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Yves Mittaz: Le soleil est notre joueur le plus important

Le Valaisan Yves Mittaz organise depuis 1987 (!) le plus important tournoi de golf suisse. Il nous parle dans cette interview des plans du nouveau clubhouse, du gazon d’Angleterre qui n’a pas été livré, de l’influence de la météo et des milliards saoudiens.

STEFAN WALDVOGEL

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L’Omega European Masters, qui se tiendra pour la 75e fois à Crans-Montana, débutera le 25 août. Avez-vous prévu quelque chose de spécial pour ce jubilé?

Nous n’allons certainement pas mettre sur pied quelque chose de «très gros» pour cette éditions spéciale. Comme chaque année, nous essayons toujours d’améliorer un peu la manifestation sous tous les aspects. Nous sommes encore au stade de la planification, mais les visiteuses et les visiteurs peuvent déjà se réjouir de venir assister au tournoi.

Aucun autre tournoi en Europe ne se joue au même endroit depuis aussi longtemps. Que faites-vous de spécial par rapport aux autres?

Je dirais que nous avons le bon endroit et le bon produit. Il ne s’agit pas d’avoir le meilleur parcours de golf ou les meilleurs joueurs. Ce qui fait notre succès c’est l’ambiance, le village entier qui soutient la manifestation, et le fait que les spectateurs peuvent approcher de très près les joueurs, ce qui est unique. C’est la clé de notre réussite durant ces dernières années. En plus, nous avons la chance de compter sur un fidèle sponsor, surtout si l’on compare avec les pays voisins. En France, il y a environ 800 000 golfeurs. La France a pu organiser la Ryder Cup, c’est vrai, mais sinon les sponsors manquent, comme en Italie ou en Espagne d’ailleurs. C’est l’European Tour qui doit apporter son aide financière pour que calendrier des tournois soit relativement rempli. Ce n’est certainement pas une évolution positive.

Je suppose que vous ne recevez pas d’argent du Tour?

Nous pouvons heureuement compter sur des partenaires comme Omega ou Credit Suisse, et beaucoup d’autres qui nous soutiennent depuis longtemps. Nous avons toujours pu nous financer nous-mêmes les années passées, tout en continuant d’investir dans des améliorations. Nous sommes vraiment indépendants.

Combien de spectateurs attendez-vous en Valais? Cela dépend fortement des prévisions météo. Les vrais fans viennent toujours, on le voit aussi avec la prévente, qui marche fort. La différence se fait au niveau des visites plus ou moins spontanées et là, le temps joue un grand rôle. Je le répète toujours: ce n’est pas untel qui est notre joueur le plus important, c’est le soleil. Sur

50 000 spectateurs, il y a peut-être 10 000 fans de golf, le reste veut juste venir passer du bon temps chez nous. Et à ceux-ci nous voulons offrir le meilleur divertissement possible, également en-dehors du parcours de golf.

Vous investissez depuis de nombreuses années dans les transformations du parcours. Qu’est-ce qui a changé dernièrement?

Moins que ce que nous avions espéré. En octobre, nous voulions rénover les greens 1, 4 et 5 avec un nouveau gazon spécial, un mélange qu’on trouve seulement en Angleterre, mais après le Brexit, il a été impossible d’obtenir ce gazon. Nous avons vraiment tout essayé, mais avons dû repousser le projet au mois d’octobre de cette année. Nous espérons maintenant trouver une solution en Irlande. Mais ne ne sommes pas restés les bras croisés. Nous avons complètement rénové et remis à jour divers bunkers.

Où en est le projet de nouveau green en île du trou 18?

On ne peut pas le considérer de façon isolée. Comme on sait, le clubhouse a fait son temps. Depuis la mort de Gaston Barras, des discussions ont lieu avec sa famille.

C’est elle qui possède le terrain et le clubhouse. La commune est bien sûr également impliquée, car elle possède le parking attenant. Les discussions vont bon train et le projet du green en île en fait partie. D’ici à fin 2023 nous devrions y voir plus clair. Pour le moment tout se passe bien, même si, comme toujours, il y a beaucoup d’impondérables dans la construction.

Retour à l’actualité: pouvez-nous déjà nous donner des noms de participants à l’édition 2022?

C’est encore un peut tôt. Ce qui est sûr, c’est que le tenant du titre Rasmus Højgaard sera là, tout comme son frère jumeau Nicolai qui a, comme on sait, gagné une semaine plus tard en Italie le premier de ses deux tournois sur le DP World Tour. Pour Rasmus, le titre en Valais était déjà son troisième. Je me réjouis énormément de la présence des deux jeunes Danois. D’autres noms seront annoncés dans le courant de l’été.

Au niveau international, la Superligue avec les milliards d’Arabie saoudite fait parler d’elle. Qu’en pensez-vous?

Le projet déstabilise beaucoup de choses et ce n’est sûrement pas bon pour nous. Les Tours ont décidé de sanctionner les joueurs qui se laisseraient tenter. Cela pourrait signifier par exemple qu’un Martin Kaymer ne pourrait plus jouer chez nous. La Ligue saoudienne est peut-être intéressante à court terme pour certains joueurs vieillissants, qui savent qu’ils ne remporteront plus de tournois majeurs. Toutefois, je trouve personnellement très problématique qu’on distribue 25 millions de dollars par tournoi et encore quelques millions supplémentaires de primes de participation, ainsi que des dédommagements pour les derniers joueurs dans le tableau. Il y a déjà eu des idées semblables au football, mais les fans se sont insurgés. Il semble qu’actuellement il y a beaucoup trop d’argent à disposition dans le golf. Je peux bien m’imaginer que dans deux ans, les Saoudiens diront qu’ils n’ont plus envie et stopperont le projet. Il n’y aura alors que des perdants, sauf quelques-uns, peu nombreux, qui se seront remplis rapidement les poches, de façon relativement égoïste.

Le premier tournoi de la Superligue aura lieu en juin en Angleterre après le bouclage de ce numéro. Quelles sont les implications pour l’Omega European Masters, un tournoi relativement petit en comparaison, quand autant d’argent est en jeu? Est-ce «dangereux» pour vous?

Je ne le crois pas. Je préfère un petit tournoi qui fonctionne à un tournoi qui n’est mis sur pied que pour rechercher un profit immédiat. Autant de prize money ne suffit pas à faire le bonheur, il faut autre chose. Pour ce qui est de notre tournoi, je reviens toujours à son ambiance particulière au milieu des montagnes. Quelque chose de pareil n’existe nulle part ailleurs. Nous allons continuer de miser sur cet atout. Cela n’a pas de sens de se lancer dans un course insensée au prize money et d’essayer de concurrencer 25 millions de dollars par tournoi. •

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