E. Armand, article « illégalisme », extrait de « l’Encyclopédie Anarchiste », 1934 Mao Zedong, « les dix principes fondamentaux d’opération », in « La situation actuelle et nos tâches, Ecrits militaires de Mao Tsétoung » Nestor Makhno, « Abécédaire de l'anarchiste révolutionnaire », in Probouzdénié, n°18, janvier 1932 500 ans de résistance indigène, extrait de « Oh-Toh-Kin », vol.1 no 1, hiver/printemps 1992 Reprise Individuelle et Guérilla Illégaliste La reprise individuelle, assimilée à de la délinquance par les classes dominantes, est une forme de lutte et de sabotage du pouvoir qui a pour double avantage de permettre pour ses combattants une amélioration immédiate de leur sort et celui de leur entourage, l’acquisition et le développement d’une culture de mépris de l’autoritarisme et d’une force de résistance, de la ruse, et parallèlement l’affaiblissement immédiat de dominants, et en outre de constituer un risque bien plus limité que d’autres formes de lutte révolutionnaire (moins de risques de répression, moindres conséquences). C‘est donc une forme de guérilla parfaitement adaptée à la lutte insurrectionnelle en zone occupée. Il y a cependant quelques règles infranchissables qui séparent la reprise individuelle du vol ou des pratiques mafieuses : la reprise individuelle ne prend pour cible que l’ennemi de classe et ne s’en prend jamais au faible ; elle est pratiquée dans un esprit de partage égalitaire du butins de guerre ; elle peut se pratiquer seul ou à plusieurs, mais jamais sous forme d’association mafieuse, c'est-à-dire hiérarchique. Le réfractaire à la servitude économique se trouve obligé, par l'instinct de conservation, par le besoin et la volonté de vivre, de s'approprier une parcelle de la propriété d'autrui. Non seulement cet instinct est primordial, mais il est légitime, affirment les illégalistes, comparé à l'accumulation capitaliste, accumulation dont le capitaliste, pris personnellement, n'a pas besoin pour exister, accumulation qui est une superfluité. Maintenant qui est cet « autrui » auquel s'en prendra l'illégaliste raisonné, conscient, l'anarchiste qui exerce une profession illégale ? Ce ne sera pas aux écrasés de l'état de choses économiques. Ce ne sera pas non plus à ceux qui font valoir par eux-mêmes, sans recours à l'exploitation d'autrui, leur « moyen de production ». Cet « autrui », mais ce sont ceux qui veulent que les majorités dominent ou oppriment les minorités, ce sont les partisans de la domination ou de la dictature d'une classe ou d'une caste sur une autre, ce sont les soutiens de l'Etat, des monopoles et des privilèges qu'il favorise ou maintient. Cet « autrui » est en réalité l'ennemi de tout anarchiste - son irréconciliable adversaire. Au moment où il s'attaque à lui, - économiquement, - l'anarchiste illégaliste ne voit plus en lui, ne veut plus voir en lui qu'un instrument du régime archiste. A l'anarchiste révolutionnaire qui lui reproche de chercher tout de suite son bien-être au point de vue économique, l'illégaliste lui rétorque que lui, révolutionnaire, ne fait pas autre chose. Le révolutionnaire économique attend de la révolution une amélioration de sa situation économique personnelle, sinon il ne serait pas révolutionnaire. C'est une question de date, tout simplement. Même, quand la question économique n'entre pas en jeu, on ne fait une révolution que parce que l'on s'attend personnellement à un bénéfice, à un avantage religieux, politique, intellectuel, éthique peut-être. Tout révolutionnaire est un égoïste. L'anarchiste dont l'illégalisme s'attaque à l'Etat - ou à des exploiteurs reconnus - n'a jamais indisposé « l'ouvrier » à l'égard de l'anarchisme. Même non anarchiste, l'illégal qui s'en prend à un banquier, à un gros usinier, à un manufacturier, à une trésorerie, etc., est sympathique aux exploités qui considèrent quelque peu comme des laquais ou des mouchards les salariés qui s'obstinent à défendre les écus ou le papier-monnaie de leur exploiteur, particulier ou Etat. Le chiffre des emprisonnés ou des tués pour faits d'agitation révolutionnaire (dont la « propagande par le fait ») laisse loin derrière lui, le nombre des tués ou emprisonnés pour faits d'illégalisme. Dans ces condamnations, les théoriciens de l'anarchisme, du communisme, du socialisme révolutionnaire ou insurrectionnel ont une large part de responsabilité, car ils n'ont jamais entouré la propagande en faveur du geste révolutionnaire des réserves dont les « explicateurs » sérieux entourent le geste illégaliste. Il est clair qu'à tout anarchiste « l'enfermé » inspire plus de sympathie que celui qui le prive de sa liberté ou le maintient en prison. Sans compter que c'est souvent parmi ces « irréguliers », ces mis au ban des milieux fondés sur l'exploitation et l'oppression des producteurs, qu'on trouve un courage, un mépris de l'autorité brutale et de ses représentants, une force de résistance persévérante à un système de compression et d'abrutissement individuels qu'on chercherait en vain parmi les réguliers ou ceux qui s'en tiennent aux métiers tolérés par la police. Principes Fondamentaux des Opérations de Guérilla 1°) Attaquer d'abord les forces ennemies dispersées et isolées, et ensuite les forces ennemies concentrées et puissantes ; 2°) S'emparer d'abord des villes petites et moyennes et des vastes régions rurales, et ensuite des grandes villes ; 3°) Se fixer pour objectif principal l'anéantissement des forces de l'ennemi, et non la défense ou la prise d'une ville ou d'un territoire. La possibilité de garder ou de prendre une ville ou un territoire résulte de l'anéantissement des forces vives de l'ennemi, et souvent une ville ou un territoire ne peut être tenu ou pris définitivement qu'après avoir changé de mains à plusieurs reprises ; 4°) à chaque bataille, concentrer des forces d'une supériorité absolue (deux, trois, quatre et parfois même cinq ou six fois celles de l'ennemi), encercler complètement les forces ennemies, s'efforcer de les anéantir totalement, sans leur donner la possibilité de s'échapper du filet ; 5°) dans des cas particuliers, où il est nécessaire d’agir rapidement en un endroit pour ensuite agir ailleurs, se contenter d’infliger à l'ennemi des coups écrasants, c'està-dire concentrer toutes nos forces pour une attaque de front et une attaque sur l'un des flancs de l'ennemi ou sur les deux, afin d'anéantir une partie de ses troupes et mettre l'autre partie en déroute, de sorte que notre armée puisse déplacer rapidement ses forces pour écraser d'autres troupes ennemies ; 6°) S'efforcer d'éviter les batailles d'usure dans lesquelles les gains sont inférieurs aux pertes ou les compensent seulement ; 7°) ne pas engager de combat sans préparation, ou un combat dont l'issue victorieuse ne soit pas certaine. Faire les plus grands efforts pour se bien préparer à chaque engagement, faire les plus grands efforts pour s'assurer la victoire dans un rapport de conditions donné entre l'ennemi et nous ; 8°) Mettre pleinement en oeuvre notre style de combat-bravoure, esprit de sacrifice, mépris de la fatigue et ténacité dans les combats continus (c'est-à-dire engagements successifs livrés en un court laps de temps et sans prendre de repos) ; 9°) S'efforcer d'anéantir l'ennemi en recourant à la guerre de mouvement. En même temps, accorder une grande importance à la tactique d'attaque de positions dans le but de s'emparer des points fortifiés et des villes de l'ennemi ; 10°) En ce qui concerne l'attaque des villes, s'emparer résolument de tous les points fortifiés et de toutes les villes faiblement défendus par l'ennemi. S'emparer au moment propice de tous les points fortifiés et de toutes les villes modérément défendus par l'ennemi, à condition que les circonstances le permettent. Quant aux points fortifiés et villes de l'ennemi puissamment défendus, attendre que les conditions soient mûres, et alors les prendre ; 11°) Compléter nos forces à l'aide de toutes les armes et de la plus grande partie des effectifs pris à l'ennemi. Les sources principales d'hommes et de matériel pour notre armée sont au front. 12°) Savoir mettre à profit l'intervalle entre deux campagnes pour reposer, instruire et consolider nos troupes. Les périodes de repos, d'instruction et de consolidation ne doivent pas, en général, être très longues, et, autant que possible, il ne faut pas laisser à l'ennemi le temps de reprendre haleine.