Régine Pernoud Histoire de la Bourgeoisie en France Tome II • • •
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Jusqu’au milieu du 19° siècle, on ne distingue pas quartier bourgeois et prolétaire Le 16° siècle = décadence des universités et ruine de l’enseignement élémentaire tel qu’il avait été pratiqué 2 siècles plus tôt. La règle au moyen-âge avait été : autant de paroisse, autant d’écoles. cette institution disparaît un peu avec les guerres qui ruinent les paroisses et les écoles. L’enseignement qui se développe au 16° prend une nouvelle teinte avec l’apparition des collèges payants institués dans les villes par la bourgeoisie, et parallèlement les écoles gratuites pour les pauvres, les uns et les autres ayant leur programme et leur système indépendant. Cette séparation est radicalement contraire à l’esprit de l’école du moyen-âge, où se côtoyaient serf et seigneurs, et même monarques. L’idée de cette séparation est claire dans ce « testament politique » signé par Richelieu : « de même qu’un corps qui aurait des yeux en toutes ses parties serait monstrueux, de même un Etat le serait-il si tous ses sujets étaient savants ; on y verrait aussi peu d’obéissance que l’orgueil et la présomption y seraient ordinaires ; le commerce des lettres bannirait absolument celui des marchandises et ruinerait l’agriculture. » ; on voit peu à peu se fonder des congrégations qui se donnent pour but l’instruction des pauvres stimulée par les évêques qui reprennent pour leur compte les prescriptions du Concile de Trente : « la plus grande charité que l’on puisse exercer envers les pauvres, est de leur procurer les moyens de se faire instruire. » ; on interdit à ceux que l’on nommera par la suite les Frères ignorantins les études qui ne sont pas nécessaires à l’instruction qu’ils dispensent ( aux pauvres ), et notamment celle du latin classique. On leur interdit aussi de recevoir des fils de bourgeois. Au contraire dans les collèges, dirigés tantôt par des congrégations où dominent jésuites et dominicains, tantôt par des laïcs ( il y eut une quarantaine de collèges protestants au 17° siècle ), l’éducation est à la base humaniste. Il s’agit de s’imprégner de latin et de grec classique et de construire des périodes oratoires suer le mode cicéronien : éducation de classe qui dispense une éducation de classe. Ce système se maintiendra jusqu’au 20° siècle. C’est de son collège que se déclarera l’honnête homme, plutôt que de l’université : celle-ci voit peu à peu se réduire sa position de corps autonome et commence à être placée sous l’autorité du pouvoir central. Dès l’an 1600,, après réforme de l’université de Caen et celle de Paris par des commissaires du roi, on déclare que celui-ci à le pouvoir de réglementer les études. En 1666, nouvelle mesure par laquelle les intendants, agents du pouvoir central, devront enquêter sur les universités. La grande innovation est celle qui est introduite par l’édit de 1679 et concerne les facultés de droit qui sont par excellence les pépinières de la bourgeoisie. C’est alors que l’étude du droit romain est instituée dans l’université de Paris. A partir de cette date les recteur ne pouvaient plus être nommés qu’avec l’agrément du roi, lequel surveille aussi l’enseignement et les examens. Sur la base de cet enseignement, l’honnête homme va donner un splendide élan à cet humanisme rationnel qui marque les siècles classiques ; il le fait dans la ligne de la Renaissance, c’est-à-dire en s’attachant exclusivement aux facultés de l’homme considérées comme nobles : celles de l’esprit…conception héritée…de l’antiquité et qui se traduit par une sorte d’aversion pour tout ce que peut apporter l’expérience manuelle et concrète…l’époque entière tient avec Pascal que « toute notre dignité consiste en la pensée ». …en appliquant à la connaissance une méthode purement mathématique, Descartes fournissait à la bourgeoisie un mode de pensée avec lequel elle pouvait se familiariser rapidement ! : le bourgeois par ces origines commerçantes, manifestait une confiance qui deviendra excessive pour les valeurs de quantité, pour tout ce qui se chiffre…assimiler la vérité à l’évidence, décomposer chaque problème d’ensemble en une multitude de problèmes de détail, imposer à la pensée un ordre rigoureusement logique afin d’éviter les erreurs…Ainsi s’affirmera sur la plan de la philosophie cette tendance caractéristique de la bourgeoisie à ne tenir compte que des valeurs strictement masculines, valeurs de raisonnement, de quantité, cérébrales, éliminant l’apport de l’imagination et de la sensibilité. L’intuition, l’expérience concrète disparaissent au profit des déductions logiques, de l’expérimentation raisonnée. Les jésuites de leur côté ont entrepris l’éducation de la haute bourgeoisie et de la noblesse ( collège de la Flèche d’où est issu Descartes, ce « gentilhomme du Poitou » ; son père était conseiller au parlement de Bretagne ; il appartient à cette frange de la bourgeoisie que l’on appelle d’ors et déjà noblesse de robe ) opposant à l’humanisme païen un humanisme chrétien grâce auquel la religion se trouve insérée et réintroduite dans les préoccupations du temps. Le jansénisme : pessimisme foncier, négation totale de la liberté de l’homme, impuissance radicale de l’homme attiré qu’il est par les tendances de sa nature lesquelles sont forcément mauvaises ; prédestination, avec grâce divine sur de rares élus de Dieu. Cette doctrine connaît une large diffusion dans la bourgeoisie, noblesse de robe. Le parlement en sera le bastion jusqu’à la fin de l’ancien régime. On a été jusqu’à faire du jansénisme un mouvement purement bourgeois, érigé contre la noblesse et porteur de la lutte des classes. Cette doctrine eut pourtant ses fidèle dans le peuple et la noblesse. On retrouve encore quelques marques des luttes jansénistes dans la révolution. Il aurait marqué profondément la bourgeoisie parlementaire, ainsi qu’une partie du clergé. Son influence sera perceptible jusqu’au 19° siècle dans cette austérité dont témoignent ses membres ; il n’est pas interdit de voir dans le jansénisme une tendance qui caractérise cette opposition entre une nature foncièrement corrompue et dont rien de bon ne peut sortir, et d’autre part un dieu terrible, qui est à l’image de celui que nous décrit l’ancien testament : l’incarnation, le dieuamour est évacué, avec la trinité du christianisme révélé du nouveau testament. On retrouve cette opposition dans la séparation de physique et métaphysique cartésienne. Tout se passe comme si il y a avait une tendance de la bourgeoisie à séparer du point de vue religieux et doctrinal ce qui touche à la conscience et ce qui touche aux affaires. On sépare le domaine de Dieu de celui de l’existence et de la conduite pratique de la vie, à laquelle dieu est invité à ne pas se mêler. Dieu d’une part et de l’autre le monde ( dont on proclame qu’il est corrompu et ne peut être sauvé ), dans un dualisme caractéristique. On va plus loin en hollande et en Angleterre où Dieu est invité à faire prospérer les affaires. Le pauvre va ainsi devenir le paresseux, il est marqué par la malédiction divine ; la nuance ne sera apporté qu’avec le 19) siècle qui dira que « tout de même », « pauvreté n’est pas vice… » ! Colbert luimême jugeait nécessaire d’entretenir une certaine pauvreté afin d’inciter le peuple au travail ; ce que l’anglais Mandeville traduira clairement : « ils [ les pauvres ] n’ont rien pour les inciter à travailler que leurs besoins, qu’il est prudent de soulager, mais fou de guérir ! » La religion catholique au 17° siècle est profondément marquée par le Concordat de 1516 qui a mis la nomination des évêques dans les mains du roi. Les thèses gallicanes portent sur des questions purement temporelles : le pape doit demander au roi pour lever des impôts ; les évêques ne peuvent se rendre à Rome sans l’autorisation du roi, qui convoque aussi les conciles. Cette modification conduit même à ce que des athées se retrouvent curés ! Principe médiéval formulé par Saint Thomas : « le peuple n’est pas fait pour le prince, mais le prince pour le peuple ». Le quart état ou « quart monde » : ce sont les laboureurs, sergents, artisans ou « gens de bras », qui sont réputés « viles personnes » et forment le « sot peuple » : celui qui n’est pas instruit et ne peut prétendre à aucune charge honorifique ; le tiers état ne représente aucunement le peuple. Le vile peuple est constitué de tous ceux qui travaillent de leurs mains : leurs occupations sont « déshonnêtes et sordides » : artisans, gens de métier ( ceux qui exercent les « arts mécaniques » : « nous appelons communément mécanique ce qui est vil et abject » explique un juriste… ) ; c’est ici la doctrine de Cicéron qui fait l’ordre social. On y trouve aussi les laboureurs et paysans