Note aux decideurs_april_2024_FR

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NOTE AUX DÉCIDEURS

Agir d’urgence pour sauver 49,5 millions de vies et construire les bases de la résilience alimentaire et nutritionnelle au Sahel et en Afrique de l’Ouest

MESSAGES-CLÉS

Message 1: Entre avril 2019 et avril 2024, le nombre de personnes affectées par la crise alimentaire a été multiplié par sept, passant de 5 à 35,3 millions. L’insécurité et l’inflation aggravent la crise.

La campagne agropastorale 2023-2024 a été globalement satisfaisante même si la production céréalière par habitant a légèrement régressé. La production céréalière pour 2023-2024 est estimée à plus de 77 millions de tonnes, légèrement en baisse de 0,6% par rapport à l’an dernier, mais supérieure de 4% à la moyenne quinquennale. La production par habitant dans les pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest a cependant reculé de 0,7%. La production de racines et tubercules, évaluée à 206 millions de tonnes, est en hausse de 4% comparée à celle de l’an dernier et de 8% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Certaines cultures de rente comme le café ou le cacao ont connu une baisse de production allant de 6% à 13% par rapport à celle de l’an dernier.

La détérioration rapide de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition aigüe demeure préoccupante. Le nombre de personnes en insécurité alimentaire est estimé à 35,3 millions en avril 2024, soit 30,3 millions de plus qu’en avril 2019. En outre, si des mesures appropriées ne sont pas prises, 126,5 millions, actuellement sous pression, pourraient basculer dans la crise alimentaire durant la soudure de 2024, surtout au Nigeria (82,6 millions), au Niger (7,3 millions) et au Burkina Faso (5,2 millions). De même, la malnutrition aiguë persiste également, avec environ 16,7 millions d’enfants de moins de cinq ans affectés dans la région.

Les effets néfastes du changement climatique continuent d’impacter négativement les systèmes alimentaires de la région, notamment avec les fortes perturbations des régimes des précipitations, les pertes de productivité sur certaines cultures et de fécondité de certaines espèces animales, etc.

Par ailleurs, ces crises alimentaires récurrentes sont exacerbées par divers facteurs :

Les violences sécuritaires qui s’intensifient et s’étendent désormais au nord du Togo et du Bénin, engendrant le déplacement de plus de 6,9 millions de personnes et l’arrivée de 1,9 million de réfugiés dans la région, dont 1,1 million au Tchad avec près de 500 000 en provenance du Soudan. La majorité de ces déplacés et réfugiés est confrontée à une crise alimentaire et à un manque d’accès aux services sociaux de base tels que l’eau, la santé et l’éducation.

Les restrictions à la libre circulation des produits agricoles et du bétail transhumant, imposées par 10 des 17 pays de la région, continuent de perturber le commerce intrarégional et d’aggraver les difficultés d’accès aux denrées alimentaires.

Le coût exorbitant d’une alimentation nutritive fait que 85 % de la population de la région ne peut s’en offrir. Malgré la baisse des prix sur les marchés internationaux, l’inflation dans la région demeure préoccupante avec des hausses des prix des céréales allant de 42 à plus de 100 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années ; des tendances exacerbées par de fortes dépréciations des devises locales en Sierra Leone, au Nigeria, au Ghana, en Gambie et au Liberia. Les problèmes d’alimentation augmentent les maladies non transmissibles et les coûts de santé publique, réduisant également la productivité et l’espérance de vie.

Cette note a été produite par le Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE) et le Secrétariat exécutif du CILSS. Elle s’appuie sur les conclusions des réunions annuelle et restreinte du Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA), tenues respectivement les 5-8 décembre 2023 et les 3-5 avril 2024.

Message 2 Le sous-financement persistant des réponses aux crises alimentaires met en péril la réalisation de l’objectif de faim zéro d’ici 2030.

L’insuffisance de ressources financières mobilisées pour une réponse d’urgence plus efficace aux crises alimentaires récurrentes. En 2022, six personnes sur dix en situation de crise alimentaire n’ont pu bénéficier de l’assistance alimentaire requise. De même, l’assistance fournie aux 40 % restants ne représentait que 45 % de la valeur distribuée durant les années précédentes. L’investissement dans la réponse à l’urgence alimentaire a dramatiquement diminué, passant de 198 USD par personne en 2014 à 67 USD en 2021.

L’insuffisance d’investissements structurants et leur faible connexion avec la réponse d’urgence. En 2021, le financement moyen des investissements structurants dans les secteurs agricole et alimentaire était de seulement 4 USD par habitant. Ce financement, déjà insuffisant, a stagné ou même diminué en 2023 dans 9 des 17 pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest dans un contexte où la couverture des programmes de protection sociale demeure limitée.

Le sous-financement des systèmes d’information qui entrave sérieusement la capacité des pays de la région à anticiper les crises, élaborer et mettre en œuvre des stratégies de réponse efficaces, incluant des mesures pour réduire l’inflation et soutenir le pouvoir d’achat.

IMPLICATIONS MAJEURES POUR LA CEDEAO, L’UEMOA, ET LE CILSS

SITUATION ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE :

ESPACE SAHEL ET AFRIQUE DE L’OUEST

35.3 millions de personnes sont en situation de crise ou pire (phases 3-5)

Situation courante : mars - mai 2024

MAURITANIE

NIGER

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Mettre en œuvre des actions concrètes pour répondre immédiatement à la crise alimentaire et nutritionnelle actuelle.

Soutenir la mise en œuvre des plans nationaux de réponse en mobilisant les dispositifs de solidarité régionale, tels que la réserve régionale de sécurité alimentaire de la CEDEAO et le mécanisme financier de l’UEMOA dans le cadre son Comité de haut niveau sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle ;

À PROPOS

Créé en 1984 et placé sous le copilotage politique de la CEDEAO et de l’UEMOA, le RPCA a pour mission de construire une vision consensuelle de la situation alimentaire et nutritionnelle et de promouvoir le dialogue et la coordination au bénéfice de la décision et de l’efficacité des interventions. Il est co-animé par le CILSS et le Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE).

Organiser une concertation de haut niveau pour la recherche de solutions idoines aux entraves récurrentes à la libre circulation des produits agropastoraux et alimentaires, le renforcement de la solidarité régionale sur la question de la transhumance transfrontalière et la mise en place d’un mécanisme de redevabilité en matière de gouvernance institutionnelle et politique. Cela inclut le respect des réglementations et politiques communautaires, et des engagements nationaux, continentaux et internationaux en matière d’éradication de la faim et de la malnutrition.

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Saisir l’opportunité de la révision des politiques agricoles (ECOWAP et PAU) pour mettre en place des mesures et des instruments adéquats, favorisant une prévention plus efficace des crises alimentaires récurrentes.

Renforcer la contribution des politiques agricoles sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle en créant des passerelles entre les programmes agricoles et les initiatives de protection sociale et de résilience, afin de cibler et soutenir plus efficacement les populations vulnérables touchées par la pauvreté et l’insécurité alimentaire chronique ;

Accompagner les États dans la mise en place de mécanismes de financement durable des systèmes d’information sur la sécurité alimentaire pour la production de données probantes. Cela permettrait d’éclairer les décisions politiques en faveur de l’éradication des causes sous-jacentes des hausses persistantes des prix des denrées alimentaires, de renforcer le pouvoir d’achat des citoyens, et plus globalement d’assurer une meilleure gouvernance des systèmes alimentaires. Cela inclut la veille sur les moyens d’existence des populations vulnérables et sur les marchés ;

Lancer une réflexion sur des stratégies innovantes de financement des réponses aux crises alimentaires (interventions d’urgence et structurantes de résilience). Cela inclut le financement souverain pour augmenter les capacités d’intervention des instruments de solidarité (Réserve régionale de sécurité alimentaire de la CEDEAO et mécanisme financier de l’UEMOA), et surtout ceux des fonds de soutien aux programmes structurants agricoles et de sécurité alimentaire (fonds régional pour l’agriculture et l’alimentation – FRAA de la CEDEAO et fonds régional de développement agricole – FRDA de l’UEMOA).

MAURITANIE

49.5 millions de personnes risquent d’être en situation de crise ou pire (phases 3-5)

Situation projetée juin - août 2024

MALI NIGER

BURKINA FASO BÉNIN

SIERRA LEONE CÔTE D’IVOIRE

CABO VERDE

TCHAD

NIGÉRIA

Phases d’insécurité alimentaire

Phase 1 : Minimale Phase 2 Sous pression

Zones à accès limité / inaccessibles Non analysé

Phase 3 Crise

Lac Tchad

Phase 4 : Urgence Phase 5 Famine

Source : Analyses du Cadre harmonisé, concertation régionale, Lomé, Togo, mars 2024 © 2024. Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA), cartes réalisées par AGRHYMET/CILSS

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