Passages

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2024/2025

Table of Contents

Bétadine

Marie Nicole Trezza

Sur le quai de la gare

Inès Jacquinod

Slaughterhouse

Virág Szabó

Reims

Léona Favier

Fragments étudiants

Jeanne Bertrand-Faure

Sans titre

Jeanne Bertrand-Faure

Family Tree

Pawel Bolek

Ode à Iemanja

Paloma de Araujo

Cheers to that

Louise Tabary

Le voyageur

Inès Jacquinod

Arabesque

Victoria Gasparakis

Requiem

David Feuer

Photographers

Jeanne Plain

Claire Rudelle

Team

Blanka Györfi-Tóth

Claire Rudelle

David Feuer

Vhien Gabriele Penales

Tony Lazzarotto

Timothy Schoonover

Note de l’éditeur

Quelles sont les muses des étudiants du campus ? Quels sujets inspirent un corps étudiant si divers et brillant ? Nous ne nous attendions pas à ce que le TGV Paris-Reims soit si omniprésent dans les créations rassemblées dans ce recueil. Nous ne nous attendions pas non plus à ce que les Rémois puissent si bien capturer l'esprit poétique des passages Nous aurions pu cependant nous en douter : qui d'entre nous n'a pas quitté quelque chose, qui d'entre nous n'a pas connu des changements bouleversants depuis notre arrivée place Museux ?

Des seuils, des voyages, certains déchirants, certains formateurs et d'autres qui prennent par surprise. Certains indéfinissables et incompréhensibles mais tous beaux retranscrits par des moyens artistiques eux-mêmes divers et émouvants

En relisant le magazine fini, une image ne me quitte pas, j'espère que vous partagerez mon constat : les contributeurs et contributrices de cette édition (tel Jean Cocteau qui s'acharne sur un tableau sans arriver à peindre autre chose que son auto-portrait) ont laissé une représentation touchante de leurs individualités et de leurs histoires personnelles.

Ces vingt pages sont empreintes des personnalités, des expériences (partagées) et des parcours, tous passionnants, des étudiants de ce campus J'espère que vous serez sensible comme nous le sommes à ce portrait intime et beau de celles et ceux que vous côtoyez et avez côtoyés Nous remercions les artistes qui ont partagé leurs oeuvres pour former cette édition annuelle de po.ézine. Bonne lecture, bon voyage à travers les passages multiples de ceux qui ont franchi l'iconique porte rouge qui précède une autre porte qui précède elle même un passage

Editor’s Note

To pass To catch a fleeting glimpse into the world of shadows To see the world swish by in ecstatic movement at three hundred kilometres per hour, the trees and houses morphed into streaks of light and colour To be the tense, precarious transition, the moment of hesitation in which the cold certainty of the book and the word succumbs to the erratic excitability of particles buzzing about, in which the entire universe seems to hover on the verge of collapse. To be the beginning and the end and a million becomings in between: a glitzy walkway lit by the spotlight, a dark, grimy tunnel that narrows around you like a snake wrapping itself around the neck of its prey. To be the doors through which we pass day by day without stopping to look, without even realising, or the fading footprints of two erstwhile friends in the park, now strangers who do not look up when their paths cross

In this issue of po.ézine, we present to you a dozen creative pieces, both literary and visual, on the theme of passages from students of the Reims campus of Sciences Po. We would like to thank all of the talented artists, writers, and photographers who contributed their works to this issue We sincerely hope that you will enjoy them as much as we have

As our authors show through their moving pieces, passages can be physical or metaphorical, promising or foreboding, unidirectional or branching, but, above all, they are all around us in our books, our buildings, our lives They are a leap of faith in the other, a departure into the great unknown, an obstinate striving for the promised land; they are the changing seasons and the ever-receding past They are a whiff of fresh air, danger, possibility, freedom, dread life itself.

Bétadine

au bord du vide je me suis demandé pourquoi ce gouffre me faisait peur peut-être parce que je ne veux pas sauter seule je voulais que tu me tiennes la main ou que tu m’enlaces et que tu dises « vas-y, de l’autre côté, il y a nous » et pourtant, j’ai compris que même si ce « nous » n’existera pas et si je tombe en faisant ce pas il restera toujours un moi et toi toi et moi, comme la bétadine sur cette éraflure que je me suis faite en atterrissant sur mes mains des mains qui, même si elles ne serrent pas les tiennes enlaceront un jour celles de quelqu’un

prêt à sauter le premier

Sur le quai de la gare

Inès Jacquinod

Papa,

Je te regarde sur le quai de la gare,

Au bout du chemin, le grand départ.

Les valises sont scellées,

Les lèvres collées

C’est le moment d’y aller

Mais moi je reste plantée là, dans l’allée.

J’essaie de me rappeler à quel point j’en ai envie

De cette école, de cet appart, de cette vie,

Mais pour je ne sais quelle raison

Là, tout ce à quoi je pense, c’est la maison.

Je pense aux jeux d’enfants,

Aux cris de maman,

Au monopoly,

Aux "à table!" et "au lit!”

Aux soirées film sur le canapé,

Aux "Range ta chambre et éteins la télé."

Sur le quai de la gare,

Chaque paysage est empli de nostalgie,

Chaque pas après l’autre se fait de plus en plus fragile

Mon cœur se sert, mon pouls s’accélère

Quelque chose s’empare de moi :

Le doute ou bien la tristesse, va savoir

Je suis pas sûre que je veuille prendre un nouveau départ

Je ne savais pas si j’avais vraiment envie de partir,

Si c’était moi qui avançait sur ce quai,

Ou bien si c’était la vie qui m’aspirait

À m’en faire suffoquer

Et malgré ça, sur le quai de la gare,

Je marche tout droit, un peu tremblante

Pendant que mes pensées s’égarent

Je crois que j’ai peur de prendre

Un nouveau départ

Alors je me retourne vers toi, papa,

Pendant que sur le quai de la gare,

C’est le grand départ.

Les valises sont scellées,

Les lèvres sont collées

Mais moi je reste plantée là, sans savoir où aller.

Est-ce que je dois vraiment quitter mon chez moi où je n’ai presque rien laissé

Pour aller vers l’inconnu et tout recommencer ?

Est-ce que je dois vraiment troquer la boussole de l’adolescence

Pour la carte des adultes que t’es même pas sûr de tenir dans le bon sens?

Avoir un pied dans chaque monde c’est bizarre

Un seul faux pas et c’est le grand écart.

Papa, j’ai peur de la chute

Quand mon monde tourbillonne et chahute

Mon chez moi, bien plié dans une valise

Sera bien moins réconfortant quand les journées seront grises

Et si j’emporte tout dans mes bagages,

Où est-ce que je rentrerai quand j’aurai besoin d’un retour aux bases ?

J’ai peur papa, et puis loin du foyer j’ai froid

Alors s’il te plaît papa, dis-moi

Dis à cette fille peureuse

Aux yeux humides

Qu’elle laisse derrière elle bien plus

Qu’un appartement silencieux

Et des placards vides.

Slaughterhouse

In this meat city where the neon ladies dance girls sell themselves by the pound to greedy butchers who slice them down so finely they become almost translucent to the naked eye

Reims

Si minuscule face à la grandeur de la nuit

Si ridicule au pied de cette géante bâtisse.

Et pourtant, tant de grandeur dans mon petit être insignifiant.

Et ll’immensité du monde qui manifeste sa présence

Le vent puissant qui se heurte à ma peau, comme les caresses de l'être aimé retrouvé.

Les gouttes d'eau qui accostent aux rives de mon visage, balayant de mes joues le sel des larmes qui les ont précédés.

La chaleur protégée, au creux de moi, emmitouflée pour contrer le grand froid

Les pulsations de la musique, à l'unisson avec mon corps tout entier.

Les souvenirs de vous, cachés au fond de mes paumes

Mes émotions décuplées par ces sens ravivés

Et tous ces gens, ces quelques valeureux, sous leurs parapluies. Ils

ne savent pas qu'ils passent à côté

La bouffée de vie retrouvée

Reims, te revoilà.

Fragments étudiants

De retour à l’appartement

Des facettes de vies exposées au regard de tous

Tous ceux qui passent

Tout ce qui s’y passe

Un sac à sac

Des boites à boites

Des souvenirs emmeublés

Un tas de porcelaine blanche,

Tâché de vert

Et d’orange

Souvenirs incrustés

Ombres murales

D’images déchirées

Recoupées remaniées, au sol

Où leurs mains et leurs corps se sont affaissés

Le bruit des rires confiés,

Quatre ou cinq bouteilles vides,

Vestiges de fêtes

Fossiles

D’une euphorie passée.

La cuisine dans la chambre, La chambre dans le salon,

Qui donne sur le balcon,

La rue dort sur le lit.

Une lumière vive

S’écorche sur le métal rayé

La cigarette se consume

Jubile

Depuis le cendrier,

Celle la même qui devait être la dernière

Un court instant

Le monde tourne encore

Efface

Les traces de ceux passés avant

Comme les sourires laissés sur le quai de la gare

Car tout finit par s’éteindre quand dans ses yeux,

La lumière passe

Et le train annonce son départ

Un silence

Tamponne mes tempes

Incessamment

Il fait taire leurs rires

Il colle aux bouts des doigts,

Reste ? au bout des lèvres.

Sans titre

Family Tree

Itwascoldthatday October,probably. WhenIsaiahcamehomefromwork,hewasinafoulmood,worsethanusual He nevertoldmewhatwaswrong Justthatheneededmetocomforthim “Comehere,baby Liedownonthecouch What’dyoudoallday?”

The“couch”wasanythingbut:old,wornout,stained,moldywiththeyears And whatcouldIhavedoneallday?Thesameaseveryotherday Exploringtheattic Makingfoodinthekitchen Listeningtotheradio Escapingtothegarden–but nevertoofar,incaseIsaiahnoticedIdisobeyed.Healwaysknew.

“Isaiah…IwanttogotoCalifornia.Havewesavedenoughyet?”I’ddonethe math,overandover.“WecouldgotoSantaMonica,sitonthepier.I’dtouchthe seaforthefirsttime.Iwanttoseetheseagullsflyingoverth-” “That’senough Sitonmylap”

Thatlookagain Hungry Iwasterrifiedwhenhelookedatmelikethat

“Isaiah,Ijustwanttogetoutofhere” “That’snotyourcall,kid.Doyourdance.”

Wedidn’thaveaTV.Justacracklyradiothatpickedupaclassicalmusicstation. ThatwasIsaiah’sideaofentertainment:adanceIhadtodoforhim. Andwhenheasked,Iknew“no”wasn’tanoption.

Iturnedontheradiotobreakthesilence Onlyclassicalmusic whichclashed completelywiththemoment Ifeltsick,alone,terrified ButIdidit ForIsaiah

Idancedacrossthedustywoodenfloorboards Asthedyingsunlightfiltered throughthewest-facingwindow,Isaiahpulledouthisbottleofwhiskeyandtooka swig,smiling.Hestaredatmewithananimalhunger. Myeyeswereempty,mybodysweaty,everymovementjustsurvival.Imovedso hewouldn’tyell.Somaybehe’dloveme.

Themusicdidn’tmatteranymore–justthescrapeofmyfeetonthewood,the bittertasteofsilence,andhisdevouringstare Idanced,butIwasalreadygone

“Ifitfeelsgood,thenitcan’tbewrong

Then the music stopped. Isaiah got up, probably to fix it, already tipsy. He stumbled into me and hugged me I felt so safe, so loved–for the first time in weeks. I looked up at him, and he kissed me deeply. I loved him so much, because he loved every inch of my body and we both knew it. His tongue in my mouth, invited by my neediness He bit my lip, like he always did But harder this time I tasted blood.

I pulled away suddenly

“Isaiah, there’s blood in my mouth You bit me too hard, it hurts,” I spurted out, swallowing my own blood.

He smiled, eyes locked on the red stain spreading in the corner of my lips Not his usual smile–no, something calmer Colder

“You’re bleeding, yeah.”

He ran his finger across my mouth, slowly, then brought it to his lips He tasted it

“It’s nothing. You taste sweet, you know?” he murmured. He laughed–a short, dry laugh that didn’t make me laugh at all “See, sometimes, you’re just too beautiful. It’s hard not to… take a bite.” He came closer.

You wanna rip these clothes off And hurt me

For the first time, I saw my life flash before my eyes. I knew that it was now or never. I grabbed the whisky bottle on the floor, aimed at Isaiah, and closed my eyes, praying to God that I don’t miss

“Isaiah, you are the man of my life.” I hoped he knew that. I smashed the bottle into his muscular body with all my strength. There was blood on my hands More in my mouth But all I could smell and see and taste was Isaiah. Is it possible to love someone so much you wanted to become one with them? So much that love consumes you? And when they want to consume you?

I ran. As fast as I could. Almost tripped over the radio. The music came back. Ladies and gentlemen, now playing: Bach’s Partita no 6 in E Minor

I ran and ran, no shoes, shirt half-unbuttoned and hair in my face, until I made my way out onto the main street of town. I stuck my thumb out for a ride until a beat-up car pulled over

An old man rolled down the window and smiled at me

“Where are we headed, young lady?”

“California ”

Ôde à Iemanja

Ô Iemanja tu m’envoutes

Je t’aime, plus aucun doute

Tu es la reine des mers

Notre sœur et notre mère

Enveloppe moi d’amour

De ton aura si profonde

Efface le bruit sourd

Des aquatiques ondes

Parsème sur mon corps

Les cent gouttelettes d’or

De ton très cher océan

De ce monstre, de ce titan

Protège moi des malheurs

Console moi quand je pleure

Je vois ta silhouette vague

Ô tu danses entre les vagues

Tu existes sous le sable

Ton doux visage est aimable

Les plis de ta robe blanche

Et les fils d’or sur ta manche

Se mêlent à l’écume nacrée

Tu es si belle, sacrée

Sublime divinité

Assure moi la santé

De mes peines ai pitié

Pour toi je chante ce soir

Iemanja mon espoir

Cheers to that

Friendscome,peoplego

Loverscome,strangersgo

Theblurisabitofarodeo

SoItookitallback

Thelove

Thetime

Thewords

Thelikes

Iwasleftatear

Rollingdowntoofast

Forveinstoodry

Eyesopenaghast

Iwasleftafear

AndIstared

Andstared

Andstared

Intothemirror

Shallowgaze onceablaze

Bloodiedsnow scaredthecrow

Eyesdrainedofshow

ButIwasstillthere

Soulscanfly,bodiesarestucktothe ground

Soulscandie,butwearestucktothe ground

(Fortunately,soulsarehardtokill)

Isteppedawayfromthemirror

Closedthedoor

Headphoneson, the80salwaysworked

Bercy2006‘Fuckthemall’

Onestepforward

Cheerstothat

Tothemiracleofstillbeingme

Le voyageur

Arabesque

Timeleapsforward, agracefuljeté

Webarelyglance

Wesigh.

Wesay: “I’msotired.”

Iblink

Summercomes strollingthrough SciencesPo’sguardedgatesand greetsuswitha sadsmile

Shedoesn’tstaylong. Justenoughtocast unshapelyshadowsacrossthecobblestone, towarmourshoulders withfadinggold.

Oh,howbittersweetthechange

Oh,howdelicate, howlovely, theturnofseasons inthequietspinoftime.

Requiem

One day, the computers will stop working

The bright lights and the ecstatic, orgiastic movement that drew you closer, enraptured you and took you prisoner, just as a fly-trap does a fly, will go extinct. The unpredictable

explosiveness

of excited electrons firing to and fro, the deep murmur of server rooms burning through the night, the u n e n d i n g f l o w of businessmen and politicians and doormen and hair-salon insurance salesmen, cheap merchandise and fancy wines will cease.

Then, there will be no more divas suddenly dazzled under the spotlight or the cameras, no more traffic jams and raging nightlife, no more arrogant intellectuals and bloody dictators no more heroes and villains and gaudy movies

no more conveniences and nuisances There will only be

THE NIGHT

, the real one, the dark one

The wind will pick up and the houses will s h a k e, boughs will

C

R

A S

H like meteors, bricks will fly as the houses crumble. And that night will go through you, absorb you, gnaw at you, spit you out, transform you. And the world will be whole again.

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