1 Article paru dans la revue « Multitudes »
Un dimanche de la vie : la révolution espagnole , 1936-1937. par Olivier Pinalie I. Passé sous silence L’Histoire qui recueille tout le bien et tout le mal que les hommes accomplissent parlera un jour (...) Combien de choses dira l’Histoire et combien de figures qui se croient glorieuses seront exécrées et maudites... Protestation devant les libertaires du présent et du futur sur les capitulations de 1937. Un "incontrôlé" de la Colonne de Fer.
"Le faux sans répliques" La Guerre d’Espagne demeure une référence de l’Histoire du XXe siècle. Répétition du prochain conflit mondial, l’issue des armes installe une dictature en Europe pour près de quarante ans. La Guerre Civile devient ainsi un combat exemplaire et l’histoire perpétue le souvenir du sursaut héroïque des combattants républicains refoulant obstinément les troupes fascistes devant Madrid. Mais cette histoire qui comble nos regrets et nos faiblesses est une fiction idéale. En nous présentant d’abord la Guerre Civile comme un affrontement entre la République et le fascisme, elle falsifie la réalité, en assimilant ensuite l’antifascisme au sentiment national républicain, elle dévoie le sens de la guerre. La lutte contre Franco, emmenée par les travailleurs, le fut au nom de la Révolution sociale. Mais l’histoire observe un si rigoureux devoir de réserve que nous avons aujourd’hui presque oublié cette révolution. Elle est devenue "le détail" de la Guerre d’Espagne, et cette guerre elle-même, un simple prélude à notre propre histoire (la Seconde Guerre mondiale), perdant du même coup toute sa complexité. Ce refoulement est d’autant plus évident maintenant qu’il a pris la forme indiscutable d’une histoire avérée. La Révolution espagnole est une mémoire vive dont nous devons disposer, un enjeu de liberté face à la confusion et à l’ignorance qu’entretiennent les nouvelles idéologies politiques. Il ne s’agit pas d’exalter une nouvelle "issue collective", mais de se défendre en se réappropriant une histoire qui soulève des questions qui sont loin d’être toutes dépassées. L’histoire, quand on la connaît, est là pour nous permettre de mesurer ce qui dans le présent nous détermine et nous agite.
L’Espagne libertaire Qu’exprime la Révolution espagnole de si subversif qu’elle soit devenue la "Part Maudite" d’une histoire pourtant abondamment illustrée ? (la revue Autrement "Madrid 1936-1939" ou le film de Frédéric Rossif Mourir à Madrid, entretiennent le mythe espagnol sans évoquer la Révolution). C’est qu’il y a une audace inouïe à choisir son destin du jour au lendemain sans se démettre pieusement devant l’autorité. La Révolution espagnole est un mouvement libertaire qui prive brusquement les autorités de toutes compétences et l’État de toute légitimité. Le 19 juillet 1936, profitant de la mobilisation contre le soulèvement militaire, le peuple prend spontanément le pouvoir, reléguant le gouvernement et la bourgeoisie comme de simples instruments inutiles. Ce mouvement populaire qu’inspirent et animent les anarchistes montre alors de telles ressources pour organiser en peu de temps une société nouvelle qu’il dépasse le seuil de l’anecdote pour s’imposer comme une véritable alternative révolutionnaire. Cette révolution n’a pas eu de modèle univoque. Les anarchistes espagnols ne sont pas des cadres doctrinaires mais des intellectuels, des paysans ou des ouvriers syndiqués, impliqués dans la vie sociale. Leurs idées libertaires s’accommodent de la réalité pour développer souvent une réelle efficacité productive. La révolution ne compte cependant pas que des réussites (en particulier le rôle de la C.N.T. et de ses dirigeants). Mais ces erreurs sont à la mesure du changement que le peuple espagnol entreprend partout, dans l’industrie, le commerce, l’éducation, la santé, l’agriculture, l’armée. Ces initiatives spontanées d’autogestion sont les foyers actifs de la révolution et demeurent pour nous les exemples les plus remarquables. Mais ce bref tour de magie ne se poursuivra pas au-delà de l’année 1937. La révolution subit bientôt ce sort singulier d’être anéantie par l’effort de guerre du Front populaire, c’est-