decouverte du vide au

esthetiques. En effet, le vide n'aiguise-t-il

quotidien Si d'aucuns peuvent juger hasardeuse

pas l'imagination, provoquant differentes interactions entre createur et public taut

la recherche d'une beaute du vide dans

Tresors dont les « Enluminures du Sutra

en laissant ainsi un espace, ouvert aux

une tuile brisee ou dans les bracelets

Avantamsaka [754-755) »et« Edaircie

possibles, ou le visiteur se voit convier

portes par les lettres de jadis, il serait plus

apres la pluie au Mont lnwangsan [1751 l » ,

a

l'interpretation active?

judicieux de s'interroger prealablement

aux c6tes des productions d; importants

sur le sens du theme meme de cette

artistes contemporains tels que Park

rassemble des reuvres qui donnent libre

exposition , ainsi que des considerations

Soo-keu n [ 1914-1965). Chang Uc-chin

cours

qui en decoulent et notamment, pour

[1917-1990) et Kirn Whan-ki [1913-19741.

Le volet consacre

a l'inventivite

a l'imaginaire

en raison de leur

«

A ['heure

vacuite, comme ce « Sans titre » de Kirn

le plaisir, de se demander pourquoi

Hong-joo [1945- ). qui, dans sa vue du lac

cette « Jarre de porcelaine blanche »

le temps de mediter sur nous-memes, il

ou nous ne trouvons plus

Cheongji situe au Mont Baekdusan,

ronde comme la pleine lune figurait au

faut, en depit de notre bien-etre materiel,

oppose en un fort contraste des reliefs

volet de la liberte, alors qu 'un « Autopor-

reapprendre

que valeur spirituelle », estime Madame

a apprecier le vide

en tant

a une etendue

trait [XVIII' siede] » de Yun Du-seo [1668-

d'eau dont n'appara'i't aucun detail, un

1715) se trouvait dans celui de l'imagi-

Hang Ra-hee, la directrice du musee,

neant qui laisse deviner un contenu sous-

naire.

ajoutant

representes avec precision

jacent et suscite l'hypothese qu'il a pu etre

Quai qu'il en soit, cette invitation

a la

ajuste titre

que notre quotidien

se trouverait un tant soit peu change, si

a atteindre

asseche par une chaleur torride ou que

vacuite aura permis d'admirer nombre de

seulement nous parvenions

des monstres sont tapis dans ses pro-

chefs-d'reuvre coreens, parmi lesquels

a un

cet epanouissement par le vide, quel que

etaient repertories au catalogue pas

soit le nom que l'on donne

espace materiellement inoccupe, mais

moins de quatre Tresors nationaux et sept

d'existence dans l'inexistence. lll

fondeurs ... Le vide ne se borne pas

a cet

etat

Printemps 2008 1 Ko reana

59


ALAD~COUVERTEDELACOR~E


Robert Koehler Chroniqueur des emotions coreennes Al'age de vingt-trois ans, un jeune homme originaire de l'Etat de New-York quitte la grande ville qu'il habite depuis toujours pour la campagne coreenne, ou son sejour, prevu pour durer une annee, se prolongera de dix autres jusqu·a aujourd'hui . Emerveille par la force des traditions qui s'y perpetuent en parfaite harmonie avec le milieu naturel, il sillonne le pays pour le seul plaisir de la decouverte. Aujourd 'hui redacteur en chef et journaliste au magazine «Seoul», cet homme nomme Robert Koehler fait partager sa passion aux lecteurs de tous pays. Park Hyun-sook Redactrice occasionnelle

<<

P

I Ahn Hong-beom Photographe

our moi, aller a la rencontre de la Coree est tou-

en chef dans un magazine culturel mensuel qui, depuis

jours une aventure palpitante et j'ai appris la pho-

sa creation voila cinq ans de cela, propose a l'intention

tographie afin d'en faire connaltre taute l'emotion

des residents etrangers des articles sur la culture, le

aux autres. De meme que l'age confere un certain

tourisme et les loisirs rediges par trois journalistes

charme aux gens, nature et culture n·en possedent que

independants, dont lui-meme car, loin de s·en tenir a

plus de beaute majestueuse lorsqu'elles sont chargees

verifier leur travail derriere un bureau, l'homme par-

d'histoire. Aussi, je me passionne pour la campagne

court le pays a la recherche d'informations et de vues a

coreenne et ses traditions cinq fois millenaires. »

photographier.

Si, comme l'affirme le dicton coreen, « Dix annees

« Pour moi, aller a la rencontre de la Coree est tou-

changent rivieres et montagnes », qu'en est-il du sejour

jours une aventure palpitante et j'ai appris la photographie afin d'en faire conna1tre taute l'emotion aux autres.

de onze ans de ce journaliste ? « ll me semble avoir mOri car, a vingt ans, je ne pen-

De meme que l'age confere un certain charme aux

sais qu·a m'amuser et a boire avec les amis. En ville, ou

gens, nature et culture n'en possedent que plus de

je suis ne et ai vecu, on n'a guere l'occasion de reflechir

bea ute maj estueuse lorsq u · elles so nt cha rgees

a la vie. Les gens vaquent a leurs occupations, qui lais-

d'histoire. Aussi, je me passionne pour la campagne

sent tres peu de temps a l'introspection. La campagne

coreenne et ses traditions cinq fois millenaires. »

coreenne a ete une terre d'accueil dont les temples et la nature splendide m'ont offert la possibilite de remet-

Choc de La Lenteur, illumination de La vie

tre ma vie en question grace a une profonde reflexion,

En cette annee 1997 qui voit son arrivee dans le

tandis que si j'avais des le debut reside en milieu

pays, jamais l'homme n'aurait pense s·y attarder

urbain, je ne serais sOrement pas reste si longtemps

autant, l'objet comme la duree de son sejour etant

dans ce pays. c·est ici, en Coree, que j'ai rencontre mon

A bien

clairement fixes, a savoir la realisation d'etudes sur les

y

facteurs de ce « miracle du fleuve Han » que consti-

reflechir, ces dix annees ont ete riches en changements ! »

tuerent la rapide croissance economique du pays et sa

epouse , qui est de nationalite mongole.

Acette evocation du passe, sa bauche s'arrondit en un doux sourire digne d'un sujet du royaume de Baekje et son « hanbok » semble d'autant plus seyant. Robert Koehler exerce la profession de redacteur

democratisation. Au terme des recherches qu'il mene en Tanzanie dans le cadre de sa troisieme annee a l'Universite de Georgetown, il se voit decerner une licence en sciences Printem ps 2008

1

Ko rea na 61


« Pour moi, aller

a

la rencontre de la Coree est toujours une aventure palpitante et j'ai appris La photographie afin d'en faire conna'itre toute l'emotion aux autres. De meme que l'äge confere un certain charme aux gens, nature et culture n'en possedent que plus de beaute majestueuse lorsqu'elles sont chargees d'histoire. Aussi, je me passionne pour La campagne coreenne et ses traditions cinq fois millenaires. »

Verita ble min e d'information s s ur la Coree, le site interne! de Robe rt Koehler lhttp ://www.rj koe hle r. co m) re~oit chaq ue jou r la visite de 2 500 internautes.

politiques et diplomatie, projetant des lors de repartir

qu'il evoquait aussit6t l'idee de paix a son esprit

pour l'Afrique au sein d'une association humanitaire

entierement subjugue. Dans ce sanctuaire datant de

c:euvrant pour la paix, mais dont l'effectif malheureuse-

672, c'est-a-dire du Royaume de Silla Unifie [676-935).

ment au complet le contraindra a attendre une annee

se revelait a lui dans taute sa force une tradition qui

encore. Dans l'intervalle, il resout alors de poursuivre

avait su resister a l'usure du temps.

ses etudes en Coree, car ce pays fait figure de modele

Delaissant les lielix celebres pour decouvrir avec

de developpement reussi aux yeux des Africains et le

emotion des beautes naturelles meconnues, le jeune

jeune homme pense que l'experience acquise lors de

homme saisissait la moindre occasion de s'en aller vi-

son sejour lui sera tres precieuse dans l'exercice de ses

siter temples ou academies, apprenant par la meme a

activites sur le continent noir. « Mungyeong-si a ete ma premiere ville d'accueil.

conna'itre l'habitat traditionnel et la vie spirituelle des Coreens, ce qui allait lui valoir le surnom de « pas-

J'y ai decouvert une paisible vie rurale au cc:eur d'un

sionne du voyage en Coree » car ses sentiments moti-

cadre naturel montagneux en complete opposition avec

vaient cette activite taut autant que son interet. Lars de

celle des zones urbaines. La seule evocation des mon-

ses deplacements, il s'initie a la philosophie bouddhiste,

tagnes, rivieres, rizieres et sentiers coreens me fait

qui lui enseignera la voie de l'illumination, tandis que

chaud au cc:eur, alors que je n'avais jamais ressenti

l'univers academique est une ecole de noblesse d'ame.

pareil sentiment dans ces metropoles ou l'etre humain

Ce catholique finit parse convertir au bouddhisme, dont

A la

campagne, le mode de vie

il pratique le rite en compagnie de sa femme, lors des

change du taut au taut. Lenteur, bien-etre, reflexion :

ceremonies celebrees en langue anglaise dans les tem-

semble une machine.

toutes choses inconcevables en ville qui font ici partie

ples de son quartier, dont ceux de Hwagyesa et Jogye-

du quotidien, outre que l 'on decouvre la chaleur

sa, tauten se consacrant a l'etude du Canon.

humaine de gens simples et naturels. En quelque vingt annees d'existence, c·est la premiere fois que j'ai pu revenir sur mon passe et saisir pleinement le sens de la dignite humaine. Lorsqu 'il habitait Mungyeong-si, Robert Koehler se

Journellement al'ecoute de 2 500 internautes de tous pays Apres avoir exerce comme charge de cours dans plusieurs universites, Robert Koehler a fait son retour

rendait souvent, dans la ville voisine d'Andong-si, a un

en Coree voila cinq ans de cela pour assurer la traduc-

temple nomme Bongjeongsa, un edifice en telle

tion d'un quotidien en langue etrangere, puis s'orienter,

osmose avec la beaute sereine de son decor naturel

sur les conseils d'un ami, vers la redaction d'articles de

62

Kor ea na I Pri ntemps 2008


magazines, comme le lui permettent fort bien les nom-

jene constate plus aujourd'hui . L'ebauche d'une societe

breuses connaissances que lui ont apportees ses vo-

multiculturelle et multiraciale qui se met en place

yages en Coree, ainsi qu'en Afrique.

depuis peu exige des efforts importants, car elle sup-

L'edition d'un mensuel exige beaucoup de travail en

pose une certaine maturite intellectuelle pour etre

peu de temps et comme la Coree est tres avancee dans

capable d'accepter la difference et la variete des types

le domaine des technologies de l'information et de la

humains, mais aussi celles des valeurs morales et

communication, on peut aisement acceder au x sources

idees philosophiques. Aman avis, la Coree doit mener

necessaires, ce qui ne dispense pas de garder les yeu x

une reflexion approfondie sur ses orientations a venir. »

et les oreilles bien ouverts, car l'essentiel est de fournir des nouvelles vraiment recentes et de qualite. » Quel que soit l'objet aime, le sentiment qu'il suscite

Lucide et sans complaisance, le regard que porte Robert Koehler sur ce pays est aussi empreint de douceur.

se lit dans le regard et celui que porte ce journaliste sur la Coree eternelle, dans taute sa dimension temporelle et spatiale, est penetrant et enflamme [ www.rjkoehler. coml.

Voyage de La vie Une question sur ce dont il reve fait nai'tre un petit sourire a ses levres.

Pres de deux mille cinq cents internautes consul-

« Au moyen de ce magazine, j'aimerais que mes

tent chaque jour la mine d'informations que constitue

lecteurs menent une vie plus libre, tranquille et pleine

pour les ressortissants etrangers son blogue consacre

de bien-etre. »

a l'actualite coreenne et continuellement mis a jour au

Si la vie est souvent comparee a un voyage, il n'est

moyen des photographies realisees par son createur,

pas donne a taut un chacun d'en jouir aisement, le privi-

ainsi que de son journal intime. L'auteur y exprime son

lege en etant reserve aux seuls etres courageux et pas-

opinion sincere sur des questions telles que la Coree du

sionnes qui, sans se contenter de leurs acquis, vont tou-

Nord ou la presence militaire americaine, mais s·y livre

jours de l'avant, comme une riviere aux eaux sans cesse

aussi a la critique, voire a la satire, comme lorsqu'il

renouvelees. Tel est Robert Koehler, tant6t en quete de

evoque les etrangers sans qualification qui enseignent

jolies montagnes et monuments architecturaux respi-

l'anglais dans les ecoles privees.

rant la tradition, tant6t allant a la rencontre des inter-

« Seoul est une ville dynamique, en constante evolu-

nautes de tous pays pour leur faire connai'tre la Coree,

tion. Voila encore cinq ans de cela, les Coreens devisa-

et dont l' existence est donc, a n' en pas douter, pareille a

geaient avec curiosite les etrangers comme moi, ce que

un merveilleux voyage. lll Pri ntemps 2008

1Korea na 63


] ~-SUR LA SCENE INTERNATIONALE

Nah Youn-sun De retentissantes vibrations musicales Chanteuse de jazz dont la Coree peut

ajuste titre s'enorgueillir, Nah Youn-sun

a mene sa carriere avec un tel succes qu'il est malaise de ne citer que quelques moments forts dans un parcours aussi brillant. Han Kyong- seok Redacteur en ehe! du« Magazine Hottracks » Photographie: Hub Music

~-~· ~

'*~1 ~

rl_.,

'est en 1995 que Nah Youn-sun entreprend une

perche, convenant mieux en cela, du point de vue des

carriere musicale, assurement tardive au regard des

puristes, au x sons vifs et joyeux du scat, mais s·exprimant

a partir pour la

ici dans un registre aussi depourvu de gaiete que de

France, non sans avoir fait montre de son talent dans des

melancolie, car plutot qualifiable d'enigmatique . Cette

plus grands artistes, qui la conduira

comedies musicales, en interpretant le role d'une jeune

tauche de mystere vient s'ajouter aux sonorites originales,

Chinoise d'origine coreenne habitant Yanbian dans l'opera-

bien differentes du jazz americain ou europeen, que nous

rock « Ligne 1 du metro » compose par Kirn Min-gi, grande

livre le Nah Youn-sun Quintet, une formation reunissant

figure de la musique traditionnelle et directeur artistique de

l'artiste et ses amis, dans un premier album frani;:ais « Re-

Hakchon. Si ce genre musical avait alors suscite autant

flect », edite en 2001 et suivi notamment de « Light for the

d'engouement qu·aujourd'hui, l'artiste en serait devenue

people [2001) », « Down by love [2003) » et « So I am .. .

une vedette accomplie, et comme, en outre, son gout ne l'y

[2004) » .

portait pas, elle choisira de quitter la Coree pour se con-

l'artiste,

sacrer ala musique de jazz avec le succes que l' on sait.

Achacun de ses concerts, le public a ovationne a laquelle magazines de musique et de television

ont consacre articles ou emissions, la revue frani;:aise « Nova » la classant parmi les neuf plus grands musiciens

du monde, ce qui lui inspire le commentaire suivant :

Le charme d'un timbre enigmatique L'artiste se distingue par une voix assez atypique dans sa discipline, qui a jusqu 'ici accoutume le public

a des

tonalites tantot plus voilees, comme alourdies par les

Amon avis, je le dois au fait d'etre coreenn e, ce que je pas a preciser, car en France, ma musique n'est pas

«

n'ai

rangee dans la categorie du jazz, mais de la musique du

annees et venues du fand d'un cceur inconsolable, tantot

monde, ce qui est naturel, puisque le Quintet se compose

d'une puissance demesuree dominant l'auditoire. Chez

aussi d'un lsraelien

Nah Youn-sun,

vibraphone. »

64

Koreana

J

a l ' inverse,

Pri ntemps 2008

le timbre est frele et haut

ala contrebasse et d'un Britannique au



Dans l'un ou l 'autre des genres, la musique de Nah Youn - sun renferme indiscutablement un element de mystere, les critiques elogieuses qu'elle suscite depuis ses debuts l'opposant souvent au manque d'imagination dont souffre aujourd 'hui le jazz europeen et, debut 2007, alors qu'elle enregistrait un album en Coree dans sa langue maternelle, le magazine franc;:ais « Les Echos » est alle jusqu·a la comparer a la celebre chanteuse islandaise Bjork. « La purete n'empeche ni l'intimite ni l'audace. Person-

ne d'autre ne prend autant de risques, comme, par exemp le, celui de reveler des nuances intimes dont les melomanes ignoraient l'existence. On tremble devant tant de fragilite. Pourtant, si elle erneut dans les « ianissimi » les plus subtils, Oll le public retient son souffle, elle impressionne aussi par les « forte » les plus eclatants . Qu'elle chante en anglais, en coreen ou en hebreu, Youn Sun Nah nous offre l'inou'i'. »

Une edition coreenne au pays natal Le succes remporte par l'artiste en Europe, Oll elle exerce, ne l'empeche pas de se representer frequemment en Coree, Oll elle allait se voir decerner, en 2004, le Grand prix du meilleur musicien de jazz et de crossover, dans le cadre des distinctions reservees a la musique moderne coreenne, et un an plus tard, celui du Ministere de la Culture et du Tourisme, mais avant taut, c·est au pays qu'elle campte ses plus fervents admirateurs et qu 'elle s·essaiera a un taut autre style en gravant en 2007 « Memory lane »,

Oll elle chante dans sa langue. « En France, je m'abstenais de chanter en coreen, qui

n·y est pas compris, alors que j'aime beaucoup le faire, bien entendu, car cela me permet de partager mes sentiments avec le public. Pendant mes concerts en Coree, j'ai cesse de chanter en anglais . » Cet interessant phenomene est lie au fait que ses activites se sont jusqu'alors deroulees en Europe, notamment en France. Si elle interprete dans son propre pays « Senoya », une chanson a la nostalgie taute coreenne, le public y est sensible a la dimension du genre jazz, tandis qu·a l'etranger, il en perc;:oit taute l'emotion sans en comprendre exactement le sens, ce qui explique peut-etre la raison du plus grand succes que connaTt l'artiste en Europe. Avant qu'elle n'enregistre « Memory Lane » , rares etaient ceux qui connaissaient son nom en Coree, un pays

Oll le mot « jazz » intimide, car une idee rec;:ue veut qu 'il soit d'un abord difficile, la chanteuse n'ayant en outre d'autre contact avec ses adeptes que par le biais des concerts, sans recourir a des medias a forte audience tels que la 66 Koreana I Pri ntemps 2008


« La purete n'empeche ni l'intimite ni

l'audace

1...1 ... si elle erneut dans les

« ianissimi » les plus subtils, ou le public

retient son souffle, elle impressionne aussi par les « forte » les plus eclata nts. »

television, ce qui est taut a son honneur. ll en va taut autrement de « Memory Lane », puisque

Nah YoLin-sun regarde a nouveau vers le monde, comme au taut debut, pour s·y adonner a sa passion du jazz, cons-

cet album a represente l'aboutissement des efforts entre-

ciente qu 'elle est, plus que quiconque, des difficultes qui s·y

pris par l'artiste pour se mettre a la portee d"un plus large

opposent pour une Orientale . Envers et contre taut, elle

public, qui allait effectivement tomber saus le charme de

chante selon les regles d'un langage de sa creation qui ne

ses chansons dues a des compositeurs coreens et inter-

suscite qu'eloges et si « Memory Lane » existe aussi main-

pretees dans sa langue. Appartenant au repertoire de la

tenant en version anglaise , c·est pour demontrer qu 'un

chanson populaire, comme s·en reclamait cette production,

compositeur coreen peut jouir d'une audience mondiale.

et de ce fait connues de taut un chacun, elles ne s'apparen-

L'annee passee aura ainsi vu le succes prodigieux du con-

taient pas moins au jazz, comme cette « Anak » de la

cert « Jazz at Lincoln Center » qu'elle a donne a New-York

Philippine Freddie Aguila, qui y etait interpretee dans sa

saus la direction du celebre chef d'orchestre Winton

traduction coreenne. Outre qu 'il a permis un nouvel essor

Marsalis, puisque les spectateurs se sont leves pour

d'un marche du disque alors en recession, cet album a

l'acclamer quand a pris fin la representation , a laquelle

figure cette annee-la parmi les meilleures editions du jazz

assistaient notamment les ambassadeurs aupres des

feminin et a valu a son auteur, l'annee passee, de se voir

Nations Unies. Des lors, la chant_euse de jazz coreenne

citer aux cötes de Malo et Woongsan, dans le bilan de

avait aussi conquis le public outre-Atlantique.

l'industrie du disque de jazz. «

Al'epoque de ma formation au jazz, jene considerais

« Ce n'est qu'a vingt-sept ans que j'ai embrasse la

carriere musicale et, si j'ai poursuivi mes efforts sans

pas d'objectifs plus lointains. En donnant le meilleur de

relache, dix annees ne suffisent pas pour taut apprehen-

moi-meme dans mes concerts ou enregistrements, j'ai eu

der. »

ensuite de nombreuses ambitions, dont la production d'un album entierement interprete en coreen. Comme tous ceu x

Al'age

de quarante ans, elle fait preuve de modestie,

sauf en matiere de musique, ou elle se lance de perma-

qui resident a l'etranger, j'ai maintes fois eprouve l'envie de

nents defis pour decouvrir toujours plus cet artet le monde,

retourner au pays, mais je me demandais invariablement si

car les louanges dont elle est couverte a l'etranger ne

le moment etait bien choisi . J'ai taut de meme fini par le

tiennent pas tant a sa nationalite coreenne ou a sa disci-

faire pour graver ce fameux album et, a mon retour en

pline musicale qu 'a l'envergure mondiale qu'elle a acquise

France, je me sentais taut a fait satisfaite d'avoir realise

en depit des obstacles qui s'opposent a une artiste

mes desirs. »

coreenne.

Outre qu'elle rendait hommage a la langue coreenne,

Si dix annees sont bien peu, comme elle l'avoue elle-

cette realisation allait donc, d'une certaine maniere,

meme, jamais elle n·aurait pu s'elever aussi rapidement au

apporter la paix interieure a la chanteuse.

rang des plus grands musiciens sans creativite propre, cette retentissante reussite ne provenant pas d ' un

Une passion tournee vers le monde Alors qu'elle aurait pu goGter un repos absolu en Coree,

ephemere coup d'eclat, mais d'une musique aux douces vibrations. 111 Pri ntemps 2008

1

Koreana 67





C

omme un sourire sur les levres de l'etre aime ou la tendre affection d'une mere, il est de ces pensees qui emplissent achaque fois de serenite, des SOUVeni rs ajamais graves dans le cceur et l'esprit pour y faire naTtre le bonheur, tel qu'en procure la ville de Jeonju

ases habitants,

car malgre des dimensions assez importantes, celle-ci ne donne jamais l'impression d'y suffoquer dans le decor oppressant de la modernite urbaine, ses petits groupes d'habitations traditionnelles aux doux toits de tuiles creant au contraire de gracieux effets, tandis que les contes de jadis semblent resonner encore au x oreilles.

Une chaude hospitalite Al'entree de la ville, la grande porte de Honamjeil accueille genereusement le flot des visiteurs

a la

convergence de dix voies d'autoroute. Realisee en 1977, elle represente, par ses dimensions

d'environ quarante-trois metres de lang sur 12,4 metres de hauteur, le plus important ou vrage coreen

aune seule portee et la plaque indicatrice de son nom proclame en une vigoureuse calligra-

phie le passe glorieux de cet ancien carrefour du Sud-Ouest coreen, mais aussi son actuelle vocation de centre de culture. Emblematique d'une riche histoire locale, le vieux Jeonju campte quelque sept cents habitations ou le voyageur de passage est sur de trouver ase loger et qui lui permettront d'apprecier le confort d'une chambre traditionnelle coreenne, avec sa literie depliee sur le sol agreablement chauffe par les tuyau x de l' « ondol » et ses fenetres

a ecran

en papier de riz dont il conservera un souvenir

autrement plus precieu x que s'il avait sejourne dans un hotel moderne. Passe et traditions semblent revivre en ces lieux singuliers dont l'histoire est associee

acelle de

la colonisation, puisque l'edification d'un habitat de type exclusivement traditionnel, dans les annees trente, y repondit

a la volonte

d'endiguer l'inquietante progression du nombre de ressortissants

japonais qui s·y etablissaient. Aujourd 'hui encore anime d'une vie propre, ce quartier attire maints touristes qui retrouvent dans sa population l'esprit farouchement independant et patriote de ses ancetres. Outre qu'elle leur fournira un aperc;:u du mode de vie traditionnel coreen, cette visite leur permettra de s'impregner d'une penetrante sagesse populaire

al'occasion d'un sejour chez l'habitant ou en

communaute , de la pratique des jeux favoris des Coreens de jadis, tel le « yunnori », et de la decouverte des arts ancestraux du « pansori » , de la calligraphie ou de la ceremonie du the. ll leur sera egalement donne de s'essayer a la fabrication d'alcools ou d'objets artisanaux en papier traditionnel, ce bain d'une culture traditionnelle riche et originale ne pouvant que les mettre en communion de sentiments avec les Coreens de jadis.

Avec ses se pt cents hab itations et edifices trad iti onnels, le quartier de Hanokm ae ul const itue un s ite culturel d'u ne valeu r inestimable, ain si que la plus grande co mm une rura le co ree nne. 2 Al'e ntree de Jeonju, la po rte de Honamje ilmun represe nte le plus grand ouvrage co reen de ce type a un e se ule portee, ain s i qu e le symbo le de tradi tion s secula ires qui fo nt la fierte des hab itants.

Printemps 2008 1 Ko reana 71


Les visiteurs se presseront aussi devant une batisse dite Hagindang, un specimen de l'architecture d'epoque Joseon qui presente un bon etat de conservation malgre ses origines centenaires et dont le pourtour aurait

asa construction atteint quatre-vingt-dix-neuf « kan » , cette ancienne unite ala portee des piliers. Elle abrite aujourd 'hui un salon de the qui offre

de mesure de longueur egale

une vue imprenable sur un charmant jardin et son bassin.

Les vestiges de Joseon Le pavillon d'Omokdae fournit un excellent point de vue de taut le vieux Jeonju et ses toits de tuile qui s·etendent

al'infini, voiles de brume au x premieres lueurs de l'aube, composent un specta-

cle dont le visiteur conservera un souvenir inoubliable. Ce lieu tire aussi son renom de ses liens avec Yi Seong-gye, le premier souverain de la Dynastie Joseon Ir. 1392-1398) qui acceda au tr6ne apres avoir chasse les pillards sevissant dans le Sud-Quest peninsulaire et c·est

al'occasion d'un banquet

qui y etait donne pour celebrer ce haut fait que son auteur aurait fait la lecture d'un poeme annoni;:ant son intention d'instaurer l'Etat de Joseon. Ceux qui prendront la peine de gravir la c6te qui mene acet edifice comprendront aisement qu'il ait pu inspirer un aussi grandiose dessein.

Al'entree des lieux, s'eleve le pavillon de Gyeonggijeon renfermant l'unique exemplaire qui subace jour des portraits de Yi Seong- gye autrefois conserves aquatre emplacements differents

siste

de Seoul et Jeonju. Cette ceuvre classee Tresor n° 931 fait apparai'tre le sujet saus un jour bienveillant, bien que ses victoires sur les champs de bataille aient cause la perte du royaume de Goryeo 1918-1392). Cet edifice abrite en outre des reliques constituees du placenta et du cordon ombilical qui furent ceu x de la mere du futur roi Yejong Ir. 1079-1122). huitieme monarque de la Dynastie Joseon, 72 Ko reana I Printe mps 2008


ainsi qu·une bibliotheque ou fut un temps entrepose l'ouvrage intitule « Joseonwangjosillok » (Annales de la dynastie Joseonl. Ce batiment dit Jeonju Gaeksa, dont la construction remonterait aux premiers temps de cette lignee royale, aurait ete destine a accueillir les tablettes relatives a sa genealogie, ainsi que les ceremonies qui s'attachaient a leur veneration, tout en assurant l'hebergement des officiers en visite a la Cour. Autrefois lieu revere parce qu 'il renfermait ces pieces historiques, il s'est converti de fait, par sa situation favorable en plein cceur de la ville, en un point de rassemblement ou les habitants viennent goOter le repos sur le bois agreable de ses planchers.

Martyrs catholiques coreens Etroitement liee a l'histoire du catholicisme en Coree, la cathedrale de Jeondong, qui se situe en vis-a-vis de Gyeonggijeon, fut edifiee sur les lieux ou furent massacres les premiers catholiques ayant refuse de se conformer au rite confuceen traditionnel et revet pour cette raison un caractere d'autant plus sacre aux yeux des croyants qui accourent en nombre lors de pelerinages, au x c6tes de touristes curieux, pour decouvrir ce sanctuaire clont les fondations se composent de pierres autrefois eclaboussees du sang des martyrs. L'ironie du sort veut que cet edifice soit precisement situe face a celui de Gyeonggijeon que l'histoire a consacre a la veneration de souverains de Joseon qui entreprirent de persecuter les premiers missionnaires catholiques, tandis que le premier est destine a commemorer leur martyre, et laisse donc penser que le temps guerit jusqu·aux blessures les plus profondes infligees dans le sang et les larmes. Construite en 1908, cette cathedrale a la riche architecture romane est due au Pere V. L. Poisnel, qui dessina egalement les plans de celle de Myeongdong , a Seoul, et en supervisa toute l'edification, les fideles ayant coutume de les appeler respectivement « eglise mere » et « eglise pere » . La premiere, dont le chantier fit appel a une centaine de travailleurs et paroissiens des environs de

Edifi e en 141 0, Gyeong gij eo n ab rite un portrait du ro i Yi Seo ng -gye qui fo nd a la dyna stie Jose on Ir. 1392- 13981. 2 La cath edra le de Jeond ong, qui fut elevee s ur les lie ux des prem iers ma ssac res de Chretiens coree ns, alli e da ns un e grac ieuse arch itecture les styles roman et byzan tin. 3 Les vitrau x de la cath edrale represe ntent des martyrs chretiens parmi lesqu els figura ient les premi ers mi ssionnaires.

Printemps 2008

1Koreana 73


Jeonju, a servi de decor au tournage de nombreux films et emissions televisees en raison de la beaute d'un clochervertigineux et d'un d6me que les touristes ne sauraient manquer d'aller admirer. Ouverte a la visite, la nef offre a la vue ses rangees de colonnes au x ogives aussi splendides que la demi-sphere de sa voOte, et s·orne de dix-huit vitraux immortalisant les tourments des premiers croyants. Quai de plus apaisant pour un esprit febrile que de contempler, au son melodieux du grand orgue, les fideles aux voilettes blanches qui se tiennent assises sur les bancs ? Non loin de la cathedrale de Jeondong, se dresse la porte de Pungnam , un ou vrage classe Tresor n° 308 qui constituait a l'origine le plus meridional des quatre acces a la ville fortifiee et dont l'edification date de l'an 1389, c·est-a-dire de l'epoque de Goryeo. Si ne demeurent aujourd'hui que quelques pans de muraille, leurs elegantes courbes s'allient harmonieusement avec leur cadre naturel et l'edifice a pris une valeur si emblematique de Jeonju que l'un des festivals les plus apprecies de cette ville en porte aujourd 'hui le nom.

Un centre international de cu lture Desireuse d'acquerir l'envergure d'un foyer mondial de culture, la ville de Jeonju propose des manifestations telles qu 'un Festival international du film se deroulant chaque annee des mois d'avril a mai et a cette occasion, ce qu 'il est convenu d'appeler son quartier du cinema, puisqu'il est dote de plusieurs multiplexes, exerce une attraction magnetique sur les cinephiles et autres habitants venus profiter des festivites. En prenant le parti de promouvoir un cinema alternatif et independant, ce festival seduit taut particulierement un public averti et lors de son edition de 2007, il a presente cent quatre-vingt-cinq productions en provenance de trente-sept pays differents. D'ores et deja prevue pour se derouler du 1" au 9 mai prochains, celle de 2008 accueillera les spectateurs dans le quartier du cinema, tandis que diverses autres activites et festivites se tiendront en parallele en differents points de la ville, notamment sur le campus de l'Universite nationale de Chonbuk. Autre manifestation annuelle digne d'interet, le Festival de Sari se consacre chaque automne, quand vient le mois d'octobre, a un art du spectacle specifiquement coreen , le « pansori » , dont Jeonju est de longue date le lieu privilegie par la generosite et la sensibilite musicale qui constituent les traits de caractere distinctifs des hommes qui viven! dans cette region de plaine du Sud-Quest coreen et dont l'oreille musicale exercee fait le renom en matiere de « pansori ». c·est en 2001 qu·a debute cette manifestation repondant, au nombre d'autres actions, a l'objectif de faire decouvrir au public mondial les arts du spectacle coreens, notamment le « pansori », taut en favorisant la multiplication d'echanges musicaux avec des pays tres divers et par le biais de nombreux spectacles proposes en Coree comme a l'etranger. En 2004, dans le cadre du programme des Heritages oraux ou immateriels de l'Humanite mis en ceuvre par l'UNESCO, un concert de grande ampleur allait ainsi mettre a l'honneur la production musicale de neuf nations, dont la Coree, et recevoir ainsi le soutien de cette organisation internationale.

74 Koreana I Pri ntemps 2008

Par sa programmation. le Festival international du film qu i se tient chaque pri ntemps a Jeonju entend propose r aux cinep hiles coreens des productions inde pendantes et alte rn atives , crea nt dans tau te la ville une atmosp here d' effervescence fest ive . 2 Be rcea u du « pansori ». Jeonju orga ni se, l'autom ne venu, sa pri ncipale manifestat ion cultu relle intitulee Fest iva l de Sa ri et conjug uant un re pertoire trad itio nn el compo rta nt ce ge nre pa rticulier avec di fferentes musiques du monde.


3

4

Comptant de longue date parmi les reg ions gastronomiqu es coree nnes, Jeonju se distingue par la trenta ine de petits plats qui accompagnent ses soupes, ragouts, legum es et autres delicieuses specia li tes. Compose de riz, boe uf cru emince et legumes va ries, le savoureux « bibimbap » de Jeonju fa it la renommee de la ville , ou les visiteurs et rang ers so nt nombreux l'apprecier.

a

Paradis des gastronomes Tres prisee des gourmets pour ses specialites culinaires, Jeonju est particulierement reputee pour son « bibimbap », une preparation composee de riz, legumes et bceuf qui, si elle est partout appreciee et consommee en Coree, s·avere tout

a fait digne d'eloges dans sa variante locale. Situee

a proximite d'une plaine de Gimje a la fertilite peut-etre sans pareille en Coree, baignee par une Mer Jaune regorgeant de fruits de mer et bordee en tout sens de montagnes ou poussent de nombreuses especes vegetales, Jeonju dispose ainsi d'ingredients dont la fraTcheur et la qualite concourent

al'obtention d'un mets des plus savoureux.

En outre, il etait naturel qu 'une ville ayant abrite la residence des rois et nobles de Joseon soit en mesure de proposer des menus d'un grand raffinement,

al'instar du « hanjeongsik », cette table d'höte

coreenne qui met aussi en ceuvre les ingredients les plus frais et tout le savoir-faire resultant d'une pratique evoluee, comme on pourra le constater dans les nombreux restaurants que compte la ville.

Le « bibimpap » de Jeonju presente la particularite d'une cuisson substituant al'eau un bouillon a

l'os de bceuf et s·agremente, outre cette viande

a l'etat cru, de germes de soja, ainsi que d'un jaune

d'ceuf egalement cru et point n·est besoin pour l'apprecier de rechercher les meilleurs restaurants, car les etablissements ordinaires en proposent souvent des variantes d'une plus grande originalite. Si « bibimbap » et « hanjeongsik » constituent les plats de predilection des touristes, les habitants leur preferent de plus modestes preparations telles qu·une soupe agrementee de pousses de soja et au riz, ou plus simplement accompagnee de divers condiments. Aux quatre coins de la ville, de celebres restaurants attirent une clientele fidele par d'o riginales recettes perfectionnees au fil des generations. Restaurateurs et traiteurs de Jeonju accueillent leurs clients comme s'il s·agissait d'invites et dans les tavernes de quartier, une simple commande du vin de riz que l'on nomme « makgeolli » vaudra

aces derniers de se voir

offrir une quinzaine de petites preparations d'accompagnement, et ainsi de suite

a chaque

nouvelle tournee, une telle marque d'hospitalite ne pouvant

que rendre leur sejour d'autant plus agreable, avant qu 'ils s·en retourn ent avec le souvenir imperissable de leur rencontre avec ces hommes chaleureux. !IP Printemps 2008

1

Koreana 75


CUISINE

Des bouillies de riz dietetiques

aux ormeaux et pignons


Obtenue par cuisson lente des cereales dans sept fois leur vo lume d'eau, la bouillie est un plat ancien aux preparations diverses mais egalement appreciees, aujourd'hui encore, dans l'alimentation des malades en convalescence ou comme complement nutritif

a l'intention des enfants et personnes agees, mais aussi,

pour ses vertus aperitives, lors des repas quotidiens.

a

Paik Jae-eun Professeur de nutrition et de sciences des aliments la Faculte de Bucheon Bae Jae-hyung Photographe I Shin Dong-joo Conseillere culinaire

L

·art culinaire est toujours attache aux specificites de l'agriculture, de la peche ou de l'elevage, comme en Coree ou les routes de campagne sont partout bordees de rizieres dont les grains constituent de longue date l'aliment de base de la population saus forme de multiples

preparations

ala vapeur, gateaux, alcools, boissons sucrees et bouillies, notamment dans le cas des

premiere et derniere d'entre elles.

Un mets des plus anciens Des l'Antiquite, les Coreens etaient friands de bouillie, ce terme regroupant alors taut aliment base de cereales delaye dans une grande quantite d'eau et soumis

a

a une longue ebullition destinee a

ramollir les grains en vue d'une meilleure digestion. lls l'accommodaient avec plus de variete par ce mode mieux adapte

a la penurie cerealiere d'alors que la cuisson a la Vapeur, OL/ la proportion d'eau

n'est superieure que d'un volume et demi au lieu de sept, et donc apte, en quantite moindre,

a

nourrir plus de ventres affames. Dans les palais royaux et les foyers ou vivaient des vieillards, c·est vers cinq he ares que se preparait le « premier petit dejeuner », cette bouillie matinale destinee l'appetit qui s·accompagnait toujours de « kimchi »

a l'eau,

afortifier le corps et ouvrir

ainsi que de filet de merlan seche ou

d'une friture de laminaire aux pignons et au poivre. Obtenue par cuisson lente des cereales dans sept fois leur volume d'eau, ce plat ancien se pretait

a des

preparations diverses mais egalement

appreciees, aujourd 'hui encore, dans l'alimentation des malades en convalescence ou comme complement nutritif

a l'intention

des enfants et personnes agees, mais aussi, pour ses vertus

aperitives, lors des repas quotidiens. Cet aliment recommande aux personnes relevant de maladie,

ala vapeur, fournit aussi un petit dejeuner aussi simple a un rythme de vie trepidant, d'ou la multiplication des

car d'une digestion plus facile que le riz cuit qu·excellent

a l'homme

moderne soumis

restaurants proposant cette specialite, tandis que grands magasins et supermarches commercialisent ces memes preparations conditionnees en boTte metallique ou de matiere plastique. Emanation d'une civilisation orientale fondee sur la culture du riz, la bouillie coreenne fait pendant

a la

soupe consommee au debut d'un repas occidental

a base

de ble, l'une comme l'autre

visant afaire preceder le plat principal d'un mets leger, desalterant qui facilite l'assimilation des aliments, et recourant

al'epaississement de leur melanges respectifs par de la farine de riz et du rou x. Prin temps 2008

1

Ko reana

77


Bouillie aux ormeaux lngredients 300 g d'ormeaux non decortiques, un verre et demi de riz non gluant, deux cuillerees a soupe d'huile de sesame, une demi-cuilleree a soupe de sel

Preparation Laver le riz et laisser tremper dans l'eau plus de deux heures, puis le placer dans un petit panieren bambou tisse pour l'egoutter. 2 Nettoyer soigneusement les ormeaux a l'aide d'un fin pinceau, enfoncer le couteau la ou la coquille est mince et extraire La chair. 3 Emincer la chair. 4 Dans une casserole a fond epais, faire rapidement revenir les ormeaux eminces dans l'huile de sesame, ajouter l'eau et le riz et faire cuire a feu vif. 5 Une fois l'eau a ebullition, reduire le feu, puis laisser bouillir a petit feu jusqu'a obtention d'un melange homogene, en remuant sans cesse avec une spatule en bois. 6 Lorsque le riz est d'une consistance tendre, saler et servir. Nota , En cas de difficulte de decorticage, placer les ormeaux dans une casserole, coquille en bas, et chauffer legerement ala vapeur. Contrairement ala pratique courante, il est de coutume, sur lile de Jejudo, d'ajouter les intestins d'ormeaux crus

a la preparation pour lui donner une teinte verdätre et la legere amertume qui fait sa saveur particuliere.

Des variantes aux nombreux ingredients La bouillie coreenne s·accommode de differentes manieres en fonction de ses ingredients, a savoir, outre le riz qui peut s·y trouver seul, les fruits secs tels que pignons, noix ou chataignes, des legumes varies dont le « kimchi », les champignons et la citrouille, mais aussi la viande, le poulet, les ormeaux, huTtres, moules et autres fruits de mer, ainsi que des plantes potageres comme les pousses de soja ou la mauve crepue, voire le lait. Peuvent aussi entrer dans sa composition des herbes medicinales tres variees, petales de fleurs, fruits, patates douces et autres tubercules. De ces nombreuses variantes, celles aux ormeaux et aux pignons sont les plus prisees et figurent le plus frequemment sur les bonnes tables. Dans le premier cas, apres avoir emince la chair extraite de la coquille et l'avoir fait revenir

a l'huile de sesame, on ajoute le riz et l'eau ou il a trempe, puis on met le tout sur le

feu . ll convient de ne pas assaisonner trop la preparation, sous peine d'alterer son goGt d'ensemble, en raison de la saveur particuliere de l'ormeau, un mollusque aussi delicieux qu·onereux se trouvant en quantite pres de l'Tle de Jejudo, ou est donc tres repandue la consommation de bouillie. Excellent stimulant des estomacs paresseux et de la production de lait apres l'accouchement, celle-ci assure en outre un effet purgatif, et donc rehydratant, sur le foie apres la consommation d'alcool, de meme qu'elle tonifie l'organisme en cas de faiblesse, ralentit le vieillissement de la peau et reduit l'hypertension. Quant

a la seconde variante, qui s·agremente de pignons finement broyes, elle ajoute a

une delicieuse saveur les grandes qualites nutritives de cette graine dont la consommation, selon la medecine orientale, rallongerait considerablement l'esperance de vie en raison de sa forte teneur en proteines et acides gras non satures revitalisants, ainsi qu'en vitamine B, autant de vertus qui la classent parmi les meilleurs fruits secs. Jadis, c·est cette preparation qui figurait le plus souvent au menu des petits dejeuners royaux. il 78

Koreana

I Printe mps 2008


La bouillie occupe une telle place dans l'alimentation qu'existe un dicton selon

Bouillie aux pignons

lequel toute belle-fille qui se

lngredients

respecte devrait en connaltre

Un verre de riz, un demi-verre de pignons, six verres d'eau, une pincee de sel, miel au choix

au moins vingt recettes et, en ces temps de surabondance, les Coreens aiment

aen

consommer pour prevenir les maladies de l'age adulte et reposer leur estomac.

Preparation Laver le riz et laisser tremper dans l'eau plus de deux heures, puis le placer dans un petit panieren bambou ti sse pour l'egoutter. 2 Eteter les pignons. Doser l'eau. 3 Moudre separement au mixeur le riz et les pignons en mouillant avec l'eau . 4 Verser cette mixture dans une casserole a fond epais et lorsqu'elle est chaude, ajouter le riz, puis porter a ebullition tout en remuant avec une spatule en bois. 5 Ajouter progressivement les pignons moulus apres avoir reduit le feu pour eviter la formation de grumeaux. Laisser bouillir a petit feu jusqu¡a obtention d'un melange homogene.

6 Verser la preparation encore chaude dans un bol et servir en presentant sel et miel dans des recipients differents pour que chacun assaisonne a son goGt. Nota , Assez souvent, il peu! arriver que cette bouillie soit trop diluee parce que d'une consistance trop malle, ce qui a tendance a se produire lorsque riz et pignons ont ete moulus ensemble, si l'on a trop remue pendant la CUiSSDn DU s i l'on a sale trop tot.


REGARD EXTERIEUR

<< Regards de nuit >> Plongez bien dans leur regard, vous y verrez cette ame d'enfant. Et hormis la perseverance, la joie de vivre et l'espoir, c·est bien, je crois, ce qui me fascine le plus chez le peuple coreen. Thomas Pourcelot Professeur

a l' ecole d'interpretation et de traduction de

l 'Universite Hankuk des etudes etrangeres

E

n Coree depuis seulement mai 2007, je ne suis pas ce que l'on pourrait appeler un specialiste de ce pays. Toutefois, et chacun l'admettra certainement volontiers, lorsque l'on s'installe dans une ville, que l'on y vit au quotidien, c'est la ville elle-meme qui,

petit a petit finit par nous habiter. Eh bien, comme pour tout un chacun, Seoul a pose en moi son empreinte. Et etrangement, les emotions qui impregnent la plupart de mes souvenirs me rappellent constamment au monde de la nuit. En y reflechissant un peu, j'ai compris que la nuit regorge de tresors, elle offre un visage inedit de la ville. c·est presque un autre monde, seulement un peu plus discret. Et pourtant, pour qui sait l'entrevoir, elle fait decouvrir une mine de secrets. Alors justement, quels secrets m'a revele la nuit seoulite? Outre des immeubles illumines, polis de leurs imperfections par la penombre, baignes dans son velours, outre des croix rouges pen;:ant le ciel sans etoiles, du bruit et encore du bruit pour des oreilles qui viendraient a tout hasard d'une quelconque cambrousse frani;:aise, qu·est-ce qui a fai;:onne ma perception, mon sentiment a l'egard de Seoul? Ce sont avant tout les habitants. Et plus precisement, ce sont leurs regards. Le regard a en effet la faculte de vous raconter des histoires, de vous depeindre des tableaux de vies, que votre imagination embellit de ses prejuges, bien evidemment. Le regard a peut-etre le don de parler?! Et la nuit, tous ces regards sont finalement pleins d'une forte expressivite : ils ne s·embarrassent pas des contingences. Prenez-les par exemple au saut du lit, au moment ou l'etre ne se pose pas encore de questions sur son paraTtre. Tenezl Choisissez un samedi, a 5h du matin! ll fait juste un peu frais , une faible humidite recouvrant la ville en ce mois de septembre . Vous etes de retour de soiree, la fatigue pointe son petit nez et vous, vous commencez a piquer du ·votre. c·est alors dans cette torpeur matinale que vous decouvrez une face cachee des Seoulites. Vous y voyez les petits ouvriers et ouvrieres qui partent au travail, vous y voyez le sourire efface de ceux qui n'ont pas assez dormi, et cela depuis bien trop longtemps. Ceux-la, ceux que vous croisez en cette fin de nuit, souvent deja quinquagenaires, ne paraissent pas avoir signe de contrat equitable avec le destin, et leur vie semble n'etre qu'une longue suite de resignations. Leur regard est vide ou presque. ll n·y perce aucune joie mais par contre, oui, par contre, et je vous promets que vous pouvez le percevoir si vous y prenez garde, il y jaillit une force. Serait-ce le Qi, si propre aux cultures orientales? Je n'en sais rien. Mais ce qui est certain, c·est qu'elle a 80 Ko reana I Pri ntem ps 2008


l

la teinte de la determination et de l'abnegation. Et c·est exactement cette force-la qui semble jaillir du peuple coreen taut entier lorsque l'on tente d'en sentir le pouls. Changement de temps ; revenons quelques heures en arriere dans cette promenade nocturne. Partons aux antipodes de cette atmosphere eteinte, de cette torpeur matinale, pour decouvrir la scene qui se joue alors dans les quartiers etudiants de Sinchon, Hongik, Hyehwa, et les autres. J'aime ces quartiers. lls me rappellent taut d'a bord mes propres soirees etudiantes et bercent a cet egard ma nostalgie. Celle-ci, a la faveur des petites rues excessivement eclairees, multicolores, des cafes et petits restaurants se succedant les uns aux autres, et de l'atmosphere legere qui y regne, me replonge egalement dans des souvenirs de vacances passees dans les cites balneaires franc;:aises. Mais cela ne ressemblerait-il pas a ltaewon egalement? Non ! J'y suis bien evidemment alle faire un tour mais il faut bien avouer que l'ambiance n·y est pas si enjouee. ll y prime au contraire cette sensation malsaine de se retrouver dans les bas-fonds d'une grande ville. L'a mbiance de fete paraTt, non pas li-bertine, mais dissolue et menac;:ante. C'est egalement dans les regards des etrangers que j'y ai rencontre ces sentiments. lls se toisent, ils se defient, ils sont amers. J'ai le souvenir d'y avoir vu se refleter un besoin d'exces, non pas nourri par la joie mais empli d'u ne gravite cachee et d'une melancolie que l'on fuit, une sorte de nausee avant l'heure. Ces yeux ne portaient pas en eux cette petite lumiere scintillante, si rafraTchissante que je pouvais retrouver dans ceux des jeunes Coreens de Sinchon, Hongdae ou encore Hye hwa. Justement, la, la legerete des cceurs semblait de mise et l'expression du bonheur, sans faux-semblant. Enfin, pour la derniere etape de cette balade, nous voici maintenant en debut de soiree ou plut6t en debut de nuit. c·est vendredi soir. ll est 19h. Les bureaux se vident, les tailleurs et costumes- cravate font leur entree. Mines lessivees mais radieuses, les employes se retrouvent pour le rituel repas entre collegues; ils vont se refaire une sante a coups de« chickens », de biere et de soju. lls sont aussi la pour souder le groupe, trouver ou parfaire une cohesion sociale essentielle a l'efficacite dans le travail. Nous autres etrangers appelons plut6t ceci de la mauvaise foi d'une nation qui a eleve l'alcoolisme au rang de tradition salutaire. Quoiqu'il en soit, il est possible d'y voir a cette heure des yeux pleins de frenesie. Elle est d'a utant plus perceptible chez les jeunes a qui la vie coreenne offre des reves et des espoirs de lendemains radieu x. lls ont en general travaille tres dur pour obtenir leurs dipl6mes, mais ils sont aussi les petits tresors de leurs parents. Ces derniers, et meme parfois les grands parents, se cassent souvent les reins jusqu·a point d'age pour payer des etudes de luxe a ces cherubins. lls sortent de l'Universite, commencent a travailler,et vivent toujours chez leurs· parents. lls sont couves, dorlotes jusqu·a ce que vienne le moment de fonder une famille et de quitter le cocon familial. Etre un « Tanguy » ici en Coree, n'a rien de particulier. Et justement, a quoi revent ces pupilles qui, au fur et a mesure de la soiree, s'imbibent d'a lcool et finissent par briller de plaisir et de fous rires? Revent-ils, comme je l'ai souvent entendu dire, de s'enrichir et de fonder une famille rapidement ? Revent-ils d'aller vite, toujours plus vite ? Le temps presse, le grand age guette. Attention, passe la trentaine, le celibat deplait aux codes sociaux. Ceci est d'autant plus vrai pour les jeunes femmes. « Mesdemoiselles, vous avez 30 ans ? Et vous n'etes pas mariees? Mais il faut penser a vous marier. Hatez-vous ! » Quant aux moins jeunes, ils sont aussi de la partie . lls ne sont pas moins motives a faire la fete que leurs « fils et filles » et sont meme souvent plus portes sur la bouteille. Vous les verrez alors se tenir par les epaules ou par la taille, se faire des compliments et des politesses, deambuler et faire la tournee des restaurants ou bars comme s'ils etaient encore etudiants. Ce sont de grands enfants, ils aiment jouer. Plongez bien dans leur regard, vous y verrez comme moi, j'en suis convaincu, cette ame d'e nfant. Et hormis la perseverance, la joie de vivre et l'espoir, c·est bien, je crois, ce qui me fascine le plus chez le peuple coreen.

1()

Printemps 2008 1 Koreana

81

-


VIE QUOTIDIENNE

Passion des animaux de compagnie Depuis une vingtaine d'annees, la Caree campte taujaurs plus d'amis des betes, puisque c·est aujaurd'hui un menage sur cinq qui passede un chien, un chat au des especes taut autres camme reptiles au paissans, ce phenamene de saciete meritant que l'an s·y interesse. Ryu Min Redactrice occasionnelle I Photographie : Newsbankimage, Yonhapnews

A

a celui

u detour d'une grande artere, l'reil est quelque-

cent. un chiffre certes inferieur

fois attire par une boutique de vetements pour

avances, mais en constante progression.

des pays

chiens ou les tissus en nid d'abeille c6toient de

C'est en 1988 que s·amorce une evolution dans ce

moelleux tricots faits main et de petites robes gansees

domaine, lorsque arrive en Coree le premier produc-

de laine taut aussi varies par leurs formes que leurs

teur mondial d'aliments paur animaux, Purina. apres y

couleurs . En admiration devant tant de beaux articles

avoir decele un marche afort potentiel,

revelateurs de l ' importance de ces animaux. on

il semblait normal de nourrir un chien des restes du

aune epoque ou

decouvre combien il est vrai qu 'ils vivent parfois mieux

repas, chose aujourd ' hui inimaginable, tandis qu'il

que l'homme.

aurait paru choquant de leur reserver des aliments speciaux, biscuits ou chewing-gums. Ce spectaculaire changem1;:nt s·explique avant taut

Un statut variable Au Salon mondial de l'animal domestique qui se tenait en 2007

a Seoul . etaient

exposes un produit

par la montee en puissance d'une classe moyenne portee

a aimer

les animaux de compagnie, qu ·ava it

encapsule permettant d'extraire des genes d'animaux

favorisee la reprise economique, au lendemain des

afin de les conserver dans du cristal et accompagne de

Jeux Olympiques organises en 1988

la carte genetique correspondante, d'aucuns s·etonnant

s'ajoutait le vieillissement de la population, l 'essor

de tant de precautions pour assurer leur descendance,

de la famille nucleaire et des foyers unipersonnels.

quand la plupart des humains n·en beneficient pas,

« Autrefois, il y avait beaucoup de familles nom-

aSeoül, alaquelle

mais les associations protectrices des animau x s·en

breuses, ou l 'individu disposait de toutes les protec-

felicitant au contraire. « Pourquoi traiter differemment

tions necessaires et s·attachait d'autant moins au x ani-

hommes et animaux, puisque ceux-ci font partie de la

maux, mais des relations familiales plus indepen-

famille et doivent etre soignes comme tels ? » s'inter-

dantes allaient par la suite rapprocher l'homme de

roge Yi Hui-jae, un visiteur de quarante six-ans.

l'animal, le premier considerant le second comme son

Selon une documentation editee, en 2006, par l'Association coreenne des fabricants de produits pour

semblable », explique le professeur Kirn Tae-sil, specialiste des animaux domestiques

a la

Faculte

animaux domestiques, ce marche engendre en Coree

Dong-A. En particulier, les menages biactifs sont tou-

un chiffre d'affaires d'environ douze mille milliards de

jours plus nombreux

wons qui se repartissent entre les secteurs de l'alimen-

gnie

tation, de l'habillement, de la coiffure et du Logement, le

en outre des sujets de canversation qui sont autant

nombre de foyers concernes atteignant dix-huit pour

d'occasions d'echanges.

82 Koreana I Printemps 2008

a en acquerir pour tenir compaa l'enfant unique laisse seul a la maison et offrant


Prin temps 2008

1Koreana 83


titre particulier et s·accompagner d'un soutien psycho-

Un sort enviable

S'etendant sur pres de trois cents metres du

logue dispense aux proprietaires des animaux les plus

cinema Daehan a l'avenue Toegyero, la « rue des chiens »

recalcitrants . Cree au mois de septembre 2006, cet

seoulienne represente a elle seule taute l'histoire de ce

etablissement accueille un effectif d'environ quarante

secteur economique coreen, puisqu 'elle accueille, outre

chiots moyennant le reglement de frais d'inscription

une trentaine de centres du chien de compagnie, insti-

mensuels variant, selon le poids de chaque animal, de

tuts de formation de coiffeurs pour chiens, magasins de

cent cinquante a quatre cents mille wons, un montant

produits specialises, salons de coiffure et cliniques

qui demeure modique au regard de l'investissement

veterinaires. c·est au debut des annees soi xante qu'ont

qu'il constitue au profit de ces veritables « enfants » .

fait leur apparition les premiers d'entres eux et, des l'an

Les amis des betes se voient aussi proposer des

2000, on recensait une soixantaine de ces etablisse-

polices d'assurance assorties d'une garantie « tous

ments regroupes en un veritable quartier commercial a

risques » couvrant les chiens de six mois a huit ans

vocation specialisee . President de l'Association des

jusqu ·a concurrence de vingt millions de wons, pour

Pour nombre de Coreens, l'animal de compagnie fait aujourd'hui partie de La famille et n'est donc pas soumis

ades rapports de

domination, mais d'affection, offrant en outre des sujets de conversation qui sont autant d'occasions d'echanges. Force est de constater, au vu des produits commercialises

aleur intention, que leur sort est parfois meme plus enviable que celui des humains.

84

Koreana

commerc;:ants, Kirn Su -bon se souvient que, « dans les

une souscription dont le prix non negligeable, puisque

annees soixante-dix, ou le prix d'un berger allemand

compris entre trois et cinq cents mille wons par an en

pouvait atteindre celui d'une maison, le chien de com-

fonction de l'age et de la race, ne semble pas dissuader

pagnie constituait un signe exterieur de richesse ». ll

des assures toujours plus nombreux.

n'en etait pas moins maintenu en asservissement par

Cet amour des betes de compagnie se manifeste

son ma1tre, auquel il se devait d'etre fidele et d'obeir, ce

aussi dans les cliniques veterinaires, ou des proprie-

qui n·est plus le cas aujourd'hui, car cet animal, outre

taires inquiets restent au chevet de leur animal malade,

qu'il n'est plus reserve a quelques privilegies, tient lieu

parfois jusqu·a un jour entier lors d'une urgence et,

de parent ou d'ami a l 'individu dont il partage l'exis-

dans ce dernier cas, declarent s·acquitter d'obligations

tence.

de famille taut a fait normales si l'on s·etonne qu'ils

Ces nouveaux comportements allaient entraTner un

soient prets a verser la majoration de cinquante pour

rapide developpement des secteurs d'activite con-

cent qui s'ajoute a un montant par lui-meme important.

cernes, comme a Goyang-si, ville de la province de

Les plus passionnes d'entre eux vont jusqu'a appeler

Gyeonggi-do, au une ecole maternelle desservie par

leurs petits proteges de leur nom, tel cet homme appor-

une navette propose au x proprietaires de chiots un

tant dans ses bras au service des urgences son chat

emploi du temps bien rempli faisant alterner restaura-

heurte par une automobile, et qu'il a baptise « Lee Yepi ».

tion, jeu x, sieste et goGter, ainsi qu·un dressage qui,

Hommes et animau x disposent d'un grand choi x

dans le cas d'animaux peu sociables, peut etre assure a

d'etablissements, telles ces cliniques de medecine orien-

I Pri ntemps 2008


tale proposant seances d'acupuncture et de moxa, stations thermales aux bains ou ont infuse pas moins de quinze varietes differentes de plantes medicinales et aux massages

ala baue jaune, piscines pour chiens, lecteurs de MP3 en or a dix-huit carats serti de diamants, toutes choses que d'aucuns envieraient.

Succes du chat chez les femmes celibataires Si l'animal favori des Coreens est sans conteste le chien, puisque dix pour cent, soit cinq millions d'entre eux, en possedent et qu·une gamme de quelque cinq cents produits leur est offerte, on assiste aussi ces temps derniers

a

l'apparition inattendue du chat, aujourd'hui present dans un nombre croissant de foyers s'elevant des maintenant

a cent

mille, taridis que pres de cent cinquante produits differents

sont commercialises al'intention de leurs proprietaires.

Parmi eux, citons cette celibataire de 34 ans qui, aussit6t rentree

ala maison, avoue chercher des yeux ses deux chats

car, affirme-t-elle : « Cela me fait du bien d'etre accueillie en douceur par mes deux « petits » quand j'arrive chez moi apres une dure journee de travail. L'idee que l'on m·attend me fait chaud au cceur ! » Elle saisit en outre la moindre occasion de naviguer sur internet en quete d'informations sur ses petits compagnons et de les evoquer lors de bavardages avec d'autres internautes. Les destinataires de cette rapide diffusion du chat de compagnie sont en majorite celibataires, de sexe feminin, agees de vingt

aquarante ans et preferent celui-ci au chien

parce qu'il n'est pas bruyant, dissimule proprement ses excrements et fait preuve d'une plus grande independance en s·amusant seul, sans deranger sa maTtresse, qui l'appelle en retour son « bebe » et prend de lui des photos

aenvoyer

sur le reseau . L'Association coreenne du chat estime aujourd'hui

a

quatre cent mille le nombre de ces animaux de compagnie, lequel aurait ainsi triple en quatre ans, comme en temoigne aussi l'existence de onze cyberclubs ou plus de dix mille adherents se consacrent

a leur

bete favorite. Selon le

vendeur d'une boutique animaliere du quartier seoulien de Chungmuro, les ventes de chiens et chats se repartiraient

a

raison de six pour quatre. La rapide progression du nombre de proprietaires d"animaux de compagnie se traduit aussi par la tenue de nombreuses manifestations leur intention partout en Coree, tels les spectacles pour chi ens. Depuis quelques annees, la Coree campte toujours plus d"amateurs d"especes peu ord inaires com me les lezards, iguanes et aut res reptiles exoti qu es. Les secte urs d"activite relatifs aux animaux de com pagni e sont en plein essor, par exe mple celui du toilettage et de ses specialistes.

a

2

3

Le succes croissant de ce felin s·accompagne de l'essor d'activites economiques telles que l'h6tellerie specialisee assurant un accueil d'une certaine duree, notamment en periode de vacances ou l'afflux de clients contraint les etablissements

a clore

leurs reservations, ou encore les

« circuits touristiques pour chats » proposant l'escalade de

Printem ps 2008

1 Korea na 85


Des lie ux tels que ce Cafe des chats permette nt aux pro prieta ires de ces anim aux de se retro uver en app ortant leur petit compa gn on. 2 Avec un ravissement mele d· effroi, les enfa nts obse rvent chelydres. furets et autres etrang es es peces au Salon de l· animal exotiq ue de co mpag nie.

parois, si ceux-ci ont une predilection pour l'altitude,

d'aquarium, soit dix-huit fois plus que l'annee

ou la capture d'une balle suspendue a une canne a

precedente.

peche, s'ils aiment a poursuivre des objets en mouve-

Quant aux insectes, voila longtemps que certains

ment. Le proprietaire d'un magasin d'accessoires

tiennent compagnie a l'homme en raison de leur prix

souligne quant a lui : « ll y a cinq ans, rares etaient

peu onereux, de leur faible encombrement et du fait

ceux qui achetaient des objets pour chats, alors qu'ils

qu 'ils sont inodores et silencieux. En Coree, les

representent aujourd'hui trente pour cent de notre

especes les plus representees en sont les

chiffre d'affaires. »

scarabeides et le lucane, d'une observation particulierement instructive pour l'enfant puisqu 'elle lui

Tendance aLa hausse pour les animaux rares Les Coreens temoignent un interet Croissant pour

tion de l'ceuf jusqu·a l'etat adulte, en passant par ceux

des especes animales rares, aupres desquelles il

de larve et de chrysalide. Selon l'Office d'amenage-

permet d'assister a tout le processus de transforma-

aurait autrefois paru inconcevable de vivre, tels les

ment rural, cent a cent cinquante mille personnes

insectes et des reptiles comme l'iguane, le cameleon

possederaient ainsi des insectes de compagnie en

ou le lezard a collerette. Au cours de l'annee 2006, on recensait 55 383 ani-

Coree, ou ce marche representant un chiffre d'affaires annuel de dix milliards de wons est tres

maux de compagnie rares ayant fait l'objet d'une

convoite dans la perspective de ses recettes poten-

autorisation d'importation delivree par le ministere

tielles. Enfin, il convient enfin de signaler la recente

de l'Environnement, ce chiffre ayant ainsi progresse

apparition du grillon et de la luciole dans ce secteur.

de 62,6% par rapport a l'annee precedente et corres-

Si la diversite croissante temoigne d'un regain de

pondant dans 13 318 cas a des reptiles, dont le nom-

dynamisme du marche coreen , cet essor, comme

bre avait augmente de 53,8%. Venaient ensuite

partout ailleurs, ne manque pas de comporter

l'espece paisible du dragon barbu, le roi de la

quelques effets negatifs, notamment, a l'instar de ce

metamorphose qu'est le cameleon, le gecko leopard

qui se produit dans nombre de pays avances, une vive

tres prise pour la beaute de ses couleurs, tandis que

augmentation des abandons de chiens, aggraves de

figuraient en premier lieu parmi les serpents la

certains problemes lies a des pratiques manquant de

couleuvre fine et inoffensive et le serpent de lait du

maturite. ll n'en demeure pas moins que l'animal de

Honduras aux couleurs vives, ainsi que le serpent

compagnie s·avere toujours plus indispensable a une

corail, dont pas moins de 31 572 specimens avait

population qui campte un _nombre croissant de

alors ete importes, suivis enfin de 10 506 poissons

celibataires et familles nucleaires.

86 Ko rea na I Printemps 2008

I)


Aper~u de la litterature coreenne

Park Min-gyu

C'est en ce tournant de siede que le romancier Park Min-gyu a fait irruption sur La scene litteraire coreenne, ou il tient de l'extraterrestre par une sensibilite et une intelligence passant pour heretiques au regard de ses semblables. Prenant pour decor des mondes surannes, son CEuvre n'en temoigne pas moins d'une ecriture reellement novatrice, au ton aussi Lucide qu'incisif, et a aussitot suscite chez Les lecteurs coreens un enthousiasme qui ne s¡est jamais dementi .


CRITIQUE

Une satire caustique et empreinte de maturite Lee Myoung-won Critique litteraire

D

ans les deux romans et le recueil de nouvelles qui composent soffoeuvre a ce jour, l'auteur exerce a merveille l'humour, cette reaction affective que seul peut manifester un auteur ne se laissant pas dominer, voire engloutir par l'objet clont il traite, tout en restant conscient des limites entre raison et emotion, en vue d'une necessaire relativisation. Il y revele un univers dans lequel la vie obeit encore a un ordre ancien representant un monde objective ou äme et existence humaines sont asservies a la mondialisation du capitalisme, tous les protagonistes de l'intrigue cedant des lors au plus total sentiment d'impuissance, une corruption omnipresente les incitant en outre a se refugier dans l'autoderision et le defaitisme, face a l'oppression economique et a l'impossibilite de toute promotion sociale qui interdisent certitudes et perspectives d' avenir. Afin de survivre dans un ordre du monde depasse, les hommes pallient ces deux carences en s'adonnant eperdument au jeu, mais ce faisant, plus ils se debattent et trepignent, plus se font tragiques leurs conditions de vie. Giha, le personnage principal de la nouvelle  Norme coreenne , en offre un 88 Koreana I P rintem ps 2008


excellent exemple, car l'ancien militant aux convictions inebranlables fait figure de marginal, vingt ans apres avoir pris part au mouvement etudiant, en ces annees quatre-vingts Oll la Coree s'ouvrait a la democratie. C'est la continuite de ces ideaux qu'il s'efforce d'assurer par une action ecologiste dans un milieu rural clont les dures realites ne font bien au contraire que precipiter leur faillite. L'echec en est symbolise, sur le mode de l'absurde, par le theme d'une soi-disant invasion extraterrestre suite a laquelle le heros succombe au decouragement apres s'etre donne corps et äme a la realisation, au moyen de l'agriculture, de ses ambitions des;ues de citadin. Si la restructuration industrielle menace a ses yeux la survie du monde rural et des rapports humains qui en participent, la cause veritable du mal, de loin la plus terrible, reside dans l' evolution des mentalites. « Pour moi aussi, les reves de promotion supplanterent peu a peu ceux du grand soir. .. » deplore le narrateur clont le propos traduit evidemment le changement d'etat d'esprit qui s'est opere chez les Coreens entre les annees quatre-vingts et le nouveau millenaire. Aux jei.mes d'hier qui, par pur utopisme, croyaient a la possibilite de faire entierement changer le monde dans ses fondements meme, ont succede vingt ans plus tard les quadragenaires d'aujourd'hui rejoignant deja les rangs de la vieille generation et en meme temps prives d'espoir, auxquels se substitue une simple logique d'autodefense assimilable a l'instinct de survie. Des lors que celui-ci supplante toute perspective ou poursuite d'ideal, leur existence entiere sombre toujours plus dans un sterile declin auquel l'homme ne peut qu'opposer une immense detresse constituant la thematique centrale de l'auteur, qui n' en menage pas moins au lecteur une possibilite de distanciation ou d' objectivation par un rendu des sentiments tout en mesure et en detachement, Oll s' exprime un sens de l'humour caracteristique empreint d' emotions maitrisees par une froide analyse de la realite. La dimension humoristique resulte aussi du recours a un procede narratif qui consiste a prevenir toute compassion du lecteur a l' egard des personnages par un large emploi, parallelement a des descriptions d'un grand realisme, de cette « technique de l' etrange » appliquant un traitement comique aux situations les plus dramatiques au moyen d'elements relevant de l'illusion ou a caractere imaginaire, telles ces pretendues invasions extraterrestres. En evitant ainsi au lecteur une quelconque identification aux personnages, sa mise en ceuvre frequente produit, par la multiplication des situations satirisees, un effet inattendu de desillusion suscitant une reflexion sur la logique de realite inculquee par l'habitude, en l'occurrence celle du capitalisme qui subordonne entierement l'existence humaine a l'accumulation de richesse et reduit les rapports humains a une lutte pour le pouvoir. En effet, qu'est-ce d'autre que l'humour, si ce n'est le fruit des desillusions ressenties au terme de mures reflexions accomplies en s'abstenant resolument de toute compassion? La moindre velleite d'assimilation du lecteur aux personnages de l' ceuvre se voit clone mise en echec, au moment Oll il s'y attend le moins, par cet humour qui lui öte toute desillusion face a l'absurde total de chaque situation. Aussi l'humour est-il l'apanage d'un esprit mur et en aucun cas de l'ordre etabli, seuls en etant capables ceux qui savent prendre du recul pour penser et l' ceuvre de Park Min-gyu se presentant a cet egard comme une originale forme de resistance esthetique a toute norme repressive doublee d'une satire de la realite d'autant plus interessante par sa dimension universelle depassant le seul cadre de la Coree. II> Pri ntemps 2008 1 Koreana

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Abonnement et achat de numeros Fondation de Coree Seocho P.O. Box 227 Diplomatie Center Building, 2558 Nambusunhwanno, Seocho-gu, Seoul 137-863, Coree du Sud www. kf.or.kr

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Koreana

Revue trimestrielle creee en 1987, « Koreana » a pour vocation de contribuer a une meilleure connaissance du patrimoine culturel coreen par la diffusion d'informations a caractere artistique et culturel. Au theme special clont traite chaque numero en profondeur et sous differents angles, s'ajoute une presentation d'artisans traditionnels, d'aspects de la vie quotidienne et de sites naturels, ainsi que de nombreux autres sujets. Tarif des abonnements (frais d' envoi par avion compris) 1 an

2 ans

3 ans

18 000 wons

36 000 wons

54 000 wons

Japan, Hong-Kong, Ta'1·wan, Chine

33$US

60$US

81$US

Autres

37$US

68$US

93$US

Coree

[Nurneros precedents disponibles au prix unitaire de 7$US, plus frais d'affranchissernent par avion.]

Korea Focus

Webzine mensuel (www.koreafocus.or.kr) et revue trimestrielle, « Korea Focus » offre des analyses politiques, economiques, sociologiques et culturelles relatives a la Coree et completees de questions intema tionales connexes. Creee en 1993, elle apporte ces informations essentielles selon un point de vue objectif tout en cherchant a favoriser une meilleure comprehension de la Coree sur la scene internationale et l' essor des etudes coreennes dans les etablissements universitaires etrangers a travers une selection d'articles extraits des principaux quotidiens, magazines d'actualite et revues scientifiques. Tarif des abonnements (frais d' envoi par avion compris) 1 an

2 ans

3 ans 54 000 wons

18 000 wons

36 000 wons

Japan, Hong-Kong, Ta'i'wan, Chine

28$US

52$US

71$US

Autres

32$US

60$US

81$US

Coree

[Nurneros precedents disponibles au prix unitaire de 5$US, plus frais d'affranchissernent par avion.]

Korean Cultural Heritage

11 s'agit d'un recueil d'articles et photographies issus des precedents numeros de« Koreana » sous forme de quatre tomes bien distincts. Ceux-ci foumissent une presentation complete et systematique de la culture coreenne par des etudes fouillees et une photographie en couleur de haute qualite. (Tome I Beaux-arts, Tome II Pensee et religion, Tome III Arts du spectacle, Tome IV Modes de vie traditionnels)

Fragrance of Korea

Redige en langue anglaise et abondamment illustre, le catalogue « Fragrance of Korea : The Ancient GiltBronze Incense Bumer of Baekje » est consacre a l'Encensoir en bronze dore de Baekje, un chef-d' ceuvre ancien classe Tresor national coreen n° 287 et admire pour sa delicate beaute qui temoigne d'un savoir-faire accompli dans le travail des metaux tel qu'il fut pratique en Extreme-Orient. Cet ouvrage de 110 pages illustrees de photographies et dessins comporte trois essais intitules : « Signification historique de l'Encensoir en bronze dore de Baekje », « Dynamiques culturelles et diversite : du Boshanlu taoi:ste a l'encensoir bouddhique de Baekje »et« Le site du temple bouddhique de Neungsan-ri a Buyeo ».

Prix du tarne: 40$US [frais d'envoi non cornprisl.

Prix du tarne: 25$US [frais d"envoi non cornprisl.




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